Cahiers Louis Josserand n°3 du 27 juillet 2023 : Covid-19

[Doctrine] Les risques couverts par l’assureur en cas de pandémie : mise en œuvre de la garantie « pertes d’exploitation » dans le cadre de la Covid-19

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[Doctrine] Les risques couverts par l’assureur en cas de pandémie : mise en œuvre de la garantie « pertes d’exploitation » dans le cadre de la Covid-19. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/98308380-doctrine-les-risques-couverts-par-lassureur-en-cas-de-pandemie-mise-en-uvre-de-la-garantie-pertes-de
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par Nicolas Rias, Maître de conférences à l’Université Jean Moulin Lyon 3, Équipe Louis Josserand

le 26 Juillet 2023

Cela faisait longtemps que la communauté internationale n’avait pas été confrontée à une crise sanitaire. Après la peste de Justinien qui a sévi entre les VIe et VIIIe siècles, après la peste noire qui a frappé au Moyen Âge entre 1347 à 1353, après la fièvre jaune qui s’est abattue à plusieurs reprises au cours des XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles, après le choléra à l’origine de sept grands épisodes infectieux, après la grippe espagnole apparue en 1918, après la grippe asiatique qui s’est répandue de 1956 à 1958 et, enfin, après la grippe de Hong Kong qui a été active de 1968 à 1970, le temps des pandémies semblait pouvoir être relégué au rang des vieux souvenirs. La garde, en tout cas, avait été baissée à l’égard de ces fléaux. Elle l’avait été d’autant plus facilement que les progrès de la médecine étaient perçus comme suffisants pour permettre de laisser à penser qu’ils étaient de nature à conjurer rapidement les effets de la survenance éventuelle d’un nouveau virus particulièrement virulent.

L’irruption de la Covid-19 est venue rappeler que les pandémies existent toujours, que leurs conséquences sanitaires ne sont pas forcément maîtrisables immédiatement et que leur impact sur la vie économique et sociale peut aller au-delà de l’imaginable. En cela, la Covid-19 a remis les pendules à l’heure. Elle a fait prendre conscience de ce que, dans bien des domaines, les sociétés contemporaines pouvaient être largement démunies face au risque pandémique auquel elles avaient fini par se déshabituer.

Le secteur des assurances illustre de manière topique la désorganisation générée par la nécessité de faire face aux nouvelles problématiques suscitées par les pandémies en général, et par la Covid-19 en particulier, laquelle a justifié l’adoption de mesures sans précédent ayant affecté gravement l’activité des opérateurs économiques qui ont vu leurs résultats sensiblement diminuer.

Ainsi, afin de ralentir la propagation du virus de la Covid-19, le Gouvernement français a notamment pris la décision, matérialisée d’abord par un arrêté puis par trois décrets [1], d’interdire à certains établissements accueillant habituellement du public de continuer à le faire pendant ce qu’il est convenu d’appeler les deux périodes de confinement. Concrètement, en se fondant sur la nomenclature des établissements accueillant du public, telle que fixée à l’article GN1 de l’arrêté du 25 juin 1980 portant approbation des dispositions générales du règlement de sécurité contre les risques d’incendie et de panique dans les établissements recevant du public (ERP) N° Lexbase : Z43487TX, le Gouvernement a fixé la liste des catégories de structures concernées par les mesures d’interdiction qu’il prenait [2].

Ces mesures d’interdiction d’accueillir du public ont eu pour conséquence une perte d’exploitation directe des établissements qui en étaient l’objet, ainsi que, dans certains cas, une perte d’exploitation indirecte pour les établissements exerçant plusieurs activités dont certaines n’étaient pas visées dans les textes règlementaires, lesquelles ont néanmoins subi une diminution par répercussion [3].

Par ailleurs, en dehors même de ces mesures d’interdiction d’accueillir du public, les simples restrictions aux déplacements dont la population française a fait l’objet, par la même voie règlementaire, à l’occasion des deux confinements [4], ont, elles aussi, pu générer une forte baisse d’activité commerciale et donc un préjudice économique par gains manqués constitutif, là encore, de pertes d’exploitation.

Des établissements dont l’activité a été touchée par la crise sanitaire se sont parfois tournés vers leur assureur afin qu’il prenne en charge leurs pertes d’exploitation. C’est à partir de ce moment-là que va éclater, au grand jour, l’impréparation du secteur des assurances pour affronter le risque pandémique et ses répercussions en termes de pertes d’exploitation.

L’assurance pertes d’exploitation, qui est facultative, a pour objet d’indemniser les assurés de leur perte de chiffre d’affaires consécutive à l’interruption ou à la baisse de l’activité de leur entreprise. Elle ne fait l’objet d’aucune disposition légale spécifique. Par suite, elle est soumise au principe de la liberté contractuelle et la définition du risque précisément assuré relève, au cas par cas, de la substance de l’accord conclu entre l’assureur et l’assuré, mais aussi, dans l’hypothèse d’une rédaction obscure de la police d’assurance, de son interprétation par le juge, laquelle peut se révéler aléatoire [5]. De cette casuistique particulièrement prégnante, résultent de véritables incertitudes attachées au principe même de la couverture du sinistre pertes d’exploitation lorsque celui-ci trouve son origine dans la crise sanitaire de la Covid-19 (I). Et lorsque la prise en charge du sinistre apparaît finalement devoir être acquise, le débat se déplace alors sur le terrain de son règlement qui se heurte, quant à lui, à un certain nombre de difficultés (II).

I. Les incertitudes relatives à la couverture du sinistre

Les incertitudes relatives à la couverture du sinistre s’expliquent par le fait que, en l’absence de dispositions légales précises concernant non seulement l’assurance pertes d’exploitation en général, mais également l’assurance pertes d’exploitation pour cause de pandémie en particulier, les solutions à retenir vont dépendre, très naturellement, de la manière dont le contrat est rédigé. Mais elles vont également dépendre, fréquemment, de la manière dont le juge va l’interpréter. Or eu égard à la complexité, voire la subtilité, qui caractérise la rédaction des polices d’assurance, les marges d’appréciation du juge semblent en ce domaine relativement importantes, ce qui est de nature à amener les juridictions du fond à rendre des décisions qui retiennent des solutions pouvant paraître contradictoires. Les incertitudes portant sur le principe de même de la mobilisation de la police d’assurance se traduisent par le fait que, dans des proportions qui semblent équivalentes, les hypothèses de couverture (A) coexistent avec les hypothèses de non-couverture (B) du sinistre.

