Réf. : Communiqué du Conseil d’État, 14 mai 2025
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par La Rédaction
Le 25 Juin 2025
Le rapport public du Conseil d’État présente l’activité juridictionnelle et consultative de la juridiction administrative en 2024. Remis au Président de la République, au Premier ministre et aux présidents des assemblées, réalise une synthèse de l’unité et de la diversité de la juridiction administrative au cours de cette période.
La partie juridictionnelle retrace l’activité des tribunaux administratifs, des cours administratives d’appel, des juridictions administratives spécialisées et du Conseil d’État (affaires enregistrées, affaires jugées, affaires en stock, délai prévisible, moyen de jugement des affaires en stock). Elle présente l’analyse des décisions les plus marquantes de l’année, ordonnées par grands thèmes de la jurisprudence administrative, marqueurs de l’ampleur comme de la diversité de l’office du juge administratif dans sa mission de régulation des différends entre les citoyens et citoyennes et les pouvoirs publics.
La partie consultative présente, en quelque 200 résumés, les principales questions juridiques soulevées par l’examen des projets de texte soumis au Conseil d’État par le Parlement et le Gouvernement, notamment sur la notion d’affaires courantes eu égard au contexte institutionnel de 2024.
La partie « Études, événements, partenariats, coopération européenne et internationale » dessine le panorama des études et travaux qui ont jalonné l’année pour éclairer la puissance publique (la souveraineté, le droit des entreprises en difficulté…) et dresse un bilan des manifestations organisées par la juridiction administrative.
Enfin, la partie « Activité de gestion de la juridiction administrative » retrace l’ensemble des projets de réforme et de modernisation du service public de la justice administrative conduits par le secrétariat général sous l’autorité du vice-président du Conseil d’État.
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Réf. : Loi n° 2025-391 du 30 avril 2025, portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière économique, financière, environnementale, énergétique, de transport, de santé et de circulation des personnes N° Lexbase : L4775M9Q
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Le 25 Juin 2025
Mots clés : actions de groupe • associations • préjudices indemnisables • sanction civile • tiers financement
La loi dite « DDADUE » du 30 avril 2025 apporte d’importantes modifications à la procédure de l’action de groupe. Elle élargit sensiblement son champ d’application, accroît le nombre d’associations autorisées à engager une telle action et étend les préjudices réparables par une action en réparation. À cette occasion, Lexbase a recueilli l’analyse d’Erwan Poisson, avocat associé chez A&O Shearman, qui nous dévoile les points essentiels de cette réforme*.
Lexbase : Pouvez-vous nous présenter les dispositions principales de la loi du 30 avril 2025 en matière d'actions de groupe ?
Erwan Poisson : L’article 16 de la loi n° 2025-391 du 30 avril 2025, portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière économique, financière, environnementale, énergétique, de transport, de santé et de circulation des personnes N° Lexbase : L4775M9Q, dite « DDADUE » (la « loi du 30 avril 2025 ») transpose la Directive (UE) n° 2020/1828 du 25 novembre 2020, relative aux actions représentatives visant à protéger les intérêts collectifs des consommateurs N° Lexbase : L8833LYS, relative aux actions représentatives (la « Directive (UE) n° 2020/1828 ») et réforme le régime des actions de groupe.
Si cette réforme, applicable aux actions de groupe intentées à compter du 2 mai 2025, opère une reprise des règles existantes, elle est également porteuse de plusieurs changements qui pourraient conduire à une augmentation du nombre des actions de groupe devant les juridictions françaises.
En résumé, ce nouveau régime comprend trois axes majeurs.
Tout d’abord, l’action de groupe est désormais ouverte à un plus grand nombre de demandeurs.
En effet, si l’action de groupe reste la prérogative des associations agréées, celles-ci pourront être beaucoup plus nombreuses que les associations actuellement autorisées à intenter des actions de groupe (par exemple, seulement quatorze en matière de consommation). La loi du 30 avril 2025 permet également à d’autres demandeurs d’intenter une action de groupe de manière plus limitée. Les associations déclarées qui justifient de vingt-quatre mois d’activité et dont l’objet statutaire comporte la défense d’intérêts auxquels il a été porté atteinte peuvent désormais intenter une action en cessation du manquement (mais pas en réparation du préjudice subi).
Dans la continuité des anciens régimes, les organisations syndicales représentatives peuvent intenter des actions en matière de lutte contre les discriminations et de protection des données personnelles. Il est également prévu que le ministère public puisse exercer une action de groupe (en cessation du manquement en tant que partie principale, ou intervenir en tant que partie jointe, aussi bien dans les actions en cessation du manquement que dans celles en réparation du préjudice subi). Par ailleurs, les « entités qualifiées » des autres États membres de l’UE sont, elles aussi, autorisées à engager une action de groupe en France.
Ensuite, cette réforme étend les préjudices réparables dans le cadre des actions de groupe en réparation. Le nouveau régime permet au demandeur d’intenter une action de groupe pour faire cesser un manquement et/ou pour obtenir réparation du préjudice subi, « quelle qu’en soit la nature ». Alors que les régimes sectoriels antérieurs limitaient les préjudices indemnisables, tous les préjudices, qu'ils soient matériels ou moraux, pourront désormais être indemnisés par le biais d'une action de groupe en réparation. Cette avancée risque néanmoins d'allonger la durée de la procédure et de complexifier les actions de groupe, en raison de la diversité des situations à examiner lors de la phase d’indemnisation.
Enfin, la réforme comporte d’autres innovations telles que l’instauration d’une sanction civile (cf. infra) ou encore l’attribution à des tribunaux judiciaires spécialement désignés d’une compétence spéciale pour connaître des actions de groupe.
Lexbase : Comporte-t-elle un risque accru pour les professionnels visés ?
Erwan Poisson : Compte tenu de l’élargissement de la qualité à agir et de l’harmonisation des préjudices (cf. supra), le nombre d’actions de groupe auxquelles les professionnels pourraient faire face devrait augmenter. Ces innovations sont néanmoins contrebalancées par le choix du législateur de maintenir un système d’opt-in, qui continue d’exiger des victimes du manquement qu’elles manifestent expressément leur volonté de participer à l’action de groupe (contrairement à d’autres États membres de l’UE, comme les Pays-Bas et le Portugal, qui ont choisi une approche plus libérale en adoptant un système d’opt-out pour leurs actions de groupe nationales).
En outre, les professionnels sont désormais exposés à un risque de sanction civile s’ils ont délibérément commis une faute en vue d’obtenir un gain ou une économie indue et que le manquement constaté a causé un ou plusieurs dommages à plusieurs personnes physiques ou morales placées dans une situation similaire.
Cette nouvelle sanction, régie par l’article 1254 du Code civil N° Lexbase : L4998M9Y, est fonction de la gravité de la faute et du profit retiré par son auteur et plafonné à cinq fois ce montant pour une personne morale. La loi nouvelle précise que cette sanction civile ne peut faire l’objet d’une assurance, ce qui renforce son caractère dissuasif. Les sommes versées par les professionnels du fait de cette sanction alimenteront un fonds dédié au financement des actions de groupe.
L’octroi de cette nouvelle sanction civile est toutefois strictement encadré par la loi du 30 avril 2025 : la sanction civile ne peut être demandée que par le ministère public ou le gouvernement et son prononcé doit faire l’objet d’une décision spécialement motivée du juge saisi. La nouvelle sanction n’est applicable qu’aux actions pour lesquelles le fait générateur du manquement du défendeur est postérieur au 2 mai 2025.
Bien que, compte tenu des conditions précitées, le prononcé d’une sanction civile ne devrait concerner que les manquements les plus graves, ce nouveau dispositif marque un durcissement notable du régime de responsabilité applicable aux auteurs de manquements graves et pose ainsi de nouveaux défis en matière de gestion du risque contentieux pour les professionnels visés.
Lexbase : Quelles peuvent être les conséquences de l'extension de la possibilité d'y recourir aux personnes morales ?
Erwan Poisson : La loi du 30 avril 2025 opère un élargissement du champ des bénéficiaires potentiels de l’action de groupe. En effet, l’action de groupe peut désormais être exercée pour le compte de plusieurs personnes physiques ou morales, ouvrant ainsi la voie à des actions de groupe dites « B to B ».
L’intégration des personnes morales parmi les bénéficiaires potentiels de l’action de groupe devrait renforcer son attractivité. L’action de groupe pourrait se substituer à l’action groupée, qui s’est développée en parallèle de l’action de groupe, en particulier en droit de la concurrence et en droit boursier et financier.
Cette innovation pose néanmoins des difficultés dans la mesure où il s’agit d’une « surtransposition » de la Directive (UE) n° 2020/1828. Il appartiendra à la jurisprudence de déterminer si des entités qualifiées françaises peuvent intenter des actions de groupe transfrontalières au bénéfice de personnes morales situées dans d’autres États membres de l’Union européenne alors qu’une telle possibilité n’est pas prévue pour les actions de groupe transfrontalières aux termes de la Directive (UE) n° 2020/1828.
Lexbase : Y a-t-il des nouveautés concernant leur financement ?
Erwan Poisson : La loi du 30 avril 2025 transpose les principes essentiels de la Directive (UE) n° 2020/1828 relatifs au financement des actions de groupe par des tiers, en reconnaissant expressément la possibilité du tiers financement tout en l’assortissant de garanties.
Ce financement ne doit avoir ni pour objet ni pour effet qu’un tiers puisse exercer une influence sur l’introduction ou la conduite d’une action de groupe. Le financement par des tiers fera l’objet d’une publication dans des conditions déterminées par un décret, qui n’a pas encore été publié.
Afin de prévenir les risques d’instrumentalisation, la réforme encadre le recours au tiers financement : lorsque l’action de groupe tend à l’indemnisation de préjudices, le demandeur doit démontrer l’absence de conflit d’intérêts avec le tiers financeur, notamment lorsque ce conflit est susceptible de porter atteinte à l’intérêt des personnes représentées. En cas de doute ou de contestation, le juge peut exiger du demandeur qu’il apporte la preuve de l’absence de conflit d’intérêts avec le tiers qui a financé l’action de groupe. Et, si le juge estime que l’indépendance du demandeur n’est pas suffisamment garantie, il pourra prononcer l’irrecevabilité de l’action de groupe qu’il a intentée.
S’inspirant du modèle anglo-saxon du third party funding, l’autorisation explicite en droit français du tiers financement pourrait permettre de lever les obstacles financiers auxquels sont parfois confrontées les associations à but non lucratif, principales demanderesses à l’action de groupe.
Ces nouvelles dispositions pourraient susciter un intérêt accru des financeurs pour les actions de groupe en France, d’autant plus qu’aucun mécanisme de plafonnement de la rémunération des tiers financeurs n’a été instauré par la loi nouvelle, contrairement aux règles applicables par exemple en Allemagne ou en République tchèque, à la suite de la transposition de la Directive (UE) n° 2020/1828.
*Propos recueillis par Yann Le Foll, Rédacteur en chef de Lexbase Public
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Réf. : Loi n° 2025-532, du 13 juin 2025, visant à sortir la France du piège du narcotrafic N° Lexbase : L0053NA9
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par Sébastien Fucini, Maître de conférences à Aix-Marseille Université – LDPSC, UR4690
Le 25 Juin 2025
Mots-clés : trafic de stupéfiants • criminalité organisée • infiltration • sonorisations • renseignement • association de malfaiteurs • blanchiment • détention provisoire • garde à vue • Ministère public • témoignage anonyme • repenti
La loi du 13 juin 2025, visant à sortir la France du piège du narcotrafic, porte de grandes ambitions, mais contient des mesures pour l’essentiel habituelles de lutte contre ce phénomène criminel, portant cependant plus largement sur la criminalité organisée. Il s’agit notamment de renforcer la répression, par des sanctions plus sévères, de nouvelles incriminations et des règles de procédure plus strictes, mais aussi de renforcer les pouvoirs de prévention de ce phénomène criminel. De manière plus remarquable, la loi vise à renforcer l’anonymat de toute une série d’intervenants, allant jusqu’à la création d’un dossier distinct non accessible aux parties, et vise également à conforter la participation des particuliers à la procédure, au travers des statuts de collaborateur de justice et d’informateur, ainsi qu’avec la création de l’infiltration civile.
Texte d’origine parlementaire. Issue d’une proposition de sénateurs [1], adoptée à l’unanimité au Sénat et à une très large majorité à l’Assemblée nationale, la loi n° 2025-532 du 13 juin 2025 « visant à sortir la France du piège du narcotrafic » N° Lexbase : L0053NA9 a été en grande partie validée par le Conseil constitutionnel [2], avec quelques déclarations d’inconstitutionnalité et de nombreuses réserves d’interprétation. En dépit de son adoption consensuelle, cette loi a un contenu en partie clivant. Le contexte de sa discussion et de son adoption sont connus : dans le cadre d’une multiplication de « règlements de compte » liés au trafic de stupéfiants, une commission d’enquête a été conduite au Sénat sur « l’impact du narcotrafic en France et les mesures à prendre pour y remédier ». Une bonne partie des propositions contenues dans le rapport de la commission d’enquête [3] ont été reprises dans la proposition sénatoriale, avec l’objectif affiché d’une lutte globale contre le narcotrafic, aussi bien par le droit pénal et la procédure pénale dans des aspects divers et variés, dont certains plutôt novateurs, mais aussi par le renseignement, les mesures de contrôle administratives visant certains lieux ou certaines personnes, ou encore le renforcement du droit pénitentiaire.
