Lexbase Social n°635 du 3 décembre 2015 : Protection sociale

[Le point sur...] Le RSI : contre vents et marées

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par Laïla Bedja, Rédactrice en droit de la Protection sociale

le 03 Décembre 2015

Créé en 2006 dans le cadre du programme de simplification administrative gouvernemental de 2002 en remplacement de trois régimes de Sécurité sociale, l'Assurance maladie des professions indépendantes (AMPI), l'Assurance vieillesse des artisans (AVA) et l'Organisation autonome nationale de l'industrie et du commerce (Organic), le régime social des indépendants (RSI) assure une mission de service public, à savoir la protection sociale obligatoire des chefs d'entreprise indépendants actifs et retraités (artisans, industriels, commerçants et professionnels libéraux) et de leurs ayants droit. Ainsi, il gère l'assurance maladie-maternité, retraite, invalidité-décès et indemnités journalières pour les artisans, industriels et commerçants (1). Depuis sa création, il est reproché à ce régime de sérieux dysfonctionnements aux conséquences parfois dramatiques pour l'assuré (difficultés financières, perte de l'entreprise, suicide). Ces faits ont donné lieu à de nombreux rapports et le Gouvernement actuel tend à réformer le RSI. Ainsi en 2015, les parlementaires ont été investis d'une mission par le Premier ministre, visant à dresser un état des lieux de l'efficacité du RSI dans sa relation avec ses assurés et bénéficiaires, et à formuler des propositions pour l'améliorer. Il a alors été remis un premier rapport d'étape (2), le 8 juin 2015, dans lequel ont été analysés les différentes causes et problèmes et dans lequel ont été formulées des propositions et recommandations pour améliorer de manière concrète et rapide la qualité du service rendu par le RSI. Ce rapport a donné lieu à une annonce par le Gouvernement de vingt mesures pour les assurés du RSI le 25 juin 2015 (3). Ensuite, le 8 septembre 2015 (4), un rapport final rendu par les mêmes parlementaires a été remis au Premier ministre. Ce rapport fait de nouvelles recommandations sur lequel le Gouvernement s'appuie dans le cadre du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2016. Le rapport inspirera aussi la Convention d'objectifs et de gestion que l'Etat conclura avec le RSI pour la période 2016-2019. En septembre 2015, le Conseil économique social et environnemental (CESE) a aussi rendu un avis (5) sur l'état du RSI après avoir été saisi par une lettre du 22 mai 2015 par le président du Sénat. Cet avis du CESE relève les mêmes dysfonctionnements et propose les réformes à engager par le Gouvernement. Les dysfonctionnements ont par ailleurs donné lieu à une proposition de réforme du régime formée par les députés de l'opposition, déposée en septembre 2015 à l'Assemblée nationale (6). L'année 2015 semble être une année charnière pour la résolution des difficultés connues du RSI. Retour sur ces dysfonctionnements et les réponses apportées à ces derniers.
I - Bilan

La source des problèmes. Plusieurs causes sont à l'origine des problèmes de fonctionnement et de relations entre le RSI et ses cotisants. La première qui a entrainé les suivantes est la création au 1er janvier 2008 de l'interlocuteur social unique. Créé pour simplifier le recouvrement des cotisations, sa mise en oeuvre "dans la hâte", qualifié de "catastrophe industrielle" par la Cour des comptes en 2012 (7), a été un réel échec. En effet, une impréparation est constatée : logiciels désuets pour le RSI, erreur dans le transfert des données sur les cotisants (erreur dans les identifiants), mésentente entre l'ACOSS et le RSI dans la recherche de solutions...

