Le Quotidien du 13 juin 2025 : Peines

[Brèves] Libération conditionnelle des condamnés terroristes : quelle base légale pour la période probatoire ?

Réf. : Cass. crim., 21 mai 2025, n° 24-86.718, FS-B N° Lexbase : B3026AAC

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N2419B3Y

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par Helena Viana, Avocate au barreau de Paris

le 13 Juin 2025

Par un arrêt du 21 mai 2025, la Chambre criminelle de la Cour de cassation précise le régime juridique applicable à la libération conditionnelle des personnes condamnées pour des infractions terroristes. Elle juge que, depuis l’abrogation partielle de l’article 730-2-1 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L2162LZ4, la période probatoire obligatoire prévue à l’article 730-2, alinéa 2 N° Lexbase : L7685LPC, s’applique de nouveau aux condamnés pour infractions terroristes.

Faits. Un homme, condamné à la réclusion criminelle à perpétuité en 1989, a été de nouveau condamné en 1995, à trente ans de réclusion criminelle pour des faits entrant dans le champ d’application de l’article 706-16 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L7287LZW, relatif aux infractions terroristes.

Par jugement en date du 16 juillet 2024, le tribunal de l’application des peines de Paris admet le condamné au bénéfice de la libération conditionnelle assortie d’une mesure probatoire préalable de détention sous surveillance électronique pendant huit mois.

Ce jugement a été confirmé en instance d’appel par la chambre de l’application des peines. Les deux juridictions se sont fondées sur l’article 723-7 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L7609LPI, instaurant une mesure probatoire facultative et d’une durée maximum d’un an.

Moyens du pourvoi. Le procureur général, demandeur au pourvoi, estimait à l’inverse que les juges du fond n’avaient pas à se fonder sur l’article 723-7 du CPP, mais sur l’article 730-2, alinéa 2 du même code. Ce dernier article instaure une mesure probatoire obligatoire en l’absence de placement sous surveillance électronique mobile, d’une durée minimum d’un an à maximum trois ans.

Pour le procureur général, appliquer les dispositions relatives à la mesure probatoire facultative viendrait à placer les condamnés pour des infractions à caractère terroriste dans une situation plus favorable.

Conclusion. La Chambre criminelle casse l’arrêt et retient l’applicabilité de l’article 730-2, alinéa 2 du Code de procédure pénale.

Pour comprendre le raisonnement de la Cour il faut revenir sur deux décisions.

La première, la décision n° 2019-799/800 QPC N° Lexbase : Z606528S, celle du Conseil constitutionnel du 6 septembre 2019 par laquelle les juges suprêmes abrogent l’ancien alinéa 5 de l’article 730-2-1 instaurant une mesure probatoire obligatoire, d’un à trois ans, préalable à l’octroi d’une libération conditionnelle pour la personne condamnée à des faits de nature terroriste. Ces dispositions contrevenaient en effet au principe de proportionnalité en ce qu’elles privaient les personnes condamnées étrangères de toute possibilité d’aménagement de peine. Celles-ci ne pouvaient effectuer une mesure probatoire sur le sol français, cumulant par ailleurs une mesure d’éloignement.

Dans la seconde décision, les Hauts magistrats ont énoncé que l’article 730-2-1 du CPP instaure un régime spécifique concernant les modalités d’évaluation de la dangerosité de la personne condamnée pour des faits terroristes, lequel est exclusif des dispositions de droit commun de l’article 730-2 du même code prévoyant un passage en Centre national d’évaluation. Ainsi, la personne condamnée pour des infractions terroristes ne doit pas faire l’objet d’une évaluation par le Centre national d’évaluation, qui ferait double emploi avec l’avis de la Commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté.

C’est sans doute la lecture de ce dernier arrêt qui a conduit la cour d’appel à considérer que l’article 730-2, relevant du droit commun, ne s’appliquait pas aux faits de l’arrêt commenté.

C’est sur ce point que les juges du fond ont méconnu la règle de droit : la Cour de cassation rappelle que l’exclusion de la procédure de droit commun ne concerne que les modalités d’évaluation de la dangerosité de la personne condamnée. En revanche, depuis l’abrogation de l’alinéa spécifique à la mesure probatoire applicable aux infractions terroristes, et en l’absence de dispositions légales de substitution, l’article 730-2, alinéa 2 de droit commun, redevient applicable aux personnes condamnées pour certaines infractions à caractère terroriste.

En conclusion, les juges du fond étaient tenus de prononcer une mesure probatoire obligatoire pour une durée d’un à trois ans. Mais si la Cour de cassation clarifie le droit applicable, elle le fait au prix d’un paradoxe : en rétablissant l’article 730-2, alinéa 2 pour les condamnés terroristes, elle aboutit à réintroduire, par le droit commun, une exigence que le Conseil constitutionnel avait pourtant censurée dans le cadre du régime spécial.

Dès lors, les personnes condamnées étrangères, confrontées à une mesure d’éloignement, se retrouvent de nouveau dans l’impossibilité d’exécuter une période probatoire, ce qui était précisément à l’origine de la censure constitutionnelle. Une telle lecture crée une nouvelle incertitude, et ouvre un plus large le débat sur la cohérence du régime juridique applicable aux libérations conditionnelles des personnes étrangères sous le coup d’une mesure d’éloignement.

 

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