Lexbase Avocats n°199 du 3 septembre 2015 : Avocats

[Textes] Loi "Macron" : les incidences des nouvelles dispositions sur la profession d'avocat

Réf. : Loi n° 2015-990 du 6 août 2015, pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques (N° Lexbase : L4876KEC)

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par Aziber Seid Algadi, Docteur en droit, Rédacteur en chef de Lexbase Hebdo - édition professions

le 15 Septembre 2015

Projet ambitieux, trop ambitieux, le texte initialement présenté par le ministre de l'Economie (1) est arrivé devant le Conseil constitutionnel amputé de toutes parts. Plusieurs dispositions concernant les avocats ont été supprimées au fil des multiples amendements. Ainsi en est-il par exemple de la véritable révolution qu'aurait pu constituer l'institution de l'avocat en entreprise. La loi n° 2015-990 du 6 août 2015, pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques (N° Lexbase : L4876KEC), publiée au Journal officiel du 7 août 2015 a été soumise à la censure du Conseil constitutionnel qui s'est prononcé par une décision du 5 août 2015 validant l'essentiel des dispositions prévues (décision n° 2015-715 DC du 5 août 2015 N° Lexbase : A1083NNG). Le nouveau texte impacte plusieurs aspects de la profession d'avocat qu'il convient d'aborder successivement. I - Champ d'exercice des avocats

A - Elargissement du champ de la postulation pour les avocats

La postulation est schématiquement présentée comme l'obligation pour tout justiciable de faire appel à un avocat "postulant" devant le tribunal de grande instance où a lieu le procès, pour le défendre. Elle est la "représentation appliquée à des hypothèses limitées où la partie ne peut légalement être admise elle-même à faire valoir ses droits et où la loi prévoit que cette représentation sera confiée à un [avocat]" (2).

Il convient de rappeler que les dispositions juridiques antérieures prévoient que les avocats "exercent exclusivement devant le tribunal de grande instance dans le ressort duquel ils ont établi leur résidence professionnelle et devant la cour d'appel dont ce tribunal dépend les activités antérieurement dévolues au ministère obligatoire des avoués près les tribunaux de grande instance et les cours d'appel. Toutefois, les avocats exercent ces activités devant tous les tribunaux de grande instance près desquels leur barreau est constitué" (loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, art. 5 N° Lexbase : L6343AGZ (3)).

Par conséquent, il appartenait à tout avocat saisi de se conformer aux règles de sa profession en orientant ses clients vers un avocat postulant s'il ne l'est pas lui-même (CA Lyon, 15 mars 2012, n° 11/06118 N° Lexbase : A8530IEN) (4). En effet, les juges ont souvent déclaré irrecevable le pourvoi formé par un avocat qui n'exerce pas près de la juridiction qui a statué et qui n'est pas muni d'un pouvoir spécial à cette fin (5).

La nouvelle loi vient modifier les dispositions existantes en matière de postulation d'avocats.

La modification entreprise part du constat d'une réalité. Lorsqu'un avocat d'un barreau extérieur, même distant de quelques dizaines de kilomètres, intervient pour plaider devant un TGI qui n'est pas le sien, il est tenu de faire appel à un "avocat local" pour accomplir des actes de procédures. Il en résulte un double règlement pour le client qui doit payer l'avocat plaidant pour le fond de l'affaire et l'avocat postulant pour le suivi de la procédure. Ce dernier est rémunéré sur la base d'un tarif local réglementé, qui repose sur un système de droits fixes et de droits proportionnels, calculés sur le montant, non pas du litige défini in fine par le juge, mais des demandes formulées en amont, qui sont potentiellement élevées (6).

Le nouveau texte élargit la territorialité de la postulation des avocats au ressort des cours d'appel. Il modifie ainsi l'article 5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, et prévoit désormais que "les avocats exercent leur ministère et peuvent plaider sans limitation territoriale devant toutes les juridictions et organismes juridictionnels ou disciplinaires [...]. Ils peuvent postuler devant l'ensemble des tribunaux de grande instance du ressort de la cour d'appel au sein de laquelle ils ont établi leur résidence professionnelle et devant ladite cour d'appel".

