La lettre juridique n°242 du 4 janvier 2007 : Rel. collectives de travail

[Panorama] Relations collectives de travail : panorama de l'actualité 2006

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N5600A9B

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par Gilles Auzero, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV

le 07 Octobre 2010

En matière de relations collectives de travail, l'année 2006 aura été marquée par la publication d'un important rapport, commandé par le Premier ministre après le désastreux épisode du contrat première embauche. On songe évidemment, ici, au rapport de M. Dominique-Jean Chertier, intitulé "Pour une modernisation du dialogue social". Il convient, également, de faire mention du rapport remis par M. Raphaël Hadas-Lebel, et intitulé quant à lui : "Pour un dialogue social efficace et légitime : représentativité et financement des organisations professionnelles et syndicales". Si ce dernier n'a pas encore trouvé de traduction législative, il n'en va pas de même du premier qui a débouché sur un projet de loi "de modernisation du dialogue social", adopté le 12 décembre 2006 par l'Assemblée nationale. Seul texte de loi marquant de l'année 2006 en matière de relations collectives, ce projet est très éloigné, pour ne pas dire à des années lumières, des propositions audacieuses et ambitieuses qui étaient avancées dans le rapport "Chertier". Pour le reste, l'année 2006 aura surtout été marquée, pour ce qui nous intéresse ici, par de nombreux et importants arrêts rendus par la Cour de cassation. 1. Représentation collective

1.1. Statut des représentants des salariés

1.1.1. Les salariés protégés

  • Institution représentative du personnel mise en place par voie conventionnelle : Cass. soc., 12 juillet 2006, n° 04-45.893, M. Jean-Michel Linden c/ Société AGF vie, F-P+B (N° Lexbase : A4417DQN)

La Cour de cassation vient rappeler, dans cet arrêt, que les institutions représentatives du personnel créées par voie conventionnelle doivent, pour ouvrir à leurs membres le bénéfice de la procédure spéciale protectrice prévue en faveur des représentants du personnel et des syndicats, être de même nature que celles prévues par le Code du travail. Tel n'est pas le cas d'un comité inter-établissement chargé de la gestion des réalisations et oeuvres sociales décidées par les comités d'établissement, dont les attributions ne sont pas de même nature que celles d'un comité central d'entreprise.

Sur ce sujet, lire S. Martin-Cuenot, Caractère limitatif de la notion de salarié protégé !, Lexbase Hebdo n° 211 du 27 juillet 2006 - édition sociale (N° Lexbase : N1330ALT).

  • Protection du salarié demandant l'organisation des élections professionnelles dans l'entreprise : Cass. soc., 25 janvier 2006, n° 03-42.908, M. Claude Renard c/ Société Medtronic Xomed France, FS-P+B (N° Lexbase : A5494DMG) et Cass. soc., 15 février 2006, n° 05-41.166, M. Patrick Noyelle c/ Association éducative du Bon Conseil, FS-P+B (N° Lexbase : A9933DMT)

Conformément aux prescriptions de l'article L. 425-1, alinéa 8, du Code du travail (N° Lexbase : L0054HDD), les salariés qui ont demandé à l'employeur d'organiser les élections des délégués du personnel ou d'accepter ces élections bénéficient de la protection contre le licenciement pendant une durée de 6 mois à compter de l'envoi à l'employeur de la lettre recommandée par laquelle une organisation a, la première, demandé ou accepté qu'il soit procédé à ces élections.

Ainsi que le laisse clairement entendre ce texte, la protection ne s'applique pas au salarié ayant le premier, et de sa propre initiative, présenté une demande tendant à l'organisation des élections, tant qu'une organisation n'est pas intervenue aux mêmes fins. Si la Cour de cassation reprend cette règle pour le moins restrictive dans les deux arrêts ci-dessus référencés, elle n'en confère pas moins une large portée à la protection dont bénéficie le salarié en application de l'article L. 425-1, alinéa 8. Tout d'abord, elle affirme, dans la décision rendue le 25 janvier 2006, que la date à laquelle la mise en place de l'institution est obligatoire est sans incidence sur cette protection, dès lors que le délai entre la demande du syndicat tendant à l'organisation des élections et le jour où l'institution doit être mise en place est raisonnable. Ensuite, elle précise, dans l'arrêt en date du 15 février 2006, que le constat que la candidature du salarié aux élections professionnelles ait été frauduleuse n'est pas de nature à lui faire perdre le bénéfice de la protection, celle-ci étant uniquement attachée au fait que le salarié ait demandé l'organisation des élections.

Sur ce sujet, lire G. Auzero, Précisions quant à la protection des salariés demandant l'organisation des élections professionnelles dans l'entreprise, Lexbase Hebdo n° 201 du 9 février 2006 - édition sociale (N° Lexbase : N4042AKW) et S. Martin-Cuenot, Le salarié ayant demandé l'organisation d'élections professionnelles : un salarié protégé à part entière, Lexbase Hebdo n° 204 du 2 mars 2006 - édition sociale (N° Lexbase : N5026AKD).

  • Protection du salarié mandaté en application des lois Aubry I et II : Cass. soc., 28 mars 2006, n° 04-45.695, M. Michel Cornen c/ Mme Marguerite Quentel, épouse Larreur, FS-P+B+R+I, (N° Lexbase : A8284DN7) ; Cass. soc., 7 novembre 2006, n° 05-41.058, M. Christian Vasseur, FS-P+B (N° Lexbase : A3113DS4)

Afin de permettre aux PME de réduire leur temps de travail, les deux lois Aubry avaient prévu que les accords de réduction du temps de travail pouvaient être négociés et conclus avec un salarié mandaté par un syndicat représentatif. Les deux lois en cause avaient pris soin d'étendre aux salariés mandatés le bénéfice du régime protecteur contre le licenciement prévu par l'article L. 412-18 du Code du travail (N° Lexbase : L0040HDT). Cette période de protection commençait dès que l'employeur avait eu connaissance de l'imminence de la désignation et se trouvait prolongée pendant un certain temps postérieurement à la cessation du mandat. La loi Aubry II (loi n° 2000-37, du 19 janvier 2000 N° Lexbase : L0988AH3) avait, toutefois, porté la durée de la protection applicable postérieurement au mandat à 12 mois, alors qu'elle était de 6 mois dans la loi Aubry I (loi n° 98-461, du 13 juin 1998, d'orientation et d'incitation relative à la réduction du temps de travail N° Lexbase : L7982AIH).

