Jurisprudence : Cass. crim., 13-05-2025, n° 24-80.261, F-D

Cass. crim., 13-05-2025, n° 24-80.261, F-D

A445909Z

Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2025:CR00592

Identifiant Legifrance : JURITEXT000051617782

Référence

Cass. crim., 13-05-2025, n° 24-80.261, F-D. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/119402969-cass-crim-13052025-n-2480261-fd
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N° M 24-80.261 F-D

N° 00592


ODVS
13 MAI 2025


REJET


M. BONNAL président,


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 13 MAI 2025



M. [H] [J] et la société [2] ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, chambre 5-1, en date du 20 novembre 2023, qui, pour infractions au code de l'environnement, a condamné, le premier, à 40 000 euros d'amende, la seconde, à 100 000 euros d'amende, a ordonné la publication de la décision et a prononcé sur les intérêts civils.

Les pourvois sont joints en raison de la connexité.


Un mémoire a été produit.

Sur le rapport de M. Coirre, conseiller, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de M. [H] [J] et la société [2], et les conclusions de M. Aubert, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 1er avril 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Coirre, conseiller rapporteur, M. Sottet, conseiller de la chambre, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre,


la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale🏛, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.


Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. La société [2] (la société) et son représentant légal, M. [H] [J], ont été poursuivis pour pratiques commerciales trompeuses et mise à disposition sur le marché, d'une part, d'un produit biocide non autorisé, d'autre part, d'une substance active biocide non approuvée.

3. Il leur était reproché d'avoir commercialisé, entre le 15 septembre 2016 et le 8 octobre 2019, des fumigènes taupicides dont l'autorisation de mise sur le marché à titre de produits phytopharmaceutiques avait été retirée en février 2015, en raison de leur substance active à base de soufre.

4. La direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes avait par ailleurs qualifié ces fumigènes de produits biocides, ne disposant que d'une homologation pyrotechnique.

5.Le tribunal correctionnel a relaxé les prévenus.

6. Le ministère public et une association de défense de l'environnement, partie civile, ont relevé appel de cette décision.


Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses première et troisième branches

7. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Sur le moyen, pris en ses deuxième, quatrième et cinquième branches

Enoncé du moyen

8. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [Aa] coupable des infractions de mise à disposition sur le marché d'un produit biocide non autorisé et de mise à disposition sur le marché d'une substance active biocide non approuvée, commises du 15 septembre 2016 au 8 octobre 2019, à [Localité 3] et à [Localité 4], qu'il a déclaré la société [2] prise en la personne de son représentant légal coupable des infractions de mise à disposition sur le marché d'un produit biocide non autorisé et de mise à disposition sur le marché d'une substance active biocide non approuvée, commises du 15 septembre 2016 au 8 octobre 2019 à [Localité 3] et à [Localité 4], qu'il a condamné, à titre de peine principale, M. [Aa] au paiement d'une amende délictuelle de 40 000 euros, qu'il a condamné, à titre de peine principale, la société [2] prise en la personne de son représentant légal au paiement d'une amende délictuelle de 100 000 euros, qu'il a prononcé à titre de peine complémentaire, à l'encontre de la société [2], l'obligation de procéder à ses frais à la publication du dispositif du présent arrêt, à l'issue d'un délai maximum de six mois à compter de la présente décision, dans le périodique L'Ami des jardins et de la maison et le périodique Mon jardin et ma maison, qu'il a, sur l'action civile, condamne solidairement [H] [J] et la société [2] prise en la personne de son représentant légal à payer à l'association [1] la somme de 2 000 euros en réparation du préjudice moral subi, alors :

« 2°/ que l'arrêt attaqué a affirmé que les taupes ne sont pas nuisibles aux végétaux parce qu'elles ne s'en nourrissent pas, cependant que l'article 3, 7) du règlement (CE) n° 1107/2009 du 21 octobre 2009⚖️ ne limite nullement aux animaux herbivores les organismes nuisibles aux végétaux, qu'un organisme peut parfaitement être nuisible aux végétaux autrement qu'en s'en nourrissant, que tel est le cas des taupes par les galeries qu'elles creusent, à telle enseigne qu'elles sont classées dans la liste des organismes pouvant nuire aux végétaux par l'article 2 et l'annexe B de l'arrêté du ministre de l'agriculture et de la pêche du 31 juillet 2000 établissant la liste des organismes nuisibles aux végétaux, produits végétaux et autres objets soumis à des mesures de lutte obligatoire, en sa version antérieure à sa modification par l'arrêté 16 avril 2020, applicable au cas présent, et que selon l'article 3.1 de l'annexe du règlement (UE) n° 283/2013 du 1er mars 2013⚖️ établissant les exigences en matière de données applicables aux substances actives conformément au règlement (CE) n° 1107/2009 du 21 octobre 2009, les informations fournies doivent décrire la destination des produits phytopharmaceutiques contenant la substance active, laquelle, selon l'article 3.2 l) de la même annexe, peut avoir une fonction taupicide ; qu'ainsi la cour d'appel a faussement nié que les taupes soient des organismes nuisibles aux végétaux, en violation des textes susmentionnés et de l'article L. 522-16 du code de l'environnement🏛 ;