Aussi, rajoute ledit article, "l'association ou la société peut postuler auprès de l'ensemble des tribunaux de grande instance du ressort de la cour d'appel au sein de laquelle un de ses membres est établi et devant ladite cour d'appel, par le ministère d'un avocat inscrit au barreau établi près l'un de ces tribunaux".

Ainsi, les avocats peuvent désormais postuler devant l'ensemble des tribunaux de grande instance du ressort de cour d'appel dans lequel ils ont établi leur résidence professionnelle et devant ladite cour. La loi ne prévoit donc pas de supprimer la postulation mais de l'élargir (7).

Sont, cependant, toujours prévues les exceptions à la multipostulation dans certains domaines prévues par l'article 1er de la loi du 31 décembre 1971. Ainsi, cette multipostulation n'est pas applicable aux procédures de saisie immobilière (8), de partage et de licitation, au titre de l'aide juridictionnelle, dans les instances où les avocats ne seraient pas maîtres de l'affaire chargés également d'assurer la plaidoirie.

L'exception, dans le texte initial, prévoyant l'exclusion des actions et procédures fondées sur les articles 1792 à 1799-1 du Code civil, dans le cadre des actions et procédures relatives à un cautionnement, fondées sur les articles 2288 à 2320 du Code civil, dans le cadre des actions et procédures relatives à la réparation d'un dommage, n'a pas été retenue.

Le régime de la multipostulation est conservé en Ile de France. Le nouvel article 5-1 de la loi du 31 décembre 1971 précise que les avocats des barreaux de Paris, Bobigny, Créteil et Nanterre peuvent postuler auprès de la cour d'appel de Paris quand ils ont postulé devant l'un des tribunaux de grande instance du ressort, et auprès de la cour d'appel de Versailles quand ils ont postulé devant le tribunal de grande instance de Nanterre.

En revanche, la multipostulation devant les tribunaux de grande instance de Bordeaux et de Libourne, d'une part, et de Nîmes et d'Alès, d'autre part, pour les avocats inscrits au barreau de l'un de ces tribunaux est supprimée.

L'élargissement du champ de la postulation a fait l'objet de vives controverses. En effet, le Conseil national des barreaux, notamment, a fait état d'une perte de plusieurs millions d'euros pour cette profession, déjà parmi les plus paupérisées des professions juridiques, puisque, pour les 60 000 avocats de France, le revenu médian est de l'ordre de 3 000 euros. Il en résulte que 30 000 en gagnent moins. Le monopole des avocats dans leur ressort est dès lors bien entamé, et mécaniquement, s'ensuit une question d'indemnisation. Or, celle-ci n'est pas abordée par ce texte qui n'en dit rien, alors qu'il s'agit de supprimer par la loi, ou en tout cas de modifier substantiellement, un monopole (9). Ainsi, les avocats se concentreraient autour des cours d'appel et la désertification juridique progresserait ailleurs.

En réalité, cet assouplissement de la postulation obligatoire n'empêchera pas les avocats de faire appel à un avocat installé près d'un TGI dont ne relève pas son barreau pour économiser les déplacements longs aux audiences de procédures. Par ailleurs, il y aura toujours un besoin d'avocats de proximité pour nombre de domaines comme le droit de la famille, le droit commercial ou le droit pénal.

B - Suppression de la tarification de la postulation

Alors que l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971, dans sa version antérieure, prévoyait que la tarification de la postulation et des actes de procédure était régie par les dispositions sur la procédure civile (8), désormais, les honoraires de postulation, de consultation, d'assistance, de conseil, de rédaction d'actes juridiques sous seing privé et de plaidoirie sont fixés en accord avec le client.

Les honoraires de postulation seront donc fixés comme les autres honoraires.