Du narcotrafic à la criminalité organisée. Alors que l’ambition de la proposition de loi, à l’origine, était davantage limitée au narcotrafic et alors qu’elle a conservé son intitulé d’origine faisant référence à ce seul domaine de criminalité, les mesures qu’elle contient, dont la principale, la création d’un parquet spécialisé, ont été élargies à la criminalité organisée dans son ensemble. Il existe en effet un lien très fort entre le trafic de stupéfiants et de nombreuses autres formes de criminalité organisée : la loi a été motivée notamment par la multiplication des « narchomicides », soit des meurtres en bande organisée, qui ne relèvent pas de la catégorie des trafics de stupéfiants. Il était dès lors impératif, pour lutter de manière globale contre le narcotrafic, de ne pas limiter les mesures contenues dans la loi au seul trafic de stupéfiants au sens des articles 222-34 et suivants du Code pénal N° Lexbase : L2009AMD.
Large étendue de la loi. Toujours est-il que la loi est d’une étendue extrêmement large, et ce, en l’absence d’une étude d’impact compte tenu de son origine parlementaire. Il est singulier, sans être surprenant, de constater les inspirations des réformes que la loi contient. Le législateur s’est très largement inspiré du régime dérogatoire en matière de terrorisme, pour en rapprocher le régime de la criminalité organisée, déjà particulièrement dérogatoire au droit commun, tant dans les aspects répressifs qu’administratifs. Mais le législateur est allé au-delà, en imaginant et en concevant des réponses nouvelles qui pourront s’appliquer à la criminalité organisée et au terrorisme, telles que le « dossier coffre », si décrié et en partie détricoté par le Conseil constitutionnel, mais aussi le statut des collaborateurs de justice ou encore l’infiltration civile. En somme, la loi contient des réponses plus ou moins classiques et habituelles à tout phénomène criminel, par une volonté d’améliorer les modes d’appréhension (I), mais aussi des réponses plus nouvelles, beaucoup plus axées vers la protection des personnes qui interviennent dans la procédure (II).
I. Les réponses législatives axées vers l’amélioration des modes d’appréhension
Plusieurs formes de réponses usuelles à quelque phénomène criminel que ce soit existent et ont été utilisées dans la loi commentée pour la lutte contre le narcotrafic ; le plus classiquement et le plus fréquemment, il va s’agir de renforcer la répression (A). Mais de plus en plus souvent, et de manière plus moderne, il va s’agir de recourir à des moyens spécialisés d’appréhension de ce phénomène (B).
A. Les réponses classiques : la sévérité accrue de la répression
La réponse la plus classique pour répondre à un phénomène criminel, quel qu’il soit, et dont l’efficacité peut être questionnée, réside dans l’accroissement de la répression. Alors même que le trafic de stupéfiants fait déjà l’objet d’infractions assez larges et de sanctions très lourdes, et que les moyens procéduraux les plus coercitifs sont possibles, la présente loi a entendu renforcer davantage la répression, ce qui permet de faire montre de sévérité à moindre frais. À ce titre, on peut distinguer le renforcement de la sévérité du droit pénal substantiel (1) et de la procédure pénale (2).
1) Le renforcement de la sévérité du droit pénal substantiel
La sévérité accrue des sanctions : infractions punies plus sévèrement. Le moyen le plus simple pour le législateur de marquer son ambition d’une lutte renforcée contre le narcotrafic est d’accroître les sanctions pénales encourues en la matière. La disposition la plus marquante est la criminalisation de certaines formes de participation à une association de malfaiteurs. Jusqu’à présent, la peine maximale encourue, lorsque l’infraction préparée était un crime ou un délit puni de dix ans d’emprisonnement, était de dix ans d’emprisonnement. Désormais, le nouvel alinéa 2 de l’article 450-1 du Code pénal N° Lexbase : L1964AMP prévoit une peine de quinze ans de réclusion criminelle lorsque l’infraction préparée est soit un crime puni de la réclusion criminelle à perpétuité, soit un crime puni d’une peine inférieure, mais dont la répression est aggravée en cas de commission en bande organisée. Cette simple modification a d’importantes conséquences, avec la mise en œuvre d’une procédure criminelle en matière d’association de malfaiteurs.
Nouvelles circonstances aggravantes. De multiples autres dispositions visent à aggraver les sanctions encourues. Il s’agit notamment de prévoir de nouvelles circonstances aggravantes. L’une d’elles a été censurée par le Conseil constitutionnel : le législateur a en effet entendu répondre à la multiplication de l’usage des armes par les réseaux de trafic. Il a ainsi prévu que les peines encourues en matière de trafic de stupéfiants seraient aggravées en cas de commission de l’infraction avec port d’une arme apparente ou cachée [4]. Le Conseil constitutionnel a considéré que cette disposition était contraire au principe de nécessité des peines, car elle avait pour objectif d’aggraver la répression indépendamment de l’usage de l’arme et indépendamment même de son exhibition [5]. On peut en effet s’interroger sur le sens qu’il y aurait à aggraver la peine lorsque l’arme est restée cachée. En revanche, une autre circonstance aggravante n’est pas censurée : pour répondre au recours de plus en plus fréquent à des mineurs par les organisations criminelles, la peine encourue pour trafic de stupéfiants est aggravée lorsqu’elle est commise par un majeur avec l’aide ou l’assistance directe ou indirecte d’un mineur [6].
Autres aggravations de la sanction encourue. Diverses peines complémentaires sont par ailleurs introduites par le législateur en la matière, telles que l’interdiction pour trois ans au plus de prendre place dans un aéronef ou une embarcation maritime pour certaines destinations déterminées et l’interdiction de paraître pour trois ans au plus dans certains ports et aéroports [7]. Pour éviter une atteinte disproportionnée à la liberté d’aller et venir, il est prévu que ces interdictions peuvent être modifiées par le juge de l’application des peines, et elles ne s’appliquent que pour certaines liaisons. La peine complémentaire d’interdiction du territoire devient obligatoire, avec possibilité de l’écarter par décision motivée, lorsqu’une infraction de trafic de stupéfiants est commise par un étranger [8]. Enfin, on peut noter l’ambition du législateur de frapper plus durement « au portefeuille », par l’aggravation de la peine d’amende encourue pour blanchiment de trafic de stupéfiants [9], qui pourra s’élever jusqu’à la totalité, et non plus la moitié, de la valeur des biens blanchis. La peine de confiscation pour le délit de non-justification de ressources est par ailleurs élargie [10].
Cumul des peines et exclusion de la confusion. Une autre disposition notable, mais bien moins habituelle, concerne le cumul des peines : l’on sait que lorsque des infractions sont en concours, c’est-à-dire qu’elles ne sont pas séparées par un jugement de condamnation, les différentes peines prononcées ne peuvent pas dépasser le maximum légal le plus élevé [11]. De la sorte, la confusion est de droit si le cumul des peines prononcées à l’occasion de différentes procédures dépasse ce maximum. Il en va ainsi lorsqu’une personne commet, alors qu’elle est placée en détention provisoire, une nouvelle infraction avant la décision définitive pour la première infraction. Il existe un certain nombre d’exceptions, mentionnées dans la partie spéciale du Code pénal [12] : il en va ainsi des délits d’évasion [13] ou de rébellion [14] dont les peines se cumulent, sans limitation au maximum légal, avec les peines qui justifiaient la détention. Cette règle se comprend aisément : si la règle de l’article 132-4 N° Lexbase : L2256AMI s’appliquait, tout détenu placé en détention provisoire ne verrait pas la peine qu’il encourt aggravée en cas d’évasion ou de rébellion dès lors que la peine encourue pour l’infraction pour laquelle il a été placé en détention provisoire est punie d’une peine au moins aussi élevée [15]. Cependant, cette exception est d’application purement limitée au délit pour laquelle elle est prévue [16]. Afin de généraliser cette règle en matière de criminalité organisée, le législateur a prévu, par un nouvel article 132-6-1 N° Lexbase : L9920M9B, le cumul sans limitation au maximum légal entre, d’une part, les peines pour une infraction de criminalité organisée [17] commise en détention et, d’autre part, les peines prononcées pour l’infraction pour laquelle la personne est détenue. En d’autres termes, il n’y aura en la matière plus de confusion, mais la dernière juridiction appelée à statuer peut décider de ne pas faire application de cette disposition.
Élargissement des éléments constitutifs d’incriminations existantes. Une autre forme classique d’aggravation de la répression consiste à élargir les éléments constitutifs de certaines infractions, pour en faciliter et en élargir l’appréhension. Face à la multiplication des recours à des moyens de communication avec l’extérieur par des personnes détenues, notamment par des personnes à la tête de réseaux de trafic de stupéfiants, les infractions en la matière sont élargies. Ainsi, l’article 434-35 N° Lexbase : L2699MCX, qui visait le délit de communication irrégulière avec une personne détenue et n’était applicable qu’à la personne se trouvant à l’extérieur, visera désormais également la communication irrégulière par une personne détenue, avec l’ajout d’un nouvel alinéa. De même, le délit de pénétration dans un établissement pénitentiaire est élargi pour viser le fait de s’introduire, non pas dans l’établissement, mais dans le domaine matériellement délimité affecté à l’établissement [18].
Toujours dans une perspective d’élargissement des infractions existantes, mais bien au-delà de la question du trafic de stupéfiants, le législateur a élargi la présomption de blanchiment de l’article 324-1-1 du Code pénal N° Lexbase : L9415IYD : il prévoit désormais que les biens ou les revenus sont présumés être le produit d’un crime ou d’un délit dès lors qu’il s’agit d’une opération effectuée « au moyen d’un crypto-actif comportant une fonction d’anonymisation intégrée ou au moyen de tout type de compte ou de technique permettant l’anonymisation ou l’opacification des opérations en crypto-actifs ». Cette disposition pourrait être qualifiée d’interprétative ; cependant, la Cour de cassation a déjà eu l’occasion de préciser que le seul recours à des crypto-actifs, sans autres circonstances s’y ajoutant, n’est pas suffisant pour appliquer la présomption de l’article 324-1-1 N° Lexbase : L9415IYD [19].
Création de nouvelles incriminations. Lorsque les incriminations existantes sont insuffisantes à appréhender le phénomène criminel, notamment pour en anticiper son appréhension, le législateur crée de nouvelles incriminations. C’est ainsi qu’aux côtés de la participation à une association de malfaiteurs, le législateur a créé le délit de concours à une organisation criminelle. Le rapport de la commission d’enquête sur le narcotrafic, par référence au droit pénal italien, préconisait cette création [20], mais le texte adopté peut questionner. Ainsi, le nouvel article 450-1-1 N° Lexbase : L9993M9Y définit d’abord l’organisation criminelle, comme une forme particulière d’association de malfaiteurs. La première particularité tient aux infractions préparées, qui ne peuvent être que certaines de celles visées à l’article 706-73 N° Lexbase : L0006NAH [21]. La seconde particularité est que l’organisation criminelle, contrairement à l’association de malfaiteurs, et à l’image de la bande organisée [22], doit prendre la forme « d’une organisation structurée entre ses membres ». Ensuite, ce nouveau texte définit le comportement incriminé comme « le fait de concourir sciemment et de façon fréquente ou importante à l’organisation ou au fonctionnement d’une organisation criminelle, indépendamment de la préparation d’une infraction particulière ». Ce texte a vocation à s’appliquer lorsque la personne n’a pas participé à la préparation d’une infraction, et ne peut donc se voir reprocher le délit de participation à une association de malfaiteurs. Il s’agit de viser le simple concours, qui n’est pas véritablement défini, comme ne sont pas non plus définies les exigences de fréquence ou d’importance. Le manque de précision des éléments constitutifs de ce délit est en ce sens regrettable, mais le Conseil, saisi sur ce point, n’y a vu aucune contrariété à l’exigence de clarté et de précision de la loi pénale, lequel ne s’est pas appesanti sur les exigences de fréquence ou d’importance [23]. Ce nouveau délit est puni d’une peine de trois ans d’emprisonnement et de 150 000 euros d’amende.
Pour répondre plus directement à un nouveau phénomène consistant au recrutement de mineurs sur les réseaux sociaux pour participer à des opérations de trafic de stupéfiants, le fait de publier, sur une plateforme en ligne ou sur un service de réseaux sociaux accessibles aux mineurs, une proposition publique de transport, détention, offre ou cession de stupéfiants, ou de se rendre complice de tels actes, est puni de sept ans d’emprisonnement [24].
