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par June Perot et Honoré Clavreul, Doctorant au Laboratoire de droit privé et sciences criminelles (EA4690)
Le 26 Juin 2025
Découvrez notre veille d’actualité mensuelle sur les évolutions majeures en droit pénal et procédure pénale. La revue Lexbase Pénal vous présente une sélection thématique des décisions marquantes du mois de mai 2025, couvrant le droit pénal général et spécial, la procédure pénale et le droit de la peine (I). Explorez également l'actualité normative classée par thèmes-clés (II), pour une mise à jour complète de vos connaissances juridiques.
I. Actualité jurisprudentielle
1) Droit pénal général
♦ Contrôle de proportionnalité
Cass. crim., 21 mai 2025, n° 24-85.284, F-D N° Lexbase : B2328ABT: la cour d'appel n'a pa justifié sa décision retenant la contravention de dégradation légère et condamnant la prévenue à une amende de 200 euros. En premier lieu, l'énonciation de ce que la liberté d'expression artistique et l'absence l'ingérence dans son exercice trouvent pour limite la protection des droits d'autrui n'est pas de nature à permettre en elle-même d'écarter l'existence d'une atteinte disproportionnée à la liberté d'expression. En second lieu, il appartenait à la cour d'appel de se prononcer sur l'existence d'un lien direct entre les faits incriminés et l'exercice invoqué par la prévenue de sa liberté d'expression. Si elle considérait devoir retenir l'existence d'un lien direct entre les faits poursuivis et un débat d'intérêt général, la cour d'appel devait se livrer à un contrôle de proportionnalité, en explicitant notamment les circonstances dans lesquelles les faits avaient été commis.
♦ Responsabilité du dirigeant d’entreprise
Cass. crim., 28 mai 2025, n° 24-82.147, F-D N° Lexbase : B0963AEE : si la cour d'appel a relevé que les statuts de la société désignant le prévenu comme directeur général n'ont été déposés au greffe du tribunal de commerce que le 14 novembre 2014, il résulte de ses constatations que, avant cette date, notamment entre le 23 octobre et le 31 décembre 2013, ladite société disposait de la personnalité morale et, dans ses rapports avec elle, le prévenu pouvait être regardé comme son dirigeant. La cour d'appel pouvait donc bien le condamner des chefs de gestion d'une société commerciale malgré interdiction judiciaire pour la période comprise entre le 23 octobre 2013 et le 31 décembre 2013.
2) Droit pénal spécial
♦ Atteinte à l’intimité de la vie privée
Cass. crim., 20 mai 2025, n° 24-82.751, F-D N° Lexbase : B7698AAD : pour retenir la culpabilité du prévenu pour l'infraction d'atteinte à l'intimité de la vie privée d'autrui, à supposer même que les photographies litigieuses aient été prises sans le consentement de la personne qui y apparaît, ce que la cour d'appel n'a pas recherché, l'article 226-1 du Code pénal n'incrimine pas le fait de diffuser auprès du public ou de tiers l'image d'une personne prise dans ces conditions, de sorte que la cour d'appel ne pouvait, sans requalification, entrer en voie de condamnation sur le fondement de la disposition précitée, seule visée aux poursuites.
♦ Délit de banqueroute
Cass. crim., 14 mai 2025, n° 24-81.166, F-D N° Lexbase : A550109M : la cour d'appel a justifié sa décision confirmant la déclaration de culpabilité du prévenu de banqueroute par augmentation du passif, sans excéder sa saisine, concernant les dates comprises dans la prévention. En effet, les juges ont relevé que le prévenu, qui ne pouvait ignorer l'accroissement important de la dette au fil des années, ne l'a pas payée et qu'il a utilisé le compte de la société pour ses dépenses personnelles. De plus, ils ont souverainement apprécié que l'engagement par le prévenu de recours contentieux pour contester sa dette fiscale n'était pas de nature à l'exonérer de sa responsabilité pénale.
♦ Diffamation
Cass. crim., 20 mai 2025, n° 24-83.378, F-D N° Lexbase : B7699AAE : c'est à raison que la cour d'appel a retenu le caractère public des propos litigieux, constitutifs de diffamation. En premier lieu, l'objet du message et son post-scriptum caractérisent la volonté d'un envoi exclusif de tout caractère de confidentialité, sans que la diffusion dudit courriel, finalement restreinte à trois des destinataires seulement, ne lui confère le caractère confidentiel susceptible de la soustraire à toute incrimination pénale. En second lieu, si les trois présidents de la ligue de football effectivement destinataires du courriel litigieux pouvaient avoir alors certains intérêts communs, ils font partie de groupements associatifs qui constituent des entités distinctes, ne partageant pas nécessairement les mêmes objectifs, et ne sont dès lors pas liés par une communauté d'intérêts.
♦ Droit pénal de l’environnement
Cass. crim., 13 mai 2025, n° 24-80.261, F-D N° Lexbase : A445909Z : la cour d'appel a justifié sa décision de culpabilité des chefs de mise à disposition sur le marché d'un produit biocide non autorisé et d'une substance active biocide non approuvée, le classement des taupicides utilisés dans le cadre du jardinage comme produits phytopharmaceutiques par le Règlement (UE) n° 283/2013 du 1er mars 2013 n'étant pas exclusif de l'application du Règlement n° 528/2012 sur les biocides lorsque ces produits visent des organismes nuisibles à diverses activités humaines, comme l'entretien des espaces verts à l'esthétique desquels ils portent atteinte. Il importe donc peu que les taupes ne causent pas de dégâts aux végétaux directement.
La cour d'appel a également justifié sa décision écartant l'erreur de droit invoquée par les prévenus, ceux-ci étant conscients de l'évolution de la législation sur les produits phytopharmaceutiques et biocides, la consultation d'un cabinet d'avocats spécialisé en droit de l'environnement n'établissant pas l'existence d'une erreur sur le droit, alors que tous renseignements utiles pouvaient être obtenus auprès de l'autorité publique compétente.
♦ Droit pénal de la presse
Cass. civ. 1, 28 mai 2025, n° 21-13.519, FS-B N° Lexbase : B6825ABE : la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit, dans un arrêt du 4 octobre 2024 (C-633/22), qu'en vertu des articles 34, point 1, et 45 du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil, du 22 décembre 2000, l'exécution d'un jugement, condamnant au paiement de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi en raison d'une atteinte à la réputation du fait d'une information publiée par un journal, doit être refusée pour autant qu'elle aurait pour effet une violation manifeste de la liberté de la presse, telle que consacrée à l'article 11 de la Charte des droits fondamentaux et, ainsi, une atteinte à l'ordre public de l'État membre requis. La méthode qui résulte de cet arrêt consiste, pour le juge de l'Etat membre requis, à examiner si les dommages-intérêts accordés, qu'ils soient punitifs ou compensatoires, s'avèrent manifestement disproportionnés par rapport à l'atteinte à la réputation en cause et risquent ainsi d'avoir un effet dissuasif sur la liberté de la presse. Dans le cadre de son contrôle, le juge ne peut ni minorer le préjudice, ni ignorer la gravité de la faute, tels qu'ils ont été constatés par les juridictions étrangères. Au regard des ressources des personnes condamnées, le juge doit rechercher si la condamnation pécuniaire s'avère substantielle, s'agissant d'une personne physique, par rapport aux revenus que cette personne tire de son activité professionnelle, le cas échéant par référence à la rémunération moyenne dans le secteur professionnel considéré et, s'agissant d'une personne morale, par rapport aux moyens dont elle dispose pour l'exercice de son activité. La proportionnalité des condamnations doit être appréciée de façon distincte à l'égard de chaque victime et de chaque auteur, afin de vérifier si une exécution seulement partielle permettrait d'éviter une violation manifeste des droits et libertés consacrés par l'article 11 de la Charte.
♦ Envoi réitéré de messages malveillants
Cass. crim., 7 mai 2025, n° 23-83.626, F-D N° Lexbase : A80520RN : les motifs de la cour d'appel n'établissent pas le caractère malveillant des messages litigieux envoyés, lequel ne pouvait se déduire de la seule réitération des envois, n'ayant donc pas justifié sa décision de culpabilité du prévenu pour envoi réitéré de messages malveillants émis par voie de communications électroniques.
♦ Génocide
Cass. crim, 7 mai 2025, n° 25-81.446, FS-B N° Lexbase : A66790RS : l'article 211-1 du Code pénal n'exige pas, pour que le crime de génocide soit constitué, que l'auteur ait agi à l'encontre de plusieurs personnes. Il suffit que celui des actes visés par ce texte qui lui est reproché ait été commis en exécution d'un plan concerté tendant à la destruction totale ou partielle d'un groupe national, ethnique, racial, religieux ou déterminé à partir de tout autre critère arbitraire.
♦ Manœuvres ayant pour but de faire bénéficier indûment son auteur d’une exonération fiscale
Cass. crim., 28 mai 2025, n° 24-81.022, F-D N° Lexbase : B0968AEL : la loi du 24 décembre 2020 a modifié l'incrimination de manœuvre ayant pour but ou pour résultat de faire bénéficier indûment son auteur ou un tiers d'une exonération, d'un dégrèvement ou d'une taxe réduite en abrogeant les g) et h) du § 2 de l'article 411 du Code des douanes et en supprimant au § 1 de ce même article les mots « pour but ou ». Lorsque l'infraction a eu pour résultat le bénéfice indu, le terme de « manœuvre » employé par l'ancienne version de l'article 411 dudit code désignait un acte matériel ne supposant pas nécessairement d'élément intentionnel.
Dans ce cas, les dispositions nouvelles, qui répriment une irrégularité ayant pour résultat d'éluder ou de compromettre le recouvrement d'un droit ou d'une taxe, n'ont pas aggravé l'incrimination. Dès lors que les faits sont demeurés punissables, dans des conditions équivalentes, sous l'empire de la nouvelle incrimination, le visa d'un texte qui a été abrogé depuis la délivrance de la citation est sans emport sur la validité de celle-ci. La cour d'appel ne pouvait donc faire droit au moyen de nullité de la citation du chef de manœuvre tendant à bénéficier indûment d'une exonération portant sur un produit énergétique sur le fondement du seul texte de répression visé par la citation.
