Cahiers Louis Josserand n°3 du 27 juillet 2023 : Affaires

[Chronique] Formalisme applicable au cautionnement d’une dette de loyers commerciaux : rappels utiles et perspectives

Réf. : CA Lyon, 10 janvier 2023, n° 20/04875 N° Lexbase : A836487W

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N6344BZY

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par Cécile Granier, Maître de conférences, Université Jean Moulin Lyon 3

le 26 Juillet 2023

Mots-clés : cautionnement • bail commercial • mention • nullité • confirmation


 

1. Avec la décision de la cour d’appel de Lyon datée du 10 janvier 2023, c’est encore un cautionnement qui est tombé sous les coups du formalisme. Le non-respect des exigences légales de forme lors de la conclusion de ce contrat constitue en effet l’un des motifs classiques de remise en cause du cautionnement, généralement invoqué au moment où la caution est activée par le créancier. La décision commentée en offre une énième illustration. La nullité d’un cautionnement consenti par deux époux en garantie de la dette de loyers commerciaux contractée par la société dirigée par l’époux est prononcée pour non-respect de la réglementation relative à la mention obligatoire.

2. Il est aisé d’imaginer le soulagement des cautions qui, avec cette décision, voient s’évanouir une dette de 150 000 euros. Ce soulagement doit être d’autant plus notable que le contentieux s’est étalé sur plus de quatorze années (avec un passage devant la Cour de cassation en 2014, dans le cadre d’une première action référé) et que plusieurs décisions préalables avaient conclu à l’efficacité du cautionnement. Une décision en référé, faisant suite à une action en paiement du créancier, avait même qualifié de contestations non sérieuses les arguments développés quant à la validité du cautionnement par les défendeurs. Alors qu’ils avaient été écartés à ce stade par le juge de l’évidence, ces mêmes arguments fondent pourtant, au fond, cette décision d’annulation.

3. Outre son opportunité évidente pour les cautions, cette décision intéressera également les juristes confrontés à ces contrats courants de la vie des affaires que sont le bail commercial et le cautionnement. Certes, la décision est rendue sur le fondement d’un texte « doublement abrogé ». La réglementation de la mention manuscrite fut jusqu’en 2016 logée dans les articles L. 341-2 et suivants du Code de la consommation N° Lexbase : L1158K7Z. La recodification à droit constant de ce code par l’ordonnance du 14 mars 2016 [1] aboutit à son transfert au sein de l’article L. 331-1 N° Lexbase : L1165K7B. Avec la récente réforme du droit des sûretés par l’ordonnance du 15 septembre 2021 [2], cette réglementation a fait son entrée dans le Code civil et se trouve désormais codifiée à l’article 2297 N° Lexbase : L0171L8T. Corrélativement, cette ordonnance abroge plusieurs textes du Code de la consommation, dont les articles L. 331-1 et suivants N° Lexbase : L1165K7B (art. 32). En l’espèce, le contrat de cautionnement litigieux avait été conclu en 2004. Conformément au principe de survie de la loi ancienne en matière contractuelle, ce sont les articles L. 341-2 et suivants du Code de la consommation N° Lexbase : L1158K7Z qui ont vocation à s’appliquer. Pour autant, la solution n’est pas dénuée d’enseignements, ce qui s’explique par trois considérations. Tout d’abord parce que les textes abrogés [3] – dont le contenu est quasi identique – ont encore vocation à s’appliquer pendant un temps certain. S’il en était encore besoin, ce contentieux illustre que le temps des réformes et le temps judiciaire ne concordent guère. Ensuite, malgré les modifications substantielles effectuées par l’ordonnance du 15 septembre 2021, notamment en matière de formalisme du cautionnement, une partie de la solution rendue est de nature à éclairer utilement la mise en œuvre de certaines dispositions issues de cette réforme. Enfin, la décision contient une motivation fournie et pédagogue sur différents aspects d’une réglementation qui est source d’un contentieux fréquent, ce qui ne peut que retenir l’attention. La cour d’appel de Lyon aborde successivement l’applicabilité du formalisme (I), sa mise en œuvre (II) et, in fine, sa sanction (III).

