Lexbase Avocats n°199 du 3 septembre 2015 : Avocats

[Textes] Loi "Macron" : les incidences sur les professions réglementées

Réf. : Loi n° 2015-990 du 6 août 2015, pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques (N° Lexbase : L4876KEC)

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par Aziber Seid Algadi, Docteur en droit, Rédacteur en chef de Lexbase Hebdo - édition professions

le 03 Septembre 2015

La loi n° 2015-990 du 6 août 2015, pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques (N° Lexbase : L4876KEC), dite loi "Macron", publiée au Journal officiel du 7 août 2015, modifie plusieurs dispositions visant les professions réglementées. Le Conseil constitutionnel, se prononçant sur ladite loi, a validé l'essentiel des dispositions à l'exception de quelques unes (Cons. const., décision n° 2015-715 DC du 5 août 2015 N° Lexbase : A1083NNG). Au final, de la facilitation des conditions d'installation, à la modification des conditions tarifaires des professions règlementées en passant par l'interprofessionnalisation, plusieurs domaines sont abordés par la réforme et méritent que l'on s'y attarde. I - La facilitation des conditions d'installation des professionnels
  • Liberté d'installation circonscrite

Voulant rompre avec la tradition du numerus clausus, qui imposait à chaque professionnel, souhaitant s'installer d'acheter ou de s'associer à une structure existante pour exercer comme associé, la nouvelle loi prévoit la possibilité pour chaque notaire, commissaire-priseur judiciaire ou huissier de prendre le risque de s'installer directement et de devoir créer sa propre clientèle seul ou en s'associant avec d'autres professionnels (1) dans les zones où l'implantation d'offices apparaît utile pour renforcer la proximité où l'offre de services (cf. loi n° 2015-990 du 6 août 2015, art. 52). A cet effet, il est mis en place une carte établie conjointement par les ministres de la Justice et de l'Economie, sur proposition de l'Autorité de la concurrence en application du nouvel article L. 462-4-1 du Code de commerce (N° Lexbase : L1593KG4), précisant les lieux où l'implantation d'offices apparaît utile pour renforcer la proximité ou l'offre de services.

Elle est publiée et révisée tous les deux ans.

L'Autorité de la concurrence rend, à cet effet, au ministre de la Justice, qui en est le garant, un avis sur la liberté d'installation des notaires, des huissiers de justice et des commissaires-priseurs judiciaires (C. com., art. L. 462-4-1, nouv. ; loi n° 2015-990 du 6 août 2015, art. 52).

Lesdites zones sont déterminées de manière détaillée au regard de critères précisés par décret, parmi lesquels une analyse démographique de l'évolution prévisible du nombre de professionnels installés.

Un décret devra également préciser les modalités de titularisation du notaire, commissaire priseur ou huissier de justice remplissant les conditions de nationalité, d'aptitude, d'honorabilité, d'expérience et d'assurance requises.

La publication de la carte marque le départ d'un délai de six mois à compter duquel le ministre de la Justice, lorsqu'il constate un nombre insuffisant de demandes de création d'office au regard des besoins identifiés, procède à un appel à manifestation d'intérêt en vue d'une nomination dans un office vacant ou à créer ou de la création d'un bureau annexe par un officier titulaire.

Toute personne remplissant les conditions de nationalité, d'aptitude, d'honorabilité, d'expérience et d'assurance est nommée par le ministre de la Justice en qualité de notaire, d'huissier de justice ou de commissaire-priseur judiciaire dans les zones où l'implantation d'offices de notaire apparaît utile pour renforcer la proximité ou l'offre de services (cf. loi n° 2015-990 du 6 août 2015, art. 53).

A l'inverse, lorsqu'une demande d'implantation de notaire, d'huissier de justice ou de commissaire-priseur judiciaire serait de nature à porter atteinte à la continuité de l'exploitation des offices existants et à compromettre la qualité du service rendu, le ministre de la Justice peut lui opposer un refus, après avis de l'Autorité de la concurrence rendu dans un délai de deux mois après le dépôt de la demande. Le refus est, dans cette hypothèse, motivé au regard, notamment, des caractéristiques de la zone et du niveau d'activité économique des professionnels concernés (cf. loi n° 2015-990 du 6 août 2015, art. 52).