3) Procédure pénale
♦ Accident du travail
ass. crim., 20 mai 2025, n° 24-82.660, F-B N° Lexbase : A943609D : il ne résulte ni de l'article L. 8113-7 du Code du travail ni d'aucune autre disposition dudit code qu'une poursuite en matière d'infractions au Code du travail doit être nécessairement exercée sur la base d'un procès-verbal de l'inspection du travail, une telle poursuite pouvant être régulièrement engagée par le ministère public avisé des faits en application de l'article 40 du Code de procédure pénale. Il s'en infère que même si la société prévenue n'a pu faire connaître à l'inspection du travail ses observations avant saisine du procureur de la République en application de l'article 40 précité, une telle circonstance n'est pas de nature à entacher de nullité les poursuites.
Pour en savoir plus : A. Salon, Signalement au procureur : l’inspection du travail autorisée à recourir à l’article 40 du Code de procédure pénale, Lexbase Social, juin 2025 N° Lexbase : N2355B3M. |
♦ Action subrogatoire
Cass. crim., 13 mai 2025, n° 24-82.582, FS-B N° Lexbase : A815408I : l'article 421 du Code de procédure pénale, selon lequel la déclaration de partie civile, à l'audience, doit, à peine d'irrecevabilité, être faite avant les réquisitions du ministère public sur le fond, est applicable à l'action subrogatoire exercée par les personnes publiques visées par les articles 1er et 2 de l'ordonnance n° 59-76 du 7 janvier 1959, qui ne sont pas des caisses de Sécurité sociale et ne bénéficient donc pas de la dérogation prévue par l'article L. 376-1, alinéa 8, du Code de la sécurité sociale. Doit ainsi être censuré l'arrêt qui déclare recevables les interventions d'un centre hospitalier et de la Caisse des dépôts et consignation alors que ces tiers payeurs sont intervenus à l'instance après les réquisitions du ministère public sur la culpabilité du responsable de l'accident.
Cass. crim., 13 mai 2025, n° 24-82.775, FS-B N° Lexbase : A815708M : le moyen tiré de l'irrecevabilité de l'intervention formée pour la première fois en cause d'appel par un tiers payeur exerçant une action subrogatoire ne peut être soulevé devant la Cour de cassation si une telle irrecevabilité n'avait pas été opposée devant les juges du fond.
♦ Audition douanière
Cass. crim., 28 mai 2025, n° 24-81.295, F-D N° Lexbase : B0965AEH : c'est à tort que la cour d'appel a rejeté l'exception de nullité de l'audition du prévenu réalisée par les agents de douanes. En effet, il résulte de ses constatations et des procès-verbaux de la procédure douanière que la personne contrôlée, invitée à suivre les agents des douanes dans leurs locaux, où elle a été maintenue à leur disposition, a fait l'objet d'une audition formelle sur sa situation personnelle, notamment financière, et sur l'origine des fonds transportés, audition à laquelle les agents des douanes ne pouvaient procéder, fût-ce en application de l'article 67 F du Code des douanes, au cours de cette visite et qui a conduit à retenir l'intéressé au-delà du temps strictement nécessaire à la mise en oeuvre du contrôle. Cependant, l'arrêt n'encourt pas la censure dès lors que les juges pour retenir la culpabilité du prévenu se sont fondés sur d'autres éléments, soumis au débat contradictoire, notamment sur les constatations matérielles contenues dans les procès-verbaux et les déclarations sommaires effectuées par l'intéressé lors de la visite du véhicule.
♦ Autorité de la chose jugée
Cass. crim., 21 mai 2025, n° 24-82.987, F-B N° Lexbase : B3033AAL : l'autorité de la chose jugée s'oppose à ce qu'un prévenu, déjà jugé du chef d'abandon de famille commis sur une période déterminée, fasse l'objet de nouvelles poursuites sur cette même période, pour les mêmes faits, peu important que la décision de justice non-exécutée, au sens de l'article 227-3 du Code pénal, soit différente de celle visée au cours de la première poursuite, la période d'inexécution de l'obligation étant identique.
♦ Autorité des Marchés Financiers
Cass. com., 28 mai 2025, n° 24-10.054, F-B N° Lexbase : B6821ABA : les enquêteurs de l'Autorité des marchés financiers peuvent, sur le fondement de l'article L. 621-10 du Code monétaire et financier, dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-672 du 26 juillet 2013, avoir accès à des données de connexion détenues par des opérateurs de communications électroniques lorsque les éléments de fait justifiant la nécessité d'une telle mesure d'investigation répondent à un critère de gravité suffisant. Il résulte de l'article L. 465-3-6 du Code monétaire et financier qu'une enquête de l'Autorité des marchés financiers peut, le cas échéant, donner lieu à des poursuites pénales. Il s'ensuit qu'il y a lieu de prendre en compte, pour apprécier la gravité des faits objet de l'enquête, les sanctions pénales pouvant être prononcées au titre de ceux-ci.
♦ Compétence juridictionnelle
Cass. crim., 7 mai 2025, n° 24-83.922, F-D N° Lexbase : A81430RZ : il résulte des pièces de procédure que l'appel du jugement, statuant sur intérêts civils, rendu par le tribunal pour enfants, à l'encontre du prévenu, à la suite de faits commis quand il était mineur, a été porté, non devant la chambre spéciale des mineurs, mais devant la chambre correctionnelle de la cour d'appel, où ne siégeait pas le délégué à la protection de l'enfance. Les règles de compétence prévues par les articles L. 231-6 du Code de la justice pénale des mineurs et L. 312-6 du Code de l'organisation judiciaire ont donc été méconnus.
♦ Contrôle judiciaire
Cass. crim., 20 mai 2025, n° 25-81.812, F-B N° Lexbase : B3034AAM : il résulte de l'article 138, 12°, du Code de procédure pénale, que le contrôle judiciaire ne peut avoir pour effet de faire obstacle à l'exercice effectif d'un mandat électif. Méconnait les dispositions de ce texte la cour d'appel qui confirme l'ordonnance de placement sous contrôle judiciaire du maire d'une commune comportant notamment l'interdiction de se rendre dans cette commune et d'entrer en relation avec l'ensemble des élus et du personnel de la mairie.
♦ Convention d’entraide judiciaire
Cass. crim., 21 mai 2024, n° 25-81.595, F-B N° Lexbase : B3206AAY : les autorités judiciaires françaises, lorsqu'elles utilisent les informations qui leur ont été communiquées dans le cadre d'une convention d'entraide judiciaire en matière pénale, sont tenues de respecter les règles fixées par cette convention, qui obligent les États parties dans leurs rapports réciproques. Il s'en déduit que la méconnaissance des dispositions susvisées, relevant de la souveraineté de l'État requis, constitue une nullité d'ordre public, à laquelle les dispositions de l'article 802 du Code de procédure pénale sont étrangères.
♦ Cour d’assises - Feuille de motivation
Cass. crim., 21 mai 2025, n° 23-81.624, FS-B N° Lexbase : B3024AAA : s'il se déduit des articles 359 et 365-1 du Code de procédure pénale que la feuille de motivation n'a pas à caractériser chacun des éléments constitutifs de chacune des infractions dont l'accusé est déclaré coupable, dès lors que cette caractérisation procède des réponses affirmatives apportées aux questions posées, il appartient à la Cour de cassation de contrôler l'absence de contradiction entre les réponses contenues dans la feuille de questions et les énonciations de la feuille de motivation. Une telle contradiction n'existe pas lorsque, la cour d'assises ayant répondu par l'affirmative aux questions relatives au crime de violences ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente, commis par le concubin de la victime, il résulte des énonciations de la feuille de motivation qu'elle a souverainement apprécié l'existence d'une mutilation.
Cass. crim., 21 mai 2025, n° 24-84.442, F-D N° Lexbase : B2146AB4 : les énonciations de la feuille de motivation, dans leur version complète versée au dossier de la procédure, mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'assises a caractérisé les principaux éléments à charge, résultant des débats, qui, pour chacun des faits reprochés aux accusés, l'ont convaincue de leur culpabilité, conformément aux dispositions de l'article 365-1 du Code de procédure pénale. Le moyen, qui manque en fait, ne peut, dès lors, être accueilli.
♦ Détention provisoire
Cass. crim., 20 mai 2025, n° 24-85.348, F-B N° Lexbase : A943709E : la mesure d'isolement judiciaire, prévue à l'article 145-4-1 du Code de procédure pénale, ne relève pas des dispositions de l'article 5 de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales.
Cass. crim., 28 mai 2025, n° 25-82.171, F-B N° Lexbase : B9594ADP : les dispositions de l'avant-dernier alinéa de l'article 706-71 du Code de procédure pénale selon lesquelles l'assistance d'un interprète au cours d'une audition, d'un interrogatoire ou d'une confrontation peut se faire par l'intermédiaire de moyens de télécommunications en cas de nécessité résultant de l'impossibilité pour un interprète de se déplacer ne s'étendent pas au débat contradictoire en vue de la prolongation de la détention provisoire. Cependant, si aucune contestation n'est formulée contre la traduction des propos échangés après relecture par l'interprète, alors le fait que l'assistance a eu lieu par téléphone et que le juge des libertés et de la détention omet de constater dans le procès-verbal l'impossibilité pour l'interprète de se déplacer n'entachent pas de nullité l'ordonnance visant à prolonger la détention provisoire.
♦ Droit de se taire
Cass. crim., 14 mai 2025, n° 24-81.576, F-B N° Lexbase : A972408N : si l'article 406 du Code de procédure pénale, applicable selon l'article 512 du même code devant la chambre des appels correctionnels, prescrit au président d'informer le prévenu comparant de son droit de se taire, après la constatation de son identité et l'indication de l'acte qui saisit la juridiction, l'avant dernier alinéa de l'article préliminaire de ce code prévoit que la notification de ce droit a lieu lors de la première présentation du prévenu devant une juridiction, ce dont il résulte que le renouvellement de cette information n'est pas nécessaire en cas de renvoi de l'affaire à une audience ultérieure.
