Cahiers Louis Josserand n°3 du 27 juillet 2023 : Responsabilité médicale

[Chronique] Rappels sur la responsabilité médicale des chirurgiens esthétiques

Réf. : CA Lyon, 1re ch. civ. A, 8 décembre 2022, n° 20/04202 N° Lexbase : A50158ZR

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N6325BZB

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par Pierrick Maimone, Doctorant, Université Jean Moulin Lyon 3

le 26 Juillet 2023

Mots-clés : responsabilité médicale • chirurgie • faute médicale • devoir d’information • preuve


 

Par un arrêt en date du 8 décembre 2022, la cour d’appel de Lyon vient procéder à quelques rappels probatoires quant à la responsabilité médicale d’un chirurgien esthétique.

En l’espèce, en 2004, une personne décida de réaliser plusieurs interventions chirurgicales esthétiques. Non-satisfaite du résultat, elle décida, en 2007, d’effectuer de nouvelles interventions pour tenter de corriger ce qui ne lui convenait pas. Toutefois, une nouvelle fois, le résultat ne lui convenait toujours pas. Elle décida alors d’assigner en justice son second chirurgien esthétique pour obtenir l’indemnisation de ses préjudices, sur le fondement de sa responsabilité médicale. Elle estime avoir subi un dommage corporel, dû à une faute dans « l’exécution de l’acte médical » [1], lui causant divers préjudices. Également, elle affirme avoir subi un préjudice de perte de chance de ne pas subir une intervention chirurgicale, ainsi que ses conséquences.

Par un jugement en date du 15 juin 2020, le tribunal judiciaire de Lyon la déboute de toutes ses demandes. Elle interjette alors appel de cette décision et renouvelle donc ses demandes d’indemnisation. Logiquement, le défendeur souhaite que le jugement de première instance soit confirmé. La cour d’appel devait ainsi se prononcer sur le fait de savoir si l’échec d’une intervention chirurgicale permettait d’engager la responsabilité médicale d’un chirurgien esthétique et apprécier les preuves fournies à l’instance, lesquelles reposaient essentiellement sur des expertises, au vu des carences probatoires de la patiente.

Selon le premier alinéa de l’article L. 1142-1 du Code de la santé publique N° Lexbase : L1910IEH, instaurant un régime de responsabilité médicale, « [h]ors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé […] ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute ». Il s’agit donc là donc d’une responsabilité impliquant qu’une faute soit démontrée. Avant que la responsabilité médicale ne soit consacrée légalement, la responsabilité des médecins reposait sur le contrat. Dans ce cadre, l’arrêt Mercier avait affirmé que le professionnel de santé ne pouvait être tenu qu’à une obligation de moyens [2]. Autrement dit, pour que sa faute fût caractérisée, la simple non-obtention du résultat voulu ne suffisant pas, il fallait établir que le médecin avait manqué de diligence dans la réalisation des actes de soin. Si la consécration d’une responsabilité médicale détachée de la notion de contrat ne permet pas de reprendre la distinction des obligations de résultat et de moyens, propre à la sphère contractuelle, il demeure que la logique selon laquelle la simple non-obtention du résultat souhaité par le patient ne suffit pas à engager la responsabilité du professionnel de santé est toujours en vigueur [3]. Or il a été relevé par expertise que si, effectivement, le résultat escompté n’avait pas été obtenu, aucun élément ne permettait d’établir une quelconque faute du chirurgien esthétique. De plus, la patiente n’apporte aucun élément complémentaire permettant d’établir un manque de diligence dans la réalisation des actes chirurgicaux, dès lors qu’elle se contente de critiquer le rapport qui aurait minimisé les fautes du praticien, sans apporter donc de preuves supplémentaires. La charge de la preuve incombant au demandeur (CPC, art. 9 N° Lexbase : L1123H4D), les juges d’appel ne pouvaient que confirmer le rejet de prétentions de l’appelant, sur ce fondement.

Outre la commission d’un acte chirurgical fautif, le manquement d’un professionnel de santé à son devoir d’information peut être constitutif d’une faute « contre la conscience médicale » [4]. Ce fondement permet souvent d’outrepasser les difficultés d’établir la preuve de la réalisation d’actes chirurgicaux fautifs. En effet, l’article L. 1111-2, IV, du Code de la santé publique N° Lexbase : L4848LWH dispose qu’« [e]n cas de litige, il appartient au professionnel ou à l'établissement de santé d'apporter la preuve que l'information a été délivrée à l'intéressé dans les conditions prévues au présent article » et que « [c]ette preuve peut être apportée par tout moyen ». Autrement dit, la loi fixe un renversement de la charge de la preuve qui n’incombe donc pas, s’agissant du devoir d’information, à celui qui allègue qu’il n’aurait pas été respecté. Or dans l’espèce, les juges d’appel relèvent que le praticien affirme avoir bien transmis toutes les informations nécessaires à la patiente, ce qui est confirmé par l’expert judiciaire. Une nouvelle fois, la patiente n’a apporté aucun élément de preuve permettant d’emporter la conviction du juge.

Si le régime de la responsabilité médicale est particulièrement favorable à l’indemnisation des victimes, il ne les dispense pas de prouver les faits qu’elles allèguent.

 

[1] Y. Lambert-Faivre, S. Porchy-Simon, Droit du dommage corporel, Paris, Dalloz, coll. « Précis », 2022, 9e éd., n° 695.

[2] Cass. civ., 20 mai 1936.

[3] V. en ce sens : Y. Lambert-Faivre, S. Porchy-Simon, Droit du dommage corporel, préc., n° 694.

[4] Y. Lambert-Faivre, S. Porchy-Simon, Droit du dommage corporel, préc., n° 694, spéc. p. 648.

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