Le Quotidien du 10 juillet 2025

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[Veille d'actualité] L'actualité mensuelle du droit public (juin 2025)

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par Yann Le Foll

Le 09 Juillet 2025

La revue Lexbase Public vous propose de retrouver une sélection des décisions (I) qui ont fait l’actualité du mois de juin 2025, ainsi que l'essentiel de l'actualité normative (II).

I. Actualité jurisprudentielle

♦ Collectivités territoriales

CE, 5°-6° ch. réunies, 6 juin 2025, n° 486577, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : B3208AGW : la procédure spéciale d'évacuation forcée peut être mise en œuvre par le préfet à l’égard de personnes dont il est constaté que les résidences qu’elles occupent sont effectivement mobiles.

T. confl., 2 juin 2025, n° 4344 N° Lexbase : B9526AKZ : eu égard au caractère accessoire des monuments funéraires par rapport à la concession, seule l’extinction du droit réel immobilier tiré de la concession emporte compétence du juge judiciaire pour connaître de conclusions tendant à la réparation des dommages causés à une sépulture.

♦ Contrats administratifs

CE, 2°-7° ch. réunies, 10 juin 2025, n° 495479, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : B1319AIP : le tiers à une convention de concession autoroutière n’est pas recevable à demander l’annulation des clauses de ce contrat fixant la durée de la concession et les conditions d’une résiliation par le concédant, qui sont dépourvues de caractère réglementaire.

Pour en savoir plus :

  • Lire C. Cubaynes, L’impossibilité pour les tiers à un contrat administratif de se prévaloir d’un avenant transactionnel, Lexbase Public n° 567, 2019 N° Lexbase : N1495BYZ.
  • Voir Fiche pratique, FP094, Le recours "Tarn-et-Garonne" N° Lexbase : X5946CNK.

♦ Domaine public

Cass. civ. 3, 19 juin 2025, n° 23-50.026, FS-B N° Lexbase : B7632AKU : le litige né du contrat de droit de privé passé entre une personne privée occupante du domaine public, qui n'agit pas pour le compte d'une personne publique, et une autre personne privée, relève de la compétence des juridictions judiciaires, même si cette convention a pour objet l'occupation du domaine public.

Cons. const., décision n° 2025-1141 QPC, du 6 juin 2025 N° Lexbase : B7814AE7 : le gestionnaire du domaine public fluvial ne peut procéder à la destruction d’un d’un bateau à usage d’habitation sans tenir compte de la situation personnelle ou familiale de l’occupant, lorsqu’il apparaît que ce dernier y a établi son domicile.

À ce sujet. Lire D. Di Francesco, Quand l’attractivité du contrat portant occupation du domaine public conduit à la compétence de l’ordre administratif pour juger de la rupture brutale d’une relation commerciale établie, Lexbase Public n° 636, 2021 N° Lexbase : N8602BYA.

♦ Droit des étrangers

CE, 2°-7° ch. réunies, 12 juin 2025, n° 501325, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : B5359AIC : dans le cas où le préfet rejette une demande de titre de séjour au seul motif que l’identité du demandeur n’est pas établie, ce dernier ne peut utilement soulever, devant le juge de l’excès de pouvoir saisi de conclusions tendant à l’annulation de la décision de refus, des moyens de légalité interne sans rapport avec la teneur de celle-ci.

CE, 2°-7° ch. réunies, 12 juin 2025, n° 499187, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : B5356AI9 : eu égard à son objet et à ses effets, une décision prononçant l’expulsion d’un étranger du territoire français porte, en principe et sauf à ce que l’administration fasse valoir des circonstances particulières, par elle-même une atteinte grave et immédiate à la situation de la personne qu’elle vise, de nature à créer une situation d'urgence justifiant que le juge administratif des référés, saisi sur le fondement de l’article L. 521-2 du Code de justice administrative N° Lexbase : L3058ALT, puisse prononcer dans de très brefs délais, si les autres conditions posées par cet article sont remplies, une mesure provisoire et conservatoire de sauvegarde.

CE, 2°-7° ch. réunies, 5 juin 2025, n° 493675, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : B0024AGY : l’administration n’a pas l’obligation de mettre l’intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l’obligeant à quitter le territoire français, dès lors qu’il a pu être entendu sur l’irrégularité du séjour ou la perspective de l’éloignement.

À ce sujet. Lire S. Slama, Dissonances et convergences jurisprudentielles sur l'étendue et la teneur du droit d'être entendu avant une décision de retour, Lexbase Public n° 358, 2015 N° Lexbase : N5411BUX.

TA Cergy-Pontoise, 27 juin 2025, n° 2508792 N° Lexbase : B5321APR : l’administration peut ne pas mettre à exécution une obligation de quitter le territoire si un un changement dans les circonstances de droit ou de fait a pour conséquence de faire obstacle à la mesure d’éloignement.

Cass. civ. 1, 4 juin 2025, n° 24-12.617 N° Lexbase : B4261AEK : en application de l'article R. 743-11 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile N° Lexbase : L5310LZP, la déclaration d'appel de l'étranger peut être transmise par l'intermédiaire d'un courriel adressé au greffe par la Cimade, au regard de la mission confiée à celle-ci, dès lors que cette déclaration manifeste clairement la volonté de l'étranger de faire appel et qu'elle est signée par lui.

♦ Fonction publique

CE, 1°-4° ch. réunies, 27 juin 2025, n° 494081, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : B7844ANT : un accident survenu après que l’agent a quitté son appartement situé dans un immeuble d'habitation collectif revêt le caractère d'un accident de trajet.

CE, 3°-8° ch. réunies, 24 juin 2025, n° 476387, publié au recueil Lebon N° Lexbase : B1617AMT : le délai de prescription de l'action disciplinaire d’un agent public ayant fait l’objet d’une condamnation pénale court à compter du 22 avril 2016, date d'entrée en vigueur de la loi du 20 avril 2016, dès lors qu'une condamnation définitive est intervenue avant cette date.

À ce sujet. Lire Quelle sanction disciplinaire à raison de condamnations pénales antérieures à l’exercice des fonctions ? – Questions à Pierre Esplugas-Labatut, Professeur de droit public à l’Université Toulouse 1 Capitole, Institut Maurice Hauriou, Lexbase Public n° 709, 2023 N° Lexbase : N5668BZX.

CE, 3° ch., 20 juin 2025, n° 497330, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : B5462ALU : une personne n'étant pas placée, pendant une période de stage probatoire, dans des conditions lui permettant d'acquérir une expérience professionnelle et de faire la preuve de ses capacités pour les fonctions auxquelles elle était destinée est fondée à contester la décision de refus de titularisation. 

CE, 9°-10° ch. réunies, 16 juin 2025, n° 496007, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : B2969AK8 : est exposée au risque de commettre le délit de prise illégale d’intérêts défini par l’article 432-13 du Code pénal N° Lexbase : L6030LCC un ancien agent contractuel de la CNIL ayant émis la volonté de rejoindre la plateforme numérique Tiktok.

CE, 5°-6° ch. réunies, 6 juin 2025, n° 488100, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : B3194AGE : le risque de commission du délit de prise illégale d’intérêts empêche qu’un fonctionnaire des renseignements territoriaux chargé de prévenir les risques de troubles à l'ordre public suscités par les matches d'un club de football puisse devenir directeur de la sûreté et de la sécurité de ce club.

À ce sujet. Lire La reconversion des membres du Gouvernement au risque du « pantouflage » - Questions à Jean-François Kerléo, Professeur de droit public, Université Aix-Marseille, Lexbase Public n° 955, 2023 N° Lexbase : N6390BZP.

CE, 3°-8° ch. réunies, 5 juin 2025, n° 472198, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : B0029AG8 : l'indemnisation, sur le fondement de la responsabilité sans faute, des préjudices subis du fait d'une maladie reconnue imputable au service, s'agissant des préjudices personnels subis par l'agent ou de préjudices patrimoniaux d'une autre nature que ceux réparés par les articles L. 27 et L. 28 du Code des pensions civiles et militaires de retraite, implique la seule appréciation du caractère certain des préjudices invoqués et du lien direct entre ceux-ci et la maladie reconnue imputable au service.

CE, 2°-7° ch. réunies, 5 juin 2025, n° 491913, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : B0022AGW : lorsqu’un agent contractuel, recruté sur le fondement de l’article L. 954-3 du Code de l’éducation N° Lexbase : L1906MAT, justifie d'une durée de services publics de six ans ou plus dans des fonctions relevant de la même catégorie hiérarchique auprès du même établissement public, son contrat est réputé être conclu à durée indéterminée.

Marchés publics

CJUE, 12 juin 2025, aff. C-415/23 P, OHB System AG c/ Commission européenne N° Lexbase : B1929AIB : les informations obtenues grâce à l’engagement d’un ancien cadre du concurrent évincé pouvant avoir donné un avantage injustifié au soumissionnaire l’ayant recruté, le pouvoir adjudicateur doit vérifier que cette situation n’est pas susceptible d’entraîner un manquement au principe d’égalité de traitement.

Pour en savoir plus :

  • Lire O Garreau, Sur l’application du principe d’impartialité, en matière de marchés publics, au recrutement, par le candidat, d’un salarié d’une société ayant participé à l’élaboration de la procédure de mise en concurrence, Lexbase Public n° 516, 2018 N° Lexbase : N5639BX7..
  • Voir Fiche pratique, FP093, L'examen des candidatures et des offres N° Lexbase : X5945CNI.

TA Paris, 20 juin 2025, n° 2514913 N° Lexbase : B8863AM9 : pour l’attribution d’un marché portant sur des prestations d'assurance à un groupement conjoint, un opérateur économique ne possédant pas l'aptitude à exercer l'activité professionnelle peut s’adjoindre le concours d'une entreprise titulaire d'un agrément pour opérer comme une entreprise d'assurance.

♦ Procédure administrative

CE, 1°-4° ch. réunies, 30 juin 2025, n° 494573, publié au recueil Lebon N° Lexbase : B5628AP7 : la date à prendre en considération pour apprécier si un recours gracieux adressé à une juridiction administrative par voie postale a eu pour effet de proroger le délai de recours contentieux est celle de l'expédition du recours, le cachet de la poste faisant foi.

Pour en savoir plus :

  • Lire C. De Bernardinis, Le Conseil d’État adopte la règle du « cachet de la poste faisant foi » (et non la date de réception de la requête) pour déterminer si les recours adressés par voie postale sont dans le délai de recours, Lexbase Public n° 769, 2025 N° Lexbase : N1431B3E.
  • Voir Infographie : INFO224, Le recours administratif (non contentieux) N° Lexbase : X9602ATS.
  • Voir Fiche pratique : FP102, Maîtriser les délais de recours contentieux N° Lexbase : X6222CNR.

CE, 2°-7° ch. réunies, 27 juin 2025, n° 500159, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : B7853AN8 : peut relever appel de l'ordonnance rejetant une demande d'extension de l'expertise présentée par l'expert désigné une partie non recevable à demander cette extension lorsque l’expert a présenté cette demande d’extension.

Voir Fiche pratique : FP104, Déposer une requête devant le tribunal administratif N° Lexbase : X6221CNQ.

