Réf. : Cass. civ. 1, 23 septembre 2015, n° 14-23.724, F-P+B (N° Lexbase : A8224NPB)
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N9223BU7
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Le 02 Octobre 2015
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Réf. : Cass. civ. 1, 23 septembre 2015, n° 14-16.425, F-P+B (N° Lexbase : A8405NPY)
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N9224BU8
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Le 01 Octobre 2015
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N9149BUE
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par Marjorie Brusorio-Aillaud, Maître de conférences à l'Université du Sud Toulon-Var
Le 01 Octobre 2015
Lors d'un divorce, un des époux peut demander à l'autre des dommages et intérêts. Deux fondements peuvent être invoqués : l'article 1382 du Code civil (N° Lexbase : L1488ABQ), ouvert à tous les époux, et l'article 266 du Code civil (N° Lexbase : L2833DZX), limité à certains conjoints.
Droit commun de la responsabilité civile délictuelle, l'article 1382 du Code civil, selon lequel "tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer", est applicable au divorce. Dès lors qu'il parvient à démontrer que son conjoint a commis une faute avant la dissolution du mariage, que lui-même a subi dommage, et qu'il existe un lien de causalité entre ce dommage et cette faute, un époux peut demander des dommages et intérêts à l'autre sur ce fondement. Ce n'est pas la faute qui doit être différente de celle ayant entraîné la dissolution du mariage, mais le préjudice qui doit être distinct de celui résultant de la dissolution (1).
Put, par exemple, obtenir des dommages et intérêts, sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, l'épouse qui a démontré les conditions, particulièrement injurieuses, ayant entouré la rupture du lien matrimonial et issues de la liaison adultère publiquement affichée par son mari, ainsi que les coups et blessures qu'il lui avait portés (2). Put également obtenir 5 000 euros, en invoquant ce texte, le mari qui a découvert que son épouse l'avait trompé et que l'enfant qu'il pensait être le sien était en réalité celui d'un autre (3), ainsi que l'épouse dont le conjoint avait commis de nombreux viols sur l'enfant commun du couple (4).
L'article 266 du Code civil permet la réparation des conséquences d'une particulière gravité résultant du divorce. Bien que les conséquences financières de la séparation soient dissociées de l'attribution des torts, il existe une action en dommages et intérêts spécifique en faveur du conjoint "victime". Le défendeur, dans un divorce pour altération définitive du lien conjugal, et le conjoint innocent, dans le cadre d'un divorce pour faute, peuvent demander des dommages et intérêts, sur le fondement de l'article 266 du Code civil, afin de réparer les conséquences d'une particulière gravité qu'ils subissent du fait de la dissolution du mariage. Ces conséquences peuvent être morales et/ou matérielles et doivent excéder celles affectant habituellement toute personne se trouvant dans la même situation (5).
Dans une affaire où une épouse avait quitté le domicile conjugal et laissé à son conjoint l'essentiel de la charge éducative et matérielle des enfants communs, la Cour de cassation a cassé l'arrêt d'appel qui avait condamné celle-ci à verser des dommages et intérêts, sur le fondement de l'article 266 du Code civil, sans rechercher en quoi le préjudice indemnisé résultait de la dissolution du mariage (6). De même, il a été jugé que le seul fait de quitter son épouse après trente-neuf ans de mariage, dans des conditions difficiles, ne suffisait pas à caractériser les conséquences d'une particulière gravité exigées par cet article (7). En revanche, il a été admis que la dissolution du mariage causait à l'époux un préjudice d'une particulière gravité, qu'il convenait de réparer par l'allocation d'une somme de 2 000 euros de dommages-intérêts sur le fondement de l'article 266 du Code civil, dans une affaire où l'épouse avait quitté le domicile conjugal "avec tergiversations" et où l'époux assumait la charge quotidienne, depuis plusieurs années, des deux jeunes enfants du couple, dont l'un présentait des troubles de la personnalité, ce qui l'avait obligé à faire des choix professionnels au détriment de sa carrière (8).
Alors que l'article 266 du Code civil vise à réparer les conséquences résultant de la dissolution, dans deux hypothèses particulières, l'article 1382 du même code permet de réparer les fautes distinctes de la dissolution, quelle que soit la situation de l'époux dans le divorce. Les dommages et intérêts versés sur le fondement du premier de ces textes sont indépendants de ceux visés par le second.
Dans l'arrêt rendu le 9 juillet 2015, la cour d'appel de Toulouse a accordé 3 000 euros à titre de dommages et intérêts à une épouse, sur le fondement de l'article 266 du Code civil. Les magistrats ont retenu que le couple s'était marié en 1979 et avait eu 3 enfants. L'épouse, sage-femme de profession, avait régulièrement suivi son conjoint à l'étranger, pendant 31 ans de vie commune, ce qui a compliqué la poursuite sa carrière, et s'était largement occupée des enfants. Lors de la séparation, elle vivait encore à l'étranger et bénéficiait, en sa qualité d'épouse d'expatrié, d'un statut social et de nombreux avantages. Du fait du divorce, elle s'est retrouvée, à 58 ans, seule et isolée. Des certificats médicaux, établis en 2010 et 2013, faisaient état d'un traitement prescrit à l'épouse pour un syndrome anxio-dépressif. La cour d'appel a rappelé que l'octroi de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 266 du Code civil n'avait pas pour objet d'indemniser le préjudice résultant des circonstances de la rupture, mais le préjudice résultant de la rupture du mariage, qui doit être d'une particulière gravité. Elle a conclu, qu'en l'espèce, l'épouse avait subi des conséquences d'une particulière gravité du fait de la dissolution du mariage, donnant lieu à réparation sur le fondement de ce texte.
Vérifier si la dissolution du mariage entraîne des conséquences d'une particulière gravité pour l'un des époux relève de l'appréciation souveraine des juges du fond. Ceux-ci ont souverainement estimé, en l'espèce, que le fait pour l'épouse d'avoir suivi son époux à l'étranger, pendant 31 ans, d'avoir mis sa carrière entre parenthèses et, du fait du divorce, de ne plus bénéficier du statut social et des avantages de la qualité d'épouse d'expatrié avaient entraîné un état d'isolement et de solitude et un syndrome anxio-dépressif, ce qui pouvait être qualifié, au sens de l'article 266 du Code civil, de conséquences d'une particulière gravité. La décision est ainsi parfaitement logique.
Son intérêt est surtout d'illustrer la volonté du législateur de permettre à l'époux "innocent", dans un divorce pour faute, d'avoir la qualité de "divorcé" et de "victime". En effet, en l'espèce, l'épouse a également obtenu une prestation compensatoire fixée sous forme de rente mensuelle viagère d'un montant de 2 000 euros jusqu'en juin 2019 et de 900 euros à compter de juillet 2019. Les dommages et intérêts, d'un montant de 3 000 euros, ont alors une valeur plutôt symbolique... L'important est que l'épouse, en l'espèce, ait la qualité de divorcée et... de victime !
II - La "juste appréciation" de la faute (CA Douai, 2 juillet 2015, n° 14/01302 N° Lexbase : A4505NMS ; cf. l’Ouvrage "Droit du divorce" N° Lexbase : E7511ETD)
Selon l'article 242 du Code civil (N° Lexbase : L2795DZK), "le divorce peut être demandé par l'un des époux lorsque des faits constitutifs d'une violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage sont imputables à son conjoint et rendent intolérable le maintien de la vie commune". Les devoirs et obligations du mariage dont le non-respect peut constituer une faute ne sont pas limités à ceux expressément prévus par les articles 212 (N° Lexbase : L1362HIB) et suivants du Code civil. Les juges apprécient cette notion largement et considèrent que les époux doivent agir conformément à leur intérêt commun et à l'intérêt des enfants. En pratique, la faute le plus souvent invoquée est l'adultère. Avant 1975, l'infidélité était une cause péremptoire de divorce. Dès lors qu'elle était démontrée, le juge était obligé de prononcer le divorce, sans pouvoir d'appréciation. Depuis cette date, l'adultère est, comme l'abandon du domicile conjugal, le non-respect de l'obligation d'assistance ou les violences, physiques ou morales, une cause possible de divorce. Les juges doivent, conformément à l'article 242 du Code civil, vérifier que le fait reproché remplit trois conditions :
- être constitutif d'une violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage (9) ;
- être imputable au conjoint défendeur (10) ;
- et rendre intolérable le maintien de la vie commune (11).
S'ils sont généralement antérieurs à l'introduction de la demande en divorce, les faits reprochés peuvent aussi être postérieurs. Selon la Cour de cassation, "l'introduction de la demande en divorce ne confère pas aux époux encore dans les liens du mariage une immunité destituant de leurs effets normaux les offenses dont ils peuvent se rendre coupables l'un envers l'autre" (12). Il est ainsi possible d'invoquer, à l'appui d'une demande en divorce pour faute, des faits postérieurs à l'ordonnance de non-conciliation.
En principe, par exemple, l'obligation de fidélité est maintenue pendant la procédure. L'adultère de l'époux peut être retenu même s'il intervient plus d'un an après la constatation de l'adultère de l'épouse et la séparation du couple (13). Il a ainsi été jugé fautif a entraîné un divorce aux torts partagés, alors qu'il était intervenu neuf années après que l'épouse eût quitté le domicile conjugal, sans raison, et neuf mois après qu'une ordonnance de non-conciliation eût été rendue (14). Néanmoins, les juges retiennent parfois que "le devoir de fidélité est moins contraignant du fait de la longueur de la procédure", le constat d'adultère ayant été établi, en l'espèce, plus de deux années après l'ordonnance ayant autorisé les époux à résider séparément (15) ; ou que la relation adultérine était bien postérieure à l'ordonnance de non conciliation, ce qui lui ôtait le caractère de gravité qu'elle aurait pu revêtir avant cette ordonnance (16). La première chambre civile de la Cour de cassation a également approuvé les juges du fond qui avaient estimé que l'adultère du mari, au moins trois mois après que la séparation de fait du couple ait été décidée unilatéralement par l'épouse, sans motifs légitimes, n'était pas constitutif d'une faute au sens de l'article 242 du Code civil (17).