Les conséquences. De cette première erreur est né un premier retard dans l'appel des cotisations et des erreurs dans ces premiers appels (montants erronés, défaut de prise en compte des encaissements, des affiliations, radiations, modifications des fichiers des cotisants). En termes de cotisations, le RSI appelle les cotisations qui sont recouvrées par les URSSAF dans les trente jours. L'URSSAF informe alors le RSI du recouvrement. En l'absence d'information sur le paiement dans ce délai, le RSI assure le recouvrement amiable de la cotisation. Ainsi l'absence de "flux retour" par l'URSSAF, d'appel de cotisations ou de montants erronés, dû à des problèmes de logiciels, a un impact sur les assurés. Impact sur leur retraite, impact sur le paiement des indemnités journalières. La cour des comptes avaient fait le constat, par ailleurs, du traitement de 20 000 dossiers d'immatriculation seulement deux ans après leur arrivée au RSI.

Les améliorations en cours. Au fur et à mesure, des améliorations ont été apportées sur les systèmes d'informations du RSI et de l'ACOSS à échanger des flux d'information.

Dans son rapport de 2015, la mission constate que les blocages générés par la création de l'ISU avaient encore des impacts en 2014, notamment avec la prévention de la prescription. En effet, pour éviter la prescription du recouvrement des cotisations, il a été lancé un recouvrement forcé des cotisations qui a mis en grande difficulté nombre d'assurés qui ont pu se voir demander des cotisations au titre de plusieurs années. La mission préconise une communication préalable, spécifique et individualisée en direction des assurés concernés. L'appel des cotisations est donc en voie de fiabilisation en 2015 et leur recouvrement tend vers la normalisation.

La mission constate notamment que l'engagement du régime dans l'amélioration de son organisation et de son fonctionnement au service de l'usager est encore trop récent pour produire des effets lisibles et perceptibles par les assurés.

Le processus d'amélioration a été engagé avec la signature, le 1er août 2013, de la convention nationale entre l'ACOSS et la Caisse nationale du RSI suivie des signatures régionales dont les dernières ont été signées en juillet 2015.

En plus, de ces améliorations matérielles, le législateur est intervenu dans la modification du calendrier du paiement des cotisations. Ainsi la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2014 (loi n° 2013-1203 du 23 décembre 2013, de financement de la Sécurité sociale pour 2014 N° Lexbase : L6939IYN) a modifié ce dernier. Depuis le 1er janvier 2015, le calcul des cotisations provisionnelles payées en année N (année en cours) est désormais réalisé sur la base du revenu de l'année N-1 au lieu de l'année N-2 comme précédemment.

La relation à l'usager. Ces premiers dysfonctionnements importants ont entraînés un retour massif des assurés vers le RSI. L'absence de réponse cohérente ou l'absence de réponse simplement a provoqué leur mécontentement. La relation à l'assuré devient alors une préoccupation prioritaire du régime. Le RSI a récemment eu la volonté de professionnaliser et faire monter en qualité l'accueil physique et téléphonique.

Dans cette volonté d'amélioration, des expériences régionales (8) ont été entreprises dans la recherche d'une meilleure relation entre l'URSSAF (expérience de médiation...). Une aide aux artisans et commerçants en difficulté a été développée par l'octroi de délais pour le paiement des cotisations, la mobilisation du fonds national d'action sociale, notamment par des aides aux paiements des cotisations en cas de difficultés financières de l'entreprise, et par des aides exceptionnelles aux travailleurs indépendants victimes de circonstances exceptionnelles (catastrophes naturelles, travaux de voirie, agression). La caisse a aussi expérimenté un programme d'aide à la désinsertion professionnelle (MAPI), en direction des professions libérales qui vise à une détection précoce des problèmes de santé pour anticiper les difficultés dans l'entreprise, favoriser l'adaptation du poste ou la reconversion.

Des améliorations inégales. Malgré une volonté d'amélioration, des anomalies persistent. En effet, tant que la racine des systèmes d'informations (logiciel de gestion) n'aura pas été modifiée pour une meilleure fluidité, les anomalies resteront. Ainsi il est toujours constaté des problèmes en cas de changement de catégories d'un assuré (passage d'artisan à commerçant, par exemple), ou d'un changement de région qui implique un changement de caisse régionale, ou l'absence de prise en compte des radiations.