CE, 1°-4° ch. réunies, 6 juin 2025, n° 498640, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : B4347AIT : le Conseil d’État est compétent pour connaître en premier et dernier ressort de conclusions tendant à l’annulation pour excès de pouvoir d’un arrêté des ministres chargés de la Santé et de la Sécurité sociale, fixant la liste des spécialités pharmaceutiques prises en charge au titre de l'article L. 162-18-1 du Code de la Sécurité sociale N° Lexbase : L8875MKW.

CE, 3°-8° ch. réunies, 5 juin 2025, n° 477768, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : B0023AGX : dès lors que la zone concernée par un arrêté ministériel excède le ressort d’un seul tribunal administratif, la compétence pour en connaître relève du tribunal dans le ressort duquel a son siège l'autorité qui a pris l’arrêté.

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE, La compétence du tribunal administratif et des cours administratives d'appel, Les exceptions à la détermination de la compétence du tribunal administratif par le siège de l'autorité ayant pris la décision contestée, in Procédure administrative (dir. C. De Bernardinis), Lexbase N° Lexbase : E0692EXW.

♦ Urbanisme

CE, 1°-4° ch. réunies, 30 juin 2025, n° 492923, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : B6856APM : une servitude d’utilité publique doit être regardée comme publiée sur le portail national de l’urbanisme, au sens de l’article L. 152-7 du Code de l’urbanisme N° Lexbase : L3199LSB, si figurent sur ce portail mention de son existence, son périmètre et son contenu, ou à défaut de reproduction de son contenu, les indications nécessaires pour y accéder et en prendre connaissance.

CE, 10° ch., 25 juin 2025, n° 493247, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : B6490ANP : dès lors que les cotes du plan de masse ne sont pas rattachées au système altimétrique de référence du plan de prévention des risques naturels prévisibles, alors que le projet se trouve partiellement en zone inondable, cette omission est de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable.

Cons. const., décision n° 2025-1142 QPC, du 13 juin 2025 N° Lexbase : B5366AIL : l’article L. 442-11 du Code de l’urbanisme N° Lexbase : L9401IZ9 qui permet à l’autorité administrative de modifier, sans l’accord des propriétaires colotis, les clauses de nature contractuelle du cahier des charges d'un lotissement est conforme à la Constitution.

CE, 1° ch., 16 juin 2025, n° 496229, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : B2971AKA : la visibilité entre un projet immobilier et un édifice, distant de moins de cinq cents mètres, classé ou inscrit au titre des monuments historiques, doit s'apprécier à partir de tout point de cet immeuble normalement accessible conformément à sa destination ou à son usage, que l'édifice soit ou non ouvert au public.

CE, 1° ch., 16 juin 2025, n° 497805, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : B2965AKZ : validité du recours contentieux adressé non à la société bénéficiaire du permis de construire mais à une société qui exerce des activités complémentaires avec elle, a son siège social à la même adresse et a le même associé-gérant.

CE, 1°-4° ch. réunies, 6 juin 2025, n° 493882, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : B4340AIL : le règlement d’un PLU peut subordonner le bénéfice du dépassement des règles relatives au gabarit pour les constructions situées dans les zones urbaines ou à urbaniser à l’aspect extérieur des constructions afin de contribuer notamment à l'insertion des constructions dans le milieu environnant.

CE, 1°-4° ch. réunies, 6 juin 2025, n° 491748, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : B3200AGM : une personne ne peut se voir privée du droit d'obtenir un permis de construire lorsque le projet méconnaît les règles d'urbanisme cristallisées à la date du certificat d’urbanisme mais est conforme à celles applicables à la date de la décision prise sur sa demande.

CE, 5°-6° ch. réunies, 6 juin 2025, n° 475175, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : B3204AGR : pour apprécier le respect du plan de sauvegarde et de mise en valeur par une construction en litige, le juge doit prendre en compte toutes les constructions protégées à proximité du projet et pas uniquement la plus proche.

II. Actualité normative

Droit des étrangers

Décret n° 2025-539 du 13 juin 2025, relatif aux cartes de séjour « talent » et modifiant certaines dispositions relatives aux cartes de séjour « recherche d'emploi-création d'entreprise » et « entrepreneur et profession libérale » N° Lexbase : L0061NAI : modification des dispositions relatives à certains titres de séjour pour motif professionnel et pour motif d'études prévus par le Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, par le Code du travail et par le Code de la recherche.

♦ Fonction publique

Loi n° 2025-595 du 30 juin 2025, visant à protéger les personnes engagées dans un projet parental des discriminations au travail N° Lexbase : L1130NA4 : précisions sur la nature des autorisations spéciales d'absence liées à la parentalité octroyées aux agents publics.

Décret n° 2025-564 du 21 juin 2025, relatif aux régimes dérogatoires de report et d'indemnisation des droits à congé annuel dans la fonction publique N° Lexbase : L1130NA4 : fixation du régime applicable au maintien des droits acquis avant et pendant un congé pour raison de santé ou lié aux responsabilités parentales ou familiales et au maintien des droits acquis avant un congé parental. 

Décret n° 2025-523 du 11 juin 2025, relatif à l'emploi de sous-directeur des services d'incendie et de secours et modifiant diverses dispositions relatives aux sapeurs-pompiers N° Lexbase : L9790M9H : création de l'emploi de sous-directeur des services d'incendie et de secours, précise le contenu des missions ainsi que les conditions requises pour occuper cet emploi.

Décret n° 2025-525 du 11 juin 2025, modifiant l'échelonnement indiciaire applicable aux lieutenants-colonels de sapeurs-pompiers professionnels et portant attribution d'une nouvelle bonification indiciaire aux médecins-chefs des sous-directions santé des services d'incendie et de secours N° Lexbase : L9797M9Q : établissement de l'indice brut afférent au nouvel échelon spécial des lieutenants-colonels de sapeurs-pompiers professionnels et attribue une nouvelle bonification indiciaire aux médecins-chefs des sous-directions santé des services d'incendie et de secours en fonction du classement de leur service au sens de l'article R. 1424-1-1 du Code général des collectivités territoriales N° Lexbase : L9771M9R.

Décret n° 2025-524 du 11 juin 2025, relatif aux sous-directions santé des services départementaux et territoriaux d'incendie et de secours N° Lexbase : L9795M9N : précision des missions des sous-directions santé des services d'incendie et de secours et procède, en conséquence, aux ajustements nécessaires notamment dans le Code général des collectivités territoriales.

Décret n° 2025-494 du 3 juin 2025, relatif à la surmajoration des heures supplémentaires dans la fonction publique hospitalière N° Lexbase : L8793M9K : prolongation jusqu'au 30 septembre 2025 du dispositif de surmajoration des heures supplémentaires prévu à l'article 15-1 du décret n° 2002-9 du 4 janvier 2002, relatif au temps de travail et à l'organisation du travail dans les établissements mentionnés à l'article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositifs statutaires relatives à la fonction publique hospitalière N° Lexbase : L5025DLP.

Arrêté du 21 juin 2025, relatif aux modalités d'assiette et de calcul de l'indemnité compensatrice pour congé annuel non pris en fin de relation de travail dans la fonction publique territoriale N° Lexbase : L1172NAN : calcul de l'indemnité compensatrice de congé annuel non pris en fin de relation de travail pour les agents territoriaux.

Urbanisme

Loi n° 2025-541 du 16 juin 2025, visant à faciliter la transformation des bureaux et autres bâtiments en logements N° Lexbase : L9878M9Q : dérogation aux règles relatives aux destinations fixées par le plan local d'urbanisme ou le document en tenant lieu et création d'un permis de construire « réversible », qui pourra autoriser plusieurs destinations successives du bâtiment.

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Actualité

[Veille d'actualité] Veille – l’actualité de la procédure civile et des voies d’exécution (mars à juin 2025)

Lecture: 27 min

N2531B37

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par Alexandre Autrand, doctorant, Université de Limoges, école doctorale Gouvernance des Institutions et des Organisations, Observatoire des Mutations Institutionnelles et Juridiques

Le 09 Juillet 2025

La revue Lexbase Contentieux et recouvrement vous propose de retrouver, dans un plan thématique, une sélection des décisions qui ont fait l’actualité de la procédure civile (I) et des voies d’exécution (II) de mars à juin 2025, ainsi que toute l’actualité normative (III), classées par thèmes et mots-clés, pour vous permettre une lecture fluide et pertinente des évolutions récentes.


 

I. Actualité jurisprudentielle en procédure civile

♦ Appel à jour fixe

Cass. civ. 2, 27 mars 2025, n° 22-11.183, F-D N° Lexbase : A58760DY : Viole les articles 922 du Code de procédure civile N° Lexbase : L0982H47 et 6, § 1 de la Convention européenne des droits de l’homme N° Lexbase : L7558AIR, la cour d’appel qui déclare irrecevable un appel à jour fixe, en raison du fait que l’assignation déposée au greffe ne comprend pas la copie de la requête aux fins d’autorisation d’assigner à jour fixe, l’ordonnance du premier président, et la déclaration d’appel. Dans cette hypothèse, la Cour considère que les juges du fond avaient été saisis, et que l’absence de remise de la copie de l’assignation au greffe n’aurait pu être sanctionnée que par la caducité de la déclaration d’appel. Dans cette même affaire, l’assignation à jour ne comprenait que deux pages, et ne disposait pas de dispositif contenant les prétentions du demandeur. Dans cette hypothèse, la Cour de cassation considère qu’il s’agit d’une irrégularité de forme, qui n’est susceptible d’entraîner sa nullité que sur la démonstration d’un grief. Au passage, la cour précise que les juges d’appel n’auraient pu prononcer la caducité de la déclaration d’appel, sans avoir constaté au préalable, la nullité de cet acte.

♦ Appel immédiat

Cass. civ. 2, 13 mars 2025, n° 22-20.683, F-D N° Lexbase : A289467C : La décision d'une juridiction du premier degré, qui se borne à ordonner une mesure d'expertise, ne peut être frappée d'appel indépendamment du jugement sur le fond que sur autorisation du premier président de la cour d'appel, dans les conditions prévues par le deuxième de ces textes.

♦ Conclusions d’appel

Cass. civ. 2, 27 mars 2025, n° 22-18.277, F-D N° Lexbase : A58160DR : Dans le cadre d’une instance d’appel, une banque sollicite dans le dispositif de ses conclusions, d'infirmer le jugement en ce qu'il avait prononcé l'annulation de la déchéance du terme et, statuant à nouveau, de retenir le montant de sa créance en principal, accessoires, frais et intérêts à la somme de 250 752,58 euros. À la lecture de ce dispositif, la cour d’appel estime que la banque ne forme aucune prétention qui tend à voir débouter les adversaires de leurs demandes. Les juges du fond déduisent qu’ils ne sont saisis d’aucune prétention quant à la disposition du jugement qui a prononcé l’annulation de la déchéance du terme, dont les intimés demandent la confirmation, et qu’elle ne peut que confirmer cette disposition. La Cour de cassation casse et annule cette décision au visa de l’article 6, § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales N° Lexbase : L7558AIR, et l’article 954 du Code de procédure civile N° Lexbase : L7253LED, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891, du 6 mai 2017 N° Lexbase : L9786MXQ. Elle considère qu’à la lecture du dispositif des conclusions de la banque, il se déduisait que cette dernière sollicitait le débouté des demandes adverses, en ce compris celles tendant à la confirmation du jugement sur la régularité du prononcé de la déchéance du terme. De ce fait, les juges du quai de l’horloge considèrent que la cour d’appel a fait preuve d’un formalisme excessif.