Dans un arrêt rendu le 2 juillet 2015, la cour d'appel de Douai a confirmé cette position de la jurisprudence et a rappelé que, s'il perdure jusqu'au prononcé du divorce, le devoir de fidélité est sensiblement et nécessairement moins contraignant du fait de la longueur de la procédure.
En l'espèce, le couple s'était marié en 1989 et avait eu un enfant. L'épouse avait demandé un divorce sur le fondement de l'article 237 du Code civil (N° Lexbase : L2793DZH). En janvier 2014, un JAF avait prononcé le divorce sur ce fondement et condamné l'époux à verser à l'épouse une prestation compensatoire en capital d'un montant de 140 000 euros. L'époux avait formé appel de ce jugement et demandé que le divorce soit prononcé aux torts exclusifs de l'épouse. Il faisait valoir, notamment, que sa femme avait témoigné d'infidélité à son endroit, puisqu'elle l'a quitté pour aller vivre avec son amant.
Selon l'article 246 du Code civil (N° Lexbase : L2799DZP), "si une demande pour altération définitive du lien conjugal et une demande pour faute sont concurremment présentées, le juge examine en premier lieu la demande pour faute. S'il rejette celle-ci, le juge statue sur la demande en divorce pour altération définitive du lien conjugal". Le juge apprécie souverainement la gravité de la faute et si les faits sont bien constitutifs d'une violation grave ou renouvelée des devoirs ou obligations du mariage imputable au conjoint rendant intolérable le maintien de la vie commune.
En l'espèce, il a été retenu que lors de l'audience de non-conciliation, les époux cohabitaient de sorte qu'à l'époque aucun abandon du domicile conjugal ne pouvait être reproché à l'épouse. Certes, ensuite, l'épouse était allée vivre avec un tiers. Cependant, les juges retiennent régulièrement que si le devoir de fidélité perdure jusqu'au prononcé du divorce, ce devoir est cependant sensiblement et nécessairement moins contraignant du fait de la longueur de la procédure. Ainsi l'adultère commis postérieurement à l'ordonnance de non-conciliation ne peut être considéré comme fautif dès lors qu'il n'est pas à l'origine de la rupture du lien conjugal.
Le mari a été débouté de sa demande en divorce pour faute.
Et cette position est logique. Tant que le divorce n'est pas définitif, les époux sont tenus des obligations du mariage. Cependant, lorsqu'il est commis au cours de la procédure, l'adultère n'est pas à l'origine de la rupture du lien conjugal. L'époux infidèle n'a pas respecté l'article 212 du Code civil mais l'adultère ne remplit pas la condition de l'article 242 du Code civil.
Même si, comme en l'espèce, l'épouse vit en concubinage avant que le divorce ne soit prononcé, ce n'est pas ce comportement qui a rendu intolérable le maintien de la vie commune puisque, depuis quelques temps déjà, il n'y avait plus "vraiment" de vie commune.
Si les époux cohabitaient lors de l'audience de non conciliation, les juges ont relevé, qu'à la date de l'assignation en divorce, ceux-ci étaient séparés depuis plus de deux ans. Le divorce pouvait donc être prononcé pour altération du lien conjugal, conformément aux articles 237 et 238 du Code civil.
"Moralité", ou plutôt conclusion : les époux infidèles doivent attendre l'ordonnance de non-conciliation pour partir vivre avec leur amant... ils ne se verront reprocher ni leur adultère, ni l'abandon du domicile conjugal !
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Le 01 Octobre 2015
Dans le cadre de cette conférence, les intervenants aborderont sous forme d'un débat animé les différents points suivants :
- Distribution équitable des biens ("equitable distribution") et valorisation des sociétés : une atteinte possible aux droits des associés ?
- Contrats de mariage et prenuptial agreement : une véritable protection ?
- Organisation du patrimoine au travers d'un trust américain : efficacité lors de la liquidation du régime matrimonial et du divorce ?
Les intervenants aborderont ces questions, ainsi que les divergences entre les systèmes américains et français.
Maître Gretchen Beall Schumann, associée du cabinet new-yorkais Cohen Rabin Stine Schumann LLP (qui interviendra en anglais)
Maître Delphine Eskenazi, associée du cabinet Libra Avocats à Paris
Hélène Peisse, diplômée notaire
Conférence précédée d'un accueil - petit déjeuner
Accueil/Petit déjeuner : 8h30 - 9h
Conférence/Questions : 9h - 10h30
Lieu : Maison du Barreau, Salle Gaston Monnerville, 2-4 rue de Harlay, 75001 Paris
2 heures validées au titre de la formation continue obligatoire des avocats.
http://www.faba-law.org/-prochains-v-nements
infoparis@faba-law.com.
A propos de Gretchen Beall Schumann :
Gretchen Beall Schumann est associée du cabinet new-yorkais Cohen Rabin Stine Schumann LLP. Membre du barreau de New York et de New Jersey, elle est spécialisée en droit de la famille. Gretchen Schuman Beall représente ainsi régulièrement des clients dans des procédures à New York en droit de la famille. Elle est membre de nombreuses associations et a écrit de nombreux articles en droit de la famille, notamment pour le New York Law Journal.
A propos de Delphine Eskenazi :
Delphine Eskenazi est avocate aux barreaux de Paris et de New York. Elle est associée du cabinet Libra Avocats à Paris. Elle a développé une expertise particulière en matière de droit international de la famille. A ce titre, elle est membre de nombreuses associations, notamment la "International Academy of Lawyers". Elle a également écrit de nombreux articles en droit international et patrimonial de la famille.
A propos d'Hélène Peisse :
Hélène Peisse est diplômée notaire. Titulaire d'un master de droit notarial et d'un diplôme de droit comparé de l'Université de Paris II Panthéon-Assas, elle a travaillé à Londres, Paris et San Francisco. Hélène Peisse est spécialisée dans les dossiers ayant une dimension internationale et notamment anglo-américaine. Elle a notamment écrit un livre sur "Les Trusts Américains et la Pratique Notariale Française" paru aux Editions Defrénois.
A propos de la French-American Bar Association
Fondée à New York en 2007 par cinq avocats français inscrits aux barreaux de New York et de Paris dont Maître Céline Bondard, Présidente de la FABA en France, la FABA est une association à but non lucratif destinée à favoriser et développer les relations entre professionnels du droit français et américains, qu'ils soient juristes ou avocats.
Très active depuis sa création à New York, la FABA a continué son expansion avec l'ouverture de la French-American Bar Association France en juin 2011. La FABA France a depuis organisé de nombreux évènements, conférences, networking, formations continues, afin de faire profiter ses membres actuels d'un réseau cross-border en pleine croissance.
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Réf. : Cass. civ. 1, 23 septembre 2015, n° 14-21.525, F-P+B+I (N° Lexbase : A6767NPC)
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N9140BU3
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Le 01 Octobre 2015
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N9219BUY
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par Adeline Gouttenoire, Professeur à la Faculté de droit de Bordeaux, Directrice de l'Institut des Mineurs de Bordeaux et Directrice du CERFAP, Directrice scientifique des Encyclopédies de droit de la famille
Le 01 Octobre 2015
I - Le mariage entre allié sauvé par l'écoulement du temps
La Cour de cassation a suscité une vive émotion dans le milieu juridique en refusant, dans un arrêt du 4 décembre 2013 (3), d'annuler le mariage conclu entre un beau-père et sa bru, tous deux étant divorcés de leur conjoint respectif, au motif que cette union, célébrée sans opposition, avait duré plus de vingt ans et que sa remise en cause constituerait une violation du droit au respect de la vie privée et familiale de l'épouse survivante. Cette solution paraît en effet contredire l'article 161 du Code civil (N° Lexbase : L8846G9I) qui interdit le mariage entre alliés en ligne directe et n'admet de dispense, délivrée par le Président de la République, qu'en cas de décès de la personne qui a créé l'alliance. Le pourvoi avait affirmé que ce texte portait atteinte à la substance même du droit au mariage garanti par l'article 12 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme (N° Lexbase : L4745AQS) ; la Cour européenne avait d'ailleurs, dans l'arrêt "B. L. c/ Royaume-Uni" du 13 septembre 2005 (4) qualifié d'atteinte excessive au droit au mariage l'empêchement à mariage existant en Angleterre entre un beau-père et sa belle-fille, tous deux divorcés, ce qui avait conduit les autorités à refuser de célébrer leur union. Toutefois, la Cour de cassation, dans l'arrêt du 4 décembre 2013, ne se place pas sur le terrain de l'affrontement direct entre le texte interne et la Convention européenne. Au fondement de l'article 12, elle préfère celui de l'article 8 de la Convention (N° Lexbase : L4798AQR), qu'elle soulève d'ailleurs d'office, refusant ainsi de consacrer en droit français la solution européenne contenue dans l'arrêt "B. L. c/ Royaume-Uni". La Cour de cassation n'affirme pas que l'empêchement à mariage entre alliés constitue en lui-même une violation du droit au mariage et n'écarte pas la disposition de droit interne au nom de l'article 12 de la CESDH. Elle préfère prendre un chemin de traverse en affirmant qu'en remettant en cause une relation effective, reconnue depuis vingt ans et jamais contestée jusqu'alors, la nullité du mariage porterait une atteinte injustifiée, et donc excessive, à la vie privée et familiale de l'épouse. Ainsi, l'arrêt procède à une sorte d'effacement de la cause de nullité originelle par l'écoulement du temps et semble considérer qu'en restant inactif alors qu'il ne pouvait ignorer le mariage, et ce pendant de très nombreuses années, le fils du mari avait en quelque sorte tacitement renoncé à demander la nullité. La Cour de cassation remet ainsi en cause la prescription trentenaire dans laquelle est, en principe, enfermée la nullité absolue du mariage. En limitant le maintien du mariage incestueux aux hypothèses dans lesquelles le mariage a duré de nombreuses années sans être contesté par ceux-là mêmes qui avaient qualité pour le faire, l'analyse de la Cour de cassation permet de préserver une situation acquise par l'écoulement du temps sans pour autant affirmer que l'empêchement à mariage de l'article 161 du Code civil (N° Lexbase : L8846G9I) est, en lui-même, inconventionnel. Ce faisant la Cour de cassation parvient à trouver un certain équilibre entre la protection de l'ordre public matrimonial et le respect des droits fondamentaux. Elle permet, en outre, d'éviter à la France une condamnation européenne sans pour autant adhérer au raisonnement de cette dernière qui devrait aboutir à écarter l'article 161 du Code civil au nom du droit au mariage.
