Lexbase Affaires n°273 du 17 novembre 2011 : Sociétés

[Le point sur...] La Sp.z o. o., équivalent polonais de la SARL de droit français

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par Guy de Foresta, avocat au barreau de Lyon, Of Counsel Bignon, Lebray & Associés, spécialiste en droit des sociétés, responsable du groupe Pologne au sein de la Commission Internationale du Barreau de Lyon et Agata Adamczyk, avocat au barreau de Cracov

le 17 Novembre 2011

Lors de sa période "capitalistique" de l'entre deux guerres, la Pologne s'était dotée, avec l'adoption du Code de commerce de 1934, d'un outil adapté à la vie économique du moment et d'une efficacité d'un degré équivalent à celle des législations des autres pays européens industrialisés.
Cet instrument toutefois n'avait été que très peu utilisé pendant toute la période de 50 ans comprise entre le début de la seconde guerre mondiale et celui de la mise en place d'une économie de marché.
A compter de 1989, l'intensité et la rapidité des transformations socio-économiques et de la vie des affaires ainsi que la perspective de l'intégration à l'Union européenne, avaient amené le législateur polonais à adopter un nouveau Code de commerce entré en vigueur au 1er janvier 2001 dotant ainsi la Pologne d'un instrument juridique de standard européen en matière de droit des sociétés.
Alors que la législation précédente obligeait les investisseurs étrangers à ne recourir qu'aux seules deux formes sociales de la SARL et de la SA, ce nouveau code leur a ouvert l'ensemble des formes sociales existant en droit polonais en matière de sociétés de capitaux comme de société de personnes.
Malgré certains avantages tant juridiques que fiscaux propres à la société en commandite par actions de plus en plus utilisée tant par les personnes polonaises qu'étrangères, c'est de loin la SARL qui demeure à ce jour la forme juridique dominante, auprès des investisseurs étrangers plus particulièrement. Au-delà de ses fortes similitudes avec son équivalent de droit français, la SARL de droit polonais présente plusieurs spécificités que ces derniers doivent bien prendre en compte pour sécuriser leurs opérations. I - Régime général

La société à responsabilité limitée est la forme sociale la plus couramment utilisée en Pologne. La "Spolka z ograniczona odpowiedzialnoscia" (Sp.z o. o.) est une société de capitaux et dispose en ce sens de la personnalité morale contrairement aux sociétés de personnes bien que le patrimoine de celles-ci soit totalement distinct de ceux des associés qui les composent.

La Sp.z o. o. peut être constituée par une ou plusieurs personnes physiques ou morales sauf à ne disposer que d'un associé unique qui serait lui-même une société à responsabilité limitée unipersonnelle. La société n'acquiert la personnalité morale qu'après signature en la forme authentique de ses actes constitutifs et à l'issue de son immatriculation au "Krajowy Rejestr Sadowy" (K.R.S. équivalent polonais du RCS de droit français). Par définition, dans cette forme sociale "à responsabilité limitée", les associés ne sont pas responsables des dettes sociales, sans préjudice des possibles fautes de gestion commises par des associés gérants.

Le capital social minimum est fixé à 5 000 Zlotys (PLN) (1) avec un minimum de 50 PLN de valeur nominale par part sociale, étant précisé que les parts sociales peuvent avoir des valeurs nominales différentes. Un registre des parts sociales doit être tenu à la disposition des associés, au siège social. Les apports peuvent être effectués en numéraire ou en nature. Les associés fixent eux-mêmes la valeur des apports en nature et sont responsables de la valeur de ce type d'apport pendant une durée de trois ans à compter de l'immatriculation de la société. Selon l'article 176 du Code de commerce, si les apports en nature ont été surévalués dans l'acte constitutif et si la société fait l'objet d'une procédure collective, l'associé apporteur ainsi que les membres de la gérance seront déclarés personnellement et solidairement responsables.