Cass. civ. 2, 22 mai 2025, n° 22-22.868, F-B N° Lexbase : B3029AAG : Il résulte d’une jurisprudence de 2020 (Cass. civ. 2, 17 septembre 2020, n° 18-23.626, FS-P+B+I N° Lexbase : A88313TA), que lorsque l'appelant ne demande dans le dispositif de ses conclusions ni l'infirmation des chefs du dispositif du jugement dont il recherche l'anéantissement, ni l'annulation du jugement, la cour d'appel ne peut que confirmer le jugement. La Cour de cassation considère que lorsqu’une instance a été introduite par une déclaration d'appel antérieure à cette jurisprudence, la règle de procédure nouvelle énoncée pour la première fois par cette dernière ne peut recevoir application, quand bien même la déclaration de saisine serait postérieure au 17 janvier 2020.

♦ Contradictoire

Cass. civ. 2, 27 mars 2025, n° 22-16.067, F-D N° Lexbase : A59220DP : Une cour d’appel constate qu’un appel est dépourvu d’effet dévolutif, en raison de l’absence de mention des chefs de jugements expressément critiqués et de la mention « appel total » dans la déclaration d’appel. Cependant, la Cour d’appel mentionne ses constatations dans son arrêt, sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations. La Cour de cassation casse et annule l’arrêt d’appel, aux motifs que les constatations des juges du fond sur l’absence d’effet dévolutif de la déclaration d’appel, constituaient un moyen relevé d’office sur lequel les parties auraient dû être invitées à formuler leurs observations.

Cass. civ. 2, 27 mars 2025, n° 21-20.297, F-B N° Lexbase : A42280CL : Dans le cadre d’une procédure d’appel sans représentation obligatoire, viole l’article R. 142-11 du Code de la sécurité sociale N° Lexbase : L6655LMG et les articles 16 N° Lexbase : L1133H4Q, 446-1 N° Lexbase : L1138INH et 946 N° Lexbase : L8617LYS du Code de procédure civile, la cour d’appel qui autorise une partie, qui n’a pas été mise en mesure de répondre aux prétentions et moyens adverses, à communiquer une note en délibéré, alors que les juges ne pouvaient que renvoyer l’affaire à une prochaine audience.

♦ Déclaration d’appel

Cass. civ. 2, 27 mars 2025, n° 22-21.602, F-B N° Lexbase : A42310CP : La déclaration d’appel qui énumère les chefs de jugement dont il est demandé la confirmation et qui sollicite l’infirmation de la décision pour le « surplus » est valide. Dans cette hypothèse, les juges du droit considèrent que si la déclaration précise son objet, alors il se déduit de cette dernière l’énumération des chefs de jugement critiqués.

♦ Droit à la preuve

Cass. soc., 19 mars 2025, n° 23-19.154 N° Lexbase : A04510BC : Il résulte de l’article 6, § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales N° Lexbase : L7558AIR, que le juge ne peut fonder sa décision uniquement ou de manière déterminante sur des témoignages anonymes. Toutefois, il peut prendre en considération ces témoignages, qui sont rendus anonymes a posteriori, mais dont l’identité est connue par la partie qui les produit. Pour ce faire, la partie qui produit ces témoignages devra verser aux débats d’autres éléments, afin de corroborer ces derniers et de permettre au juge d’analyser leur crédibilité et leur pertinence. En l’absence de tels éléments, le juge devra, dans un procès civil, apprécier si la production d'un témoignage dont l'identité de son auteur n'est pas portée à la connaissance de celui à qui ce témoignage est opposé porte atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble. Ensuite, le juge devra mettre en balance le principe d’égalité des armes et les droits antinomiques en présence. Le droit de la preuve pouvant justifier la production d’éléments portant atteinte au principe d’égalité des armes, à condition que cette production soit indispensable à son exercice, et que l’atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi.

Cass. civ. 2, 27 mars 2025, n° 22-17.022, F-B N° Lexbase : A42130CZ : Dans le cadre d’une procédure d’appel, un intimé n’a pas constitué avocat dans le mois de l’avis adressé par le greffe, conformément à l’article 902 du Code de procédure civile N° Lexbase : L2383MLT. Ne disposant pas du fichier récapitulatif, qu’elles n’ont pas réclamé, les appelantes ont signifié à l’intimé le document joint au message RPVA. Par la suite l’intimé a constitué avocat devant la cour. Cependant, la cour d’appel décide de déclarer l’appel caduc, en raison du fait que ce message ne justifie pas la remise de la déclaration d’appel au greffe. Également, les juges du fond considèrent que ni l’acte de signification ni les pièces remises à l’intimé n’établissent la remise de la déclaration d’appel au greffe. La Cour de cassation désapprouve cette argumentation, car, d’une part, la remise du fichier récapitulatif est une charge qui incombe au greffe, et d’autre part, l’intimé a constitué avocat, ce qui démontre qu’il a été informé de l’acte d’appel. Les juges du droit considèrent que la cour d’appel a fait preuve d’un formalisme excessif.

Cass. civ. 2, 30 avril 2025, n° 22-20.064, F-B N° Lexbase : A15810QM : Une déclaration d’appel irrégulière, faute d’avoir été communiquée par RPVA, qui fait encourir une irrecevabilité au recours, n’empêche pas l’appelant de former un second appel, sous réserve de l’expiration du délai d’appel, et tant que le premier n’a pas été déclaré irrecevable.

 Enrôlement

Cass. civ. 2, 22 mai 2025, n° 22-23.066, F-B N° Lexbase : B3039AAS : Une assignation délivrée à plusieurs personnes n'impose pas plusieurs enrôlements. Dans cette hypothèse, la remise au greffe d’une seule copie de l'assignation, faite dans le délai imparti, est régulière. 

 Fin de non-recevoir

Cass. civ. 2, 27 mars 2025, n° 22-21.513, F-D N° Lexbase : A58360DI : Aux termes de l’article 123 du Code de procédure civile N° Lexbase : L9280LTU, les fins de non-recevoir peuvent être proposées en tout état de cause, à moins qu’il en soit disposé autrement, et sauf la possibilité pour le juge de condamner à des dommages et intérêts ceux qui se seraient abstenus, dans une intention dilatoire, de les soulever plus tôt. Ainsi, viole l’article susvisé la cour d’appel qui déclare irrecevable une fin de non-recevoir, aux motifs que cette dernière constitue une prétention nouvelle au sens de l’article 564 du Code de procédure civile N° Lexbase : L0394IGP.

♦ Injonction de payer

Cass. civ. 3, 27 mars 2025, n° 23-21.501, FS-B N° Lexbase : A42260CI : Il résulte de l’article 1405 du Code de procédure civile N° Lexbase : L6337H7T que le recouvrement d’une créance contractuelle ne peut être demandé suivant la procédure d'injonction de payer que si son montant est déterminé en vertu des stipulations du contrat. Ainsi, n’étant pas déterminée en vertu des seules stipulations du contrat de bail, la créance réclamée au titre de dégradations locatives ne peut faire l’objet d’une procédure d’injonction de payer.

♦ Juge commis pour surveiller les opérations de partage

Cass. civ. 2, 27 mars 2025, n° 22-18.970, F-B N° Lexbase : A42220CD : Le juge commis pour surveiller les opérations de partage, qui ordonne une expertise portant sur des actifs aux fins de liquidation de la masse et de son partage, tient son pouvoir de désigner un expert des articles 1375 N° Lexbase : L6329H7K et 1371, alinéa 1er N° Lexbase : L6325H7E du Code de procédure civile. En usant de ce pouvoir, le juge ne vide pas sa saisine et il reste saisi de la surveillance des opérations de partage.

♦ Jugement rendu en dernier ressort

Cass. civ. 2, 27 mars 2025, n° 22-20.194, F-B N° Lexbase : A56290CH ; Cass. civ. 1, 2 avril 2025, n° 24-13.847, F-B N° Lexbase : A35180EZ : Il résulte des articles 606 N° Lexbase : L6763H7M, 607 N° Lexbase : L6764H7N et 608 N° Lexbase : L7850I4I du Code de procédure civile que, sauf dans les cas spécifiés par la loi, les jugements en dernier ressort qui ne mettent pas fin à l'instance ne peuvent être frappés de pourvoi en cassation indépendamment des jugements sur le fond que s'ils tranchent dans leur dispositif tout ou partie du principal. Une telle règle ne peut faire l’objet d’une dérogation qu'en cas d'excès de pouvoir.

♦ Juge de la mise en état

Cass. civ. 2, 27 mars 2025, n° 22-21.989, F-D N° Lexbase : A58210DX : Il résulte de l’article 789 du Code de procédure civile N° Lexbase : L9730MMC que le juge de la mise en état est, jusqu'à son dessaisissement, exclusivement compétent pour statuer sur une fin de non-recevoir. Lorsque la fin de non-recevoir nécessite que soit tranchée au préalable une question de fond, le juge de la mise en état statue sur cette question de fond et sur cette fin de non-recevoir par des dispositions distinctes dans le dispositif de l'ordonnance. Une cour d’appel qui est saisie d’un recours contre une ordonnance du juge de la mise en état ne peut statuer que dans la limite du champ de compétence d’attribution de celui-ci, conformément à l’article 789 du Code de procédure civile.

♦ Mesure d’expertise judiciaire

Cass. civ. 2, 30 avril 2025, n° 22-15.215, FS-B N° Lexbase : A15690Q8 : Un examen clinique destiné à donner lieu à des constatations d’ordre strictement médical, dont l’expert rend compte ensuite de manière contradictoire, n’est pas le lieu, par l’assistance de l’ensemble des conseils des parties, à une discussion ayant trait à la responsabilité ou encore à des questions de nature juridique. De ce fait, il ne saurait être fait droit à la demande d’assistance de la victime par son avocat lors de l’examen clinique d’une expertise psychiatrique. Ce dernier assiste déjà à l'accueil, à l'exposé à l'anamnèse, au recueil de doléances, à la discussion médico-légale et à la restitution contradictoire faite par l'expert de ses constatations cliniques.

♦ Notification à l’étranger

Cass. civ. 2, 27 mars 2025, n° 22-19.012, F-D N° Lexbase : A58310DC : Il résulte des articles 14 N° Lexbase : L1131H4N, 683 N° Lexbase : L6759LE3 et 684 N° Lexbase : L6161LTD du Code de procédure civile, 21 et 23 du Protocole judiciaire entre la France et l'Algérie annexé au décret n° 62-1020, du 29 août 1962 N° Lexbase : L1337NAR, que l'acte destiné à être notifié par le secrétaire d'une juridiction à une personne qui demeure en Algérie, est notifié par la transmission de l'acte au parquet du lieu où se trouve le destinataire. Dans cette hypothèse, l’autorité requise doit effectuer la remise de l’acte à celui-ci. Ensuite, la preuve de la remise ou du refus par le destinataire de l’acte de le recevoir doit être établie.

