CIV. 1 SM
COUR DE CASSATION
Audience publique du 23 septembre 2015
Irrecevabilité et Rejet
Mme BATUT, président
Arrêt no 1006 F-P+B
Pourvois no T 14-16.425 et S 14-24.267
JONCTION
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant
Statuant sur les pourvois no T 14-16.425 et S 14-24.267 formés par Mme Z Z, domiciliée Chapareillan,
contre un même arrêt rendu le 30 décembre 2013 par la cour d'appel de Grenoble (chambre des affaires familiales), dans le litige l'opposant
1o/ au département de l'Isère, dont le siège est Grenoble cedex 1,
2o/ au président du conseil général de l'Isère, domicilié Grenoble cedex 1,
3o/ à M. ... ..., domicilié Villette-de-Vienne,
4o/ à Mme ... ..., domiciliée Pont-Evêque,
5o/ au procureur général près la cour d'appel de Grenoble, domicilié en son parquet général, Grenoble cedex,
défendeurs à la cassation ;
La demanderesse au pourvoi no T 14-16.425 invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 7 juillet 2015, où étaient présentes Mme Batut, président, Mme Le Cotty, conseiller référendaire rapporteur, Mme Bignon, conseiller doyen, Mme Nguyen, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Le Cotty, conseiller référendaire, les observations de Me Le Prado, avocat de Mme Z, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu leur connexité, joint les pourvois no S 14-24.267 et T 14-16.425 ;
Sur la recevabilité du pourvoi no S 14-24.267 examinée d'office après avis donné aux parties, en application de l'article 1015 du code de procédure civile
Attendu qu'une même personne, agissant en la même qualité, ne peut former qu'un seul pourvoi en cassation contre la même décision ;
Attendu que, par déclaration du 25 avril 2014, Mme Z a formé un pourvoi contre un arrêt réputé contradictoire rendu le 30 décembre 2013 ;
Que le pourvoi qu'elle a formé en la même qualité contre la même décision, par déclaration du 3 septembre 2014, n'est pas recevable ;
Sur le moyen unique du pourvoi no T 14-16.425
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 30 décembre 2013), que Coline est née le 25 mai 2009 des relations de Mme Z et M. ... ; que, ces derniers ayant été placés en détention provisoire pour des faits de maltraitance à son égard, elle a été remise provisoirement au service de l'aide sociale à l'enfance par le procureur de la République le 6 novembre 2009, puis placée par le juge des enfants le 25 novembre 2009 ; que, le 30 août 2011, un tribunal correctionnel a condamné les parents pour violences habituelles sur Coline, suivies d'une incapacité temporaire de travail supérieure à huit jours, et prononcé le retrait total de leur autorité parentale sur l'enfant ; que, par arrêté du 31 janvier 2012, Coline a été admise en qualité de pupille de l'État, sur le fondement de l'article L. 224-4, 5o, du code de l'action sociale et des familles ; que Mme Z Z, sa grand-mère maternelle, a exercé un recours en annulation contre cet arrêté ;
Attendu que celle-ci fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande d'annulation et, en conséquence, ses demandes de délégation d'autorité parentale et d'hébergement alors, selon le moyen
1o/ que les enfants dont les parents ont fait l'objet d'un retrait total de l'autorité parentale ne peuvent être admis en qualité de pupilles de l'Etat que s'ils ont été confiés à l'Aide sociale à l'enfance par la juridiction même qui a statué sur le retrait de l'autorité parentale ; qu'en rejetant la requête en annulation de l'arrêté d'admission au statut de pupille de l'Etat de l'enfant Coline, en se bornant à examiner si une telle demande était conforme à l'intérêt de l'enfant, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la juridiction retirant l'autorité parentale aux parents de l'enfant avait elle-même ordonné son placement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 224-4, 224-8 du code de l'action sociale et des familles, ensemble l'article 380 du code civil ;
2o/ qu'en toute hypothèse, le juge, saisi d'une demande tendant à l'annulation d'un arrêté d'admission au statut de pupille de l'Etat et de délégation d'autorité parentale, doit examiner si une telle demande est conforme à l'intérêt de l'enfant ; qu'il doit tenir compte à cet égard de sa vie familiale projetée, composante de la vie privée et familiale au sens de l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'en rejetant la demande formée par la grand-mère de l'enfant tendant à voir annuler l'arrêté d'admission de sa petite fille au statut de pupille de l'Etat et à se voir déléguer l'autorité parentale, en se bornant à s'appuyer sur l'absence de contacts actuels de Coline et de sa grand-mère ainsi que sur ceux qui avaient eu lieu dans le passé, sans rechercher, comme elle y était invitée, s'il n'existait pas entre elles une potentialité de développer des relations personnelles caractérisant une vie
familiale projetée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 224-4 du code de l'action sociale et des familles ensemble l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Mais attendu, d'une part, que la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche inopérante relative à la décision ayant ordonné le placement de l'enfant à l'aide sociale à l'enfance, dès lors que ni ce placement ni le retrait de l'autorité parentale, prononcé par la juridiction pénale à l'égard des deux parents, dans les conditions de l'article 378 du code civil, n'était contesté, a, à bon droit, statué sur la demande d'annulation de l'arrêté d'admission en qualité de pupille de l'Etat en considération de l'intérêt de l'enfant, qu'elle a souverainement apprécié ;
