Le Quotidien du 9 juillet 2025

Le Quotidien

Contrats et obligations

[Commentaire] Quelles places pour l’appauvrissement et l’insolvabilité dans l’action paulienne ? Invitation à distinguer selon la nature de l’acte contesté

Réf. : Cass. com., 29 janvier 2025, n° 23-20.836, F-B N° Lexbase : A38986S8

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N2494B3R

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par Claire Séjean-Chazal, Agrégée de droit privé - Université Sorbonne Paris Nord, Membre du comité scientifique de la revue Lexbase Contentieux et recouvrement

Le 08 Juillet 2025

Mots-clés : action paulienne • droit de gage général • appauvrissement • insolvabilité • saisie • cession • opposabilité • fraude

L'action paulienne permet de protéger le créancier chirographaire contre les actes frauduleux portant atteinte directe à l’étendue de son droit de gage général, mais aussi contre ceux portant atteinte à sa substance. L’arrêt du 29 janvier 2025 N° Lexbase : A38986S8 offre l’occasion de revenir sur le régime applicable à ces deux catégories d’actes, et de s’interroger sur la place que doivent prendre, pour chacune, les conditions d’appauvrissement et d’insolvabilité, dont la polysémie est parfois source de confusions.


En cas de défaillance de son débiteur, la situation du créancier chirographaire est caractérisée par sa fragilité. Dénué de tout droit privilégié, il ne dispose que des prérogatives offertes par les articles 2284 N° Lexbase : L1112HIZ et 2285 N° Lexbase : L1113HI3 du Code civil. Toutefois, il est exceptionnellement autorisé à s’immiscer dans la gestion du patrimoine de son débiteur, afin de protéger cette garantie minimale de l’exécution de l’obligation qu’est le droit de gage général. À ce titre, l’action paulienne permet au créancier « de faire déclarer inopposables à son égard les actes faits par son débiteur en fraude de ses droits » [1]. Le fondement de cette action, héritée du droit romain, est de protéger le créancier contre les actes « qui [le] placeront dans l’impossibilité d’exécuter sa créance, ou tout au moins, rendront une telle exécution plus difficile » [2]. L’article 1341-2 du Code civil N° Lexbase : L0672KZW ne donnant pas de précision quant aux conditions de succès de cette action, celles-ci ont été encadrées par la jurisprudence et la doctrine. Des questionnements demeurent cependant, ainsi qu’en témoigne l’arrêt rendu par la Chambre commerciale de la Cour de cassation le 29 janvier 2025 N° Lexbase : A38986S8.

En l’espèce, une société était débitrice d’honoraires à l’égard de son expert-comptable en raison d’une mission achevée en décembre 2016 – dette confirmée en justice en 2019. Entre-temps, le 15 juin 2018, cette société a cédé son fonds de commerce à une autre, spécialement créée en vue de cette reprise, par le gérant de la débitrice et son épouse. La société débitrice est ensuite placée en liquidation judiciaire. L’expert-comptable, créancier, a alors assigné la nouvelle société, acquéreur du fonds de commerce, ainsi que le gérant et le liquidateur, afin de faire déclarer cette cession inopposable à son égard sur le fondement de l’action paulienne. Le créancier considère que la cession porte atteinte à ses droits, en ce qu’elle remplaçait, dans le patrimoine de son débiteur, un actif facilement saisissable – le fonds de commerce – par un actif plus facile à dissimuler – le prix de cession. Une telle opération de substitution peut constituer un acte répréhensible sur le fondement de l’action paulienne, selon une jurisprudence constante [3], qui a ajouté cette catégorie d’actes aux actes directs d’appauvrissement du débiteur traditionnellement ciblés par l’action paulienne.

Toutefois, la cour d’appel a rejeté la demande du créancier au motif que ce dernier « ne rapportait pas la preuve de l’insolvabilité, au moins apparente, de la société [débitrice] au moment de la cession de son fonds de commerce ». Le pourvoi faisait alors valoir que « l’action paulienne portant sur un acte ayant pour effet de faire échapper un bien aux poursuites des créanciers en le remplaçant par des fonds plus aisés à dissimuler n’est pas conditionnée à la preuve de l’insolvabilité apparente du débiteur ».

La Cour de cassation devait donc décider si, face à cette catégorie spécifique d’actes défavorables au créancier, il était nécessaire d’apporter, en plus, la preuve de l’insolvabilité du débiteur au moment de l’opération contestée. La Chambre commerciale répond que, dans cette hypothèse, la preuve de l’appauvrissement n’est pas une condition nécessaire au succès de l’action, et qu’en décidant le contraire, la cour d’appel aurait « ajouté à la loi une condition qu’elle ne prévoit pas ».

Cet arrêt a suscité diverses lectures : erreur de plume [4], disparition de la condition d’appauvrissement, disparition de l’insolvabilité du champ de l’action paulienne [5]... Ces différences d’appréciation semblent s’expliquer notamment par la pluralité de définitions et de fonctions attribuées à l’appauvrissement et à l’insolvabilité.

La question posée aux juges étant délimitée temporellement et substantiellement, nous proposons d’examiner la réponse selon les mêmes limites. Pour ce faire, nous commencerons par rappeler le régime de l’action paulienne pour les actes traditionnellement condamnés : ceux portant une atteinte directe à l’étendue du droit de gage général (I), pour ensuite envisager le régime des actes portant une atteinte directe à la substance du droit de gage général [6], comme c’était le cas en l’espèce (II).

I. Les atteintes directes à l’étendue du droit de gage général

Selon la conception classique, héritée du droit romain, l’action paulienne est un moyen de lutter contre l’insolvabilité frauduleusement organisée par le débiteur. Sont ainsi incriminés les actes qui diminuent l’actif du débiteur de manière à faire disparaître l’assiette du droit de poursuite des créanciers. C’est alors l’étendue du droit de gage général qui est protégée par l’action paulienne [7]. Le créancier ne pourra obtenir satisfaction qu’à condition d’avoir démontré l’existence d’un acte frauduleux (A), qui a causé une atteinte réelle à ses droits (B).

A. La fraude

La seule condition prescrite par la loi est que l’acte contesté soit fait « en fraude [des] droits » du créancier. L’actuel article 1341-2 du Code civil [8] N° Lexbase : L0672KZW n’impose de prouver ni l’appauvrissement du débiteur, ni même son insolvabilité, pas plus que ne le faisait l’ancien article 1167 N° Lexbase : L1269ABM. Pour autant, ce sont des conditions classiquement présentées comme nécessaires au succès de l’action, en ce qu’elles permettent de caractériser cette fraude.

En premier lieu, protéger les créanciers contre la diminution de l’assiette de leur droit de poursuite implique d’identifier des actes « d’appauvrissement ». L’expression doit être ici entendue au sens strict « d’acte par lequel le débiteur entame sans contrepartie son patrimoine » [9]. C’est l’appauvrissement au sens comptable, de l’actif du débiteur, qui permet de déterminer l’existence d’une diminution de l’étendue du droit de gage général.

Sont donc concernés au premier chef les actes à titre gratuit. Par définition, il s’agit des actes réalisés « sans attendre ni recevoir de contrepartie » [10]. Mais sont également visés les actes qui, bien que réalisés à titre onéreux, se révèlent lésionnaires. Quoique l’acte prévoie une contrepartie, cette nouvelle valeur entrante ne permet pas de rétablir l’équilibre comptable du patrimoine. À défaut de contrepartie équivalente pour reconstituer l’assiette de son droit de poursuite, le créancier chirographaire, dénué de droit de suite, est indiscutablement éprouvé par la disparition d’un bien de son débiteur.

Toutefois, un acte d’appauvrissement n’est pas répréhensible en lui-même.  Même engagé dans les liens d’une obligation, le débiteur demeure libre de disposer de ses biens, quitte à s’appauvrir [11]. D’autres conditions sont donc nécessaires pour caractériser la « fraude » aux droits du créancier. Un élément intentionnel est évidemment requis : le débiteur doit avoir eu, si ce n’est l’intention, au moins la conscience de nuire à son créancier en passant cet acte.

Mais surtout, l’acte doit avoir causé l’insolvabilité du débiteur. L’insolvabilité est là encore comprise au sens strict, quantitatif, d’impossibilité de payer son passif avec l’actif disponible. Pour caractériser la fraude, la causalité entre l’appauvrissement et l’insolvabilité doit également être directe. Ce point est apprécié d’un point de vue temporel : la jurisprudence exige que l’existence de l’insolvabilité du débiteur soit prouvée à la date de l’acte contesté. Face à la difficulté probatoire que cela peut représenter, la jurisprudence accepte que le créancier ne prouve que l’insolvabilité apparente [12].

Une fois la fraude établie, le succès de l’action du créancier demeure subordonné à la démonstration d’une atteinte réelle à ses droits.

B. L’atteinte

Le créancier doit établir que l’acte a porté atteinte à ses droits, ce que l’on trouve parfois exprimé à travers l’exigence d’un « préjudice » pour le créancier. Le terme ne doit pas être entendu au sens du droit de la responsabilité, car il ne s’agit pas d’octroyer une quelconque indemnisation [13]. En effet, en cas de succès de l’action paulienne, l’acte contesté sera déclaré inopposable au créancier. Cela permettra de réintégrer, dans l’assiette du droit de poursuite du créancier, la valeur frauduleusement exfiltrée.

