Jurisprudence : Cass. crim., 22-09-2015, n° 14-84.355, F-P+B, Cassation

Cass. crim., 22-09-2015, n° 14-84.355, F-P+B, Cassation

A8406NPZ

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Cass. crim., 22-09-2015, n° 14-84.355, F-P+B, Cassation. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/26224279-cass-crim-22092015-n-1484355-fp-b-cassation
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Abstract

Le délit de mise en danger n'est caractérisé qu'en cas d'exposition d'autrui à un risque de mort ou de blessures par une violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement.



No E 14-84.355 F P+B No 3575
ND 22 SEPTEMBRE 2015
CASSATION
M. GUÉRIN président,
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant

Statuant sur le pourvoi formé par - M. Z Z,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 7e chambre, en date du 14 avril 2014, qui, pour mise en danger d'autrui, l'a condamné à 10 000 euros d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 23 juin 2015 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale M. Guérin, président, M. Finidori, conseiller rapporteur, M. Straehli, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre Mme Hervé ;
Sur le rapport de M. le conseiller FINIDORI, les observations de la société civile professionnelle BORÉ et SALVE DE BRUNETON, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DESPORTES ;
Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, 1134 du code civil, préliminaire, 591 et 593 du code de procédure pénale, 121-1 et 223-1 du code pénal ;
"en ce que l'arrêt attaqué a confirmé le jugement du tribunal correctionnel de Tarascon du 9 avril 2013 sur la déclaration de culpabilité pour le délit de violation manifestement délibérée d'une obligation de sécurité ou de prudence prévue par la loi ou le règlement et a condamné M. Z à une peine d'amende de 10 000 euros ;
"aux motifs qu'en ce qui concerne la délégation de pouvoir reçu par M. Z de la part de M. ..., le PDG de SIMT, il convient de vérifier que cette délégation a été effectuée de manière certaine et non ambiguë, que l'intéressé avait la compétence, l'autorité et les moyens nécessaires à ses obligations ; qu'en l'espèce, il s'agit d'une délégation écrite, précise et limitée signée par les deux parties le 26 juin 1985 ; qu'il est constant que M. Z, compte tenu de son expérience, avait la compétence notamment pour l'utilisation des engins et matériels ; que notamment dans le cadre de ses fonctions, M. Z avait pour tâche de contrôler l'activité du chantier, de réceptionner les matériels pyrotechniques et de décider de la structuration des lots de munitions et d'explosifs ; que M. ..., ... de la SIMT à l'époque avait compétence pour opérer cette délégation, une éventuelle non inscription de celle-ci au registre du commerce n'ayant aucune incidence, l'entreprise ayant une existence réelle ; qu'une compétence limitée de M. ... en matière d'explosif ne peut avoir aucune incidence sur la valeur de la délégation dès lors que M. Z a été embauché en raison même de sa compétence ; que les auditions des différents employés démontrent que M. Z avait autorité sur eux ; qu'en ce qui concerne les moyens mis à la disposition du délégataire considérés comme insuffisants par celui-ci, M. ... répondra qu'il avait investi un montant de 800 000 Fr notamment pour l'acquisition de shelters ; qu'en tout état de cause, il appartenait à M. Z de faire savoir à l'époque à son PDG qu'il n'avait pas les moyens de remplir sa mission, ce dont il n'apporte pas la preuve ; que le premier acte de poursuite du procureur de la République du tribunal de grande instance de Tarascon est du 23 avril 2008 ; qu'en conséquence, les faits antérieurs à 2005, du fait de la prescription de l'action publique, ne peuvent être imputés à M. Z ; qu'il apparaît que l'activité de l'entreprise s'est interrompue le 2 juin 2002 suite à une explosion sur l'air de stockage qui a amené la préfecture des Bouches-du-Rhône à retirer les accréditations nécessaires à l'activité du site ; qu'en juin 2004, la préfecture a autorisé la SIMT à une reprise partielle de son activité limitée à la destruction de produits pyrotechniques de la division 1.4. S ; qu'au vu des différentes auditions des employés de l'entreprise et de l'interrogatoire du prévenu, les enfouissements de munitions se sont effectués dans les années 1999-2000, en tout cas à une date antérieure à la première cessation de l'entreprise survenue en 2002 ; que ces agissements sont en conséquences couverts par la prescription de l'action publique ; que le site de la SIMT n'ayant été autorisé à fonctionner à nouveau qu'en juin 2004, aucun fait ne peut être reproché au prévenu pour la période 2002-2004 ; que, par ailleurs, les vérifications ont été effectuées par les autorités administratives pour une reprise même partielle de l'activité SIMT ; qu'en conséquence, il ne peut être reproché pour les infractions au code de l'environnement à M. Z que ses agissements pour la période d'avril 2005 à mai 2006, date de la liquidation de la société ; que les faits visés par la prévention pour la période ultérieure, en ce qui concerne ces infractions, soit jusqu'au 8 octobre 2010 ne peuvent être retenus ; qu'il n'est pas démontré que M. Z ait pu éliminer des déchets nuisibles, en l'espèce des produits pyrotechniques diverses sans agrément préalable conformément à l'article L. 541-22 du code de l'environnement, aucun élément ne démontrant que la SIMT était dépourvue de l'agrément suite à la reprise de l'exploitation en 2004 ; que si la SIMT ne détenait pas les accréditations qu'elle