A. Les hypothèses de couverture du sinistre

Les hypothèses de couverture du sinistre sont justifiées par l’existence d’une clause de garantie mobilisable (1) et, en outre, par la neutralisation de la clause d’exclusion de garantie lorsqu’elle est stipulée (2).

1) L’existence d’une clause de garantie mobilisable

L’hypothèse de l’existence d’une clause de garantie mobilisable ne peut être envisagée que lorsque l’assurance pertes d’exploitation est conçue de manière autonome, en ce sens qu’elle n’est pas conditionnée par la survenance préalable d’un dommage matériel. Tel est le cas, par exemple, de la clause type proposée par un assureur, la société GENERALI, qui stipule :

« Nous garantissons au titre du chapitre soutien financier […] le paiement d’une indemnité résultant de l’interruption totale ou partielle des activités de l’assuré, consécutive à la fermeture totale ou partielle d’un établissement assuré, par suite d’une décision des autorités compétentes ».

Il apparaît très clairement, ici, que la mobilisation de la police d’assurance n’est pas subordonnée à la survenance préalable d’un dommage matériel (incendie ou autre), subi par l’assuré.

L’« autonomisation » de la garantie pertes d’exploitation n’est toutefois pas d’une condition suffisante. En effet, il est nécessaire, pour que les pertes d’exploitation causées par la crise sanitaire de la Covid-19 soient effectivement indemnisables, que la police d’assurance soit rédigée de telle manière qu’elle permette effectivement une couverture du sinistre.

Il n’y aura à cet égard pas de difficultés particulières si la police d’assurance applicable, subordonne la prise en charge du sinistre à une fermeture administrative, et que la structure concernée relève de l’une des catégories d’établissement ayant fait l’objet d’une mesure d’interdiction d’accueillir du public comme les restaurants [6] ou encore les salles de sport.

La question est plus délicate, en revanche, lorsque la même police d’assurance a vocation à s’appliquer à un établissement « mixte » qui exploite à la fois une activité ayant fait l’objet d’une mesure d’interdiction d’accueillir du public (telle la restauration) et une autre activité qui n’est quant à elle pas concernée (telle l’hôtellerie). Dans cette configuration, la logique voudrait que la perte du chiffre d’affaires afférent à l’activité d’hôtellerie ne soit pas prise en charge par l’assureur et que seule celle relative à l’activité de restauration soit couverte. Ce n’est toutefois pas la solution qui a été retenue par certains juges du fond. En effet, il a pu être jugé, à de multiples reprises, par des juridictions du premier degré, que dès lors qu’un établissement était partiellement concerné par les mesures d’interdiction règlementaires, c’est la perte du chiffre d’affaires correspondant à l’ensemble des activités exploitées qui devait être couverte [7]. Cette jurisprudence ne s’imposait pas avec la force de l’évidence. La raison en est qu’il convient de garder à l’esprit que le risque assuré est exclusivement la perte d’exploitation consécutive à une fermeture administrative et non pas le risque de pandémie et ses conséquences directes ou indirectes. Par suite, pour les activités non concernées par les mesures règlementaires, il peut être considéré que le sinistre ne s’est pas réalisé, de sorte que sa couverture semble être sans objet. La clause faisant référence à la fermeture totale ou partielle de l’établissement aurait donc pu être interprétée dans un sens différent de celui ici retenu et consistant à soutenir que l’intégralité de la perte du chiffre d’affaires doit être couverte, quelle que soit l’étendue de la mesure d’interdiction d’accueillir du public. Ainsi, il aurait pu être compris qu’en cas de fermeture totale par suite d’une décision administrative, l’intégralité des pertes d’exploitation doit être garantie, mais qu’en cas de fermeture partielle, seule la perte de bénéfice afférent à l’activité concernée doit être prise en charge par l’assureur.

2) La neutralisation de la clause d’exclusion de garantie

Le fait qu’une clause de garantie soit mobilisable ne suffit pas toujours à établir l’obligation faite à l’assureur de couvrir le sinistre subi par son assuré. En effet, il reste encore envisageable que cette obligation de couverture puisse être tenue en échec par l’application d’une clause d’exclusion de garantie. La prise en charge effective du sinistre ne peut alors se concevoir que par la neutralisation de ladite clause d’exclusion de garantie.

Aux termes de l’article L. 113-1, aliéna 1er, du Code des assurances N° Lexbase : L0060AAH : « Les pertes et les dommages occasionnés par des cas fortuits ou causés par la faute de l’assuré sont à la charge de l’assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police ». Il en ressort que la validité d’une clause d’exclusion de garantie est doublement conditionnée. Tout d’abord, la clause doit être formelle. Il a été relevé par un auteur [8] que l’exclusion est formelle, selon la jurisprudence [9], « si elle est rédigée de façon claire, précise et non équivoque, de sorte que l’assuré peut déterminer sans difficulté les cas dans lesquels le risque ne sera pas couvert » et qu’elle est limitée, toujours selon la jurisprudence [10], « si elle n’est pas un instrument utilisé par l’assureur afin de vider la garantie de sa substance ». Il faut, en outre, garder à l’esprit que, en application des dispositions de l’article L. 112-4, alinéa 3, du Code des assurances N° Lexbase : L0055AAB, les clauses d’exclusion de garantie doivent être mentionnées en caractères très apparents.

Si certaines juridictions du fond ont pu retenir la validité des clauses d’exclusion de garantie dans le cadre de sinistres en lien avec la Covid-19 [11], d’autres, et pour les mêmes clauses, ont pu décider le contraire, de sorte que, finalement, l’assureur a été tenu de verser une indemnité à son assuré. Ce défaut de similarité des solutions retenues en fonction de la juridiction saisie illustre en tout cas avec force les incertitudes afférentes à la couverture, ou non, des sinistres consécutifs à la crise sanitaire.

Le débat a été particulièrement vif à propos de la clause d’exclusion de garantie contenue dans les polices d’assurance proposées par la société AXA et ainsi rédigées :

« La garantie est étendue aux pertes d’exploitation consécutives à la fermeture provisoire totale ou partielle de l’établissement assuré, lorsque les deux conditions suivantes sont réunies :

1/ La décision de fermeture a été prise par une autorité administrative compétente, et extérieure à vous-même ;

2/ La décision de fermeture est la conséquence d’une maladie contagieuse, d’un meurtre, d’un suicide, d’une épidémie ou d’une intoxication. […]

Sont exclues :

- les pertes d’exploitation, lorsque, à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelles que soient sa nature et son activité, fait l’objet, sur le même territoire départemental que celui de l’établissement assuré, d’une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique ».