♦ Extradition
Cass. crim., 6 mai 2025, n° 24-85.773, F-B N° Lexbase : A01520R3 : Il résulte de l'article 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales que l'extradition doit être refusée lorsque la personne concernée démontre qu'elle est exposée à un risque réel de voir prononcer contre elle une peine manifestement disproportionnée dans l'État requérant, cette notion devant faire l'objet d'une interprétation stricte et ne pouvant être retenue que dans des cas très exceptionnels (CEDH, arrêt du 17 janvier 2012, Harkins et Edwards c/ Royaume-Uni, n° 9146/07 et 32650/07). Il appartient à la chambre de l'instruction, saisie d'un grief pris du caractère disproportionné de la peine encourue dans l'État requérant en cas d'extradition, d'apprécier la disproportion alléguée au regard de la nature et de la gravité des faits, des conditions dans lesquelles la juridiction étrangère sera amenée à prononcer l'éventuelle condamnation, le seul fait que la peine encourue dans l'État requérant soit plus sévère que celle qui serait appliquée dans l'État requis n'étant pas opérant (CEDH, arrêt du 29 juin 2023, Bijan Balahan c/ Suède, n° 9839/22). L'avis de la chambre de l'instruction qui respecte cette exigence, par des motifs exempts d'insuffisance comme de contradiction et répondant aux articulations essentielles des mémoires, satisfait aux conditions essentielles de son existence légale, ce qu'il appartient à la Cour de cassation de contrôler en application de l'article 696-15 du Code de procédure pénale. La Cour de cassation ne peut substituer son appréciation à celle des juges.
Cass. crim., 27 mai 2025, n° 25-83.265, F-B N° Lexbase : B6900ACK : les dispositions de l'article 696-41 du Code de procédure pénale qui, en l'absence de convention régissant la question de la réextradition, prescrivent aux autorités judiciaires françaises de seulement solliciter le consentement de l'État ayant accordé l'extradition et non pas de l'obtenir, ne s'appliquent pas dès lors que c'est en vertu d'un mandat d'arrêt européen que la nouvelle remise est sollicitée. Il convient alors de se référer à l'article 21 de la décision-cadre 2002/584/JAI du Conseil de l'UE qui n'oblige l'État membre d'exécution à solliciter ce consentement seulement lorsqu'une convention internationale le prévoit expressément.
♦ Garde à vue
Cass. crim., 6 mai 2025, n° 24-86.191, F-B N° Lexbase : A01540R7 : il résulte des articles 64 et D. 15-5-3 du Code de procédure pénale que l'officier de police judiciaire établit un procès-verbal récapitulatif de fin de garde à vue mentionnant les informations données et les demandes faites en application des articles 63-2 à 63-3-1 du Code de procédure pénale et les suites qui leur ont été réservées, sans qu'il soit nécessaire de dresser un procès-verbal pour chacune des diligences accomplies pour l'exercice de ces droits. Encourt la censure l'arrêt qui a prononcé la nullité de la garde à vue alors qu'il résulte des pièces de la procédure, dont la Cour de cassation a le contrôle, que l'officier de police judiciaire a, dans le procès-verbal récapitulatif de fin de garde à vue, fait état des diligences accomplies à la suite de la demande faite par la personne placée en garde à vue de s'entretenir avec l'avocat qu'elle avait choisi dès le début de la mesure, et des suites qui y avaient été données.
♦ Mandat de dépôt à effet différé
Cass. crim., 27 mai 2025, n° 25-81.970, FS-B N° Lexbase : B6896ACE : le mandat de dépôt à effet différé prévu à l'article 464-2 du Code de procédure pénale n'est pas soumis au même régime que les mandats de dépôt et d'arrêt prévus par l'article 465 du Code de procédure pénale. Dès lors, encourt la censure l'arrêt de la cour d'appel qui fait application du second texte pour ordonner la mainlevée d'un mandat de dépôt à effet différé alors qu'aucun texte ne le prévoit.
♦ Nullité de l’information
Cass. crim., 20 mai 2025, n° 24-85.763, F-B N° Lexbase : A943809G : le demandeur qui soulève devant la chambre de l'instruction un moyen de nullité doit indiquer, dans l'hypothèse où il serait fait droit à cette nullité, précisément chacun des actes dont il sollicite l'annulation par voie de conséquence en application de l'article 174 du Code de procédure pénale.
♦ Partie civile
Cass. crim., 6 mai 2025, n° 24-82.372, F-D N° Lexbase : A70490RI : la cour d'appel a justifié sa décision rejetant l'existence d'une faute civile du prévenu et déboutant les parties civiles de leurs demandes, les juges ayant exactement retenu que les propos incriminés, par leur sens et leur portée, n'imputaient au prévenu et la société visée aucun fait précis portant atteinte à leur honneur ou à leur considération, en ce qu'ils se limitaient à des jugements de valeur d'ordre général et à une critique de la gestion et des actions de cette société.
Cass. crim., 13 mai 2025, n° 24-83.720, F-D N° Lexbase : A445409T : il appartient à la cour d'appel, qui a déclaré les constitutions de parties civiles irrecevables, de rechercher si les éléments produits permettaient de justifier, malgré l'absence de lien avéré de parenté avec le défunt, l'existence d'un préjudice d'affection direct et certain résultant du décès de la victime de l'infraction.
♦ Perquisition
Cass. crim., 6 mai 2025, n° 24-84.089, F-B N° Lexbase : A01530R4 : le réquisitoire aux fins d'informer sur les faits dénoncés par une plainte avec constitution de partie civile est une requête du ministère public au sens de l'article 113-8 du Code pénal. Fait une exacte application de ce texte la chambre de l'instruction qui, après avoir vérifié, par des motifs relevant de son appréciation souveraine, l'existence d'une réciprocité d'incrimination au sens de l'article 113-6 du Code pénal, retient que les poursuites ont été régulièrement engagées contre une personne morale de droit français pour des faits commis à l'étranger, dès lors que le procureur de la République avait saisi le juge d'instruction d'un réquisitoire aux fins d'informer sur les faits dénoncés par la partie civile.
Cass. crim., 6 mai 2025, n° 24-85.007, FS-B N° Lexbase : A01510RZ : lorsque la personne au domicile de laquelle une perquisition a lieu sur commission rogatoire n'a pas la qualité de personne mise en examen au moment de cet acte, il y a lieu d'appliquer les dispositions de l'article 96 du Code de procédure pénale et non celles de l'article 95 du même code. Une telle perquisition est régulière au regard des articles 96 et 57 de ce code pourvu qu'elle soit effectuée en présence d'une personne domiciliée dans les lieux, la présence de la personne mise en cause domiciliée dans ce même lieu n'étant pas exigée même si elle est, à ce moment, placée en garde à vue.
Cass. crim., 6 mai 2025, n° 24-85.864, F-D N° Lexbase : A70900RZ : la chambre de l'instruction a bien justifié son rejet du moyen de nullité de la perquisition effectuée dans le box de garage, ayant eu lieu en présence de deux témoins, les enquêteurs n'ayant pas l'obligation préalable d'être parvenus à identifier le locataire ou l'utilisateur des lieux visés. Les surveillances n'ayant donné aucun résultat, ils se sont trouvés dans l'impossibilité d'effectuer la perquisition en présence de la personne au domicile de laquelle la perquisiton a eu lieu ou d'un représentant de leur choix, sans qu'il ne puisse leur être reproché de s'être livrés à des recherches insuffisantes.
Cass. crim., 20 mai 2025, n° 24-83.237, F-D N° Lexbase : B7692AA7 : le moyen, qui critique la nécessité et la proportionnalité de la décision d'autorisation de perquisition et la régularité des opérations de perquisition au regard des articles 57 et 76 du Code de procédure pénale, est inopérant, la compétence du juge des libertés et de la détention et du président de la chambre de l'instruction statuant sur le fondement de l'article 56-1 du Code de procédure pénale étant limitée à l'examen de la contestation élevée par le bâtonnier portant sur l'atteinte aux droits de la défense qui résulterait de la saisie de documents relevant de l'exercice des droits de la défense et couverts par le secret professionnel de la défense et du conseil.
Cass. crim., 28 mai 2025, n° 24-85.808, F-D N° Lexbase : B0923AEW : la chambre de l'instruction a, sans se contredire, établi que le commissaire-priseur n'était pas intervenu lors des opérations de perquisition et de saisie, son rôle se limitant à assurer la prise en charge et la conservation des oeuvres préalablement saisies par les enquêteurs. D'autre part, la seule signature du procès-verbal de perquisition par la personne requise par l'officier de police judiciaire pour l'assister n'est pas de nature à démontrer qu'elle a pris une part active aux opérations de perquisition et de saisie nécessitant qu'elle prête serment, en application de l'article 60, alinéa 2, du Code de procédure pénale. De plus, dès lors qu'il appartient au demandeur à l'exception de chose jugée de justifier du caractère définitif ou exécutoire de la décision pénale étrangère dont il se prévaut, la chambre de l'instruction, qui n'avait pas à ordonner d'office un supplément d'information aux fins de procéder à cette recherche, a justifié sa décision.
♦ Préjudice moral d’une personne morale de droit privé
Cass. crim., 20 mai 2025, n° 24-81.879, FS-B N° Lexbase : B7401AAD : la Cour de cassation rappelle sa jurisprudence qui interdit à une personne morale de droit public de demander réparation de son préjudice moral s'il se confond avec le trouble social que répare l'exercice de l'action publique. Cependant, cette possibilité est ouverte concernant le préjudice matériel subi sous certaines conditions. Ici, elle étend cette jurisprudence aux URSSAF, organismes de droit privé dôtés de prérogatives publiques.