S'agissant des huissiers, le nouvel article 3 de l'ordonnance n° 45-2592 du 2 novembre 1945, relative au statut des huissiers (N° Lexbase : L8061AIE), issu de l'article 54 de la loi "Macron", précise qu'à l'exception des cas où il n'est pas établi de commissaires-priseurs judiciaires, aux prisées et ventes publiques judiciaires ou volontaires de meubles et effets mobiliers corporels, la compétence territoriale des huissiers de justice pour l'exercice des activités mentionnées aux deuxième et dernier alinéas de l'article 1er de ladite loi est nationale (disposition entrant en vigueur en janvier 2017).

Sous cette réserve, la compétence territoriale des huissiers de justice s'exerce dans le ressort de cour d'appel au sein duquel ils ont établi leur résidence professionnelle.

Ayant dénoncé la libération excessive des conditions d'installation des professions réglementées, les députés, saisissant le Conseil constitutionnel, avaient soutenu l'existence d'un risque de déserts juridiques et de privation des citoyens d'un égal accès au droit. Aussi, ont-il argué de ce que certains professionnels pourront s'installer librement alors que d'autres devront faire l'objet d'une présentation par le titulaire d'un office.

Les Sages, dans leur décision du 5 août 2015 (Cons. const., décision n° 2015-715 DC du 5 août 2015 N° Lexbase : A1083NNG), ne retiennent, cependant, aucune atteinte au principe d'égalité car la différence de traitement résulte de l'objet de la loi qui l'établit.

  • Indemnisation du titulaire de l'office antérieurement crée (disposition censurée par le Conseil constitutionnel)

Le texte prévoyait que lorsque la création d'un office porte atteinte à la valeur patrimoniale d'un office antérieurement créé, le titulaire de ce dernier est indemnisé, à sa demande par le titulaire du nouvel office antérieurement crée (loi n° 2015-990 du 6 août 2015, art. 52). En cas de désaccord, sur le montant ou sur la répartition de l'indemnisation, le juge de l'expropriation devrait fixer le montant de l'indemnité. La demande d'indemnisation devait être accompagnée d'une évaluation précise du préjudice et justifiée. Elle devait également être introduite dans un délai de six ans après la création du nouvel.

Ladite disposition posait la question de l'évaluation du montant de l'indemnisation.

Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 5 août 2015 a censuré ledit article 52 le jugeant non-conforme à la Constitution et méconnaissant l'article 13 de la DDHC (N° Lexbase : L1360A9A). En effet, ont relevé les Sages, de telles modalités ne pouvaient, sans occasionner une rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques, faire supporter au titulaire du nouvel office la charge de procéder à une telle compensation de la dépréciation de la valeur patrimoniale de l'office antérieurement créé. Le Conseil a tout de même précisé qu'il demeurait loisible au titulaire d'un office subissant un préjudice anormal et spécial résultant de la création d'un nouvel office d'en demander réparation sur le fondement du principe constitutionnel d'égalité devant les charges publiques.

  • Limitation de l'âge d'accès à la retraite et accroissement du nombre des professionnels de justice

Les notaires, huissiers, commissaires-priseurs judiciaires et les greffiers du tribunal de commerce n'avaient jusque là pas de limitation d'âge pour prendre leur retraite. La loi "Macron" impose désormais un âge pour le départ à la retraite des notaires (loi n° 2015-990 du 6 août 2015, art. 53), huissiers de justice (loi n° 2015 -990 du 6 août 2015, art. 54), les commissaires-priseurs judiciaires (loi n° 2015-990 du 6 août 2015, art. 55) et les greffiers des tribunaux de commerce (loi n° 2015 -990 du 6 août 2015, art. 56). Il est fixé à soixante-dix ans.

Sur autorisation du ministre de la Justice, ils peuvent néanmoins continuer d'exercer leurs fonctions jusqu'au jour où leur successeur prête serment, pour une durée qui ne peut excéder douze mois (loi n° 2015-990 du 6 août 2015, art. 53, pour les notaires, art. 54 pour les huissiers, art. 55 pour les commissaires-priseurs er art. 56 pour les greffiers des tribunaux de commerce).

Cette limitation tend à favoriser le développement de la profession et réduit les possibilités de reprise pour les candidats à la succession dans leurs offices.

Toutefois, la portée de cette nouvelle disposition sera limitée : en effet, seulement 1,4 % des notaires, 1,6 % des huissiers, 5,5 % des greffiers des tribunaux de commerce et 2,5 % des commissaires-priseurs avaient plus de 70 ans au 1er janvier 2012.