Toutes les inscriptions d'immatriculation puis de modification (en cours de vie sociale) au registre du commerce doivent impérativement être publiées dans le journal d'annonces légales du "Monitor Sadowy i Gospodarczy" ("Moniteur des Tribunaux et de l'Economie" équivalent polonais du BODDAC français).

II - Droits et obligations des associés

Les associés possèdent certains droits et certaines obligations résultant de la détention de parts sociales et en particulier :
- l'obligation de libérer leurs souscriptions, en nature ou bien en numéraire ;
- le droit à la rémunération des prestations non pécuniaires effectuées en faveur de la société ;
- le droit de participer à des votes lors de l'assemblée des associés ;
- le droit de contester la validité de résolutions d'assemblée générale ;
- le droit de contrôler les comptes sociaux ;
- le droit à la répartition, au prorata des parts sociales détenues, des bénéfices sociaux et du boni de liquidation ;
- le droit au remboursement des versements effectués au titre de leurs avances en compte courant (2) comme à celui de leurs parts sociales en cas de réduction du capital (par reprise d'apports) ou d'amortissement des parts sociales.

  • Droit de vote

S'agissant du droit de vote, chaque associé dispose d'au moins une voix à l'assemblée générale. En principe chaque part donne droit à une voix et à une part du bénéfice, mais les statuts peuvent en disposer autrement et même exclure la possibilité de distribuer le bénéfice annuel (3).

  • Droit de contrôle

Les associés possèdent un droit de contrôle qui s'exerce sur les comptes et les documents sociaux, mais ce droit direct est écarté lorsque les statuts ont prévu l'existence d'un conseil de surveillance ou d'une commission de contrôle (cf. ci-après).

  • Cession de parts

La cession de parts sociales peut être soumise à l'agrément d'un organe de la société, néanmoins dans tous les cas cette cession doit être notifiée à la société, constatée par la gérance et mentionnée dans le registre des parts sociales. Une nouvelle liste des associés doit alors être déposée au greffe.

III - Organes sociaux

Ils sont au nombre de trois :

  • La gérance (ou directoire)

Les associés ont la possibilité de nommer un gérant unique ou un collège de gérance choisi parmi ou bien en dehors des associés de la société. Sauf disposition contraire des statuts, la gérance est nommée par l'assemblée des associés et révocable à tout moment par celle-ci. Seules des personnes physiques peuvent exercer les fonctions de gérant ou cogérant. Investie de la représentation légale de la société, elle est chargée de gérer les affaires sociales.

Dans le cas d'un collège de gérance, les statuts doivent prévoir le mode de représentation de ce collège. A défaut, les déclarations faites au nom de la société requièrent une action conjointe de deux membres du directoire ou d'un membre et d'un fondé de pouvoir.

Les membres de la gérance sont soumis de plein droit à une clause de non-concurrence. En outre, en cas de faute de gestion de leur part, ils peuvent être tenus responsables des dettes sociales imputables à ces fautes.

  • L'assemblée générale

Il s'agit de l'organe suprême de la Sp.z o. o.

L'assemblée générale ordinaire est convoquée dans les six mois de la clôture de l'exercice pour approuver les comptes de l'exercice clos ; elle vote à la majorité absolue des associés présents ou représentés.

L'assemblée générale extraordinaire peut être convoquée à tout moment pour traiter de toute question intéressant la vie sociale et vote à la majorité des deux tiers des associés présents ou représentés.

L'assemblée générale est convoquée par la gérance. Le conseil de surveillance, la commission de contrôle ou bien un associé détenant au moins 10 % de parts sociales peuvent toutefois en demander légalement la convocation par la gérance sachant qu'en cas de défaut de celle-ci, ils peuvent alors déposer une requête auprès du KRS qui convoquera directement l'assemblée.