Prenant appui sur le dispositif de sécurisation juridique figurant dans l'article 28 de la loi Aubry II et réputant signés sur le fondement de ses dispositions, lorsqu'ils leur sont conformes, les conventions et accords collectifs conclus en application de la loi Aubry I, la Cour de cassation décide, dans l'arrêt du 28 mars 2006, qu'un salarié mandaté en application de la loi Aubry I doit, cependant, être protégé contre le licenciement conformément aux dispositions de la loi Aubry II. Selon la Chambre sociale, "prononcé après la promulgation de la loi du 19 janvier 2000, le licenciement d'un salarié mandaté pour la négociation et le suivi d'un accord conclu en application de la loi du 13 juin 1998, qui exerce son mandat dans le cadre de la commission de suivi mise en place par cet accord et conforme aux dispositions de l'article 19-6 de la loi du 20 janvier 2000, est soumis à l'article L. 412-18 du Code du travail pendant douze mois à compter du terme du mandat de suivi".

Il faut noter que la solution retenue ne s'explique que parce que, en l'espèce, l'accord RTT conclu en application de la loi Aubry I mettait en place un système de suivi de l'accord que ne prévoyait pas cette dernière loi, mais qui était en revanche parfaitement conforme aux prescriptions de la loi Aubry I. Relevons, à ce propos, que la Cour de cassation a précisé, dans l'arrêt en date du 7 novembre 2006, "qu'il résulte de l'alinéa 4 de l'article 19 VI de la loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000 que le mandat de suivi d'un accord de réduction du temps de travail qu'un syndicat peut, le cas échéant, confier à un salarié mandaté ne se confond pas avec le mandat de négociation ; qu'il doit être exprès pour ouvrir droit à la période de protection de 12 mois à compter de la fin du mandat de suivi prévue par l'alinéa 9 de ce texte ; qu'à défaut la période de protection de douze mois court à compter de la date de la signature de l'accord".

Sur ce sujet, lire G. Auzero, Le salarié mandaté en application de la loi Aubry I doit bénéficier de la protection contre le licenciement définie par la loi Aubry II !, Lexbase Hebdo n° 211 du 20 avril 2006 - édition sociale (N° Lexbase : N7135AKH) et N. Mingant, Précisions quant à l'objet du mandat octroyé à un salarié par un syndicat en vue de la conclusion d'un accord de réduction du temps de travail, Lexbase Hebdo n° 237 du 23 novembre 2006 - édition sociale (N° Lexbase : N0435A9Y).

1.1.2. Mise en oeuvre du statut protecteur

  • Toutes les ruptures du contrat de travail d'un salarié protégé sont soumises à autorisation de l'inspecteur du travail : Cass. soc., 12 juillet 2006, n° 04-48.351, Société Electricité de France, FS-P+B (N° Lexbase : A4478DQW)

Confirmant une jurisprudence solidement ancrée dans notre droit positif depuis les fameux arrêts "Perrier" du 21 juin 1974 (Cass. mixte, 21 juin 1974, n° 71-91.225, Perrier, publié N° Lexbase : A6851AGT), la Cour de cassation vient rappeler dans cet arrêt que, sauf dispositions légales contraires, la protection exorbitante du droit commun, conférée à un salarié investi de mandats représentatifs ou électifs, instaurée par les dispositions d'ordre public des articles L. 512-4 (N° Lexbase : L6561ACY), L. 236-11 (N° Lexbase : L6025AC7) et L. 412-18 (N° Lexbase : L0040HDT) du Code du travail, oblige l'employeur à soumettre à la procédure administrative d'autorisation, toute rupture, à son initiative, du contrat de travail d'un tel salarié quel qu'en soit le motif et quel que soit le statut de l'entreprise qui l'emploie.

Par suite, l'employeur qui entend mettre un salarié à la retraite doit, alors même que les conditions requises par la loi pour cette mise à la retraite sont remplies, demander l'autorisation de l'inspecteur du travail (v., déjà, Cass. soc., 27 octobre 2004, n° 01-45.902, F-P+B N° Lexbase : A6643DDE).

Sur le sujet, lire S. Martin-Cuenot, Rappel de la subordination de toute rupture du contrat de travail d'un salarié protégé à une autorisation administrative, Lexbase Hebdo n° 225 du 27 juillet 2006 - édition sociale (N° Lexbase : N1306ALX).

  • Rupture du contrat de travail à l'initiative du salarié protégé : Cass. soc., 5 juillet 2006, n° 04-46.009, M. Jean-Louis Barbot c/ SA Saman, FS-P+B (N° Lexbase : A3701DQ7) ; Cass. soc., 21 novembre 2006, n° 04-47.068, Mme Marie-Luce Ratier, FS-P+B (N° Lexbase : A5221DS8)

Lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets, soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission (Cass. soc., 25 juin 2003, n° 01-42.679, N° Lexbase : A8977C8Y ; n° 01-42.335 N° Lexbase : A8976C8X ; n° 01-43.578 N° Lexbase : A8978C8Z ; n° 01-41.150 N° Lexbase : A8975C8W ; n° 01-40.235 N° Lexbase : A8974C8U ; lire Ch. Radé., Autolicenciement : enfin le retour à la raison !, Lexbase Hebdo n° 78 du 3 juillet 2003 - édition sociale N° Lexbase : N8027AAK).

Restait, alors, à régler la question de la prise d'acte de son contrat de travail par un salarié protégé. Ainsi que l'affirme la Cour de cassation dans l'arrêt rendu le 5 juillet 2006, lorsqu'un salarié titulaire d'un mandat électif ou de représentation prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit, soit les effets d'un licenciement nul pour violation du statut protecteur lorsque les faits invoqués par le salarié la justifiaient, soit, dans le cas contraire, les effets d'une démission. Cette solution n'est pas sans susciter un certain malaise. Elle revient, en effet, à reprocher à l'employeur fautif de ne pas avoir sollicité l'autorisation de l'inspecteur du travail, alors pourtant qu'il n'est pas à l'origine de la rupture.

L'arrêt en date du 21 novembre 2006 concernait, quant à lui, la demande en résiliation judiciaire de son contrat de travail introduite par un salarié protégé. Rappelons que la Cour de cassation avait décidé antérieurement que "si la procédure de licenciement du salarié représentant du personnel est d'ordre public, ce salarié ne peut être privé de la possibilité de poursuivre la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur en cas de manquement de ce dernier, à ses obligations" (Cass. soc., 16 mars 2005, n° 03-40.251, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A2739DHW ; lire Ch. Radé, Le représentant du personnel peut demander la résiliation judiciaire de son contrat de travail, Lexbase Hebdo n° 160 du 24 mars 2005 - édition sociale N° Lexbase : N2298AIX).