Cela signifie que le créancier doit démontrer un intérêt à agir au sens de l’article 31 du Code de procédure civile N° Lexbase : L1169H43. Ce sera le cas si, à la date de la mise en œuvre de l’action par le créancier, l’actif du débiteur demeure insuffisant pour le remplir de ses droits. En effet, si le patrimoine du débiteur, bien que réduit, est suffisant pour le désintéresser au jour de ses poursuites, aucune atteinte aux droits du créancier ne pourra être retenue [14]. Cette position emporte l’adhésion d’une doctrine très majoritaire [15], quoique certains arrêts aient pu faire naître le doute [16].

Face aux actes portant une atteinte directe à l’étendue du droit de gage général, l’insolvabilité – causée par l’acte d’appauvrissement – est à la fois un élément constitutif de la fraude et une condition nécessaire au déclenchement de la sanction [17]. En va-t-il de même pour les actes modifiant la substance du patrimoine ? C’est ce que l’arrêt devait trancher.

II. Les atteintes directes à la substance du droit de gage général

Le champ d’application de l’action paulienne a été étendu en jurisprudence. Il est aujourd’hui admis que peuvent aussi être déclarés inopposables au créancier les actes qui rendent plus complexe l’exercice des droits du créancier [18]. Ces actes se distinguent de ceux de la première catégorie en ce que l’atteinte n’est pas portée directement à l’étendue du droit de gage général, mais à sa substance. L’acte sur lequel la Chambre commerciale devait se prononcer en l’espèce appartient à cette catégorie. Dès lors, les critères de la fraude (A) et de l’atteinte aux droits du créancier (B) peuvent être analysés au prisme des critères précédemment rappelés.

A. La fraude

Conformément aux principes de l’action paulienne, la conscience, pour le débiteur, de nuire aux droits de son créancier est évidemment exigée. En l’espèce, le montage utilisé, impliquant la création d’une société créée spécialement pour la reprise et dirigée par le gérant de la débitrice et sa femme, laissait peu de place au doute sur le caractère intentionnel de l’opération.

Quant à l’élément matériel de la fraude, il peut se manifester de plusieurs façons, qui ont en commun d’opérer une substitution de biens. Les actes visés sont ceux par lesquels le débiteur remplacerait un élément de son patrimoine par un autre, de nature différente, afin de complexifier sciemment la mise en œuvre du droit de poursuite de ses créanciers. La jurisprudence pointe les opérations permettant une modification en faveur d’un bien plus aisé à dissimuler [19] – une somme d’argent en lieu et place d’un bien matériel – ou plus difficile à appréhender – des parts sociales se substituant à un immeuble… C’est alors le contenu de l’assiette du droit de gage général qui est protégé. L’idée sous-jacente est qu’une modification substantielle du patrimoine du débiteur peut également porter atteinte au droit de poursuite du créancier, dont l’exercice pourrait s’en trouver compromis. Dans de tels cas, la fraude ne réside pas dans la diminution de l’actif ; elle est donc caractérisée sans que l’appauvrissement comptable du débiteur n’ait besoin d’être établi.

Pourtant, ce type d’opération est parfois qualifié en doctrine d’acte d’« appauvrissement ». Ce rattachement est fondé parfois sur une compréhension large de l’appauvrissement du débiteur, qui ne se limiterait pas au sens comptable [20], ou sur une appréciation de l’appauvrissement dans la personne du créancier plutôt que dans celle du débiteur [21]. Cette qualification est critiquable, pour plusieurs raisons. Tout d’abord, elle est regrettable en ce qu’elle détourne la définition de l’appauvrissement [22]. De plus, elle est inutile : l’article 1341-2 N° Lexbase : L0672KZW ne faisant pas référence à un quelconque appauvrissement, la fraude peut être caractérisée sans lui, et le détour par cette qualification est superflu [23]. Enfin, elle est source de confusion : elle naît le plus souvent de la volonté de transposer le régime lié aux actes d’appauvrissement, ce qui crée des incompréhensions, comme le révèle l’arrêt étudié.

En l’espèce, le débiteur avait procédé à une cession de son fonds de commerce à un prix normal, lui substituant donc une somme d’argent. Étonnamment, la cour d’appel avait estimé que, pour obtenir satisfaction, le créancier aurait dû prouver « l’insolvabilité, au moins apparente, [du débiteur] au moment de la cession ». On ne peut que s’étonner de ce raisonnement : comment un acte à titre onéreux, non déséquilibré, pourrait-il avoir directement causé l’insolvabilité du débiteur ? La Cour de cassation ne pouvait que casser la décision. Ainsi que le rappelle la Chambre commerciale, la preuve « de l’appauvrissement du débiteur » n’est pas requise lorsque la cession est consentie à prix normal. Nous sommes enclins à comprendre cette rédaction de l’arrêt, non pas comme une erreur de plume [24], mais comme un raisonnement a fortiori fondé sur la nature spécifique de l’acte controversé. Un acte à titre onéreux non lésionnaire n’emporte jamais appauvrissement du débiteur au jour de sa conclusion, et là ne réside pas la fraude. A fortiori l’exigence de l’insolvabilité du débiteur au jour de la cession est dénuée de sens. En l’imposant, la cour d’appel ajoutait effectivement « à la loi une condition qu’elle ne prévoit pas » [25].

L’appauvrissement au jour de la conclusion de l’acte n’est pas requis, car le risque pour le créancier est ailleurs ; ou plutôt, il est postérieur. La réalisation de ce risque permettra de caractériser l’atteinte portée aux droits du créancier, et donc son intérêt à agir.

B. L’atteinte

La substitution de biens est suspecte lorsqu’elle laisse soupçonner la volonté du débiteur de compliquer l’exercice des droits du créancier.

Les actes répréhensibles sont essentiellement ceux qui, en modifiant la consistance du patrimoine, portent en puissance un risque d’atteinte à son étendue [26]. Il en va ainsi, comme en l’espèce, d’une cession au juste prix, dès lors que la somme d’argent remplaçant le bien pourra plus rapidement et aisément être dissimulée que le bien cédé. Si le prix de cession est effectivement dissimulé postérieurement à l’acte, la diminution de l’actif n’est pas causée directement par l’acte contesté, mais elle en sera un effet collatéral, et la manifestation de l’atteinte concrète aux droits du créancier. Dans le même ordre d’idée, la Chambre commerciale a récemment cassé un arrêt d’appel dans lequel les juges du fond refusaient d’admettre l’inopposabilité d’un apport d’immeuble à une société au motif que l’acte n’avait pas causé d’appauvrissement du débiteur puisque l'immeuble, sorti du patrimoine, avait été remplacé par des droits sociaux pour une valeur équivalente. La Cour de cassation lui reproche de ne pas avoir recherché si « la difficulté de négocier les parts sociales et le risque d'inscription d'hypothèques sur l'immeuble du chef de la SCI ne constituaient pas des facteurs de diminution de la valeur du gage du créancier et d'appauvrissement du débiteur » [27], postérieurement donc à l’acte en cause.

Quoique non exigée à la date de l’acte, l’insolvabilité peut être requise au jour du déclenchement de l’action paulienne [28]. En effet, de même que, en cas d’appauvrissement comptable du débiteur le créancier n’a pas lieu de se plaindre si le patrimoine demeure suffisant pour le désintéresser, en cas de substitution de bien, le créancier ne pourra pas invoquer d’atteinte à ses droits s’il peut se payer sur l’actif existant, quand bien même la somme aurait été dissimulée. L’entrave effective au droit du créancier demeure une condition de l’intérêt à agir du créancier [29].

À y regarder de près, cette condition ne semblait pas poser de difficulté en l’espèce. En effet, quoique l’on ne connaisse pas le sort précis de la somme obtenue en contrepartie du fonds de commerce, la société débitrice avait été placée en liquidation judiciaire peu de temps après la cession [30]. L’intérêt à agir du créancier – son « préjudice » – était donc caractérisé en raison de l’insolvabilité du débiteur avérée postérieurement à l’acte incriminé [31]. Ainsi, il est donc possible d’avoir une interprétation stricte de la solution énoncée par la Chambre commerciale [32]. Quoique certains arrêts aient pu engendrer un doute, celui-ci ne nous semble pas agrandir les rangs d’une jurisprudence qui exclurait de manière générale l’insolvabilité du débiteur du régime de l’action paulienne [33].

Cependant, une zone de souplesse demeure : celle des actes modifiant la substance du patrimoine, sans entraîner d’appauvrissement du débiteur, ni créer en germe la possibilité d’organiser plus facilement son insolvabilité. Ce qui est reproché au débiteur est alors de faire entrer dans son patrimoine des biens plus difficiles à appréhender, voire impossibles à saisir. L’exercice des droits du créancier est alors entravé, sans qu’une insolvabilité comptable ne puisse être caractérisée. La difficulté procédurale ainsi créée est-elle suffisante pour justifier l’intérêt à agir du créancier ?

De deux choses l’une. Soit le créancier est titulaire d’un droit spécial sur le bien objet de l’acte, et la jurisprudence est claire : « l’action paulienne peut être accueillie indépendamment de toute exigence d’insolvabilité du débiteur lorsque l’acte critiqué rend frauduleusement inefficace un droit particulier dont est investi le créancier sur des biens particuliers de celui-ci » [34].

