Jurisprudence : TA Cergy-Pontoise, du 27-06-2025, n° 2508792


Références

Tribunal Administratif de Cergy-Pontoise

N° 2508792

Reconduite à la frontière
lecture du 27 juin 2025
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Par une ordonnance de renvoi n° 2508375 du 21 mai 2025, enregistrée le même jour au greffe du tribunal, la magistrate désignée du tribunal administratif de Montreuil a, sur le fondement de l'article R. 922-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile🏛, transmis la requête de M. B au tribunal administratif de Cergy-Pontoise.

Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés les 16 mai, 5 et 25 juin 2025, M. A B, représenté par Me Ben-Saadi, demande au tribunal :

1°) de l'admettre, à titre provisoire, à l'aide juridictionnelle ;

2°) de suspendre les effets de l'arrêté du 14 juin 2024 du préfet du Val-d'Oise portant obligation de quitter le territoire français, dans le cas où son existence serait démontrée ;

3°) d'annuler l'arrêté du 10 mai 2025 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine l'a assigné à résidence dans le département des Hauts-de-Seine pour une durée de quarante-cinq jours, renouvelable deux fois ;

4°) d'enjoindre au préfet territorialement compétent de réexaminer sa situation administrative dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de l'expiration de ce délai et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour durant cet examen ;

5°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros à verser à son conseil, en application des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991🏛 relative à l'aide juridique et L.761-1 du code de justice administrative🏛, sous réserve de son renoncement à percevoir la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée, ou, à défaut, si sa demande d'aide juridictionnelle est rejetée, de lui verser directement cette somme.

Il soutient que :

En ce qui concerne la suspension des effets de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- il existe un doute quant à son existence dès lors que le préfet n'a pas produit la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- cette décision est entachée d'un défaut d'examen dès lors que sa demande de titre de séjour est toujours en cours d'instruction et qu'il a d'ailleurs été convoqué le 19 juin 2025 par la préfecture de la Seine-Saint-Denis pour le relevé de ses empreintes ;

- il existe un changement dans les circonstances de fait faisant obstacle à la mesure d'éloignement. ;

En ce qui concerne l'assignation à résidence :

- l'arrêté est entaché d'une incompétence de l'auteur de l'acte ;

- il est entaché d'une insuffisance de motivation ;

- il est entaché d'une erreur de droit en méconnaissance des articles L.730-1 et

L.731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile🏛 ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales🏛 ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

- il est illégal en raison de l'illégalité de la mesure d'éloignement qui en constitue le fondement, dès lors que l'arrêté portant obligation de quitter le territoire français méconnaît son droit d'être entendu garantie par la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile🏛, les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant, est entachée d'erreurs de fait, d'erreurs de droit et d'une erreur d'appréciation dès lors que son comportement ne constitue pas une menace pour l'ordre public.

En ce qui concerne les décisions portant obligation de se présenter au commissariat et interdiction de se déplacer en dehors du département des Hauts-de-Seine :

- elles sont illégales en raison de l'illégalité de la mesure d'assignation à résidence qui en constitue le fondement ;

- elles présentent un caractère disproportionné.

En ce qui concerne la décision portant obligation de la remise des documents d'identité :

- elle est illégale en raison de l'illégalité de la mesure d'assignation à résidence qui en constitue le fondement ;

Par un mémoire en défense enregistré le 5 juin 2025, le préfet des Hauts-de-Seine conclut au rejet de la requête et produit les pièces utiles du dossier en sa possession.

Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

La procédure a été communiquée au préfet du Val-d'Oise qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991🏛 ;

- le code de justice administrative.

Le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a désigné Mme Grenier, première vice-présidente, en qualité de juge du contentieux des mesures d'éloignement des étrangers.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Grenier, magistrate désignée, a été entendu au cours de l'audience publique du 26 juin 2025.

Les parties n'étaient ni présentes, ni représentées.

La clôture de l'instruction a été prononcée à l'issue de l'audience.

Considérant ce qui suit :

1. M. A B, ressortissant ivoirien né le 1er janvier 1994, a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire sans délai assortie d'une interdiction de retour d'un an du préfet du Val-d'Oise le 14 juin 2024. Par un arrêté du 10 mai 2025, le préfet des Hauts-de-Seine l'a assigné à résidence dans ce même département pour une durée de quarante-cinq jours. Par la présente requête, M. B demande l'annulation de cet arrêté.

Sur l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :

2. L'article 20 de la loi du 10 juillet 1991🏛 relative à l'aide juridique dispose : " Dans les cas d'urgence, sous réserve de l'application des règles relatives aux commissions ou désignations d'office, l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée par la juridiction compétente ou son président (). ".

3. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de prononcer, en application des dispositions précitées, l'admission provisoire de M. B au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Sur les conclusions à fin de suspension des effets de l'obligation de quitter le territoire français :

4. Aux termes de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile🏛 : " L'autorité administrative peut assigner à résidence l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, dans les cas suivants : / 1° L'étranger fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, prise moins de trois ans auparavant, pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n'a pas été accordé (). ".