¨ Ordonnance du juge-commissaire

Cass. com., 26 mars 2025, n° 23-21.958 N° Lexbase : A16070CI : Il résulte de l’article R.621-1 du Code de commerce N° Lexbase : L6127L4P qu’en l’absence de disposition particulière contraire, le recours contre l’ordonnance du juge-commissaire, statuant sur une contestation de la liste des créances, doit être porté devant le tribunal ayant ouvert la procédure collective, et non devant la cour d’appel. Seul le jugement rendu sur ce recours est susceptible d’appel.

♦ Ordonnance sur requête

Cass. civ. 2, 27 mars 2025, n° 22-23.285, F-D N° Lexbase : A58530D7 : Viole les articles 145 N° Lexbase : L1497H49 et 493 N° Lexbase : L6608H7U du Code de procédure civile, une cour d’appel qui rétracte une ordonnance rendue sur le fondement de l’article 145, alors que cette dernière ne fait pas état de circonstance justifiant qu’il soit procédé non contradictoirement, et qu’il n’y a pas de démonstration dans la requête que le comportement des parties défenderesses pouvait laisser craindre qu’elles fassent disparaître les preuves, ni de prise en compte d’élément propre à déroger au principe du contradictoire.

♦ Péremption de l’instance

Cass. civ. 2, 20 mars 2025, n° 22-24.544, F-D N° Lexbase : A70690BG : La Cour de cassation juge qu’en procédure orale (Cass. civ. 2, 10 octobre 2024, n° 22-12.882, FP-B N° Lexbase : A441859I), à moins que les parties ne soient tenues d'accomplir une diligence particulière mise à leur charge par la juridiction, la direction de la procédure leur échappe. Par conséquent, il ne saurait leur être imposé de solliciter la fixation de l'affaire à une audience, dans le seul but d'interrompre le cours de la péremption, laquelle ne peut leur être opposée pour ce motif.

Cass. civ. 2, 27 mars 2025, n° 22-14.662, F-D N° Lexbase : A58920DL et n° 22-23.948, FS-B N° Lexbase : A42160C7 : Il résulte de l'article 386 du Code de procédure civile N° Lexbase : L2277H44 que la péremption d'instance peut être interrompue par des actes accomplis dans une autre instance, à condition qu'un lien de dépendance direct et nécessaire existe entre les deux instances.

Cass. civ. 2, 27 mars 2025, n° 22-20.067, F-D N° Lexbase : A59220DP et n° 22-15.464, FS-B N° Lexbase : A42290CM : La Cour de cassation considère qu’une diligence interruptive de péremption s’entend de l’initiative d’une partie, manifestant sa volonté de parvenir à la résolution du litige, prise utilement dans le cours de l’instance. Elle affirme que ces nouvelles conditions sont appréciées souverainement par le juge.

Cass. civ. 2, 10 avril 2025, n° 23-11.473, F-D N° Lexbase : A95760II : En matière de procédure orale, notamment en matière de contentieux de la Sécurité sociale, les parties n’ont pas à solliciter la fixation d’une audience pour interrompre le délai biennal de péremption, sauf diligence particulière imposée par la juridiction.

♦ Prescription

Cass. civ. 2, 7 mai 2025, n° 23-20.113, F-B N° Lexbase : A22460RM : En principe, l'interruption de la prescription ne peut s'étendre d'une action à l'autre, il en est autrement lorsque les deux actions tendent à un seul et même but.

♦ Rapport d’expertise

Cass. civ. 2, 13 mars 2025, n° 23-18.204, F-D N° Lexbase : A2860673 : Aux termes de l’article 16 du Code de procédure civile N° Lexbase : L1133H4Q, et hormis les cas où la loi en dispose autrement, le juge ne peut fonder exclusivement sa décision sur une expertise non judiciaire réalisée à la demande de l’une des parties.

♦ Référé

Cass. com., 19 mars 2025, n° 22-24.761, F-B N° Lexbase : A501768C : Lorsque le juge est saisi au fond sur renvoi du juge des référés, conformément à l’article 873-1 du Code de procédure civile N° Lexbase : L0852H4C, les parties peuvent présenter devant lui des demandes incidentes, additionnelles ou reconventionnelles, qui n'avaient pas été présentées devant le juge des référés.

Cass. civ. 2, 22 mai 2025, n° 23-14.133, F-B N° Lexbase : B3032AAK : Il résulte des articles 485 N° Lexbase : L8426IRI, 486 N° Lexbase : L6600H7L, 857 N° Lexbase : L1475I87 et 858 N° Lexbase : L0834H4N du Code de procédure civile, que la procédure de référé devant le tribunal de commerce est régie par les dispositions communes à toutes les juridictions en matière de référé.

♦ Requête en rectification d’une erreur ou omission matérielle

Cass. civ. 2, 27 mars 2025, n° 22-21.527, F-B N° Lexbase : A42090CU : Il résulte des articles 14 N° Lexbase : L1131H4N et 462 N° Lexbase : L1217INE du Code de procédure civile, que lorsqu’il statue sans audience sur une requête en rectification d’une erreur ou omission matérielle, le juge, saisi par une partie, doit s’assurer que la requête a été portée à la connaissance des autres parties. Ainsi, viole les textes susvisés le tribunal qui rend une décision alors qu’il ne résulte ni des mentions de cette dernière ni des productions que la requête a été portée à la connaissance de l’autre partie.

♦ Signification

Cass. civ. 2, 27 mars 2025, n° 22-18.623, F-D N° Lexbase : A58860DD : Selon l’article 655 du Code de procédure civile N° Lexbase : L6822H7S, si la signification à personne s’avère impossible, l’acte peut être délivré à domicile, soit, à défaut de domicile connu, à résidence. Dans ce cas, l’huissier doit relater dans l’acte, les diligences qu’il a accomplies pour effectuer la signification à la personne de son destinataire, et les circonstances caractérisant l’impossibilité d’une telle signification. Ainsi, viole l’article 655 du Code de procédure civile, la cour d’appel qui déclare tardif un appel, en raison du fait que l’acte de signification mentionnait que la certitude de l’adresse a été confirmée par le voisinage.

Cass. civ. 2, 27 mars 2025, n° 23-14.298 N° Lexbase : A42090CU : Lorsqu’un acte de signification a été délivré à l’étude de l’huissier au motif de l’absence de la personne concernée, mais qu’il n’a pas été procédé à d’autres vérifications de l’adresse que la présence du nom sur la boîte aux lettres, cela constitue un vice de forme. 

Cass. civ. 2, 10 avril 2025, n° 23-12.313, F-D N° Lexbase : A95250IM : Lorsqu’à peine de nullité, un acte ne peut être délivré à domicile que si la signification à personne s’avère impossible, cette impossibilité devant être constatée dans l’acte lui-même.

♦ Tierce opposition

Cass. civ. 2, 20 mars 2025, n° 22-24.353, F-B N° Lexbase : A531568D : Un employeur à l’égard duquel la décision de la CPAM sur le refus de prise en charge était définitive, dispose d’un intérêt personnel et actuel à former une tierce opposition à l’encontre d’un arrêt d’appel, qui reconnaît dans les rapports entre la caisse et la victime, le caractère professionnel de la maladie.

♦ Vérification d’un acte sous seing privé

Cass. civ. 2, 13 mars 2025, n° 23-16.755, F-B N° Lexbase : A571764I : Aux termes des articles 285 N° Lexbase : L5570LTH et 789, 5° N° Lexbase : L9730MMC du Code de procédure civile, il appartient à une cour d’appel qui est saisie du principal et d’une dénégation de l’écriture d’un acte sous signature privée demandée incidemment, de vérifier l’acte contesté, quand bien même la demande de vérification n’a pas été présentée au cours de la mise en état.

II. Actualité jurisprudentielle en voies d’exécution

♦ Astreinte

Cass. civ. 2, 22 mai 2025, n° 22-22.416, F-B N° Lexbase : B3030AAH : L’action en liquidation d’une astreinte est soumise au délai de prescription des actions personnelles et mobilières prévu à l’article 2224 du Code civil N° Lexbase : L7184IAC (Cass. civ. 2, 21 mars 2019, n° 17-22.241, FS-P+B N° Lexbase : A8961Y4N). Lorsqu'une obligation est assortie d'une astreinte fixée par jour de retard, la prescription de l'action en liquidation de cette astreinte ne court pas, de manière distincte, pour chaque jour de retard pendant lequel l'obligation n'a pas été exécutée, mais à compter du jour où l'astreinte a pris effet.

♦ Chèque impayé

Cass. civ. 2, 22 mai 2025, n° 22-15.566, F-B N° Lexbase : B3035AAN : Le juge de l’exécution a le pouvoir de trancher une contestation portant sur la validité du titre exécutoire, délivré en application de l’article L.131-73 du Code monétaire et financier N° Lexbase : L9263LBP. Dans cette hypothèse, le juge de l’exécution a le pouvoir de statuer sur l'exception tirée de l'absence de cause du chèque.

♦ Juge de l’exécution

Cass. civ. 2, avis, 13 mars 2025, n° 25-70.003, FS-B+R N° Lexbase : A689164Y : Malgré l’abrogation partielle de l’article L.213-6 du Code de l’organisation judiciaire N° Lexbase : L2379M9Y, par le Conseil constitutionnel (Cons. const., décision n° 2023-1068 QPC, du 17 novembre 2023 N° Lexbase : A61411ZH), le juge de l’exécution demeure compétent pour connaître de la saisie des rémunérations ainsi que des contestations relatives à des mesures d’exécution forcée mobilières.

Cass. civ. 2, 22 mai 2025, n° 22-22.416, F-B N° Lexbase : B3030AAH : Le juge de l’exécution est compétent pour statuer sur une demande de dommages et intérêts, en raison du défaut d’exécution d’un titre exécutoire.

♦ Mesure conservatoire

Cass. civ. 2, 27 mars 2025, n° 22-18.847, F-B N° Lexbase : A42240CG : Viole l’article L.511-1 du Code des procédures civiles d’exécution N° Lexbase : L5913IRG, une cour d’appel qui reconnaît l’existence d’une créance paraissant fondée en son principe, sans examiner la contestation tenant à la prescription applicable et à son point de départ.