Soit le créancier est chirographaire, et l’atteinte aux droits du créancier ne se manifeste pas dans l’insolvabilité comptable du débiteur. Lorsque ce dernier s’est frauduleusement constitué un actif de biens majoritairement insaisissables, il n’est pas insolvable au sens d’une cessation des paiements. Pour autant, l’atteinte portée au droit du créancier de faire exécuter sa créance est du même ordre : il ne peut obtenir paiement grâce à la saisie de l’actif du débiteur. Son intérêt à agir doit être admis. La situation confine à l’insolvabilité, non pas quantitative, mais substantielle [35].

Qu’en est-il enfin lorsque le débiteur s’est frauduleusement constitué un patrimoine composé de biens, non pas insaisissables, mais majoritairement difficiles à appréhender ou liquider ? Il faut admettre que dans de tels cas, l’intention frauduleuse du débiteur est sans doute plus évidente que lorsqu’il a soustrait ses biens aux poursuites des créanciers en faisant profiter autrui de son propre appauvrissement [36]. L’atteinte aux droits du créancier doit également pouvoir être reconnue, malgré l’absence d’insolvabilité quantitative.

En définitive, l’action paulienne ne peut se résumer en une sanction des actes d’appauvrissement entraînant l’insolvabilité du débiteur. Cet arrêt permet de se rappeler que, loin de son héritage romain [37], l’action paulienne n’est pas tant une protection contre l’insolvabilité de son débiteur, mais bien davantage une protection de la force obligatoire de l’obligation [38].


[1] C. civ., art. 1341-2 N° Lexbase : L0672KZW.

[2] L. Sautonie-Laguionie, « Action paulienne », Rép. Civ. Dalloz, n° 1.

[3] Cass. civ. 3, 28 novembre 1973, n° 72-14.443, publié au bulletin N° Lexbase : A3809CKB ; Cass. com., 1er mars 1994, n° 92-15.425, publié au bulletin N° Lexbase : A7015ABG ; Cass. com., 23 mai 2000, n° 96-18.055, inédit au bulletin N° Lexbase : A1542CZ7.

[4] V. F. Buy, « Grand vent pour l’action paulienne exercée contre les actes du débiteur failli », Revue pratique droit des affaires, février 2025, n° RDA100e6 ; C. Revet, « Fraude paulienne : disparition de la condition d’appauvrissement ? », D., 2025, p. 621 ; T. Visciano, JCP E, 2025, 1068 ; L. Vitale.

[5] V. F. Buy, précit.

[6] Rapp. C. Revet, précit., utilisant une terminologie proche d’atteinte à la « consistance », v. F. Terré, Ph. Simler, Y. Lequette, F. Chénédé, Les obligations, Dalloz, 12ème éd., 2019, p. 1650.

[7] Catégorie identifiée par le Professeur L. Sautonie-Laguionie comme les « actes d’appauvrissement rendant impossible le paiement du créancier », précit, « Action paulienne », Rép. Civ. Dalloz, n° 53 et s.

[8] Issu de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 N° Lexbase : L7445MSK.

[9] Ass. H. Capitant, G. Cornu (dir.), Vocabulaire juridique, Puf, coll. Quadrige, 15ème éd., 2024.

[10] C. civ., art. 1107, al. 2 N° Lexbase : L0818KZC.

[11] V. W. Dross, J-Cl. Civil code, Art. 1341-2 - Fasc. unique, maj. sept. 2024, n° 5.

[12] Cass. civ. 1, 5 décembre 1995, n° 94-12.266, Bull. civ. I, n° 443 N° Lexbase : A8033AB7.

[13] V. F. Terré, Ph. Simler, Y. Lequette, F. Chénédé, Les obligations, Dalloz, 12ème éd., 2019, p. 1645.

[14] Cass. civ. 1, 6 janvier 1987, n° 85-13.988, publié au bulletin, Bull. civ. I, n° 1 N° Lexbase : A6492AAP : « alors que la révocation prévue par le texte susvisé suppose établie l'insolvabilité du débiteur à la date de l'introduction de la demande, la cour d'appel, qui n'a pas recherché, ainsi que l'y invitaient les conclusions […] si à la date de la demande les biens dont les époux […] restaient propriétaires étaient suffisants pour désintéresser la société créancière, n'a pas donné de base légale à sa décision » ; Cass. civ. 1, 13 janvier 1993, n° 91-11.871, publié au bulletin N° Lexbase : A5809AHM ; Cass. com., 14 novembre 2000, n° 97-12.708, Bull. civ. IV, n° 173 N° Lexbase : A9316AHI ; Cass. civ 1, 12 juin 2001, 99-12.330, inédit au bulletin N° Lexbase : A5959ATU.

[15] V. entre autres W. Dross, précit., n° 74 ; C. Grimaldi, Droit des contrats, droitdescontrats.fr, 2025/2, n° 403 ; F. Terré, Ph. Simler, Y. Lequette, F. Chénédé, Les obligations, p.1659 ; F. Zenati-Castaing, T. Revet, Cours de droit civil – obligations – régime, PUF, 2013, n° 70.

[16] V. not. Cass. civ. 1, 14 février 1995, n° 92-18.886 N° Lexbase : A4397AGX ; Cass. com., 23 mai 2000, 96-21.521, inédit au bulletin N° Lexbase : A0145AUW : « le succès de l'action paulienne n'étant pas subordonné à la preuve de l'insolvabilité [du débiteur], la cour d'appel, qui a constaté que la délibération votée le 26 juillet 1991 avait pour objet de réduire le gage des créanciers en fraude de leurs droits […] a légalement justifié sa décision ».

[17] En ce sens, v. F. Terré, Ph. Simler, Y. Lequette, F. Chénédé, Les obligations, Dalloz, 12ème éd., 2019, p. 1661.

[18] Catégorie identifiée par le Professeur L. Sautonie-Laguionie comme les « actes rendant plus difficile le paiement du créancier », précit, « Action paulienne », Rép. Civ. Dalloz, n° 56 et s.

[19] V. Cass. com., 1er mars 1994, n° 92-15.425, publié au bulletin N° Lexbase : A7015ABG ; Cass. com., 23 mai 2000, n° 96-18.055, inédit au bulletin N° Lexbase : A1542CZ7.

[20] V. not. M. Cormier, L’essentiel droit des contrats, mars 2025, DC0202u6 ; J. Flour, J.-L. Aubert, E. Savaux, L. Andreu, V. Forti, Les obligations Le rapport d’obligation, Sirey, 11ème éd., 2024, n° 20 ; T. Visciano, précit. ; L. Vitale, précit.

[21] V. not. J. François, Les obligations Régime général, Economica, 3ème éd., 2013, n° 303 : « la notion d’appauvrissement ne doit pas s’entendre en un sens exclusivement comptable. […] Cette solution est logique, dans la mesure où l’appauvrissement, qui caractérise le préjudice subi par le créancier, doit être apprécié en sa personne » ; H. Barbier, RTDciv. 2025, p. 91.

[22] Rapp. W. Dross, précit., n° 43 et s. qui les classe au titre des « actes n’appauvrissant pas le débiteur ».

[23] En ce sens, v. M. Julienne, Régime général des obligations, Lextenso, 5ème éd., 2024, n° 344.

[24] Contra, v. F. Buy, RPDA, fév. 2025.

[25] En ce sens, v. F. Terré, Ph. Simler, Y. Lequette, F. Chénédé, op.cit, n° 1594 : « Un critère exclusivement quantitatif [appauvrissement et insolvabilité] eût conduit à exclure du champ d’application de l’action paulienne les actes à titre onéreux conclus à des conditions normales ».

[26] Rapp. C. Revet, précit. p. 622.

[27] Cass. com., 29 mai 2024, n° 22-20.308, F-B N° Lexbase : A84095DS ; v. déjà Cass. civ. 3, 20 décembre 2000, n° 98-19.343 N° Lexbase : A2073AIM.

[28] En ce sens, v. L. Sautonie-Laguionie, précit. n° 57.

[29] En ce sens, v. M. Cormier, précit. ; L. Vitale, précit.

[30] Ce qui peut laisser supposer que les fonds avaient effectivement été dissipés ; v. J.-F. Barbiéri, « Fraude paulienne : substitution d’une somme d’argent au fonds social cédé », BJS203t2.

[31] Dans le même sens, v. Cass. civ. 1, 6 février 2001, n° 98-23.203, inédit au bulletin N° Lexbase : A3733ARP, dans lequel l’insolvabilité de la débitrice est relevée dès les faits.

[32] En ce sens, v. J.-F. Barbiéri, précit. ; T. Visciano, précit.

[33] Contra, v. F. Buy, précit.

[34] Cass. civ. 3, 6 octobre 2004, n° 03-15.392, F-P+B+I N° Lexbase : A5755DDI ; Cass. civ. 1, 8 avril 2009, n° 08-10.024, F-D N° Lexbase : A1067EGM ; Cass. civ. 1, 10 décembre 1974, n° 72-11.223, publié au bulletin N° Lexbase : A9712CGS.

[35] Rappr. W. Dross, précit., n° 39 qui indique qu’il faut « tenir compte des difficultés éventuelles de saisie des biens figurant dans le patrimoine du débiteur, notamment parce qu'ils sont situés à l'étranger, pour apprécier cet état d'insolvabilité ».

[36] V. T. Visciano, précit.

[37] V. L. Sautonie-Laguionie, précit. n° 2.

[38] V. M. Julienne, précit. n° 487 ; L. Sautonie-Laguionie, précit., n° 35 ; F. Terré, Ph. Simler, Y. Lequette, F. Chénédé, op.cit, n°1594 ; L. Vitale, précit.