4°/ que, en ne répondant pas aux chefs péremptoires des conclusions de la société [2] et M. [J] démontrant que les taupes sont nuisibles aux végétaux et que les fusées top 3P et top 4A n'étaient pas qualifiables de produits biocides compte tenu de leur usage dans les jardins, visant exclusivement à protéger les végétaux de l'action nuisible des taupes,
non à protéger la santé humaine ou animale ou l'environnement la cour d'appel a violé les articles 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et 593 du code de procédure pénale ;

5°/ que la cour d'appel a écarté l'erreur sur le droit commise par la société [2] et M. [Aa] au motif qu'ils n'auraient pu ignorer, parce qu'ils pouvaient se renseigner auprès de l'administration, que les fusées top 3P et top 4A relevaient, non plus de la réglementation sur les produits phytopharmaceutiques, mais de celle sur les produits biocides ; qu'à supposer que la Cour de cassation rejette les première à quatrième branches, en l'état du doute sur l'applicabilité du règlement n° 1107/2009 ou du règlement n° 528/2012 qui n'aura été levé que par son arrêt à intervenir, doute que les premiers juges avaient exactement retenu, la société [2] et M. [J] n'ont pu que commettre une erreur insurmontable ; qu'ainsi l'arrêt attaqué encourt la censure pour violation de l'article 122-3 du code pénal🏛. »


Réponse de la Cour

Sur le moyen, pris en ses deuxième et quatrième branches

9. Pour déclarer les prévenus coupables de mise à disposition sur le marché d'un produit biocide non autorisé et d'une substance active biocide non approuvée, l'arrêt attaqué énonce que de tels produits sont réglementés par le règlement (UE) n° 528/2012⚖️ du 22 mai 2012.

10. Les juges ajoutent qu'est un biocide, au sens de ce texte, toute substance ou mélange destiné à détruire, repousser ou rendre inoffensifs les organismes nuisibles.

11. Ils précisent que, selon l'article 3 du même instrument européen, est nuisible un organisme dont la présence n'est pas souhaitée ou qui produit un effet nocif pour l'homme, ses activités ou les produits qu'il utilise ou fabrique, pour les animaux ou l'environnement.

12. Ils retiennent que les taupes ne causent pas de dégâts aux végétaux, dont elles ne se nourrissent pas, mais qu'en creusant des galeries et en générant des monticules elles nuisent aux activités de jardinage et à l'esthétique des pelouses et jardins.

13. Ils en déduisent que les taupicides incriminés ne relèvent pas du règlement (CE) n° 1107/2009 du 21 octobre 2009, relatif aux produits phytopharmaceutiques, dont la fonction est de protéger les végétaux des organismes nuisibles, mais de l'instrument européen susmentionné du 22 mai 2012, relatif aux produits biocides.

14. Ils concluent que les produits et substances visés par la prévention nécessitaient une autorisation de mise sur le marché en application de cette dernière réglementation.

15. En se déterminant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision.

16. En effet, le règlement (UE) n° 528/2012, qui concerne les produits biocides destinés, notamment, à la protection de la santé humaine et des activités humaines, exclut les produits phytopharmaceutiques ayant pour finalité la protection des végétaux, qui relèvent du règlement distinct n° 1107/2009, mais peut s'appliquer à ces mêmes produits pour les usages non couverts par ce dernier instrument.

17. Par conséquent, le classement des taupicides utilisés dans le cadre du jardinage comme produits phytopharmaceutiques par le règlement (UE) n° 283/2013 du 1er mars 2013 n'est pas exclusif de l'application du règlement n° 528/2012 sur les biocides lorsque ces produits visent des organismes nuisibles à diverses activités humaines, comme l'entretien des espaces verts à l'esthétique desquels ils portent atteinte.

18. Dès lors, les griefs ne sont pas fondés.

Sur le moyen, pris en sa cinquième branche

19. Pour écarter l'erreur de droit invoquée par les prévenus, l'arrêt attaqué énonce qu'une première réponse apportée le 18 avril 2006 par l'Institut national de recherche et sécurité ne dispensait pas ceux-ci d'actualiser cette information, eu égard aux importantes évolutions des textes de référence.

20. Ils relèvent que le ministère de l'agriculture avait informé la société dès 2009 qu'un retrait des autorisations de mise sur le marché était envisagé pour les fusées, le soufre ayant cessé d'être autorisé pour un usage taupicide.

21. Ils ajoutent que la société a adressé, le 30 juin 2010, au ministère de l'agriculture et à l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, un dossier de demande d'inscription à l'annexe I du soufre comme substance active autorisée pour l'usage taupicide.

22. Ils en déduisent que M. [Aa] était conscient de l'évolution de la législation sur les produits phytopharmaceutiques et biocides, postérieurement à la démarche entreprise en 2006.

23. Ils concluent que la consultation, en 2015, d'un cabinet d'avocats spécialisé en droit de l'environnement n'établit pas l'existence d'une erreur sur le droit, alors que tous renseignements utiles pouvaient être obtenus auprès de l'autorité publique compétente.

24. En l'état de ces énonciations, la cour d'appel a justifié sa décision.

25. Dès lors, le grief doit être écarté.

26. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.


PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du treize mai deux mille vingt-cinq.

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