I. L’applicabilité du formalisme

4. Dès l’origine, c’est-à-dire dès la loi du 31 décembre 1989 [4], le formalisme imposé en matière de cautionnement a eu un champ d’application limité. D’abord réservée aux cautionnements de crédits immobiliers et de crédits à la consommation, l’obligation d’apposer une mention manuscrite dans le contrat, à peine de nullité de celui-ci, fut étendue en 2003 à tous les cautionnements conclus par des personnes physiques par acte sous seing privé. Malgré cette extension, la législation est restée placée dans le Code de la consommation jusqu’à la récente réforme du droit des sûretés (entrée en vigueur le 1er janvier 2022). Cette contradiction entre la situation du texte – dans le Code de la consommation – et son champ d’application personnel – tous les cautionnements conclus par les personnes physiques – a pu autoriser certains créanciers à développer une argumentation qui a été mobilisée dans le contentieux tranché le 10 janvier 2023. Le bailleur commercial avançait que les cautions devaient justifier de leur qualité de consommateurs pour se prévaloir des dispositions protectrices du Code de la consommation. Cet argument était en l’espèce opportun pour le créancier puisque l’époux était dirigeant de la société débitrice, ce qui lui ôtait la qualité de consommateur au sens de l’article liminaire du Code de la consommation. La cour d’appel de Lyon ne souscrit pas à cette interprétation. Adoptant une lecture littérale des articles L. 341-2 et suivants du Code de la consommation N° Lexbase : L1158K7Z et reprenant une jurisprudence établie (par exemple, Cass. com. 10 janvier 2012, n° 10-26.630, FS-P+B N° Lexbase : A5284IAX), elle affirme que « ces textes sont applicables à toute personne physique […], peu important que la caution soit avertie ou non et peu important le caractère commercial du cautionnement ». Seule la qualité de personne physique doit donc être prise en compte. La réforme opérée par l’ordonnance du 15 septembre 2021 confirme le bien-fondé de cette solution. L’insertion dans le Code civil, et donc dans le droit commun, d’une disposition relative à la mention devant être apposée par toute personne physique confirme que ce dispositif ne relève pas du champ du droit spécial. L’extraction du dispositif du Code de la consommation devrait ainsi faire perdre toute assise à l’interprétation restrictive prônée par le créancier bailleur.

5. Le créancier avançait ensuite que les cautions ne justifiaient pas de sa qualité de « créancier professionnel ». Or cela constitue une condition expresse de l’application du formalisme anciennement prévu par le Code de la consommation. Une double interrogation découlait implicitement de cet argumentaire. En premier lieu, à qui incombe la charge de la preuve de la qualité de « créancier professionnel » ? En second lieu, est-ce que le bailleur commercial est, en l’espèce, un créancier professionnel ? Pour répondre à cette seconde question, la cour d’appel de Lyon délivre à un syllogisme particulièrement étayé. L’effort de motivation se comprend au regard du contexte. Dans la même affaire, dans le cadre d’une action en référé préalable, la question des contours de la notion de « créancier professionnel » a été au centre d’une décision de cassation (Cass. civ. 1, 15 octobre 2014, n° 13-21.605, F-D N° Lexbase : A6644MYQ), ce qui atteste des incertitudes qui l’entourent. La cour d’appel de Lyon commence par définir la notion de créancier professionnel au sens de l’article L. 341-2 du Code de la consommation N° Lexbase : L1158K7Z. Il s’agit de celui « dont la créance est née dans l’exercice de sa profession ou se trouve en rapport direct avec l’une de ses activités professionnelles, même si celle-ci n’est pas principale ». Il faut d’emblée souligner que la définition retenue ne recoupe pas totalement celle du professionnel figurant dans l’article liminaire du Code de la consommation. Cette dernière n’opère en effet aucune distinction entre les activités en rapport direct ou indirect avec l’activité de la personne concernée ou entre ses activités principales et accessoires. La Cour précise ensuite la méthodologie à suivre pour appliquer cette définition. À cet égard, si « […] le créancier est une société », il faut rechercher « si l’opération litigieuse constituait, au sens de l’objet social de la société, une opération de nature à favoriser directement ou indirectement le but poursuivi par celle-ci, son extension ou son développement ». Malgré certaines formules vagues, dont le sens peut interroger (« au sens de l’objet social », « le but poursuivi »), l’on comprend qu’il faut comparer le fait générateur de la créance avec l’objet social de la société créancière pour déterminer si le premier entretient un lien direct ou indirect avec le second. En l’espèce, l’objet social du créancier visait plusieurs types d’opérations, à savoir l’acquisition directe ou indirecte d’immeubles, leur gestion et leur location. La créance de loyer au cœur du litige trouvant son origine « dans la signature d’un contrat de bail commercial portant sur un local industriel », la juridiction en déduit que le créancier est un professionnel au sens de l’article L. 341-2 du Code de la consommation N° Lexbase : L1158K7Z.