Sur l'accroissement du nombre de professionnels de justice, alors que l'ordonnance n° 45-2590 du 2 novembre 1945, relative au statut du notariat (N° Lexbase : L7944BBT), mentionnait qu'"une personne physique titulaire d'un office notarial ne peut pas employer plus de deux notaires salariés. Une personne morale titulaire d'un office de notaire ne peut pas employer un nombre de notaires salariés supérieur au double de celui des notaires associés y exerçant la profession", la loi "Macron" prévoit désormais qu'elle peut employer quatre notaires salariés. Toutefois, à compter du 1er janvier 2020, le nombre de recrutement de notaires sera limité à deux pour une personne physique titulaire d'un office notarial et au double de celui des notaires associés y exerçant la profession pour les personnes morales titulaires d'un office de notaire (cf. loi n° 2015-990 du 6 août 201, art. 59).

Aussi, un décret devra également définir les conditions d'aptitude à leurs fonctions, parmi lesquels les conditions de reconnaissance de l'expérience professionnelle des clercs salariés. La loi "Macron" supprime ainsi le dispositif d'habilitation des clercs qui permettait aux notaires d'autoriser ceux-ci à procéder à la lecture des actes et à recueillir la signature des parties prévu par la loi du 25 ventôse an XI, contenant organisation du notariat (N° Lexbase : L2756IYQ) (3).

Pour les commissaires-priseurs, l'article 3 de l'ordonnance 45-2593 du 2 novembre 1945 (N° Lexbase : L8062AIG), est également modifié. Il est désormais prévu qu'une personne physique titulaire d'un office peut employer plus de deux commissaires-priseurs judiciaires salariés au lieu d'un comme antérieurement prévu.

Il en est de même pour les huissiers de justice qui sont dorénavant autorisés en employer deux huissiers salariés et des greffiers de tribunal de commerce, pour lesquels l'article L. 743-12-1 du Code de commerce (N° Lexbase : L1787KGB) est modifié pour prévoir la possibilité d'employer deux greffiers salariés.

Les députés, qui ont saisi le Conseil constitutionnel à ce propos, ont dénoncé une méconnaissance de la liberté d'entreprendre en raison de cette limitation de la durée d'activité. A tort, selon le Conseil constitutionnel, qui a précisé qu'en fixant à soixante-dix ans l'âge limite pour l'exercice des professions mentionnées et en permettant une prolongation d'activité pendant une durée maximale d'un an avant que le successeur ne prête serment, le législateur n'a pas porté une atteinte disproportionnée à la liberté d'entreprendre de ces professionnels.

II - La modification de la tarification des opérations

Mise en place d'une péréquation

A l'exclusion des honoraires rémunérant des prestations et qui, au même titre que les honoraires d'avocats, doivent désormais faire l'objet d'une convention d'honoraires par écrit (cf. loi n° 2015-990 du 6 août 2015, art. 50), les tarifs des administrateurs judiciaires, commissaires-priseurs judiciaires, greffiers de tribunaux de commerce, huissiers de justice, mandataires judiciaires et notaires sont fixés par l'Etat.

En effet, les règles de fixation de ces tarifs étant souvent anciennes (les règles de fixation des tarifs des notaires ont été définies en 1978, celles des administrateurs et des mandataires judiciaires en 1985, celles des huissiers en 1996), certains tarifs supportés par les particuliers et les entreprises s'en sont trouvés déconnectés des coûts réellement encourus par ces professionnels.

La loi "Macron" instaure de nouveaux principes de fixation et de révision des tarifs des professions juridiques réglementées. L'objectif est de faire baisser les tarifs en les orientant vers les coûts réellement encourus par les professionnels. La nouvelle grille des tarifs sera fixée par décret, dès 2015, après avis de l'Autorité de la concurrence (3), dont les attributions seront élargies.

La loi prévoit ainsi une révision des tarifs pour les rapprocher des coûts réels.

Les nouvelles grilles tarifaires seront définies sur la base de critères objectifs et intégreront un système de péréquation, applicable à l'ensemble des prestations servies.

Le mécanisme de péréquation est national, et non plus seulement interne aux seules études, tel qu'il existe actuellement.

Les tarifs doivent ainsi prendre en compte les coûts pertinents du service rendu et une rémunération raisonnable, définie sur la base de critères objectifs.

Le tarif de chaque prestation sera arrêté conjointement par les ministres de la Justice et de l'Economie et sera est révisé au moins tous les cinq ans (C. com., art. L. 444-3, nouv. N° Lexbase : L1587KGU). Les tarifs seront revus de manière périodique afin de garantir une parfaite connexion entre le tarif perçu et le coût pour le professionnel (loi n° 2015-990 du 6 août 2015, art. 50).