Cette réécriture de l'alinéa 1er de l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971 revient à supprimer tarification de la postulation -du moins au sein du ressort d'une même cour d'appel!- et s'impose au regard de l'élargissement du périmètre de la postulation. Toutefois, dans la mesure où l'élargissement de la postulation est limité au seul ressort de la cour d'appel, tout recours à un avocat au-delà de cette limite impliquera forcément une tarification intégrée cette fois-ci à la convention et toute contestation y relative sera désormais de la compétence du Bâtonnier.

Pour finir sur ce point, il convient de souligner que l'article 50 de la loi "Macron" prévoit également des tarifs réglementées pour les droits et émoluments des avocats en matière de saisie immobilière, de partage, de licitation et de sûretés judiciaires mentionnées à l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971.

Les députés, saisissant le Conseil constitutionnel, avaient argué de ce que cet article 51 cause une atteinte disproportionnée à l'objectif qu'il s'efforce, en d'autres parties de la loi, d'atteindre néanmoins (c'est-à-dire assurer un accès plus facile à la justice et aux professionnels du droit) puisque les territoires les plus enclavés risque de voir partir les avocats au bénéfice des villes plus importantes, plus attractives. Les délais d'intervention des avocats risquent en conséquence de se trouver rallongés. De nombreux citoyens se trouveraient alors privés d'accès au droit, et notamment les plus fragiles d'entre eux qui bénéficient de l'aide juridictionnelle. Ce n'est pas l'avis du Conseil constitutionnel, qui, dans sa décision du 5 aout 2015, a validé les dispositions relatives au nouveau périmètre de la postulation, jugeant qu'elles n'affectent pas les conditions d'accès au service public de la justice et ne méconnaissent ni le principe d'égalité devant la justice, ni l'objectif de bonne administration de la justice.

Les dispositions portant extension de la postulation au ressort de cour d'appel entreront en vigueur dans 12 mois, soit le 8 août 2016. Quant à la suppression du tarif de la postulation, elle est d'application immédiate, dès le 8 août 2015.

C - Ouverture et obligation d'un bureau secondaire

L'avocat peut établir un ou plusieurs bureaux secondaires, après déclaration au conseil de l'Ordre du barreau auquel il appartient.

Lorsque le bureau secondaire est situé dans le ressort d'un barreau différent de celui où est établie sa résidence professionnelle, l'avocat doit en outre demander l'autorisation du conseil de l'Ordre du barreau dans le ressort duquel il envisage d'établir un bureau secondaire.

Le nouveau texte raccourcit le délai durant lequel le conseil de l'Ordre doit statuer sur la demande. Celui-ci est désormais d'un mois à compter de la réception de la demande et non plus de trois comme auparavant. A défaut, l'autorisation est réputée accordée. L'autorisation ne peut être refusée que pour des motifs tirés des conditions d'exercice de la profession dans le bureau secondaire (loi du 31 décembre 1971, nouvel art. 8-1).

L'avocat, disposant d'un bureau secondaire, doit également y exercer une activité effective et satisfaire à ses obligations en matière d'aide à l'accès au droit, d 'aide à l'intervention de l'avocat dans les procédures non juridictionnelles et de commission d'office au sein du barreau dans le ressort duquel est établie sa résidence professionnelle et au sein du barreau dans le ressort duquel il dispose d'un bureau secondaire.

Ces nouvelles dispositions sont entrées en vigueur le 8 août 2015.

D - Facilitation de l'installation des avocats aux Conseils

Avant la loi "Macron", un associé d'une SCP d'avocats aux Conseils qui souhaitait quitter la structure à laquelle il appartenait était contraint, s'il veut continuer à exercer, de trouver un office individuel ou en société susceptible de l'accueillir : il ne peut donc pas s'installer librement et doit s'en remettre à l'Ordre des avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation pour trouver une issue. La loi "Macron " dispose désormais que l'Autorité de la concurrence rend au ministre de la Justice, qui en est le garant, un avis sur la liberté d'installation des avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation. Elle fait, à cet effet, toutes les recommandations en vue d'améliorer l'accès aux offices d'avocat aux Conseils dans la perspective d'augmenter le nombre de ces offices et d'établir une égalité d'accès entre hommes et femmes.