♦ Notification du titre exécutoire

Cass. civ. 2, 27 mars 2025, n° 22-18.591, F-B N° Lexbase : A42210CC : Il résulte des articles L.211-1 du Code des procédures civiles d’exécution N° Lexbase : L5837IRM et de l’article 503 du Code de procédure civile N° Lexbase : L6620H7C que seul le titre exécutoire en vertu duquel la saisie est pratiquée doit être notifié au débiteur. Dans le cas d’espèce, des époux ont été condamnés devant la Cour de cassation à payer une certaine somme à des créanciers. Au cours de leur procès, seuls l’arrêt d’appel et la décision de la Cour de cassation leur ont été notifiés. La décision de première instance n’a pas été notifiée aux parties adverses. Ensuite, les créanciers ont pratiqué une saisie attribution à l’encontre des débiteurs sur le fondement de l’arrêt de la Cour de cassation. Ces derniers ont alors tenté de contester la validité de la saisie, au motif que la décision de première instance ne leur a pas été notifiée. Or, la Cour de cassation rejette cette argumentation aux motifs que la saisie avait été réalisée au visa de la décision que la Cour avait rendu sur le fond de l’affaire. De ce fait, la décision de première instance n’avait pas à être notifiée. Également, la Cour approuve le raisonnement de la cour d’appel qui a considéré que la saisie était justifiée, et ce, malgré le fait qu’elle visait notamment à obtenir le paiement d’indemnités accordées par le tribunal et le premier arrêt d’appel.

♦ Procès-verbal de constat d’achat

Cass. mixte, 12 mai 2025, n° 22-20.739 N° Lexbase : A73480W3 : L'absence de garanties suffisantes d'indépendance du tiers acheteur à l'égard du requérant n'est pas de nature à entraîner la nullité du constat d'achat. Dans cette hypothèse, le juge doit apprécier si ce défaut d'indépendance affecte la valeur probante du constat.

♦ Saisie-attribution

Cass. civ. 2, 27 mars 2025, n° 22-18.531, F-B N° Lexbase : A42250CH : Il résulte de l’article L.211-1 du Code des procédures civiles d’exécution N° Lexbase : L5837IRM que le créancier muni d'un titre exécutoire fondant une saisie-attribution peut saisir entre les mains d'un tiers les créances de son débiteur, mais non celles du débiteur de ce dernier.

♦ Saisie des biens corporels

Cass. civ. 2, 27 mars 2025, n° 22-20.142, F-D N° Lexbase : A58670DN : L’omission de la mention du décompte distinct du principal et des intérêts, dans le commandement aux fins de saisie-vente, constitue une irrégularité de forme. Dans cette hypothèse, la nullité du commandement ne peut être prononcée qu’à charge pour l’adversaire l’invoquant de prouver le grief que lui causait l’irrégularité, même lorsqu’il s’agit d’une formalité substantielle ou d’ordre public.

♦ Saisie immobilière

Cass. civ. 2, 27 mars 2025, n° 22-20.194, F-B N° Lexbase : A56290CH : C’est sans excéder ses pouvoirs, qu’un juge de l’exécution peut refuser d’homologuer un projet de distribution qui prévoit sur le prix de vente le prélèvement d'une somme non renseignée au bénéfice d'un créancier qui n'est pas admis à faire valoir ses droits sur le prix de la vente, en application de l'article L. 331-1 du Code des procédures civiles d'exécution N° Lexbase : L0434L8L.

♦ Saisie des rémunérations

Cass. civ. 2, 27 mars 2025, n° 22-18.591, F-B N° Lexbase : A42210CC : L’erreur portant sur la somme réclamée dans l'acte de saisie, consistant à ce que le créancier a en outre réclamé, dans le décompte, le paiement de sommes dues en vertu d'autres titres qui ne sont pas visés à l'acte, n'est pas une cause de nullité de celui-ci et ne peut donner lieu qu'à la réduction du montant pour lequel la saisie est pratiquée.

♦ Sous-cautionnement

Cass. civ. 2, 27 mars 2025, n° 22-11.482, F-B N° Lexbase : A42100CW : Il résulte de l’article L.111-3, 4° du Code des procédures civiles d’exécution N° Lexbase : L3909LKY et de l’article 33, du décret n° 71-941, du 26 novembre 1971 N° Lexbase : C03277BQ, que la formule exécutoire apposée sur un acte de prêt notarié confère force exécutoire à l’engagement de sous-cautionnement au bénéfice de la caution. Pour ce faire, l’acte notarié doit comprendre l’engagement de sous-cautionnement. La caution qui a payé le prêteur en raison de la défaillance de l’emprunteur peut, sur le fondement de ce titre exécutoire, recouvrer sa créance envers la sous-caution, au titre de son action personnelle.

 

III. Actualité normative

Décret n° 2025-257, du 20 mars 2025, portant sur la rétribution au titre de l’aide juridictionnelle des avocats assistant plusieurs parties N° Lexbase : L0059M93 : Publié au journal officiel du 22 mars 2025, ce décret révise la part contributive versée par l’État à l’avocat, ou à l’avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, prévue par l’article 92, du décret n° 2020-1717, du 28 décembre 2020 N° Lexbase : Z66614XA. Conformément à l’article 2 N° Lexbase : Z73270S4 de ce décret, cette réforme entrera en vigueur le 1er août 2025.

Décret n° 2025-258, du 21 mars 2025, relatif au statut des clercs de commissaires de justice N° Lexbase : L0066M9C : Publié au journal officiel du 22 mars 2025, ce décret détermine le statut des clercs de commissaires de justice, dans le décret n° 2022-949, du 29 juin 2022 N° Lexbase : L2744MYB. Conformément à l’article 6 de ce décret N° Lexbase : Z81495UA, ce dernier est entré en vigueur le 1er avril 2025.

Loi n° 2025-391, du 30 avril 2025, portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière économique, financière, environnementale, énergétique, de transport, de santé et de circulation des personnes N° Lexbase : L4775M9Q : Publiée au journal officiel du 2 mai 2025, cette loi réforme notamment l’action de groupe en introduisant, par exemple, une amende civile d'un montant maximal de 50 000 euros qui peut être prononcée contre le demandeur ou le défendeur à l'instance lorsque celui-ci a, de manière dilatoire ou abusive, fait obstacle à la conclusion d'un accord sur le fondement du jugement ayant ordonné la procédure collective de liquidation des préjudices.

Décret n° 2025-493, du 3 juin 2025, relatif au registre numérique des saisies des rémunérations, à la procédure de saisie des rémunérations et à la formation des commissaires de justice répartiteurs N° Lexbase : L8792M9I : Publié au journal officiel du 5 juin 2025, ce décret encadre la création du registre numérique de saisie des rémunérations du travail, et il entrera en vigueur au même moment que la nouvelle procédure des saisies des rémunérations, c’est-à-dire le 1er juillet 2025.

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[Dépêches] Conclusions : le conseiller de mise en état ne peut imposer une limite de pages !

Réf. : Cass. civ. 2, 3 juillet 2025, n° 22-15.342, FS-B N° Lexbase : B7774APM

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N2644B3C

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par Marie Le Guerroué

Le 09 Juillet 2025

Aucune disposition législative ou réglementaire ne donne le pouvoir au conseiller de mise en état de contraindre les parties, sous peine de radiation, à limiter le nombre de pages de leurs conclusions, ce qui serait de nature à entraver l'exercice du droit d'appel.

Des justiciables avaient relevé appel d'un jugement d'un tribunal de grande instance dans un litige les opposant à des sociétés. Un conseiller de la mise en état avait enjoint à l'avocat des appelants de synthétiser ses prétentions ainsi que les moyens qui les fondent en de nouvelles écritures ne devant pas excéder 35 pages, sans modification de la police, du caractère et de la mise en page, dans un délai de trois mois en précisant qu'à défaut, l'affaire pourra être radiée. La radiation de l'affaire avait été prononcée à défaut d'avoir satisfait à cette injonction. L'ordonnance précisant que l'affaire ne serait rétablie que sur justification de l'accomplissement des diligences dont le défaut avait entraîné la radiation.

Les juges du droit rendent leur décision au visa de l’article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales N° Lexbase : L4747AQU et de l'article 913 du Code de procédure civile N° Lexbase : L7246LE4, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2023-1391 du 29 décembre 2023 N° Lexbase : L4949MYX et l'article 780 du Code de procédure civile N° Lexbase : L9318LTB. Selon le deuxième de ces textes, le conseiller de la mise en état peut enjoindre aux avocats de mettre leurs conclusions en conformité avec les dispositions des articles 954 N° Lexbase : L2439MLW et 961 N° Lexbase : L2440MLX du Code de procédure civile. Selon le troisième, rendu applicable à la procédure d'appel par l'article 907 N° Lexbase : L2400MLH du Code de procédure civile, le conseiller de la mise en état a mission de veiller au déroulement loyal de la procédure et peut, si besoin, adresser des injonctions aux avocats et ordonner le retrait du rôle dans les cas et conditions des articles 382 N° Lexbase : L2263H4L et 383 N° Lexbase : L2268H4R du Code de procédure civile. Si les deuxième et troisième de ces textes donnent au conseiller de la mise en état le pouvoir d'enjoindre aux avocats de mettre leurs conclusions en conformité avec les dispositions des articles 954 et 961 du Code de procédure civile et de prononcer la radiation, dans les conditions de la loi pour sanctionner le défaut de diligences des parties, ces textes ni aucune autre disposition législative ou réglementaire ne lui donnent le pouvoir de contraindre les parties, sous peine de radiation, à limiter le nombre de pages de leurs conclusions, ce qui serait de nature à entraver l'exercice du droit d'appel.
Pour les juges du droit, en statuant ainsi, le conseiller de la mise en état, qui a méconnu l'étendue de ses pouvoirs et entravé l‘exercice du droit d'appel, a violé les textes précités.

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Concurrence

[Commentaire] L’arrêt Doctrine : une pierre de plus dans la construction du droit de la concurrence déloyale ou un arrêt d’espèce d’une portée limitée ?

Réf. : CA Paris, 5-1, 7 mai 2025, n° 23/06063 N° Lexbase : A22470RN

Lecture: 23 min

N2638B34

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par Walid Chaiehloudj, Agrégé des Facultés de droit, Professeur à Université Côte d’Azur (Nice), Co-directeur du Centre de droit économique et du développement YS (Université de Perpignan), Membre du collège de l’Autorité de la concurrence (Paris), Vice-Président de l’Autorité de la concurrence de la Nouvelle-Calédonie (Nouméa)

Le 09 Juillet 2025

Mots-clés : concurrence déloyale • legaltech • responsabilité civile • collecte illicite de décisions de justice • faute lucrative

L’arrêt Doctrine du 7 mai 2025 condamne une legaltech pour concurrence déloyale liée à la collecte illicite de décisions de justice. S’il réaffirme certains principes bien établis, son impact réel demeure incertain. La faiblesse des sanctions prononcées et une mise en œuvre de la responsabilité civile, marquée par certaines apories, limitent en effet sa portée. Un arrêt important, mais dont l’importance pourrait s’avérer éphémère.


 

1. Un arrêt médiatique. L’arrêt Doctrine a suscité une couverture médiatique aussi exceptionnelle que rare. À peine rendu, il a été relayé par plusieurs grands médias (Le Monde, Le Point, Les Échos, etc.), lesquels se sont empressés de rapporter la condamnation de la legaltech pour concurrence déloyale. Cet engouement est à vrai dire peu surprenant. L’affaire concerne une entreprise désormais bien connue qui a profondément reconfiguré les équilibres concurrentiels du marché de l’édition juridique. Créée en 2016, la plateforme Doctrine.fr a imposé sa marque en proposant une innovation incrémentale [1] en apparence fort simple, voire éminemment modeste : l’accès payant en ligne à des « millions » de décisions de justice… N’est-ce pas précisément ce que faisaient les éditeurs historiques depuis des décennies ? Et pourtant, Doctrine s’est rapidement imposée comme un acteur majeur du paysage éditorial juridique français. Comment une telle prouesse a-t-elle pu être réalisée ?