La cour d’appel d’Aix-en-Provence a décidé, dans un arrêt en date du 25 février 2021 [12], que l’exclusion de garantie devait être réputée non écrite, à défaut de satisfaire aux exigences posées par l’article L. 113-1 du Code des assurances N° Lexbase : L0060AAH. Elle a motivé sa décision en relevant que la clause n’est aucunement limitée dès lors qu’elle vise « tout autre établissement » faisant l’objet d’une fermeture administrative pour une cause identique, quelle que soit sa nature et son activité, et que ledit autre établissement peut se situer sur un territoire particulièrement vaste puisque « dépassant le simple cadre d’un village ou d’une ville ». Elle a poursuivi son raisonnement en indiquant que l’application d’une telle clause reviendrait en réalité à ne pas couvrir l’assuré de ses pertes d’exploitation subies non seulement à raison de la crise sanitaire de la Covid-19 en particulier, mais également, et plus généralement, à raison d’une épidémie quelle qu’elle soit. Par suite, elle priverait nécessairement de sa substance l’obligation essentielle de l’assureur qui est, faut-il le rappeler, de garantir son assuré en cas de pertes d’exploitation consécutives à une… épidémie. Il faut signaler que, en substance, cette même analyse a été reprise à son compte par la cour d’appel de Montpellier, dans un arrêt rendu le 15 avril 2021 [13].

Toujours à propos de cette clause « AXA, la cour d’appel de Poitiers, dans un arrêt du 26 octobre 2021 [14], a également réputé non écrite l’exclusion de garantie, mais pour des raisons un peu différentes. Elle s’est en effet fondée sur l’imprécision du terme épidémie, quand bien même celui-ci n’est pas visé dans le texte même de la clause d’exclusion de garantie, dès lors que cette dernière y renvoie cependant indirectement [15]. Ainsi, après avoir relevé que le contrat d’assurance ne définit pas l’épidémie, pas plus qu’il ne définit la maladie contagieuse, la cour d’appel de Poitiers a constaté que le mot « épidémie » pouvait avoir différentes significations, de sorte qu’il est sujet à interprétation. Par suite, la clause d’exclusion, qui renvoie à une circonstance (l’épidémie) qui n’est pas définie, ne permet pas à l’assuré de connaître avec exactitude la garantie dont il est censé bénéficier. À défaut d’être suffisamment précise, elle doit être réputée non écrite.

B. Les hypothèses de non-couverture du sinistre

Les hypothèses de non-couverture du sinistre sont globalement justifiées soit par l’absence de clause de garantie mobilisable (1), soit par la validité de la clause d’exclusion de garantie intégrée au contrat (2).

1) L’absence de clause de garantie mobilisable

L’absence de clause de garantie mobilisable renvoie concrètement à deux situations différentes qui ont en commun de rendre compte de ce que l’une des conditions d’activation de la police d’assurance pertes d’exploitation fait défaut.

S’agissant de la première situation, elle s’explique par le fait que l’assurance pertes d’exploitation est conçue comme une garantie accessoire, en ce sens qu’elle n’est susceptible d’être mobilisée, aux termes de la police d’assurance, que si une autre garantie, principale cette fois-ci, a vocation à être activée [16]. Plus précisément, l’assurance pertes d’exploitation ne peut être mise en œuvre que si un dommage matériel est survenu. Par exemple, un immeuble à l’intérieur duquel est exploité un commerce fait l’objet d’un incendie. Une assurance de chose a été souscrite pour le risque incendie, ainsi qu’une assurance pertes d’exploitation en cas de destruction par incendie. En tant que garantie accessoire, l’assurance pertes d’exploitation pourra valablement être mobilisée puisque le dommage matériel qui la conditionne est caractérisé. Une première indemnité d’assurance sera versée au titre du sinistre incendie, laquelle permettra de financer les travaux de remise en état, et une seconde indemnité d’assurance sera versée au titre de la perte d’exploitation, cette fois-ci pour indemniser l’assuré de la perte de son chiffre d’affaires générée par la nécessaire fermeture de son établissement. Il apparaît donc que lorsque la garantie pertes d’exploitation souscrite est une garantie accessoire, elle ne peut valablement être mise en œuvre pour indemniser les assurés de leur perte de chiffre d’affaires consécutive à la crise sanitaire de la Covid-19. En effet, le préjudice subi par ces derniers ne procède aucunement d’un dommage matériel initial.

S’agissant de la seconde situation, elle renvoie à celle où la garantie pertes d’exploitation est certes envisagée à titre autonome, mais est néanmoins conditionnée à une fermeture administrative qui fait défaut. Ce qu’il faut ici rappeler, c’est que, bien souvent, la police d’assurance pertes d’exploitation ne couvre pas la perte de chiffres d’affaires consécutive à la seule survenance d’une pandémie qui n’est, en elle-même, pas un risque assuré. Ce qui constitue l’objet de l’assurance, c’est le risque de fermeture administrative consécutif à une pandémie et les conséquences financières qui lui sont attachées. C’est ce qui ressort en tout cas d’un certain nombre de clauses types intégrées dans les polices d’assurance pertes d’exploitation de plusieurs compagnies d’assurances. Par exemple, un assureur (la société GROUPAMA) prévoit, au titre de la garantie pertes d’exploitation, qu’est couverte l’impossibilité de poursuivre les activités par suite de la survenance d’une fermeture de l’établissement sur l’ordre des autorités administratives, lorsque celle-ci est motivée par la seule réalisation effective d’événements limitativement énumérés, parmi lesquels figurent les maladies contagieuses ou les épidémies. Dans le même sens, un autre assureur (la société MMA IARD) prévoit qu’en l’absence de préjudice matériel, la garantie pertes d’exploitation est mobilisable en cas de fermeture administrative décidée après une épidémie (ou encore une intoxication alimentaire ou un sinistre responsabilité civile). Lorsque l’activation de la garantie pertes d’exploitation est subordonnée, comme dans les clauses qui viennent d’être évoquées, à une décision de fermeture administrative, les établissements n’appartenant à l’une des catégories visées dans l’arrêté du 14 mars 2020, dans le décret n° 2020-293, du 23 mars 2020 N° Lexbase : L5507LWU, dans le décret n° 2020-548, du 11 mai 2020 N° Lexbase : L8355LWD et dans le décret n° 2020-1310, du 29 octobre 2020 N° Lexbase : L5637LYG ne peuvent effectivement prétendre à une couverture assurantielle de leur préjudice. Tel n’est pas le cas, par exemple, des établissements hôteliers [17].