Dans l'arrêt rapporté, un employeur avait imposé à l'un de ses salariés investi d'un mandat représentatif, un changement de ses conditions de travail. Reprenant une solution classique, la Cour de cassation rappelle "qu'aucun changement de ses conditions de travail ne peut être imposé à un salarié protégé et qu'en cas de refus par celui-ci de ce changement, l'employeur doit poursuivre le contrat de travail aux conditions antérieures ou engager la procédure de licenciement en saisissant l'autorité administrative d'une demande d'autorisation". En l'espèce, toutefois, le salarié avait introduit, antérieurement à son licenciement, une demande en résiliation judiciaire de son contrat. Il appartenait, par suite, aux juges du fond d'examiner celle-ci. Bien que la Cour de cassation ne se prononce pas sur la question, il y a tout lieu de penser, compte tenu de la solution retenue à propos de la prise d'acte, que la résiliation judiciaire aux torts de l'employeur produira les effets d'un licenciement nul.

Sur ces questions, lire Ch. Radé, Prise d'acte de la rupture du contrat de travail par un salarié protégé, Lexbase Hebdo n° 224 du 20 juillet 2006 - édition sociale (N° Lexbase : N1109ALN) et nos observations, Changement des conditions de travail du salarié protégé et résiliation judiciaire de son contrat de travail, Lexbase Hebdo n° 239 du 7 décembre 2006 - édition sociale (N° Lexbase : N2867A93).

  • Conséquence indemnitaire du refus de l'employeur de réintégrer le salarié : Cass. soc., 25 janvier 2006, n° 04-40.789, Société Compagnie industrielle d'Aubeterre-sur -Dronne (CIAD) c/ M. Jean-Michel Luniaud, FS-P+B+R (N° Lexbase : A5573DMD)

Le licenciement d'un salarié protégé prononcé sans autorisation de l'inspecteur du travail est nul. Le salarié évincé peut alors exiger de son employeur qu'il le réintègre dans l'entreprise. Mais, il peut, également, renoncer à cette réintégration et demander en lieu et place le paiement de dommages-intérêts.

L'arrêt rapporté donne l'occasion à la Cour de cassation de se prononcer sur la situation dans laquelle l'employeur s'oppose à la réintégration du salarié licencié sans autorisation. Selon la Chambre sociale, lorsque le salarié a obtenu judiciairement sa réintégration et que l'employeur y fait obstacle, ce dernier est tenu au paiement d'une indemnité égale à la rémunération que le salarié aurait perçue jusqu'à ce que, renonçant à la réintégration, il prenne acte de la rupture de son contrat de travail. Cette solution est on ne peut plus logique dès lors que le licenciement ayant été annulé, le contrat de travail initial se poursuit. Par suite, tant qu'il n'a pas été rompu le salarié est en droit de prétendre à sa rémunération. La Cour de cassation précise, en outre, que le salarié a droit aux indemnités de rupture de son contrat de travail ainsi qu'à une indemnité pour licenciement illicite au moins égale à celle prévue par l'article L. 122-14-4 du Code du travail (N° Lexbase : L8990G74) (v. déjà antérieurement, Cass. soc., 22 mai 2002, n° 00-42.213, FS-P N° Lexbase : A7164AYY).

Sur la question, lire N. Mingant, Les conséquences indemnitaires du refus de l'employeur de réintégrer le salarié, Lexbase Hebdo n° 201 du 9 février 2006 - édition sociale (N° Lexbase : N4230AKU).

1.2. Mise en place et fonctionnement des institutions représentatives du personnel

  • Destinataires de l'invitation à négocier le protocole d'accord préélectoral : Cass. soc., 15 février 2006, n° 04-60.525, Syndicat CGT Cegelec Nord et Est c/ Société Cegelec, FS-P+B (N° Lexbase : A9882DMX)

L'employeur qui organise les élections professionnelles dans l'entreprise est tenu de convoquer les organisations syndicales représentatives à la négociation du protocole d'accord préélectoral. Il importe peu que les syndicats en question ne comptent aucun adhérent dans l'entreprise. Reste, alors, à déterminer le destinataire de l'invitation à négocier ce protocole d'accord.

Lorsqu'un syndicat représentatif a procédé à la désignation d'un délégué syndical, l'employeur doit adresser l'invitation à négocier au syndicat auteur de la désignation (Cass. soc., 15 décembre 1999, n° 98-60.468, Société Cogetom c/ Syndicat des employés du commerce et interprofessionnel (CFTC) et a., publié N° Lexbase : A6444CH7). En l'absence de délégué syndical dans l'entreprise désigné par une organisation syndicale représentative au plan national, l'invitation de celle-ci à la négociation du protocole d'accord préélectoral est valablement adressée par le chef d'entreprise au syndicat constitué dans la branche ou à l'union à laquelle il a adhéré (Ass. plén., 5 juillet 2002, n° 00-60.275, Société Cogetom c/ Syndicat des employés du commerce et interprofessionnel (CFTC) et a., publié N° Lexbase : A0621AZZ).

L'arrêt rapporté s'inscrit parfaitement dans la logique de cette dernière décision. En effet, selon la Cour de cassation, le syndicat représentatif présent dans l'entreprise où il a désigné un délégué syndical central doit être invité à la négociation de l'accord préélectoral. En conséquence, ce syndicat doit être convoqué à la négociation du protocole préélectoral relatif aux élections dans un établissement distinct, sans qu'il doive être tenu compte du fait que ce syndicat n'a pas de délégué syndical dans l'établissement concerné. Relevons que cette solution, au demeurant parfaitement justifiée, ne règle pas la situation dans laquelle un délégué syndical n'a été désigné que dans le cadre d'un établissement distinct et que le protocole est négocié au niveau de l'entreprise.

Sur ce sujet, lire nos observations, Nouvelles précisions quant aux destinataires de l'invitation à négocier le protocole d'accord préélectoral, Lexbase Hebdo n° 204 du 2 mars 2006 - édition sociale (N° Lexbase : N5015AKX).

  • Aménagements du dispositif légal : Cass. soc., 24 mai 2006, n° 05-60.351, Société Speedy France c/ Syndicat CFTC de la métallurgie et autres, FS-P+B (N° Lexbase : A7697DPR) et Cass. soc., 25 octobre 2006, n° 06-60.012, M. Guy Guccione, FS-P+B (N° Lexbase : A0470DS9)

Le dispositif légal relatif aux élections professionnelles dans l'entreprise est largement ouvert aux aménagements contractuels, que ces derniers résultent d'un accord collectif, d'un protocole d'accord préélectoral ou, plus rarement, d'un accord atypique. La loi et, avec elle, la jurisprudence fixent cependant de strictes limites à ces aménagements.

