Dans le cadre d'un litige opposant une centrale d'achat de la grande distribution au Syndicat de la librairie française au sujet de publicités diffusées à l'initiative de la première, annonçant des prix de livres inférieurs au prix de vente public et effectuées hors des lieux de vente, cette dernière a exposé que l'article 7 de la loi du 10 août 1981 (loi n° 81-766, relative au prix du livre
N° Lexbase : L3886H3C) serait contraire à l'article 10 de la CESDH (
N° Lexbase : L4743AQQ), en ce qu'il autoriserait une ingérence injustifiée, et en tout cas disproportionnée, dans la liberté de communication. Dans un arrêt du 26 octobre 2011, la cour d'appel de Paris rejette cette exception d'inconventionnalité (CA Paris, Pôle 5, 4ème ch., 26 octobre 2011, n° 09/16703
N° Lexbase : A3254HZK ; sur l'illégalité des publicités litigieuses, lire
N° Lexbase : N8797BSM). Les juges retiennent que, si l'article 7 de la loi du 10 août 1981 instaure une restriction à la liberté d'expression des détaillants de livres, la publicité commerciale pour les rabais portant sur les prix du livre leur étant interdite hors de leurs lieux de vente, cette ingérence, prévue par la loi, vise à la préservation des droits des petits libraires que la loi du 10 août 1981 tend à protéger de la concurrence des grands distributeurs. Ainsi, la loi "Lang" vise à protéger les "droits d'autrui" et, à travers eux, à assurer le pluralisme des éditeurs et des distributeurs de livres, au bénéfice de la collectivité. En effet, l'article 7 vise à entretenir la diversité culturelle française au profit des consommateurs français, à travers la préservation d'un réseau décentralisé de librairies sur tout le territoire, et notamment le maintien des petites librairies de quartier dont la politique de vente est plus exigeante que celle des grandes surfaces, assurant une rotation plus lente des livres offerts et pratiquant un choix de titres plus large et éclectique. Cette ingérence, justifiée par un but légitime et prévu dans la Convention, est nécessaire dans une société démocratique pour préserver le pluralisme de l'édition et des librairies. Elle n'édicte pas de mesures générales d'interdiction de publicité des prix, mais seulement la limitation de la publicité sur les rabais pratiquée par les détaillants hors des lieux de vente, la publicité des éditeurs ou des importateurs ou encore la publicité des détaillants sur leurs lieux de vente, dont les sites en ligne, assimilés à des lieux de vente, font partie, étant libres. Enfin, cette restriction est strictement proportionnée au but poursuivi : en effet, en plus de l'intérêt général que revêt un débat libre sur les pratiques commerciales, il existe un intérêt concurrent à protéger le succès commercial et la viabilité des entreprises pour le bénéfice des actionnaires et des employés mais aussi pour le bien économique au sens large. Ainsi, l'article 7 de la loi du 10 août 1981 n'est pas contraire à l'article 10 de la CESDH.
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