Cette disposition implique que, si l'Autorité de la concurrence suggère de créer de nouveaux offices et que le ministre ne les crée pas, celui qui demandera un office l'aura de plein droit (9).

Au vu des besoins identifiés par l'Autorité de la concurrence, lorsque le demandeur remplit les conditions de nationalité, d'aptitude, d'honorabilité d'expérience et d'assurance requises pour l'exercice de la profession, le ministre de le Justice le nomme titulaire de l'office d'avocat au Conseil d'Etat et de la Cour de cassation crée. Un décret devrait préciser les conditions d'application de cette disposition (loi n° 2015-990 du 6 août 2015, art. 57).

Seules peuvent accéder à cette profession les personnes ayant subi avec succès un examen d'aptitude prévu par ce même décret.

Le Conseil constitutionnel, statuant sur l'article 57, relatif à l'installation des avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, a retenu, dans sa décision du 5 août 2015, que prévoir un mécanisme de recommandation et d'avis de l'Autorité de la concurrence concernant la création de nouveaux offices pour cette profession n'est pas contraire à la Constitution dans la mesure où la décision de l'Autorité de la concurrence ne lie pas le ministre de la Justice qui demeure libre de refuser une demande de nomination.

Par ailleurs, dès lors que, conformément aux règles de droit commun, s'il résulte de la création d'un office d'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation un préjudice anormal et spécial pour le titulaire d'un office existant, il sera loisible à ce dernier d'en demander réparation sur le fondement du principe constitutionnel d'égalité devant les charges publiques, les dispositions de la loi, qui ne prévoient aucun mécanisme d'indemnisation en cas de préjudice résultant de la création d'un nouvel office pour les titulaires des offices existants, ne portent atteinte ni à la garantie des droits, ni au principe d'égalité devant les charges publiques.

Enfin, à la critique des députés faisant état d'une rupture d'égalité entre les avocats aux Conseils titularisés dans un office existant qui doivent inclure le droit de présentation dans leurs coûts et les avocats titularisés dans un nouvel office pour lesquels aucun droit de présentation ne pèsera sur les coûts et qui bénéficieront d'un avantage concurrentiel évident, le Conseil constitutionnel a relevé que le législateur a entendu traiter différemment des situations différentes et qu'il n'en résulte pas d'atteinte au principe d'égalité devant la loi.

II - Convention d'honoraires et autres droits et émoluments

A - Caractère obligatoire de la convention d'honoraires

L'établissement d'une convention d'honoraires est la pratique courante de plusieurs cabinets d'avocats. Toutefois, elle n'était pas obligatoire. L'article 10 de la loi du 31 décembre 1971 précisait simplement qu'"à défaut de convention entre l'avocat et son client, l'honoraire est fixé selon les usages [...]".

Les honoraires d'avocats étaient par conséquent souvent contestés pour leur imprécision, leur complexité ou leur surévaluation.

La nouvelle loi prévoit désormais que "sauf en cas d'urgence ou de force majeure, ou lorsqu'il intervient au titre de l'aide juridictionnelle totale ou de la troisième partie de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, relative à l'aide juridique (N° Lexbase : L8607BBE), l'avocat conclut par écrit avec son client une convention d'honoraires qui précise, notamment, le montant ou le mode de détermination des honoraires couvrant les diligences prévisibles et leur évolution possible, ainsi que les divers frais et débours envisagés".

La convention d'honoraires, qui n'était que facultative, sauf pour les procédures de divorce (10) ou en cas d'aide juridictionnelle partielle (11), devient désormais obligatoire et pour toutes les matières à l'exception des cas où l'avocat intervient au titre de l'aide juridictionnelle totale, en cas d'urgence ou de force majeure ou encore dans le cadre de l'assistance en matière de procédures non juridictionnelles.