Et attendu, d'autre part, qu'ayant souverainement estimé qu'il n'était pas conforme à l'intérêt de Coline de voir sa garde confiée à sa grand-mère maternelle qu'elle n'avait pas vue depuis presque quatre ans, mais qu'en revanche, il était de l'intérêt de la fillette de rencontrer son aïeule, à laquelle elle a accordé un droit de visite, la cour d'appel a légalement justifié sa décision au regard des exigences conventionnelles du droit au respect de la vie privée et familiale ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS
DÉCLARE IRRECEVABLE le pourvoi no S 14-24.267 ;
REJETTE le pourvoi no T 14-16.425 ;
Condamne Mme Z aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois septembre deux mille quinze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit au pourvoi no T 14-16.425 par Me Le Prado, avocat aux Conseils pour Mme Z
Il est fait grief à l'arrêt attaqué, D'AVOIR débouté Madame Z Z de sa demande d'annulation de l'arrêté du président du conseil général en date du 31 janvier 2012 admettant sa petite-fille Coline en qualité de pupille de l'Etat et d'AVOIR en conséquence rejeté ses demandes de délégation d'autorité parentale et d'hébergement;
AUX MOTIFS QUE " l'article L. 224-8 du code de l'action sociale et des familles, dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce, dispose en ses alinéas premier et deuxième que " L'admission en qualité de pupille de l'Etat peut faire l'objet d'un recours, formé dans le délai de trente jours suivant la date de l'arrêté du président du conseil général devant le tribunal de grande instance, par les parents, en l'absence d'une déclaration judiciaire d'abandon ou d'un retrait total de l'autorité parentale, par les alliés de l'enfant ou toute personne justifiant d'un lien avec lui, notamment pour avoir assuré sa garde, de droit ou de fait, et qui demande à en assumer la charge. S'il juge cette demande conforme à l'intérêt de l'enfant, le tribunal confie sa garde au demandeur, à charge pour ce dernier de requérir l'organisation de la tutelle, ou lui délègue les droits de l'autorité parentale et prononce l'annulation de l'arrêté d'admission " ; qu'il résulte de ce texte que le tribunal et, à sa suite à la cour d'appel, ne peut prononcer l'annulation de l'arrêté d'admission en qualité de pupille de l'Etat que s'il juge la demande conforme à l'intérêt de l'enfant ;qu'en l'espèce, il ressort de la note de situation en date du 17 avril 2012 produite par le président du conseil général de l'Isère (pièce numéro 1 de l'appelant) que lors des visites de Mme Z Z, qui ont eu lieu du mois de janvier au mois d'avril 2010, Coline s'est mise " immédiatement à hurler, les poings serrés et le regard inquiet " et du rapport en date du 16 février 2012 (pièce numéro 2 de l'appelant) que " les 1ères visites avec les grands-mères (les parents étant incarcérés) montrent l'insécurité majeure de Coline à être en lien avec les membres de sa famille. A ce moment-là les visites sont écourtées, elle pleure sans s'arrêter et cela fait vivre l'insupportable aux professionnels qui la prennent en charge " ; qu'enfin, il ressort de la note de situation datée du 15 mai 2013 (pièce numéro 6 de l'appelant) que Coline " n'a aucun contact avec sa famille naturelle" et qu'elle " ne parle pas de sa famille" ; qu'il ressort de ces éléments que les rencontres qui ont été organisées entre Mme Z Z et Coline dans la période qui a immédiatement suivi son placement au service de l'aide sociale à l'enfance ont été source de grandes difficultés pour l'enfant, alors très jeune, ce qui a conduit à l'interruption de ces visites et que depuis, Coline n'a plus aucun contact avec Mme Z Z, autres qu'épistolaires ; que dans ces conditions, il ne peut être considéré comme conforme à l'intérêt de Coline de voir sa garde confiée à Mme Z Z ou les droits d'autorité parentale délégués à cette dernière, qu'elle n'a plus vue depuis presque quatre ans ; que la demande de Mme Z
Z n'étant pas conforme à l'intérêt de Coline, il n'y a pas lieu de prononcer l'annulation de l'arrêté d'admission en qualité de pupille "
1o) ALORS QUE les enfants dont les parents ont fait l'objet d'un retrait total de l'autorité parentale ne peuvent être admis en qualité de pupilles de l'Etat que s'ils ont été confiés à l'Aide sociale à l'enfance par la juridiction même qui a statué sur le retrait de l'autorité parentale ; qu'en rejetant la requête en annulation de l'arrêté d'admission au statut de pupille de l'Etat de l'enfant Coline, en se bornant à examiner si une telle demande était conforme à l'intérêt de l'enfant, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la juridiction retirant l'autorité parentale aux parents de l'enfant avait elle-même ordonné son placement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L.224-4, 224-8 du code de l'action sociale et des familles, ensemble l'article 380 du code civil ;
2) ALORS, en toute hypothèse, QUE le juge, saisi d'une demande tendant à l'annulation d'un arrêté d'admission au statut de pupille de l'Etat et de délégation d'autorité parentale, doit examiner si une telle demande est conforme à l'intérêt de l'enfant ; qu'il doit tenir compte à cet égard de sa vie familiale projetée, composante de la vie privée et familiale au sens de l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'en rejetant la demande formée par la grand-mère de l'enfant tendant à voir annuler l'arrêté d'admission de sa petite fille au statut de pupille de l'Etat et à se voir déléguer l'autorité parentale, en se bornant à s'appuyer sur l'absence de contacts actuels de Coline et de sa grand-mère ainsi que sur ceux qui avaient eu lieu dans le passé, sans rechercher, comme elle y était invitée, s'il n'existait pas entre elles une potentialité de développer des relations personnelles caractérisant une vie familiale projetée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 224-4 du code de l'action sociale et des familles ensemble l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.