Ainsi, la durée des mandats des délégués du personnel et des membres du comité d'entreprise, fixée à 4 ans par la loi n° 2005-882 du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises (N° Lexbase : L7582HEK), peut, en application de l'article 96 de ce même texte, être réduite à une durée moindre, sans pouvoir être inférieure à 2 ans. Dans l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt du 24 mai 2006, un protocole d'accord préélectoral avait mis en oeuvre cette faculté d'une façon un peu curieuse en stipulant que la durée des mandats des institutions représentatives du personnel était fixée à 4 ans, sous réserve de l'accord des délégués du personnel. Stipulation qui n'a pas reçu l'approbation de la Cour de cassation. Selon cette dernière, en effet, un protocole préélectoral ne peut prévoir une dérogation à la durée légale des mandats de représentants du personnel dans des conditions autres que celles prévues par l'article 96 de la loi du 2 août 2005. Par ailleurs, le premier et le second tour des élections professionnelles doivent se tenir conformément aux dispositions d'un même protocole préélectoral. Par suite, le tribunal d'instance, qui a constaté que le premier tour des élections s'était déroulé conformément à un protocole subordonnant la durée des mandats des délégués du personnel et des membres du comité d'entreprise à l'accord des délégués du personnel a, à bon droit, annulé ce protocole, ce qui entraînait nécessairement l'annulation du premier tour des élections.

L'arrêt du 25 octobre 2006 donne, quant à lui, l'occasion à la Chambre sociale de préciser que les modalités de désignation des membres de la délégation du personnel au CHSCT peuvent être définies par un accord unanime, mais qu'il ne peut être dérogé par cet accord à l'obligation de procéder au vote par bulletin secret.

Sur ces questions, lire S. Tournaux, L'aménagement des modalités de désignation des représentants salariés au CHSCT, Lexbase Hebdo n° 235 du 9 novembre 2006 - édition sociale (N° Lexbase : N4858ALI) et nos observations, Aménagements conventionnels de la durée du mandat des représentants du personnel : de l'importance du respect des dispositions légales, Lexbase Hebdo n° 219 du 15 juin 2006 - édition sociale (N° Lexbase : N9490AKP).

Compte tenu du refus persistant du législateur d'introduire en la matière un double degré de juridiction, le contentieux des élections professionnelles dans l'entreprise conduit la Cour de cassation à rendre un grand nombre d'arrêts d'espèce. Méritent, cependant, de retenir l'attention quatre décisions qui, sans révolutionner la matière, apportent d'importantes précisions.

Tout d'abord, dans un arrêt du 12 juillet 2006, la Cour de cassation a jugé que seule la demande d'annulation de l'élection est soumise au délai de forclusion de 15 jours et non pas les moyens avancés à l'appui de cette prétention. En outre, la régularité des élections professionnelles mettant en jeu l'intérêt collectif de la profession, tout syndicat, même non représentatif dans l'entreprise, qui y a des adhérents, peut en demander la nullité. S'agissant de ce délai de forclusion de quinze jours, la Chambre sociale a également précisé, après avoir rappelé qu'il appartient à l'employeur d'organiser un second tour de scrutin en cas de vacance partielle des sièges à l'issue du premier tour, que la demande tendant à ce qu'il lui soit enjoint d'organiser ce second tour peut être formée plus de quinze jours à compter de la proclamation des résultats du premier tour (Cass. soc., 8 novembre 2006, n° 06-60.036).

Les deux autres arrêts du 8 novembre 2006 concernaient le protocole d'accord préélectoral. Tout d'abord, et se bornant à faire application des textes de loi, la Cour de cassation précise qu'à défaut d'accord entre l'employeur et les organisations syndicales sur l'intégration du personnel administratif dans le deuxième collège, le chef d'entreprise doit saisir l'inspecteur du travail. En l'absence de décision de ce dernier, l'élection n'est pas valable et doit être annulée (Cass. soc., 8 novembre 2006, n° 06-60.007). Ensuite, la Chambre sociale souligne que le juge du fond doit faire application des accords préélectoraux, même non unanimes, qui s'imposent aux parties, tant en ce qui concerne les dates de dépôt des listes de candidat et de scrutin qu'en ce qui concerne la répartition des sièges et des personnels dans les collèges (Cass. soc., 8 novembre 2006, n° 05-60.283).

Sur ces questions, lire nos observations, Contestations de la régularité des opérations électorales : intérêt à agir et délai de forclusion, Lexbase Hebdo n° 227 du 14 septembre 2006 - édition sociale (N° Lexbase : N2663AL9) et Contentieux des élections professionnelles : nouvelles précisions de la Cour de cassation, Lexbase Hebdo n° 237 du 23 novembre 2006 - édition sociale (N° Lexbase : N0313A9H).

  • Pratique des bons de délégation : Cass. soc., 10 mai 2006, n° 05-40.802, M. Eric Guillemot c/ Société TI Group-Automotive, FS-P+B (N° Lexbase : A3652DPX)

Largement répandue dans les entreprises, la pratique des bons de délégation est admise de longue date par la Cour de cassation, qui soumet cependant leur licéité à de strictes conditions. L'arrêt rapporté vient opportunément rappeler ces conditions, en affirmant, tout d'abord, que cette pratique, "visant à avertir le chef de service ou le supérieur de l'intention du représentant syndical de se mettre en délégation, ne peut être détournée de son seul objet d'information préalable d'un déplacement pour l'exercice du mandat dans ou en dehors de l'entreprise". En outre, poursuit la Cour de cassation, "l'employeur, fût-il approuvé en comité d'entreprise, ne peut étendre la pratique des bons de délégation prévue par l'accord d'entreprise pour la circulation des mandatés à un cas qui n'y est pas prévu".

Cette décision, qui doit être entièrement approuvée, démontre, ou plus exactement rappelle, que la licéité des bons de délégation est subordonnée à une double exigence relative, d'une part, à leur objet et, d'autre part, à leur mise en place.

Sur cette question, lire nos observations, Du bon usage des bons de délégation, Lexbase Hebdo n° 216 du 25 mai 2006 - édition sociale (N° Lexbase : N8610AK4).

  • Confidentialité d'une information délivrée au comité d'entreprise : Cass. soc., 12 juillet 2006, n° 04-47.558, Société KPMG, FS-P+B+R (N° Lexbase : A4457DQ7)

Dans un souci de protection des intérêts légitimes de l'entreprise, le Code du travail soumet les membres du comité d'entreprise à une obligation de discrétion à l'égard des informations que leur délivre le chef d'entreprise. Cette obligation de discrétion est toutefois encadrée, afin de préserver le rôle du comité. Si la loi répute confidentielles certaines informations, celles qui ne relèvent pas de cette catégorie peuvent revêtir une telle qualité à condition de présenter objectivement un caractère confidentiel et d'être données comme telles par l'employeur ou son représentant (C. trav., art. L. 432-7 N° Lexbase : L6414ACK).