2) Le renforcement des pouvoirs de procédure
Élargissement d’actes d’investigation : sonorisations par activation à distance. Le renforcement des moyens d’investigation est également une réponse classique à tout phénomène criminel qui se développe. La loi commentée use abondamment de ce procédé. C’est ainsi que le législateur entend à nouveau autoriser les sonorisations et fixations d’images par activation à distance d’un appareil électronique [25]. Le Conseil constitutionnel avait censuré la première tentative : le législateur avait voulu permettre cet acte par activation à distance d’un appareil électronique, pour toutes les infractions visées aux articles 706-73 N° Lexbase : L0006NAH et 706-73-1 N° Lexbase : L0007NAI, et pour des délais réduits par rapport à ceux des sonorisations ordinaires. Le Conseil y avait vu une atteinte disproportionnée au droit à la vie privée, en soulevant notamment qu’était visé l’ensemble des infractions de la criminalité organisée, et pas seulement les plus graves, mais également le fait que toute personne, y compris les tiers, pouvait être entendue en tous lieux [26]. Le législateur a alors cherché à répondre à ces critiques par une mesure plus proportionnée.
Tout d’abord, le législateur prévoit, pour les seules infractions visées aux 1° à 6° et aux 11° et 12° de l’article 706-73 N° Lexbase : L0006NAH, au blanchiment de ces infractions et à l’association de malfaiteurs en vue de la préparation de ces infractions, l’activation à distance d’un appareil électronique fixe. Le Conseil n’a pas censuré cette disposition, mais il a émis une réserve d’interprétation extrêmement surprenante : il considère que cette mesure facilite l’atteinte importante au droit à la vie privée en raison de l’absence de nécessité d’installer et de désinstaller un dispositif technique. Pour cette raison, elle doit être réservée aux cas les plus graves. Le Conseil soulève le fait qu’au 12° de l’article 706-73 N° Lexbase : L0006NAH sont visés certains délits punis de trois ans d’emprisonnement [27]. Plutôt que de déclarer la mesure inconstitutionnelle, ou la seule mention au 12° de l’article 706-73 N° Lexbase : L0006NAH inconstitutionnelle, il a alors affirmé que cette disposition est constitutionnelle, sous réserve qu’elle ne s’applique que si ces délits sont commis en bande organisée et sont punis d’une peine supérieure ou égale à cinq ans d’emprisonnement [28]. Ce faisant, le Conseil va bien au-delà d’une réserve d’interprétation pour assurer une interprétation de la disposition conforme à la Constitution, en ajoutant des conditions précises non prévues par le texte.
Ensuite, et de la même manière, le législateur prévoit également l’activation à distance d’un appareil électronique mobile pour les mêmes infractions que celles précédemment visées. La mesure est en outre conditionnée à une exigence de subsidiarité : elle n’est possible qu’en cas d’impossibilité de déterminer le lieu approprié de la sonorisation ou en cas de risque grave d’atteinte à la vie ou à l’intégrité en cas de mise en œuvre d’une sonorisation ordinaire. Comme à l’occasion de la discussion de la loi de programmation du ministère de la justice, la durée de la mesure est limitée durant l’enquête à 15 jours, renouvelables une fois et à deux mois, renouvelables deux fois durant l’instruction. Le Conseil a là aussi validé la mesure, sous la même réserve d’interprétation : pour les délits visés au 12° de l’article 706-73 N° Lexbase : L0006NAH, cette mesure ne peut s’appliquer qu’aux délits commis en bande organisée et punis d’au moins cinq ans d’emprisonnement [29].
Autres mesures relatives aux techniques spéciales d’enquête. Toujours concernant les techniques spéciales d’enquête, le législateur permet, sur autorisation du juge des libertés et de la détention (JLD) ou du juge d’instruction, l’introduction dans un lieu privé pour mettre en place un IMSI-catcher [30]. La définition de l’infiltration est par ailleurs élargie pour permettre à la personne infiltrée de se faire passer, en plus d’un auteur, complice ou receleur, pour une victime, un tiers mandaté par elle ou toute personne intéressée à la commission de l’infraction [31].
En outre, le législateur a souhaité ajouter à l’article 706-73 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L0006NAH les infractions de corruption et de trafic d’influence en relation avec l’une des infractions mentionnées par cet article. Le Conseil constitutionnel a censuré cette disposition, car cela permettait de mettre en œuvre une mesure telle que la garde à vue de quatre jours, injustifiée en ce que ces infractions ne sont pas susceptibles de porter atteinte à la sécurité, à la dignité ou à la vie des personnes [32]. En revanche, l’ajout de la corruption ou du trafic d’influence, de manière générale, à l’article 706-73-1 N° Lexbase : L0007NAI, pour lequel la garde à vue de quatre jours n’est pas applicable, est validé par le Conseil.
Encadrement du principe de loyauté. Afin de sécuriser le recueil de la preuve, le législateur a en outre entendu restreindre le principe de loyauté de la preuve, en prévoyant, entre autres, pour l’enquête sous pseudonyme et les livraisons et acquisitions surveillées de produits stupéfiants et d’armes : « Ne constituent pas une incitation à commettre une infraction les actes qui contribuent à la poursuite d’une infraction déjà préparée ou débutée au moment où l’autorisation mentionnée au présent article a été accordée par le magistrat compétent, y compris en cas de réitération ou d’aggravation de l’infraction initiale ». Dans la même logique, l’interdiction de l’incitation à commettre une infraction pour ces mêmes actes est remplacée par l’interdiction de l’incitation « ayant déterminé la commission de l’infraction ». Ces modifications ne devraient avoir qu’une portée interprétative, tant la Cour de cassation considère que l’incitation conduisant à prolonger le comportement initial n’est pas constitutive d’une provocation à l’infraction et n’est pas contraire au principe de loyauté [33].
Prolongation de la garde à vue pour les mules. Enfin, autre élargissement notable en matière d’actes d’investigation, le législateur prévoit par la présente loi la possibilité, pour les seules infractions de trafic de stupéfiants, de prolonger la garde à vue de vingt-quatre heures supplémentaires au-delà de la durée de quatre-vingt-seize heures [34]. Cette prolongation est strictement limitée à une hypothèse particulière : lorsque la personne placée en garde à vue est soupçonnée d’avoir des produits stupéfiants en elle, un médecin doit établir la présence des produits stupéfiants dans le corps. Cette prolongation a ainsi pour seul but d’attendre l’évacuation par les voies naturelles de ces produits et l’encadrement d’une telle prolongation est jugé satisfaisant par le Conseil constitutionnel [35].
Élargissement des pouvoirs des agents des douanes. Le législateur a également élargi les pouvoirs des agents des douanes dans le cadre des enquêtes douanières. Les visites douanières pourront désormais avoir lieu de nuit en cas de flagrance, lorsque l’enquête porte sur des produits stupéfiants et que les faits sont commis en bande organisée. Elles supposeront l’autorisation du JLD mais ne pourront pas avoir lieu dans des locaux d’habitation [36]. En outre, la loi permet désormais au juge d’instruction de délivrer des commissions rogatoires aux agents des douanes, pour rechercher et constater des infractions douanières [37], et les agents des douanes habilités pourront désormais recourir à la sonorisation par activation à distance sur autorisation du JLD, pour les enquêtes portant sur des délits douaniers portant sur des produits stupéfiants et commis en bande organisée [38]. La sonorisation « ordinaire » est quant à elle déjà possible depuis la loi n° 2023-610, du 18 juillet 2023, visant à donner à la douane les moyens de faire face aux nouvelles menaces N° Lexbase : L6306MSD, pour un plus grand nombre de délits douaniers [39]. Enfin, certains agents des douanes pourront désormais, pour la recherche mais aussi la prévention d’infractions douanières, accéder directement à certaines données en matière de transport international de marchandises [40].
Élargissement de la détention provisoire. Afin de prendre en compte la complexité des investigations en la matière – et leur longueur, faute de moyens suffisants –, la présente loi allonge la durée de la détention provisoire pour certains délits : le nouvel article 145-1-1 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L0275NAG vise les délits punis de dix ans d’emprisonnement commis en bande organisée ainsi que les délits de transport de produits stupéfiants, de proxénétisme, d’extorsion et d’association de malfaiteurs. Pour ces délits, la durée initiale de la détention provisoire sera de six mois, et non plus de quatre mois, et la prolongation se fera par tranche non plus de quatre, mais de six mois, dans la limite inchangée [41] de deux ans. En outre, pour ces infractions, la motivation renforcée de la prolongation en détention provisoire est exigée à compter d’un an et non plus de huit mois. Mais surtout, la loi commentée complexifie et rend le contentieux de la détention provisoire moins protecteur. Pêle-mêle, s’agissant des demandes de mise en liberté, tous les délais pour se prononcer sont augmentés : le juge d’instruction qui refuse la demande disposera non plus de cinq, mais de dix jours à compter de la communication au procureur de la République pour transmettre la demande au JLD ; ce dernier disposera de cinq jours ouvrables au lieu de trois pour se prononcer ; et si ce dernier ne statue pas et que la chambre de l’instruction est directement saisie, cette dernière disposera de trente jours à compter de la réception de la demande, au lieu de vingt à compter de la saisine, pour statuer. Toujours dans cette même logique, le délai pendant lequel le procureur de la République peut former un référé-détention passe de quatre à huit heures. En outre, la loi ajoute à l’irrecevabilité de la demande de mise en liberté avant que le juge des libertés et de la détention n’ait statué sur une précédente demande, l’irrecevabilité de la demande présentée avant qu’il ne soit statué sur l’appel de la décision de rejet d’une précédente demande [42]. Fort opportunément, certaines mesures adoptées en première lecture au Sénat n’ont pas été conservées, dont celle permettant au juge d’écarter la mise en liberté d’office en cas de dépassement des délais pour statuer sur la détention provisoire.
Augmentation des tracasseries procédurales. Le législateur a trouvé manifestement utile, pour sortir la France du piège du narcotrafic, de rendre plus rigides certaines règles relatives à l’exercice des droits de la défense. Les dispositions les plus controversées, telles que la réduction de six à trois mois du délai durant l’instruction pour soulever des nullités n’ont pas été adoptées [43]. Reste qu’en matière de criminalité organisée, le changement d’avocat durant l’information judiciaire ne pourra plus se faire par lettre recommandée, mais uniquement par déclaration au greffe, le tout pour éviter des « détournements possibles à des fins de nullité » [44], les sénateurs auteurs de l’amendement ayant souligné que « cette voie de transmission [a] pu faire l’objet d’utilisations dévoyées » [45]. L’idée semble être d’éviter les changements intempestifs d’avocat avec les incertitudes qui seraient recherchées à des fins de nullité quant à l’avocat qui doit être destinataire des convocations, mais l’ampleur de ce phénomène n’est pas établie. Par ailleurs, la loi commentée, s’inspirant peu opportunément de la procédure civile, a ajouté que « [l]e dernier mémoire déposé par une partie récapitule l’ensemble des moyens pris de nullité de la procédure, à défaut de quoi ils sont réputés avoir été abandonnés » [46]. En outre, l’article 173 N° Lexbase : L9942M94 est modifié pour affirmer que l’exigence d’adresser au juge d’instruction une copie de la requête en nullité vaut à peine d’irrecevabilité. Ces modifications concernant les nullités s’appliquent aux requêtes en nullité présentées à compter du 30 septembre 2025 ou aux conclusions déposées à compter de cette même date [47].
Facilitation des poursuites. Afin de faciliter les poursuites pour le délit de blanchiment, le législateur a introduit un nouvel alinéa à l’article 324-1 du Code pénal N° Lexbase : L9927M9K afin de prévoir que ce délit est en toute circonstance réputé occulte, au sens de l’article 9-1 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L6211LLM. La disposition est particulièrement étrange : certes, la Cour de cassation a affirmé, en matière de blanchiment, que seul le blanchiment par dissimulation ou par justification mensongère était par nature occulte [48]. Cependant, dans les autres cas, si le blanchiment est considéré comme occulte, cela n’aura aucun effet sur le report du point de départ du délai de prescription, si des tiers ont pu avoir connaissance de l’infraction dans des circonstances permettant la mise en mouvement de l’action publique. Enfin, il faut signaler que le législateur n’a pas retenu une mesure adoptée en première lecture par le Sénat : la comparution sur reconnaissance de culpabilité en matière criminelle. Le Sénat avait entendu permettre une telle modalité de poursuite pour les crimes de trafic de stupéfiants, avec une peine proposée pouvant alors aller jusqu’à dix ans. En raison de toutes les difficultés liées à l’introduction de la CRPC en matière criminelle, qui aurait dû conduire à une réflexion plus large quant aux modalités de son homologation, la mesure a été abandonnée.