2) La validité de la clause d’exclusion de garantie

Il est des cas dans lesquels les conditions de la garantie sont manifestement réunies : l’assurance pertes d’exploitation a été souscrite à titre autonome et l’établissement concerné fait l’objet d’une interdiction d’accueillir du public. Pourtant, l’assureur va dénier devoir couvrir le sinistre en se fondant sur une clause d’exclusion de garantie dont la validité va être retenue.

Cette hypothèse a été largement illustrée avec la clause type, déjà évoquée, de la garantie pertes d’exploitation de la société d’assurances AXA [18].

Telle que rédigée, ladite clause fait ressortir que les conditions de la garantie pertes d’exploitation sont a priori réunies, puisque l’arrêté du 14 mars 2020, le décret n° 2020-293, du 23 mars 2020 N° Lexbase : L5507LWU, le décret n° 2020-548, du 11 mai 2020 N° Lexbase : L8355LWD et le décret n° 2020-1310, du 29 octobre 2020 N° Lexbase : L5637LYG peuvent être considérés comme assimilables à des décisions de fermeture [19], lesquelles sont, en outre, justifiées par une maladie contagieuse.

Cela étant, la clause d’exclusion de garantie va venir faire obstacle à ce que l’assureur soit finalement tenu d’indemniser son assuré de ses pertes d’exploitation. En effet, elle prévoit que la couverture n’est pas due lorsqu’un autre établissement situé dans le même département a fait l’objet d’une mesure identique pour une cause identique. Or dans le cadre de la crise sanitaire de la Covid-19, ce sont tous les établissements relevant des catégories concernées par les règlements précédemment évoqués qui ont dû cesser d’accueillir du public. Par suite, la clause d’exclusion de garantie a vocation à s’appliquer.

Toutefois, le débat juridique n’est ici encore pas totalement clos, car la discussion doit alors se déplacer sur le terrain de la validité de cette clause d’exclusion de garantie. 

Les conditions de validité des clauses d’exclusion de garantie ont été précédemment évoquées. Pour rappel, les exclusions doivent être formelles, limitées et stipulées en caractères très apparents [20].

S’agissant de la clause litigieuse, le débat quant à sa validité s’est concentré sur la question de son caractère ou non formel et de son caractère ou non limité. À cet égard, il peut être relevé que certaines juridictions du fond, mais pas toutes [21], ont considéré que ladite clause était suffisamment formelle et limitée, de sorte qu’elle était valide et que l’assureur n’avait pas à couvrir le sinistre.

C’est par exemple ce qui a été jugé par la cour d’appel de Bordeaux dans un arrêt rendu le 7 juin 2021 [22]. Tout d’abord, s’agissant de la condition relative au caractère formel de la clause, la cour a relevé qu’elle était satisfaite dès lors que celle-ci est suffisamment claire et qu’elle n’est donc pas de nature à créer chez l’assuré un doute sur la portée de l’exclusion [23]. Ensuite, s’agissant de la condition relative au caractère limité de la clause, la cour a considéré qu’elle était, là encore, satisfaite en ce qu’elle ne vide aucunement de sa substance l’obligation de l’assureur de couvrir les pertes d’exploitation qui n’est pas rendue dérisoire dans la mesure où celle-ci demeure lorsqu’aucun autre établissement situé dans le même département n’a fait l’objet de la même mesure pour la même cause [24].

Cette solution de la cour d’appel de Bordeaux a été reprise à son compte quelque temps plus tard par la cour d’appel de Lyon, en des termes sinon identiques, du moins substantiellement similaires [25].

Puis, c’est la Cour de cassation elle-même, laquelle contrôle l’interprétation des juges du fond lorsqu’elle porte sur des clauses types, qui a considéré dans quatre arrêts rendus le même jour que la clause d’exclusion de garantie était parfaitement valide [26]. Ella a considéré que la clause était à la fois formelle, puisque ce référent à des critères précis [27], et limitée, puisque ne privant pas l’assuré du bénéfice de sa garantie en dehors de circonstances particulières strictement définies, laissant ainsi subsister une couverture assurantielle pouvant être qualifiée d’aucunement dérisoire [28].

Si les raisons de l’absence de prise en charge par l’assureur de pertes d’exploitation consécutives à la crise sanitaire de la Covid-19 apparaissent, en définitive, diverses et variées, celles qui justifient, en sens inverse, une couverture du sinistre ne sont juridiquement pas moins nombreuses. D’où l’incertitude quant à la possible mobilisation de la police d’assurance pertes d’exploitation dans de telles circonstances. Cela étant, pour ce qui est de la clause « AXA », les ambiguïtés ont été clairement levées par les arrêts de la Cour de cassation rendus le 1er décembre 2022, lesquels tranchent très nettement en faveur de la validité de la clause d’exclusion de garantie et donc en faveur de l’absence de couverture assurantielle [29].

Lorsque, pour l’une des différentes raisons qui viennent d’être envisagées, la garantie pertes d’exploitation n’est pas due par l’assureur, la discussion juridique prend fin et l’assuré devra assumer seul les conséquences de la crise sanitaire, ce qui pourra parfois conduire à sa liquidation, les difficultés financières auxquelles il est confronté pouvant être insurmontables en dépit des aides étatiques dont il a pu bénéficier.

Au contraire, lorsque les pertes d’exploitation doivent être prises en charge par l’assureur, les questionnements juridiques se poursuivent sur le terrain, cette fois-ci, du règlement du sinistre, lequel peut susciter un certain nombre de difficultés qu’il convient maintenant d’évoquer.

II. Les difficultés relatives au règlement du sinistre

Le sinistre « pertes d’exploitation » soulève principalement deux séries de difficultés s’agissant de son règlement dans le cadre de la crise sanitaire de la Covid-19. La première tient à son évaluation (A). La seconde tient à son caractère sériel (B).

A. Les difficultés relatives à l’évaluation du sinistre

Dans le cadre de l’assurance « pertes d’exploitation », le sinistre correspond aux pertes d’exploitation de l’assuré qui ont été précisément causées par l’événement justifiant la mobilisation de la police d’assurance. Une fois acquise la couverture du sinistre par l’assureur, se pose la question de l’évaluation de ce sinistre ou, plus précisément, du montant de l’indemnité qui va devoir être versé par l’assureur à son assuré. À cet égard, des difficultés non négligeables vont parfois survenir, qui tiennent à la grande spécificité de la situation à l’origine des pertes d’exploitation consécutives à la crise sanitaire.