Sur les relations avec les usagers, les améliorations sont trop récentes pour observer une évolution positive. De plus de fortes disparités ont pu être constatées entre les caisses régionales. En 2014, le taux de satisfaction des assurés étaient seulement de 65 %.

II - Les solutions à venir

La mission des parlementaires était donc de dresser le constat mais elle était aussi de formuler des propositions. Lors du rapport d'étapes, trente propositions avaient été formulées. Le Gouvernement, s'inspirant de ces dernières, avait donc proposé vingt mesures pour les assurés du régime social des indépendants (préc.).

Les mesures du Gouvernement. Formulées pour répondre immédiatement aux principales attentes des assurés, elles permettent d'améliorer la visibilité des indépendants sur leurs cotisations dues et de simplifier leur paiement. Parmi les mesures à effet immédiat, il fut proposé : au niveau des cotisations, un nouveau calendrier, un simulateur de cotisations au moment de la déclaration de revenus ; au niveau des démarches, accélérer le remboursement de cotisations (dues lorsque les cotisations provisionnelles sont supérieures aux cotisations réellement dues) par des contrôles a posteriori et non plus préalable, la mise en place du télé-règlement, le développement de services en lignes (demande de délai de paiement, attestation de paiement de certaines contributions, attestation en matière de santé, attestation d'affiliation ou de radiation fin 2015...), simplifier les règles d'affiliation des travailleurs indépendants exerçant d'autres activités professionnelles ; au niveau de l'accueil des assurés, le déploiement de médiateurs de terrain pour résoudre les litiges ; au niveau des procédures de recouvrement, adapter les procédures en apportant une réponse graduée, en fonction de la situation individuelle, en privilégiant un contact par téléphone dans le cadre du recouvrement amiable, privilégier la signification des actes de recouvrement de cotisations d'un montant peu élevé par lettre recommandée plutôt que par huissier de justice, son intervention pouvant être perçue comme stigmatisant ; améliorer le suivi des travailleurs indépendants en difficulté avec la mise en place en 2016 d'un dispositif d'accompagnement global permettant une détection et une prise en charge en amont.

Le rapport final. Pour compléter le rapport d'étape, les parlementaires ont enfin rendu un rapport sur lequel le Gouvernement s'appuiera dans le cadre d'une réforme du RSI.

Avant ses propositions, le rapport écarte l'idée d'une intégration totale du RSI au régime général, idée formulée par la proposition de loi déposée en septembre 2015 à l'Assemblée nationale (préc.)

La mission propose, en matière de cotisations, d'uniformiser et de simplifier le barème de cotisations. En effet, actuellement, en fonction de la cotisation, le barème des cotisations sociales varient (10 % du PASS pour la cotisation maladie-maternité, 7,7 % du PASS pour la cotisation retraite de base, 5,25 % du PASS pour la cotisation retraite complémentaire, 20 % pour la cotisation invalidité-décès et 40 % du PASS pour la cotisation indemnités journalières). Une nouvelle répartition permettrait de valider trois trimestres par an pour la retraite de base au lieu de deux actuellement et les droits aux indemnités journalières et prestations invalidité seraient proportionnels aux revenus déclarés par l'assuré.

La mission propose, en matière de prestations, de donner au RSI l'accès aux données d'assurance maladie pour déployer pour les travailleurs indépendants une offre de service adaptée en matière de prévention et d'action sanitaire et sociale. Par ailleurs, elle propose de rendre le régime des indemnités journalières plus équitable et adapté à l'activité des indépendants. Cette proposition englobe, entre autres, un abaissement du délai de carence pour le versement des indemnités journalières de sept à trois jours pour plus d'équité avec le régime salarié.