À la lecture de ce syllogisme, plusieurs remarques peuvent être formulées. Tout d’abord, la cour d’appel de Lyon retient une interprétation large et autonome de la catégorie des « créanciers professionnels ». Elle reprend notamment à son compte, tout en la complétant, la solution rendue par la Cour de cassation en 2014 dans la même affaire : la notion de créancier professionnel ne se limite pas aux établissements de crédit (Cass. civ. 1, 15 octobre 2014, n° 13-21.605, F-D N° Lexbase : A6644MYQ). Les bailleurs commerciaux peuvent donc également être qualifiés comme tels. Ensuite, malgré la motivation fournie, la méthodologie préconisée peut laisser craindre une certaine casuistique, qui n’est pas sans rappeler celle que rencontrent les juges lorsqu’ils doivent jauger de la qualité de non-professionnel d’une SCI (voir par exemple Cass. civ. 3, 7 novembre 2019, n° 18-23.259, FS-P+B+I N° Lexbase : A9982ZTU). En l’espèce, la configuration est relativement simple et la cour établit sans difficulté un rapport direct entre le fait générateur de la créance et l’une des activités principales du créancier. Gageons que la caractérisation de ce lien sera moins évidente en cas d’opération « de nature à favoriser indirectement le but poursuivi » par la société, « son extension ou son développement ». Remarquons enfin que l’exigence tenant à la qualité de créancier professionnel n’a pas été reprise par l’article 2297 du Code civil N° Lexbase : L0171L8T issu de la réforme de 2021. Depuis le 1er janvier 2022, le formalisme applicable au cautionnement ne concerne que ceux conclus par une personne physique, peu importe le statut du créancier. Cependant, le raisonnement exposé conserve une utilité certaine en droit du cautionnement. La qualité de créancier professionnel constitue en effet une condition d’applicabilité de deux autres dispositifs protecteurs de la caution : l’obligation de mise en garde (C. civ., art. 2299 N° Lexbase : L0173L8W) et l’obligation de consentir un cautionnement proportionné aux capacités financières de la caution (C. civ., art. 2300 N° Lexbase : L0174L8X). L’on peut donc raisonnablement déduire de la décision commentée que les bailleurs commerciaux, qualifiés de créanciers professionnels, seront tenus de satisfaire à l’obligation de mise en garde et à l’exigence de proportionnalité lorsqu’ils se feront consentir un cautionnement par une personne physique en garantie des loyers commerciaux. Pour déterminer s’ils entrent dans la catégorie des « créanciers professionnels », ils pourront s’appuyer sur les utiles indications fournies par cette décision.

Pour conclure sur ce premier point, revenons à la seconde question implicitement posée, celle de la charge de la preuve de la qualité de créancier professionnel. La cour d’appel se contente d’affirmer que c’est « au juge » de rechercher, eu égard à l’objet social, s’il existe un rapport, direct ou indirect, avec les activités de la société. Elle ne semble ainsi faire peser la charge de la preuve ni sur l’une ni sur l’autre des parties. Bien que cela puisse paraître éloigné des principes probatoires érigés par les articles 1353 du Code civil N° Lexbase : L1013KZK et 9 du Code de procédure civile N° Lexbase : L1123H4D, une telle affirmation peut se comprendre au regard du raisonnement qui incombe au juge : il s’agit de comparer l’objet social et le fait générateur de la créance. Dès lors, la seule production des statuts et du contrat de cautionnement suffit, aucune preuve supplémentaire n’étant requise.