Les pertes d’exploitation correspondent généralement à la perte de marge brute subie par l’assuré. Elles sont calculées en faisant la différence entre le chiffre d’affaires qui aurait été réalisé pendant toute la période couverte par l’assureur en l’absence de sinistre, et le chiffre d’affaires effectivement réalisé, sur la même période. Le taux de marge brut est ensuite appliqué au montant de la perte de chiffre d’affaires, avant déduction des dépenses habituellement exposées en période normale, mais qui ne l’ont pas été à raison de la survenance du sinistre (telles que les charges salariales ou les dépenses de fonctionnement par exemple).

Le calcul des pertes d’exploitation consécutives à la crise de la Covid-19 peut concrètement soulever des difficultés qui tiennent, d’une part, à l’incidence des facteurs extérieurs et, d’autre part, à la nature des activités exercées dans l’établissement assuré.

S’agissant de la question de l’influence des facteurs extérieurs sur les pertes d’exploitation, elle se pose au regard de la particularité de la situation qu’a fait naître la crise sanitaire. En effet, au-delà des mesures d’interdiction d’accueillir du public affectant les établissements sollicitant la couverture de leur assureur au titre des pertes d’exploitation, les autorités publiques ont pris des mesures de restriction au droit de se déplacer qui ont affecté, sauf exception, l’ensemble de la population. Ces mesures ont sans doute été une cause de perte de chiffre d’affaires indépendante de la survenance du sinistre qui consiste exclusivement, il faut le rappeler, dans la fermeture de l’établissement concerné. D’autres facteurs extérieurs peuvent encore être identifiés dans la baisse de fréquentation touristique ou encore dans le développement, durant la même période, du télétravail. Par suite, ces pertes de chiffre d’affaires extérieures à celles générées par le seul sinistre « fermeture de l’établissement », ne doivent semble-t-il pas être prises en considération dans l’évaluation de l’indemnité d’assurance due par l’assureur au titre de sa police d’assurance. Il convient donc de les évaluer avant de les déduire de la perte de chiffre d’affaires prise en compte pour calculer la perte de marge brute. Toute la difficulté réside dans le fait que cette évaluation semble techniquement assez complexe à opérer. Il n’est pas sûr qu’un expert-comptable, à qui la mission d’évaluer les pertes d’exploitation est habituellement confiée, dispose des moyens techniques pour ce faire.

S’agissant des difficultés tenant à la nature des activités exercées dans l’établissement concerné, il convient de préciser qu’elles ne surviennent pas systématiquement. Ainsi, lorsque l’assuré exploite, au sein de son établissement, une seule et même activité pour laquelle une mesure d’interdiction d’accueillir du public a été prise, l’évaluation du sinistre ne soulève techniquement pas d’obstacles particuliers.

En revanche, lorsque l’assuré exploite, au sein de son établissement, plusieurs activités pour lesquelles seulement certaines d’entre elles ont fait l’objet d’une mesure d’interdiction d’accueillir du public, l’évaluation du sinistre sera a priori beaucoup plus difficile à opérer, surtout lorsque, hypothèse loin d’être marginale, pour des raisons financières ou commerciales, les exploitants ont préféré procéder à une fermeture totale de l’établissement, alors que, juridiquement, une fermeture partielle était seule exigée.

Dans cette configuration, outre la question récurrente déjà évoquée de la prise en compte des facteurs extérieurs que sont les restrictions à la liberté de déplacement, se posera celle de savoir quel est l’impact de la décision, non imposée à l’exploitant, de fermeture de l’activité pour laquelle l’accueil du public continuait pourtant à être autorisé.

Le propos peut être illustré à travers l’exemple d’un établissement qui exerce en son sein les trois activités suivantes que sont l’hôtellerie, la restauration et la mise à disposition de salles de réunion. Alors que la première activité n’a pas fait l’objet d’une mesure d’interdiction d’accueillir du public, les deux autres l’ont fait. Le sinistre couvert au titre de l’assurance pertes d’exploitation correspond, normalement, exclusivement à la perte de marge brute afférente aux seules activités de restauration et de mise à disposition de salles de réunion. Pour l’activité d’hôtellerie, en effet, aucun sinistre n’étant survenu, aucune couverture de l’assureur n’a à être déployée. Cela étant, la fermeture, spontanée, de l’activité hôtellerie aurait eu des répercussions sur l’activité de restauration et sur l’activité de mise à disposition de salles de réunion si, en l’absence de sinistre, celles-ci avaient pu continuer à être exploitées. Il s’agira alors d’évaluer l’incidence qu’aurait eue la fermeture de l’activité hôtellerie sur le chiffre d’affaires relatif à l’activité restauration et à l’activité de mise à disposition de salles de réunion, si ces dernières avaient pu, en l’absence de crise sanitaire, continuer à être exploitées. Certes, il pourrait être objecté que, en l’absence de fermeture des activités de restauration et de mise à disposition de salles de réunion imposée par la voie règlementaire, l’activité hôtellerie n’aurait pas été unilatéralement arrêtée, de sorte qu’il s’agit là d’un débat qui n’a pas lieu d’être. Mais des assureurs ne l’entendent pas forcément de cette oreille. Certains soutiennent, en effet, que cette fermeture spontanée constitue finalement une variété de facteurs extérieurs au sinistre qui doit être prise en compte dans le calcul de la perte de marge brute.

L’ensemble de ces considérations témoignent de ce que, en matière de pertes d’exploitation consécutives à la crise sanitaire de la Covid-19, l’évaluation du sinistre peut susciter des difficultés à propos desquelles il n’est pas certain qu’un expert-comptable pourra venir à bout. Qui plus est, à cette difficulté d’évaluation du sinistre vient s’en ajouter une autre, d’ordre essentiellement économique, et qui tient au caractère sériel dudit sinistre.

B. Les difficultés relatives à la sérialité du sinistre

Alors que l’assurance pertes d’exploitation présente déjà un coût particulièrement élevé pour celui qui la souscrit [30], son équilibre économique a été mis à rude épreuve à l’occasion de la crise sanitaire de la Covid-19.

En effet, par le caractère sériel du sinistre, en ce qu’il est survenu sur une même période pour la plupart des sociétés ayant souscrit une police d’assurance pertes d’exploitation, les assureurs se trouvent dans une situation particulièrement délicate qui n’avait pas été anticipée, ni même imaginée, tant la période des pandémies semblait être révolue. Leur situation peut être d’autant plus délicate que le coût de chaque sinistre pour l’assureur est susceptible de se révéler rapidement élevé.

L’occasion est donc venue de repenser le régime de l’assurance pertes d’exploitation. C’est en tout cas ce dont a pris rapidement conscience le pouvoir politique en formulant pas moins de trois propositions de réformes législatives dans les deux mois ayant suivi le premier confinement.

