N° T 25-81.812 F-B
N° 00819
SL2
20 MAI 2025
CASSATION
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 20 MAI 2025
M. [E] [Y] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 23 janvier 2025, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs de favoritisme, corruption passive, prise illégale d'intérêts, blanchiment et transfert non déclaré de sommes, a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction prononçant sur sa demande de modification du contrôle judiciaire.
Un mémoire et des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de M. Pradel, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [E] [Y], et les conclusions de M. Quintard, avocat général, après débats en l'audience publique du 20 mai 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Pradel, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'
article 567-1-1 du code de procédure pénale🏛, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Le 30 avril 2024, M. [E] [Y], maire de la commune de [Localité 1], a été mis en examen des chefs susvisés.
3. Par ordonnance du 1er mai suivant, il a été placé en détention provisoire.
4. Le 31 octobre 2024, M. [Aa] a fait l'objet d'une mise en liberté assortie d'un contrôle judiciaire comportant notamment les interdictions d'entrer en relation avec les élus et l'ensemble du personnel de la mairie et de se rendre dans la commune de [Localité 1].
5. Le 22 novembre suivant, M. [Y] a fait une demande de modification de son contrôle judiciaire.
6. Par ordonnance du 4 décembre 2024, le juge d'instruction a rejeté sa demande.
7. M. [Y] a interjeté appel de cette décision.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches
8. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Mais sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
9. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé l'ordonnance du 4 décembre 2024 et rejeté la demande de modification du contrôle judiciaire formée par M. [Y], tendant à la mainlevée, d'une part, des interdictions de se rendre dans la commune de [Localité 1] et d'entrer en relation avec l'ensemble des élus et du personnel de la mairie de [Localité 1], et d'autre part, de l'obligation de fixer sa résidence chez sa fille à [Localité 2], alors :
« 1°/ que les obligations prononcées au titre d'un contrôle judiciaire ne peuvent en aucun cas avoir pour effet de priver le maire d'une commune de l'exercice effectif de son mandat électif ; que pour rejeter la demande de mainlevée des mesures d'interdiction de paraître sur la commune [Localité 1] prononcée à l'encontre de Monsieur [Y] et d'entrer en contact avec les élus et le personnel de la mairie, la Chambre de l'instruction a retenu que ces obligations n'avaient pas pour objet de l'empêcher d'exercer son mandat électif de maire mais se justifiaient par les nécessités de l'information et le risque de réitération de l'infraction (arrêt, p. 15-16) ; qu'en se prononçant par des motifs inopérants, quand les interdictions qui lui sont faites ont nécessairement pour effet de priver Monsieur [Y], lequel ne peut plus se rendre sur la commune dont il est le maire ni s'adresser à l'un quelconque des élus et du personnel de la mairie, de l'exercice effectif de son mandat, la Chambre de l'instruction a violé les
articles 138 et 139 du Code de procédure pénale🏛🏛, ensemble l'
article L. 2122-16 du Code général des collectivités territoriales🏛. »
Réponse de la Cour
Vu l'
article 138, 12°, du code de procédure pénale🏛 :
10. Il résulte de ce texte que le contrôle judiciaire ne peut avoir pour effet de faire obstacle à l'exercice effectif d'un mandat électif.
11. Pour confirmer l'ordonnance de placement sous contrôle judiciaire de M. [Y] comportant notamment l'interdiction de se rendre dans la commune de [Localité 1] et d'entrer en relation avec l'ensemble des élus et du personnel de la mairie, l'arrêt attaqué retient que les obligations imposées à ce dernier n'ont pas pour objet de l'empêcher d'exercer son mandat électif de maire mais se justifient par les nécessités de l'information.
12. Les juges ajoutent que certains faits visés dans la mise en examen de M. [Aa] se déroulent dans la commune de [Localité 1] et sont en lien avec ses activités de maire et qu'il est important que l'ensemble des personnes entendues puissent s'exprimer tout à fait librement.
13. En statuant ainsi, la chambre de l'instruction a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé.
14. En effet, les interdictions qui lui sont faites ont nécessairement pour effet de faire obstacle à l'exercice effectif de son mandat électif par M. [Y], lequel ne peut plus se rendre dans la commune dont il est le maire ni s'adresser à l'un quelconque des élus ou au personnel de la mairie.
15. D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 23 janvier 2025, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Aix-en-Provence, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt mai deux mille vingt-cinq.