♦ Preuve
Cass. crim., 6 mai 2025, n° 24-85.675, F-D N° Lexbase : A70460RE : le moyen tenant à l'annulation des actes d'enquête par lesquels un policier a retiré du coffre d'un véhicule en stationnement une arme, des stupéfiants et des téléphones avant de prévenir la gendarmerie et de lui remettre ces objets doit être écarté, le policier ayant agi d'initiative en dehors de ses heures de service et hors de sa circonscription, les textes de procédure pénale s'imposant normalement aux officiers de police judiciaire ne s'appliquant pas ici. Ensuite, en application de l'article 427 du Code de procédure pénale, les moyens de preuve produits par les personnes autres que les agents de l'autorité publique agissant en cette qualité sont recevables quand bien même ils auraient été obtenus de manière illicite ou déloyale, en dehors des prévisions de la loi et au mépris du caractère de lieu privé d'un véhicule. Enfin, de tels moyens de preuve produits par les particuliers ne constituent pas des actes ou pièces de la procédure susceptibles d'annulation.
♦ Service d’accueil unique du justiciable
Cass. crim., 28 mai 2025, n° 24-81.300, F-D N° Lexbase : B0942AEM : il se déduit de ce que le service d'accueil unique du justiciable a accepté de recevoir la déclaration d'appel une apparence de ce que cet acte a été reçu par une personne compétente pour ce faire. De plus, l'absence d'apparence de régularité de l'acte d'appel reçu au service d'accueil unique du justiciable par un adjoint administratif ne peut se déduire de ce qu'il n'y est pas mentionné que cet adjoint n'était pas assermenté, habilité ou faisait fonction de greffier ni de ce qu'il est signé sous une mention « P/ le greffier ». La cour d'appel ne pouvait dons pas dire irrecevables les appels formés et retenir qu'ils ont été déposés devant des adjoints administratifs en fonction au service d'accueil unique du justiciable de la juridiction ayant rendu la décision.
4) Peines
♦ Activités ludiques en prison
CE, 9°-10° ch. réunies, 19 mai 2025, n° 502367 N° Lexbase : B0055AAB : le Conseil d’État s’est prononcé sur l'instruction du 19 février 2025 par laquelle le ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la Justice, a encadré les activités pouvant être proposées aux personnes détenues, en particulier en ce qu'elle prévoit l'interdiction d'organiser toute activité « ludique ou provocante » et a considéré que, s'agissant des activités proposées par l'administration pénitentiaire, si, en sa qualité de chef de service, ce ministre était loisible de fixer les conditions dans lesquelles sont organisées ces activités, il ne pouvait légalement exclure, par principe, que soient organisées des activités au seul motif qu'elles auraient, par ailleurs, un caractère « ludique ».
♦ Conditions de détention
Cass. crim., 21 mai 2025, n° 24-83.958, F-B N° Lexbase : B3027AAD : une personne détenue ne saurait reprocher au juge d'appel, saisi de la question du bien-fondé de sa requête en reconnaissance du caractère indigne de ses conditions de détention, de n'avoir pas pris en considération, en l'absence d'éléments nouveaux, des griefs qui ont fait l'objet de précédentes requêtes, lesquelles ont été rejetées, ni des griefs qui ont été déclarés irrecevables par le premier juge, dans son ordonnance portant sur la recevabilité de la requête, dès lors que cette décision n'a pas fait l'objet d'un appel, et est devenue définitive.
♦ Libération conditionnelle
Cass. crim., 7 mai 2025, n° 24-80.764, FS-B N° Lexbase : A22380RC : les dispositions de l'article 730-2-1 du Code de procédure pénale, issues de la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016, qui prévoient que la libération conditionnelle des personnes condamnées à une peine privative de liberté pour une ou plusieurs infractions à caractère terroriste ne peut être accordée que par le tribunal de l'application des peines quelle que soit la durée de la peine de détention restant à exécuter, qu'après avis consultatif d'une commission chargée de procéder à une évaluation pluridisciplinaire de la dangerosité de la personne condamnée, la juridiction pouvant s'opposer à la libération conditionnelle si celle-ci est susceptible de causer un trouble grave à l'ordre public, n'ont pas pour résultat de rendre plus sévère la peine prononcée. Elles sont en conséquence, applicables aux condamnations relatives à des faits commis avant leur entrée en vigueur.
Cass. crim., 21 mai 2025, n° 24-86.718, FS-B N° Lexbase : B3026AAC : les dispositions dérogatoires de l'article 730-2-1 du Code de procédure pénale concernant les modalités d'octroi d'une libération conditionnelle applicables aux condamnés pour des faits de terrorisme ne concernent que l'évaluation de leur dangerosité. S'agissant de la libération conditionnelle qui ne serait pas assortie d'un placement sous surveillance électronique, des mesures probatoires et de leur durée, les dispositions de droit commun de l'article 730-2, alinéa 2 du Code de procédure pénale doivent s'appliquer aux personnes condamnées à une peine visée par cet article pour des infractions terroristes relevant de l'article 730-2-1 du Code de procédure pénale.
Pour en savoir plus : H. Viana, Libération conditionnelle des condamnés terroristes : quelle base légale pour la période probatoire ?, Lexbase Pénal, juin 2025 N° Lexbase : N2419B3Y. |
♦ Motivation de la peine
Cass. crim., 7 mai 2025, n° 24-83.241, F-D N° Lexbase : A81380RT : en condamnant la prévenue à la peine de quatre années d'emprisonnement dont deux années ont été assorties du sursis simple, sans s'expliquer sur le caractère indispensable de la peine d'emprisonnement ferme prononcée, ni constater que toute autre sanction était manifestement inadéquate, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision.
Cass. crim., 21 mai 2025, n° 24-80.029, F-DN° Lexbase : B2248ABU : pour le condamner à une interdiction professionnelle, l'arrêt attaqué retient, au titre de la personnalité du prévenu, qu'il n'a jamais été condamné. Il ne relève ni n'expose aucun autre élément relatif à sa situation personnelle, matérielle, familiale et sociale, ne motivant pas suffisamment sa décision relative à la peine complémentaire d'interdiction d'exercer l'activité professionnelle ayant permis la commission de l'infraction, profession de surveillant pénitentiaire.
♦ Peine de diffusion de la décision
Cass. crim., 27 mai 2025, n° 24-83.736, FS-B N° Lexbase : B3189ABQ : encourt la cassation, pour avoir méconnu le principe de légalité des délits et des peines, l'arrêt de la cour d'appel qui prévoit une peine complémentaire de diffusion de l'entier dispositif de sa décision dans un journal pour une durée de deux mois alors que l'article 131-35 du Code pénal ne prévoit la fixation d'une durée pour l'exécution de la peine qu'à l'égard de l'affichage de la décision prononcée, la diffusion dans une publication de presse n'étant ainsi par nature qu'unique dans le ou les organes désignés.
♦ Peine d’inéligibilité
Cass. crim., 28 mai 2025, n° 24-83.556, F-B N° Lexbase : B6831ABM : selon la décision du Conseil constitutionnel n° 2025-1129 QPC du 28 mars 2025, lorsque le juge prononce une peine d'inéligibilité avec exécution provisoire, il lui revient, dans sa décision, d'apprécier le caractère proportionné de l'atteinte qu'elle est susceptible de porter à l'exercice d'un mandat en cours et à la préservation de la liberté de l'électeur. Encourt la cassation l'arrêt qui prononce une telle peine sans qu'apparaisse dans la motivation cette appréciation.
Pour en savoir plus : A. Valard, La Cour de cassation confirme la condamnation de l’ex-maire de Toulon mais rebat les cartes sur l’exécution provisoire de l’inégibilité, Le Quotidien, 4 juin 2025 N° Lexbase : N2367B33. |
♦ Réhabilitation de plein droit
Cass. crim., 7 mai 2025, n° 24-82.093, FS-B N° Lexbase : A22260RU : la réhabilitation de plein droit d'une condamnation n'interdit pas à la juridiction de prendre en compte, lors de l'examen de la culpabilité de l'intéressé ou de la peine, cet élément de personnalité figurant régulièrement au dossier de la procédure par sa mention au casier judiciaire.
II. Actualité normative
1) Journal officiel de la République française (JORF)
a. Lois et ordonnances
Loi n° 2025-449, du 23 mai 2025 autorisant l’approbation de l'accord-cadre entre le Gouvernement de la République française et les Nations unies portant sur les arrangements relatifs aux privilèges et immunités ainsi que d'autres questions afférentes aux réunions des Nations unies tenues sur le territoire français N° Lexbase : L7304M9E : cette loi approuve l’accord-cadre conclu le 16 janvier 2025 entre la France et les Nations unies concernant l’organisation de réunions et de conférences internationales sur le sol français. Cet accord-cadre régit entre autres les privilèges et immunités des participants et leurs conditions d'entrée et de circulation, la responsabilité de la France, par exemple en cas de blessures ou de dégâts survenus lors de la Conférence. En outre, elle prévoit l'inviolabilité des locaux et la coopération en matière de sécurité, la France s'engageant à fournir la protection policière et la sécurité nécessaires. S’agissant de la coopération, les autorités françaises se chargeront de la sécurité à l'extérieur, tandis que les Nations unies pourront décider d'assurer la sécurité au sein des locaux de la Conférence, leurs agents étant autorisés à y être armés.
b. Décrets
Décret n° 2025-429, du 15 mai 2025 relatif au renouvellement des commissions consultatives départementales de sécurité et d’accessibilité N° Lexbase : L6437M9B : ce décret a pour objet de renouveler jusqu’au 8 juin 2030 les commissions consultatives départementales de sécurité et d’accessibilité qui sont des organismes compétents pour donner des avis à l’autorité investie des pouvoirs de police.
c. Arrêtés
(Néant)
d. Circulaires
(Néant)
2) Journal officiel de l’Union européenne (JOUE)
(Néant)
3) Direction des affaires criminelles et des grâces
Circ. DACG, (NOR : JUSD2513769C), n°2025-9, du 9 mai 2025, relative à la saisie et la confiscation des véhicules dans le cadre des rodéos urbains N° Lexbase : L6555M9N : dans le but de lutter plus efficacement les rodéos urbains et leur récidive, le ministre de la Justice demande de mobiliser pleinement l’arsenal juridique qui définit et réprime ces infractions, en particulier la confiscation obligatoire du véhicule ayant servi à les commettre prévue à l’article L. 236-3 du Code de la route.