Une première proposition de loi a été déposée sur le bureau de l’Assemblée nationale dès le 7 avril 2020, qui tend à instituer une contribution exceptionnelle des assureurs au soutien des entreprises fragilisées par l’épidémie de la Covid-19 et portant création d’une couverture du risque de catastrophe sanitaire [31]. L’idée phare de la proposition est d’intégrer dans le Code des assurances des dispositions spécifiquement consacrées aux risques de catastrophe sanitaire. La police d’assurance souscrite pourrait être mobilisée après déclaration de l’état de catastrophe sanitaire reconnue par décret en Conseil des ministres. La garantie pertes d’exploitation, qui serait obligatoire et financée par une cotisation additionnelle, pourrait être activée dès lors que l’établissement concerné subit une interruption totale ou partielle d’activité, à la suite d’une décision de l’autorité administrative. Il est à noter que les auteurs de la proposition prévoient qu’il importe peu que la perte d’exploitation soit consécutive à une fermeture des lieux ou à une simple limitation de la circulation des biens et des personnes (qui doit constituer, le plus souvent, en l’état actuel, un facteur extérieur tel qu’il a été précédemment évoqué).

Une deuxième proposition de loi a été déposée sur le bureau du Sénat, le 16 avril 2020 [32]. Son objet est de définir et de coordonner les rôles respectifs des assurances et de la solidarité́ nationale dans le soutien des entreprises victimes d’une menace ou d’une crise sanitaire majeure. Le texte soumis aux sénateurs présente l’originalité de faire coexister les mécanismes assurantiels et les mécanismes de solidarité nationale pour permettre la prise en charge des pertes d’exploitation. Au titre de l’assurance, il est prévu d’intégrer dans les polices d’assurance qui garantissent les dommages incendies, et qui sont souscrites dans le cadre de l’exercice professionnel d’une activité économique, une couverture des pertes d’exploitation consécutives aux mesures prises pour conjurer une crise sanitaire grave. La couverture de ce sinistre serait financée à travers une prime ou une cotisation additionnelle. Au titre de la solidarité nationale, un fonds d’aide serait mis en place au profit des compagnies d’assurance, lequel serait alimenté par un prélèvement annuel d’un minimum de 500 millions d’euros sur le produit des primes ou cotisations des contrats d’assurance de biens professionnels. Les ressources du fonds seraient réparties entre les différentes compagnies d’assurance proportionnellement au montant des indemnisations qu’elles ont dû verser à leurs assurés au titre de la couverture du sinistre pertes d’exploitation.

Une troisième et dernière proposition de loi a été déposée, sur le bureau de l’Assemblée nationale, le 12 mai 2020, qui vise à créer un mécanisme d’assurance des pertes d’exploitation liées à des menaces ou des crises sanitaires [33]. Selon ses termes, il est suggéré de créer un mécanisme, facultatif, d’assurance des pertes d’exploitation liées à des crises sanitaires graves, qui serait financé par une cotisation additionnelle, sur le modèle de ce qui existe déjà avec les polices d’assurance de risques de catastrophes naturelles. Afin de préserver l’équilibre économique du système mis en place, les auteurs de la proposition préconisent de fixer un cadre relativement strict à cette police d’assurance qui ne pourrait être activée qu’en cas d’événement exceptionnel de grande ampleur, aux conséquences graves, pour couvrir les effets de décisions prises par la puissance publique pour le contenir (telles que les mesures d’interdiction de rassemblement, de restriction de circulation, ou encore de fermeture d’établissement), et dans des secteurs délimités particulièrement exposés (tels que l’hôtellerie, la restauration, les transports, etc.).

À l’heure actuelle, ces trois propositions n’ont pas abouti à l’adoption d’un texte de loi. Parmi les différentes raisons qui justifient cette absence de suites concrètes, figure très certainement celle de l’insuffisance des moyens imaginés pour assurer un financement pérenne d’une telle police d’assurance, permettant alors d’atteindre un équilibre économique dans la durée.

Quoi qu’il en soit, la crise sanitaire de la Covid-19 a pu mettre en exergue la nécessité de repenser en profondeur la couverture, par les compagnies d’assurance, des sinistres « pertes d’exploitation » consécutifs aux pandémies. Si la prise de conscience ne fait pas de doute, force est de constater que, pour l’heure, les modifications législatives n’ont, en pratique, pas encore été effectivement actées. Il est vrai cependant que, au regard de l’ampleur du travail à accomplir, il est peut-être encore tôt. Cela étant, du côté des sociétés d’assurances, il se dit que les contrats « pertes d’exploitation » ont, le plus souvent, d’ores et déjà été modifiés pour exclure le risque de fermeture administrative consécutive à une pandémie.

 


[1] Article 1er de l’arrêté du ministre des Solidarités et de la Santé, du 14 mars 2020, portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus Covid-19 N° Lexbase : Z29840SP ; décret n° 2020-293, du 23 mars 2020, prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire, art. 8 N° Lexbase : Z23244SQ ; décret n° 2020-548, du 11 mai 2020, prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de Covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire, art. 10 N° Lexbase : Z04407SR ; décret n° 2020-1310, du 29 octobre 2020, prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de Covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire, art. 40 et s. N° Lexbase : Z10171TD.

[2] Par exemple, ont dû cesser d’accueillir du public, au moins à un moment ou à un autre des périodes de confinement, les établissements suivants : salles d'auditions, de conférences, de réunions, de spectacles ou à usage multiple sauf pour les salles d'audience des juridictions (catégorie L) ; magasins de vente et centres commerciaux, sauf  pour leurs activités de livraison et de retraits de commandes, et sauf pour les magasins faisant l’objet d’une exception textuellement prévue, tels que les commerces d’alimentation générale (catégorie M) ;  restaurants et débits de boissons, sauf pour leurs activités de livraison et de vente à emporter, le room service des restaurants et bars d'hôtels et la restauration collective sous contrat (catégorie N) ; salles de danse et salles de jeux (catégorie P) ; bibliothèques, centres de documentation (catégorie S) ; salles d'expositions (catégorie T) ; établissements sportifs couverts (catégorie X) ;  musées (catégorie Y) ; chapiteaux, tentes et structures (catégorie CTS) ; établissements de plein air (catégorie PA) ; établissements d'éveil, d'enseignement, de formation, centres de vacances, centres de loisirs sans hébergement, sauf exception (catégorie R). Les catégories d’établissement non visées dans l’arrêté ou l’un des trois décrets pouvaient donc continuer à accueillir du public. Tel était le cas, par exemple, des hôtels et hébergements similaires à l'exclusion des villages vacances, maisons familiales et auberges collectives (catégorie O), des structures d'accueil pour personnes âgées et personnes handicapées (catégorie J), des administrations, banques, et bureaux (catégorie W), des gares (catégorie GA), ou encore des établissements sanitaires (catégorie U).