2. Des pratiques douteuses. Derrière ce succès entrepreneurial se dissimulaient en réalité des pratiques commerciales douteuses. En effet, Doctrine ne s’est pas distinguée en raison de ses mérites, à savoir la commercialisation d’une innovation disruptive lui donnant un avantage concurrentiel décisif sur le marché. L’entreprise a tout simplement triché en utilisant des méthodes illégales pour recueillir l’« or noir » des éditeurs juridiques : les décisions rendues par les juridictions du fond ! Concrètement, ce qui a permis à Doctrine de devenir un acteur incontournable du marché, c’est le fonds jurisprudentiel qu’elle a réussi à constituer à vitesse grand V. L’arrêt révèle qu’en quelques années, la legaltech française s’est procuré environ 3 millions de décisions des tribunaux judiciaires, 1,6 millions de décisions des tribunaux administratifs et 3 millions de décisions des tribunaux de commerce dépassant de loin les fonds constitués pendant des décennies par les éditeurs juridiques les plus reconnus de la place parisienne [2]. Or la constitution d’une telle base de données avec une telle célérité n’aurait pu être possible en respectant la législation au moment des faits. Si la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique N° Lexbase : L6477MSP consacrant le principe d’une large diffusion des décisions de justice était bien en vigueur, le nouvel article L. 111-3 du Code de l’organisation judiciaire N° Lexbase : L7804HND était toujours orphelin de son décret d’application. Ce dernier ne fut adopté qu’en juin 2020 [3]. Aussi les éditeurs juridiques devaient-ils respecter une procédure exigeante et rigoureuse pour obtenir les décisions de justice auprès des greffes des juridictions administratives et judiciaires. Non seulement ils avaient l’obligation de se conformer à l’article 6 de la loi « informatique et libertés » (loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 N° Lexbase : L8794AGS) qui dispose que « les données sont collectées et traitées de manière loyale et licite », mais également à l’article R. 123-5 du Code de l’organisation judiciaire N° Lexbase : L6773IA4 prévoyant la nécessité d’obtenir l’autorisation du directeur de greffe pour accéder à une décision de justice. Doctrine s’est très largement écartée de ce cadre réglementaire en agissant principalement de trois manières :

  • en se faisant volontairement passer pour des cabinets d’avocats notoires ou pour des universitaires (i) ;
  • en utilisant illégalement la technique du typosquatting (ii) ;
  • en faisant usage de façon dévoyée de la publicité comparative (iii).

3. Échec en première instance. Pour ces raisons, les éditeurs historiques ont saisi le juge pour faire condamner ces pratiques sur le fondement de la concurrence déloyale.  Ces derniers considéraient que Doctrine avait commis des actes de concurrence illégale, des actes parasitaires, mais également mis en œuvre des pratiques commerciales trompeuses. En première instance, le tribunal de commerce de Paris a été entièrement sourd à leurs demandes et a même condamné les éditeurs historiques pour procédure abusive. Mécontents du jugement, les éditeurs décidèrent de faire appel.

4. Une victoire en demi-teinte. Cet appel fut bien senti. Il a permis un retour à meilleure fortune, la juridiction parisienne ayant jugé que Doctrine avait commis des actes de concurrence déloyale. Cependant, le succès n’est guère total, et ce, pour au moins deux raisons. D’une part, la cour d’appel de Paris a estimé que les appelantes n’avaient ni rapporté la preuve d’actes parasitaires ni celle de la mise en œuvre de pratiques commerciales trompeuses. Autrement dit, seule la « concurrence illégale » a été sanctionnée. Il s’agit de la situation dans laquelle une entreprise se dispense de respecter la loi pendant que d’autres portent le poids de certaines normes et se trouvent ainsi pénalisées dans la lutte concurrentielle [4]. D’autre part, la réparation du préjudice a été strictement limitée à l’octroi de dommages et intérêts, la juridiction parisienne ayant refusé de faire droit à la suppression des décisions collectées de façon déloyale. C’est dire qu’alors même que des décisions de justice ont été obtenues de façon illicite et ont permis d’obtenir un avantage concurrentiel déloyalement, la juridiction parisienne n’a pas jugé pertinent d’ordonner leur suppression. Elle justifie ce refus en se réfugiant derrière le nouveau cadre réglementaire très favorable aujourd’hui à l’open data des décisions de justice.

5. Un grand arrêt ? Très rapidement – seulement 8 jours après son prononcé –, la décision Doctrine a été qualifiée de « grand arrêt » [5]. L’une des justifications pour lui attribuer cette qualification tient au fait qu’elle rappelle les bases du droit : celles de la liberté (du commerce et de l’industriel) et de la responsabilité (civile extracontractuelle). Pour autant, est-ce bien suffisant pour la couronner de l’attribut de grandeur ? Certes, et de toute évidence, l’arrêt fera date. Il a d’ores et déjà marqué les esprits et sera certainement très commenté par la vraie « doctrine ». Mais en parlera-t-on encore à nos étudiants dans une vingtaine d’années dans un cours où la concurrence déloyale serait évoquée ? Les avocats le mobiliseront-ils dans leurs écritures à moyen et long terme ? À court terme, ce sera certainement le cas. Toujours est-il que cet arrêt pourrait être frappé du sceau de l’éphémérité. En effet, il pourrait perdre promptement sa valeur normative, notamment si la Cour de cassation était invitée à se prononcer sur la décision. Tout au plus, pourrait-il alors être utilisé en tant que précédent, c’est-à-dire « comme une autorité persuasive et non comme norme à appliquer » [6].

6. Un grand arrêt du droit de la concurrence déloyale ? Quoi qu’il en soit, l’angle du grand arrêt nous paraît très intéressant. Car à défaut d’être un grand arrêt de la jurisprudence civile et commerciale, on peut se demander s’il ne s’agit pas d’un grand arrêt du droit de la concurrence déloyale. À l’aune des critères établis par Henri Capitant, on pourrait d’ores et déjà lui retirer ce titre. Sa principale lacune tient au fait qu’il ne provient pas d’une Cour suprême. Pour l’illustre auteur, « tant que la Cour de cassation ne s’est pas prononcée sur un point de droit controversé, la jurisprudence n’est pas fixée » [7]. Cependant, Capitant avait posé une seconde condition. L’arrêt est grand nous dit-il s’il « [a] mis fin à une controverse ou inauguré une nouvelle interprétation » [8]. Mettre fin à une controverse et inaugurer une nouvelle interprétation, éprouvons ces deux propositions. Première question : l’arrêt de la cour d’appel de Paris n’a-t-il pas mis un terme à une controverse ? La réponse semble positive. On sait désormais que l’entreprise Doctrine a bien violé l’article 1240 du Code civil N° Lexbase : L0950KZ9 en commettant des actes de concurrence déloyale. Deuxième question : l’arrêt a-t-il inauguré une nouvelle interprétation de l’article 1240 du Code civil ? La réponse peut derechef apparaître positive. On sait également désormais que la violation de la réglementation en matière de traitement et de collecte des décisions de justice procure nécessairement un avantage concurrentiel indu. Seul hic, comme indiqué supra, cette interprétation n’est pas figée dans le marbre jurisprudentiel, puisque le délai pour se pourvoir en cassation n’a toujours pas expiré au moment où ces lignes sont écrites.

7. Plan. En définitive, pour apprécier la valeur de ce déjà célèbre arrêt Doctrine, il nous paraît pédagogique de mettre en exergue ses apports (I) et ses apories (II). Le lecteur jugera par lui-même s’il s’agit d’une décision d’espèce, « rendue sans volonté, voire sans conscience normative » [9] ou d’un arrêt éversif, susceptible de remodeler durablement le droit de la concurrence déloyale.

I. Les apports

  1. L’arrêt Doctrine contient selon nous deux séries d’apports. Il y a des confirmations (A) et des nouveautés (B).

A. Les confirmations

9. Concurrence illégale. L’arrêt Doctrine confirme, d’abord, que la concurrence sur le marché doit être loyale, presque même « fraternelle »  [10] pour reprendre l’élégante expression du professeur Le Tourneau. Autrement dit, « chaque commerçant, chaque entreprise, est tenu de s’abstenir de certains actes, de certaines pratiques, peut-être profitables, mais contraires à la loyauté » [11]. Cette loyauté est trahie quand un concurrent s’affranchit du respect d’une législation impérative pour en tirer un avantage indu. Ce raisonnement n’est guère nouveau. Depuis quelques années, les actes de concurrence illégale prenant la forme du non-respect d’une législation qui s’impose aux acteurs du marché sont sévèrement sanctionnés.  Pêle-mêle, on peut citer des affaires où des entreprises ont exploité une surface de vente sans autorisation administrative [12], violé le droit de l’environnement [13], la législation anti-blanchement [14], le RGPD [15], bravé l’interdiction des ouvertures dominicales [16] ou mis en place un système de sous-traitance illicite prohibée par la législation sociale [17].  Au cas d’espèce, il s’agit d’une application de la concurrence illégale dans un contexte où les dispositions de l’article 6 de la loi « informatique et libertés » et de l’article R. 123-5 du Code de l’organisation judiciaire ont été cumulativement violées. En d’autres mots, nihil novi sub sole… La juridiction d’appel confirme simplement que violer une législation impérative entraîne un avantage indu par rapport aux concurrents, ce qui caractérise des actes de concurrence déloyale.

10. Typosquatting. Ensuite, la condamnation des pratiques de typosquatting n’est guère plus étonnante. Ce qui surprend, c’est surtout l’absence de condamnation de cette pratique en première instance. La jurisprudence de la cour d’appel de Paris était pourtant très claire en la matière [18] et la juridiction d’appel ne s’est pas contredite. Le fait de réserver et d’enregistrer des noms de domaine très proches, voire similaires, pour créer un risque de confusion ou d’enregistrer plusieurs noms de domaine voisins pour altérer les référencements sur les moteurs de recherche constitue des actes de concurrence déloyale. Comme le rappelle une auteure, la seule hypothèse où la concurrence déloyale doit être écartée, c’est lorsqu’il y a seulement un « caractère descriptif du signe, quand bien même il existerait un risque de confusion » [19]. Or, en l’espèce, comme l’a justement relevé la cour d’appel de Paris, nous ne sommes point dans une telle configuration. Les pratiques de typosquatting de Doctrine consistant à enregistrer des noms de domaines similaires à ceux d’institutions judiciaires ou de concurrents « ont conduit à une captation frauduleuse du trafic d’internautes cherchant à accéder aux sites institutionnels concernés et à une confusion auprès des greffes, facilitant l’obtention indue des décisions judiciaires ».