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Cybercriminalité

[Questions à...] La protection des entreprises face aux cyberattaques - Questions à Laurie-Anne Ancenys, avocate associée, A&O Shearman

Lecture: 13 min

N2579B3W

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Le 01 Juillet 2025

Mots clés : cybersécurité • entreprises • menaces numériques • digitalisation • confidentialité

La cybersécurité s’impose aujourd’hui comme un enjeu majeur de viabilité des entreprises, que ce soit au niveau de leur fonctionnement quotidien pour éviter les risques de paralysie ou de leur possibilité de protéger leurs données pour contrecarrer les tentatives d’espionnage ou de dévoilement de leurs secrets industriels. Pour savoir comment les réglementations française et européenne ont organisé la riposte de ces actions menées par des groupes criminels voire des entités étatiques, Lexbase a interrogé Laurie-Anne Ancenys, avocate associée, A&O Shearman*.


 

Lexbase : Pouvez-vous nous rappeler en quoi la cybersécurité est un enjeu majeur pour les entreprises ?

Laurie-Anne Ancenys : La cybersécurité s’est imposée comme un enjeu central pour toutes les entreprises, indépendamment de leur taille ou de leur secteur d’activité. L’actualité récente, marquée par des attaques d’ampleur contre des acteurs majeurs tels que Free [1], Auchan [2], Harvest [3] ou encore Marks & Spencer [4] au Royaume-Uni a mis en lumière la gravité des risques encourus : fuites massives de données, paralysie des systèmes d’information, pertes financières et atteintes durables à la réputation. Aujourd’hui, le risque cyber est considéré comme un risque opérationnel majeur, susceptible d’avoir des conséquences plus dévastatrices qu’une catastrophe naturelle.

Les impacts d’une cyberattaque sont multiples et souvent irréversibles. Outre les coûts directs liés à la gestion de crise (recours à des experts, pertes de production, remédiation technique), la perte de données – qu’elles soient personnelles, stratégiques ou commerciales – constitue un préjudice irréparable : une fois diffusées sur le dark web, ces informations ne peuvent plus être récupérées. L’atteinte à l’image et à la réputation de l’entreprise peut également entraîner une défiance durable de la part des clients, partenaires et investisseurs, voire une chute du cours de bourse pour les sociétés cotées. Enfin, la multiplication des obligations réglementaires expose les entreprises à des sanctions financières significatives en cas de manquement.

La cybersécurité est ainsi devenue un enjeu de souveraineté et de compétitivité, au cœur des préoccupations des conseils d’administration et des comités stratégiques. Elle conditionne la pérennité de l’entreprise, sa valorisation et sa capacité à se développer dans un environnement numérique de plus en plus complexe et hostile.

Lexbase : Quels sont les textes majeurs encadrant ce domaine ?

Laurie-Anne Ancenys : Ces dernières années, le cadre réglementaire de la cybersécurité s’est considérablement étoffé, sous l’impulsion de l’Union européenne qui a multiplié les initiatives pour répondre à l’ampleur croissante des menaces numériques. Cette évolution se traduit par l’adoption de textes majeurs, qui structurent désormais l’action des entreprises et des États membres en matière de sécurité numérique.

Au premier rang de ces textes figure la Directive de l’Union européenne « NIS 2 » [5], adoptée en 2022. La directive marque une étape majeure dans le renforcement de la cybersécurité au sein de l’Union européenne. Son objectif principal est d’accroître la résilience des infrastructures critiques et des systèmes numériques, en harmonisant les mesures de cybersécurité et en garantissant une réponse coordonnée aux incidents à l’échelle européenne. Cette directive répond à la nécessité croissante de protéger non seulement les grandes entreprises, mais aussi les PME et autres entités, souvent ciblées par les cyberattaques. Alors que la première directive NIS (NIS 1) ne couvrait que les opérateurs de services essentiels (OSE) – tels que les acteurs de l’énergie, des transports, de la santé, de l’eau et des services financiers – ainsi que les fournisseurs de services numériques (FSN), NIS 2 élargit considérablement son champ d’application. Désormais, dix-huit secteurs sont concernés, incluant à la fois des secteurs hautement critiques et de nouveaux domaines jugés stratégiques. Enfin, il est important de noter que la transposition de NIS 2 en droit français n’est pas encore effective. L’État français doit d’ici octobre 2025 adopter la loi de transposition [6], qui viendra préciser les modalités d’application de cette directive sur le territoire national. NIS 2 s’impose ainsi comme un pilier central de la stratégie européenne de cybersécurité, en adaptant la réglementation à l’évolution rapide des menaces et à la diversité des acteurs concernés.

Dans la continuité de cette démarche, l’Union européenne a également adopté en 2024 le Cyber Resilience Act [7]. Ce règlement, d’application directe, est une initiative législative visant à renforcer la sécurité des produits numériques tout au long de leur cycle de vie. Le Cyber Resilience Act impose pour la première fois des exigences de cybersécurité harmonisées à l’échelle européenne pour l’ensemble des produits comportant des éléments numériques, qu’il s’agisse de logiciels ou de matériels connectés. L’objectif est de garantir que ces produits, dès leur conception et jusqu’à leur retrait du marché, intègrent des mesures de sécurité robustes afin de limiter les vulnérabilités exploitables par des cyberattaquants. Le Cyber Resilience Act s’applique à un large éventail de produits, des objets connectés aux logiciels professionnels, en passant par les équipements industriels, et vise à instaurer un niveau de confiance élevé pour les utilisateurs et les entreprises. Concrètement, le Cyber Resilience Act impose aux fabricants, importateurs et distributeurs de respecter des obligations strictes en matière de gestion des risques, de notification des vulnérabilités et de transparence sur la sécurité de leurs produits. Les opérateurs économiques devront notamment effectuer des analyses de risques, mettre en place des processus de correction rapide des failles, et fournir aux utilisateurs des informations claires sur la sécurité et la maintenance des produits. Le Cyber Resilience Act s’inscrit ainsi dans la continuité des efforts européens pour bâtir un marché numérique plus sûr et résilient, en responsabilisant l’ensemble de la chaîne de valeur et en anticipant les défis posés par la multiplication des objets et services connectés.

Parallèlement à ces textes à portée générale, certaines réglementations européennes adoptent une approche sectorielle pour répondre aux spécificités de certains domaines particulièrement exposés. C’est le cas du Digital Operational Resilience Act [8] (DORA) qui cible spécifiquement le secteur financier. Ce règlement impose ainsi un cadre harmonisé à l’ensemble des acteurs financiers – banques, compagnies d’assurance, sociétés de gestion, prestataires de services de paiement, mais aussi fournisseurs de services informatiques critiques – afin de garantir leur capacité à prévenir, résister, réagir et se remettre d’incidents informatiques majeurs. L’objectif est de protéger la stabilité du système financier européen et la confiance des utilisateurs, en assurant la continuité des services essentiels même en cas de cyberattaque ou de défaillance technologique. Concrètement, le règlement DORA introduit des obligations strictes en matière de gestion des risques liés aux technologies de l’information et de la communication (TIC). Les entités concernées doivent notamment mettre en place des politiques robustes de gestion des risques informatiques, réaliser des tests réguliers de résilience, notifier rapidement les incidents majeurs aux autorités compétentes, et encadrer rigoureusement les relations avec les prestataires de services TIC. DORA prévoit également une supervision renforcée des fournisseurs de services critiques, afin de limiter les risques de concentration et d’interdépendance. Ce règlement marque ainsi une étape clé dans la construction d’un secteur financier européen plus sûr, capable de faire face aux défis numériques actuels et futurs.

En France, ce mouvement d’encadrement ne se limite pas à l’imposition d’obligations aux entreprises elles-mêmes : il s’étend également à la responsabilité des dirigeants. Des réglementations sectorielles précisent les devoirs des dirigeants en matière de cybersécurité, à l’image du secteur bancaire où un décret [9] impose aux dirigeants effectifs et à l'organe de surveillance de veiller à ce que des ressources adéquates soient allouées à la gestion des opérations informatiques, à la sécurité des systèmes d'information et à la continuité des activités.

Cette responsabilisation des dirigeants s’accompagne d’un risque accru en matière de responsabilité civile. En effet, les dirigeants (membres du conseil d'administration et du directoire des sociétés anonymes, président et dirigeants d'une société par action simplifiée) peuvent être tenus responsables en cas de violation des dispositions législatives ou réglementaires (par exemple, NIS 2 et DORA), de violation des statuts ou de fautes de gestion (faute de gestion). Le manque de diligence dans le domaine de la cybersécurité pourrait être analysé comme une faute de gestion et engager la responsabilité personnelle du dirigeant envers la société [10]. Les tiers peuvent également invoquer la responsabilité civile des dirigeants sur le même fondement juridique, mais dans ce cas, la jurisprudence exige également la preuve d'une « faute distincte de la fonction » (c'est-à-dire une faute intentionnelle d'une gravité particulière incompatible avec l'exercice normal des fonctions sociales).