[3] Tel peut-être le cas, par exemple, d’un établissement qui exploite en même temps une activité hôtelière et une activité de mise à disposition de salles de conférences. L’activité hôtelière n’a fait pas l’objet d’une interdiction d’accueillir du public mais, du fait de la restriction des services proposés par l’établissement, il est possible que son chiffre d’affaires afférent à l’hôtellerie s’en soit trouvé affecté.

[4] Décret n° 2020-293, du 23 mars 2020, prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire, art. 3 et s. N° Lexbase : Z23256SQ ; décret n° 2020-548, du 11 mai 2020, prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de Covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire, art. 3 et s. N° Lexbase : Z98822SQ ; décret n° 2020-1310, du 29 octobre 2020, prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de Covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire, art. 4 N° Lexbase : Z10111TD.

[5] J. Kullmann, Covid-19 et assurance des pertes d’exploitation : nouveau « petit guide-âne » destiné à combattre l’ignorance de la langue française et la méconnaissance de principes juridiques élémentaires, RGA, 2020, n° 10, p. 5.

[6] TJ Paris, référé, 11 février 2021, n° 21/50243 N° Lexbase : A93824GL ; CA Aix-en-Provence, ch. 1-3, 4 novembre 2021, n° 21/01854 N° Lexbase : A91717AW.

[7] T. com. Carcassonne, 21 juillet 2021, n° 2021000270, n° 2021000272, n° 2021000273, n° 2021000275, n° 2021000277 : « Attendu que le contrat d’assurance […] précise que les pertes d’exploitation de l’établissement assuré concernent son activité « hôtel-restaurant ». Attendu que le contrat d’assurance n’exclut ni ne dissocie aucune activité de l’assuré l’une par rapport à l’autre […] » ; T. com. La Roche-Sur-Yon, 14 décembre 2021 : « Attendu que […] ; que la police d’assurance litigieuse stipule que : « Nous garantissons au titre du chapitre soutien financier de l’annexe 100 % pro "hôtel-restaurant", le paiement d’une indemnité résultant de l’interruption totale ou partielle des activités de l’assuré, consécutive à la fermeture totale ou partielle d’un établissement assuré, par suite d’une décision des autorités compétentes » ; que la police d’assurance ne distingue pas les activités de l’assurée mais stipule qu’en cas de fermeture partielle ou totale de l’établissement (et non pas d’une activité) par une autorité compétente, ce qui est le cas en l’espèce, l’assureur s’engage à verser une indemnité relative aux activités de l’établissement interrompues totalement ou partiellement ; […] ; qu’ainsi, contrairement aux allégations de la société […], la police d’assurance est mobilisable par la société […] pour la perte subie par l’ensemble de ses activités et pas seulement celle énumérée par les arrêtés […] ; […] ».

[8] S. Bertolaso, Assurances terrestres – Contrat d'assurance – Le risque, objet du contrat, J-Cl. Responsabilité civile et Assurances, fasc. 505-20, 2020, n° 98.

[9] Cass. civ. 2, 18 janvier 2006, n° 04-17.872, FS-P+B N° Lexbase : A4033DMC.

[10] Cass. civ. 2, 19 novembre 2009, n° 08-14.300, F-D N° Lexbase : A1520EPY, Resp. civ. et assur., 2010, comm. 66, note H. Groutel.

[11] V. infra.

[12] CA Aix-en-Provence, 25 février 2021, n° 20/10357 N° Lexbase : A21574IQ.

[13] CA Montpellier, 15 avril 2021, n° 21/00434 : « […]. La clause d’exclusion vient ainsi en contradiction avec les conditions mêmes de la garantie et la vide de sa substance lorsque la garantie est déclenchée par une épidémie, évènement garanti, générant ainsi une incohérence entre la clause de garantie et la clause d’exclusion alors que le propre d’une épidémie est de s’étendre sur l’ensemble d’un territoire, voire au-delà et que le contrat ne la définit pas comme devant se produire dans le seul établissement assuré. […] ».

[14] CA Poitiers, 26 octobre 2021, n° 20/02949.

[15] « […], même si le mot "épidémie" ne figure pas dans la clause d’exclusion, celle-ci s’y réfère dans une mesure nécessaire et opérante, et même déterminante, puisqu’elle vise le cas où au moins un autre établissement fait l’objet, sur le même territoire départemental que celui de l’établissement assuré, d’une mesure de fermeture administrative "pour une cause identique", et cette dernière formule ne se comprend qu’en se référant à la liste d’événements stipulée dans la cause comme ouvrant seuls droit à la garantie lorsque l’un d’eux a conduit à la décision de fermeture administrative, à savoir une maladie contagieuse, un meurtre, un suicide, une épidémie où une intoxication. […] ».

[16] L. Bloch, Le poison de l’assurance pertes d’exploitation et le Covid-19, Resp. civ. et assur., 2020, focus 14 ; R. Bigot, A. Cayol et A. Charpentier, Risque de pandémie, pertes d’exploitation et incertitudes des garanties assurantielles, Resp. civ. et assur., 2022, études n° 7 ; P.-G. Marly, Covid-19, Assurance - 0 ? Libre propos sur la couverture des pertes d’exploitations liées à la crise sanitaire, BJDA, 2020, n° 68.

[17] Par exemple : T. com. Lyon, 11 janvier 2021, n° 2020J00826 N° Lexbase : A58207AS ; TJ Paris, 18 mars 2021, n° 21/00124 ; T. com. Paris, n° 2020032964 N° Lexbase : A87184GY ; CA Paris, 4-8, 22 mars 2022, n° 21/08459 N° Lexbase : A08227RU ; CA Rennes, 5e ch., 16 mars 2022, n° 21/05836 N° Lexbase : A70197QZ.

[18] V. supra.

[19] Cette affirmation a pu néanmoins être contestée par certains qui considèrent que l’interdiction faite à un établissement accueillant du public d’accueillir du public ne peut pas être assimilée à une décision de fermeture, faute d’être individuelle. Il sera néanmoins fait observer que la police d’assurance fait référence à une décision de fermeture sans distinguer selon qu’elle est individuelle ou collective. Or il n’y a pas lieu de distinguer là où le règlement ne distingue pas.