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Réf. : CAA Toulouse, 3ème ch., 10 juin 2025, n° 23TL01454 N° Lexbase : B1236AIM
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par François Camelot, intervenant en droit public des affaires, Panthéon-Assas université et Souraya Creusevault, élève-avocate
Le 20 Juin 2025
Mots clés : marché public de travaux • garantie décennale • garantie biennale • élément d’équipement dissociable • article 1792-7 du Code civil
Par un arrêt du 10 juin 2025, la cour administrative d’appel de Toulouse précise les conditions d’application des garanties biennale et décennale, rappelant les exigences propres à chacune lorsqu’un désordre affecte un élément d’équipement dissociable de l’ouvrage.
I. Rappel des faits et de la procédure
Dans le cadre de la construction de la nouvelle faculté de médecine de Montpellier, la société publique locale Arac, agissant pour le compte de la région Occitanie, a confié à la société Cofely Ineo, désormais Ineo MPLR, la réalisation d’un lot de travaux incluant notamment la fourniture et la pose des équipements audiovisuels.
Après réception des travaux en février 2017, des désordres ont été constatés sur certains des écrans installés par l’entreprise dans les amphithéâtres, conduisant à leur immobilisation pour éviter tout risque de chute.
À la suite d’une expertise judiciaire ordonnée en 2019, la société Arac a saisi le tribunal administratif de Montpellier afin d’obtenir la condamnation de Cofely Ineo sur le fondement, à titre principal, de la garantie décennale, et à titre subsidiaire, de la garantie biennale. Le tribunal a rejeté l’ensemble des demandes de la société requérante, laquelle a interjeté appel devant la Cour administrative d’appel de Toulouse.
Par un arrêt du 10 juin 2025, la cour confirme le rejet de la demande fondée sur la garantie décennale, estimant que les désordres en cause ne sont pas de nature à rendre l’ouvrage impropre à sa destination. Elle accueille toutefois la demande fondée sur la garantie biennale, en écartant l’application de l’article 1792-7 du Code civil N° Lexbase : L6351G94 qui exclut des garanties des constructeurs les équipements à usage professionnel.
Par cette décision, la cour rappelle d’une part les conditions classiques de mise en œuvre des garanties des constructeurs, tout en apportant d’utiles précisions pour les hypothèses où les désordres portent sur des éléments d’équipement dissociables de l’ouvrage.
II. Des éléments d’équipement a priori exclus du champ des garanties légales
En vertu des principes, dont s’inspire l’article 1792 du Code civil, sont couverts au titre de la garantie décennale, d'une part, les dommages compromettant la solidité de l’ouvrage, et d'autre part, ceux le rendant impropre à sa destination [1], dès lors que ces vices n’aient pas été décelés au moment de la réception de l’ouvrage. Peu importe en cela que le dommage concerne un élément d’équipement dissociable ou non de l’ouvrage, tant que le dysfonctionnement prive ce dernier de sa destination. Le Conseil d’État [2], tout comme la Cour de cassation [3], a ainsi pu admettre que des dysfonctionnements affectant des éléments d’équipement étaient susceptibles de rendre l’ouvrage impropre à sa destination et dès lors relever de la garantie décennale.
La cour considère ici en toute logique que les dysfonctionnements affectant les écrans des amphithéâtres, quelle que soit leur ampleur, ne font pas obstacle à la tenue des cours et ne peuvent dès lors relever de la garantie décennale. S’agissant de la preuve du dommage, la Cour estime que le risque de généralisation, pourtant relevé par l’expert judiciaire, ne suffit pas à caractériser un désordre avéré. Faute d’éléments concrets relatifs à l’extension des désordres, et en l’absence d’atteinte à la destination de l’ouvrage, elle rejette les demandes principales de la société Arac fondées sur la garantie décennale.
Par ailleurs, l’exception posée par l’article 1792-7 du Code civil aurait aussi pu conduire le juge à écarter les éléments d’équipement du champ des garanties constructeurs. Aux termes de cet article, sont exclus des garanties biennales et décennales « les éléments d'équipement, y compris leurs accessoires, dont la fonction exclusive est de permettre l'exercice d'une activité professionnelle dans l'ouvrage ».
C’est sur ce fondement que le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande fondée sur la garantie biennale : les écrans installés dans les amphithéâtres ont été regardés comme exclusivement destinés à l’activité d’enseignement, et donc qualifiés d’équipements professionnels exclus du champ des garanties légales en vertu du Code civil.
Ce raisonnement trouve un écho dans la jurisprudence judiciaire. Dans un arrêt récent, la Cour de cassation a jugé que tout équipement purement fonctionnel, qu’il soit dissociable ou non, installé à l’occasion de travaux constitutifs d’un ouvrage, est ainsi exclu du bénéfice des garanties dès lors que sa finalité est exclusivement professionnelle [4].
Le raisonnement suivi en première instance, dans l’affaire commentée, s’inscrit dans cette même logique : un équipement purement professionnel, sans fonction constructive ou utilitaire à l’échelle de l’ouvrage, demeure en dehors du champ des garanties légales.
III. Une jurisprudence administrative en faveur d’une protection renforcée du maître d’ouvrage
À l’inverse de la juridiction de première instance, la Cour écarte expressément l’application des principes de l’article 1792-7 du Code civil, pour retenir la garantie biennale à l’égard des équipements audiovisuels. Elle juge que ces équipements, bien qu’ayant une finalité professionnelle, ne sauraient être exclus du champ des garanties légales dès lors que le désordre, non apparent à la réception, était objectivement constaté et survenu dans le délai légal de deux ans.
Par cette solution, le juge administratif réaffirme son autonomie dans l’interprétation des garanties applicables aux marchés publics de travaux [5]. Elle s’inscrit dans le prolongement d’un arrêt « Société Rousseau » [6], par lequel le Conseil d’État a refusé d’appliquer l’article 1792-7 à un équipement professionnel installé dans le cadre d’un marché public. Dans ses conclusions, le rapporteur public M. Pichon de Vendeuil relevait l’inadéquation d’une application trop stricte des règles du Code civil aux marchés publics de travaux, dans la mesure où les équipements à visée professionnelle sont omniprésents et participent souvent à l’usage même de l’ouvrage.
Pour autant, la cour encadre l’application de la garantie biennale, en ne retenant son application qu’au seul désordre avéré, et constaté dans le délai légal. Les demandes relatives aux autres équipements, ainsi que les prétentions indemnitaires fondées sur des préjudices immatériels ou des frais accessoires, sont rejetées, faute de justificatifs suffisants.
Dès lors, la position de la Cour traduit une volonté de ne pas restreindre de manière excessive le champ des garanties offertes au maître d’ouvrage public. L’application mécanique de l’article 1792-7, tel qu’interprété par certaines juridictions judiciaires, reviendrait à exclure nombre d’équipements pourtant essentiels au fonctionnement des ouvrages, au seul motif de leur finalité professionnelle. Une telle lecture conduirait à priver les maîtres d’ouvrage publics de toute protection en cas de désordres affectant des installations techniques devenues centrales dans l’usage des ouvrages.
S’il en résulte une application différenciée des garanties entre le juge judiciaire et le juge administratif, et que ce dernier se révèle être quelque peu sélectif dans son application des principes issus du Code civil, cette solution présente un intérêt certain : elle renforce la protection du maître d’ouvrage public sans pour autant méconnaître les exigences du régime légal. Néanmoins, il convient de rappeler que les garanties légales des constructeurs ne revêtent pas, en droit public, un caractère d’ordre public [7].
Ainsi, les parties à un marché public de travaux peuvent convenir de l’application intégrale du régime civil, y compris de l’article 1792-7. Une telle clause relève de la liberté contractuelle, mais suppose que le maître d’ouvrage mesure les implications d’une telle renonciation, notamment la perte du cadre protecteur propre à la jurisprudence administrative.
[1] CE, 2 février 1973, n° 82706 N° Lexbase : A1796AQL.
[2] CE, 8 décembre 1999, n° 138651 N° Lexbase : A4291AX9.
[3] Cass. civ. 3, 15 juin 2017, n° 16-19.640 N° Lexbase : A6831WHH.
[4] Cass. civ. 3, 6 mars 2025, n° 23-20.018 N° Lexbase : A441863Z.
[5] CE, 15 avril 2015, n° 376229 N° Lexbase : A9536NGB.
[6] CE, 5 juin 2023, n° 461341 N° Lexbase : A71949Y4.
[7] CE, 15 avril 2015, n° 376229, préc.
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Réf. : Cass. civ 3., 7 mai 2025, n° 23-15.142, FS-B N° Lexbase : A22310R3
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N2537B3D
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par Christine Lebel, Maître de conférences HDR, Université Marie et Louis Pasteur
Le 26 Juin 2025
Mots-clés : bail rural • droit de reprise • contrôle • fondement du contrôle • congé
Lorsque le bailleur a délivré, en application de l'article L. 411-58, alinéa 3, du Code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction antérieure au 31 décembre 2022 N° Lexbase : L5403MG9, un nouveau congé pour reprendre le bien loué à la fin de la période de prorogation dont a bénéficié le preneur, le contrôle a posteriori de la reprise ne peut, lorsque le congé initial a été contesté par le preneur dans le cadre du contrôle a priori, se fonder sur un motif déjà invoqué par ce preneur, sauf en cas d'éléments nouveaux, qui étaient inconnus du preneur lors du contrôle a priori ou qu'il ne pouvait alors utilement opposer.