Les conditions tenant aux qualités de la caution et du créancier étant remplies, la Cour aborde ensuite la mise en œuvre du formalisme.

II. La mise en œuvre du formalisme

6.  Depuis 2003, un formalisme strict conditionne la validité du cautionnement lorsqu’il est consenti par une personne physique. Le cautionnement est ainsi devenu, dans cette configuration, un contrat solennel (C. civ., art. 1109 N° Lexbase : L0816KZA). Ce formalisme consistait jusqu’en 2021 en l’apposition par la caution d’une formule manuscrite précisément déterminée par la loi, la finalité étant de lui permettre de mesurer la portée d’un engagement souvent lourd (C. consom., art. L. 341-2 N° Lexbase : L1158K7Z devenu C. consom., anc. art. L. 331-1 N° Lexbase : L1165K7B). Lorsque le cautionnement est consenti de façon solidaire, une seconde formule, conçue sur le même modèle, devait être apposée (C. concom., art. L. 341-3 N° Lexbase : L1157K7Y devenu C. consom., anc. art. L. 331-2 N° Lexbase : L1164K7A) En l’espèce, chacune de ces mentions est jugée non conforme aux exigences légales par la cour d’appel de Lyon.

7. En ce qui concerne, en premier lieu, la mention relative à la solidarité des cautions, il était assez aisé de constater qu’elle ne remplissait pas les exigences requises par l’ancien article L. 341-3 du Code de la consommation N° Lexbase : L1157K7Y. Le jugement de première instance avait d’ailleurs statué en ce sens, ce que contestait la société créancière. Les époux caution s’étaient contentés de mentionner sur le contrat de bail commercial « bon pour caution personnelle et solidaire avec renonciation au bénéfice de discussion et de division […] ». L’absence d’explicitation des conséquences de ces renonciations, notamment le fait que des cautions solidaires s’engagent « à rembourser le créancier sans pouvoir exiger qu’il poursuive préalablement » le débiteur (C. consom., art. L. 341-3) contrevenait clairement au texte.

Une telle mention serait-elle toujours insuffisante si le cautionnement avait été conclu en 2022 ? Avec la réforme de 2021, le législateur a tenté d’assouplir le formalisme afférent à la conclusion du cautionnement, notamment en n’imposant plus de mention prédéterminée. Pour autant, bien que sa forme ne soit plus imposée, l’exigence d’apposition d’une mention – plus nécessairement manuscrite – dotée d’un contenu minimal persiste. Les cautions solidaires doivent toujours reconnaître dans la mention qu’elles ne pourront plus « exiger du créancier qu’il poursuive d’abord le débiteur ou qu’il divise ses poursuites entre les cautions » (C. civ., art. 2298, al. 2 N° Lexbase : L0172L8U). Or cela n’est pas le cas en l’espèce. Non conforme en 2004, cette mention le serait également en 2022. Voilà une bonne illustration offerte aux bailleurs commerciaux « professionnels » – souvent moins familiers des rouages du droit du cautionnement que les établissements de crédit – de ce qu’il ne faut pas faire.

8. Concernant, en second lieu, la mention relative à l’engagement de caution stricto sensu, la difficulté concernait spécifiquement la durée de l’engagement. Parmi plusieurs autres informations, l’article L. 341-2, ancien, du Code civil exigeait en effet que la caution précise expressément la durée pendant laquelle elle s’engageait envers le créancier à rembourser les sommes dues au prêteur. En l’espèce, la mention apposée au bas du bail commercial prévoyait que l’engagement de caution portait sur toutes les sommes dues par le débiteur au bailleur « en principal, intérêts de toutes natures, frais et accessoires en exécution du présent bail commercial et pour la durée d’application de celui-ci, dans la limite d’une somme de cent cinquante mille euros (150 000 euros) TTC (…) ». La durée n’était donc pas précisée de façon « numérique », mais par référence à celle du bail dont les loyers étaient cautionnés. L’essence du contrat de cautionnement étant de payer la dette du débiteur principal (C. civ., art. 2288 N° Lexbase : L0129L8B), la référence directe à cette dette principale – les loyers commerciaux – apparaît logique. Néanmoins, en ce qui concerne la mention, elle est jugée insuffisante par la cour d’appel de Lyon pour que soient remplies les exigences formelles requises par la loi. La juridiction estime en effet que même si l’article « ne précise pas la manière dont la durée de l’engagement de caution doit être exprimée dans la mention manuscrite, il n’en demeure pas moins que, s’agissant d’un élément essentiel permettant à la caution de mesurer la portée exacte de son engagement, cette mention doit être exprimée sans qu’il soit nécessaire de se reporter aux clauses imprimées de l’acte […] ».