Enfin, la dimension pénale n’est pas à négliger. Les administrateurs ne sont pas exempts de responsabilité pénale. En effet, la responsabilité pénale des personnes morales n'exclut pas celle des personnes physiques auteurs ou complices des mêmes faits [11]. Dans le domaine de la cybersécurité, on peut par exemple souligner que, selon l'article 226-17 du Code pénal [LXBL4524LNU], le fait de traiter des données à caractère personnel ou de faire traiter des données à caractère personnel sans mettre en œuvre les mesures requises par le RGPD, en particulier les mesures de sécurité requises par l'article 32 du RGPD (Règlement (UE) n° 2016/679 du 27 avril 2016, relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données N° Lexbase : L0189K8I), est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 300 000 euros d'amende.

Lexbase : La digitalisation toujours plus avancée des usages génère-t-elle des risques accrus ?

Laurie-Anne Ancenys : La transformation numérique des entreprises, accélérée par l’adoption massive de solutions cloud, SaaS, IaaS et la décentralisation des environnements informatiques, a profondément modifié le paysage de la cybersécurité. Si la digitalisation offre des gains d’efficacité et d’agilité, elle génère également une augmentation considérable de la surface d’attaque.

La multiplication des points d’accès, la gestion d’environnements hybrides et la dépendance à des prestataires externes complexifient la sécurisation des systèmes d’information. L’entreprise n’est plus protégée par une « tour » unique : elle doit désormais défendre une multitude de « tours » interconnectées, souvent hors de son périmètre direct. Cette évolution expose les organisations à des vulnérabilités nouvelles, parfois méconnues ou mal maîtrisées, et rend plus difficile l’inventaire et la surveillance de l’ensemble des actifs numériques.

La digitalisation, si elle n’est pas accompagnée d’une politique de cybersécurité adaptée, accroît donc significativement les risques pour l’entreprise. Il devient essentiel de disposer d’une cartographie précise des actifs, d’une connaissance actualisée des vulnérabilités et d’une capacité de réaction rapide en cas d’incident. Cette politique de cybersécurité se traduit notamment par la mise en place de clauses contractuelles de cybersécurité robustes avec les prestataires externes comprenant notamment un droit d’audit du prestataire.

Lexbase : Quels sont les incidents les plus fréquents ? Comment y faire face ?

Laurie-Anne Ancenys : Les fuites de données figurent parmi les incidents les plus redoutés. Qu’il s’agisse d’informations sensibles, personnelles ou stratégiques, leur exfiltration vise souvent la revente sur le marché noir ou le chantage.

Les ransomwares, quant à eux, paralysent les systèmes d’information en échange d’une rançon, n’hésitant pas à détruire ou à publier les données si les exigences ne sont pas satisfaites.

Le phishing et la compromission de comptes reposent sur l’ingénierie sociale et l’usurpation d’identité pour obtenir un accès frauduleux aux systèmes internes.

Enfin, les intrusions silencieuses, souvent motivées par l’espionnage industriel, permettent à des attaquants de s’installer discrètement et durablement au sein des infrastructures critiques, compromettant la confidentialité et l’intégrité des ressources.

Lexbase : Quelles sont les principales menaces que devront affronter les entreprises à l'avenir ?

Laurie-Anne Ancenys : À l’ère de la transformation numérique, les entreprises sont confrontées à des menaces de plus en plus sophistiquées, portées par l’évolution rapide des technologies. L’intelligence artificielle, le calcul quantique et la multiplication des attaques à motivation politique redéfinissent les contours de la cybersécurité et imposent une vigilance accrue à tous les niveaux de l’organisation.

L’essor de l’intelligence artificielle générative bouleverse le paysage des menaces. Désormais, les attaquants peuvent concevoir des campagnes de phishing multilingues, créer des deepfakes indétectables (notamment pour les arnaques au président) et automatiser la recherche de vulnérabilités à une échelle inédite. Cette technologie permet de personnaliser les attaques, les rendant plus crédibles et plus difficiles à contrer pour les entreprises.

La lutte entre défenseurs et attaquants s’intensifie, chacun disposant d’outils de scan de vulnérabilités toujours plus performants. Cette situation transforme la remédiation des failles en une véritable course contre la montre, où la rapidité d’intervention devient un facteur clé de succès.

L’arrivée imminente du calcul quantique représente une menace majeure pour les systèmes de chiffrement actuels. Face à ce risque, la cryptographie post-quantique s’impose comme un enjeu stratégique. Certains gouvernements anticipent déjà cette révolution [12], conscients de l’impact potentiel sur la sécurité des données sensibles.

La cybersécurité s’affirme désormais comme un enjeu de souveraineté nationale. Les attaques à motivation politique ou étatique visent non seulement les entreprises, mais aussi la stabilité des États et l’intégrité des processus démocratiques. Nous avons notamment vu cela lors des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024 où l’ANSSI a recensé près de 548 événements de cybersécurité affectant des entités en lien avec l’organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques [13]. Cette évolution impose une mobilisation collective et une coopération renforcée entre acteurs publics et privés.

Face à ces défis, il est impératif pour les entreprises de renforcer leur gouvernance et d’ancrer une véritable culture cyber à tous les niveaux, du terrain au département juridique jusqu’au conseil d’administration. La mise en place d’une politique contractuelle de cybersécurité adaptée est nécessaire pour toutes les entreprises afin de maîtriser au moins les risques de cybersécurité externes. L’investissement dans la cybersécurité doit être proportionné à la criticité des activités : il est généralement admis que 5 à 10 % du chiffre d’affaires devrait être consacré à la sécurité et à la résilience des systèmes d’information.

*Propos recueillis par Yann Le Foll, Rédacteur en chef de Lexbase Public


[1] En novembre 2024, Free a subi une cyberattaque qui a entraîné l'exfiltration des données personnelles de 19 millions de clients, dont 5 millions d'adresses IBAN.

[2] En novembre 2024, Auchan a annoncé avoir été victime d'une cyberattaque qui a permis l'accès non autorisé à certaines données personnelles des comptes fidélité de plus de 500 000 clients, notamment leurs coordonnées, leur date de naissance et leur numéro de carte fidélité.

[3] En février 2025, Harvest, éditeur français de logiciels de gestion de patrimoine a été victime d'une cyberattaque paralysant 80 % des conseillers en gestion de patrimoine, family offices et banques privées de France. Les gestionnaires n’ont plus eu accès aux portefeuilles de leurs clients et ont été dans l’impossibilité de passer des ordres en ligne pendant plus de dix jours.

[4] En avril 2025, Marks & Spencer a été victime d'une cyberattaque paralysant son système de commande en ligne, ses systèmes de paiement et faisant fuiter des données personnelles de ses clients. Le coût de l'attaque pour l'entreprise est évalué à 356 millions d'euros.

[5] Directive (UE) 2022/2555 du Parlement européen et du Conseil du 14 décembre 2022, concernant des mesures destinées à assurer un niveau élevé commun de cybersécurité dans l’ensemble de l’Union, modifiant le Règlement (UE) n° 910/2014 et la directive (UE) 2018/1972, et abrogeant la Directive (UE) 2016/1148 (Directive « SRI 2 ») N° Lexbase : L3158MG3.

[6] Projet de loi relatif à la résilience des infrastructures critiques et au renforcement de la cybersécurité.

[7] Règlement (UE) n° 2024/2847 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2024, concernant des exigences de cybersécurité horizontales pour les produits comportant des éléments numériques et modifiant les Règlements (UE) n°s 168/2013 et 2019/1020 et la Directive (UE) n° 2020/1828 N° Lexbase : L5831MRE (Règlement sur la cyberrésilience).

[8] Règlement (UE) n° 2022/2554 du Parlement européen et du Conseil du 14 décembre 2022 sur la résilience opérationnelle numérique du secteur financier et modifiant les règlements (CE) n°1060/2009, (UE) n° 648/2012, (UE) n° 600/2014, (UE) n° 909/2014 et (UE) n° 2016/1011 N° Lexbase : L2960MGQ.

[9] Arrêté du 3 novembre 2014, relatif au contrôle interne des entreprises du secteur de la banque, des services de paiement et des services d'investissement soumises au contrôle de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution N° Lexbase : L6929M4E, art. 270-1.

[10] C. com., art. L. 225-251 N° Lexbase : L6122AIL à L. 225-256 et L. 227-8 N° Lexbase : L6163AI4.

[11] C. pén., art. 121-2 N° Lexbase : L3167HPY.

[12] Site Commission européenne, EU reinforces its cybersecurity with post-quantum cryptography | Shaping Europe’s digital future.

[13] Site cyber.gouv.fr, Bilan cyber des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024, ANSSI.

newsid:492579

Marchés publics

[Dépêches] Évolutions susceptibles d’intervenir pendant l’exécution du marché public : la DAJ appelle les acheteurs à la vigilance

Réf. : Communiqué DAJ, 7 juillet 2025

Lecture: 2 min

N2640B38

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par La Rédaction

Le 08 Juillet 2025

Lors de la définition de leurs besoins, les acheteurs doivent être vigilants aux évolutions technologiques et normatives susceptibles d’intervenir pendant l’exécution du marché public.

L’obligation de définir précisément la nature et l’étendue des besoins, posée à l’article L. 2111-1 du Code de la commande publique N° Lexbase : L7082LQD, est un moyen de respecter à la fois les grands principes et les objectifs de la commande publique rappelés à l’article L. 3 du même code N° Lexbase : L4460LRM et dont la valeur constitutionnelle a été affirmée par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2003-473 DC du 26 juin 2003 N° Lexbase : A9631C89

L’ensemble des éléments constitutifs du besoin de l’acheteur doit apparaître dans les documents de la consultation. Aussi, les éléments n’y figurant pas ne pourront, par suite, y être intégrés sans que se pose la question de la remise en cause des conditions initiales de jeu de la concurrence.