11. Publicité comparative. En outre, la cour d’appel insiste sur le caractère illicite de la publicité comparative faite par Doctrine. Celle-ci fut diffusée sur une chaîne d’information notoire et défendait l’idée que, choisir Doctrine, c’était choisir la plateforme avec le « Plus de décisions ». Or, l’article L. 122-1 du Code de la consommation N° Lexbase : L1685K7K impose, d’une part, que la publicité ne soit pas trompeuse ou de nature à induire en erreur les consommateurs et, d’autre part, qu’elle propose une comparaison objective. En l’espèce, ce n’était pas le cas dans la mesure où les décisions de justice accessibles dans le fonds jurisprudentiel de Doctrine avaient été collectées illicitement et déloyalement. Sur ce point, le raisonnement de la cour d’appel n’est guère inédit. Il y a par exemple un grand nombre d’arrêts portant sur le caractère déloyal du défaut d’objectivité [20].

12. Application de Cristal de Paris. Enfin, la cour d’appel de Paris confirme que l’arrêt Cristal de Paris [21] s’applique dès lors qu’il est difficile d’évaluer précisément le préjudice subi par les victimes d’actes de concurrence déloyale. Dans ce cas, la réparation du préjudice peut être évaluée en prenant en considération « l’avantage indu » que s’est octroyé l’auteur des actes de concurrence déloyale. Cet arrêt montre une nouvelle fois que les juridictions du fond se sont bien approprié les principes établis par la Chambre commerciale, puisque ce n’est pas la première fois que la juridiction parisienne utilise la magie du cristal pour alléger la charge probatoire des victimes [22].

B. Les nouveautés

13. Une faible nouveauté. Les nouveautés ne sont à vrai dire pas très sensibles. Grâce à l’arrêt Doctrine, on sait, d’abord, que les arrêts ayant donné gain de cause aux legaltechs qui avaient subi des refus de la part des greffes demeurent valables dans leur principe. Il faut se souvenir que certains arrêts [23] avaient indiqué que les services des greffes avaient l’obligation de délivrer des copies des décisions de justice aux tiers - y compris les legaltechs - en veillant à leur anonymisation. Aussi Doctrine ne pourrait-elle pas opposer une défense par laquelle elle indiquerait qu’il est trop difficile d’obtenir les décisions de justice lorsque le service des greffes est récalcitrant. En cas de difficulté, l’entreprise doit saisir le juge pour qu’il oblige les greffes à transmettre les décisions. À cet égard, l’arrêt Doctrine incite davantage les éditeurs juridiques à suivre cette voie de la légalité sous peine d’être exposés au paiement de dommages et intérêts substantiels. On admettra cependant que cette nouveauté ne pèse pas bien lourd. Elle est d’autant plus légère que le législateur [24] a suivi à la lettre les préconisations du rapport Cadiet qui proposait de préserver les greffes des demandes abusives lorsqu’elles ont un caractère répétitif, systématique et qu’est requis un nombre massif de décisions [25]. L’article L. 111-14 du Code de l’organisation judiciaire prévoit désormais que les tiers peuvent obtenir copie des décisions de justice « sous réserve des demandes abusives, en particulier par leur nombre ou par leur caractère répétitif ou systématique ».

14. Une première fois. Ensuite, une autre nouveauté peut être relevée, quoiqu’elle soit éminemment prosaïque. C’est la première fois que le droit de la concurrence déloyale est appliqué à une legaltech et au marché des éditeurs juridiques. Si les principes de la concurrence déloyale ne sont pas bouleversés en l’espèce, la décision démontre la souplesse de l’article 1240 du Code civil et le caractère universel de son rayonnement : tous les marchés peuvent subir les foudres de son application. Ce n’est en revanche pas la dernière fois que les éditeurs seront exposés au droit de la concurrence. Aux États-Unis par exemple, le droit antitrust a récemment été mobilisé pour faire condamner de grands éditeurs sur le fondement du Sherman Act. Une plainte a été déposée pour faire condamner le fait : de ne pas rémunérer les relectures par les pairs (i) ; d’obliger les auteurs à soumettre leurs manuscrits à une seule revue à la fois (ii) ; et d’empêcher les chercheurs de partager librement leurs manuscrits sous forme de prépublications, car une fois l’article accepté, ils doivent céder tous leurs droits aux éditeurs qui facturent ensuite des frais d’accès très élevés (iii) [26].

II. Les apories

  1. L’arrêt doctrine est frappé d’apories. Il y a, pour le spécialiste du droit de la concurrence déloyale, une contradiction insoluble dans le raisonnement de la cour d’appel de Paris. En effet, si la juridiction estime que Doctrine a commis des actes de concurrence déloyale, elle n’en tire pas toutes les conséquences au stade de la sanction (A). Il y a assurément pour cette raison une perturbation des fonctions de la responsabilité civile (B).

A. Au stade de la sanction

16. Insuffisance de l’indemnisation. L’insatisfaction est immense lorsqu’on s’attarde sur la sanction infligée. Bien que la cour d’appel de Paris ait appliqué la méthode des avantages indus, conformément à l’arrêt Cristal de Paris, elle n’a alloué que 40 000 euros de dommages et intérêts à l’ensemble des éditeurs juridiques, estimant que leur préjudice se limitait simplement à une atteinte à leur image. Deux éditeurs se sont toutefois vu accorder 10 000 euros supplémentaires chacun, en raison des publicités comparatives illicites dont ils ont spécifiquement fait l’objet.

17. Agir en urgence. L’évaluation pécuniaire du préjudice demeure ainsi la gageure du contentieux de la concurrence déloyale. Le montant paraît très modeste au regard des chiffres d’affaires réalisés. Aussi bien, l’arrêt invite-t-il les victimes à agir avec célérité et surtout à ne pas oublier d’activer les procédures d’urgence pour faire cesser au plus tôt les pratiques illicites. Il y avait ici tout intérêt à mettre urgemment un terme au pillage illégal des décisions de justice. Toujours est-il que ce bon réflexe ne sera pas toujours payant. Encore faut-il tomber sur un juge sensible à l’argumentation présentée ! En l’espèce, le premier juge a considéré qu’il n’y avait pas d’actes de concurrence déloyale… C’est dire que les entreprises se trouvaient dans une impasse dans ce contexte, ce qui a favorisé l’auteur des actes de concurrence déloyale, lequel a pu continuer à progresser sur le marché et à grignoter illégalement les parts de marché des concurrents.

18. Mansuétude de la juridiction pour le nouvel entrant. Le plus choquant dans cette décision tient au paradoxe, voire à la contradiction, de condamner pécuniairement Doctrine, d’un côté, et de ne pas accepter la demande de supprimer l’intégralité des décisions de justice mises à disposition en méconnaissance de la législation applicable au moment des faits, de l’autre côté. La dissonance est tout simplement gênante. Si au moment du prononcé de la décision, le droit est plus favorable à Doctrine, puisqu’elle peut désormais obtenir un peu plus facilement les décisions litigieuses aujourd’hui qu’hier, il n’en demeure pas moins que pour le passé, la collecte de décisions était illégale. Et c’est bien cette collecte illégale qui a permis à Doctrine de prendre un avantage décisif sur les concurrents. Le principe de proportionnalité a bon dos. La juridiction motive sa décision en énonçant : « si la cour […] faisait droit [aux demandes de suppression], des difficultés d’exécution au regard du nombre de décisions [se présenteraient], [et les demandes] ne sont en outre pas proportionnées aux objectifs poursuivis au regard des intérêts en présence ». Mais n’est-ce pas disproportionné de donner le signal qu’en cas de collecte illégale, la juridiction n’imposera pas le retour au statu quo ante ou l’interdiction de proposer aux clients de la legaltech les décisions acquises frauduleusement ? Et quels sont exactement ces « intérêts en présence » ? À vrai dire, la mansuétude de la juridiction est excessive et on ne peut s’empêcher de penser avec d’autres que cette extrême tolérance tient à la volonté de maintenir le marché concurrentiel sans fragiliser le nouvel entrant. Comme l’indique un auteur, « une plus grande sévérité n’aurait-elle pas conduit à renforcer la position des opérateurs ‘’historiques’’ sur ce marché, au détriment d’un nouvel entrant, dont beaucoup vantent le caractère ‘’disrupteur’’ au profit des utilisateurs ? » [27]. C’est dire, d’une part, que comme dans de trop nombreuses autres décisions rendues en matière de concurrence déloyale, la cour d’appel de Paris autorise le jeu délétère de la faute lucrative [28], et d’autre part, que son arrêt ébranle les fonctions de la responsabilité civile.

B. Au stade des fonctions

19. Les trois fonctions de la responsabilité civile. Comme l’a magistralement expliqué une auteure, trois fonctions sont traditionnellement attachées à la responsabilité civile [29]. Celle-ci aurait une fonction punitive, mais limitée par le principe de réparation intégrale ; une fonction préventive ou prophylactique, qui a pour but de dissuader l’auteur et les tiers de perpétrer les mêmes actes à l’avenir ; et une fonction d’indemnisation, c’est-à-dire que « la responsabilité civile est pensée comme servant à replacer la victime dans l’état qui aurait été le sien si l’évènement préjudiciable ne s’était pas produit » [30]. La cour d’appel a-t-elle respecté les fonctions assignées à la responsabilité civile ? On peut en douter. D’abord, l’arrêt n’aura guère d’effet dissuasif. Bien au contraire, la décision Doctrine semble plutôt encourager les entreprises à franchir le Rubicon. Une nouvelle legaltech pourrait bien bâtir sa stratégie en tenant compte de cette décision pour assumer le faible risque de sanction qui, soit dit en passant, a été infligée après presque 7 ans de procédure… Ensuite, l’arrêt Doctrine permettra-t-il de prévenir le risque de réitération ? On peut également en douter. Néanmoins, il paraît raisonnable de penser que des pratiques identiques pourraient faire l’objet d’une action en cessation, et ce, en urgence. L’arrêt Doctrine faisant office de précédent, le juge de l’urgence pourrait être plus accueillant pour prononcer une injonction sous astreinte. Enfin, la fonction indemnitaire demeure le parent pauvre du contentieux de la concurrence déloyale. Au regard du chiffre d’affaires de l’entreprise et du dommage subi par l’entreprise, il n’y a que le principe « d’appréciation souveraine des juges du fond » qui permet de sauver le crédit de l’arrêt à l’aune de cette fonction indemnisatrice.

20. Morale des affaires, où es-tu ? Par ailleurs, le droit de la concurrence déloyale a également pour finalité de moraliser les affaires. Elle a une dimension disciplinaire. Sur ce volet, on peut encore douter des incidences de l’arrêt. La décision ne promeut-elle pas sans le vouloir la déloyauté et l’absence d’éthique dans les affaires ? Cette moralisation des affaires est pourtant très importante, puisqu’elle permet de freiner les mauvais comportements et faire en sorte que les entreprises ne cèdent pas à la tentation de commettre une faute lucrative. Le cas Doctrine montre combien la protection de cette morale doit être au cœur de l’office du juge. Il faut se rappeler que ce ne sont pas des juristes qui ont créé la legaltech, mais un normalien, un polytechnicien et un doctorant en intelligence artificielle [31], assurément beaucoup moins sensibles à l’application de notre auguste article 1240 du Code civil ! L’entreprise a d’ailleurs été rachetée par un fonds d’investissement américain dont on sait que l’éthique n’est pas mise au sommet des objectifs à atteindre. Comme nous l’avons souligné ailleurs, d’aucuns pourraient penser que le nouvel article 1254 du Code civil N° Lexbase : L4998M9Y pourrait renforcer la fonction punitive de la responsabilité civile [32]. Or, conformément à ce texte, les victimes n’ont pas de pouvoir d’initiative. Reste donc à savoir si le ministère public ou le Gouvernement seront prompts à agir pour freiner l’ardeur créée par le lucre.