Reprenant cette double exigence dans l'arrêt rapporté, la Cour de cassation paraît cependant ajouter, de manière fort critiquable, une condition supplémentaire à la confidentialité des informations. Selon la Chambre sociale en effet, dès lors que le procès-verbal de la réunion du comité d'entreprise ne mentionne pas que les informations données par l'employeur sont confidentielles, les représentants du personnel ne sont pas tenus à leur égard d'une obligation de discrétion. Notons qu'en l'espèce l'employeur n'avait déclaré confidentielles les informations délivrées qu'après la réunion du comité.

Sur ce sujet, lire N. Mingant, Comité d'entreprise : les conditions de la confidentialité d'une information, Lexbase Hebdo n° 225 du 27 juillet 2006 - édition sociale (N° Lexbase : N1370ALC).

1.3. Attributions des institutions représentatives du personnel

  • Offres publiques d'acquisition et information du personnel : loi n° 2006-387 du 31 mars 2006 relative aux offres publiques d'acquisition (N° Lexbase : L9533HHK)

Antérieurement à la réforme rapportée, l'alinéa 4 de l'article L. 432-1 du Code du travail (N° Lexbase : L3116HIA) disposait qu'"en cas de dépôt d'une offre publique d'achat ou d'une offre publique d'échange portant sur une entreprise, le chef de cette entreprise réunit immédiatement le comité pour l'en informer". Désormais, et c'est la première modification apportée par la loi du 31 mars 2006, cette même procédure devra également être respectée par le chef de l'entreprise qui est l'auteur de l'offre.

La loi règle, ensuite, le sort de l'information du personnel dans les entreprises dépourvues de comité d'entreprise. L'article L. 432-1, alinéa 5, nouveau, précise ainsi que, si l'offre est déposée par une entreprise dépourvue de comité d'entreprise, et sans préjudice de l'article L. 422-3 du présent code (N° Lexbase : L6358ACH), le chef de cette entreprise en informe directement les membres du personnel. De même, à défaut de comité d'entreprise dans l'entreprise qui fait l'objet de l'offre et à nouveau sans préjudice de l'article L. 422-3 précité, le chef de cette entreprise en informe directement les membres du personnel. Il convient de préciser que ce dispositif ne concerne que les entreprises de moins de 50 salariés et celles qui, dépassant ce seuil, sont dépourvues de toute institution représentative du personnel.

Notons, enfin, que la loi du 31 mars 2006 vient préciser quelque peu la procédure d'information du comité d'entreprise qui fait l'objet de l'offre et l'information du personnel de l'entreprise cible en l'absence de comité.

Sur ce sujet, lire nos observations, OPA et information du personnel : les modifications apportées par la loi du 31 mars 2006 relative aux offres publiques d'acquisition, Lexbase Hebdo n° 213 du 4 mai 2006 - édition sociale (N° Lexbase : N7728AKG).

  • Action en justice du comité d'entreprise signataire d'un accord de fin de conflit : Cass. soc., 5 juillet 2006, n° 04-43.213, Société TCAR, FS-P+B (N° Lexbase : A3693DQT)Loyauté

Il arrive qu'un conflit collectif se termine par la signature d'un accord dit "de fin de conflit". Lorsqu'il est conclu entre l'employeur et les syndicats représentatifs de salariés, cet accord doit être qualifié d'accord collectif de travail. Mais, très fréquemment, cet accord est conclu avec les représentants élus du personnel et, notamment, comme en l'espèce, avec le comité d'entreprise. Dans une telle hypothèse, la Cour de cassation confère une force contraignante à l'accord en l'analysant comme un engagement unilatéral de l'employeur (Cass. soc., 18 mars 1997, n° 94-45.157, M. Guy Aumont et a. c/ Société Tolavri, inédit N° Lexbase : A0832AYH).

Pour être un engagement unilatéral à l'égard des salariés, l'accord en cause nous paraît cependant garder une nature contractuelle à l'égard des parties signataires. Cette assertion peut constituer un fondement raisonnable à la solution retenue par la Cour de cassation dans l'arrêt rapporté, selon lequel le comité d'entreprise, dès lors qu'il est signataire d'un accord de fin de conflit a par là même qualité pour demander, conjointement avec les organisations signataires, son application ou l'indemnisation du préjudice résultant de son inexécution par l'employeur.

Sur ce sujet, lire N. Mingant, L'action en justice du comité d'entreprise signataire d'un accord de fin de conflit, Lexbase Hebdo n° 226 du 7 septembre 2006 - édition sociale (N° Lexbase : N2466ALW).

  • L'action en exécution d'une convention collective par le comité d'entreprise : Cass. soc., 20 septembre 2006, n° 04-10.765, Association Les Amis du Jeudi Dimanche c/ Syndicat départemental CFDT des services de santé et des services sociaux du Rhône et autres, FS-P+B (N° Lexbase : A2942DRE)

Il résulte de l'article L. 135-5 du Code du travail (N° Lexbase : L5718ACR) que les organisations ou groupements ayant la capacité d'ester en justice, liés par une convention ou un accord collectif de travail, peuvent en leur nom propre intenter contre toute personne liée par la convention ou l'accord toute action visant à obtenir l'exécution des engagements contractés et le cas échéant, des dommages-intérêts. Cette disposition ne concerne toutefois pas le comité d'entreprise mais seulement les organisations ou groupements définis à l'article L. 132-2 du Code du travail (N° Lexbase : L5680ACD) qui ont le pouvoir de conclure une convention ou un accord collectif de travail.

La solution ainsi retenue par la Cour de cassation dans l'arrêt référencé ne constitue nullement une surprise, dès lors que l'article L. 135-5 du Code du travail ne vise expressément et exclusivement que les organisations syndicales de salariés. Il n'en demeure pas moins qu'elle s'avère gênante dès lors que, depuis la loi n° 2004-391 du 4 mai 2004, relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social (N° Lexbase : L1877DY8), le comité d'entreprise est désormais en capacité de négocier et signer des conventions et accords collectifs de travail.

Sur le sujet, lire nos observations, L'action en exécution d'une convention collective reste fermée au comité d'entreprise, Lexbase Hebdo n° 230 du 5 octobre 2006 - édition sociale (N° Lexbase : N3506ALG).