B. Les réponses modernes : la spécificité accrue des moyens d’appréhension
D’autres réponses habituelles pour appréhender un phénomène criminel sont plus modernes, en ce sens qu’elles sont apparues plus récemment, mais semblent désormais incontournables. On peut à ce titre distinguer comme grandes tendances la spécialisation des moyens d’appréhension (1), mais également le développement des outils de prévention (2).
1) La spécialisation des moyens d’appréhension
La création d’un parquet national anti-criminalité organisée. Et de trois ! Après le parquet national financier en 2013 [49] et le parquet national antiterroriste en 2019 [50], voilà le parquet national anti-criminalité organisée en 2025. L’intérêt de ces parquets spécialisés, qui se substituent aux sections spécialisées du parquet de Paris, peut interroger. Il faut toutefois noter l’évolution : la proposition de loi initiale prévoyait la création d’un parquet national anti-stupéfiants, compétent uniquement pour les infractions de trafic de stupéfiants et les infractions connexes. À l’occasion de la première lecture au Sénat, cette proposition a été transformée en parquet national anti-criminalité organisée, compétent pour les affaires d’une très grande complexité, pour toutes les infractions visées aux articles 706-73 N° Lexbase : L0006NAH, 706-73-1 N° Lexbase : L0007NAI et 706-74 N° Lexbase : L0008NAK, sauf celles relevant du parquet national financier ou antiterroriste. Sont également visés l’abus de confiance aggravé, la fraude fiscale et le blanchiment douanier lorsqu’ils sont commis en bande organisée, ainsi que certaines formes de mise à disposition de moyens pour commettre une fraude fiscale. Il faut à cet égard souligner que la disposition majeure de la loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic va bien au-delà du seul narcotrafic, puisque ce parquet sera compétent pour toutes les infractions relevant de la criminalité organisée, même sans lien aucun avec le trafic de stupéfiants. Il apparaissait cependant artificiel et regrettable de séparer le trafic de stupéfiants des autres formes de criminalité organisée qui y sont très liées.
Ce nouveau parquet national sera bien évidemment, dans notre pays décentralisé, placé auprès des juridictions parisiennes, aux côtés du parquet de Paris et des deux autres parquets spécialisés. Il faut cependant souligner que, plus encore que les deux autres parquets spécialisés, la compétence du parquet national anti-criminalité organisée n’est pas exclusive. À vrai dire, l’architecture des différentes compétences concurrentes en la matière reste inchangée. Ainsi, les juridictions de droit commun sont compétentes par principe, tandis que les juridictions interrégionales spécialisées (JIRS) demeurent compétentes pour les affaires d’une grande complexité, et le nouveau parquet, en lieu et place du parquet de Paris, ainsi que les juridictions parisiennes (sous la forme de la juridiction nationale de lutte contre la criminalité organisée, la JUNALCO), sont compétents pour les affaires d’une très grande complexité [51]. De nombreuses dispositions sont prévues pour assurer la coordination entre ce nouveau parquet et les autres parquets, à l’image de celles existantes pour le parquet national financier ou le parquet national anti-terroriste [52]. Il en va ainsi de la délégation judiciaire, des obligations d’information, de la priorité de la compétence du PNACO, etc. Mais il est également prévu la possibilité d’une compétence conjointe, pendant l’enquête, entre le PNACO et le parquet près une JIRS. Dans ce cas, ces derniers peuvent être simultanément compétents sur le territoire national, le PNACO ou le parquet territorialement compétent, selon que l’un ou l’autre est à l’origine de la cosaisine, coordonnant le déroulement de la procédure [53].
En outre, il est prévu la compétence d’une cour d’assises spécialement composée, comme en matière terroriste, d’un président et de quatre assesseurs (ou six en appel) pour les crimes commis en bande organisée [54]. Le juge de l’application des peines et le tribunal de l’application des peines de Paris seront compétents de manière exclusive pour les personnes condamnées par les juridictions parisiennes et de manière concurrentes dans les autres cas [55]. Il est à noter que l’ensemble des dispositions relatives au procureur de la République anticriminalité organisée entreront en vigueur le 5 janvier 2026 [56].
Les quartiers pénitentiaires spécialisés. La spécialisation ne concerne pas que la procédure pénale, mais également le régime pénitentiaire. Dans le cadre de la discussion de la proposition de loi, le gouvernement a entendu présenter un amendement visant à la création de quartiers spécialisés. Ce n’est que depuis la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 que le législateur a consacré la possibilité de créer des régimes de détention différenciés, même s’ils existaient déjà auparavant[57].C’est ainsi que le législateur crée les « quartiers de lutte contre la criminalité organisée », désormais prévus aux articles L. 224-5 et suivants du Code pénitentiaire N° Lexbase : L0242NA9. Ces quartiers n’ont pas vocation à accueillir toute personne condamnée pour une infraction de criminalité organisée. Comme pour l’application de tout régime pénitentiaire différencié, ce placement dépend du comportement de la personne. Il ne peut intervenir qu’« à titre exceptionnel, afin de prévenir la poursuite ou l’établissement de liens avec les réseaux de la criminalité et de la délinquance organisées ». Il est à cet égard assez paradoxal de placer des individus condamnés pour criminalité organisée ensemble dans des quartiers spécialisés dans le but d’empêcher le maintien de liens. La décision d’affecter un condamné dans un tel quartier est prise par décision motivée du ministre de la Justice, après avis du juge de l’application des peines. S’agissant d’une personne en détention provisoire, le magistrat chargé de l’enquête doit en être informé et ne doit avoir formulé aucune opposition dans le délai de huit jours. La décision de placement doit avoir lieu à l’issue d’un débat contradictoire et vaut pour une durée d’un an renouvelable.
L’objectif principal de la création de ces quartiers spécialisés est la mise en œuvre d’un régime de détention rigoureux, et il semble dès lors davantage lié à la dangerosité des détenus concernés qu’aux liens qu’ils pourraient avoir avec autrui. Le législateur a ainsi prévu que les personnes concernées doivent faire l’objet de fouilles intégrales systématiques après avoir été en contact physique avec une personne sans la surveillance constante d’un agent [58]. Le Conseil constitutionnel n’a pas censuré cette disposition mais a émis une réserve d’interprétation, en précisant que la fouille intégrale n’est justifiée que si la surveillance par un agent pénitentiaire a été empêchée par des « circonstances particulières tenant à l’intimité de la personne détenue, à la nécessité de préserver la confidentialité de ses échanges ou à des difficultés exceptionnelles d’organisation du service pénitentiaire » [59]. Pour décider de telles fouilles, il convient également, précise le Conseil, de tenir compte de l’état de santé ou de la vulnérabilité de la personne détenue, ainsi que de la qualité de la personne avec qui le contact physique a eu lieu [60]. Ce faisant, le Conseil constitutionnel se rapproche de la jurisprudence du Conseil d’État en la matière [61]. En outre, parmi les autres spécificités du régime pénitentiaire, les visites des personnes extérieures doivent en principe se dérouler dans un parloir équipé d’un dispositif de séparation, avec quelques aménagements pour les proches, et les correspondances téléphoniques peuvent être restreintes à une période de deux heures deux fois par semaine [62].
Dans une logique sécuritaire, notamment à la suite de l’évasion de Mohamed Amra, le législateur avait souhaité élargir encore davantage le recours à la visioconférence, afin d’éviter les risques liés aux extractions. Il était ainsi prévu un nouvel article 706-71-2 du Code de procédure pénale [63] applicable aux personnes affectées dans un quartier de lutte contre la criminalité organisée. Cet article devait prévoir le principe de la visioconférence pour la comparution devant une juridiction d’instruction ou pour une audience relative à la détention provisoire, quelle qu’elle soit, et sans autre distinction. Le juge aurait cependant pu, par décision motivée rendue d’office ou à la demande du ministère public, décider d’une comparution physique [64]. Cette disposition n’a cependant pas franchi le seuil du contrôle de constitutionnalité. Rappelant [65] que la présentation physique d’une personne est une garantie légale de l’exigence constitutionnelle des droits de la défense, le Conseil relève que les dispositions contestées ne permettent pas à la personne de solliciter sa comparution physique, de sorte qu’il peut se voir priver de toute comparution physique devant les magistrats instructeurs et le JLD, sauf initiative contraire par ces derniers ou par le parquet. Cet article a dès lors été déclaré contraire à la Constitution [66].
2) Le développement des moyens de prévention
Mesures administratives de prévention. Un autre aspect à certains égards moderne de l’appréhension d’un phénomène criminel est la multiplication des mesures administratives de prévention contraignantes, comme en matière de terrorisme [67]. Outre l’extension de mesures de gel de fonds [68], le législateur a ainsi entendu permettre la fermeture administrative d’un local commercial ou d’un établissement ouvert au public, ou utilisé par le public. Cette décision pourra être prise par le préfet pour une durée de six mois dans le but de prévenir la commission ou la réitération des infractions de trafic de stupéfiants, de recel, de blanchiment, de participation à une association de malfaiteurs ou de concours à une organisation criminelle, ou pour mettre fin au trouble à l’ordre public résultant de ces infractions. Au-delà de six mois, le ministre de l’Intérieur pourra décider d’une prolongation de six mois supplémentaires [69]. Le maire sera par ailleurs informé du prononcé d’une telle mesure [70]. Le non-respect d’une mesure de fermeture administrative par le propriétaire ou l’exploitant est puni d’une peine de six mois d’emprisonnement [71]. Le Conseil constitutionnel a validé ces mesures de fermeture administrative, mais avec une réserve : lorsqu’il s’agit de lieux de réunion, de culte ou de lieux associatifs, il convient de tenir compte des conséquences de la fermeture de ces lieux, la mesure devant être strictement nécessaire, adaptée et proportionnée [72]. Cette disposition va de pair avec l’article 706-33 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L4114AZE, qui permet au juge d’instruction de prononcer une telle mesure à l’occasion d’une poursuite pour ces mêmes infractions.
De manière encore plus remarquable, le législateur entend prévoir des mesures de prévention administrative individuelles, avec des interdictions de paraître. Ainsi, le préfet, après en avoir informé le procureur de la République, peut prononcer une mesure d’interdiction de paraître dans certains lieux à l’encontre d’une personne participant des activités de trafic de stupéfiants [73]. Les lieux concernés sont des portions de voie publique, d’un équipement collectif ou des parties communes d’un immeuble et l’interdiction pourra être prise pour une durée maximale d’un mois, en tenant compte de la vie familiale et professionnelle de la personne concernée. Il est également prévu la possibilité pour le préfet d’enjoindre à un bailleur social de saisir le juge aux fins de résiliation du bail en cas d’agissements en lien avec du trafic de stupéfiants par l’occupant, qui trouble de ce fait l’ordre public [74]. Cette possibilité est également prévue à l’égard des bailleurs privés ; en l’absence de réponse du bailleur, le préfet peut agir devant le juge civil pour demander la résiliation du bail [75].
Contrôles administratifs de certaines activités. Plus généralement et sans être exhaustif sur ces aspects, le législateur souhaite renforcer certains contrôles administratifs relatifs à l’accès à des lieux ou des activités sensibles en matière de criminalité organisée. Ainsi, les enquêtes administratives existantes concernant les personnes entendant exercer des emplois publics ou privés relevant du domaine de la sécurité et de la défense sont étendues aux emplois exposant leurs titulaires à des risques de corruption ou de menaces liées à la criminalité organisée [76]. Des mesures plus spécifiques sont également prévues, comme l’exigence d’autorisation, délivrée à la suite d’une enquête administrative pour accéder à certaines zones d’un port ou d’une installation portuaire [77], ou une exigence d’habilitation pour accéder au système d’information ou d’exploitation des ports [78]. L’introduction sans autorisation dans une enceinte portuaire constituera alors un délit [79]. Il est également prévu une habilitation pour les professionnels de l’automobile pour pouvoir effectuer des opérations d’immatriculation [80].
Obligations imposées pour la prévention. Le législateur élargit les cas d’obligations de retrait de contenus en ligne : limitées jusque-là aux contenus terroristes et pédopornographiques, elles s’appliqueront également à la cession et à l’offre de stupéfiants. Le Conseil a validé cela, mais a précisé qu’une injonction de retrait ne peut être émise qu’en cas d’illégalité manifeste du contenu [81]. La loi précise par ailleurs les modalités particulières du recours contre une telle injonction, qui est possible devant le président du tribunal administratif dans un délai de quarante-huit heures, à compter de la réception de la demande ou de l’information du fournisseur, et il doit être statué dans les soixante-douze heures sur cette demande. L’appel, qui peut être interjeté dans les dix jours, doit donner lieu à une décision dans le délai d’un mois [82]. Une toute autre forme d’obligation pour la prévention d’infractions de criminalité organisée est celle qui pèsera sur les autorités portuaires de certains ports, qui pourront être tenus de collecter certaines informations relatives aux navires de plaisance [83]. Certains nouveaux professionnels sont en outre assujettis aux obligations de vigilance contre le blanchiment, parmi lesquels les marchands de biens et promoteurs immobiliers, les loueurs de véhicules automobiles, de navires de plaisance ou d’aéronefs [84].