Sur un plan pratique, il est possible d'envisager une convention cadre détaillée pour ensuite, dossier par dossier, pouvoir conclure une convention écrite "allégée", c'est-à-dire réduite aux seules conditions particulières.

Ainsi, la rédaction de la convention d'honoraires obligera l'avocat, qui pourra se prévaloir d'un accord écrit clair et précis pour réclamer le règlement de ses frais et honoraires lorsque le client s'y refuse.

Ceux-ci tiennent compte, selon les usages, de la situation de fortune du client, de la difficulté de l'affaire, des frais exposés par l'avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci. Toute fixation d'honoraires qui ne le serait qu'en fonction du résultat judiciaire est interdite. En revanche, est licite la convention qui outre la rémunération des prestations effectuées, prévoit la fixation d'un honoraire complémentaire en fonction du résultat obtenu ou du service rendu.

En l'absence de convention écrite, l'avocat prend le risque de ne pouvoir s'opposer à une absence de couverture de ses honoraires. Toutefois, il pourra toujours saisir le Bâtonnier pour le règlement de sa mission en justifiant des actes accomplis.

Au même titre que les avocats à la cour, les avocats aux Conseils sont désormais tenus d'établir par écrit une convention d'honoraires avec le client.

Ces nouvelles dispositions sont applicables dès le 8 août 2015.

B - Droit et émoluments en matière de saisie immobilière, de partage, de licitation et de suretés judiciaires

Les droits et émoluments de l'avocat en matière de saisie immobilière, de partage, de licitation et de sûretés judiciaires mentionnés à l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971 étaient régis par les dispositions sur la procédure civile.

Désormais, ces droits et émoluments sont régis par les articles L. 444-1 ([LXB=L1585KGS ]) et suivants du Code de commerce.

Ainsi, sauf disposition contraire, lorsqu'un professionnel est autorisé à exercer une activité dont la rémunération est soumise à un tarif propre à une autre catégorie d'auxiliaire de justice ou d'officier public ou ministériel, sa rémunération est arrêtée conformément aux règles dudit tarif. Les prestations accomplies par les personnes mentionnées au deuxième alinéa de l'article L. 811-2 (N° Lexbase : L3342ICR) et au premier alinéa du II de l'article L. 812-2 (N° Lexbase : L3354IC9) du Code de commerce sont rémunérées conformément aux tarifs réglementés applicables aux administrateurs et mandataires judiciaires.

Aussi, les prestations que les avocats accomplissent en concurrence avec celles, non soumises à un tarif, d'autres professionnels ne sont pas soumises à un tarif réglementé. Ainsi, les honoraires rémunérant ces prestations tiennent compte, selon les usages, de la situation de fortune du client, de la difficulté de l'affaire, des frais exposés par les professionnels concernés, de leur notoriété et des diligences de ceux-ci. Les professionnels concernés concluent par écrit avec leur client une convention d'honoraires, qui précise, notamment, le montant ou le mode de détermination des honoraires couvrant les diligences prévisibles, ainsi que les divers frais et débours envisagés.

Il est à noter que lesdits tarifs prennent en compte les coûts pertinents du service rendu et une rémunération raisonnable, définie sur la base de critères objectifs (C. com., art. L. 444-2 N° Lexbase : L1586KGT).

Le tarif de chaque prestation est arrêté conjointement par les ministres de la Justice et de l'Economie.

Un décret en Conseil d'Etat, pris après avis de l'Autorité de la concurrence, viendra préciser les modes d'évaluation des coûts pertinents et de la rémunération raisonnable. En attendant, la procédure de taxation demeure soumise aux articles 695 ([LXB=L9796IRA ]) à 721 du Code de procédure civile.