II - Le contournement des règles françaises relatives à la PMA
C'est, cette fois, en dehors de toute pression des droits fondamentaux que la Cour de cassation a affirmé, dans un avis du 22 septembre 2014, que "le recours à l'assistance médicale à la procréation, sous la forme d'une insémination artificielle avec donneur anonyme à l'étranger, ne fait pas obstacle au prononcé de l'adoption, par l'épouse de la mère, de l'enfant né de cette procréation, dès lors que les conditions légales de l'adoption sont réunies et qu'elle est conforme à l'intérêt de l'enfant" (5). Par cette formule, la Cour de cassation affirme clairement que les conditions de conception de l'enfant, quoique contraires aux règles de droit française relatives à l'assistance médicale à la procréation, sont indifférentes et ne sauraient empêcher l'établissement en France de sa filiation adoptive. La solution est à rapprocher de l'arrêt du 8 juillet 2010 dans lequel la Cour de cassation avait affirmé que "le refus d'exequatur fondé sur la contrariété à l'ordre public international français de la décision étrangère suppose que celle-ci comporte des dispositions qui heurtent des principes essentiels du droit français ; qu'il n'en est pas ainsi de la décision qui partage l'autorité parentale entre la mère et l'adoptante d'un enfant" (6). Ainsi, aux yeux de la Cour de cassation, certaines dispositions du droit français -soigneusement sélectionnées par elle...- n'ont pas une importance telle que leur contournement par des dispositions étrangères favorables constituerait une atteinte à l'ordre public. L'avis du 22 septembre 2014 permet de penser qu'il en va ainsi des conditions de l'accès à la PMA prescrites par l'article L. 2141-2 du Code de la santé publique (N° Lexbase : L7144IQN), contrairement à ce que la Cour de cassation avait décidé en 2011 pour les enfants nés de convention de gestation pour autrui à l'étranger (7). En affirmant clairement que les conditions de la conception de l'enfant qui fait l'objet d'une demande d'adoption par la femme de sa mère doivent être indifférentes, la Cour de cassation assure aux couples de femmes qui ont conçu ensemble un projet parental passant par le recours au mariage, à la PMA et enfin à l'adoption de l'enfant par le conjoint, une certaine sécurité juridique que la loi à elle seule ne leur garantissait pas, interprétée qu'elle pouvait être par certains juges réfractaires à la constitution d'une famille homosexuelle par la voie de l'adoption. L'avis de la Cour de cassation rend peu probable une résistance des juges du fond. Il n'en demeure pas moins qu'une évolution de la législation française dans le sens d'un accès à la PMA pour les couples de femmes serait plus logique (8). Elle permettrait, en outre, d'assurer l'égalité dans l'accès à l'assistance médicale à la procréation sans privilégier les femmes qui ont les moyens de recourir à une insémination à l'étranger.
III - L'invention d'une action tendant à la reconnaissance d'une ascendance génétique par voie d'expertise
La créativité du juge en droit de la famille atteint sans aucun doute son paroxysme dans l'arrêt du 13 novembre 2014 (9) dans lequel la Cour de cassation invente, ni plus ni moins, une action nouvelle, totalement absente du droit légiféré. Selon ses propres termes, la Haute juridiction reconnaît l'existence d'une "action tendant la reconnaissance d'une ascendance génétique par voie d'expertise" qui permettrait à une personne de solliciter une expertise génétique sur le corps de son parent supposé, en dehors de toute action relative à sa filiation, pour connaître ses origines. Pour créer "cette action en dehors de la loi, et dans une certaine mesure, contre la loi" (10, la Cour de cassation se fonde sur l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, et plus particulièrement, même si elle ne le précise pas, sur le droit à l'identité qui en découle selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme (11). La Haute juridiction française comble sans aucun doute un besoin de notre droit et contribue incontestablement à mettre la France à l'abri d'une condamnation européenne. Toutefois on ne peut s'empêcher de remarquer qu'on aboutit à l'existence d'une action qui contredit plusieurs textes en vigueur ; en effet, selon l'article 16-11 du Code civil (N° Lexbase : L7477IPM), l'identification par expertise génétique ne peut avoir lieu que dans le cadre d'une action relative à la filiation et la personne concernée par l'expertise doit donner, de son vivant, son consentement à une expertise post mortem, règles restrictives qui ont cependant été validées par le Conseil constitutionnel (12). Comme le fait remarquer un auteur, "en créant une nouvelle action, la Cour de cassation évite d'entrer dans la délicate question de l'articulation des normes constitutionnelles et conventionnelles" (13).
Par ailleurs, la Cour de cassation n'hésite pas à préciser le régime de cette action prétorienne en affirmant, au fondement des articles 14 (N° Lexbase : L1131H4N) et 125 (N° Lexbase : L1421H4E) du Code de procédure civile, que "la recevabilité d'une action tendant à la reconnaissance d'une ascendance génétique par voie d'expertise, lorsque celle-ci nécessite une exhumation, est subordonnée à la mise en cause des ayants droit du défunt ; qu'en matière d'état des personnes, les fins de non-recevoir ont un caractère d'ordre public" ; la Cour soumet ainsi cette action nouvelle au droit commun des actions d'état. Cette inventivité de la Cour de cassation n'est pas sans rappeler sa jurisprudence des années 80 par laquelle elle avait créé, en se fondant sur une interprétation a contrario de certaines dispositions du Code civil, des actions en contestation de filiation totalement absente de l'esprit même des textes (14)...
IV - La reconnaissance de la filiation de l'enfant né d'une GPA à l'étranger en réponse à la condamnation européenne
Les arrêts rendus le 3 juillet 2015 en Assemblée plénière (15) par lesquels la Cour de cassation revient sur son refus de reconnaître la filiation d'un enfant né d'une convention de gestation pour autrui, sont évidemment la conséquence directe de la condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l'Homme dans les affaires "Mennesson" et "Labassée" (16). Toutefois, la Cour de cassation n'a pas procédé à une confrontation directe entre le texte interne, l'article 16-11 du Code civil, et les exigences européennes ; elle a préféré ouvrir une voie parallèle pour aboutir à la reconnaissance de la filiation, au moins paternelle, de l'enfant né à l'étranger d'une convention de gestation pour autrui, en utilisant une disposition technique. La Cour de cassation se fonde en effet sur l'article 47 du Code civil (N° Lexbase : L1215HWW) interprété à la lumière de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'Homme. Pour motiver son revirement, la Cour de cassation se réfugie dans une analyse formelle de l'acte étranger dont la transcription était sollicitée sur le fondement de l'article 47 du Code civil. L'existence d'un lien biologique entre l'enfant et ses parents déclarés explique l'influence de la condamnation de la France par la Cour européenne. C'est, en effet, bien parce que la condamnation européenne portait précisément sur l'absence de reconnaissance d'une filiation correspondant à la réalité biologique que la Cour de cassation ne pouvait plus refuser cette reconnaissance dans l'hypothèse des arrêts de 2015, dans laquelle les parents indiqués dans l'acte de naissance à transcrire étaient les parents génétiques de l'enfant.
La Cour de cassation a fait ce qu'il était nécessaire, mais pas davantage, pour protéger la France d'une nouvelle condamnation européenne. En effet, si l'Assemblée plénière de la Cour de cassation, opérant ce qui est clairement un revirement de jurisprudence, affirme que la convention de gestation pour autrui ne fait pas obstacle à la transcription de l'acte de naissance dès lors que les faits correspondent à la réalité, elle laisse sans solution nombre de situations consécutives au recours à la gestion pour autrui à l'étranger, lorsque la filiation de l'enfant doit être établie à l'égard de parents d'intention.
Même si elle ne vise pas l'article 16-7 du Code civil aux termes duquel "toute convention portant sur la procréation ou la gestation pour le compte d'autrui est nulle", la Cour de cassation en limite, par ce revirement, les effets et admet que cette convention conclue à l'étranger n'empêche pas la reconnaissance des liens de filiation qui en découlent. Cette évolution jurisprudentielle peut ainsi être lue comme une solution contra legem, en opposition avec l'article 16-7 du Code civil (N° Lexbase : L1695ABE), sauf à considérer qu'il s'agit seulement d'apporter une exception à ce texte lorsque la convention de gestation pour autrui a été exécutée à l'étranger. On peut alors considérer qu'il s'agit d'une construction prétorienne, à côté de la loi, qui permet de contourner celle-ci sans la remettre formellement en cause.
Les attendus des arrêts de 2015 doivent être rapprochés des avis du 22 septembre 2014 (17) dans lesquels la Cour de cassation a affirmé que le recours à l'assistance médicale à la procréation à l'étranger dans des conditions différentes de celles exigées par la loi française ne fait pas obstacle à l'adoption par l'épouse de la mère de l'enfant né de cette procréation. Ainsi, les conditions de la conception médicalement assistée de l'enfant, PMA ou GPA, sont désormais, en elles-mêmes, indifférentes à la reconnaissance de sa filiation, et ce même si ces conditions ne respectent pas les dispositions du droit français.
Il apparaît, là encore, qu'une intervention législative s'impose pour consacrer et préciser la reconnaissance en France des effets des filiations établies légalement à l'étranger, fût-ce par le recours à une convention de mère porteuse, sans pour autant aller trop loin et revenir sur la prohibition de la gestation pour autrui conforme aux principes fondateurs de notre droit.