Censure des principales mesures relatives au renseignement. Le législateur a également entendu renforcer les pouvoirs des services de renseignement dans le cadre de la prévention de la criminalité organisée [85]. Il a ainsi voulu permettre l’analyse algorithmique des données de connexion en matière de prévention de la criminalité organisée. Cette mesure, d’ores et déjà permise en matière de prévention du terrorisme et de protection de l’indépendance nationale des intérêts majeurs de la politique étrangère, a été censurée par le Conseil constitutionnel : son encadrement est insuffisant pour ne pas porter une atteinte excessive à la vie privée, compte tenu de l’objectif très large de prévention de la criminalité et de la délinquance organisées [86]. Par la même occasion, le Conseil censure dans l’article L. 851-3 du Code de la sécurité intérieure N° Lexbase : L2260MNZ déjà en vigueur la possibilité de faire porter les traitements algorithmiques sur « les adresses complètes de ressources utilisées sur internet » [87]. De la sorte, le champ de l’analyse algorithmique déjà permise, notamment en matière de prévention du terrorisme, est restreint. D’autres éléments relatifs au renseignement ont également été censurés par le Conseil : il en va ainsi du droit d’accès par les services spécialisés de renseignement aux informations contenues dans les fichiers de l’administration fiscale. En effet, le Conseil a considéré que les cas d’accès, les conditions de recueil et la durée de conservation des données étaient insuffisamment encadrés, causant une atteinte disproportionnée au droit à la vie privée [88].
Quelques éléments plus mineurs n’ont pas été censurés, comme le fait que l’autorisation pour s’introduire dans un lieu pour installer un dispositif de sonorisation, dans le cadre des activités de renseignement, vaut pour deux mois et non plus trente jours [89], ou encore la communication facilitée des renseignements collectés entre services de renseignement [90]. En outre, la possibilité pour les services de renseignement de recourir aux IMSI-catchers est prolongée du 31 juillet 2025 au 31 décembre 2028 [91].
Mesures de protection en matière pénitentiaire. Pour tenir compte de plusieurs événements récents, le législateur a cherché à renforcer la sécurité des transfèrements et extractions de détenus par la mise en place de caméras embarquées dans les véhicules du service pénitentiaire, avec possibilité de transmission en temps réel en cas de menace de la sécurité des agents [92]. Le Conseil constitutionnel a validé ces dispositions sous réserve qu’il ne soit procédé à aucun traitement de reconnaissance faciale, y compris par un système non installé sur les caméras [93] , et que soit assurée la traçabilité de toutes les consultations d’images [94]. Le législateur a également autorisé le recours à des drones par les services de l’administration pénitentiaire pour prévenir les atteintes aux personnes et aux biens dans les établissements, pour les surveiller et les protéger, pour assurer l’appui aux interventions de maintien de l’ordre dans les établissements, pour constater des infractions ou leur poursuite, ou pour la formation des agents [95]. Un encadrement spécifique est prévu, excluant sauf incident grave la captation d’images à l’intérieur des cellules. L’autorisation de recourir à des drones peut être donnée par le directeur interrégional des services pénitentiaires pour une durée maximale de trois mois renouvelables.
De manière tout à fait différente, il est également prévu des restrictions à l’installation d’antennes relais à proximité des établissements pénitentiaires : le chef d’établissement pénitentiaire doit en être informé et devra alors rendre un avis sur la compatibilité du projet avec le bon fonctionnement des dispositifs techniques de lutte contre la criminalité organisée déployés dans l’établissement, notamment les dispositifs de brouillage [96]. En somme, de très nombreuses dispositions de la loi ont cherché à répondre par des voies classiques au narcotrafic, notamment par le renforcement de la répression et sa spécialisation. Mais le législateur a aussi cherché plus particulièrement à améliorer le traitement du narcotrafic en renforçant la protection des personnes participant à la procédure.
II. Les réponses législatives axées sur la protection des personnes participant à la procédure
Il est apparu qu’en matière de narcotrafic, et plus largement en matière de criminalité organisée, la crainte de représailles constitue un obstacle au bon déroulement de la procédure et à la participation des personnes, qu’il s’agisse de particuliers, d’auxiliaires de justice ou d’agents de l’État. Le législateur a ainsi considérablement étendu l’anonymat des intervenants (A), mais a aussi développé des modalités particulières de concours des particuliers à la procédure (B).
A. L’extension de l’anonymat des personnes participant à la procédure
En matière de criminalité organisée, le risque de représailles semble constituer un obstacle majeur au bon déroulement de la procédure, conduisant à un besoin de protection des particuliers, auxiliaires de justice et fonctionnaires de justice. Cette protection passe par l’anonymat, et elle conduit à la protection de l’identité de toute une série d’intervenants à la procédure (1), mais aussi à la volonté de mettre en œuvre un dossier distinct, non accessible aux parties, pour y verser certaines pièces sensibles (2).
1) Le renforcement de l’anonymat par des méthodes classiques
Renforcement de la protection des témoins et victimes. La protection des témoins n’est pas une nouveauté, mais le législateur procède à un renforcement très large de ces dispositions. La loi commentée étend tout d’abord cette protection aux victimes, en prévoyant le même régime de protection à leur égard. En outre, la révélation de l’identité de la personne protégée est punie plus gravement lorsqu’il en est résulté des conséquences pour la personne protégée ou l’un de ses proches : sept ans d’emprisonnement en cas de violences et dix ans en cas de mort [97]. Il sera par ailleurs désormais possible pour les personnes protégées de bénéficier de l’anonymat lors de la comparution devant la juridiction de jugement, par le biais notamment d’un dispositif technique altérant sa voix et son apparence physique. Cette possibilité est subordonnée à une autorisation de la juridiction de jugement, rendue d’office ou à la demande de la personne concernée [98].
Élargissement de l’anonymat des agents. La présente loi renforce également la possibilité de recourir à l’anonymat pour les agents de la police nationale et de la gendarmerie nationale. L’article 15-4 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L2237MIP prévoit déjà la possibilité pour les agents, dans l’exercice de leurs fonctions, de ne pas être identifiés par leurs noms et prénoms, mais par un numéro d’immatriculation administrative. Cette possibilité est subordonnée à une autorisation délivrée nominativement par un responsable hiérarchique, en cas de risque pour sa vie, son intégrité ou celle de ses proches. Les juridictions d’instruction et de jugement ont accès à l’identité de l’agent et une requête peut leur être présentée pour que l’identité soit révélée. Cette révélation peut alors être refusée et il peut être statué sur une demande d’annulation sans procéder à cette révélation. La loi commentée prévoit ce même régime, mais applicable plus largement, en criminalité organisée [99]. Ainsi, tout agent affecté dans un service chargé des enquêtes en matière de criminalité organisée peut bénéficier de cet anonymat, sans avoir à faire état de risque pour sa vie ou son intégrité. Il peut également bénéficier de l’anonymat lors de sa comparution comme témoin devant les juridictions d’instruction ou de jugement. Comme avec l’article 15-4 N° Lexbase : L2237MIP, la révélation de l’identité de l’agent est constitutive d’un délit.
Protection de l’identité des autres intervenants à la procédure. La loi commentée étend cet anonymat à toute une série d’acteurs de la procédure, dans le cadre de la criminalité organisée. Il en va ainsi des interprètes, sur autorisation du procureur général [100] ; il en va également ainsi des agents de l’administration pénitentiaire témoins ou victimes d’une infraction de criminalité organisée, ou qui rédigent un rapport sur une personne détenue ou condamnée en matière de criminalité organisée. L’autorisation de recourir à l’anonymat est délivrée par le chef d’établissement ou par le directeur du service pénitentiaire d’insertion et de probation compétent [101]. Plus généralement, même en dehors d’une procédure pénale, un agent de l’administration pénitentiaire pourra bénéficier de cette protection lorsque la révélation de son identité est susceptible de mettre en danger sa vie ou son intégrité, ou celles de ses proches [102]. La loi commentée prévoit également l’anonymat, en matière de criminalité organisée, à l’égard des professionnels accompagnant les mineurs dans le cadre d’une procédure pénale [103]. Mais dans ce dernier cas, contrairement aux autres cas précédents où la révélation de l’identité est constitutive d’un délit, les conséquences de la révélation de l’identité ne sont pas précisées.
2) Le renforcement de l’anonymat par le dossier coffre
La création du « dossier coffre ». Afin de renforcer encore davantage la protection des agents qui interviennent dans la procédure, le législateur a imaginé ce qu’il a appelé le « dossier coffre ». Il s’agit, en matière de criminalité organisée, de permettre que ne soient pas versées au dossier de la procédure certaines informations relatives à la mise en œuvre d’une technique spéciale d’enquête. Cette possibilité est limitée au cas où la divulgation des informations contenues est « de nature à mettre gravement en danger la vie ou l’intégrité physique d’une personne », et est subordonnée à une autorisation du JLD saisi par le procureur de la République ou le juge d’instruction [104]. Il s’agit concrètement de ne pas verser au dossier de la procédure les informations en question, lesquelles seront versées dans un dossier distinct, non accessible aux parties, mais accessible uniquement par le juge d’instruction, le JLD et le procureur de la République. Les informations qui peuvent être concernées sont de deux ordres : d’une part, les informations relatives à la date, à l’heure et au lieu de la mise en place des dispositifs techniques d’enquête, et, d’autre part, et plus largement, les informations permettant d’identifier une personne ayant concouru à l’installation ou au retrait du dispositif technique. La requête du magistrat qui a saisi le JLD est également versée au dossier distinct, tandis que la décision du JLD est versée au dossier de la procédure. L’idée est ici qu’au-delà de la possibilité pour les agents de dissimuler leur identité dans la procédure, il convient de ne pas préciser la date et l’heure d’installation qui pourraient donner des indications sur l’identité de la personne qui est à l’origine de l’installation du dispositif. La divulgation des informations figurant dans le dossier distinct est passible des peines prévues par l’article 431-13 du Code pénal N° Lexbase : L1908AMM.
Droits de la défense et dossier coffre. Cependant, contrairement à la question de l’anonymat des intervenants à la procédure, où il est toujours possible de connaître la qualité de la personne en question, le dossier coffre pose des problèmes bien plus grands en matière d’exercice des droits de la défense. En effet, sans avoir connaissance de la date et des modalités de mise en place du dispositif, il n’est pas possible pour les parties d’en contester utilement la régularité. Pour cette raison, il a été prévu la possibilité pour les parties de contester le recours à la procédure du dossier coffre : le législateur a prévu un délai de dix jours « à compter de la date à laquelle il lui a été donné connaissance de la technique spéciale d’enquête » [105]. Le Conseil constitutionnel a précisé, dans une réserve d’interprétation, que le délai ne peut pas commencer à courir avant que la décision du JLD de recourir à la procédure du dossier coffre n’ait été portée à la connaissance de la partie [106]. Ce recours est présenté au président de la chambre de l’instruction, qui peut renvoyer la demande à la chambre de l’instruction si la complexité du dossier le justifie. La décision rendue n’est alors pas susceptible de pourvoi en cassation. Le Conseil constitutionnel a en outre précisé que le recours au dossier coffre doit pouvoir également être contesté par le biais d’une requête en nullité sur le fondement des articles 170 et suivants N° Lexbase : L0918DYN [107]. Cela permet donc de pouvoir exercer un recours au-delà du délai de dix jours, dans les délais ordinaires des requêtes en nullité.
Utilisation des éléments recueillis. Le législateur a prévu en tant que principe qu’aucune condamnation ne peut être prononcée sur le fondement des éléments recueillis au cours d’une technique spéciale d’enquête s’il a été recouru à la procédure du dossier coffre, sauf si la requête et le procès-verbal reprenant les informations initialement dans le dossier coffre sont versés au dossier de la procédure [108]. En d’autres termes, tant que les informations sur la mise en œuvre de la technique spéciale d’enquête ne sont pas portées à la connaissance des parties par leur versement au dossier de la procédure, les éléments recueillis et figurant quoi qu’il en soit au dossier ne peuvent pas, en tout ou partie, fonder une condamnation.
Cependant, le législateur avait prévu une exception : le JLD aurait pu autoriser, à titre exceptionnel, que les éléments recueillis fondent une condamnation sans versement au dossier des informations figurant dans le dossier distinct. Cette possibilité était relativement encadrée comme ne pouvant avoir lieu qu’à titre exceptionnel, hors les cas où la connaissance des informations est nécessaire à l’exercice des droits de la défense, et seulement si la divulgation présenterait un risque « excessivement grave pour la vie ou l’intégrité physique d’une ou de plusieurs personnes ». Là encore, un recours contre une telle décision du JLD était prévu. Cependant, le Conseil constitutionnel a censuré cette disposition, puisqu’elle aurait permis de condamner une personne sur le fondement d’éléments dont elle n’aurait pas été en mesure de contester les conditions de recueil, ce qui est contraire au principe du respect des droits de la défense [109]. En somme, le dossier coffre n’a pas été intégralement censuré, mais sa disposition la plus controversée, qui permettait de fonder une condamnation sur des éléments dont les parties ne sont pas en capacité de contester les conditions de recueil, a été censurée. Il n’en reste pas moins que si la condamnation ne peut pas se fonder sur les éléments recueillis à l’occasion de la technique spéciale d’enquête, sauf versement au dossier des informations dissimulées, rien ne devrait empêcher les enquêteurs de se fonder sur des actes qui ont pour support les éléments recueillis de la sorte. En effet, il ne serait pas possible d’obtenir l’annulation par voie de conséquence de tels actes qui ont pour support nécessaire la technique spéciale d’enquête si les informations utiles pour contester sa mise en œuvre ne sont pas connues. Les droits de la défense ne sont ainsi pas complètement préservés.
