La lettre juridique n°573 du 5 juin 2014 : Domaine public

[Jurisprudence] Les pistes de ski alpin peuvent faire partie du domaine public

Réf. : CE, Sect., 28 avril 2014, n° 349420, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A5594MKE)

Lecture: 21 min

N2459BUM

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

[Jurisprudence] Les pistes de ski alpin peuvent faire partie du domaine public. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/17154776-jurisprudence-les-pistes-de-ski-alpin-peuvent-faire-partie-du-domaine-public
Copier

par Samuel Deliancourt, premier conseiller, cour administrative d'appel de Marseille, chargé d'enseignement à l'Ecole de Formation des Avocats de Centre-Sud (EFACS)

le 06 Juin 2014

Le statut juridique des pistes de ski alpin était sujet à débat depuis que, dans un arrêt "Rebora" lu le 12 décembre 1986, rendu contrairement aux conclusions du commissaire du Gouvernement M. Bonichot, la Section du Conseil d'Etat avait jugé qu'elles ne constituaient pas, par elles-mêmes, un ouvrage public (1). La jurisprudence administrative considérait également que ces pistes, lorsqu'elles étaient situées sur des dépendances appartenant aux communes, ne relevaient pas de leur domaine public. Un arrêt de Section du 28 avril 2014, "Commune de Val d'Isère" (2), a remis en cause ces qualifications en jugeant qu'une piste de ski, située sur des terrains communaux, relève de son domaine public dès lors qu'elle n'a pu être ouverte qu'en vertu de l'autorisation d'aménagement des pistes de ski alpin exigée par le Code de l'urbanisme (3) et a fait l'objet d'un aménagement indispensable à son affectation au service public de l'exploitation des pistes de ski. Cet arrêt, rendu dans un contentieux intéressant le droit de l'urbanisme, concerne directement le droit des propriétés publiques, car un des moyens soulevés par les deux syndicats de copropriétaires requérants était tiré de la violation de l'article R. 421-1-1 du Code de l'urbanisme alors en vigueur. Selon cette disposition, le pétitionnaire doit justifier d'un titre l'autorisant à déposer une demande de permis de construire sur un terrain dont il n'est pas propriétaire, à laquelle doit être jointe une autorisation d'occupation domaniale lorsque la parcelle d'assiette ou l'immeuble concerné relève du domaine public. Ce moyen n'étant opérant que si la dépendance concernée relève du domaine public (4), le Conseil d'Etat devait déterminer si le dossier de demande d'autorisation d'urbanisme déposé en mairie par le pétitionnaire portait, ou non, sur de telles dépendances.

I - Les demandes d'autorisation de construire portant sur des terrains appartenant à des personnes publiques

Le maire de Val d'Isère, commune de Savoie d'environ 1 600 habitants, mondialement connue et renommée pour ses stations de ski, a délivré à une SARL un permis de construire le 20 février 2007, suivi de deux permis modificatifs les 11 juillet et 23 novembre 2007, aux fins de construction d'un ensemble bar-restaurant-discothèque pouvant accueillir près de 750 personnes en bas des pistes. Une partie de ce projet devait être enterrée sous une piste de ski, le bar étant, pour sa part, à niveau. La parcelle concernée appartenant à ladite commune, le conseil municipal a approuvé, le 27 février 2006, un projet de bail emphytéotique administratif pour une durée de 40 ans au bénéfice de ladite société. Cette délibération fut contestée par deux syndicats de copropriétaires riverains devant le tribunal administratif de Grenoble, qui a fait droit à leurs demandes d'annulation au motif que la réalisation et l'exploitation d'un tel établissement ne constituait pas l'accomplissement d'une mission de service public pour le compte de la commune, contrairement aux exigences posées par l'article L. 1311-2 du Code général des collectivités territoriales (N° Lexbase : L0988IZM) (5). Ce motif fut confirmé l'année suivante par la cour administrative d'appel de Lyon (6).

Un maire peut être compétent pour délivrer, au nom de la commune, des autorisations d'urbanisme (7), y compris sur une parcelle dont la commune est propriétaire. Ces immeubles relèvent soit du domaine public, soit du domaine privé communal (8). Il est compétent pour statuer sur ces demandes lorsqu'elles émanent de tiers, comme en l'espèce, de même que lorsque la demande concerne un projet communal. Dans ce cas, la demande de permis déposée par le maire au nom de sa commune est subordonnée à l'autorisation expresse et régulière du conseil municipal (9). La circonstance que la commune soit bénéficiaire de l'autorisation d'urbanisme sollicitée et délivrée par le maire n'est pas, à elle seule, de nature à faire regarder l'exécutif comme intéressé, soit en son nom personnel, soit comme mandataire, au sens des dispositions de l'article L. 422-7 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L3436HZB) (10).

