Cahiers Louis Josserand n°3 du 27 juillet 2023 : Copropriété

[Chronique] La confirmation de l’absence d’exclusivité de l’action en responsabilité contre le syndicat de copropriétaires en cas d’infiltrations ayant leur origine dans les parties communes

Réf. : CA Lyon, 25 avril 2023, n° 22/02736 N° Lexbase : A43089SD

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[Chronique] La confirmation de l’absence d’exclusivité de l’action en responsabilité contre le syndicat de copropriétaires en cas d’infiltrations ayant leur origine dans les parties communes. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/97974312-chronique-la-confirmation-de-labsence-dexclusivite-de-laction-en-responsabilite-contre-le-syndicat-d
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par Pierrick Maimone, Doctorant, Université Jean Moulin Lyon 3

le 26 Juillet 2023

Mots-clés : Responsabilité du syndicat de copropriétaires • responsabilité d’un copropriétaire • cumul d’actions • responsabilité du fait des choses • infiltrations


 

Par un arrêt du 25 avril 2023, la cour d’appel de Lyon vient se prononcer sur le cumul des actions en responsabilité contre un syndicat de copropriétaires et contre l’un des copropriétaires.

En l’espèce, un propriétaire possédant deux terrasses a décidé d’y effectuer des travaux. Si, sur la première, la pose d’une véranda a empêché de réaliser une étanchéité complète de la terrasse, le propriétaire a découvert la seconde, sans pour autant procéder aux réfections nécessaires pour traiter les eaux pluviales. Des suites de ces carences, l’appartement situé sous celui du propriétaire ayant réalisé les travaux a subi de nombreuses infiltrations d’eaux. Ce dégât des eaux a détérioré le salon. De plus, cet appartement étant alors loué, son propriétaire a connu des difficultés avec son locataire, qui a rompu son bail. Le propriétaire subissant ces désagréments a, dès lors, assigné en justice le premier propriétaire pour obtenir l’indemnisation de son préjudice matériel et de son préjudice économique lié à la perte des loyers normalement perçus. La demande ne porte néanmoins que sur la terrasse où la véranda a été installée.

Le tribunal de grande instance de Bastia a, le 20 novembre 2018, retenu notamment la responsabilité du propriétaire ayant réalisé les travaux en le condamnant à indemniser les préjudices allégués par le demandeur. La cour d’appel de Bastia, dans un arrêt du 4 novembre 2020, infirme intégralement le jugement de première instance au motif que, principalement, les terrasses étant des parties communes, seule la responsabilité du syndicat de copropriétaire, sur le fondement de l’article 14 de la loi n° 65-557, du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis N° Lexbase : L5536AG7, pouvait être engagée. Ce faisant, la victime se pourvoit en cassation. Par un arrêt du 26 janvier 2022, la troisième chambre civile de la Cour de cassation casse l’arrêt d’appel mais seulement en ce qu’il a refusé de condamner le propriétaire ayant réalisé les travaux à indemniser les préjudices précités. En effet, la Cour de cassation affirme que « la responsabilité du syndicat au titre de l'article 14 précité n'est pas exclusive de la responsabilité délictuelle encourue par un copropriétaire [1] ». Elle renvoie alors l’affaire à la cour d’appel de Lyon qui devait donc se prononcer sur la seule responsabilité du propriétaire des terrasses à l’égard des infiltrations d’eaux subies par le demandeur.

La cour d’appel de Lyon reprend alors l’arrêt de la Cour de cassation en confirmant qu’un cumul des actions en responsabilité contre le syndicat de copropriétaires, sur le fondement de l’article 14 de la loi n° 65-557, du 10 juillet 1965, précitée N° Lexbase : L5536AG7 et contre l’un des copropriétaires, fondée sur les articles 1240 et suivants du Code civil N° Lexbase : L0950KZ9, est parfaitement possible. La position des arrêts se comprend aisément. En effet, c’est bien plutôt l’arrêt de la cour d’appel de Bastia qui était surprenant. La question du cumul d’actions ne pose principalement des difficultés que lorsque ces actions sont exercées à l’égard de la même personne. Or, dans l’espèce, le syndicat de copropriétaires et le propriétaire ayant réalisé les travaux sont, à l’évidence, deux personnes différentes. De plus, « l'article 14 de la loi du 10 juillet 1965 prévoit simplement un régime de responsabilité du syndicat assimilable à une responsabilité "de plein droit" [2] », c’est-à-dire qu’il ne ferme pas la porte à une action en responsabilité contre l’un des copropriétaires. Dès lors que, selon la cour d’appel de Lyon, les travaux ayant causé les dommages ont été réalisés sur « la partie superficielle du revêtement et non sur la structure même de l’ouvrage », la responsabilité du défendeur devait être examinée en tant qu’il a la jouissance exclusive de la terrasse. 

La cour d’appel de Lyon vient alors analyser la responsabilité du fait des choses du gardien de la terrasse. En effet, dans le cadre d’un dégât des eaux, la Cour de cassation a déjà affirmé que la faute n’était pas le seul fondement mobilisable et que, dès lors, les juges du fond sont tenus de voir si le propriétaire du bien où se trouve la cause des infiltrations ne peut pas voir sa responsabilité de plein droit engagée [3], sur le fondement donc de l’article 1242 du Code civil N° Lexbase : L0948KZ7. La principale question résidait alors dans le fait de la chose, la terrasse étant inerte. La jurisprudence admet depuis longtemps qu’une chose inerte n’exclut pas nécessairement la responsabilité du fait des choses et que, ainsi, si la chose était affectée d’un vice ou était dans une position anormale, alors le fait de la chose pouvait être caractérisé [4]. Les juges d’appel relèvent ainsi que, conformément à l’expertise, le défaut d’étanchéité de la terrasse ne résultait pas « d’une vétusté normale ». Ce faisant, la terrasse était affectée d’un vice. Le fait de la chose était donc caractérisé. Ensuite, la cour d’appel lyonnaise a relevé qu’il a contribué a causé le dégât des eaux et, ainsi, les préjudices résultant des travaux de réfection que le demandeur a dû entreprendre du fait des infiltrations et de la perte de jouissance de l’appartement, du fait des loyers perdus, faute d’avoir pu trouver un locataire. Le montant des indemnisations accordées par le tribunal de grande instance de Bastia n’étant pas contesté par le défendeur, la cour d’appel de Lyon vient donc le confirmer.

 

[1] Cass. civ. 3, 26 janvier 2022, n° 20-23.614, FS-B N° Lexbase : A53097KT, § 9.

[2] P.-É. Lagraulet, Infiltrations : cumul des responsabilités, AJDI, 2022, 530.

[3] Cass. civ. 3, 22 mars 2018, n° 17-13.467, F-D N° Lexbase : A7812XHS.

[4] Par ex., v. : Cass. civ. 2, 8 juin 1994, n° 92-19.546, publié au bulletin N° Lexbase : A7305AB8 ; Cass. civ. 2, 11 février 1999, n° 97-13.456, publié au bulletin N° Lexbase : A0082CHI.

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