L'interdiction de toute cession du bail posée par l'article L. 411-58, alinéas 2 et 3, du Code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction antérieure au 31 décembre 2022, étant limitée à la période de prorogation du bail, un preneur qui a bénéficié d'une telle prorogation peut, après l'expiration de celle-ci, se prévaloir des dispositions de l'article L. 411-66, alinéa 1er, du même code N° Lexbase : L5739IMI pour demander sa réintégration avec cession du bail dans les conditions de l'article L. 411-35 de ce code N° Lexbase : L4458I4U.
Un bailleur a consenti un bail rural à compter du 1er novembre 1996 à un couple d’exploitants agricoles. Le propriétaire est décédé le 17 juin 2007 laissant pour lui succéder son épouse, usufruitière des parcelles louées. Celle-ci a fait délivrer un congé aux fins de reprise au bénéfice de son fils, agriculteur et gérant d’une SCEA, à effet au 31 octobre 2014. Les preneurs ont saisi le tribunal paritaire des baux ruraux en contestation du congé et demande de prorogation du bail pour âge, ainsi que de manière additionnelle l’autorisation de céder ce bail à leur fils.
Réformant le jugement critiqué, la Cour d'appel d'Orléans, par arrêt rendu le 30 mars 2015 a reconnu que le fils de l’usufruitière remplissait les conditions requises pour bénéficier de la reprise, débouté les preneurs de leur demande de nullité du congé délivré le 13 décembre 2012 et ordonné la prorogation du bail jusqu'au 31 octobre 2016 au profit de ces derniers, mais elle les a déboutés de leur demande d'autorisation de céder le bail à leur fils. La cour d’appel a également précisé que la bailleresse devrait faire délivrer un nouveau congé aux preneurs pour la fin de la période de prorogation de bail.
Puis, un nouveau congé a été délivré le 22 avril 2015 à effet au 31 octobre 2016, date d’expiration de la période de prorogation. Les preneurs ont quitté les parcelles louées à compter de cette date. Le 25 mars 2019, les anciens preneurs et leur fils ont saisi le tribunal paritaire des baux ruraux en réintégration, autorisation de cession du bail et indemnisation. Le 14 janvier 2020, la bailleresse est décédée laissant son héritière, désormais propriétaire des parcelles litigieuses, intervenir volontairement à l'instance.
Après le départ des preneurs, le bénéficiaire de la reprise a fait exploiter les terres louées pas son épouse, en raison des contraintes liées au contrôle des structures. En effet, le schéma directeur régional des exploitations agricoles (SDREA) pour la région Centre Val de Loire est intervenu le 27 juin 2016 et a fixé à 110 ha le seuil de surface portant déclenchement du contrôle de structure, seuil visé à la 4e condition de l'article L. 331-2, II, du Code rural et de la pêche maritime N° Lexbase : L4559I4M, en deçà duquel la reprise qui constituerait une consolidation d'exploitation reste soumise au régime de la déclaration préalable. Ne pouvant remplir la 4ème condition, leur exploitation au travers d’une SCEA portant déjà sur plus de 174 ha, le bénéficiaire de la reprise a consenti un bail à lui-même et à son épouse, avec autorisation de mise à disposition à cette dernière, configuration permettant de conserver le bénéfice du régime de déclaration préalable, dès lors que l'installation ne portait que sur les parcelles reprises, soit un peu plus de 60 ha.
Par jugement du 16 novembre 2021, le tribunal paritaire des baux ruraux a rejeté les demandes des preneurs et de leur fils. Par arrêt du 27 février 2023, la Cour d’appel d’Orléans [1] a débouté les preneurs de l'intégralité de leurs demandes dit que le fils de la bailleresse a manqué à son obligation d'exploiter personnellement les parcelles reprises et que le fils des anciens preneurs remplit les conditions requises pour bénéficier de la cession du bail. Elle a ordonné en conséquence la réintégration des preneurs dans l'exploitation des parcelles litigieuses à compter du 1er novembre 2016, avec cession de leurs droits à leur fils sur les parcelles.
Le bénéficiaire du droit de reprise et son épouse qui exploitait les terres, ont formé un pourvoi. Trois points ont été examiné par la Cour de cassation.
Motifs de contestation d’un congé pour reprise dans le cadre d’un contrôle a posteriori
À la suite de la première branche du premier moyen, la question posée était de savoir si le congé délivré pour le terme de la prorogation du bail pour âge en application de l’article L. 411-58, alinéa 2 du Code rural et de la pêche maritime N° Lexbase : L5403MG9 peut être qualifié de « renouvellement du précédent congé » ou s’agit-il d’un congé distinct pouvant être contesté devant le tribunal paritaire ? En outre, lorsque le bailleur a délivré, en application de l’article L. 411-58, alinéa 3, du même code, un nouveau congé pour reprendre le bien loué à la fin de la période de prorogation dont a bénéficié le preneur, le contrôle a posteriori de la reprise peut-il, lorsque le congé initial a été contesté par le preneur dans le cadre du contrôle a priori, se fonder sur un motif déjà invoqué par ce preneur lors de ce contrôle ? Dans la négative, cette règle s’applique-t-elle même en cas d’éléments nouveaux, inconnus du preneur lors du contrôle a priori, qui sont venus modifier la situation antérieurement reconnue en justice ?
Tout d’abord, la Cour de cassation rappelle qu’en application de l’article L. 411-66, alinéa 1er du Code rural et de la pêche maritime, au cas où il serait établi que le bénéficiaire de la reprise ne remplit pas les conditions prévues aux articles L. 411-58 à L. 411-63 et L. 411-67 N° Lexbase : L4029AEX du code précité, le preneur a droit soit au maintien dans les lieux si la décision validant le congé n'a pas encore été exécutée, soit à la réintégration dans le fonds ou à la reprise en jouissance des parcelles avec ou sans dommages-intérêts, soit à des dommages-intérêts. Toutefois, à défaut d'avoir contesté le congé devant le tribunal paritaire des baux ruraux dans le délai de quatre mois à compter de sa réception, le preneur est forclos à contester cet acte et il ne peut, dans le cadre d'un contrôle a posteriori prévu par ce texte, se prévaloir de l'inobservation, dont il avait eu, à l'époque, connaissance, des obligations du bénéficiaire de la reprise édictées par l'article L. 411-59 [2]. Il en est de même pour les motifs dont il avait déjà connaissance à la date de la délivrance du congé [3].
En effet, la contestation induisant un contrôle a posteriori ne constitue pas une seconde chance de contestation, une session de rattrapage comme on pourrait dire en cette période d’examens universitaires, pour le preneur qui aurait négligé ou mal exercé son recours contre le congé pour reprise délivré par le bailleur. Pour cette raison, il ne peut invoquer des motifs déjà invoqués dans le cadre du contrôle a priori [4].
À l’opposé, dans le cadre du contrôle a posteriori, le preneur peut invoquer tout fait qui lui était inconnu depuis dans les 4 mois de la délivrance du congé et aurait pu avoir pour effet de paralyser le congé pour reprise [5]. En l’espèce, le second congé n’avait pas été contesté dans le cadre d’un contrôle a priori. Cependant le bénéficiaire de la reprise avait manqué à son obligation d’exploiter personnellement les parcelles reprises en concluant un bail au profit de son épouse. Or, la conclusion du bail n’était pas connue des preneurs n’était pas connue dans les 4 mois du congé du 22 avril 2015. Pour cette raison, la Cour de cassation a jugé que la cour d’appel en avait exactement déduit qu’elle pouvait vérifier, lors du contrôle a posteriori, si le bénéficiaire remplissait les conditions requises pour la reprise des biens loués.
Les effets de l’adoption d’un nouveau SDREA après la date d’effet du congé pour reprise
En l’espèce, la modification du SDREA est intervenue en application de la loi n° 2014-1170 « LAAAF », du 13 octobre 2014 N° Lexbase : L6495MSD qui a modifié l’article L. 331-2, II du Code rural et de la pêche maritime N° Lexbase : L4559I4M, en prévoyant que, pour bénéficier du régime de la déclaration, les biens mis en valeur doivent être destinés à l'installation d'un nouvel agriculteur ou à la consolidation de l'exploitation du déclarant, dès lors que la surface totale de celle-ci après consolidation n'excédait pas le seuil de surface fixé par le schéma directeur régional des exploitations agricoles.
Or, la cour d’appel avait constaté que le seuil de surface visé par ce texte dans sa nouvelle rédaction avait été fixé le 27 juin 2016. Par ce motif, elle a retenu que dès la fin du mois de juin 2016, le bénéficiaire de la reprise savait qu'il ne remplissait pas la condition pour bénéficier du régime de la déclaration relative au seuil de surface, et qu'ayant donné congé aux preneurs pour le 31 octobre 2016, il disposait d'un délai de quatre mois pour déposer une demande d'autorisation d'exploiter. En cas de refus d'autorisation, il lui était possible de renoncer à la reprise. Pour cette raison, la Cour de cassation rejette ce moyen en considérant que la cour d’appel en a exactement déduit que la détermination du seuil de surface de déclenchement du contrôle des structures ne pouvait constituer un événement imprévisible et irrésistible caractérisant un cas de force majeure exonérant le bénéficiaire de la reprise de son obligation d'exploiter personnellement les parcelles reprises.
Ainsi, à défaut d’être imprévisible et irrésistible, la modification du SDREA, qui est un acte administratif, ne peut être qualifiée de force majeure [6], le bénéficiaire de la reprise en ayant pleinement connaissance avant la mise en œuvre de son droit de reprise judiciairement autorisé.
La contestation dans le cadre d’un contrôle a posteriori est-elle possible après un contrôle a priori ?