1.4. Droit syndical

  • Responsabilité des syndicats : Cass. soc., 26 octobre 2006, n° 04-11.665, Société supermarchés Match, FS-P+B (N° Lexbase : A0232DSE)

Parce qu'ils sont titulaires de la personnalité juridique, la responsabilité personnelle des syndicats de salariés peut être engagée. Si le principe de cette responsabilité a toujours été admis, la responsabilité des organisations syndicales du fait de leurs membres se heurte, en revanche, à une très forte hostilité de la jurisprudence. L'arrêt rapporté démontre que la Cour de cassation n'entend pas rompre avec sa position classique.

En l'espèce, une société gérant un supermarché avait tenté, en se fondant sur l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil (N° Lexbase : L1490ABS), de mettre en cause la responsabilité civile de la FNSEA, en raison de fautes commises par des syndicalistes lors d'une opération "coup de poing" organisée contre une grande surface. Cette demande a été rejetée par les juges du fond avec l'assentiment de la Cour de cassation. Selon la deuxième chambre civile, "un syndicat n'ayant ni pour objet ni pour mission d'organiser, de diriger et de contrôler l'activité de ses adhérents au cours de mouvements ou de manifestations auxquels ces derniers participent, les fautes commises personnellement par ceux-ci n'engagent pas la responsabilité de plein droit du syndicat auxquels ils appartiennent".

Sur cette question, lire Ch. Radé, Les syndicats ne sont pas responsables de leurs membres, Lexbase Hebdo n° 237 du 23 novembre 2006 - édition sociale (N° Lexbase : N5312ALC).

2. Négociation collective

2.1. Négociation des conventions et accords collectifs de travail

Adopté par l'Assemblée nationale à l'heure où nous écrivons ces lignes, ce projet de loi trouve son inspiration dans le projet remis par M. Chertier au Premier ministre le 31 mars 2006. C'est peu dire que le Gouvernement n'aura pas repris en son compte l'ensemble des ambitieuses propositions de ce rapport et si modernisation du dialogue social il y a, elle ne se fera qu'à minima.

Le projet de loi introduit, en tête du Code du travail, les dispositions consacrées au dialogue social et, singulièrement, une obligation gouvernementale de concertation sociale. Le premier article (C. trav., art. L. 100-1, nouveau) concerne la procédure de "concertation préalable avec les organisations syndicales de salariés et d'employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel". Cette procédure n'est cependant pas applicable "en cas d'urgence déclarée par le Gouvernement, qui fait alors connaître cette décision aux organisations mentionnées ci-dessus". Elle concerne "tout projet de réforme envisagé par le Gouvernement qui porte sur les relations individuelles et collectives de travail, l'emploi et la formation professionnelle et qui est susceptible de donner lieu à une négociation nationale et interprofessionnelle". Le Gouvernement doit communiquer aux organisations concernées "un document d'orientation présentant des éléments de diagnostic, les objectifs poursuivis et les principales options".

Les partenaires sociaux peuvent alors décider, soit de ne pas engager de négociations, soit de les engager. Dans cette dernière hypothèse, les organisations font savoir au Gouvernement de quel délai elles souhaitent disposer. Lorsque les partenaires sociaux ont abouti et que le Gouvernement a élaboré un projet de loi ou de règlement, ce dernier doit être soumis aux organes consultatifs compétents, c'est-à-dire, selon le cas, à la Commission nationale de la négociation collective, au Comité supérieur de l'emploi ou au Conseil national de la formation professionnelle tout au long de la vie, dans les conditions prévues aux articles L. 136-2 (N° Lexbase : L1373G9Q), L. 322-2 (N° Lexbase : L8933G7Y) et L. 910-1 (N° Lexbase : L9211HDI) du Code du travail.

Le projet de loi fait, également, obligation au Gouvernement de présenter chaque année les orientations de sa politique sociale devant la Commission nationale de la négociation collective (art. L. 101-3, nouveau), tandis que les partenaires sociaux font état "des négociations interprofessionnelles en cours ainsi que du calendrier de celles qu'elles entendent mener ou engager dans l'année à venir".

En résumé, le projet de loi met en place une simple obligation d'information et de consultation des partenaires sociaux à la charge du Gouvernement. Aucune prééminence n'est accordée à la convention collective par rapport à la loi. En réalité, dans l'hypothèse où les partenaires sociaux auront abouti à un accord, coexistera une loi et un ANI. Ainsi que nous l'avons laissé entendre, le projet de loi n'a rien à voir, ou pas grand-chose, avec les conclusions audacieuses et ambitieuses du rapport "Chertier" qui proposait notamment et principalement de modifier l'article 39 de la Constitution (N° Lexbase : L1299A9Y) pour imposer au Gouvernement le respect de la compétence des partenaires sociaux. Une telle modification aurait été de nature à contraindre véritablement le Gouvernement et le Conseil constitutionnel aurait été conduit à censurer les lois adoptées à la suite d'une procédure irrégulière.

Sur le sujet, lire Ch. Radé, A propos de la modernisation du dialogue social, Lexbase Hebdo n° 238 du 30 novembre 2006 - édition sociale (N° Lexbase : N2405A9X) ; v., aussi, S. Tournaux, Vers la fin de la représentativité présumée ?, Lexbase hebdo n° 241 du 21 décembre 2006 - édition sociale (N° Lexbase : N4287A9N).

  • Loyauté dans la négociation collective : Cass. soc., 12 octobre 2006, n° 05-15.069, Fédération nationale des personnels des secteurs financiers CGT Case 357 c/ Fédération des syndicats chrétiens des organismes et professions agricultures CFTC et a., FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A7816DRW)

Bien que le Code du travail soit muet sur la question, on s'accorde pour considérer que lors de la négociation des conventions et accords collectifs de travail, les parties sont tenues par une obligation de loyauté. La Cour de cassation a su tirer les conséquences de cette obligation en décidant qu'un accord est nul lorsque toutes les organisations syndicales n'ont pas été convoquées à sa négociation (Cass. soc., 13 juillet 1988, n° 86-16.302, Société Nouvelles messageries de la presse parisienne c/ Syndicat de la région parisienne livre, papier, presse, publié N° Lexbase : A7734AGK) et en interdisant à l'employeur de mener des négociations séparées (Cass. soc., 13 juillet 1988, préc ; v., aussi, Cass. soc., 9 juillet 1996, n° 95-13.010, Fédération générale des mines et de la métallurgie CFDT et a. c/ Société IBM France et a., publié [LXB=A217AAQ]).