possédait avant 2002, il n'est pas prouvé que l'entreprise et son directeur technique M. Z ait transgressé après 2004, l'agrément qu'elle détenait à compter de cette date ; qu'il convient en conséquence, en infirmant le jugement sur ce point, de renvoyer des fins de la poursuite M. Z de ce chef de prévention ; qu'en ce qui concerne le délit de dépôt ou l'abandon des déchets en quantité importante dans les eaux superficielles, il apparaît que ce délit s'applique notamment à la découverte de munitions dans une mare suite à la baisse de la nappe phréatique ; qu'en l'espèce, M. Z a expliqué que cette situation résultait de l'usage " d'un trou de pétardement " qui s'est rempli d'eau au fur et à mesure de son creusement ; qu'il a précisé qu'après analyse aucune pollution n'avait été recensée ; qu'il conclut que les dernières munitions actives s'y trouvant correspondent aux derniers tirs peu avant la liquidation de la société, dès lors que la réussite des tirs ne pouvait être vérifiée que lorsque l'étang était à sec ; qu'aucun élément du dossier ne permet de dire que ce type de procédé était interdit ; qu'il apparaît également que des analyses effectuées par le LIPS de Marseille et l'IRCGN, il résulte que les prélèvements liquides ne présentaient aucune anomalie notable ; qu'il a lieu donc, en infirmant le jugement sur ce point, de relaxer M. Z de ce chef ; que pour les autres déchets abandonnés ou déposés dans les conditions de nature à produire des effets nocifs sur le sol, la flore et la faune, à dégrader les sites ou les paysages, à polluer l'air ou les eaux, à engendrer des odeurs et à porter atteinte à la santé de l'homme et à l'environnement, il convient au vu des éléments exposés plus haut sur la date des enfouissements de constater la prescription de l'action publique et de renvoyer M. Z de ce chef de prévention ; qu'en revanche, en ce qui concerne la violation manifestement délibérée d'une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi le règlement " en ne procédant pas à la neutralisation et l'élimination des déchets de munition pyrotechniques dont il avait la charge selon les procédés prévus par la réglementation en vigueur et conformes à son autorisation d'exploitation, exposé directement autrui à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente ", il apparaît que M. Z n'a pas pris les mesures nécessaires au cours des mois qui ont précédé la cessation de l'exploitation, soit en mai 2006, alors qu'il connaissait la situation du site, pour nettoyer celui-ci afin d'éviter tout danger conformément aux dispositions des articles 223-1, 223-18 et 223-20 du code pénal ; que de surcroit la mauvaise foi de l'intéressé est sur ce point démontrée par son comportement puisque appelé par l'expert .... ... pour visiter le chantier en juin 2012 suite à la liquidation de la société, M. Z a caché à l'expert la véritable situation du site présentant, ainsi que cela a été exposé plus haut, une masse importante de produits laissés à l'abandon et d'une très grande dangerosité ; qu'il convient au regard de ces éléments de déclarer M. Z coupable de ce chef de prévention ; que sur la peine, il y a lieu d'infirmer le jugement et de condamner M. Z à une peine d'amende de 10 000 euros ;
"1o) alors que selon la délégation de pouvoir du 26 juin 1985, M. Z s'était vu déléguer " tous pouvoirs pour régler dans leur intégralité les problèmes d'hygiène et de sécurité du travail dans l'établissement de la Carougnade " et il " dev[ait] à cet effet, en vertu de l'autorité que lui confèr[aient] ses fonctions, veiller à l'application des dispositions législatives ou réglementaire, concernant notamment - la législation du travail ; - la sécurité et l'hygiène des travailleurs ; - la prévention des accidents du travail ; - la sécurité sur les chantiers ; - utilisation des engins et matériels " (production) ; qu'en affirmant, pour condamner M. Z en sa qualité de délégataire du président de la société SIMT, que la délégation était en l'espèce " précise et limitée " (arrêt, p. 7, §7) quand elle était en réalité générale, la cour d'appel l'a dénaturée en violation des textes susvisés ;
"2o) alors que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; qu'en condamnant M. Z en sa qualité de délégataire sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si la délégation litigieuse ne stipulait pas une co-délégation et ne privait pas le délégué de l'indépendance nécessaire à l'exercice de la mission confiée la privant ainsi de toute efficacité (conclusions, p. 8 et s.), la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;
"3o) alors que le délit de mise en danger de la vie d'autrui n'est constitué que par la violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement ; qu'en se bornant à retenir, pour condamner M. Z, du chef de mise en danger de la vie d'autrui, " qu'en ne procédant pas à la neutralisation et à l'élimination des déchets de munitions et pyrotechniques dont il avait la charge selon les procédés prévus par la règlementation en vigueur et conformes à son autorisation d'exploitation " et en ne prenant pas " les mesures nécessaires au cours des mois qui ont précédé la cessation de l'exploitation, soit en mai 2006, alors qu'il connaissait la situation du site " il aurait " exposé autrui à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente " (arrêt, p. 9, §5), sans préciser quelle loi ou quel règlement aurait fait peser sur M. Z une obligation particulière de neutraliser et d'éliminer les déchets quelques mois avant la cessation de l'exploitation, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision" ;