Pour répondre à cette question, la Cour de cassation juge, au visa des articles L. 411-58, alinéas 1er à 3, du Code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction antérieure au 31 décembre 2022, et de l'article L. 411-66, alinéa 1er, du même code que l'interdiction de toute cession du bail posée par l'article L. 411-58 précité étant limitée à la période de prorogation du bail, un preneur qui a bénéficié d'une telle prorogation peut, après l'expiration de celle-ci, se prévaloir des dispositions de l'article L. 411-66 précité pour demander sa réintégration avec cession du bail dans les conditions de l'article L. 411-35 du Code rural et de la pêche maritime. Ainsi, le bénéficiaire de la reprise ne peut prétendre le contraire comme il l’invoquait dans son pourvoi.
Ainsi, lorsque le preneur âgé a demandé le bénéfice de la prorogation de son bail, il ne peut, à son issue, solliciter la possibilité de le céder. Par l’arrêt du 7 mai 2025, la Cour de cassation décide que cette interdiction de céder est limitée à la période de prorogation. Par conséquent, à l’issue de celle-ci et dès lors qu’elle a expiré, le preneur peut se prévaloir des dispositions de L. 411-66, alinéa 1er précité, et demander sa réintégration avec possibilité de cession du bail dans le cadre d’un contrôle a posteriori.
L’apport de l’arrêt du 7 mai 2025 porte sur ce point, la doctrine ruraliste étant jusqu’alors divisée sur cette question.
Pour aller plus loin : cf. Étude : Droit de reprise du bailleur pour exploiter : spéc. Contrôle judiciaire des conditions de la reprise pour exploiter in Droit rural (dir. Ch. Lebel) N° Lexbase : E9168E9G et N° Lexbase : E9169E9H |
[1] CA Orléans, 30 mars 2015, n° 22/00558 N° Lexbase : A94509G4.
[2] Cass. civ 3., 1er février 1995, n° 92-20.843 N° Lexbase : A7387AB9, Bull. n° 32.
[3] Cass. civ 3., 23 septembre 2021, n° 20-13.987 N° Lexbase : A444847U.
[4] Cass. civ 3., 15 janvier 1992, n° 89-20.493 N° Lexbase : A4820AHY, Bull. 1992, III, n° 19.
[5] Cass. civ 3., 23 janvier 2020, n° 18-22.159 N° Lexbase : A60583CD ; Rev. loyers mars 2020, p. 138 note B. Peignot ; Ann. Loyers mars 2020, p. 93 obs. D. Krajeski; RD rur. avril 2020, comm. 64, obs. S. Crevel.
[6] Cass. civ 3., 15 novembre 2005, n° 04-17.213 N° Lexbase : A5622DLS ; Cass. civ 3., 9 juillet 2013, n° 12-17.012 N° Lexbase : A8598KIB ; RD rur. mars 2007, comm; 206, obs. F. Barthe.
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Réf. : Cass. soc., 18 juin 2025, n° 23-10.857, FS-B N° Lexbase : B5212AKA
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N2545B3N
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par Charlotte Moronval, Rédactrice en chef
Le 26 Juin 2025
► Un accord collectif peut réserver au seul au comité social et économique central (CSEC) le droit à expertise portant sur la politique sociale, les conditions de travail et l'emploi, quand bien même l'accord collectif prévoit que la consultation sur certains thèmes de la politique sociale, des conditions de travail et de l'emploi est menée au niveau des comités sociaux et économiques d'établissement (CSEE).
En l’espèce, un accord collectif sur le dialogue social, conclu dans une UES, prévoit que les CSEE sont consultés sur la politique sociale, tout en excluant leur droit de recours à un expert, lors de cette information/consultation.
Un syndicat conteste cette disposition.
La Cour de cassation rejette le pourvoi, considérant qu’un accord collectif peut définir les niveaux auxquels les consultations sont conduites et, le cas échéant, leur articulation.
Ainsi, la seule participation des CSEE à certaines consultations ne leur ouvre pas automatiquement droit de recourir à un expert en matière de politique sociale. Un accord collectif peut réserver cette prérogative au CSEC.
Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : Les attributions du comité social et économique dans les entreprises d’au moins 50 salariés, Les attributions spécifiques du comité social et économique d'établissement, in Droit du travail N° Lexbase : E1990GAX. |
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par Aurélie Surteauville, Avocate of Counsel et Martin Antunes, élève-avocat, cabinet Parme Avocats
Le 26 Juin 2025
Mots clés : ZAN • TRACE • artificialisation des sols • PLU • SCOT • SRADDET • SDRIF • urbanisme • environnement
La mise en œuvre de l’objectif zéro artificialisation nette (ZAN) fait face à plusieurs défis. En 2025, la proposition de loi « Trace » et le projet de loi de simplification de la vie économique cherchent à assouplir considérablement cet objectif au risque de réduire son efficacité.
ZAN, ZFE, DPE, autant de dispositifs acronymiques issus ou renforcés par la loi « Climat et résilience » [1] du 22 août 2021 qui sont aujourd’hui amenés à être modérés voire supprimés par le législateur moins de cinq ans après leur adoption.
En cette année 2025, la proposition de loi « Trace » adoptée en première lecture au Sénat le 18 mars dernier et le projet de loi de simplification de la vie économique adopté le 17 juin au Palais Bourbon, visent à rationnaliser l’objectif ZAN pour améliorer son acceptabilité auprès des élus locaux au risque d’en diminuer son efficacité.
Il convient donc de revenir sur la mise en œuvre de ce dispositif et sur son évolution annoncée face à un Zeitenwende français qui modifie les priorités nationales au détriment des mesures de protection de l’environnement ambitieuses votées en 2021.
Introduit aux articles 191 et suivants de la loi « Climat et résilience », l’objectif ZAN vise à lutter contre l’artificialisation des sols en fixant deux objectifs : i) un objectif intermédiaire de réduction de 50 % de la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers (Enaf) en 2031 par rapport à la période de référence 2011-2021, et ii) un objectif final d’absence d’artificialisation nette des sols en 2050.
Face aux impératifs de préservation de la biodiversité, de protection des terres agricoles et de limitation des inondations et de l’étalement urbain, l’objectif de lutte contre l’artificialisation des sols érigé en principe général du droit de l’urbanisme [2] et consacré par la ZAN, vise à maîtriser une consommation effrénée des Enaf par une bétonisation excessive. L’artificialisation étant la première cause de disparition de la biodiversité et de perte de terres agricoles, les politiques publiques se sont engagées depuis les années 2010 à freiner ce phénomène.
En 2011, la feuille de route de la Commission européenne a inscrit le « No Net Land Take » comme objectif non contraignant à atteindre en 2050 [3]. Si nos voisins européens ont prévu, comme l’Italie dès 2012, des objectifs nationaux de diminution de l’artificialisation, la France fait figure d’exception en Europe en étant le seul État ayant adopté un objectif national juridiquement contraignant. L’introduction de l’objectif ZAN traduisait donc une politique ambitieuse et volontariste, alors que le taux d’artificialisation des sols français se situe nettement au-dessus de la moyenne européenne (5,6 % des sols artificialisés contre une moyenne de 4,2 % au sein de l’UE en 2018 [4]).
Pour mettre en œuvre cette stratégie nationale de sobriété foncière, les documents de planification régionaux et les documents d’urbanisme sont appelés à intégrer et fixer des objectifs chiffrés en termes de consommation foncière sur leurs territoires, selon un calendrier de déploiement progressif.
I. Un déploiement progressif du ZAN
A. La mise en place d’un dispositif jugé parfois trop complexe techniquement
Alors que l’intégration de ces objectifs dans les schémas de planification régionaux (SRADDET, SDRIF, PADDUC, SAR), obligatoire avant le 22 novembre 2024, a majoritairement été tenue [5], le deuxième volet d’intégration de ces objectifs se déploie dans les documents d’urbanisme. Les communes et les intercommunalités doivent désormais mettre en comptabilité ces documents avant 2027 pour les schémas de cohérence territoriale (SCoT) et 2028 pour les plans locaux d’urbanisme (PLU) et les cartes communales [6].
La mise en œuvre du dispositif repose sur l’attribution à chaque autorité d’urbanisme d’une « enveloppe ZAN », les régions fixant aux communes ou intercommunalités une consommation foncière à respecter pour atteindre dans un premier temps l’objectif intermédiaire de 2031.
Cet objectif centralise une partie des contestations des élus locaux du projet jugé trop contraignant pour le développement local [7]. En outre, il existe une disparité entre les différents acteurs, puisque si l’objectif de réduction de 50 % de 2031 est applicable à toutes les régions métropolitaines, l’Ile-de-France et la Corse [8] en sont exemptées et fixent librement leurs trajectoires. Or, le nouveau schéma francilien (SDRIF-E), approuvé le 10 juin 2025 [9], fixe un objectif de réduction de 23 % de consommation d’Enaf pour la période 2021-2031, soit plus de moitié moins que les autres régions.
De ce fait, les collectivités franciliennes bénéficient d’enveloppes foncières parfois confortables pouvant dépasser leurs besoins fonciers, alors que d’autres collectivités et intercommunalités plus importantes sont fortement imputées, comme la métropole de Caen avec un objectif de réduction de 54 % de consommation d’Enaf sur la même période.
Outre l’objectif de 2031, le dispositif ZAN est critiqué par une partie des élus locaux qui pointe une réglementation essentiellement arithmétique pensée top-down, une nomenclature de l’artificialisation méconnue et complexe, l’absence de moyens financiers et techniques alloués aux collectivités pour sa mise en œuvre, et une déconnexion entre le dispositif et les évolutions en besoin de foncier, chaque commune se voyant attribuer une enveloppe foncière stricte, avec peu de dérogations permises.
B. La traduction du dispositif ZAN pour les communes et les porteurs de projets
Si autant de critiques surgissent de la part des acteurs du foncier, c’est que les conséquences du dispositif sont importantes.