Conclusion. Pour éviter d'affronter de front des règles de droit internes, parfois validées par le Conseil constitutionnel et dont les effets sont incompatibles avec les exigences de la Cour européenne des droits de l'Homme, la Cour de cassation ouvre des voies détournées, aboutissant ainsi à la création d'une sorte de monde parallèle, en marge des textes. Il ne s'agit pas, en effet, seulement de réponses ponctuelles sur des questions secondaires mais de véritables solutions générales sur des points importants à propos desquels la Cour de cassation apporte non seulement une solution mais dont elle précise également parfois le régime.
Même si la méthode, qui s'assimile quelque peu à une voie de fait, est contestable, on ne peut nier que cette attitude jurisprudentielle audacieuse correspond à un véritable besoin. La Cour de cassation remplit en effet les obligations positives qu'implique, selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme, l'article 8, et notamment celle de reconnaître la filiation, et plus largement les éléments de l'identité de l'enfant. Il n'est d'ailleurs pas neutre que les décisions concernent surtout des questions liées à l'identité, que le législateur contemporain trop timoré hésite à résoudre. Car on ne peut s'empêcher de voir dans ces constructions prétoriennes autant d'appels au législateur qui semble avoir perdu tout courage depuis la promotion difficile du mariage pour tous. Or, une intervention de la loi garantirait une meilleure sécurité juridique, mettant le justiciable à l'abri d'un nouveau revirement de jurisprudence.
En attendant, le droit de la famille est pour une part non négligeable, à la fois composé de règles écrites et de règles non écrites qui ne se sont pas rattachées aux premières, voire leur sont opposées alors qu'elles ont le même objet. On en arrive alors au constat paradoxal d'un droit de la famille conforme aux exigences du droit supra-national mais dont certaines solutions jurisprudentielles sont en contradiction avec les principes légaux. Ces paradoxes, voire ces contradictions ne risquent-ils pas, à terme, de déséquilibrer le droit de la famille et d'en menacer la cohérence d'ensemble ?
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par Anne-Lise Lonné-Clément, Rédactrice en chef de Lexbase Hebdo - édition privée
Le 01 Octobre 2015
Force est de constater que la rédaction de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014, dite "ALUR" (N° Lexbase : L8342IZY), n'est pas toujours satisfaisante au regard de l'objectif de valeur constitutionnelle de l'accessibilité à la loi et de son intelligibilité. Si la clarté des textes est en effet une exigence constitutionnelle, la loi "ALUR" n'atteint pas cet objectif à deux égards, politiquement, d'une part, et juridiquement, d'autre part.
1.1. Une loi imparfaite politiquement
La loi "ALUR" apparaît comme le reflet de contingences politiques. L'objectif du texte était de satisfaire les exigences d'un parti, de la majorité gouvernementale et parlementaire. Une idéologie très marquée impacte cette loi, en particulier en matière de baux d'habitation. Cette idéologie varie malheureusement à raison des changements de rapports politiques. L'illustration en est que, dès le lendemain du départ gouvernemental de Madame Duflot, ont été annoncés des changements importants concernant les baux d'habitation, avec, d'une part, l'abandon de certaines dispositions et, d'autre part, des correctifs résultant de l'influence de la pratique.
- Les changements de cap
La loi "ALUR" a modifié la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, relative aux baux d'habitation (N° Lexbase : L8461AGH), en portant deux mesures phares, à savoir l'encadrement des loyers, d'une part, et la garantie universelle des loyers, d'autre part.
S'agissant de l'encadrement des loyers, des observatoires locaux des loyers sont mis en place afin de constituer une source d'informations au préfet qui fixe un "loyer de référence". Les loyers ne peuvent alors excéder le loyer de référence, majoré de 20 %, ce qui crée un plafond fixé administrativement. Alors qu'à l'origine, ce dispositif devait toucher près de 1 150 communes (déterminées par rapport au champ d'application de la taxe sur les logements vacants), il ne s'appliquera finalement qu'à Paris, depuis le 1er août 2015, et peut-être à Lille. L'on constate ainsi un abandon s'agissant de l'ambition géographique de l'application de cette mesure.
Concernant la garantie universelle des loyers, introduite dans un nouvel article 24-2 de la loi du 6 juillet 1989 (texte très complexe tant dans les modalités de sa mise en oeuvre que dans son fonctionnement puisqu'elle suppose la création d'un nouvel établissement public), le Premier ministre a finalement annoncé que ce dispositif n'entrerait jamais en vigueur. En effet, alors qu'il devait entrer en vigueur au 1er janvier 2016, aucun décret d'application n'a été pris, et l'établissement public n'a pas été créé.
Ce changement politique dans la majorité a ainsi directement contribué à remettre en cause deux mesures emblématiques qui avaient été portées par la ministre du Logement.
- Les correctifs résultant de l'influence de la pratique
En matière de vente immobilière, l'adoption de la loi "ALUR" a provoqué un blocage des ventes en raison de l'alourdissement des formalités mises à la charge des notaires pour la signature de l'acte authentique (augmentation très forte du nombre de documents à annexer à la promesse de vente, cf. CCH, art. L. 721-1 N° Lexbase : L8842IZI et L. 721-2 N° Lexbase : L8656KGP). Ce formalisme pouvait engendrer un décalage dans la mise en oeuvre du délai de rétractation de sept jours, dit "SRU", dont bénéficie l'acquéreur non professionnel, puisqu'en cas de défaut d'annexion d'un seul document, le délai ne peut commencer à courir. Or, tant que ce délai n'est pas purgé avec certitude, l'acte authentique ne peut pas être valablement conclu.
La loi n° 2014-1545 du 20 décembre 2014, relative à la simplification de la vie des entreprises (N° Lexbase : L0720I7S), a apporté un premier correctif en supprimant la référence à la "surface habitable".
C'est ensuite l'ordonnance n° 2015-1075 du 27 août 2015, relative à la simplification des modalités d'information des acquéreurs prévues aux articles L. 721-2 et L. 721-3 du Code de la construction et de l'habitation (N° Lexbase : L8790KGN), qui est venue apporter les correctifs nécessaires à la simplification des transactions immobilières. Il ressort de cette ordonnance que :
- les éléments d'information et documents requis ne doivent plus être obligatoirement annexés à la promesse de vente mais peuvent être remis à l'acquéreur en amont de la signature de la promesse -on peut toutefois douter de l'efficacité de cette mesure...- ;
- les informations financières de la copropriété sont désormais ciblées sur les seuls éléments utiles pour l'acquéreur ;
- l'établissement des éléments nécessaires à cette information est simplifié ;
- l'information à transmettre est adaptée en fonction de la situation de l'acquéreur ou du bien (par exemple, suppression de l'obligation d'annexer le règlement de copropriété si l'acheteur est déjà copropriétaire).
Une autre disposition de la loi "ALUR" tendant à freiner les transactions immobilières résidait dans le contrôle à opérer par les notaires du casier judiciaire de l'acquéreur. Cette mesure a été instaurée afin de vérifier que le futur acquéreur n'a pas été condamné pour mise en location de logement indigne ou insalubre et crée une nouvelle peine complémentaire d'interdiction d'acheter, qui aboutit à bloquer la vente, sauf si l'acquéreur déclare acheter pour son usage personnel. Là encore, l'entrée en vigueur a été reportée au 1er janvier 2016 par la loi du 20 décembre 2014, mais l'on demeure toujours dans l'attente de la publication de décrets d'application.
Enfin, à noter que la loi "Hamon" n° 2014-344 du 17 mars 2014 (N° Lexbase : L7504IZX) crée un nouveau délai de rétractation de 14 jours pour toute une catégorie de contrats conclus hors l'établissement du vendeur, dans le cadre d'une relation entre professionnel et consommateur, ce qui peut parfaitement inclure un contrat d'achat d'un immeuble à usage d'habitation. Une difficulté s'est posée à raison de l'absence de précision du point de départ de ce délai de rétractation. La loi du 20 décembre 2014 a corrigé certaines imperfections rédactionnelles en précisant, notamment, que la date du contrat fait partir le délai de rétractation. Mais surtout, la loi "Macron" du 6 août 2015 (loi n° 2015-990 N° Lexbase : L4876KEC) a finalement exclu, du champ d'application de ce délai de rétractation, les contrats réalisant une acquisition ou un transfert de droits sur un bien immobilier... En contrepartie, la loi "Macron" a allongé les délais de rétraction/réflexion protégeant l'acquéreur immobilier (délais dits "SRU"), en les faisant passer de sept à dix jours.
1.2. Une loi imparfaite juridiquement
Même si l'objectif du texte n'est pas remis en cause du point de vue politique, bon nombre de dispositions méritaient d'être clarifiées, notamment en matière de baux d'habitation. L'on peut distinguer des "coquilles", des effets secondaires non souhaités, ou encore des erreurs plus fondamentales revenant à contourner des censures du Conseil constitutionnel.
- Les coquilles
En matière de baux d'habitation, la loi "ALUR" a opéré d'importantes modifications.
Ainsi, par exemple, l'article 3 de la du 6 juillet 1989 dresse une liste des mentions obligatoires devant figurer dans les contrats de bail, parmi lesquelles se trouve l'obligation pour le bailleur d'inscrire le montant du dernier loyer payé par le précédent locataire. Le problème est que le texte initial faisait référence au dernier loyer "acquitté par le" précédent locataire ; or, si celui-ci n'a pas payé, ou n'a payé que partiellement, c'est le montant partiel qui doit être mentionné. Cette coquille a été corrigée par la loi "Macron" qui dispose qu'il s'agit du dernier loyer "appliqué au" dernier locataire.
De même, s'agissant du congé, celui-ci peut être délivré par lettre recommandée avec accusé de réception, par acte d'huissier, et depuis la loi "ALUR", par remise en mains propres. Curieusement, cette modalité était réservée aux locations nues ; il s'agissait d'un oubli pour les locations meublées, qui a été corrigé par la loi du 6 août 2015.