En matière de relations assurés et offres de services, la mission insiste sur un meilleur traitement des courriers avec le chantier "courrier", l'amélioration de l'accueil téléphonique (accroissement du taux de décroché et amélioration de la qualité de la réponse), un meilleur accueil physique des assurés (prise de rendez-vous facilitée).

Enfin, la mission aborde la question d'une réforme structurelle avec la modernisation des systèmes d'information. Elle propose en outre, la possibilité pour les travailleurs de procéder à une auto-déclaration et auto-liquidation des cotisations sur le modèle de la TVA. Le RSI jouerait un rôle de contrôle, plus que de calcul a priori.

La LFSS 2016 (9). En cours d'adoption auprès du Parlement, le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2016, prévoit quelques mesures. Ainsi, pour les professions libérales, il est prévu la réduction du nombre d'interlocuteurs. Désormais, l'URSSAF assurera la totalité de la gestion du recouvrement des cotisations d'assurance maladie-maternité (calcul et appel des cotisations d'assurance maladie-maternité, gestion de la phase amiable et de la phase forcée et contentieuse du recouvrement) en plus du recouvrement des autres cotisations et contributions. L'entrée en vigueur de cette mesure est différée jusqu'à une date qui sera fixée par décret entre le 1er janvier 2017 et le 1er janvier 2018, en fonction du degré d'avancement des travaux préparatoires. Autre mesure, la création d'une protection universelle maladie conduit à supprimer les cotisations "minimales" applicables dans les régimes des non-salariés agricoles et non agricoles au titre des risques maladie et maternité pour que l'ensemble des personnes actives cotisent de manière proportionnelle à leurs revenus professionnels. S'agissant des artisans et des commerçants, cette baisse de prélèvements permettra de financer, à niveau de prélèvement inchangé, une revalorisation des cotisations minimales d'assurance vieillesse afin de permettre de valider au moins trois trimestres chaque année, même lorsque les revenus réels sont très faibles.

Les réformes proposées par le CESE. Dans son avis (préc.), le CESE appuie quelques réformes et donne des préconisations : simplification du calcul des cotisations et de leur assiette ; amélioration du recouvrement des cotisations ; faciliter l'exercice des droits. Au-delà de ces points que le rapport final des parlementaires au Premier ministre formule déjà (à quelques préconisations près), le CESE fait de la prévention un enjeu majeur, il revient donc sur les plans de prévention déjà mis en place en faveur des travailleurs indépendants et propose de les généraliser pour les actifs et les retraités. Il propose de développer les moyens de prévention (stabiliser le nombre de médecins-conseils, mutualisation des services du RSI avec les autres organismes de protection sociale). Autre préconisation, un accompagnement renforcé des indépendants doit être mis en place : à savoir, un accompagnement au moment de l'installation, doter le RSI d'indicateurs pour détecter précocement la constitution d'une dette sociale, établir une enquête sur les risques psychosociaux dès la première année de création de l'entreprise.


(1) CSS, art. L. 611-1 (N° Lexbase : L9483HEX).
(2) S. Bulteau et F. Verdier, Rapport d'étape, le fonctionnement du RSI dans sa relation avec les usagers, 8 juin 2015.
(3) 20 mesures pour les assurés du régime social des indépendants (RSI), 25 juin 2015.
(4) S. Bulteau et F. Verdier, Rapport à Monsieur le Premier ministre sur le fonctionnement du RSI dans sa relation avec les usagers, 21 septembre 2015.
(5) M. Weber, le régime social des indépendants, CESE, septembre 2015.
(6) Cette proposition de loi sera analysée le 3 décembre 2015 devant l'Assemblée nationale. La commission des Affaires sociales, dans son rapport rendu le 25 novembre 2015, supprime l'ensemble des articles contenus dans la proposition.
(7) Rapport de la Cour des comptes de 2012 sur le RSI et l'ISU.
(8) Rapport au Premier ministre sur le fonctionnement du RSI dans sa relation avec les usagers, p. 11, préc..
(9) Projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2016.

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