C - Contrôle de l'autorité administrative

Malgré la réticence des avocats, une disposition admettant le contrôle de la DGCCRF sur les conventions d'honoraires a été introduite à la suite de l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971. Cependant, pour rassurer ces derniers il a été précisé que, lorsque l'autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation fait usage des pouvoirs mentionnés au 1° du III bis de l'article L. 141-1 du Code de la consommation (N° Lexbase : L0987I7P), elle en informe le Bâtonnier du barreau concerné par écrit, au moins trois jours avant. Cette disposition de la nouvelle loi permet ainsi d'assurer le secret professionnel de l'avocat (loi n° 2015-990 du 6 août 2015, art. 51).

Le contrôle sera donc limité au seul constat de l'existence matérielle de la convention.

La loi "Macron" introduit également un article 15-1 à l'ordonnance du 10 septembre 1817, précisant que l'autorité administrative est également habilitée à exercer un contrôle sur l'établissement effectif de la convention d'honoraires des avocats aux Conseils en informant au préalable le président du conseil de l'Ordre des avocats aux Conseils (loi n° 2015-990 du 6 août 2015, art. 58).

Il est à noter que, dans leur saisine du Conseil constitutionnel, les députés requérant ont estimé que lesdites dispositions portaient atteinte au secret professionnel des avocats et aux droits de la défense. A tort, car le Conseil constitutionnel les a validé au motif que les opérations de vérification sont menées dans le respect du secret professionnel.

Ces dispositions sont d'application immédiate.

III - Adaptation des SEL et SPFPL au régime de l'interprofessionnalité juridique ou judiciaire

La loi "Macron" modifie également les règles relatives au SEL et SPFPL. Ainsi le nouvel article 6 de la loi du 31 décembre 1990 (N° Lexbase : L4876KEC) dispose que la majorité du capital et des droits de vote des SEL et SPFPL d'avocat peut être détenue par toute personne physique ou morale qui exerce la profession d'avocat ou l'un quelconque des professions juridiques ou judiciaires, qu'elles soient établies en France ou légalement établie dans un autre Etat membre ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou dans la Confédération suisse (loi n°2015-990, art. 63).

Pour les SEL, lorsque la détention est celle de personnes exerçant une autre profession juridique ou judiciaire que la profession d'avocat, il est fait obligation à la SEL d'avoir parmi ses associés, une personne exerçant la profession d'avocat.

Les mêmes règles sont applicables pour la détention de la majorité du capital et des droits de vote de la SEL par une SPFPL.

Alors que l'ancien article 13 de la loi du 31 décembre 1990 réservait les mandats sociaux aux avocats en exercice au sein d'une SEL, la nouvelle loi dispose que cet article n'est pas applicable si plus de la moitié du capital et des droits de vote de la SEL est détenue par des personnes physiques ou morales exerçant la profession d'avocat qu'elles soient établies en France ou dans un Etat membre de l'UE ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou dans la Confédération suisse. Lesdites dispositions sont également écartées si plus de la moitié du capital et des droits de vote de la SEL est détenue par de telles personnes physiques ou morales exerçant l'une des quelconques professions juridiques ou judiciaires. Le conseil d'administration ou de surveillance de la société doit au moins comprendre un avocat en exercice au sein de la société.

Il en est de même pour les dispositions réservant aux avocats en exercice au sein de la SEL des prérogatives pour les droits de vote double, l'agrément des cessions d'actions et la qualité d'associé commandité de la SELCA.

Par ailleurs, l'objet social des SPFPL mono-professionnelles est élargi et celles -ci peuvent également exercer toute autre activité sous d'être destinée exclusivement aux sociétés ou groupements dont elles détiennent des participations.

Concernant les SPFPL interprofessionnelles, elles peuvent désormais avoir pour objet, outre la détention de parts et d'actions de sociétés de professionnels du droit, du chiffre et de conseil en propriété industrielle, la participation à tout groupement étranger ayant pour objet l'exercice de l'une ou plusieurs de ces professions.