Par ailleurs, l'article 25-8 de la loi du 6 juillet 1989, introduit par la loi "ALUR", relatif aux congés dans le cadre d'une location meublée, prévoit une amende lorsque le congé est frauduleux ; le texte disposait que "le montant de l'amende est proportionné à la gravité des faits constatés ; le locataire est redevable dans sa constitution de partie civile". La coquille a été rectifiée par la loi "Macron", qui a remplacé "redevable" par "recevable".
- Les effets secondaires non souhaités
La loi "ALUR" a créé un statut de la colocation à travers l'article 8-1 de la loi du 6 juillet 1989. La colocation y est définie de manière très large, puisqu'il s'agit de "la location d'un logement à plusieurs personnes", soit par plusieurs contrats différents, soit par un seul contrat. Ce statut de la colocation comporte une disposition très importante prévoyant un encadrement de la solidarité, consistant en une limitation de celle-ci dans le temps. L'article 8-1 prévoit en effet que, lorsque l'un des colocataires donne congé, soit il est remplacé avant que le préavis soit terminé et il n'est plus tenu solidairement, soit il n'est pas remplacé et reste alors tenu solidairement, mais ce dans une limite de six mois.
La colocation étant définie de manière très large, elle incluait des preneurs mariés ou des partenaires de PACS. Or, en disposant "la solidarité prend fin", l'article 8-1, § 6 incluait tant la solidarité contractuelle, que la solidarité légale (prévue, par exemple, pour les conjoints, à l'article 220 du Code civil N° Lexbase : L7843IZI ; ou pour les partenaires de PACS à l'article 515-4 du même code N° Lexbase : L7842IZH). Il s'agissait là d'un effet secondaire non souhaité, conduisant à encadrer la solidarité légale prévue pour des conjoints ou des partenaires de PACS. La loi "Macron" a corrigé l'erreur en excluant les époux et les partenaires de PACS, à compter du 8 août 2015, de cette limitation de solidarité.
Par ailleurs, s'agissant du congé délivré à la suite de l'acquisition d'un bien occupé, la loi "ALUR" prévoyait qu'en cas d'acquisition d'un bien occupé, tout congé pour vente n'est autorisé qu'à compter du terme du premier renouvellement du bail en cours. Le problème est que le renouvellement procède d'un acte exprès, et qu'en l'absence de notification d'un renouvellement, le bail est tacitement reconduit à l'échéance. Ainsi, si le bailleur laisse passer l'échéance du bail, il ne peut pas délivrer congé pour vendre ; il doit veiller à rédiger un véritable avenant de renouvellement. Cette erreur rédactionnelle a été rectifiée par la loi "Macron" qui prévoit qu'"en cas d'acquisition d'un bien occupé, soit le terme intervient plus de trois ans avant la date d'acquisition, et dans ce cas le bailleur peut donner congé, soit le terme intervient moins de trois ans avant la date d'acquisition, et dans ce cas, il ne peut délivrer congé à son locataire qu'au terme de la première reconduction tacite ou du premier renouvellement du contrat de location en cours", envisageant ainsi toutes les hypothèses.
Une autre difficulté demeure, en revanche, puisqu'il est prévu que le congé ne peut être délivré "qu'à compter du terme" du premier renouvellement ou de la reconduction tacite, or, à ce terme, il est trop tard pour délivrer congé, puisqu'il faut rappeler que le bailleur doit délivrer congé six mois avant le terme, ce qui implique qu'il doit attendre alors une nouvelle échéance de trois ans... On peut supposer que la jurisprudence interprètera ces dispositions comme signifiant "six mois avant le terme", mais cela mérite confirmation.
- Le contournement de la censure du Conseil constitutionnel
On sait que, lorsque le locataire est âgé et dispose de faibles ressources, il se trouve protégé puisque le bailleur ne peut lui délivrer congé que s'il lui offre un relogement, ou sauf si lui-même est âgé et dispose de faibles ressources. La loi "ALUR" a quelque peu modifié la rédaction de ces dispositions, d'une part, en supprimant la référence au SMIC et en se référant à un arrêté fixant des niveaux de ressources pour obtenir certains prêts aidés, d'autre part, en abaissant l'âge pour le bailleur et en l'augmentant pour le locataire. La loi "ALUR" prévoyait également que, si le locataire hébergeait une personne à charge remplissant les conditions posées, l'offre de relogement était obligatoire. Le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 2014-691 DC du 20 mars 2014 (N° Lexbase : A1554MHZ), a censuré cette disposition en estimant qu'elle portait atteinte au droit de propriété du bailleur, dès lors qu'un locataire pouvait ainsi bénéficier de la protection lorsqu'il avait à sa charge une personne remplissant les conditions d'âge et de ressources, ce quelles que soient ses propres ressources et sans que soit pris en compte le montant cumulé des ressources du locataire et de celles de la personne qui est à sa charge.
C'est ainsi que la loi "Macron" réintroduit la prise en compte de la personne à charge pour déterminer l'obligation de faire une offre de relogement, en prévoyant que celle-ci est également applicable "lorsque le locataire a à sa charge une personne de plus de 65 ans, vivant habituellement dans le logement, et remplissant la condition de ressources [...] et que le montant cumulé des ressources annuelles de l'ensemble des personnes est inférieur au plafond de ressources".
2. Application dans le temps de la loi "ALUR" : les hésitations
La question de l'entrée en vigueur d'un texte est la première préoccupation du praticien ; celle de la loi "ALUR" suscite de nombreuses interrogations.
2.1. Les dispositions transitoires
En matière de vente immobilière, la loi "ALUR" a prévu de nouvelles modalités de purge du délai de rétractation "SRU", avec l'annexion à la promesse de vente d'un certain nombre de nouveaux documents, ainsi que de nouvelles conditions de mise en oeuvre du droit de préemption urbain, de même qu'un nouveau droit de préemption communal, sans aucune précision concernant l'entrée en vigueur de ces dispositions.
En principe, dans la mesure où il s'agit de conditions de validité de la vente, si la vente intervient après la publication de la loi "ALUR", les nouvelles dispositions doivent être appliquées. Mais faut-il alors considérer que la date de la vente correspond à la date de la signature de la promesse synallagmatique (ou à la date de la levée d'option en cas de promesse unilatérale), ou à celle de l'acte authentique ? La doctrine s'accorde à penser que c'est la date de la conclusion du contrat au sens civil qui doit être retenue, soit la date du compromis ou de la levée d'option.
En matière de baux d'habitation, l'article 14 de la loi "ALUR" prévoit que "les contrats de location en cours à la date d'entrée en vigueur de la présente loi demeurent soumis aux dispositions qui leur étaient applicables.
Toutefois, pour les contrats en cours à la date d'entrée en vigueur de la présente loi :
1° Les articles 7, 17-1, 20-1, 21 et 23 de la même loi, dans leur rédaction résultant de la présente loi, sont applicables ;
2° L'article 11-1 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 précitée, dans sa rédaction résultant de la présente loi, leur est applicable pour les congés délivrés après l'entrée en vigueur de la présente loi".
Le principe est donc que les baux conclus antérieurement à la loi "ALUR" restent soumis à la loi du 6 juillet 1989 dans sa version antérieure, à l'exception de ces six articles déclarés expressément applicables aux contrats en cours.
Si ces règles apparaissent simples, elles soulèvent de nombreuses difficultés.
Une première difficulté tient, tout d'abord, à la poursuite des contrats lorsqu'ils arrivent à échéance, qui donne lieu à un nouveau contrat, qu'il s'agisse d'une tacite reconduction ou d'un renouvellement. Aussi, s'agissant des baux en cours lors de l'entrée en vigueur de la loi "ALUR", cela implique que les baux tacitement reconduits ou renouvelés lorsqu'ils arriveront à échéance devront respecter la loi de 1989 dans sa version modifiée par la loi "ALUR"...
Or, le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 20 mars 2014 précitée, a notamment jugé conforme à la Constitution le dispositif relatif à l'encadrement des loyers, sous réserve toutefois qu'il ne s'applique pas aux baux en cours, y compris s'ils font l'objet d'une reconduction tacite après l'entrée en vigueur. L'on voit donc ici que le Conseil constitutionnel est venu corriger la rédaction imparfaite de la loi "ALUR".
Une deuxième difficulté a ensuite été mise en lumière par la Cour de cassation, dans son avis rendu le 16 février 2015 (Cass. avis, 16 février 2015, n° 15002 N° Lexbase : A6002NBW), à propos de l'application de l'article 24 de la loi de 1989, relatif à la résiliation judiciaire en cas de non-paiement du loyer, lequel prévoit que le locataire peut demander des délais de paiement. Avant la loi "ALUR", il convenait de se référer au délai de grâce prévu par l'article 1244-1 du Code civil (N° Lexbase : L1358ABW), pouvant atteindre deux ans. Mais le nouvel article 24, modifié par la loi "ALUR", ne renvoie plus à l'article 1244-1, et prévoit un délai maximum de trois ans. La question se posait de savoir si ces nouvelles dispositions pouvaient s'appliquer dans le cadre d'un bail conclu antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi. A priori, n'étant pas visées par l'article 14, l'on pouvait penser que la réponse était négative ; la Cour de cassation indique toutefois, dans son avis du 16 février 2015, que "la loi nouvelle régissant immédiatement les effets légaux des situations juridiques ayant pris naissance avant son entrée en vigueur et non définitivement réalisées, il en résulte que l'article 24 de la loi du 6 juillet 1989 modifié par la loi du 24 mars 2014 en ce qu'il donne au juge la faculté d'accorder un délai de trois ans au plus au locataire en situation de régler sa dette locative s'applique aux baux en cours à la date d'entrée en vigueur de la loi du 24 mars 2014".
Il faut donc comprendre que la liste de textes énumérés par l'article 14, comme étant applicables aux baux en cours, n'est pas une liste limitative puisque la loi nouvelle régit immédiatement les effets légaux des situations juridiques ayant pris naissance avant son entrée en vigueur et non définitivement réalisées... De même, il faut alors considérer que les modalités de rupture comme les congés, qui sont également des "effets légaux de situations juridiques", doivent être soumises à la nouvelle loi, tout comme encore les conditions de restitution du dépôt de garantie....