B. L’implication renforcée des particuliers participant à la procédure
La loi narcotrafic entend renforcer par des moyens en partie nouveaux la participation des particuliers à une procédure. En effet, au-delà du témoignage que peut apporter un particulier, le législateur entend renforcer leur participation par la création du statut de collaborateur de justice, qui va de pair avec un renforcement du statut des repentis (1), mais aussi par la création plus surprenante de l’infiltration civile (2).
1) Le statut de collaborateur de justice pour certains repentis
Renforcement du régime des repentis. La loi commentée élargit tout d’abord le régime et le statut de repenti. En premier lieu, le législateur cherche à accroître l’attractivité du statut de repenti : l’exemption de peine est désormais possible, lorsque la loi le prévoit spécialement, dès lors que l’intéressé a permis d’éviter la réalisation de l’infraction ; il n’est plus exigé que sa révélation permette d’identifier les coauteurs ou complices. Par ailleurs, toujours dans les cas prévus par la loi, lorsque la révélation de l’intéressé a permis non pas d’éviter l’infraction, mais de la faire cesser, d’éviter la réalisation d’un dommage ou d’identifier les auteurs ou complices, la peine est réduite non plus de moitié mais des deux tiers [110]. En second lieu, le législateur étend les cas d’application du statut de repenti, en le prévoyant pour le trafic de stupéfiants [111] et en prévoyant la diminution de peine pour l’association de malfaiteurs, pour lequel seule l’exemption était déjà prévue [112].
Possible révocation de l’exemption ou de la réduction de peine. Cependant, pour éviter que ce régime protecteur ne soit attribué à mauvais escient, un nouvel article 132-78-1 du Code pénal N° Lexbase : L9922M9D prévoit la possibilité d’une révocation dans les dix ans qui suivent la décision en matière de délit ou dans les vingt ans en matière de crime. La révocation sera possible dans deux cas : soit en cas de caractère mensonger ou volontairement incomplet des déclarations, soit en cas de commission d’un nouveau crime ou délit. En prévision d’une telle révocation, la juridiction de jugement qui attribue le statut de repenti fixe la durée d’emprisonnement encourue le cas échéant, qui pourra alors être mise à exécution par le tribunal de l’application des peines.
Statut de collaborateur de justice. Dans le prolongement de l’extension du statut de repenti, le législateur crée le statut de collaborateur de justice, dont peuvent bénéficier les repentis. Jusqu’à présent, ils pouvaient bénéficier d’une identité d’emprunt, ainsi que de mesures de protection et de réinsertion [113]. Le statut de collaborateur de justice vise à accroître cette protection ainsi qu’à prévoir un encadrement plus strict des obligations. Seuls les repentis pourront bénéficier du statut de collaborateur de justice, sans que cela ne soit obligatoire. Cela permettra au repenti de bénéficier, en plus de l’exemption ou de la diminution de peine, d’une protection, subordonnées au respect d’obligations [114]. Le bénéfice de ce statut peut être subordonné à une évaluation de la personnalité et de l’environnement de la personne. Dans tous les cas, il revient au procureur de la République ou au juge d’instruction de procéder ou de faire procéder au recueil des déclarations de la personne si ses déclarations sont déterminantes [115]. Il convient alors de vérifier le caractère sincère, complet et déterminant des déclarations recueillies par procès-verbal distinct, et de recueillir l’avis de la Commission nationale de protection et de réinsertion prévue par l’article 706-63-1 N° Lexbase : L9997M97 [116]. Une convention est en outre conclue entre le magistrat et l’intéressé, par laquelle ce dernier s’engage à répondre aux convocations délivrées dans le cadre de la procédure et à ne pas commettre de nouveau crime ou délit. Ce n’est qu’à l’issue de ces différentes étapes que le procureur de la République ou le juge d’instruction peuvent saisir la chambre de l’instruction qui pourra décider d’octroyer le statut de collaborateur de justice. Assez étonnamment, la décision rendue par la chambre de l’instruction pourra faire l’objet d’un appel dans les dix jours devant la même chambre de l’instruction autrement composée [117].
Avantages et obligations découlant du statut. Le statut entraîne pour celui qui en bénéficie des mesures avantageuses. Ainsi, la juridiction de jugement sera tenue d’octroyer au repenti l’exemption ou la réduction de peine, sauf révocation du statut ou élément nouveau faisant apparaître le caractère mensonger ou volontairement incomplet des déclarations de l’intéressé, ou en cas de commission d’un nouveau crime ou délit [118]. Le collaborateur de justice pourra comme auparavant bénéficier d’une identité d’emprunt, et il pourra en outre désormais être autorisé par la chambre de l’instruction à comparaître de manière anonyme à tous les stades de la procédure [119] et à déclarer comme domicile l’adresse de son avocat ou d’un service du ministère de l’Intérieur [120]. L’intéressé bénéficiera également de mesures de protection et de réinsertion qui seront convenues et dont le suivi sera assuré par la Commission nationale de protection et de réinsertion. En contrepartie de l’octroi de ce statut protecteur, le maintien du statut de collaborateur de justice est subordonné à l’exigence de sincérité et de complétude des déclarations effectuées, et à l’absence de commission d’un nouveau crime ou délit. Si ces exigences ne sont pas respectées, la chambre de l’instruction, saisie par le procureur de la République ou par le juge d’instruction, peut révoquer le statut [121]. La mise à exécution de la peine prévue à l’article 132-78-1 du Code pénal N° Lexbase : L9922M9D peut alors être prononcée par le tribunal de l’application des peines.
Bilan du statut. L’objectif du statut de collaborateur de justice est bien évidemment d’inciter les personnes impliquées dans des faits, notamment de criminalité organisée, de faire des révélations aux autorités, afin de mettre fin à ces infractions et d’identifier les coauteurs ou complices. Le statut de collaborateur de justice permet un régime de protection plus développé que ce qui découlait auparavant du seul statut de repenti. Pour éviter un effet d’aubaine et une mauvaise foi de la personne, le bénéfice du statut de repenti, comme le statut de collaborateur de justice, pourront être révoqués. L’articulation entre le statut de repenti et celui de collaborateur de justice aurait cependant probablement gagnée à être clarifiée, le statut de repenti n’étant pas subordonné dans les textes à l’octroi du statut de collaborateur de justice.
2) La participation active des particuliers à la procédure
Enchevêtrement de statuts. En plus de créer le statut de collaborateur de justice qui peut bénéficier aux repentis, le législateur crée par la loi commenté un véritable statut d’informateur. Il peut y avoir à première vue un enchevêtrement de statuts entre celui de collaborateur de justice, dont peuvent bénéficier les repentis, et celui d’informateur, qui peut conduire ce dernier à participer à une infiltration civile. Il apparaît cependant y avoir une différence de degré : le repenti est celui qui fait des révélations en contrepartie d’une protection, et d’une exemption ou d’une réduction de peine, tandis que l’informateur est celui qui, par un rôle plus actif, fournit plus ou moins régulièrement des informations à l’autorité judiciaire. L’enchevêtrement peut cependant bien exister, puisque l’informateur peut bénéficier du statut de repenti, ce que la loi prévoit expressément lorsque l’informateur participe à une infiltration civile [122].
La codification du statut d’informateur. Le législateur consacre dans le Code de procédure pénale le statut d’informateur : le nouvel article 15-6 N° Lexbase : L9938M9X prévoit la possibilité pour les services de police et de gendarmerie, ainsi que pour les agents de douanes, de rétribuer « toute personne étrangère aux administrations publiques qui leur a fourni des renseignements ayant amené directement soit la découverte de crimes ou de délits, soit l’identification des auteurs de crimes ou de délits ». Cela n’a rien de nouveau : en effet, l’article 15-1 de la loi n° 95-73, du 21 janvier 1995 N° Lexbase : L1655IEZ [123], lequel n’a jamais été codifié, prévoyait déjà cette possibilité. Son intégration dans le Code de procédure pénale est bien plus cohérente et assure une meilleure accessibilité de cette règle. Au-delà, la loi commentée va assurer un encadrement plus précis du rôle de l’informateur. Ainsi, il sera désormais prévu que les informations permettant de déterminer que les informateurs ont concouru à l’enquête ou de les identifier n’apparaîtront pas dans le dossier de la procédure. De plus, le recueil des informations devra se faire par un agent habilité spécialement formé et il est expressément prévu qu’il ne devra y avoir aucune provocation à l’infraction. Le législateur prévoit expressément à cet égard que la poursuite d’une infraction déjà préparée ou débutée au moment où le recueil de renseignement est consenti ou sollicité ne constitue pas une provocation à l’infraction [124]. Certains arrêts sont déjà allés dans ce sens : même si l’informateur devient un intermédiaire de l’autorité publique, il ne provoque pas à l’infraction lorsqu’il donne des renseignements permettant la poursuite d’une infraction déjà préparée [125].
La création de l’infiltration civile. Enfin, le législateur a créé l’infiltration civile, à laquelle peuvent participer les informateurs majeurs. L’idée même de l’infiltration civile peut questionner, tant il s’agit de faire participer activement un particulier, qui n’a rien d’un auxiliaire de justice, à un acte d’enquête. La nécessité même de cette création et les cas effectifs de recours à ce statut peuvent également interroger, tant il peut apparaître risqué de faire participer activement un civil à une opération d’infiltration. D’un autre côté, des informateurs pouvaient déjà avoir un rôle s’apparentant parfois à un infiltré civil, de sorte que cette création permet de mieux encadrer de tels procédés.
La mise en œuvre de l’infiltration civile. L’infiltration civile ne sera possible que pour les crimes et délits prévus par l’article 706-73 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L0006NAH. De manière assez surprenante, seul le procureur de la République anti-criminalité organisée pourra autoriser l’infiltration civile des informateurs, que ce soit durant une enquête ou une information judiciaire [126]. L’informateur devra faire l’objet d’une évaluation par un service du ministère de l’Intérieur, afin d’évaluer la personnalité et l’environnement de la personne. Une convention devra alors être conclue entre le procureur et l’informateur, qui encadrera le déroulement de l’infiltration. La convention devra déterminer toute une série d’éléments importants de l’infiltration. Tout d’abord, elle devra préciser les délits auxquels peut participer l’infiltré civil sans en être pénalement responsable. Si cela est prévu pour l’infiltration « ordinaire » [127], la liste des délits est moins précisément délimitée pour l’infiltration civile. La loi prévoit ainsi qu’il ne peut pas s’agir de crimes, ni de délits de violences volontaires contre les personnes « ou des infractions plus graves que celles dont la recherche a justifié l’autorisation de l’opération » [128]. Le Conseil constitutionnel a émis une réserve d’interprétation, pour préciser qu’il ne peut pas non plus s’agir d’autres formes d’atteinte à l’intégrité ou d’agressions sexuelles, et qu’il ne peut s’agir que de délits qui relèvent de la délinquance organisée, réduisant ainsi drastiquement les infractions qui peuvent être commises [129]. La convention doit également prévoir la durée de la mesure, la rétribution accordée et les réductions de peines éventuellement applicables dans le cadre du régime des repentis, et les mesures de protection et de réinsertion dont la personne bénéficiera. Parmi ces mesures de protection figure la possibilité de faire usage d’une identité d’emprunt, et de comparaître tout au long de la procédure dans des conditions qui respectent son anonymat sur décision de la chambre de l’instruction. Lorsque l’infiltration arrive à son terme ou est interrompue, l’infiltré civil peut poursuivre pendant un temps les opérations d’infiltration sans en être pénalement responsable, afin de garantir sa sécurité et celle de ses proches, sur autorisation du procureur.
