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par Axel Valard
le 12 Juin 2025
Un hélicoptère affrété. Le Groupe d’intervention de la gendarmerie nationale (GIGN) mobilisé. Une belle polémique au passage. Finalement, Mohamed Amra a refusé de répondre, mercredi 11 juin, aux questions de fond des trois juges d’instruction qui souhaitaient l’auditionner sur son évasion sanglante survenue au péage d’Incarville (Orne) et qui a coûté la vie à deux agents pénitentiaires, le 14 mai 2024. Ses avocats, Lucas Montagnier et Benoît David, l’ont annoncé à la presse, dans la salle des pas perdus du tribunal judiciaire de Paris, après un interrogatoire qui aura donc duré environ quatre heures.
Si Mohamed Amra a choisi de garder le silence lors de la séance de questions, il a tout de même fait quelques déclarations liminaires afin de dénoncer ses conditions de détention dans la prison ultra-sécurisée de Condé-sur-Sarthe où il dort depuis son arrestation le 22 février dernier, à Bucarest (Roumanie) après neuf mois de cavale. En réalité, celui qui fait aujourd’hui figure de détenu le plus surveillé de France déplore le manque de confidentialité lors des échanges avec ses avocats, si l’on en croit ces derniers.
« Nous dénonçons notamment l’absence de confidentialité lors des échanges avec notre client, ce qui constitue une atteinte grave à un des principes de la procédure pénale. Vous comprendrez, qu’en l’absence de confidentialité, il ne nous a pas été possible de préparer cet interrogatoire dans des conditions sereines et conformes aux droits de la défense », a ainsi indiqué Lucas Montagnier.
Les droits de la défense en question.
Selon les informations de Lexbase, Mohamed Amra reste en permanence sous l’étroite surveillance d’agents pénitentiaires à chaque instant. Ses avocats déplorent donc d’avoir un surveillant qui campe devant la porte où se tiennent les entretiens avec leur client. Agent qui, selon eux, peut entendre les conversations, voire même regarder les documents qu’ils pourraient consulter, la porte de la salle étant vitrée…
Lors de leur courte déclaration, les deux avocats ont bien tenté de ménager les magistrats qui avaient convoqué leur client. « Cette décision ne procède nullement d’une stratégie ni d’une défiance vis-à-vis de l’autorité judiciaire. (…) Nous sommes parfaitement conscients des enjeux de cette procédure. Pour la justice, pour les parties civiles, pour notre client ainsi que pour l’ensemble des personnes mises en examen. M. Amra répondra donc aux questions des juges lorsque la confidentialité de nos échanges sera pleinement garantie. Sachez une chose : c’est que si les juges doivent pouvoir travailler sereinement et sans pression, il en va de même pour la défense ».
Un drôle de parallèle avec Kim Kardashian.
Quelques phrases nécessaires vu la polémique qui a surgi ces derniers jours à l’annonce de cette audition au sein même du tribunal judiciaire de Paris et donc de l’extraction de celui qui se faisait surnommer « La Mouche ». Du côté de l’administration pénitentiaire, de nombreuses voies se sont en effet élevées pour déplorer que l’on extraie de cellule celui qui a entraîné la fusillade sanglante ayant coûté la vie à deux d’entre eux, il y a un peu plus d’un an, lors… d’une extraction pour une audition devant un juge d’instruction.
Bien encouragés par Bruno Retailleau, le ministre de l’Intérieur, qui avait regretté que ce soit le détenu qui se déplace et non les juges d’instruction, au micro de RTL. « Faire sortir des types aussi dangereux d’une prison, ce sont des risques majeurs, avait-il alors indiqué. Chaque extraction consomme des moyens du ministère de l’Intérieur – et ça coûte cher aux contribuables – mais surtout, à chaque fois, ce sont des risques. » Quelques heures plus tard, il a même poussé sa réflexion plus loin sur l’antenne de Public Sénat et sur X (anciennement Twitter) : « Dans l’affaire Kim Kardashian, il me semble que des juges se sont déplacés jusqu’aux États-Unis… » C’est vrai. Dans le cadre de l’enquête sur le braquage violent subi par l’influenceuse star en 2016 à Paris, des magistrats s’étaient déplacés outre-Atlantique pour l’auditionner.
Gérald Darmanin attend l’entrée en vigueur de la loi « narcotrafic ».
Mais Kim Kardashian était victime. Mohamed Amra, lui, est mis en examen. Les choses sont donc différentes comme a tenu à le rappeler Laure Beccuau, la procureure de la République de Paris. Après avoir précisé, sur l’antenne de BFMTV, qu’elle comprenait « l’émotion » suscitée par cette extraction judiciaire, la magistrate a bien précisé, vendredi 6 juin, que les juges d’instruction avaient peut-être la volonté de soumettre leur « client du jour » à des scellés, à des éléments de l’enquête et qu’ils étaient trois à vouloir l’entendre.
Moyen de tenter d’expliquer que c’est ce que prévoyait le processus judiciaire … actuel. Un processus que Gérald Darmanin, actuel ministre de la Justice, souhaite voir évoluer. Sa loi « narcotrafic » prévoit en effet de privilégier le recours à la visioconférence pour éviter de faire sortir des cellules les détenus les plus dangereux qui doivent être entendus par la justice. Enfin, lors de la phase d’instruction parce qu’il faudra toujours les escorter pour les procès. Une loi qui n’attend plus que la validation du Conseil constitutionnel pour entrer en vigueur le 31 juillet prochain.
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