L'arrêt rapporté, dont l'importance doit être soulignée, donne l'occasion à la Cour de cassation de réaffirmer ces règles de principes. Ainsi que l'affirme, en effet, la Chambre sociale "si la nullité d'un accord est encourue lorsque toutes les organisations syndicales représentatives n'ont pas été convoquées à sa négociation, une partie ne peut critiquer les modifications apportées au projet d'accord lorsque l'existence de négociations séparées n'est pas établie et lorsque ni cette partie ni aucune autre partie à la négociation n'en a sollicité la réouverture en raison de ces modifications avant l'expiration du délai de signature".

Il faut comprendre que, pour la Cour de cassation, les partenaires sociaux sont maîtres du déroulement de la négociation. En effet, elle ne dit pas que les modifications doivent, dans tous les cas, être soumises à la négociation. Responsabilisant les partenaires sociaux, la Cour de cassation leur laisse la faculté d'apprécier l'opportunité de demander la réouverture des négociations. Par suite, de deux choses l'une : ou bien l'une des parties à la négociation demande la réouverture des négociations au regard des modifications apportées au projet d'accord et celles-ci ne peuvent en aucune façon intervenir sans que cette négociation ait eu lieu ; ou bien aucune des parties en cause n'exige une telle réouverture et les modifications entreront en vigueur dès lors que le texte recueille la signature d'une ou de plusieurs organisations syndicales de salariés. En d'autres termes, si aucune des parties ne s'est manifestée antérieurement à l'expiration du délai de signature, elle perd tout droit de critique à l'égard des modifications opérées et, par voie de conséquence, quant à la validité de l'accord de ce point de vue là.

Sur ce sujet, lire nos observations, La loyauté dans la négociation collective n'interdit pas d'apporter des modifications unilatérales au projet d'accord adressé aux parties pour signature, Lexbase Hebdo n° 233 du 26 octobre 2006 - édition sociale (N° Lexbase : N4277ALY).

2.2. Objet des conventions et accords collectifs de travail

  • Portée d'un accord collectif emportant reconnaissance d'une unité économique et sociale : Cass. soc., 12 juillet 2006, n° 04-40.331, M. Christian Girault c/ Société Presto formes et autres, FS-P+B (N° Lexbase : A4371DQX)

Aux termes du dernier alinéa de l'article L. 431-1 du Code du travail (N° Lexbase : L6389ACM), une unité économique et sociale (UES) peut être créée par convention ou reconnue par décision de justice. Formulée à propos du comité d'entreprise, cette règle vaut pour l'ensemble des institutions représentatives du personnel. Cela étant, le constat de l'existence d'une UES ne saurait avoir pour unique fin la mise en place de ces institutions.

En effet, ainsi que le précise la Cour de cassation dans l'arrêt rapporté, un accord collectif emportant reconnaissance d'une UES entre plusieurs sociétés peut en étendre les effets au-delà de la seule mise en place d'institutions représentatives du personnel. Cette solution qui, à dire vrai, ne surprend pas, renforce l'idée selon laquelle la négociation collective peut être menée au niveau d'une UES. Au-delà, l'arrêt commenté donne l'occasion à la Chambre sociale de rappeler que, sous réserve de la démonstration de l'existence de co-employeurs, le salarié d'une entreprise, ferait-elle partie d'un groupe, ne peut diriger une demande salariale que contre son employeur.

Sur la question, lire nos observtions, Précisions quant aux effets d'un accord collectif emportant reconnaissance d'une unité économique et sociale, Lexbase Hebdo n° 226 du 7 septembre 2006 - édition sociale (N° Lexbase : N2433ALP).

2.3. Application des conventions et accords collectifs de travail

  • Action en exécution d'une convention collective intentée par un salarié : Cass. soc., 12 juillet 2006, n° 04-47.550, M. Hervé Dorveaux c/ Centre médical de l'Argentière, FS-P+B (N° Lexbase : A4454DQZ)

Ainsi que le précise l'article L. 135-6 du Code du travail (N° Lexbase : L5719ACS), les personnes liées par une convention ou un accord collectif peuvent intenter toute action visant à obtenir l'exécution des engagements contractés et, le cas échéant, des dommages-intérêts contre les autres personnes ou les organisations ou groupements, liés par la convention ou l'accord, qui violeraient à leur égard ces engagements.

Alors même que les salariés ne sauraient être considérés comme "liés" par l'acte collectif, à tout le moins lorsqu'ils ne sont pas membres d'un groupement signataire, la Cour de cassation n'en considère pas moins, dans l'arrêt ci-dessus référencé, qu'il résulte de l'article L. 135-6 du Code du travail que chaque salarié est recevable à agir individuellement afin d'obtenir l'exécution des engagements énoncés dans le cadre d'une convention ou d'un accord collectif ou des dommages-intérêts contre les personnes liées par cet accord qui violeraient à leur égard ces engagements.

Lire sur le sujet, Ch. Radé, Application d'une convention collective et compétence élargie du conseil de prud'hommes, Lexbase Hebdo n° 226 du 7 septembre 2006 - édition sociale (N° Lexbase : N2430ALL).

  • Dénonciation d'un accord collectif et conclusion d'un accord de substitution : Cass. soc., 28 février 2006, n° 04-14.202, Syndicat des agents du Crédit agricole mutuel des Alpes-Provence (SDACAP-SUDCAM) c/ Caisse régionale de Crédit agricole mutuel (CRCAM) Alpes-Provence, FS-P+B (N° Lexbase : A4169DNQ)

Lorsqu'un accord collectif est dénoncé ou mis en cause, il ne disparaît pas immédiatement. En effet, à compter de l'expiration du préavis et sauf conclusion d'un accord de substitution, il continue de s'appliquer pendant une durée de 12 mois. A l'issue de cette période l'accord disparaît. Les salariés conservent alors le maintien des avantages individuels acquis qui s'incorporent au contrat de travail. Il en va toutefois différemment en cas de conclusion d'un accord de substitution dans le délai requis (C. trav., art. L. 132-8 N° Lexbase : L5688ACN). On mesure, ce faisant, toute l'importance d'un tel accord, qui n'est pas nécessairement plus favorable que celui qu'il remplace, spécialement pour l'employeur.

L'arrêt rapporté donne l'occasion à la Cour de cassation de préciser que la conclusion d'un accord de substitution s'oppose à tout maintien des avantages individuels acquis sur le fondement de l'accord mis en cause, et ce même si le nouvel accord, qui fait référence à certaines dispositions de l'ancien accord, ne fixe pas intégralement le régime applicable aux dispositions maintenues.

Lire, sur la question, Ch. Radé, La complexité inhérente à la conclusion d'un accord de substitution, Lexbase Hebdo n° 205 du 9 mars 2006 - édition sociale (N° Lexbase : N5466AKN).