5. Il résulte des dispositions précitées de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que l'autorité administrative peut ordonner l'assignation à résidence d'un étranger faisant l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins de trois ans auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré. Une telle mesure a pour objet de mettre à exécution la décision prononçant l'obligation de quitter le territoire français et ne peut être regardée comme constituant ou révélant une nouvelle décision comportant obligation de quitter le territoire, qui serait susceptible de faire l'objet d'une demande d'annulation. Il appartient toutefois à l'administration de ne pas mettre à exécution l'obligation de quitter le territoire si un changement dans les circonstances de droit ou de fait a pour conséquence de faire obstacle à la mesure d'éloignement. Dans pareille hypothèse, l'étranger peut demander au président du tribunal administratif l'annulation de la décision d'assignation à résidence. S'il n'appartient pas à ce juge de connaître de conclusions tendant à l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français, après que le tribunal administratif a statué ou que le délai prévu pour le saisir a expiré, il lui est loisible, le cas échéant, d'une part, de relever, dans sa décision, que l'intervention de nouvelles circonstances de fait ou de droit fait obstacle à l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français et impose à l'autorité administrative de réexaminer la situation administrative de l'étranger et, d'autre part, d'en tirer les conséquences en suspendant les effets de la décision devenue, en l'état, inexécutable.

6. Par un arrêté du 14 juin 2024, le préfet du Val-d'Oise a obligé M. B à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire national d'une durée d'un an. Cet arrêté est devenu définitif. Il ressort toutefois des pièces du dossier que M. B est entré sur le territoire français le 15 mars 2020, qu'il est pacsé à Mme C, ressortissante française avec laquelle il vit depuis son arrivée en France, le 14 février 2023 et que de cette union sont nés en France trois enfants, le 9 juillet 2021, cet enfant étant décédé le 17 juin 2022, le 17 novembre 2023 et, postérieurement à l'édiction de l'obligation de quitter le territoire français, le 23 octobre 2024. M. B a également déposé, le 20 juillet 2024, une demande de titre de séjour en qualité de parent d'un enfant français, à la suite de la clôture de sa précédente demande, le 7 janvier 2024, laquelle n'a donné lieu à aucun début d'instruction. M. B a demandé au tribunal administratif de Montreuil l'annulation de la décision implicite de rejet de sa demande de titre de séjour en qualité de parent d'enfants français, ce recours étant pendant devant le tribunal administratif de Montreuil. Ainsi, la naissance d'un enfant français et sa demande de titre de séjour en qualité de parent d'enfants français, postérieurement à l'édiction de l'arrêté du 14 juin 2024, constituent, dans les circonstances particulières de l'espèce, des changements dans les circonstances de fait de nature à entraîner des effets qui excèdent ceux qui s'attachent normalement à la mise à exécution de la mesure d'éloignement. Par suite, il y a lieu, dans ces circonstances particulières de l'espèce, d'en tirer les conséquences en suspendant les effets de l'obligation de quitter le territoire de M. B devenue, en l'état, inexécutable.

Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté portant assignation à résidence :

7. Ainsi qu'il est dit, M. B est le père de deux enfants français en vie et contribue à leur entretien et à leur éducation. Sa demande de titre de séjour en qualité de parent d'enfant français est en cours d'instruction. Par suite, à la date de l'assignation en résidence en litige, son éloignement ne constitue pas une perspective raisonnable. Dans ces conditions, le préfet a méconnu les dispositions premier alinéa de l'article L.731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en estimant que son éloignement effectif était une perspective raisonnable.

8. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que l'arrêté du 10 mai 2025 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine l'a assigné à résidence dans le département des Hauts-de-Seine doit être annulé.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

9. Le motif d'annulation de l'assignation à résidence attaquée n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées par

M. B doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

10. Il y a lieu d'admettre provisoirement M. B l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de M. B, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat et sous réserve de l'admission définitive de son client à l'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser à Me Ben-Saadi. Dans le cas où l'aide juridictionnelle ne serait pas accordée à M. B par le bureau d'aide juridictionnelle, la somme de 1 000 euros sera versée à M. B.

DECIDE :

Article 1er : M. B est admis, à titre provisoire, au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Article 2 : Les effets de l'arrêté du préfet du Val-d'Oise du 14 juin 2024 portant obligation pour M. B de quitter le territoire français sans délai sont suspendus.

Article 3 : L'arrêté du 10 mai 2025 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine a assigné M. B à résidence dans le département des Hauts-de-Seine pour une durée de quarante-cinq jours, renouvelable deux fois est annulé.

Article 4 : Sous réserve de l'admission définitive de M. B à l'aide juridictionnelle et sous réserve que Me Ben-Saadi renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, ce dernier versera à Me Ben-Saadi avocat de M. B, une somme de 1 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Dans le cas où l'aide juridictionnelle ne serait pas accordée à M. B par le bureau d'aide juridictionnelle, la somme de 1 000 euros sera versée à M. B.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B est rejeté.

Article 6 : Le présent jugement sera notifié à M. A B, au préfet du Val-d'Oise et au préfet des Hauts-de-Seine.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 juin 2025.

La magistrate désignée,

Signé

C. Grenier

La greffière,

Signé

O. El Moctar

La République mande et ordonne au préfet des Hauts-de-Seine et au préfet du Val-d'Oise en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N°25087920

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