Dans cette opération préalable de définition du besoin, les acheteurs doivent, dès lors, prêter attention aux évolutions technologiques et normatives qui sont susceptibles d’intervenir pendant l’exécution du marché public. Cette précaution est indispensable lorsque l’acheteur veut assurer la continuité des approvisionnements ou des prestations.

Ainsi, par exemple, en matière de communication, il est rappelé que les technologies GSM (« 2G ») et GPRS (« 2,5 G »), tout comme les réseaux RTC (« cuivre »), sont en cours d’extinction. Lorsque l’acheteur envisage de conclure un marché utilisant de tels moyens de communication, il lui appartient, soit, a minima, d’utiliser un cahier des charges neutre technologiquement, ce qui permettra l’évolution des technologies de communication en cours d’exécution, soit, directement, de faire référence à des technologies pérennes pendant toute la durée du marché public.

Il en est de même, depuis le 1er janvier 2025, pour l’interdiction d’utiliser des contenants alimentaires de cuisson, de réchauffage et de service en plastique, dans les services de pédiatrie, d'obstétrique et de maternité, les centres périnataux de proximité ainsi que les services mentionnés au chapitre Ier du titre Ier du livre Ier de la deuxième partie du Code de la santé publique (C. env., art. L. 541-15-10 N° Lexbase : L5307M9G). 

 

newsid:492640

Procédures collectives

[Dépêches] La reprise à la barre : une seconde chance pour les entreprises ?

Lecture: 1 min

N2639B37

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Le 08 Juillet 2025

► Dans cet épisode, nous recevons Laurène Boyer, avocate en restructuring et procédures collectives chez BDGS Associés, pour faire le point sur un sujet clé du droit des entreprises en difficulté : la reprise à la barre.

Qu’est-ce que cela signifie concrètement ? Comment fonctionne cette procédure ? Quels sont les enjeux stratégiques pour les repreneurs, les salariés et les créanciers ?

Autant de questions abordées dans ce décryptage essentiel.

► Un épisode à retrouver sur Youtube, Deezer, Spotify et Apple Podcasts.

newsid:492639

Urbanisme

[Jurisprudence] Variations autour de nouveaux Eldorados pour paralyser les projets immobiliers

Réf. : CE, 2°-7° ch. réunies, 21 février 2025, n° 493902, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A86956WX

Lecture: 18 min

N2475B33

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par Elise Carpentier, Professeure à l’Université d’Aix-Marseille

Le 08 Juillet 2025

Mots clés : urbanisme • délais de recours • tierce opposition • suppression de l'appel • permis modificatif

Dans un arrêt rendu le 21 février 2025, le Conseil d’État a indiqué que les dispositions de l’article R. 811-1-1 du Code de justice administrative, qui ont pour objectif de réduire le délai de traitement des recours pouvant retarder la réalisation d’opérations de construction de logements ayant bénéficié d’un droit à construire, doivent être regardées comme concernant non seulement les recours dirigés contre des autorisations de construire, de démolir ou d’aménager, mais également, lorsque ces autorisations ont été accordées, les recours dirigés contre les décisions constatant leur péremption ou refusant de la constater. Il a aussi précisé que les voies de recours ouvertes contre la décision prise sur un recours en tierce opposition à une décision juridictionnelle sont les mêmes que celles qui sont prévues contre la décision dont la rétractation est demandée. Il a enfin énoncé qu’en cas de recours contentieux contre un permis de construire, le délai à l’issue duquel ce permis de construire est périmé en l’absence d’engagement des travaux dans le délai réglementaire, prorogé le cas échéant, est suspendu jusqu’à la date à laquelle la décision juridictionnelle rendue sur ce recours devient irrévocable.


 

Que les projets immobiliers donnent régulièrement lieu à contestation des tiers n’est pas nouveau, l’intensité des querelles étant souvent proportionnelle à l’ampleur des opérations envisagées. On assiste en revanche, depuis quelques années en droit de l’urbanisme, à l’émergence de voies de contestation nouvelles, qui n’est sans doute pas sans lien avec l’encadrement de plus en plus drastique dont a fait l’objet le contentieux des autorisations depuis une trentaine d’années, pour limiter les risques inhérents aux recours des tiers, sécuriser les projets et en faciliter la réalisation. On a vu, par exemple, des tiers déclencher des contentieux autour d’autorisations pourtant réputées définitives, en sollicitant leur retrait pour fraude et en contestant devant le juge la légalité du refus de procéder au retrait [1]. Non sans succès parfois [2]. On observe, également, un développement de procédures visant à faire constater la caducité d’autorisations d’urbanisme, par le maire dans un premier temps, puis par le juge en cas de refus du premier [3], en exploitant toutes les voies de recours concevables, même les plus extraordinaires… La décision n° 493902 rendue par le Conseil d'État le 21 février 2025, vient précisément clore un litige de ce type.

Dans cette affaire, la société HLM Logirem avait obtenu en 2016 un permis de construire autorisant l’édification de dix-huit logements collectifs sociaux. Un recours, intenté par un voisin, avait été rejeté en 2017 et une prorogation était tacitement intervenue en 2019. En mai 2021, une quinzaine de tiers avait demandé au maire de constater la péremption du permis, faute de commencement des travaux dans le délai imparti. Le maire ayant gardé le silence, les tiers avaient saisi le tribunal administratif de son refus implicite. Probablement sensible à cette pression, le maire avait finalement, peu de temps après, en septembre, constaté la caducité du permis en raison de l’absence de démarrage des travaux. À son tour, la société avait Logirem avait saisi le juge administratif de ce constat.

Dans un jugement du 18 décembre 2023, après avoir joint les deux demandes, le tribunal administratif de Marseille, estimant que les travaux avaient effectivement commencé dans les temps, avait accueilli le recours de la société Logirem en annulant le constat de caducité et rejeté la requête des 16 requérants. Ceux-ci avaient alors emprunté deux voies de contestation. D’une part, un pourvoi en cassation devant le Conseil d'État contre le jugement en tant qu’il avait rejeté leurs conclusions dirigées contre le refus implicite de constater ; d’autre part, une tierce opposition devant le tribunal de Marseille, visant à voir déclarer nul et non avenu le jugement en tant qu’il avait annulé le constat de péremption et à obtenir le rejet de la demande de la société Logirem tendant à l’annulation de cette décision. Le succès ne fut pas au rendez-vous dans un premier temps, puisque le Conseil d'État décida de ne pas admettre le pourvoi [4] et le président de la 4ème Chambre du tribunal administratif rejeta la tierce opposition pour irrecevabilité, les requérants ayant selon lui bien eu la qualité de parties à l’instance. Ce rejet fit à son tour l’objet d’un pourvoi devant le Conseil d'État, dont la décision, rendue le 21 février 2025 conformément aux conclusions du rapporteur public Clément Malverti [5], est riche d’enseignements, concernant aussi bien le champ d’application de la dispense d’appel (I), que la recevabilité de la tierce opposition (II) et les conditions de la caducité des autorisations d’urbanisme (III).

I. Le champ d’application de la dispense d’appel

La première question à laquelle devait répondre le Conseil d'État était celle de sa propre compétence pour connaître du pourvoi contre l’ordonnance du tribunal ayant déclaré irrecevable la tierce opposition contre le jugement ayant annulé le constat de caducité de l’autorisation d’urbanisme. Cette décision est-elle au nombre de celles qui, en vertu de l’article R. 811-1-1 du Code de justice administrative N° Lexbase : L2592MDD, sont rendues en premier et dernier ressort par les tribunaux administratifs ? Rappelons qu’en vertu de ce texte, dans sa version issue du décret du 24 juin 2022 applicable à l’espèce, l’absence d’appel concerne en premier lieu les décisions rendues par les tribunaux sur les recours contre « les permis de construire ou de démolir un bâtiment comportant plus de deux logements, les permis d'aménager un lotissement, les décisions de non-opposition à une déclaration préalable autorisant un lotissement ou les décisions portant refus de ces autorisations ou opposition à déclaration préalable lorsque le bâtiment ou le lotissement est implanté en tout ou partie sur le territoire d'une des communes mentionnées à l'article 232 du Code général des impôts N° Lexbase : L4115MGI et son décret d'application ».

Que le litige relève du champ d’application géographique du dispositif ne faisait aucun doute, Marseille étant effectivement au nombre des communes dites « tendues », où s’applique la taxe annuelle sur les logements vacants. Il était moins évident qu’il entre dans le champ d’application matériel de la dispense d’appel, car si le permis en cause portait bien sur un bâtiment comportant plus de deux logements (dix-huit en l’occurrence), les recours relatifs aux décisions prises en matière de péremption des autorisations d’urbanisme ne sont pas visés par le texte.

Néanmoins, après avoir rappelé l’objectif poursuivi par les dispositions en cause, consistant à « réduire le délai de traitement des recours pouvant retarder la réalisation d'opérations de construction de logements ayant bénéficié d'un droit à construire » dans les zones où la tension entre l'offre et la demande de logements est particulièrement vive, le Conseil d'État estime qu’elles « doivent être regardées comme concernant non seulement les recours dirigés contre des autorisations de construire, de démolir ou d'aménager, mais également, lorsque ces autorisations ont été accordées, les recours dirigés contre les décisions constatant leur péremption ou refusant de la constater ».