Enfin, la loi "Macron" prévoit également les modalités d'entrée en vigueur des dispositions de la loi du 6 juillet 1989 modifiée par la loi "Macron", et rend notamment immédiatement applicables aux contrats en cours, les nouvelles dispositions de l'article 22 (relatif au dépôt de garantie), de l'article 24 (relatif à la clause résolutoire), et de l'article 15 (relatif aux congés). L'on voit donc que ces trois textes, qui étaient rendus applicables aux baux en cours en application de l'avis de la Cour de cassation du 16 février 2015, sont déclarés expressément immédiatement applicables par la loi "Macron", ce qui met fin aux incertitudes.
2.2. Les décrets d'application
- L'attente...
La loi "ALUR" nécessite un nombre considération de décrets d'application, qui ont malheureusement tardé dans leur publication.
En matière de vente, les articles 125-6 (N° Lexbase : L9427IZ8) et 125-7 (N° Lexbase : L9426IZ7) du Code de l'environnement, créés par la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 (N° Lexbase : L7066IMN), dite "Grenelle II", prévoyaient que le vendeur d'un bien immobilier, de même que le bailleur, devaient informer l'acheteur de l'état de pollution de l'immeuble vendu (information obtenue auprès des services de la collectivité locale). Or, les décrets nécessaires à la mise en application de cette mesure n'ont jamais été publiés... Alors que la loi "ALUR" a simplifié la mesure, l'on reste toujours en attente du décret d'application...
-... la déception
En matière de baux d'habitation, les décrets ont aussi longuement tardé, la plupart étant paru depuis mai 2015 (décret n° 2015-587 du 29 mai 2015, relatif aux contrats types de location de logement à usage de résidence principale N° Lexbase : L6991I8G et arrêté du 29 mai 2015, relatif au contenu de la notice d'information annexée aux contrats de location de logement à usage de résidence principale, NOR : ETLL1511666A N° Lexbase : L7002I8T ; décret n° 2015-650 du 10 juin 2015, relatif aux modalités de mise en oeuvre du dispositif d'encadrement du niveau de certains loyers N° Lexbase : L8034I83 et arrêté préfectoral du 25 juin 2015, fixant les loyers de référence, les loyers de référence majorés et les loyers de référence minorés dans la commune de Paris ; décret n° 2015-981 du 31 juillet 2015, fixant la liste des éléments de mobilier d'un logement meublé N° Lexbase : L0007KEY). Malheureusement, ces textes s'avèrent décevants dans leur contenu...
En effet, s'agissant du décret et de l'arrêté du 29 mai 2015, relatifs au contrat-type de bail et à la notice d'information devant être annexée au contrat, l'on constate qu'ils sont applicables tant aux locations nues qu'aux locations meublées, alors pourtant que cela n'était pas prévu par l'article 25-3 de la loi de 1989 relatif aux locations meublées. C'est ainsi que la loi "Macron" est venu ajouter dans la liste des articles applicables aux locations meublées, l'article 3 de la loi de 1989 qui énumère les mentions obligatoires du contrat et l'obligation d'annexer une notice informative. Le décret et l'arrêté sont donc finalement parus avant la loi !
Il faut également relever que la clause d'indexation prévue par le contrat-type apparaît mal rédigée, dans la mesure où il est stipulé "indice de référence : date", ce qui ne vaut pas clause d'indexation ; la disposition apparaît donc insuffisante.
Concernant l'encadrement des loyers, l'arrêté du 25 juin 2015 fixant les modalités de cet encadrement à Paris, apparaît extrêmement technique et précis. La difficulté tient au complément de loyer qui peut être fixé par le bailleur. Le Conseil constitutionnel avait, en effet, censuré les dispositions en ce qu'elles réservaient la possibilité d'appliquer un complément de loyer qu'en cas de circonstances exceptionnelles, estimant que cela constituait une atteinte disproportionnée au droit de propriété. Or, le décret est venu réintroduire des conditions cumulatives relativement restrictives pour l'application d'un complément de loyer, ce qui constitue un contournement de la censure opérée par le Conseil constitutionnel.
S'agissant, enfin, du décret du 31 juillet 2015, qui fixe la liste des éléments de mobilier d'un logement meublé, celle-ci apparaît très minimaliste...
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Réf. : Cass. crim., 22 septembre 2015, n° 14-82.435, F-P+B (N° Lexbase : A8236NPQ)
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Le 02 Octobre 2015
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Réf. : Cass. crim., 22 septembre 2015, n° 14-84.355, F-P+B (N° Lexbase : A8406NPZ)
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Le 08 Octobre 2015
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Réf. : Cass. civ. 1, 23 septembre 2015, n° 14-14.823, F-P+B+I (N° Lexbase : A5458NPT)
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Le 03 Octobre 2015
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Réf. : Cass. civ. 2, 24 septembre 2015, n° 14-23.169, F-P+B (N° Lexbase : A8208NPP)
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Le 01 Octobre 2015
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Réf. : Cass. civ. 2, 24 septembre2015, n° 14-20.299, F-P+B (N° Lexbase : A8394NPL)
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Le 01 Octobre 2015
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Réf. : Cass. civ. 2, 24 septembre 2015, n° 13-28.017, F-P+B (N° Lexbase : A8173NPE)
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Le 02 Octobre 2015
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Réf. : Cass. civ. 2, 24 septembre 2015, n° 14-20.456, F-P+B (N° Lexbase : A8222NP9)
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Réf. : Cass. civ. 2, 24 septembre 2015, n° 14-20.212, FS-P+B (N° Lexbase : A8463NP7)
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Réf. : Cass. civ. 2, 24 septembre 2015, n° 14-23.768, F-P+B (N° Lexbase : A8203NPI)
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Réf. : Cass. civ. 2, 24 septembre 2015, n° 14-22.945, F-P+B (N° Lexbase : A8304NPA)
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Réf. : Cass. civ. 2, 24 septembre 2015, deux arrêts, n° 14-16.622 (N° Lexbase : A8232NPL) et n° 14-22.168, F-P+B (N° Lexbase : A8214NPW)
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Le 03 Octobre 2015
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Réf. : Cass. civ. 2, 24 septembre 2015, n° 14-21.729, F-P+B (N° Lexbase : A8364NPH)
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N9175BUD
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Le 01 Octobre 2015
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newsid:449175
Réf. : Cass. civ. 2, 24 septembre 2015, n° 14-21.145, F-P+B (N° Lexbase : A8282NPG)
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N9176BUE
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Le 01 Octobre 2015
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Réf. : Cass. civ. 2, 24 septembre 2015, n° 14-20.132, F-P+B (N° Lexbase : A8218NP3)
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N9177BUG
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Le 02 Octobre 2015
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newsid:449177
Réf. : Cass. crim., 23 septembre 2015, n° 15-83.991, FS-P+B (N° Lexbase : A8401NPT)
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N9160BUS
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Le 02 Octobre 2015
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newsid:449160
Réf. : Cass. crim., 23 septembre 2015, n° 14-85.708, FS-P+B (N° Lexbase : A8266NPT)
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N9161BUT
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Le 01 Octobre 2015
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Réf. : Cass. crim., 23 septembre 2015, n° 14-84.842, FS-P+B (N° Lexbase : A8431NPX)
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N9158BUQ
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Le 01 Octobre 2015
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Réf. : Cass. crim., 23 septembre 2015, n° 14-84.800, F-P+B (N° Lexbase : A8176NPI)
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N9181BUL
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Le 01 Octobre 2015
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Réf. : Cass. crim., 23 septembre 2015, n° 15-84.897, F-P+B (N° Lexbase : A8413NPB)
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N9274BUZ
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Le 03 Octobre 2015
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Réf. : Cass. civ. 2, 24 septembre 2015, n° 14-23.768, F-P+B (N° Lexbase : A8203NPI)
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N9171BU9
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Le 01 Octobre 2015
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Réf. : Cass. crim., 22 septembre 2015, n° 14-84.029, F-P+B (N° Lexbase : A8242NPX)
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N9192BUY
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Le 07 Octobre 2015
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Réf. : Cass. crim., 22 septembre 2015, n° 15-90.012, F-D (N° Lexbase : A5460NPW)
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N9179BUI
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Le 01 Octobre 2015
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Réf. : CE 1° et 6° s-s-r., 21 septembre 2015, n° 391323 (N° Lexbase : A6779NPR)
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N9178BUH
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Le 02 Octobre 2015
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Réf. : Cass. civ. 1, 23 septembre 2015, n° 14-19.098, F-P+B (N° Lexbase : A8379NPZ)
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N9221BU3
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Le 01 Octobre 2015
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Réf. : Cass. civ. 1, 23 septembre 2015, n° 14-15.428, FS-P+B+I (N° Lexbase : A5459NPU)
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N9136BUW
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Le 01 Octobre 2015
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Réf. : Cass. civ. 1, 23 septembre 2015, n° 14-20.168, FS-P+B (N° Lexbase : A8387NPC)
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N9194BU3
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Le 06 Février 2016
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Réf. : Cass. civ. 1, 8 juillet 2015, n° 14-18.850, FS-P+B (N° Lexbase : A7557NMT)
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N9152BUI
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par Jean-Baptiste Donnier, Agrégé des facultés de droit, Professeur à la Faculté de droit d'Aix-Marseille
Le 01 Octobre 2015
Le fils se trouvant de la sorte, de fait, quasi-intégralement exhérédé, après avoir vainement tenté d'obtenir l'annulation des libéralités consenties par son père, demanda la réduction de ces libéralités sur le fondement de l'article L. 123-6, alinéa 1er, du Code de la propriété intellectuelle qui dispose, dans la rédaction applicable à cette succession ouverte en 2000, que "si l'auteur laisse des héritiers à réserve", l'usufruit reconnu au conjoint survivant sur les droits d'exploitation de l'oeuvre de l'époux prédécédé "est réduit au profit des héritiers, suivant les proportions et distinctions établies par les articles 913 et suivants du Code civil" (N° Lexbase : L0060HPW).