Contrôle du déroulement de l’infiltration civile. L’infiltration civile devra se dérouler sous le contrôle du procureur de la République anticriminalité organisée, et sous la supervision d’un officier de police judiciaire qui rédigera un rapport. Le procureur pourra mettre un terme aux opérations à tout moment et il pourra également révoquer les avantages dont bénéficie l’informateur en cas de commission d’un délit non prévu par la convention. Il est prévu que s’il apparaît, dans le délai de dix ans à compter du jour où l’opération d’infiltration a pris fin, le caractère mensonger ou volontairement incomplet des déclarations faites par l’informateur, si ce dernier commet une nouvelle infraction ou s’il ne respecte pas une obligation prévue dans la convention, le tribunal de l’application des peines pourra mettre à exécution la peine prévue dans le cas où la personne a bénéficié du statut de repenti, et le tribunal devra ordonner le remboursement total ou partiel des rétributions perçues. Il faut à cet égard relever que le législateur n’a ici pas fait de distinction entre les crimes et les délits, avec un délai de dix ans applicable dans tous les cas, alors que l’article 132-78-1 du Code pénal N° Lexbase : L9922M9D prévoit un délai de dix ans pour les délits et de vingt ans pour les crimes pour la révocation du statut. Cette différence est inexplicable, alors même qu’il s’agit ici de révoquer le statut de repenti dont l’infiltré a bénéficié.
Conclusion. En arrivant au terme de la présentation de cette loi et alors qu’il n’a pas été possible de tout analyser dans le détail, on perçoit la volonté qu’a eue le législateur de se saisir du phénomène du narcotrafic par des procédés très variés, de la prévention à la répression, par des mesures touchant à de multiples pans de notre droit. L’ambition initiale a été quelque peu modérée, mais de nombreuses mesures contestées ont été adoptées, avec des censures peu nombreuses du Conseil constitutionnel. Il reste maintenant à savoir si ces mesures seront suffisantes pour atteindre le but que s’est assigné le législateur au travers du titre de cette loi, ou si le piège de mesures, pour certaines difficilement applicables, va se refermer sur le législateur.
[1] V. à ce sujet, E. Blanc et J. Durain, Narcotrafic : la puissance publique doit se mettre au niveau pour lutter à armes égales, Dr. pén., 2025, entretien 1.
[2] Cons. const., décision n° 2025-885 DC, du 12 juin 2025 N° Lexbase : Z349376I.
[3] J. Durain et E. Blanc, Rapport fait au nom de la commission d’enquête sur l’impact du narcotrafic en France et les mesures à prendre pour y remédier, Sénat, 7 mai 2024.
[4] C. pén., art. 222-43-2.
[5] Cons. const., 12 juin 2025, préc., § 179 s N° Lexbase : Z349376I.
[6] C. pén., art. 222-37-1 N° Lexbase : L9925M9H.
[7] V. not. C. pén., art. 222-44-2 N° Lexbase : L9913M9Z
[8] C. pén., art. 131-30-3 N° Lexbase : L9985M9P.
[9] C. pén., art. 222-38 N° Lexbase : L2181AMQ.
[10] C. pén., art. 321-6, al. 3 N° Lexbase : L6140HHU.
[11] C. pén., art. 132-4 N° Lexbase : L2256AMI.
[12] Outre l’évasion ou la rébellion, la loi prévoit d’autres exceptions, telles que le cumul des peines, pour le délit d’usurpation d’identité, avec les peines prononcées pour les infractions commises sous l’identité usurpée (C. pén., art. 434-23 N° Lexbase : L1757AMZ) ou encore le refus d’obtempérer avec les autres infractions commises avec le véhicule (C. route, art. L233-1 N° Lexbase : L8140MAQ).
[13] C. pén., art. 434-31 N° Lexbase : L1925AMA.
[14] C. pén., art. 433-9 N° Lexbase : L1788AM8.
[15] Puni au maximum de dix ans : C. pén., art. 434-30, al. 2 N° Lexbase : L0479DZR.
[16] Ainsi, si la personne, à l’occasion ou à la suite de son évasion, commet d’autres infractions, la limitation au maximum légal s’applique : Cass. crim. 26 mai 1992, n° 91-84.137 N° Lexbase : A0650ABP.
[17] Infractions visées aux articles 706-73 N° Lexbase : L0006NAH et 706-73-1 N° Lexbase : L0007NAI.
[18] C. pén., art. 434-35 N° Lexbase : L2699MCX : cet acte-là est puni d’une peine de six mois d’emprisonnement, tandis que la peine d’un an est toujours prévue pour la pénétration au sein de l’établissement.
[19] Cass. crim., 15 février 2023, n° 22-81.326, FS-D N° Lexbase : A46549DQ, AJ pénal, 2023, p. 184, obs. J.-C. Michard ; v. à ce sujet E. Dezeuze, N. Barret, S. Olivier et M. Segonds, La présomption de blanchiment : quelle réception en pratique ?, AJ pénal, 2024, p. 194.
[20] J. Durain et E. Blanc, Rapport fait au nom de la commission d’enquête sur l’impact du narcotrafic en France et les mesures à prendre pour y remédier, préc., p. 426.
[21] CPP, art. 706-73, 1° à 10°, et 12° à 14° N° Lexbase : L0006NAH.
[22] V. not. Cass. crim., 9 juin 2022, n° 21-80.237, FS-B N° Lexbase : A793074H, Dr. pénal, 2022, comm. 138, obs. Ph. Conte ; AJ pénal 2022, p. 429, obs. H. Génin et D. Sénat. Cet arrêt rappelle que l’organisation structurée, exigée pour la circonstance aggravante de bande organisée, n’est pas exigée pour la qualification d’association de malfaiteurs.
[23] Cons. const., 12 juin 2025, préc., § 171 s N° Lexbase : Z349376I.
[24] C. pén., art. 227-18-2 N° Lexbase : L9989M9T.
[25] V. sur cet aspect B. Guillaumin, L’activation à distance des appareils électroniques en clair-obscur, AJ pénal, 2023, p. 289 ; C. Le Roux, Regard critique sur l’activation à distance d’un appareil électronique, Lexbase Pénal, mai 2024 N° Lexbase : N9177BZW.
[26] Cons. const., décision n° 2023-856 DC, du 16 novembre 2023, § 68 N° Lexbase : A61391ZE.
[27] Délits prévus aux articles 322-6-1 N° Lexbase : L4916K8L et 322-11-1 N° Lexbase : L4915K8K du Code pénal et à l’article L. 317-7 du Code de la sécurité intérieure N° Lexbase : L4912K8G.
[28] Cons. const., 12 juin 2025, préc., § 319 N° Lexbase : Z349376I.
[29] Cons. const., 12 juin 2025, préc., § 330 N° Lexbase : Z349376I.
[30] CPP, art. 706-95-20, III N° Lexbase : L9957M9N.
[31] CPP, art. 706-81 N° Lexbase : L0011NAN.
[32] Cons. const., 12 juin 2025, préc., § 443 N° Lexbase : Z349376I ; v. déjà sur ce point, en matière d’escroquerie, Cons. const., décision n° 2013-679 DC, 4 décembre 2013 N° Lexbase : A5483KQ7.
[33] Cass., ass. plén., 9 décembre 2019, n° 18-86.767 N° Lexbase : A3135Z7A.
[34] CPP, art. 706-88-2 N° Lexbase : L0013NAQ.
[35] Cons. const., 12 juin 2025, préc., § 218 s N° Lexbase : Z349376I.
[36] C. douanes, art. 64-1 s N° Lexbase : L9965M9X.
[37] C. douanes, art. 344-5 N° Lexbase : L9973M9A.
[38] C. douanes, art. 67 bis-6 N° Lexbase : L0030NAD.
[39] C. douanes, art. 67 bis-5 N° Lexbase : L2279MIA.
[40] C. douanes, art. 67 sexies N° Lexbase : L9972M99.
[41] V. CPP, art. 145-1, al. 2 N° Lexbase : L3227MKQ in fine, qui reste curieusement inchangé.
[42] CPP, art. 148, al. 3 N° Lexbase : L4989K8B.
[43] V. Assemblée nationale, Rapport sur la proposition de loi, adoptée par le Sénat, après engagement de la procédure accélérée, visant à sortir la France du piège du narcotrafic, 7 mars 2025 ; v. aussi E. Vergès, Les interstices de la procédure pénale : à propos de la purge des nullités, RSC, 2025, p. 127.
[44] Assemblée nationale et Sénat, Rapport de la Commission mixte paritaire chargée de proposer un texte les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic, n° 1277, déposé le jeudi 10 avril 2025.
[45] Amendement n° 256 adopté par le Sénat.
[46] CPP, art. 198 N° Lexbase : L9943M97.
[47] Art. 64, XII, C.
[48] Cass. crim. 11 septembre 2019, n° 18-83.484, AJ pénal, 2019, 498, note J. Lasserre Capdeville ; RTD com., 2020, 506, obs. L. Saenko ; Dr. Pénal, 2019, comm. 181, note Ph. Conte ; JCP E, 2020, 1006, note R. Salomon.
[49] Loi n° 2013-1117 du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière N° Lexbase : L5728MSX.
[50] Loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice N° Lexbase : L6589MST.
[51] CPP, art. 706-74-1 N° Lexbase : L0291NAZ.
[52] CPP, art. 706-74-1 et s.
[53] CPP, art. 706-74-2 N° Lexbase : L0292NA3.
[54] CPP, art. 242-1 N° Lexbase : L0004NAE.
[55] CPP, art. 706-75-3 N° Lexbase : L0009NAL.
[56] Art. 3, II et art. 64, XII, B.
[57] V. M. Herzog-Evans, Loi pénitentiaire n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 : changement de paradigme pénologique et toute puissance administrative, D., 2010, p. 31 ; v. C. pénit., art. L. 224-1 N° Lexbase : L0238NA3.
[58] C. pénit., art. L. 224-8 N° Lexbase : L0245NAC.
[59] Cons. const., 12 juin 2025, préc., § 553 N° Lexbase : Z349376I.
[60] Ibid., § 554 N° Lexbase : Z349376I.
[61] CE, 26 septembre 2012, Théron, n° 359479, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A6405ITE, AJDA, 2012, p. 1826 ; CE, 9/10 ch., 30 janvier 2019, n° 416999 N° Lexbase : A6319YUL, AJDA, 2019, p. 257.
[62] C. pénit., art. L. 224-8, al. 2 et 3 N° Lexbase : L0245NAC.
[63] On peut à tout le moins saluer le fait de ne pas avoir procédé par ajout à l’article 706-71 N° Lexbase : L6581MGT, devenu monstrueusement illisible au fil des extensions des cas de recours à la visioconférence.
[64] Il en va de même pour la comparution devant une JIRS pour le contentieux de la détention provisoire ; CPP, art. 706-79-2 N° Lexbase : L3333MKN.
[65] V. Cons. const., décision n° 2019-778 DC, du 21 mars 2019, § 234N° Lexbase : A5079Y4U ; Cons. const., décision n° 2019-802 QPC, du 20 septembre 2019, § 15 N° Lexbase : A8596ZNP ; Cons. const., décision n° 2020-872 QPC, du 15 janvier 2021, § 10 N° Lexbase : A47574C8 ; Cons. const., décision n° 2023-855 DC, du 16 novembre 2023, § 78 s. N° Lexbase : A61401ZG.
[66] Cons. const., 12 juin 2025, préc., § 484 s. N° Lexbase : Z349376I.
[67] CSI, art. L221-1 s. N° Lexbase : L5225ISC.
[68] C. monétaire et financier, art. L562-2-2 N° Lexbase : L9975M9C.
[69] CSI, art. L333-2 N° Lexbase : L0204NAS.
[70] CSI, art. L132-3-1 N° Lexbase : L0261NAW.
[71] CSI, art. L333-3 N° Lexbase : L0341NAU.
[72] Cons. const., 12 juin 2025, préc., § 45 et 46 N° Lexbase : Z349376I.
[73] CSI, art. L22-11-1 N° Lexbase : L0201NAP.
[74] CCH, art. L. 442-4-3 N° Lexbase : L0319NA3.
[75] Loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs, art. 9-2 N° Lexbase : Z44695XE.
[76] CSI, art. L114-1 N° Lexbase : L3844MI9.
[77] C. transports, art. L5332-16 N° Lexbase : L9421L3C.
[78] C. transports, art. L5332-17 N° Lexbase : L9422L3D.
[79] C. transports, L. 5336-10 s. N° Lexbase : L0358NAI.
[80] C. route, art. L. 330-1-1 N° Lexbase : L0207NAW.
[81] Cons. const., 12 juin 2025, préc., § 253 N° Lexbase : Z349376I.
[82] Loi n° 2004-575, du 21 juin 2004, sur la confiance dans l’économie numérique, art. 6-1, II N° Lexbase : L2600DZC.
[83] CSI, art. L232-9 N° Lexbase : L0045NAW.
[84] C. mon. fin., art. L561-2 N° Lexbase : L0861MRC.
[85] Visée depuis sa création en 2015 par l’article L811-3 du Code de la sécurité intérieure N° Lexbase : L4942KKA comme intérêt fondamental permettant la mise en œuvre de certaines techniques de renseignement.
[86] Cons. const. 12 juin 2025, préc., § 127 s. N° Lexbase : Z349376I.
[87] Ibid., § 131 N° Lexbase : Z349376I.
[88] Ibid., § 66 N° Lexbase : Z349376I.