Á titre liminaire, le non-respect des délais d’intégration de l’objectif ZAN dans les documents d’urbanisme expose les communes et intercommunalités à des sanctions sévères qui impacteront leur développement, allant de la suspension de création de zones à urbaniser (ZAU) ou des secteurs constructibles pour les SCoTs, jusqu’à l’impossibilité de délivrer des autorisations d’urbanisme dans ces zones pour les PLU(i)s et cartes communales [10]. Des sanctions sévères, puisqu’elles sont d’application directe, peu importe que les documents d’urbanisme soient en cours d’évolution.
La traduction de cet objectif dans les différents plans et documents locaux est techniquement compliquée pour les autorités d’urbanisme. En effet, elles doivent instaurer diverses dispositions dans leurs documents d’urbanisme leur permettant de respecter leurs enveloppes ZAN. Cela passera nécessairement par la réduction des zones à urbaniser et la restriction des constructions sur l’ensemble de leur territoire. En outre, il est probable que d’autres dispositions soient mises en place ou renforcées comme les surfaces minimales non imperméabilisées. En somme, cette traduction contraint les autorités d’urbanisme à davantage d’arbitrages dans leurs projets d’aménagement.
Concernant les porteurs de projet, si l’objectif ZAN n’impacte pas encore les projets d’aménagement eu égard au calendrier, il convient d’anticiper la mise en œuvre de ce principe. Aujourd’hui, les autorités d’urbanisme ayant enclenché des procédures d’évolution de leurs documents pour y intégrer l’objectif ZAN peuvent surseoir à statuer sur des projets qui par leur ampleur présentent un risque d’incompatibilité avec cet objectif, même si ce mécanisme reste très peu utilisé en pratique.
Surtout, l’intégration actuelle de l’objectif ZAN dans ces documents doit encourager les porteurs de projets avec une emprise importante à participer à leur évolution, tant il est important pour les collectivités de définir leurs besoins fonciers pour les années à venir. À défaut, ils risquent de devoir incorporer les délais liés à l’évolution a posteriori de ces documents au déploiement de leurs projets, indispensable à l’obtention d’une autorisation d’urbanisme.
Il est donc recommandé pour les porteurs de projet de i) se rapprocher des acteurs publics en charge de la mise en œuvre de ce principe, bien en amont afin de permettre la prise en compte du projet dans les différents arbitrages qui seront nécessaires, ii) favoriser les friches et les dents creuses, et iii) anticiper cette problématique d’une manière globale.
II. Un ZAN à trois temps
Après sa création par la loi « Climat et résilience » de 2021 et un premier assouplissement de l’objectif par la loi ZAN [11] en 2023, l’avènement d’un acte III de la ZAN est annoncé. Une évolution visant à répondre aux inquiétudes des élus locaux et à renflouer les enveloppes ZAN, notamment l’enveloppe de l’État (un forfait national de 12 500 ha), presque entièrement déjà consommée.
Elle vise un allégement de l’objectif de lutte contre l’artificialisation des sols comprenant la fin de l’objectif intermédiaire de 2031 pour faire place désormais à des « trajectoires tendancielles ».
A. Un réalignement européen et une rationalisation de l’objectif ZAN
La proposition de loi visant à instaurer une « trajectoire de réduction de l’artificialisation concertée avec les élus locaux » (Trace), adoptée en première lecture au Sénat le 18 mars 2025, constitue le texte procédant à une refonte du dispositif, en revoyant largement à la baisse les ambitions de l’objectif ZAN [12].
La mesure phare de cette proposition de loi est la suppression de l’objectif intermédiaire de réduction de 50 % en 2031, remplacé par des « trajectoires tendancielles » avec une nouvelle période 2024-2034 pour un premier objectif intermédiaire fixé librement par les régions par rapport à une nouvelle période de référence 2014-2024.
La suppression de cet objectif contraignant marque en partie la fin de l’exception française en Europe, procédant à un réalignement de la ZAN tricolore sur les dispositifs allemands et italiens.
L’exception actuelle prévue pour les autres schémas régionaux (SDRIF, PADDUC, SAR) est donc appelée à devenir la règle, permettant aux collectivités de retrouver une plus grande marge de manœuvre dans la mise en place du dispositif en cohérence avec les évolutions locales. Cela permet surtout d’égaliser les règles du jeu entre les régions.
Cependant, cette mesure entraînera sans doute une baisse générale des objectifs ZAN. En effet, le seul de ces schémas adoptés, le schéma francilien, fixe un objectif de réduction de 23 % de consommation d’Enaf, soit un objectif plus que divisé par deux.
Cela étant, la proposition de loi « Trace » propose également plusieurs mesures de rationalisation et de simplification du dispositif ZAN qui le ferait gagner en lisibilité et en cohérence.
Dans les détails, le Sénat propose une simplification des règles de calculs des sols artificialisés et renaturés, calées désormais sur les notions d’espaces urbanisés et d’espaces naturels, agricoles et forestiers, et non plus au niveau infra-parcellaire qui était particulièrement complexe [13]. Ce réalignement du dispositif sur des notions intrinsèques au droit de l’urbanisme réglementaires et connues des élus locaux devrait aussi permettre de favoriser la densification des espaces urbains et une meilleure compréhension du principe par les différents acteurs.
Dans ce sens, la proposition de loi prévoit que l’artificialisation au sein des enveloppes urbaines ou dans des dents creuses soit exclue du calcul de consommation foncière. En plus, les enveloppes ZAN pourront également être abondées d’un demi-hectare en cas de requalification de friches.
De surcroît, il propose de décaler le calendrier d’intégration de l’objectif ZAN jugé trop court, dans les schémas de planification jusqu’en 2027 et 2028 et dans les documents d’urbanisme jusqu’en 2028 pour les SCoTs et 2029 pour les autres documents. Sur le principe, cela semble justifié, surtout face à l’ampleur de la refonte du dispositif et aux évolutions attendues des documents de planification et d’urbanisme déjà adoptés.
B. Une baisse d’ambition marquée de l’objectif ZAN
Toutefois, la proposition de loi « Trace » s’inscrit surtout dans un contexte de détricotage général des mesures phares prises en matière de protection de l’environnement, les atteintes contre des acquis environnementaux se multipliant et s’accélérant depuis le mois d’octobre 2024.
Dans cette lignée, le Sénat crée un nombre très important d’exceptions échappant ou permettant de dépasser les enveloppes ZAN. Un sac de nœuds qui prévoit notamment tout un florilège de projets exemptés du décompte des enveloppes ZAN jusqu’en 2036, comprenant les usines, les installations d’énergies renouvelables, les ouvrages relatifs à l’eau et à l’assainissement, et les logements sociaux prévus par la loi « SRU » [14].
Cette initiative législative prévoit aussi la création d’un droit de dépassement de 20 % pour les communes de leurs enveloppes ZAN sans justification, voire au-delà avec l’accord du préfet du département.
Plus récemment à l’Assemblée nationale, l’article 15 du projet de loi de simplification de la vie économique, adopté le 17 juin 2025, vise également à autoriser les communes à dépasser de 30 % leurs enveloppes ZAN sans justification, voire au-delà avec l’accord du préfet du département [15]. Il introduit aussi d’autres exceptions avec plusieurs projets qui pourront pendant une durée de cinq ans être exemptés du décompte des enveloppes ZAN.
Enfin, il faut souligner le risque d’instabilité juridique qu’auront ces projets de loi pour les collectivités et intercommunalités ayant déjà fait évoluer leurs documents d’urbanisme dans le cadre actuel, celles-ci devant réengager des procédures d’évolution, avec les coûts et délais associés.
Ces dispositions doivent encore être validées en commission mixte paritaire. Quant à la proposition de loi « Trace », elle sera examinée en septembre devant l’Assemblée nationale. Sauf surprise, les élus locaux peuvent donc s’attendre à des enveloppes ZAN plus généreuses pour les fêtes de fin d’année.
L’acte III de la ZAN est donc annoncé avec une refonte et un assouplissement de l’objectif imposés par un basculement des priorités nationales où la lutte contre l’artificialisation des sols passe en second plan face à une pénurie du foncier (réindustrialisation, crise du logement, etc.) et un contexte budgétaire dégradé. Il en ressort une baisse de l’ambition française de lutte contre l’artificialisation des sols laissant place à un réalignement avec les divers dispositifs ZAN européens.
[1] Loi n° 2021-1104 du 22 août 2021, portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets N° Lexbase : L6529MSM.
[2] C. urb., art. L. 101-2, 6° bis N° Lexbase : L7042MKZ.
[3] Commission européenne, Feuille de route pour une Europe efficace dans l'utilisation des ressources, COM (2011) 571, 20 septembre 2011, p.19.
[4] Eurostat, Enquête européenne sur l'utilisation/occupation des sols (LUCAS), 2018.
[5] Excepté notamment pour les SRADDET des Pays de la Loire et de l’Auvergne-Rhône-Alpes.
[6] Article 194, IV, 6° à 8° de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021.
[7] AMF, Enquête nationale « Mise en œuvre du Zéro artificialisation nette », juillet 2024.
[8] C. urb., art. L. 123-1 N° Lexbase : L6777L77 et CGCT, art. L. 4424-9 N° Lexbase : L5211M9U.
[9] Décret n° 2025-517 du 10 juin 2025, portant approbation du schéma directeur de la région d'Ile-de-France N° Lexbase : L9546M9G.
[10] Loi n° 2021-1104 du 22 août 2021, art. 194, IV, 9.
[11] Loi n° 2023-630 du 20 juillet 2023, visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de lutte contre l'artificialisation des sols et à renforcer l'accompagnement des élus locaux N° Lexbase : L5792MSC.
[12] Proposition de loi n° 81 visant à instaurer une trajectoire de réduction de l’artificialisation concertée avec les élus locaux (TRACE), adoptée en 1e lecture le 18 mars 2025.
[13] Annexe à l’article R. 101-1 du Code de l’urbanisme N° Lexbase : L4203MKU.
[14] Loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000, relative à la solidarité et au renouvellement urbains N° Lexbase : L9087ARY.
[15] Article 15 du projet de loi n°1191-A0 de simplification de la vie économique, adopté par l’Assemblée nationale le 17 juin 2025.
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