La cour d'appel d'Aix-en-Provence, par un arrêt du 20 février 2014 (CA Aix-en-Provence, 20 février 2014, n° 13/03788 N° Lexbase : A6049MER), rejeta cette demande et déclara que le conjoint survivant bénéficiait de l'intégralité de l'usufruit sur les biens meubles ayant appartenu au de cujus, "notamment sur les droits d'auteur provenant de sa production littéraire". Un pourvoi fut formé contre cet arrêt par le fils du de cujus qui fit valoir, dans le moyen de cassation développé, que l'article L. 123-6 du Code de la propriété intellectuelle prévoit une dévolution des droits patrimoniaux de l'auteur d'une oeuvre littéraire ou artistique "distincte des autres biens de la succession" et que, selon cette dévolution spéciale, dérogatoire au droit commun, l'usufruit du conjoint survivant sur ces droits d'auteur ne peut excéder la quotité disponible ordinaire prévue à l'article 913 du Code civil.
La Cour de cassation, dans son arrêt du 8 juillet 2015, rejette le pourvoi au motif que, "lorsqu'en application de l'article 1094-1 du Code civil, le conjoint survivant est donataire de l'usufruit de la totalité des biens de la succession, l'usufruit du droit d'exploitation dont il bénéficie en application de l'article L. 123-6 du Code de la propriété intellectuelle n'est pas réductible", dans la mesure où cet usufruit "n'affectait pas la nue-propriété de la réserve héréditaire". En conséquence, la Cour de cassation considère que la cour d'appel a pu déduire "à bon droit" des éléments de fait relevés que l'usufruit du droit d'exploitation des oeuvres du de cujus, dont bénéficiait le conjoint survivant sur le fondement de l'article L. 123-6 du Code de la propriété intellectuelle, "n'était pas soumis à réduction au profit de l'héritier réservataire".
Contrairement aux juges du fond, qui avaient considéré que l'usufruit du conjoint survivant partait sur l'intégralité des meubles du de cujus et "notamment" sur ses droits d'auteur, la Cour de cassation distingue l'usufruit ordinaire dont le conjoint survivant est donataire "en application de l'article 1094-1 du Code civil" et l'usufruit spécial dont il bénéficie "en application de l'article L. 123-6 du Code de la propriété intellectuelle". Chacun de ces deux usufruits a donc un fondement différent, ce qui n'empêche pas le conjoint survivant de les cumuler (I). En revanche, la réduction de l'usufruit dont bénéficie le conjoint survivant obéit à un régime unique (II), qui découle de la quotité disponible spéciale entre époux et non de la lettre de l'article L. 123-6 du Code de la propriété intellectuelle.
I - Le cumul de l'usufruit spécial sur les droits d'auteur et de l'usufruit ordinaire du conjoint survivant
Lorsque le conjoint survivant, en concours avec un enfant issu d'une précédente union du de cujus, s'est vu consentir par ce dernier une libéralité portant sur l'universalité de ses biens et a opté pour la totalité en usufruit, comme le permet l'article 1094-1 du Code civil, on pourrait penser que cet usufruit inclut notamment les droits d'auteur qui se trouvent dans la succession. Certes, ces derniers sont en principe soumis à une succession anomale régie par le Code de la propriété intellectuelle, mais ces règles spéciales de dévolution n'ont vocation à s'appliquer qu'en cas de succession ab intestat. C'est du moins ce qui paraît s'évincer des termes de l'article L. 123-6 du Code de la propriété intellectuelle qui attribue au conjoint survivant "l'usufruit du droit d'exploitation dont l'auteur n'aura pas disposé" (nous soulignons). Si donc le de cujus a disposé de ses droits au moyen de libéralités, la lettre de la règle semble exclure son application. Le cumul de l'usufruit légal attribué au conjoint survivant par l'article L. 123-6 du Code de la propriété intellectuelle et de l'usufruit conventionnel résultant de la donation ne devrait donc pas avoir lieu d'être, le premier étant, de toute manière, nécessairement inclus dans le second puisque ce dernier porte sur la totalité des biens composant le patrimoine héréditaire, dont les droits d'auteur.
Par ailleurs, même dans le cadre d'une succession ab intestat, on a pu douter de l'utilité pratique de maintenir l'usufruit spécial prévu par l'article L. 123-6 du Code de la propriété intellectuelle dès lors que, depuis l'entrée en vigueur de la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006 (N° Lexbase : L0807HK4), l'article 757 du Code civil (N° Lexbase : L3361AB4) attribue au conjoint survivant en concours avec des enfants ou descendants de l'époux prédécédé les mêmes droits que l'article L. 123-6 du Code de la propriété intellectuelle, à savoir l'usufruit de la totalité des biens existants, ce qui inclut le droit d'exploitation de l'oeuvre du de cujus (1). Ainsi donc, que la dévolution soit légale ou volontaire, dès lors que le conjoint survivant se voit attribuer l'usufruit de l'intégralité des biens successoraux, on peut douter de l'opportunité de lui permettre de cumuler cet usufruit avec celui que lui attribue l'article L. 123-6 du Code de la propriété intellectuelle.
C'est pourtant la solution qui se dégage de l'arrêt du 8 juillet 2015. En l'espèce, la dévolution de la succession est volontaire puisque c'est par l'effet de la donation qui lui a été consentie que le conjoint survivant est appelé à recueillir l'usufruit de l'intégralité des biens de son époux prédécédé et cependant c'est "en application de l'article L. 123-6 du Code de la propriété intellectuelle" que, selon l'arrêt, le conjoint survivant bénéficie de l'usufruit sur le droit d'exploitation de l'oeuvre de son mari. L'usufruit du droit d'exploitation ne se confond donc pas avec l'usufruit ordinaire portant sur l'intégralité des biens successoraux résultant de la donation ; il se cumule avec celui-ci. L'un et l'autre reposent sur des fondements légaux différents : l'article 1094-1 du Code civil pour l'usufruit ordinaire et l'article L. 123-6 du Code de la propriété intellectuelle pour l'usufruit spécial portant sur le droit d'exploitation de l'oeuvre. On ne peut manquer ici d'établir un parallèle avec la solution qu'avait adoptée, sous l'empire de la loi du 3 décembre 2001, la Cour de cassation dans son avis du 26 septembre 2006 (2). De même qu'elle avait admis, dans cet avis, le cumul des droits successoraux ab intestat du conjoint survivant avec des libéralités consenties en application des articles 1094 (N° Lexbase : L0259HPB) ou 1094-1 du Code civil (3), elle admet ici le cumul des droits en usufruit du conjoint survivant sur le droit d'exploitation de l'oeuvre de l'époux prédécédé, fondés sur l'article L. 123-6 du Code de la propriété intellectuelle, avec l'usufruit portant sur l'intégralité des biens successoraux résultant d'une libéralité consentie sur le fondement de l'article 1094-1 du Code civil.
En adoptant une telle solution, l'arrêt du 8 juillet 2015 précise la portée de l'article L. 123-6 du Code de la propriété intellectuelle. La jurisprudence avait déjà eu l'occasion de préciser que le conjoint survivant ne pouvait réclamer l'usufruit du droit d'exploitation de l'oeuvre de l'époux prédécédé, sur le fondement de l'article L. 123-6 du Code de la propriété intellectuelle, qu'à condition que le de cujus n'ait pas disposé utilement du droit d'exploitation de ses oeuvres. C'est ce qui résulte de l'arrêt "Saint-Saens" rendu par la cour d'appel de Paris le 8 janvier 1926 (4). Dans cette affaire, Camille Saint-Saens avait institué une cousine légataire universelle afin de priver son épouse de l'usufruit légal sur ses droits d'auteur mais la cour d'appel a estimé que, le contrat de mariage ayant conféré au conjoint survivant un gain de survie irrévocable, le legs universel qui prétendait l'exhéréder n'avait pas été valablement consenti. Or, selon les termes de l'arrêt, l'article 1er de la loi du 14 juillet 1866 (5) "n'a certainement envisagé que le cas où la disposition à titre gratuit a été valablement consentie", ce qui a permis à l'épouse de se voir attribuer l'usufruit légal des droits d'auteur de son mari prédécédé. L'arrêt du 8 juillet 2015 apporte une précision supplémentaire : pour écarter l'application de l'article L. 123-6 du Code de la propriété intellectuelle, il faut non seulement que le de cujus ait disposé utilement de son droit mais en outre qu'il en ait disposé au profit d'un tiers. S'il en a disposé au profit de son conjoint, l'application de l'article L. 123-6 du Code de la propriété intellectuelle n'est pas exclue puisque, aux termes de l'arrêt du 8 juillet 2015, c'est "en application" de cette disposition que le conjoint survivant est appelé à recueillir l'usufruit du droit d'exploitation. En d'autres termes, le de cujus a pu exhéréder son conjoint survivant en disposant de ses droits d'auteur au profit d'un tiers mais si, au contraire, il a gratifié son conjoint au moyen d'une libéralité incluant ses droits d'auteur, l'article L. 123-6 du Code de la propriété intellectuelle continue de s'appliquer, bien qu'il ait disposé de ses droits.
Il en résulte que le conjoint survivant recueillera l'usufruit du droit d'exploitation de l'oeuvre de l'auteur décédé "indépendamment des droits d'usufruit qu'il tient [...] du Code civil sur les autres biens de la succession" (6) et donc indépendamment de l'usufruit ordinaire dont il bénéficie sur l'ensemble de la succession en vertu de la donation qui lui en a été faite conformément à la quotité disponible spéciale entre époux telle qu'elle résulte de l'article 1094-1 du Code civil. Cumulant, par conséquent, ces deux usufruits, il lui sera notamment possible de renoncer à l'un tout en conservant le bénéfice de l'autre, ou d'opter pour des droits en pleine propriété sur la succession globale tout en conservant l'usufruit de la totalité du droit d'exploitation de l'oeuvre du de cujus. C'est là, pour le conjoint survivant, un avantage d'autant plus appréciable que le cumul de ses droits s'accompagne d'un régime de réduction unique qui lui est le plus favorable.