9. Replacée dans le contexte actuel, c’est-à-dire dans le contexte post-réforme, cette interprétation paraît bien sévère, voire dépassée. Afin de réduire un contentieux pléthorique, le législateur de 2021 a choisi de substituer à une mention prédéterminée une mention dont la forme est laissée à l’appréciation des parties et in fine du juge. Certaines informations doivent toutefois nécessairement figurer dans la mention, à savoir la qualité de caution, la nature de l’obligation contractée et la limite de l’engagement (C. civ., art. 2297, al. 1er N° Lexbase : L0171L8T). La référence à la durée de l’engagement de la caution ne figure donc plus dans la nouvelle mouture du texte. À rebours de la motivation des juges de la cour d’appel de Lyon, l’on peut postuler que cette référence a été abandonnée, car le législateur estime qu’il ne s’agit pas d’un élément central pour que la caution mesure la portée de son engagement [5]. Certes, le fait que le bail commercial puisse faire l’objet d’une continuation au-delà de son terme, soit du fait de l’absence de congé délivré (C. com., art. L. 145-9 N° Lexbase : L2009KGI), soit du fait d’une tacite reconduction expressément convenue génère une incertitude quant à l’étendue de l’engagement de la caution et est source de risques pour cette dernière. Néanmoins, la stipulation d’un plafond n’est-elle pas de nature à suffisamment la protéger ? C’est cette conception qui semble avoir été adoptée par le législateur en 2021. Ce n’est pas celle retenue par la cour d’appel de Lyon en 2023, qui est restée imperméable aux évolutions intervenues entre-temps et qui conclut à la non-conformité de la mention manuscrite en ce qui concerne la durée du bail. Après quatorze ans de procédure, avec un débiteur liquidé et une caution dirigeante, la solution peut paraître difficile à comprendre pour le bailleur-créancier, et ce d’autant plus que sous l’empire du droit post-réforme, la mention aurait été jugée conforme aux exigences légales et le cautionnement efficace. Au terme de son raisonnement, la cour d’appel de Lyon est enfin conduite à statuer sur la sanction du formalisme.

III. La sanction du formalisme

10. La non-conformité de la mention relative à la solidarité du cautionnement est sanctionnée par l’inefficacité de cette solidarité [6]. Ce défaut n’était donc pas susceptible de remettre en cause l’obligation de paiement des cautions, mais seulement ses modalités. À l’inverse, le défaut affectant la mention relative à l’engagement de caution a toujours été, et est encore, sanctionné par la nullité du cautionnement [7]. Une fois qu’elle est prononcée par le juge, cette sanction s’accompagne d’une disparition rétroactive de l’engagement contracté (C. civ., art. 1178 N° Lexbase : L0900KZD). Au terme de la solution développée par la juridiction lyonnaise, c’était donc le sort qui attendait logiquement le cautionnement litigieux. Le créancier faisait toutefois état d’un ultime argument afin de sauver sa garantie. S’appuyant sur le caractère relatif de la nullité, il avançait que l’absence de contestation de la validité du cautionnement par les défendeurs lors des premières instances en référé équivalait à une confirmation tacite de l’engagement par les époux.