Pour les notaires, les tarifs des transactions les plus élevées pourront conserver une dimension proportionnelle pour tenir compte de la nécessité de financer les actes de la vie courante qui sont effectués gratuitement ou à un tarif inférieur à leur coût réel.

L'autorité de la concurrence donne son avis sur les prix et tarifs réglementés mentionnés, respectivement, au deuxième alinéa de l'article L. 410-2 (N° Lexbase : L1587KGU) et à l'article L. 444-1. Elle peut le faire à la demande du Gouvernement mais peut également prendre l'initiative d'émettre un avis sur les prix et tarifs réglementés mentionnés au premier alinéa du présent article. Cet avis est rendu public au plus tard un mois avant la révision du prix ou du tarif en cause (C. com., art. L. 462-2-1 N° Lexbase : L1592KG3). Le Conseil constitutionnel a relevé sur ce point que cet avis ne lie pas le pouvoir réglementaire et n'est donc pas anticonstitutionnel.

Les députés et sénateurs avaient également soutenu devant le Conseil constitutionnel que les dispositions relatives à la détermination des tarifs réglementés, en ne définissant pas de manière suffisamment précise les modalités de cette détermination, méconnaissent l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi, l'article 34 de la Constitution, la garantie des droits.

Ce n'est pas l'avis du Conseil constitutionnel qui a retenu que les dispositions contestées permettent que ces tarifs réglementés, lorsqu'ils sont déterminés proportionnellement à la valeur d'un bien ou d'un droit et lorsque la valeur de ce bien ou de ce droit est supérieure à un seuil défini par arrêté, fassent l'objet d'une remise ; le taux de ces remises devant être fixe, identique pour tous et compris dans des limites définies par voie réglementaire. Ces remises, qui assouplissent les conditions de fixation de tarifs réglementés, constituent une faculté pour les professionnels concernés. Dès lors les dispositions contestées ne portent pas atteinte à la liberté d'entreprendre de ces professionnels.

Obligation d'affichage des prix par les professionnels

Les professionnels du droit seront obligés d'afficher leurs tarifs de manière visible et lisible, dans leur lieu d'exercice et sur leur site internet (C. com., art. L. 444-4 N° Lexbase : L1588KGW), selon des modalités fixées dans les conditions prévues au premier alinéa de l'article L. 113-3 du Code de la consommation (N° Lexbase : L1785KG9).

Il est à noter que les manquements à l'obligation d'afficher les tarifs ainsi que l'inexécution des injonctions de se conformer à ces dispositions sont passibles de l'amende dont le montant ne peut excéder 3 000 euros pour une personne physique et 15 000 euros pour une personne morale, telle prévue à l'article L. 111-6 du Code de la consommation (N° Lexbase : L1686AE8).

III - Institution d'un fonds de péréquation interprofessionnel de l'accès au droit et à la justice

La loi "Macron" prévoit également la création d'un "fonds interprofessionnel de l'accès au droit et à la justice". L'organisation et le fonctionnement du fonds interprofessionnel de l'accès au droit et à la justice, ainsi que la composition du conseil d'administration par lequel est administrée la personne morale qui le gère sont précisés par un décret du Conseil d'Etat, pris après avis de l'Autorité de la concurrence.

Ce fonds de péréquation serait alimenté via les actes les plus rémunérateurs des transactions immobilières. Il viendrait compenser le chiffre d'affaires des études qui pratiquent majoritairement des actes à faible rentabilité, voire à rentabilité nulle.

Cette péréquation assure également une redistribution, au niveau national, des sommes perçues au titre de ces tarifs proportionnels, au bénéfice d'un fonds interprofessionnel destiné à financer notamment l'aide juridictionnelle et les maisons de justice et de droit.

Pour financer ce fonds, il était prévu à compter du 1er janvier 2016, une contribution annuelle dénommée "contribution à l'accès au droit et à la justice" pour assurer le financement du fonds interprofessionnel de l'accès au droit et à la justice.

La contribution prévue pour les personnes physiques ou morales titulaires d'un office de commissaire-priseur judiciaire, de greffier de tribunal de commerce, d'huissier de justice ou de notaire exerçant à titre libéral l'activité d'administrateur judiciaire ou de mandataire judiciaire, d'avocat pour les droits et émoluments perçus en matière de saisie immobilière, de partage, de licitation et de sûretés judiciaires devait être assise sur la valeur hors taxes de tout bien ou sur le montant hors taxes de tout droit, pour lequel le tarif est fixé proportionnellement à ceux-ci, et qui est supérieur à un seuil de 300 000 euros (4).