II - L'unité du régime de réduction de l'usufruit
Dans sa version applicable à l'espèce, l'article L. 123-6, in fine, du Code de la propriété intellectuelle prévoit que, si l'auteur laisse des héritiers à réserve, l'usufruit attribué au conjoint survivant sur le droit d'exploitation "est réduit au profit des héritiers, suivant les proportions et distinctions établies par les articles 913 et suivants du Code civil" (N° Lexbase : L0060HPW) (7), qui déterminent la quotité disponible ordinaire. La rédaction peut surprendre dans la mesure où la réduction, qui s'applique normalement à une libéralité, est appliquée ici à un usufruit légal, attribué par l'article L. 123-6 du Code de la propriété intellectuelle au conjoint survivant lorsque l'auteur "n'aura pas disposé" du droit d'exploitation de son oeuvre. Mais, quoi qu'il en soit de cette rédaction, il est clair que l'article L. 123-6 ne se réfère qu'à la seule quotité disponible ordinaire et non à la quotité disponible spéciale entre époux, sauf à considérer que, dans la rédaction de l'article L. 123-6 applicable à l'espèce, la référence aux "articles 913 et suivants du Code civil" renverrait à toutes les dispositions qui suivent l'article 913, jusqu'à l'article 1094-1. Cela n'aurait manifestement aucun sens, d'autant que la seule référence à la quotité disponible ordinaire dans l'article L. 123-6 du Code de la propriété intellectuelle peut se comprendre. Cette règle attribue en effet au conjoint survivant des droits ab intestat. Il ne vise pas, a priori, le cas d'un usufruit attribué au conjoint survivant par une libéralité. Il est dès lors logique qu'il ne se réfère pas à la quotité disponible spéciale entre époux qui ne détermine que les conditions dans lesquelles, selon les termes de l'article 1094-1 du Code civil, un époux "pourra disposer en faveur de l'autre". Mais l'arrêt du 8 juillet 2015, en admettant le cumul de l'usufruit spécial du conjoint survivant sur le droit d'exploitation, fondé sur l'article L. 123-6 du Code de la propriété intellectuelle, et de l'usufruit ordinaire reçu par ce même conjoint survivant par l'effet d'une libéralité soumise à la quotité disponible spéciale entre époux telle que définie à l'article 1094-1 du Code civil, ne pouvait manquer de soulever une difficulté. Fallait-il "réduire" les deux usufruits cumulés par le conjoint survivant en ne tenant compte que de la quotité disponible spéciale entre époux, ou convenait-il d'appliquer distributivement la quotité disponible spéciale entre époux à la réduction de la libéralité portant sur l'universalité des biens de la succession et la quotité disponible ordinaire, seule visée par l'article L. 123-6 du Code de la propriété intellectuelle, à la "réduction" de l'usufruit portant sur le droit d'exploitation ?
La Cour de cassation, dans l'arrêt du 8 juillet 2015, a choisi la première solution, contrairement à la lettre de l'article L. 123-6 du Code de la propriété intellectuelle qu'elle déclare néanmoins applicable à l'usufruit du droit d'exploitation. Elle y affirme que l'usufruit du droit d'exploitation dont bénéficie le conjoint survivant en application de l'article L. 123-6 du Code de la propriété intellectuelle "n'est pas réductible", "lorsqu'en application de l'article 1094-1 du Code civil, le conjoint survivant est donataire de l'usufruit de la totalité des biens de la succession". En d'autres termes, lorsque le de cujus a disposé, au moyen de libéralités, de la quotité disponible spéciale entre époux au profit du conjoint survivant, l'usufruit du droit d'exploitation que ce dernier recueille en application de l'article L. 123-6 du Code de la propriété intellectuelle n'est pas soumis à réduction dès lors qu'il n'excède pas la quotité disponible spéciale définie à l'article 1094-1 du Code civil. C'est donc cette quotité disponible spéciale entre époux qui, selon l'arrêt, doit être appliquée dans ce cas à la "réduction" éventuelle de l'usufruit du droit d'exploitation, et non la quotité disponible ordinaire, pourtant seule visée par l'article L. 123-6 du Code de la propriété intellectuelle.
La solution peut ne pas apparaître parfaitement cohérente de prime abord. Si c'est, comme l'affirme l'arrêt, "en application de l'article L. 123-6 du Code de la propriété intellectuelle" que le conjoint survivant bénéficie de l'usufruit du droit d'exploitation, on ne voit pas pourquoi ce n'est pas "en application" des disposition de cet article que cet usufruit est "réduit".
Une explication peut toutefois être proposée. La vocation successorale du conjoint survivant sur le droit d'exploitation est certes définie par la loi à l'article L. 123-6 du Code de la propriété intellectuelle. Mais, pour la réalisation effective de cette vocation successorale, deux situations doivent être distinguées. Soit le de cujus n'a pas disposé du droit d'exploitation de son oeuvre et c'est alors la loi qui appelle directement son conjoint survivant à sa succession, celle-ci étant alors une succession ab intestat. Soit, ce qui était le cas en l'espèce, le de cujus a disposé de ses droits au profit de son conjoint au moyen d'une libéralité et c'est alors cette libéralité qui appelle le conjoint survivant à la succession de son époux prédécédé. C'est là une conséquence de l'effet dévolutif que peut avoir une libéralité d'après le principe de dévolution volontaire aujourd'hui posé à l'article 721 du Code civil (N° Lexbase : L3329ABW). Ce n'est en effet, aux termes de cet article, que "lorsque le défunt n'a pas disposé de ses droits par des libéralités" que les successions "sont dévolues selon la loi" (8). En revanche, lorsque le de cujus a disposé de ses biens au moyen de libéralités, celles-ci peuvent avoir un effet dévolutif. Par conséquent, lorsque le conjoint survivant bénéficie d'une libéralité qui lui attribue la totalité des biens de la succession, on peut considérer que c'est par cette libéralité et non par la loi que se réalise cette vocation successorale et qu'il est appelé à la succession. Dès lors, c'est la quotité dont pouvait disposer le de cujus par la libéralité consentie à son conjoint qui définit les droits que ce dernier est appelé à recueillir, et non pas la quotité disponible visée par la loi qui ne fait que définir sa vocation successorale.
Il n'en demeure pas moins qu'une certaine insatisfaction subsiste face à la solution retenue par la Cour de cassation dans son arrêt du 8 juillet 2015. Cette solution confère au conjoint survivant un double avantage. Elle lui permet de cumuler l'usufruit que lui attribue l'article L. 123-6 du Code de la propriété intellectuelle avec les droits dont il bénéficie en vertu d'une libéralité mais, par l'effet dévolutif reconnu à cette libéralité, aucun des droits qu'il recueille dans la succession de son conjoint ne sont des droits ab intestat. Dès lors, puisque c'est par l'effet de la libéralité qu'il est appelé à recevoir la totalité des droits qu'il recueille dans la succession de l'époux prédécédé, y compris ceux sur lesquels il a une vocation légale, la quotité qui a pu lui être transmise par la libéralité ne peut être que la quotité disponible spéciale entre époux, puisque la libéralité dont il bénéficie est une libéralité entre époux. Il en résulte une forme d'exhérédation des enfants et descendants du de cujus, dont la réserve se trouve en quelque sorte "réduite" à une nue-propriété qui peut paraître bien illusoire.
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newsid:449152
Réf. : Cass. civ. 1, 23 septembre 2015, n° 14-20.168, FS-P+B (N° Lexbase : A8387NPC)
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N9194BU3
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Le 06 Février 2016
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newsid:449194
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N9263BUM
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Le 01 Octobre 2015
Lundi 12 octobre 2015 de 18 h 30 à 20 h 30
Maison du Barreau, Hôtel de Harlay
2 rue de Harlay
75001 PARIS
Richard Frimston, Associé et Responsable du Groupe Private Client chez Russell-Cooke, Londres
Diane Le Grand de Belleroche, Avocat et solicitor, Cabinet François Tripet, Paris
Hélène Peisse, Diplômée notaire
Participation aux frais :
Membres AJFB / FBLS (*) : 30 euros
Membres AJFB non en activité : 20 euros
Magistrats, Universitaires : (**) 30 euros
Etudiants (***) : 10 euros
Non-Membres AJFB / FBLS : 50 euros
(*) Il est possible de devenir membre de l'association au moment de l'inscription à la conférence
(**) Activité principale
(***) : Jusqu'à 27 ans, sur présentation d'un justificatif et dans la limite des places disponibles
Conférence sera suivie d'un cocktail
Validation au titre de la formation continue des avocats : 2 Heures EFB, CPD points SRA ILEX, BSB
Association des Juristes Franco-Britanniques (AJFB)
e-mail : ajfb.france@wanadoo.fr
www.ajfb.eu
www.fbls.eu
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newsid:449263
Réf. : Cass. civ. 1, 23 septembre 2015, n° 14-18.131, FS-P+B (N° Lexbase : A8301NP7)
Lecture: 2 min
N9225BU9
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Le 01 Octobre 2015
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newsid:449225
Réf. : Cass. civ. 1, 23 septembre 2015, n° 14-15.132, F-P+B (N° Lexbase : A8250NPA)
Lecture: 1 min
N9222BU4
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Le 06 Octobre 2015
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newsid:449222
Réf. : Cass. civ. 2, 24 septembre 2015, n° 14-20.009, F-P+B (N° Lexbase : A8290NPQ)
Lecture: 2 min
N9163BUW
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Le 01 Octobre 2015
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Réf. : Cass. civ. 2, 24 septembre 2015, n° 14-20.132, F-P+B (N° Lexbase : A8218NP3)
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N9164BUX
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Le 01 Octobre 2015
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newsid:449164
Réf. : Cass. civ. 2, 24 septembre 2015, n° 13-27.364, FS-P+B (N° Lexbase : A8426NPR)
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N9162BUU
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Le 01 Octobre 2015
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Réf. : Cass. civ. 2, 24 septembre 2015, n° 14-14.977, FS-P+B (N° Lexbase : A8402NPU)
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N9165BUY
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Le 01 Octobre 2015
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