11. À la différence de la nullité absolue, la nullité relative est susceptible de faire l’objet d’une confirmation (C. civ., art. 1181 N° Lexbase : L0897KZA), ce qui emporte renonciation à la nullité. En l’espèce, la nature relative de la nullité n’était pas discutée. Le formalisme attaché au cautionnement a, a priori, bien pour objet la sauvegarde d’un intérêt privé (C. civ., art. 1179 N° Lexbase : L0899KZC), celui de la caution[8]. C’est donc l’existence d’une confirmation qui était au centre du dernier point de discussion. La confirmation est désormais définie par la loi comme l’acte par lequel celui qui pourrait se prévaloir de la nullité y renonce (C. civ., art. 1182 N° Lexbase : L0896KZ9). S’il est acquis qu’elle peut prendre la forme d’une exécution volontaire de l’acte (C. civ., art. 1182, précité), et donc être tacite, la confirmation reste soumise à des conditions strictes posées par la jurisprudence et que la cour d’appel de Lyon rappelle : la connaissance du vice affectant l’acte et la volonté de le réparer.

11. Ces deux conditions sont-elles remplies en cas d’absence de contestation par la caution de la validité du cautionnement dans le cadre d’une instance en référé ayant précédé l’instance au fond ? La Cour apporte logiquement une réponse négative, qui semble fondée tant en droit qu’en opportunité. Sur le plan juridique, aucune des deux conditions susmentionnées ne semble remplie dans l’hypothèse visée. La non-contestation de la validité du cautionnement atteste en effet bien plus vraisemblablement de l’ignorance du vice que de sa connaissance. La cour d’appel justifie notamment sa solution en se référant à un arrêt de la Cour de cassation du 28 novembre 2018[9] qui a retenu que la satisfaction des deux conditions de la confirmation ne « peut résulter de l’absence de contestation de la validité de l’acte avant l’instance en cause ou même de l’invocation de sa validité dans une autre instance ». Considérant que l’action en référé est une instance autre, la juridiction retient que l’absence de contestation à ce stade « ne permet pas de considérer […] » que les cautions « […] avaient effectivement connaissance du vice l’affectant et l’intention de le réparer ». Alors qu’il est fondé sur un texte abrogé, un même raisonnement pourrait être adopté sur le fondement du nouvel article 2297 du Code civil N° Lexbase : L0171L8T puisque la sanction reste identique à la suite de la réforme de 2021. En opportunité, cette solution doit également être approuvée. La solution inverse aurait eu des conséquences inopportunes puisqu’une caution qui aurait été mal conseillée dans le cadre d’une première action – bien souvent une action en référé en paiement intentée par le créancier à son encontre – aurait perdu le droit d’invoquer les arguments tenant à la validité du contrat. Cette dernière solution s’inscrit donc dans la ratio legis même du formalisme : la protection de la caution.


[1] Ordonnance n° 2016-301, du 14 mars 2016, relative à la partie législative du code de la consommation N° Lexbase : L0300K7A.

[2] Décret n° 2021-1191, du 15 septembre 2021, modifiant le décret du 5 novembre 2020 relatif à l'expérimentation prévue à l'article 20 de la loi n° 2019-1446 du 24 décembre 2019 de financement de la sécurité sociale pour 2020 N° Lexbase : L8942L7C.

[3] C. conso., anc. art. L. 341-2 et s. N° Lexbase : L1158K7Z et C. consom., anc. art. L. 331-1 et s. N° Lexbase : L1165K7B.

[4] Loi n° 89-1010, du 31 décembre 1989, relative à la prévention et au règlement des difficultés liées au surendettement des particuliers et des familles N° Lexbase : L2053A4S.

[5] Voir en ce sens, A. Gouëzel, Le nouveau droit des sûretés, Dalloz, 2023 n° 142.

[6] Cass. com., 8 mars 2011, n° 10-10.699, FS-P+B+I N° Lexbase : A0443G7K ; C. civ., art. 2297, al. 2 N° Lexbase : L0171L8T.

[7] C. consom., anc. art. L. 341-2 N° Lexbase : L1158K7Z ; C. civ., art. 2297, al. ler N° Lexbase : L0171L8T.

[8] Voir en ce sens, Cass. com., 5 février 2013.

[9] Cass. civ. 1, 28 novembre 2018, n° 17-30.966, F-D {"IOhtml_internalLink": {"_href": {"nodeid": 48925528, "corpus": "sources"}, "_target": "_blank", "_class": "color-sources", "_title": "Cass. civ. 1, 28-11-2018, n\u00b0 17-30.966, F-D, Cassation", "_name": null, "_innerText": "N\u00b0\u00a0Lexbase\u00a0: A9299YNQ"}}.

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