Le taux de contribution est fixé par arrêté conjoint du ministre de la Justice et de celui chargé du Budget entre 0.05 et 0.2 %.

La contribution à l'accès au droit et à la justice devait être exigible dans les mêmes conditions que celles applicables en matière de taxe sur la valeur ajoutée.

Le caractère interprofessionnel du fonds posait une réelle difficulté, puisqu'il aboutissait à faire supporter, le cas échéant, le poids de la péréquation en faveur d'une catégorie d'officiers publics ou ministériels par une autre profession.

Le Conseil constitutionnel a censuré la disposition relative à la contribution à l'accès au droit et à la justice destinée à financer ce fonds. Il a considéré qu'en habilitant le pouvoir réglementaire à fixer les règles concernant l'assiette de la taxe contestée, le législateur a méconnu l'étendue de sa compétence.

IV - Création de sociétés interprofessionnelles d'exercice du droit et du chiffre

La loi "Macron" veut favoriser une évolution de l'organisation des professionnels du droit et du chiffre vers davantage de pluridisciplinarité et faciliter les rapprochements entre professionnels.

L'intérêt de l'interprofessionnalité d'exercice envisagée est en effet de compléter l'offre des professionnels du droit en étendant la gamme de prestations qu'ils sont en mesure de proposer à leurs clients. Une structure de mutualisation des moyens regroupant des membres de diverses professions du droit peut avoir l'avantage d'offrir un service global avec un interlocuteur unique.

Ainsi, afin de faciliter l'interprofessionnalité d'exercice (et d'obtenir le full service tel qu'il existe déjà dans d'autres pays européens), l'article 65 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 prévoit également la possibilité pour :

- l'avocat ;

- l'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ;

- le commissaire-priseur judiciaire ;

- l'huissier de justice ;

- le notaire ;

- l'administrateur judiciaire ;

- le mandataire judiciaire ;

- l'expert-comptable ;

de créer une société unique pour l'exercice de toutes ces professions dans le respect des déontologies propres à chaque profession.

L'intégralité du capital et des droits de vote devront être détenus par des membres de ces différentes professions au sein de ladite société ou par des personnes légalement établies dans un Etat membre de l'Union européenne, dans un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou dans la Confédération suisse qui exercent en qualité de professionnel libéral, dans l'un de ces Etats, une activité soumise à un statut législatif ou réglementaire ou subordonnée à la profession d'une qualification nationale ou internationale reconnue et exerçant une ou plusieurs des professions constituant l'objet social de la société.

Il importe de mentionner que, malheureusement, tous les Etats membres de l'Union européenne ne réglementent pas ces professions de la même manière, ce qui laisse la porte ouverte à une détention indirecte par des non professionnels.

Lesdites sociétés ne pourront exercer une profession que si l'un de leurs associés remplit les conditions requises pour exercer ladite profession. Les modalités pratiques de cette interprofessionnalité d'exercice seraient définies par ordonnance, dans un délai de 8 mois à compter de la publication de la loi.

En marge de cette initiative, il est aussi prévu de créer une profession de commissaire de justice regroupant les professions d'huissier de justice et de commissaire-priseur judiciaire, de façon progressive, en prenant en considération les règles de déontologie, les incompatibilités et les risques de conflits d'intérêts propres à l'exercice des missions de chaque profession concernée, ainsi que les exigences de qualification particulières à chacune de ces professions (cf. loi n° 2015-990 du 6 août 2015, art. 61).

V - Extension du champ des activités des experts-comptables exercés à titre accessoire

La loi "Macron" modifie l'article 22 de l'ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945 portant institution de l'Ordre des experts-comptables (N° Lexbase : L8059AIC) en disposant que ceux-ci peuvent également sans en faire leur principale activité :

- effectuer toutes études ou tous travaux d'ordre statistique, économique, administratif, ainsi que tous travaux et études à caractère administratif ou technique, dans le domaine social et fiscal, et apporter, dans ces matières, leur avis devant toute autorité ou organisme public ou privé qui les y autorise ;

- donner des consultations, effectuer toutes études ou tous travaux d'ordre juridique, fiscal ou social et apporter, dans ces matières, leur avis devant toute autorité ou organisme public ou privé qui les y autorise, mais seulement s'il s'agit d'entreprises dans lesquelles ils assurent des missions d'ordre comptable ou d'accompagnement déclaratif et administratif de caractère permanent ou habituel ou dans la mesure où lesdits consultations, études, travaux ou avis sont directement liés aux travaux comptables dont ils sont chargés (loi n° 2015-990 du 6 août 2015, art. 62).