Aussi, lorsque la SPFPL a pour objet la détention de parts ou d'actions de sociétés ayant pour objet l'exercice de plusieurs professions juridiques ou judiciaires, le capital social et les droits de vote peuvent être détenus par toute personne exerçant une ou plusieurs des professions juridiques ou judiciaires.

IV - Action de groupe et compte CARPA

Dans le cadre de l'action de groupe, instituée par le décret n° 2014-1081 du 24 septembre 2014, relatif à l'action de groupe en matière de consommation (N° Lexbase : L2782I4S), l'association peut faire appel à un avocat. L'article L. 423-6 du Code de la consommation (N° Lexbase : L1777KGW) disposait que "toute somme reçue par l'association au titre de l'indemnisation des consommateurs lésés est immédiatement versée en compte de dépôt à la Caisse des dépôts et consignations".

Complétant cet article, la loi "Macron" vient préciser que ce dépôt peut également se faire sur un compte ouvert, par l'avocat auquel elle a fait appel en application de l'article L. 423-9 (N° Lexbase : L7597IZE), auprès de la caisse des règlements pécuniaires des avocats du barreau dont il dépend (cf. loi n° 2015-996, art. 42).

La faculté est ainsi laissée à l'association de faire son choix.

Cette disposition permet de rappeler que, si un avocat ne peut manier de fonds, pour une association, que par le truchement de son compte CARPA, ce client peut toujours demander à ce que les fonds lui soient directement remis.


(1) Cf. A.-L. Blouet-Patin, Professions réglementées : nouvelle version du projet "Macron" et réformes conséquentes !, Lexbase Hebdo n° 182 du 20 novembre 2014 - édition professions (N° Lexbase : N4656BUY) ; cf. également Le fil info spécial loi "Macron" du barreau de Paris qui présente de façon succincte ce que le nouveau texte va changer non seulement pour les avocats, mais aussi pour les autres professions juridiques réglementées. Voir, sur les professions réglementées, Loi "Macron" : les incidences sur les professions réglementées, Lexbase Hebdo n° 623 du 3 septembre 2015 - édition professions (N° Lexbase : N8734BUZ).
(2) H. Ader et A. Damien, Règles de la profession d'avocat, Dalloz, 2010.
(3) Exception est faite pour la multipostulation en région parisienne où les avocats inscrits au barreau de l'un des TGI de Paris, Bobigny, Créteil et Nanterre peuvent postuler auprès de chacune de ces juridictions .
(4) Cf. également Cass. crim., 6 mai 2014, n° 13-86.824, F-P+B+I (N° Lexbase : A8150MK3) où les juges déclarent irrecevable le pourvoi formé par un avocat qui n'exerce pas près de la juridiction qui a statué et qui n'est pas muni d'un pouvoir spécial à cette fin.
(5) Toutefois, une régularisation est possible : Cass. civ. 2, 23 octobre 2003, n° 01-17.806 (N° Lexbase : A9382C9D).
(6) Dossier de presse sur la loi pour la croissance et l'activité, décembre 2014.
(7) Un amendement visant à supprimer cet article, au motif que les avocats se concentreraient autour des cours d'appel et la désertification juridique progresserait ailleurs, n'a pas été adopté.
(8) Cf. sur ce sujet, T. Vallat, Honoraires de postulation des avocats : ils ne relèvent pas du décret du 27 novembre 1991, Lexbase Hebdo n ° n°197 du 2 juillet 2015 - édition professions (N° Lexbase : N8140BUZ).
(9) Interview d' Helène Farge in www.lenouveleconomiste.fr, 25 février 2015.
(10) Cf. article 10 de la loi du 31 décembre 1971 et, pour un cas de sanction de convention en la matière, voir, J. Bouëssel du Bourg, Conséquence de l'absence de convention d'honoraires dans une procédure de divorce, Lexbase Hebdo n° 191 du 2 avril 2015 - édition professions (N° Lexbase : N6658BU7).
(11) Loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, art. 35 (N° Lexbase : L8607BBE).

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