Attendu qu'à la suite de la découverte sur le site de la Société industrielle de munitions et travaux de plusieurs dizaines de tonnes d'obus, munitions et explosifs actifs faisant courir, selon le service de déminage, des risques incendiaires, explosifs, environnementaux et pyrotechniques, M. Z, directeur technique de l'entreprise, a été poursuivi des chefs de mise en danger d'autrui et de diverses infractions au code de l'environnement ; que le tribunal correctionnel l'a déclaré coupable de l'ensemble des infractions reprochées ; que le prévenu, le procureur de la République et certaines parties civiles ayant relevé appel, le prévenu, qui discutait la validité de la délégation de pouvoirs, a été relaxé du chef des infractions au code de l'environnement, mais déclaré coupable de mise en danger d'autrui ;
Sur le moyen, pris en ses deux premières branches
Attendu que le moyen revient à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause et des éléments de preuve contradictoirement débattus, dont ils ont déduit, par des motifs exempts d'insuffisance ou de contradiction, que la délégation de pouvoirs accordée au prévenu était effective ;
D'où il suit que les griefs ne sauraient être admis ; Mais sur le moyen, pris en sa troisième branche Vu l'article 223-1 du code pénal ;
Attendu que le délit de mise en danger n'est caractérisé qu'en cas d'exposition d'autrui à un risque de mort ou de blessures par une violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement ;
Attendu que pour déclarer M. Z coupable de mise en danger d'autrui pour avoir omis de procéder à la neutralisation et à l'élimination des déchets de munitions et pyrotechniques dont il avait la charge, selon les procédés prévus par la réglementation en vigueur et conformes à l'autorisation d'exploitation, l'arrêt se borne à retenir que le prévenu n'a pas pris les mesures nécessaires au cours des mois précédant la cessation d'exploitation pour nettoyer le site, dont il connaissait la situation, afin d'éviter tout danger ;
Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, alors qu'il lui appartenait de rechercher la loi ou le règlement édictant une obligation particulière de prudence ou de sécurité qui aurait été violée de façon manifestement délibérée, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;

Par ces motifs
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 14 avril 2014 et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel d'Aix-en-Provence et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-deux septembre deux mille quinze ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.

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