3. Conflits collectifs

3.1. Définition du droit de grève

  • Grève et astreintes : Cass. soc., 2 février 2006, n° 04-12.336, Compagnie générale des Eaux c/ Syndicat Force ouvrière, FS-P+B (N° Lexbase : A6521DMH)

Si le Code du travail a fixé les grandes lignes du régime juridique applicable à la grève (C. trav., art. L. 521-1 et s. N° Lexbase : L5336ACM), il n'a pas défini les critères juridiques qui permettent de cerner cette notion. C'est donc vers la jurisprudence qu'il faut se tourner. Celle-ci considère, de manière constante, que "l'exercice du droit de grève résulte objectivement d'un arrêt collectif et concerté du travail en vue d'appuyer des revendications professionnelles" (Cass. soc., 28 juin 1951, n° 51-01.661, Dame Roth, publié N° Lexbase : A7808BQA).

Reprenant cette définition la Cour de cassation vient décider, dans l'arrêt rapporté, que la grève ne peut être limitée à une obligation particulière du contrat de travail. Par suite, l'exercice du droit de grève n'autorise pas les salariés à cibler leur action et à refuser de n'exécuter que certaines de leurs obligations professionnelles. Précisons qu'en l'espèce, la grève ne concernait que les astreintes auxquelles étaient tenus les salariés.

Lire sur le sujet, Ch. Radé, Les salariés ne peuvent pas faire la grève des astreintes, Lexbase Hebdo n° 201 du 9 février 2006 - édition sociale (N° Lexbase : N4157AK8).

  • Grève et retraite : Cass. soc., 15 février 2006, n° 04-45.738, Société Lamy Lutti c/ Mme Yamina Achi, FS-P+B (N° Lexbase : A9875DMP)

Ainsi que nous l'avons vu précédemment, l'exigence de revendications professionnelles constitue l'une des conditions requises pour qu'une cessation de travail puisse être soumise au régime juridique de la grève. La Cour de cassation considère, dans cette décision du 15 février 2006, que caractérise l'exercice du droit de grève une cessation concertée et collective du travail en vue de soutenir un mot d'ordre national pour la défense des retraites, qui constitue une revendication à caractère professionnel. Elle rappelle, en outre, que si l'employeur peut tenir compte des absences, même motivées par la grève, pour l'attribution d'une prime destinée à récompenser une assiduité profitable à l'entreprise, c'est à la condition que toutes les absences, autorisées ou non, entraînent les mêmes conséquences.

Lire, sur la question, Ch. Radé, La grève pour les retraites est licite et ne peut donner lieu à aucune sanction déguisée, Lexbase Hebdo n° 203 du 23 février 2006 - édition sociale (N° Lexbase : N4878AKU).

3.2. Exercice du droit de grève

  • Modalités d'exercice du droit de grève : Ass. plén., 23 juin 2006, n° 04-40.289, Société Air France, P+B+R+I (N° Lexbase : A0244DQ4)

Le droit de grève, qui s'exerce dans le cadre des lois qui le réglementent, apparaît comme l'une des libertés fondamentales essentielles reconnues aux salariés que le juge se doit de protéger toutes les fois que son exercice ne porte pas une atteinte excessive aux droits et libertés fondamentales de l'employeur.

C'est à une nouvelle conciliation de ces droits et libertés que l'Assemblée plénière de la Cour de cassation se livre dans cet arrêt en date du 23 juin 2006. Il ressort de cette décision, parfaitement justifiée et motivée, que le salarié ne peut être contraint de révéler son intention de faire grève avant le déclenchement du conflit, qu'il ne saurait être considéré comme pouvant y renoncer et qu'il ne saurait être sanctionné dès lors que son comportement n'expose pas l'entreprise à un risque de désorganisation.

Lire, sur le sujet, Ch. Radé, Le droit de grève comme liberté fondamentale du salarié, Lexbase Hebdo n° 222 du 6 juillet 2006 - édition sociale (N° Lexbase : N0483ALH).

  • Grève et service minimum : CE 4° et 5° s-s-r, 8 mars 2006, n° 278999, M. Onesto et autres, publié (N° Lexbase : A4919DNI)

L'alinéa 7 du Préambule de la Constitution de 1946 dispose que "le droit de grève s'exerce dans le cadre des lois qui le réglementent". Devant la faiblesse de la réglementation en vigueur, le Conseil d'Etat a très tôt considéré qu'en "l'absence de cette réglementation, la reconnaissance du droit de grève ne saurait avoir pour conséquence d'exclure les limitations qui doivent être apportées à ce droit comme à tout autre en vue d'éviter un usage abusif ou contraire aux nécessités de l'ordre public", et qu'il "appartient au Gouvernement, responsable du bon fonctionnement des services publics de fixer lui-même, sous contrôle du juge, en ce qui concerne ses services, la nature et l'étendue desdites limitations" (CE, 7 juillet 1950, n° 01645, Dehaene, publié N° Lexbase : A5106B7A).

Reprenant la formule de la jurisprudence "Dehaene", le Conseil d'Etat confirme, dans l'arrêt rapporté, que la RATP est tenue de faire respecter "le principe fondamental de la continuité du service public des transports collectifs dans l'agglomération parisienne". Mais, le Conseil d'Etat refuse de considérer que cette obligation de rendre effectif le principe de continuité des services publics pourrait conduire à imposer à la RATP la mise en place d'un service minimum ou garanti.

Lire sur le sujet, Ch. Radé, La RATP n'est pas obligée de mettre en place un service minimum pour assurer la continuité du service public, Lexbase Hebdo n° 206 du 16 mars 2006 - édition sociale (N° Lexbase : N5761AKL).

  • Conséquences indemnitaires de la réintégration du salarié gréviste illégalement licencié : Cass. soc., 2 févr. 2006, n° 03-47.481, Société Colas Ile-de-France Normandie SA c/ M. Mohamed Bitat, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A6225DMI)

Seule une faute lourde autorise le licenciement d'un salarié gréviste. A défaut, le licenciement est nul et le salarié peut exiger sa réintégration (C. trav., art. L. 521-1). S'il est réintégré, le salarié ne perçoit en toute logique aucune indemnité de rupture puisque le contrat de travail continue de s'exécuter. Il a, toutefois, droit au paiement d'une indemnité égale au montant de la rémunération qu'il aurait dû percevoir entre son éviction et sa réintégration.

L'arrêt rapporté donne l'occasion à la Cour de cassation de préciser que l'employeur ne saurait déduire de cette indemnité les salaires ou les revenus de remplacement perçus pendant la même période.

Lire sur le sujet, Ch. Radé, L'indemnisation du gréviste réintégré : vive le cumul !, Lexbase Hebdo n° 202 du 16 février 2006 - édition sociale (N° Lexbase : N4568AKE).

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