Il importe de souligner que l'alinéa 7 de l'article 22 de l'ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945 portant institution de l'Ordre des experts-comptables (N° Lexbase : L8059AIC) autorisait d'ores et déjà ces professionnels à "donner des consultations, effectuer toutes études et tous travaux d'ordre statistique, économique, administratif, juridique, social ou fiscal et apporter leur avis devant toute autorité ou organisme public ou privé qui les y autorise mais sans pouvoir en faire l'objet principal de leur activité et seulement s'il s'agit d'entreprises dans lesquelles ils assurent des missions d'ordre comptable de caractère permanent ou habituel ou dans la mesure où lesdites consultations, études, travaux ou avis sont directement liés aux travaux comptables dont ils sont chargés".

Par ailleurs, le dernier alinéa de l'article 2 de l'ordonnance du 19 septembre 1945 prévoyait que "les membres de l'Ordre [des experts-comptables], les succursales et les associations de gestion et de comptabilité peuvent assister, dans leurs démarches déclaratives à finalité fiscale, sociale et administrative, les personnes physiques qui leur ont confié les éléments justificatifs et comptables nécessaires auxdites démarches".

Cependant, les possibilités d'intervention des professionnels de l'expertise comptable sont difficiles à appréhender. Les restrictions précitées font l'objet de difficultés d'interprétation.

Le nouveau texte vise à autoriser les professionnels de l'expertise comptable à effectuer à titre accessoire des prestations en matière administrative, statistique, économique, fiscale et sociale, à l'égard de personnes pour lesquelles ils n'effectueraient pas de travaux comptables. Toutefois, la possibilité d'effectuer des consultations juridiques, fiscales ou sociales ainsi que de rédiger des actes sous seing privé resterait, elle, subordonnée à la réalisation préalable, pour leurs clients ou adhérents, de travaux comptables ou de missions d'assistance en matière fiscale, sociale ou administrative tels qu'ils sont d'ores et déjà définis à l'article 2 de l'ordonnance du 19 septembre 1945.

Pour répondre à l'inquiétude exprimée par les professionnels du droit (5), la loi a précisé que la consultation doit être strictement accessoire afin de ne pas entamer le domaine d'activité principal des professionnels du droit.


(1) Cf. Dossier de presse loi "Macron". Voir également Le fil info spécial loi "Macron" du barreau de Paris, qui présente de façon succincte ce que le nouveau texte va changer non seulement pour les avocats, mais aussi pour les autres professions juridiques réglementées.Voir, sur la profession d'avocat, Loi "Macron" : les incidences sur la profession d'avocat, Lexbase Hebdo n° 623 du 3 septembre 2015 - édition professions .
(2) Cette loi disposait en son article 10 que "le notaire peut habiliter un ou plusieurs de ses clercs assermentés à l'effet de donner lecture des actes et des lois et recueillir les signatures des parties". La suppression de cette habilitation est considérée comme une hérésie par certains notaires. Cf. sur ce point, Notariat : la suppression des clercs habilités est une hérésie totale, D. Act. 29 juillet 2015.
(3) Avis n° 15-A-02 du 9 janvier 2015, relatif aux questions de concurrence concernant certaines professions juridiques réglementées.
(4) Ce seuil peut être révisé par arrêté conjoint du ministre de la Justice et du ministre chargé du Budget, en tenant compte des besoins de couverture de l'ensemble du territoire par les professions judiciaires et juridiques et d'accès du plus grand nombre au droit.
(5) Dans un communiqué du 22 janvier 2015, le Conseil National des Barreaux dit "refuser que les experts-comptables soient autorisés à effectuer des études ou travaux d'ordre administratif, social et fiscal au bénéfice de personnes pour lesquelles ils ne réalisent pas, à titre principal, des prestations comptables de manière habituelle ou permanente". Quant à l'ACE, elle a souligné dans un communiqué que "les professionnels de la comptabilité pourront, si le texte est définitivement voté par le Parlement, démarcher de nouveaux clients pour les conseiller en droit, alors qu'ils n'auraient à leur proposer aucune mission comptable" (voir communiqué du 6 février 2015).

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