La reprise de la jurisprudence antérieure relative à l’ambition du dispositif [6] ne paraît plus tout à fait adéquate depuis l’intervention du décret de juin 2022, ayant très significativement étendu le champ d’application de la suppression de l’appel, notamment aux recours contre les refus d’autorisation, donc à des cas où aucun droit à construire n’a été préalablement reconnu. On ne peut cependant qu’approuver la solution retenue par le Conseil d'État. Car si celui-ci avait par le passé souligné le caractère exceptionnel de la dispense d’appel et la nécessité corrélative d’en interpréter le domaine strictement [7], l’intervention du décret de 2022 ayant substantiellement étendu le champ matériel et temporel (prorogeant une nouvelle fois l’expérimentation) de cette dispense, ne pouvait qu’inciter à plus de souplesse. Le Conseil d'État avait d’ailleurs déjà admis sa compétence pour connaître d’un jugement rendu sur un recours contre un refus de constater la caducité d’une autorisation [8]. Ne pas l’admettre s’agissant d’un recours contre une décision constatant la caducité d’une autorisation eût été incohérent.

Ce premier point réglé, encore fallait-il déterminer si la compétence directe du juge de cassation devait prévaloir lorsque la contestation concerne une décision statuant sur une tierce opposition. Le Conseil d'État l’admet, considérant que « les voies de recours ouvertes contre la décision prise sur un recours en tierce opposition à une décision juridictionnelle sont les mêmes que celles qui sont prévues contre la décision dont la rétractation est demandée ». Bien que relativement nouvelle [9], la solution paraît naturelle et bienvenue dans la perspective de sécurisation des autorisations d’urbanisme. Ainsi que le souligne le rapporteur public, la tierce opposition étant une voie de rétractation, il est logique que la voie de recours ouverte contre la décision se prononçant sur la tierce opposition soit la même que celle ouverte contre la décision frappée de tierce opposition. Sur le plan de l’opportunité aussi, admettre un appel contre l’ordonnance contestée au seul motif qu’elle est rendue sur une tierce opposition, « conduirait à réintroduire, du seul fait de l’exercice d’une voie de rétractation, donc sans réelle justification, un double degré de juridiction pour un litige pourtant soumis, dans le souci d’abréger les procédures contentieuses, au circuit court de la cassation directe ». Sa compétence admise, le juge de cassation devait examiner le pourvoi en se prononçant, en premier lieu, sur la recevabilité de la tierce opposition.

II. La recevabilité de la tierce opposition

Pour déclarer la tierce opposition irrecevable, le président de la 4ème Chambre du tribunal administratif de Marseille avait jugé que les requérants (tiers ayant sollicité le constat de caducité du permis de la société Logirem) avaient bien eu la qualité de parties à l’instance. Il s’était toutefois mépris sur la portée de leurs écritures en considérant qu’elles étaient dirigées contre le jugement en tant qu’il avait rejeté leur demande d’annulation du refus implicite de constater la caducité du permis de juillet 2019, alors qu’elles visaient en réalité le jugement en tant qu’il avait annulé le constat de péremption finalement dressé par le maire en septembre 2019 et attaqué par la société Logirem. L’ordonnance d’irrecevabilité est donc annulée par le Conseil d'État, qui choisit, pour ne pas allonger davantage un procès engagé depuis plus de 5 ans, de régler l’affaire au fond.

À cette fin, il commence par rappeler les deux conditions de recevabilité de la tierce opposition [10], qui n’est ouverte qu’à un cercle de tiers « privilégiés ». D’une part, la décision juridictionnelle doit préjudicier aux droits du tiers opposant ; d’autre part, celui-ci ne doit pas avoir été présent, représenté, ou régulièrement appelé dans l’instance ayant abouti à la décision [11]. Ces conditions étaient-elles remplies en l’occurrence ?

La jurisprudence applique la première condition avec une relative souplesse. Elle est satisfaite, s’agissant des litiges relatifs à une décision individuelle, bien sûr lorsque le requérant est le bénéficiaire direct de la décision, mais également lorsqu’il en a sollicité l’édiction [12]. Ainsi a-t-il été jugé, en matière d’autorisations d’urbanisme, que si les voisins d’un projet immobilier ne sont en principe pas recevables à former tierce opposition contre un jugement annulant un retrait de permis, il en va différemment lorsque le retrait était consécutif à une demande de leur part [13]. La décision ici commentée s’inscrit dans cette même perspective en posant que « si la qualité de voisin du projet de construction autorisé ne confère pas qualité pour former tierce opposition contre un jugement annulant la décision constatant la caducité du permis de construire, il en va autrement lorsque ce constat a été prononcé à sa demande ». Or, en l’espèce, il n’est pas douteux que le constat de caducité a été dressé suite à la demande des auteurs de la tierce opposition, quand bien même il ne l’a pas été dans les deux mois suivant leur demande. Le jugement annulant ce constat porte donc préjudice à leurs droits. La première condition est remplie.

La seconde condition était moins évidente à apprécier dès lors que, si la partie du jugement attaquée concernait le recours de la société Logirem contre la ville ayant constaté la caducité du permis, ce recours avait été joint par le tribunal à celui des tiers ayant attaqué le refus initial du maire de constater cette caducité, et le jugement traitait donc dans le même temps ces deux requêtes. Pouvait-on, dans cette configuration, considérer que les tiers opposants n’avaient pas été présents ou représentés dans l’instance relative à l’annulation du constat de péremption du permis alors qu’ils l’avaient évidemment été dans l’instance relative au refus d’établir ce constat ?

Ainsi que le rappelle C. Malverti dans ses conclusions, la jonction ne vaut pas fusion des instances et la qualité de partie ne s’étend pas d’une instance à l’autre par le seul fait de la jonction [14]. Il ajoute qu’en l’espèce, les deux affaires ont été instruites en tunnel, le tribunal n’ayant pas procédé à la communication croisée des écritures produites dans chaque instance. La question se posait cependant de savoir si les tiers opposants pouvaient être regardés comme ayant été représentés par la ville de Marseille, effectivement présente à l’instance et dont le constat de caducité faisait suite à leur demande.

En matière de tierce opposition, en effet, la représentation peut résulter non seulement d’un mandat, légal ou contractuel, mais également d’une situation de fait dans laquelle peuvent être caractérisés des intérêts concordants. Les propriétaires ayant consenti une promesse de vente à une société au titre de laquelle celle-ci a pu déposer une demande de permis de construire sur des terrains leur appartenant disposent par exemple d'intérêts concordant avec ceux du bénéficiaire du permis. Ils doivent donc être regardés comme ayant été représentés par la société bénéficiaire du permis, devenue propriétaire des terrains à la date du jugement du tribunal administratif, dans l'instance d'appel introduite par la commune à la suite de l'annulation du permis [15]. La jurisprudence est toutefois exigeante dans la caractérisation d’une telle représentation de fait, ne se contentant pas de simples communautés ou convergences d’intérêts, qui ne permettraient pas d’atteindre l’objectif poursuivi par la tierce opposition, consistant à restaurer le contradictoire ayant fait défaut dans l’instance contestée. Cela explique d’ailleurs la réticence de principe du Conseil d'État « à estimer qu’une personne privée est représentée par une personne publique, lesquelles sont par définition mues par des intérêts de nature foncièrement différente » [16]. Selon le rapporteur public, dans la mesure où le constat de caducité est intervenu à la demande des tiers opposants et sous la pression d’un référé-suspension contre son refus initial de le prendre, « on peut raisonnablement douter que la ville soit à ce point attachée à la défense de cette caducité que ses intérêts en la matière se confondent avec ceux des requérants » [17]. La formation de jugement le suit en considérant que « si le tribunal administratif de Marseille a joint les demandes présentées par la société Logirem et par (les tiers), ces derniers n'ont pas été appelés à l'instance opposant la société Logirem et la commune de Marseille. En outre, au regard de la nature de leurs intérêts respectifs, la commune de Marseille ne peut être regardée comme ayant représenté (ces tiers) dans cette instance ». La seconde condition est donc satisfaite et la tierce opposition recevable. Restait à se prononcer sur le bien-fondé de la requête, autrement dit sur la péremption de l’autorisation.

III. Les conditions de la caducité de l’autorisation

Le Code de l’urbanisme prévoit la péremption des permis de construire lorsque les travaux n’ont pas été entrepris dans le délai de trois ans suivant la notification de l’autorisation. Ce délai peut faire l’objet de deux prorogations d’un an [18]. Par ailleurs, il est suspendu, en cas de recours contre le permis, jusqu’au prononcé d’une décision juridictionnelle irrévocable [19]. L’application de ces dispositions posait deux questions en l’espèce.

La première était relative aux modalités de computation de ce délai en présence d’un recours, la formule retenue à l’article R. 421-19 du Code de l’urbanisme N° Lexbase : L8663LD9, selon laquelle le délai est « suspendu jusqu'au prononcé d'une décision juridictionnelle irrévocable » n’étant pas dénuée d’ambiguïté. Le délai redémarre-t-il, pour la durée restant à courir, à la date du prononcé de la décision de justice ou à la date à laquelle elle est irrévocable ? Confirmant le jugement rendu en première instance, le Conseil d'État retient la seconde option. C’est un apport supplémentaire de sa décision que de clarifier ce point, dans le sens certainement le plus conforme aux aspirations des auteurs de la loi « Engagement national pour le logement » (loi n° 2006-872 du 13 juillet 2006 N° Lexbase : L5633MSG) ayant créé ce cas de suspension en 2006 [20]. En pratique, il est clair que les titulaires d’autorisations faisant l’objet d’un contentieux n’attendent pas seulement que le recours ait été rejeté pour réaliser leur projet, mais bien qu’il l’ait été définitivement, autrement dit que la décision juridictionnelle ne soit plus susceptible de voies de réformation (appel et/ou cassation). Leurs conseils et financeurs ne leur laissent que rarement de choix sur ce point d’ailleurs. L’interprétation de la règle est donc aussi la plus adéquate sur le plan opérationnel.