[89] CSI, art. L853-3, III N° Lexbase : L0048NAZ.
[90] CSI, L822-3 N° Lexbase : L4236L7Z.
[91] Loi n° 2021-998, du 30 juillet 2021, relative à la prévention d’actes de terrorisme et au renseignement, art. 13, II N° Lexbase : Z40990XE.
[92] C. pénit., art. L223-26 s. N° Lexbase : L0234NAW
[93] Cons. const., 12 juin 2025, préc., § 512 N° Lexbase : Z349376I.
[94] Ibid., § 520 N° Lexbase : Z349376I.
[95] C. pénit., art. L223-21 N° Lexbase : L0233NAU.
[96] V. CPCE, art. L34-9-1 N° Lexbase : L1590L9R.
[97] CPP, art. 706-59 N° Lexbase : L2439DGG et 706-62-1 N° Lexbase : L4764K8X.
[98] CPP, art. 706-62-2 N° Lexbase : L0558LTT.
[99] CPP, art. 706-74-1, précité.
[100] CPP, art. 706-105-2 N° Lexbase : L0312NAS.
[101] CPP, art. 706-105-3 N° Lexbase : L0177NAS.
[102] C. pénit., art. L. 113-3-1 N° Lexbase : L0348NA7.
[103] CPP, art. 706-105-4 N° Lexbase : L0176NAR.
[104] CPP, art. 706-104 N° Lexbase : L9958M9P.
[105] CPP, art. 706-104-1 N° Lexbase : L9959M9Q.
[106] Cons. const., 12 juin 2025, préc., § 351 N° Lexbase : Z349376I.
[107] Ibid., § 353 N° Lexbase : Z349376I.
[108] CPP, art. 706-104-1, dern. al. N° Lexbase : L9959M9Q
[109] Cons. const., 12 juin 2025, préc., § 361 s. N° Lexbase : Z349376I.
[110] V. art. 31 de la loi.
[111] C. pén., art. 222-67-1 N° Lexbase : L9914M93.
[112] C. pén., art. 450-2, al. 2 N° Lexbase : L9994M9Z.
[113] CPP, art. 706-63-1 N° Lexbase : L9997M97.
[114] V. CPP, art. 706-63-1 A et s. N° Lexbase : L9950M9E.
[115] CPP, art. 706-63-1 B N° Lexbase : L9951M9G.
[116] CPP, art. 706-63-1 C N° Lexbase : L9952M9H.
[117] CPP, art. 706-63-1 D N° Lexbase : L0038NAN.
[118] CPP, art. 706-63-1 F N° Lexbase : L0039NAP.
[119] CPP, art. 706-63-2 N° Lexbase : L9998M98.
[120] CPP, art. 706-63-1-2 N° Lexbase : L9948M9C.
[121] CPP, art. 706-63-1 E N° Lexbase : L9953M9I.
[122] CPP, art. 706-87-1, I, al. 6 N° Lexbase : L9956M9M.
[123] Loi n° 95-73, du 21 janvier 1995 d’orientation et de programmation relative à la sécurité N° Lexbase : L1655IEZ.
[124] CPP, art. 230-54 N° Lexbase : L9946M9A.
[125] Cass. crim., 9 mai 2018, n° 17-86.558, FS-P+B N° Lexbase : A6249XME, S. Fucini, Infiltration : provocation à l’infraction et géolocalisation, Dalloz actualité, 29 mai 2018 [en ligne] ; Dr. pénal, 2018, comm. 156, obs. A. Maron et M. Haas : un informateur met en relation les membres d’un groupe criminel cherchant à importer des produits stupéfiants en France avec un agent infiltré, qui se fait passer pour un bagagiste susceptible de faire passer les bagages remplis de produits stupéfiants. La Cour de cassation n’y a pas vu de provocation à l’infraction, car l’informateur s’est contenté de mettre en relation les membres du groupe avec le bagagiste.
[126] CPP, art. 706-87-1 N° Lexbase : L9956M9M.
[127] CPP, art. 706-82 N° Lexbase : L5763DY4.
[128] CPP, art. 706-87-1, I, al. 4 N° Lexbase : L9956M9M.
[129] Cons. const., 12 juin 2025, préc., § 387 N° Lexbase : Z349376I.
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Réf. : Cass. soc., 19 mars 2025, n° 22-17.315, FP-B N° Lexbase : A503168T
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Le 25 Juin 2025
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Le 19 Juin 2025
Mots clés : droit de grève • liberté de circulation • libertés fondamentales • intérêt général • service minimum
À l’occasion des dernières grèves de la SNCF du début du moins de juin, même si elles se sont révélées moins suivies qu’escomptées par les syndicats de cheminots, s’est reposé le débat opposant la légitimité du droit de grève à celui de la liberté de se déplacer pour les vacanciers et les travailleurs. Pour refaire le point sur cette question, Lexbase a interrogé Bertrand-Léo Combrade, Professeur de droit public à l’Université de Poitiers et Pascal Caillaud, chargé de recherche CNRS*.
Lexbase : Pouvez-vous nous rappeler les modalités d'exercice du droit de grève définies par la Constitution ?
Bertrand-Léo Combrade et Pascal Caillaud : L’alinéa 7 du Préambule de la Constitution de 1946 prévoit que « [l]e droit de grève s'exerce dans le cadre des lois qui le réglementent » (alinéa 7). Cela signifie que le droit de grève a pleinement valeur constitutionnelle, sans pour autant être absolu. C’est au législateur qu’il revient d’en définir les modalités d’exercice, notamment les limites, voire les cas d’interdiction, comme des obligations de préavis ou de négociations préalables.
Le Conseil constitutionnel, qui peut être saisi pour apprécier la conformité à la Constitution des lois qui mettent en oeuvre le droit de grève, a ainsi précisé dans une décision du 28 juillet 1979 [1] que le législateur devait en particulier assurer la conciliation « entre la défense des intérêts professionnels, dont la grève est un moyen, et la sauvegarde de l’intérêt général auquel la grève peut être de nature à porter atteinte ». L’impératif de sauvegarde de l’intérêt général peut par exemple conduire à interdire le « droit de grève aux agents dont la présence est indispensable pour assurer le fonctionnement des éléments du service dont l’interruption porterait atteinte aux besoins essentiels du pays ».
Lexbase : Les Sages ont-ils déjà plus particulièrement statué concernant le domaine des transports ?
Bertrand-Léo Combrade et Pascal Caillaud : Oui, ils se sont prononcés dans le cadre de deux décisions majeures. Dans une décision du 16 août 2007 [2], ils ont considéré que le droit de grève n’était pas méconnu par une loi instituant, au sein des entreprises chargées d’une mission de service public de transport régulier de personnes à vocation non touristique, une procédure obligatoire de prévention des conflits et une obligation, pour certains salariés, d’indiquer 48 heures à l’avance leur intention de participer à la grève. Dans une décision du 15 mars 2012 [3], le Conseil constitutionnel a estimé que le droit de grève n’était pas non plus méconnu par une loi imposant à certains salariés du secteur du transport aérien de déclarer leur intention de faire grève 48 heures avant le début du mouvement social et de prévenir leur employeur 24 heures à l’avance de leur absence de participation à la grève. Dans ces décisions, les aménagements apportés au droit de grève ont été considérés comme ne portant pas une atteinte disproportionnée à celui-ci.
Lexbase : Serait-il possible d'instituer un véritable « service minimum », plus contraignant que celui créé en 2007 ?
Bertrand-Léo Combrade et Pascal Caillaud : C’est par abus de langage qu’on parle de « service minimum » dans les transports. À ce jour, il n’existe en effet aucun service minimum imposé aux agents. La loi n° 2007-1224 du 21 août 2007, sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs N° Lexbase : L5628MSA, impose seulement aux grévistes de se déclarer 48 heures à l’avance, ce qui permet aux opérateurs de transports (SNCF, RATP, etc.) de réagir en proposant une offre réduite plus ou moins régulière et prévisible par l’usager.
Un service minimum imposé aux agents des services publics consisterait à restreindre leur droit de grève en les contraignant à faire fonctionner un service public selon un mode plus ou moins réduit, et cela pour assurer l’effectivité du principe de continuité des services publics. Il s’agirait donc de concilier droit de grève (présent dans le Préambule de la Constitution) et continuité des services publics (principe tout aussi constitutionnel), dans la mesure où certains services publics sont indispensables à la continuité de la vie nationale. Une telle conciliation est peut-être envisageable dans le cadre de la mise en œuvre d’un véritable service minimum, mais la jurisprudence du Conseil constitutionnel est trop évasive pour en établir les contours.
Lexbase : Qu'en est-il de l'interdiction totale du droit de grève à certaines périodes de l'année ? À défaut, des réquisitions sont-elles envisageables ?
Bertrand-Léo Combrade et Pascal Caillaud : Actuellement, le nombre de professions privées du droit de grève en France est limité à certains agents publics tels les soldats et gendarmes, les membres des compagnies républicaines de sécurité (CRS), les policiers, les gardiens de prison et les services extérieurs de l’administration pénitentiaire, les magistrats de l’ordre judiciaire, les services des transmissions du ministère de l’Intérieur et les ingénieurs des études et de l’exploitation de l’aviation civile. De 1964 à 1984, les contrôleurs de la navigation aérienne ont également été privés du droit de grève avant que ne soit établi un régime de service minimum. Les personnels du secteur des transports entreraient-ils dans la catégorie définie par le Conseil constitutionnel comme celle des « agents dont la présence est indispensable pour assurer le fonctionnement des éléments du service dont l’interruption porterait atteinte aux besoins essentiels du pays » [4] ? Cela paraît peu probable.
Prenons l’exemple de l’interdiction de la grève pendant les vacances scolaires. La simple lecture du calendrier montre que celles-ci, toutes zones confondues, couvrent 20 semaines du calendrier, auquel s’ajoutent les cinq jours de « veille de vacances » et quatre jours fériés (8 mai, lundi de Pentecôte, jeudi de l’Ascension et 11 novembre) non inclus dans ces périodes. Sachant qu’un salarié du secteur des transports travaille 47 semaines par an (si l’on déduit ses 5 semaines de congés payés), c’est donc sur quasiment la moitié de l’année de travail que le droit de grève lui serait interdit. Cette limitation des conditions d’exercice du droit de grève ne serait-elle pas disproportionnée [5] au regard de l’objectif poursuivi par le législateur (qui est, on le rappelle, de protéger la liberté de circulation) ? Probablement. Moins étendue, l’interdiction de la grève dans les transports les jours fériés et lors des départs et retours de vacances soulève le même problème. Si l’ampleur des périodes de grève interdite est plus limitée, cela n’écarte pas la question de la proportion entre cette limitation du droit de grève et l’objectif de faciliter les départs et retours de vacances.
Un service minimum au sens strict (donc pas une obligation de se déclarer avec préavis), lorsqu’il a été prévu par un texte ou un accord, ou en raison d’impératifs de sécurité, pourra justifier des réquisitions d’agents grévistes par l’autorité. Ces dernières consistent à obliger un agent, même gréviste, à rejoindre son poste. Des réquisitions sont rendues possibles par le Code de la défense pour les besoins de la défense, par le Code de la santé publique pour « procéder aux réquisitions nécessaires de tous biens et services, et notamment requérir le service de tout professionnel de santé », par le Code de la sécurité intérieure pour assurer les secours, et surtout par le Code général des collectivités territoriales « en cas d’urgence, lorsque l’atteinte constatée ou prévisible au bon ordre, à la salubrité, à la tranquillité et à la sécurité publiques l’exige et que les moyens dont dispose le préfet ne permettent plus de poursuivre les objectifs pour lesquels il détient des pouvoirs de police ». Or, on ne voit pas en quoi l’absence de transports en commun créerait une « atteinte au bon ordre, à la salubrité, à la tranquillité et à la sécurité publiques » [6].
*Propos recueillis par Yann Le Foll, Rédacteur en chef de Lexbase Public
[1] Cons. const., décision n° 79-105 DC du 25 juillet 1979 N° Lexbase : A7991ACX.
[2] Cons. const., décision n° 2007-556 DC du 16 août 2007 N° Lexbase : A6455DXD.
[3] Cons. const., décision n° 2012-650 DC du 15 mars 2012 N° Lexbase : A7450IEN.
[4] Cons. const., décision n° 79-105 DC du 25 juillet 1979, préc.
[5] Cons. const., décision n° 2007-556 DC du 16 août 2007, préc.
[6] Pour en savoir plus, il est possible de consulter les articles publiés sur le site des Surligneurs, un média indépendant qui lutte contre la désinformation juridique : Pourrait-on interdire le droit de grève pendant les heures de pointe ?, 12 mai 2025 ; Vacances scolaires et jours feries : peut on interdire les grèves dans le secteur des transports ?, 11 février 2023 ; Une députée non inscrite propose que toute greve soit interdite dans le secteur des transports les veilles de vacances scolaires durant les vacances scolaires et les jours feriés, 11 février 2023.
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