Elle est seule compétente pour prendre les décisions relatives aux points suivants :
- examen et l'approbation du rapport de la gérance relatif à l'activité de la société, des documents financiers concernant le dernier exercice social clos et quitus accordé aux membres des organes de la société pour l'exercice de leurs fonctions ;
- toutes prétentions en matière de réparation des dommages subis là l'occasion de la constitution de la société, de sa gestion ou de son contrôle ;
- vente et la mise à bail de l'entreprise entière ou seulement d'une de ses parties organisée et constitution de sûreté réelles dans ces domaines ;
- acquisition ou cession d'un bien immobilier ou d'une quote-part en copropriété d'un bien immobilier, à moins que les statuts n'y dérogent ;
- remboursement des versements complémentaires effectués par les associés (cf. note 3, ci-avant).

  • Le conseil de surveillance et la commission de contrôle

Dans une société à responsabilité limitée de droit polonais, de tels organes de contrôle peuvent être mis en place, de manière conjointe ou distincte. Toutefois, leur instauration devient obligatoire dans les sociétés dont le capital social est à la fois supérieur à 500 000 PLN et détenu par plus de 25 associés.

Ces organes sont composés d'au moins trois membres, nommés et révoqués par décision des associés. Le conseil de surveillance n'a qu'une mission de contrôle (examen de la conformité des rapports avec les documents comptables, des propositions de répartition du bénéfice comme de couverture des pertes...) et ne peut donc pas donner d'injonctions à la gérance quant à la gestion des affaires sociales.

IV - Dissolution et liquidation de la société

La société peut être dissoute :
- si les statuts le prévoient ;
- à la suite d'une résolution des associés ou du transfert du siège social;
- en cas de faillite ;
- dans les autres cas prévus par la loi.

La dissolution peut être également prononcée par décision judiciaire, notamment en cas d'infractions graves, de raisons importantes ou à la requête d'un associé. La dissolution est précédée par une phase de liquidation pendant laquelle la société garde sa personnalité morale. En principe les liquidateurs sont les membres de la gérance, sachant qu'en cas de liquidation judiciaire ils sont désignés par le tribunal. Les liquidateurs préparent un bilan soumis à l'approbation de l'assemblée générale des associés. Ils expédient les affaires courantes de la société, satisfont à ses obligations et réalisent ses actifs de gré à gré ou par adjudication, sous le contrôle des associés (4).

***

En guise de remarque finale, il convient de souligner que si les similitudes de régime des Sp.z o. o. de droit polonais avec celui des SARL françaises sont fortes, elles n'en présentent pas moins certaines spécificités suivantes que l'investisseur étranger doit avoir bien présentes à l'esprit :

- alors qu'en droit français le caractère fortement intuitu personae des SARL les apparente aux sociétés de personne (sachant qu'elles empruntent également par certains autres aspects aux sociétés de capitaux), le droit polonais rattache entièrement les Sp.z o. o. aux sociétés de capitaux ;

- les dispositions légales applicables ont le plus souvent un caractère supplétif, ce qui permet ainsi aux rédacteurs de statuts une plus grande souplesse et davantage d'options ;

- l'importance de l'intervention du notaire pour la signature des actes constitutifs (comme des actes de cession de parts sociales) dont le caractère obligatoire lui fait porter la responsabilité professionnelle finale de la rédaction des statuts.

- le contrôle judiciaire des statuts lors de la demande d'immatriculation. L'expérience montre que les juges n'hésitent pas à réagir sur tel ou tel point, retardant voire bloquant certaines immatriculations ;

- la possibilité de conférer un droit de vote à une division d'un titre et de sa valeur nominale ;

- le régime particulier des comptes courants d'associés.


(1) 1 euro = 4,4 PLN.
(2) Même si cette notion est en droit polonais assez différente de celle du droit français, dans la mesure où il s'agit plus précisément de dépôts appelés "paiements additionnels" ou bien "versements complémentaires" qui constituent des quasi fonds propres destinés à n'être remboursés aux associés que s'ils n'ont pas dû être utilisés pour couvrir les pertes sociales.
(3) Cf. article 191 du Code de commerce.
(4) Cf. article 271 du Code de commerce.

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