[20] V. supra.

[21] V. infra.

[22] CA Bordeaux, 4e ch., 7 juin 2021, n° 20/04363 N° Lexbase : A94094UZ.

[23] « La notion "d’établissement" ne saurait se limiter à une définition juridique étroite d’établissement secondaire de l’assurée, mais au contraire traduit, notamment pour un non juriste, l’absence de restriction à une catégorie spécifique d’établissement prise dans un sens large. - La mention "quelle que soit sa nature et son activité" permet de bien comprendre que la fermeture de tout établissement, quel qu’il soit, écartera l’application de la garantie lorsque cette fermeture, dans le même département, résultera d’une cause identique. - La mention de cause identique est sans ambiguïté et se réfère à la cause de fermeture des établissements concernés. - En l’espèce, la lecture de la clause ne souffre d’aucune interprétation et n’est pas de nature à créer un doute sur la portée de l’exclusion. La clause remplit donc le caractère formel exigé par l’article L. 113-1 du Code des assurances ».

[24] « De même, la clause répond au caractère limité imposé par l’article L. 113-1 du Code des assurances, et ne vide pas la garantie de sa substance. - En application de ce texte, la clause d’exclusion est valable dès lors qu’une partie de la garantie subsiste, et qu’elle n’a pas pour effet de rendre dérisoire l’obligation du débiteur. - Il doit à nouveau être ici rappelé que le risque couvert est celui de pertes d’exploitation, étendu aux pertes subséquentes à une fermeture administrative, et non le risque de survenance d’une épidémie. - Or une épidémie, qui n’est pas nécessairement à l’échelle d’un pays, d’une région, d’un département ou même d’une localité, peut être la cause de la fermeture administrative d’un unique établissement, et la société Axa peut utilement citer par exemple des épidémies de légionellose, de salmonellose ou de gastro-entérite. La couverture d’un risque même improbable ne prive pas la clause de son caractère limité. […] ».

[25] CA Lyon, 30 septembre 2021, n° 20/06237, Resp. civ. et assur., 2021, comm. 219, obs. L. Bloch.

[26] Cass. civ. 2, 1er décembre 2022, n° 21-15.392 N° Lexbase : A45218WD, n° 21-19.341 N° Lexbase : A45408W3, n° 21-19.342 N° Lexbase : A54888W8, n° 21-19.343 N° Lexbase : A54858W3, FS-B+R.

[27] […]. 7. Une clause d'exclusion n'est pas formelle lorsqu'elle ne se réfère pas à des critères précis et nécessite interprétation. 8. Pour statuer comme il le fait, l'arrêt, par motifs adoptés, retient que si le terme « épidémie », que le contrat ne définit pas, invoqué comme « cause identique » de fermeture administrative, doit être interprété, il en résulte nécessairement que la clause d'exclusion qui le vise ne peut être qualifiée de formelle, au sens des dispositions de l'article L. 113-1, alinéa 1er, du Code des assurances N° Lexbase : L0060AAH. 9. Il ajoute que pour appréhender le mot « épidémie » et la notion de « population », l'assuré aurait dû préalablement consulter divers sites, rapports, articles de presse ou médecins. 10. En statuant ainsi, alors que la circonstance particulière de réalisation du risque privant l'assuré du bénéfice de la garantie n'était pas l'épidémie mais la situation dans laquelle, à la date de la fermeture, un autre établissement faisait l'objet d'une mesure de fermeture administrative pour une cause identique à l'une de celles énumérées par la clause d'extension de garantie, de sorte que l'ambiguïté alléguée du terme « épidémie » était sans incidence sur la compréhension, par l'assuré, des cas dans lesquels l'exclusion s'appliquait, la cour d'appel a violé le texte susvisé. […] (Cass. civ. 2, 1er décembre 2022, n° 21-15.392, FS-B+R N° Lexbase : A45218WD).

[28] […] 13. Une clause d'exclusion n'est pas limitée lorsqu'elle vide la garantie de sa substance, en ce qu'après son application elle ne laisse subsister qu'une garantie dérisoire. 14. Pour statuer comme il le fait, l'arrêt, après avoir rappelé les termes de l'extension de garantie et ceux de la clause d'exclusion, retient, d'abord, que l'obligation essentielle de l'assureur est celle d'indemniser son assuré des pertes d'exploitation subies à la suite d'une fermeture administrative en raison d'une épidémie. 15. Il énonce, ensuite, que l'exclusion n'est pas limitée dès lors qu'elle vise tout autre établissement, quelles que soient sa nature et son activité, faisant l'objet d'une fermeture administrative pour une cause identique, sur un territoire particulièrement vaste, puisque dépassant le simple cadre d'un village ou d'une ville, et que l'application pure et simple de cette clause aboutirait à ne pas garantir l'assuré des pertes d'exploitation subies en raison de la fermeture administrative de son restaurant pour épidémie de coronavirus, et à priver de sa substance l'obligation essentielle de garantie. […]. 16. Ajoutant que l'assureur ne produit aucune pièce concernant le cas où sa garantie aurait joué en cas d'épidémie, l'arrêt en déduit que la clause d'exclusion litigieuse ne satisfait pas aux conditions de l'article L. 113-1 du Code des assurances N° Lexbase : L0060AAH. 17. En statuant ainsi, alors que la garantie couvrait le risque de pertes d'exploitation consécutives, non à une épidémie, mais à une fermeture administrative ordonnée à la suite d'une maladie contagieuse, d'un meurtre, d'un suicide, d'une épidémie ou d'une intoxication, de sorte que l'exclusion considérée, qui laissait dans le champ de la garantie les pertes d'exploitation consécutives à une fermeture administrative liée à ces autres causes ou survenue dans d'autres circonstances que celles prévues par la clause d'exclusion, n'avait pas pour effet de vider la garantie de sa substance, la cour d'appel a violé le texte susvisé (Cass. civ. 2, 1er décembre 2022, n° 21-15.392, FS-B+R N° Lexbase : A45218WD).

[29] V. supra.

[30] H. Kenfack, Leçons de la pandémie de Covid-19 : la systématisation des clauses de force majeure et d’assurance perte d’exploitation, D., 2020, p. 2185 et s.

[31] Proposition de loi n° 2807 enregistrée à la présidence de l’Assemblée nationale, le 7 avril 2020 [en ligne].

[32] Proposition de loi n° 402 enregistrée à la présidence du Sénat, le 16 avril 2020 [en ligne].

[33] Proposition de loi n° 2920 enregistrée à la présidence de l’Assemblée nationale, le 12 mai 2020 [en ligne].

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