21. Conclusion. En définitive, l’arrêt Doctrine est un arrêt marquant, mais guère éversif. Il ne renverse pas les principes du droit de la concurrence déloyale et ne cautère pas les plaies laissées béantes par les précédents arrêts. En droit de la concurrence déloyale, la faute doit toujours être conseillée, puisqu’elle est presque à coup sûr lucrative pour l’auteur des actes déloyaux. C’est donc une décision quelque peu saumâtre qu’il s’est agi de commenter, qui innove peu et ouvre la porte au sentiment d’injustice. À cet égard, nous clôturerons notre texte avec les propos du Professeur Zenati. Dans son ouvrage sur la Jurisprudence, il écrivait : « C’est la réitération des discussions et des délibérations qui permettra d’affiner la conscience du droit et de vérifier la pertinence d’une solution. Tout précédent n’est donc pas bon à prendre. Encore une fois, la juris dictio ne suffit pas. Elle gagne à être complétée par la conviction qu’a le juge d’avoir découvert la bonne solution et d’avoir mis à nu une véritable norme » [33].

 

[1] En effet, il ne s’agissait pas d’une innovation de « rupture ». La mise à disposition de décisions de justice à des abonnés est une pratique commerciale établie de longue date. En réalité, comme nous le verrons infra, ce qui a été plébiscité par les consommateurs, c’est l’accès à des décisions des juridictions du fond en nombre extrêmement important, décisions de justice qu’il était impossible de trouver sur d’autres plateformes concurrentes. Autrement dit, la legaltech a fourni aux professionnels du droit de nouvelles ressources jurisprudentielles jusqu’alors inaccessibles.

[2] Ses principaux concurrents, Dalloz et LexisNexis par exemple, plafonnaient à moins de 3 millions de décisions de justice.

[3] Décret n° 2020-797, 29 juin 2020, relatif à la mise à la disposition du public des décisions des juridictions judiciaires et administratives N° Lexbase : L5877MYC. Ce décret a été complété par un arrêté du 28 avril 2021.

[4] Sur cette définition : voy. W. Chaiehloudj, Concurrence déloyale et reconnaissance d’une distorsion de concurrence « sociale » : le soleil s’est-il levé à Versailles ?4, RLDC, 2025, n° 150, p. 50.

[5] M.-A. Frison-Roche, Le « Grand Arrêt » de la cour d’appel de Paris du 7 mai 2025, Dalloz et al. c/ Forseti, D., 2025, p. 825.

[6] F. Rouvière, Argumentation juridique, PUF, 2023, n° 63.

[7] H. Capitant, Première Préface aux Grands arrêts de la Jurisprudence civile, Dalloz, 1934, in Grands arrêts de la jurisprudence civile (dir. François Terré et Yves Lequette), t. 1, Dalloz, 2007, 12éme éd., p. VII à IX.

[8] Ibid.

[9] F. Zenati, La jurisprudence, Dalloz, 1991, p. 164.

[10] Ph. Le Tourneau, L’éthique des affaires et du management au XXIe siècle, Dalloz-Dunod, 2001, p. 228.

[11] Ibid.

[12] Cass. civ. 1, 6 juillet 2011, n° 10-20.588, F-D N° Lexbase : A9608HUE.

[13] Cass. com., 21 janvier 2014, n° 12-25.443, F-D N° Lexbase : A9952MCL.

[14] Cass. com., 27 septembre 2023, n° 21-21.995, F-B N° Lexbase : A11521II.

[15] TJ Paris, 15 avril2022, n° 19/12628 N° Lexbase : A9945744 – CA Paris, 5-4, 9 novembre 2022, n° 21/00180 N° Lexbase : A58978UX. Adde CJUE, 4 octobre 2024, aff. C-21/23, Lindenapotheke N° Lexbase : A8088583, qui souligne que les dispositions du RGPD « ne s’opposent pas à une réglementation nationale qui, parallèlement aux pouvoirs d’intervention des autorités de contrôle chargées de surveiller et de faire appliquer ce règlement ainsi qu’aux possibilités de recours des personnes concernées, confère aux concurrents de l’auteur présumé d’une atteinte à la protection des données à caractère personnel la qualité pour agir contre celui-ci ».

[16] CA Douai, 12 septembre 2024, n° 24/00131.

[17] CA Versailles, 9 avril 2025, n° 23/00399 N° Lexbase : A91120IC.

[18] Voy. par ex. : CA Paris, 5-1, 30 novembre 2011, n° 09/17146 N° Lexbase : A1722H38 – CA Paris, 5-1, 17 avril 2013, n° 10/14270 N° Lexbase : A1606KCH.

[19] C. Zolinsky, Concurrence déloyale et Internet, AJCA, 2014, p. 162.

[20] Notamment dans le secteur de la grande distribution : v. Cass. crim., 9 mai 2007, n° 06-86.373, F-P+F N° Lexbase : A5067DWL.

[21] Cass. com., 12 février 2020, n° 17-31.614, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A27263EP .

[22] Voy. par ex. : CA Paris, 5-4, 4 octobre 2023, n° 21/22383 N° Lexbase : A95161KN.

[23] V. CA Paris, 2-1, 18 décembre2018, n° 17/22211 N° Lexbase : A1328YRM – CA Douai, 21 janvier 2019, n° 18/06657 N° Lexbase : A4485YZ7. Adde A. Bolze, Accès aux décisions judiciaires et legaltech, Dalloz Actualité, 20 févr. 2019.

[24] En adoptant la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice N° Lexbase : L6740LPC.

[25] Rapport Cadiet, L’open data des décisions de justice, novembre 2017, § 94.

[26] Amended Class Action Complaint, Dhamala et al. v. Elsevier B.V. et al., Case No. 1:24-cv-06409-HG, 15 novembre 2024 (United States District Court for the Eastern District of New York.).

[27] J.-C. Roda, Concurrence déloyale dans le secteur de l’édition juridique, RPDA, 2025, n° RDA100m2.

[28] Ce jeu délétère va se poursuivre après l’arrêt Uberpop qui ne résout en rien ce problème. V Cass. com., 9 avril 2025, n° 23-22.122, FS-B N° Lexbase : A09820HT. Mais le juge, lié par le sacrosaint principe de réparation intégrale, peut-il véritablement combattre cette stratégie ?

[29] J. Rochfled, Les grandes notions du droit privé, PUF, 3ème éd., 2022, n° 6, pp. 611-612.

[30] Ibid.

[31] I. Chaperon, Piratage massif de données au tribunal, Le Monde, 28 juin 2018.

[32] W. Chaiehloudj, Concurrence déloyale et reconnaissance d’une distorsion de concurrence « sociale » : le soleil s’est-il levé à Versailles ?, RLDC, 2025, n° 150, p. 50.

[33] F. Zenati, préc., p. 165.

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Procédure civile

[Dépêches] Magicobus II est arrivé !

Réf. : Décret n° 2025-619, du 8 juillet 2025, portant diverses mesures de simplification de la procédure civile N° Lexbase : L3039NAS

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N2646B3E

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par Alexandre Autrand, doctorant, Université de Limoges, école doctorale Gouvernance des Institutions et des Organisations, Observatoire des Mutations Institutionnelles et Juridiques

Le 10 Juillet 2025

Le décret n° 2025-619 du 8 juillet 2025, portant diverses mesures de simplification de la procédure civile, contient des dispositions relatives, d’une part, à la communication par voie électronique et de dématérialisation des procédures, et d’autre part, à des mesures de simplification diverses.

I. Sur la communication par voie électronique et la dématérialisation des procédures

1. Désormais vaut aussi consentement irrévocable du destinataire à l’utilisation de la voie électronique pour les envois, remises et notifications, le dépôt d’une requête numérique via le « Portail du justiciable » ou la consultation sur celui-ci par le justiciable de l’espace relatif à l’instance (art.1) .

Cette disposition entrera en vigueur le 1er novembre 2025 (art. 14).

2. Également, l’article 2 du décret insère un nouvel alinéa au sein de l’article 653 du Code de procédure civile N° Lexbase : L4834IST.

À compter du 1er septembre 2025, le jugement établi numériquement peut être signifié au format papier. Dans ce cadre-là, le commissaire de justice édite une copie du jugement sur support papier et certifie la conformité de cette édition au jugement numérique.

3. Ensuite, lorsque le jugement est établi numériquement, sa notification peut être faite par la transmission d’un exemplaire dont la signature électronique est valide (art. 2).

4. Enfin, l’article 729-1 du Code de procédure civile N° Lexbase : L6936H7Z prévoira, que lorsque le greffe numérise ou matérialise les pièces du dossier, il certifie de leur conformité aux originaux.

Les pièces papier remises par les parties leur sont restituées (art. 3).

II. Sur les mesures de simplification diverses

1. De manière très attendue, le décret emporte une modification de l’article 145 du Code de procédure civile N° Lexbase : L1497H49.

Désormais, la juridiction territorialement compétente pour statuer sur la demande est celle susceptible de connaître l’affaire au fond ou, s’il y a lieu, celle dans le ressort de laquelle la mesure d’instruction doit être exécutée (art. 4).

Lorsque la mesure d’instruction porte sur un immeuble, la juridiction compétente est celle du lieu où est situé l’immeuble (art. 4).

2. Ensuite, l’article 600 du même Code N° Lexbase : L8424IUK est complété par un nouvel alinéa, qui prévoit qu’en cas d’appel du jugement statuant sur le recours en révision, et lorsque ce recours a été formé par citation, l’appelant doit, à peine d’irrecevabilité dénoncer sa déclaration d’appel au ministère public (art. 6).

3. Aussi, l’article 8 du décret prévoit la création d’un article 959-1 du Code de procédure civile.

Grâce à ce dernier, le premier président aura la faculté de renvoyer une affaire relevant de sa compétence à une audience dont il fixe la date, devant la formation collégiale.

4. L’article 10 du décret attribue à la Cour d’appel de Paris, la compétence exclusive pour statuer sur le recours en annulation à l’encontre d’une sentence d’arbitrage international rendue en France.

Cette disposition est applicable à tous les recours introduits depuis le 1er juin 2025 (art. 14).

5. Enfin, un article R. 2313-7 du Code du travail est créé par l’article 11 du décret.

Ce nouvel article confère au tribunal judiciaire, une compétence exclusive pour statuer sur les contestations relatives à la désignation d’un représentant de proximité.

III. Sur l’entrée en vigueur de ce décret

Par principe, le décret entre en vigueur le 1er septembre 2025 et est applicable aux instances en cours à cette date (art. 14).

Les articles 4 et 6 du décret sont applicables aux seules instances introduites et aux seules déclarations d’appel formées à compter du 1er septembre 2025 (art. 14).

 

 

 

 

 

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