Lorsque la demande est présentée par une personne autre que la commune, mais sur un terrain appartenant à cette dernière, l'autorisation devait, en vertu de l'article R. 421-1-1, alinéa 1er, du Code de l'urbanisme, être sollicitée par une personne disposant d'un titre l'habilitant à construire. A été considérée comme justifiant d'un tel titre une personne privée ayant déposé une demande portant sur un terrain communal, bien que le bail n'ait été conclu que postérieurement à l'autorisation délivrée (11). Depuis le 1er octobre 2007, qui est la date d'entrée en vigueur du décret n° 2007-18 du 5 janvier 2007, pris pour l'application de l'ordonnance n° 2005-1527 du 8 décembre 2005, relative au permis de construire et aux autorisations d'urbanisme (N° Lexbase : L0281HUX), le demandeur doit seulement produire une attestation selon laquelle il est autorisé à construire (12), sans avoir à apporter de documents justificatifs, ce qui est beaucoup moins contraignant. L'autorité administrative n'a pas à vérifier la validité de cette attestation (13). Dans le cas où le pétitionnaire procède à une manoeuvre de nature à induire l'administration en erreur, le permis qui lui est délivré doit être regardé comme ayant été frauduleusement obtenu (14).

Lorsque la demande concerne une dépendance du domaine public, l'article R. 421-1-1, alinéa 3, du Code de l'urbanisme exigeait également que soit jointe l'autorisation de l'occuper, sous forme d'un titre unilatéral, permission de voirie ou permis de stationnement, ou d'une convention d'occupation domaniale, avant que l'autorité administrative ne statue (15) et sans qu'il soit possible de la régulariser par la production d'actes postérieurs (16). Le cas échéant, le permis encourt l'annulation (17). L'autorité administrative doit contrôler l'existence de cette autorisation, mais, également, qu'elle a été régulièrement délivrée (18) et qu'elle est appropriée au projet (19). Tel est le principe que rappelle ici le Conseil d'Etat : "une construction est subordonnée à une autorisation appropriée d'occupation du domaine public, laquelle doit alors être jointe à la demande de permis de construire, lorsqu'elle est destinée à occuper le domaine public ou nécessite un aménagement permanent d'une dépendance du domaine public" (cons. n° 13). Le caractère approprié du titre joint à la demande d'urbanisme s'apprécie sur la base d'un faisceau d'indices, notamment la date à laquelle le titre cesse de produire ses effets, les modalités de son renouvellement éventuel, ainsi que la nature et l'importance de l'ouvrage projeté (20). Aussi, un permis ne peut être légalement accordé si la construction envisagée est de nature à créer une emprise définitive sur la dépendance du domaine public (21) : soit le titre doit le permettre, soit la parcelle d'assiette doit être préalablement déclassée (22). Le requérant ne peut, d'ailleurs, pas utilement exciper de l'illégalité de la procédure au terme de laquelle ont été décidés la désaffectation et le déclassement de parcelles appartenant au domaine public communal, puisque le permis de construire en litige ne constitue pas une application de ces décision (23). Lorsqu'un permis de construire est demandé pour l'édification d'un ouvrage sur le domaine public ou le surplombant, l'article R. 431-13 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L7623HZD) exige, depuis le 1er octobre 2007, que soit joint une pièce exprimant l'accord du gestionnaire du domaine pour engager la procédure d'autorisation d'occupation temporaire du domaine public pour l'ouvrage qu'il se propose d'édifier (24).

II - Les pistes de ski peuvent appartenir au domaine public

A - Les positions des juridictions du fond quant à la domanialité de la parcelle concernée

Un des moyens soulevés avait trait à la complétude du dossier de demande d'autorisation. Pour déterminer si le moyen était opérant, il était nécessaire de savoir si la parcelle d'assiette du projet appartenait au domaine public ou privé de la commune.

En vertu de l'article L. 2111-1 du Code général de la propriété des personnes publiques (N° Lexbase : L4505IQW), le domaine public d'une personne publique est constitué des biens lui appartenant qui sont soit affectés à l'usage direct du public, soit affectés à un service public, pourvu, qu'en ce cas, ils fassent l'objet d'un aménagement indispensable à l'exécution des missions de ce service public (25).

En première instance, le tribunal administratif de Grenoble, par jugement (26) lu le 29 janvier 2009, avait estimé que ce terrain ne faisait pas partie du domaine public en l'absence d'affectation permanente à l'usage du public, considérant que "le terrain d'assiette du projet en litige, qui appartient à la commune de Val d'Isère, est partiellement utilisé par une piste de ski ; qu'il est également constant que cet usage n'est pas permanent, puisqu'il est limité à la période d'ouverture des remontées mécaniques et dépend, en outre, des conditions d'enneigement ; que, du fait du caractère non permanent de cet usage, ce terrain ne peut être regardé comme affecté à l'usage direct du public au sens des dispositions précitées ; que, par suite, les syndicats requérants ne sont pas fondés à soutenir que ce terrain constituerait une dépendance du domaine public de la commune de Val d'Isère". La cour administrative d'appel de Lyon a annulé ce jugement sur ce point au motif que, "si cette parcelle qui ne se rattache pas au front de neige' ne peut être regardée comme affectée à l'usage direct du public, elle a, comme il a été dit ci-dessus, fait l'objet d'aménagements spécialement adaptés à l'exploitation du domaine skiable qui, ainsi qu'il est dit à l'article L. 342-13 du Code du tourisme (N° Lexbase : L0179HGQ), constitue un service public industriel et commercial ; que, par suite, au regard tant de la nature et de l'importance desdits aménagements que des caractéristiques du secteur dans lequel elle s'inscrit, la parcelle d'implantation du projet constitue une dépendance du domaine public de la commune de Val d'Isère" (27). Elle a donné raison aux syndicats requérants en annulant les autorisations contestées en l'absence de titre régulier par la société pour déposer la demande d'urbanisme du fait du caractère irrégulier du bail emphytéotique, ce projet ne se rattachant à une mission de service public ou à une opération d'intérêt général. Saisi en cassation, le Conseil d'Etat annule partiellement cette décision au motif que si le sous-sol des pistes comme les pistes peuvent faire partie du domaine public, les conditions ne sont pas remplies en l'espèce.