Dans l’affaire ici commentée, l’application du principe ainsi posé conduit à fixer la date d’expiration du délai de validité [21] du permis au 18 juillet 2021. En effet, le permis litigieux avait été notifié à la société Logirem le 5 avril 2016 ; une prorogation d’un an avait été obtenue ; et le recours en annulation introduit le 13 septembre 2016 avait été rejeté le 26 octobre 2017 par un jugement devenu irrévocable le 28 décembre 2017.

La seconde question, purement factuelle cette fois, était donc de savoir si les travaux avaient effectivement commencé avant le 18 juillet 2021. Les tiers opposants soutenaient que le tribunal avait inexactement qualifié les faits de l’espèce en jugeant que les travaux entrepris avant l’expiration du délai de péremption du permis avaient suffi à interrompre ce délai. Le Conseil d'État rejette leur argumentation, « eu égard à la nature et l'importance des travaux effectués par le pétitionnaire à cette date ».

La motivation demeure toutefois économe, le Conseil d'État ne donnant aucune indication plus précise sur les travaux en question. Un éclairage est toutefois offert par les conclusions du rapporteur public, qui expose « qu’il ressort d’un constat d’huissier du 8 juillet 2021 qu’à cette date, soit dix jours avant l’expiration du délai de validité du permis, une base de vie de chantier avait été installée (un WC de chantier, un local d’outillage tecnhique), qu’un compresseur et une pelleteuse étaient présents sur les lieux et que trois micropieux avaient été réalisés, d’autres étant en voie de réalisation ». La solution paraît assez souple au regard de la jurisprudence « traditionnelle », qui ne se contente généralement pas de la présence d’engins de chantiers et de travaux de faible ampleur au regard du projet autorisé, particulièrement s’ils ont été réalisés juste avant la péremption, ces circonstances laissant à penser que les travaux en cause n’ont été réalisés que pour faire obstacle à la péremption de l’autorisation [22]. Or, tel semble tout de même un peu être le cas en l’occurrence (où un constat d’huissier dressé dix jours avant la péremption constate la réalisation de trois micropieux, pour un projet de construction de dix-huit logements collectifs). Il est arrivé que le Conseil d'État se contente de travaux relativement modestes avant la date d’acquisition de la péremption, mais souvent en relevant que ceux-ci avaient été suivis de travaux plus importants par la suite [23]. Rien de tel dans la décision commentée ni dans ses conclusions.

La décision rendue le 21 février 2025 conforte toutefois une tendance à plus de mansuétude chez les juges du fond ces dernières années [24]. Cet assouplissement n’est cependant pas si surprenant, dans la mesure où il évite de fragiliser les projets immobiliers par une application trop stricte des règles régissant la caducité des autorisations, à une époque où les pouvoirs publics multiplient les efforts pour les faciliter [25]. Et il faut reconnaître que ces règles, en vertu desquelles les autorisations peuvent perdre leur vigueur par le simple écoulement du temps faute de travaux suffisants, et sans que cela ne nécessite l’intervention d’aucun acte administratif, ne sont pas d’un maniement aisé par les opérateurs immobiliers. Sans compter qu’une fois le délai de trois ans (éventuellement prorogé) écoulé, l’autorisation est également frappée de caducité si les travaux sont interrompus pendant plus d’un an. Et il est loin d’être évident que ce délai soit suspendu en cas de contentieux relatif à la caducité du permis…


[1] CE, 5 février 2018, n° 407149, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A6125XCT.

[2] CE, 26 avril 2018, n° 410019, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A8829XLL.

[3] CE 13 juillet 2011, n° 320448, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A0244HWX, annulant, à la demande d’un tiers et d’une association intéressés, le refus d’un maire de constater la caducité d’un permis.

[4] Décision du 25 octobre 2024.

[5] Accessibles sur Ariane Web.

[6] CE, Sect., 5 mai 2017, n° 391925, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A9887WBS, et CE, 26 avril 2022,  n° 452695, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A59077UC, intégrant au champ de la dispense d’appel les recours contre les retraits et les refus de retrait des autorisations.

[7] CE, 15 décembre 2021, n° 451285, mentionné aux tables du recueil Lebon, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A99967HP, refusant de l’appliquer à un jugement rendu sur un recours tendant à l'annulation du sursis à statuer opposé à une demande de permis d'aménager un lotissement, quand bien même l'arrêté attaqué aurait eu pour effet de retirer un permis d'aménager tacite.

[8] CE, 22 novembre 2022, n° 461869, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A96598TW.

[9] Cf. auparavant implicitement : CE, 4 mai 2018, n° 408708, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A6278XMH.

[10] Auxquelles il faut vraisemblablement ajouter en l’occurrence l’obligation de notification inscrite à l’article R. 600-1 du Code de l’urbanisme N° Lexbase : L9492LPA, dont le Conseil d'État a récemment jugé qu’elle s’impose, à peine d'irrecevabilité, par le requérant qui interjette appel ou se pourvoit en cassation contre une décision juridictionnelle qui constate l'absence de caducité d'un permis de construire, et annule, pour ce motif, une décision constatant cette caducité : CE, 12 avril 2023, n° 456141, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A00529PM.

[11] CJA, art. R. 832-1 N° Lexbase : L3318ALH.

[12] CE, 28 mai 1997, n° 169836, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A9915ADL.

[13] CE, 28 avril 1997, n° 133879, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A9239ADK. En revanche, des tiers ne sont pas recevables à former tierce opposition contre un jugement annulant un refus d’autorisation d’urbanisme (CE, 22 décembre 1976, n° 01555 N° Lexbase : A5637B8B et CE, 19 juillet 1991, n° 80751 N° Lexbase : A2115ARR) ou un certificat d’urbanisme négatif (CE, 5 avril 2006, n° 275742, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A9506DNE).

[14] CE, 5 juillet 1995, n° 138734, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A5062ANS.

[15] CE, 8 février 1999, n° 161799, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A4507AX9.

[16] C. Malverti, concl. préc.

[17] Ibid.

[18] Un régime plus protecteur est temporairement mis en place par le décret n° 2025-461 du 26 mai 2025 N° Lexbase : L7534M9W prorogeant le délai de validité des autorisations d'urbanisme délivrées entre le 1er janvier 2021 et le 28 mai 2024. Notamment, ce texte porte à cinq ans le délai de validité des autorisations intervenues entre le 28 mai 2022 et le 28 mai 2024.

[19] C. urb. art. R. 424-17 N° Lexbase : L5313KWP et s. Signalons que lorsque la réalisation d’un projet est subordonnée à l’obtention d’une autorisation au titre d’une autre législation, le délai de péremption du permis ne court qu’à compter de la date à laquelle les travaux peuvent commencer en application de cette autre autorisation (CE, 10 février 2017, n° 383329, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A9955TMN) Par ailleurs, si la délivrance d'un permis de construire modificatif n'a pas pour effet de faire courir à nouveau le délai de validité du permis de construire initial, le recours contentieux formé par un tiers à l'encontre de ce permis modificatif suspend ce délai jusqu'à l'intervention d'une décision juridictionnelle irrévocable (CE, 19 juin 2020, n° 434671, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A08453PY).

[20] La cour administrative d’appel de Marseille avait déjà retenu cette option auparavant : CAA Marseille, 6 avril 2023, n° 21MA01935 N° Lexbase : A92199ME.

[21] Il serait plus approprié de parler de vigueur que de validité qui – dans la conception kelsénienne au moins – renvoie à la question de la conformité d’un acte aux normes supérieures opposables de l’ordre juridique.

[22] CE, 3 janvier 1975, n° 93525 N° Lexbase : A2010B7L ; CE, 16 avril 1975, n° 94329, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A1141B8R ; CE Sect., 16 février 1979, n° 03646, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A1021B8C ; CE Sect., 4 juin 1982, n° 26684, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A9939AKC ; CE, 2 décembre 1987, n° 56789, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A3514APT ; CE, 28 juillet 1999, no 191375 N° Lexbase : A9327B8X ; CE, 21 juin 2002, n° 211864 N° Lexbase : A9680AY8.

[23] CE, 29 avril 1983, n° 20386 N° Lexbase : A1059AM8 ; CE, 28 janvier 1987, no 39146 N° Lexbase : A3175APB.

[24] Ont été jugés aptes à interrompre le délai de péremption des travaux de fouilles, de terrassement et de coulage des premières fondations (CAA Marseille, 6 octobre 2011, n° 10MA00919 N° Lexbase : A5099HZU) ; ou encore la réalisation de terrassements, de fondations bétonnées et en des travaux de raccordement (CAA Marseille, 31 mars 2011, n° 09MA01666 N° Lexbase : A2660HP9).

[25] Le décret précité du 26 mai 2025 prorogeant le délai de validité des autorisations en témoigne.

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