B - L'affectation des pistes de ski alpin à un service public selon le Conseil d'Etat

Des pistes recouvertes par des mètres de neige ne suivent pas forcément les chemins ou les parcelles dont la commune est propriétaire et peuvent, dans ces conditions, ne pas relever du domaine public, faute de propriétaire public.

Lorsqu'elles sont situées sur des dépendances de la commune, la jurisprudence administrative refusait de les considérer comme étant affectées au public. C'est dans cette lignée que se situe le raisonnement tenu par le tribunal administratif en première instance. La jurisprudence a également dénié cette qualification de dépendance du domaine public, après avoir admis que la condition d'affectation à un service public était remplie, bien que ce ne sont pas les pistes qui sont affectées au service public, mais ce dernier qui est affecté aux pistes (28), au motif que le critère de l'aménagement spécial faisait défaut, en considérant que les aménagements réalisés n'étaient suffisamment conséquents, à l'instar de travaux de nivellement (29).

Ce raisonnement était contestable à deux niveaux. Le premier est que le critère de l'aménagement spécial a toujours été largement interprété par la jurisprudence au point que l'on a pu douter de l'utilité de ce critère qui devait être réducteur de la domanialité publique (30). La jurisprudence a, par exemple, considéré que le simple entretien (31), ou encore la pose d'une chaîne (32) suffisait à regarder cette exigence comme établie. A l'appui de l'existence de tels aménagements, l'article R. 145-4 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L3525HWH) définit une piste de ski alpin comme "un parcours sur neige réglementé, délimité, balisé, contrôlé et protégé des dangers présentant un caractère anormal ou excessif, éventuellement aménagé et préparé, réservé à la pratique du ski alpin et des activités de glisse autorisées". Il est dans ces conditions assez difficile de considérer qu'il n'y a pas d'aménagements. Le second est que toutes les pistes sont tracées, nivelées, entretenues, damées, parfois générées grâce à l'intervention des canons à neige. Il n'y a, en réalité, rien de moins naturel qu'une piste de ski offerte à la descente des touristes et vacanciers. Selon le bon mot du Professeur P. Yolka, "une telle manière de voir est fort discutable, à considérer en quoi consiste la réalisation des pistes de ski, dessinées à l'explosif et au bulldozer : on est passé avec l'industrie des loisirs et les usines à ski -risquons ce raccourci abrupt- de la montagne sacrée à la montagne massacrée" (33).

Ce refus de voir un ouvrage affecté au public ou à un service public est une des conséquences de l'arrêt "Rebora" (34), dans lequel la responsabilité de la commune de Bourg-Saint-Maurice était recherchée sur le fondement du défaut d'entretien normal de la piste de ski. Le refus de qualifier la piste d'ouvrage public, que certains auteurs estiment fondé sur des raisons d'opportunité (35), puisque la victime ne pouvait rechercher la responsabilité de la commune sur le fondement de la responsabilité pour dommages de travaux publics, a eu pour conséquence que les juridictions ont refusé de qualifier les pistes de dépendances du domaine public lorsqu'elles étaient situées sur des terrains appartenant à des personnes publiques, faute d'affectation au public, bien que domaine public et ouvrage public soient deux notions différentes et indépendantes (36).

Les éléments autres des domaines skiables (37) étaient pourtant considérés comme des ouvrages publics et comme relevant du domaine public, en raison, notamment, de leur affectation au service public. Il existe, en effet, un service public du développement économique et touristique (38) dégagé par la jurisprudence administrative et auquel il est possible de rattacher ces activités. L'exploitation des remontées mécaniques a ainsi été qualifiée de service public (39) de nature industrielle et commerciale (40) par la jurisprudence, puis par le législateur. Selon l'article 47 de la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985, relative au développement et à la protection de la montagne (N° Lexbase : L7612AGZ), codifié à l'article L. 342-13 du Code du tourisme (41), relatif aux remontées mécaniques et pistes de ski, "l'exécution du service est assurée soit en régie directe, soit en régie par une personne publique sous forme d'un service public industriel et commercial, soit par une entreprise ayant passé à cet effet une convention à durée déterminée avec l'autorité compétente". La jurisprudence judiciaire comme administrative a globalisé le champ d'application de service public en l'étendant aux pistes du domaine skiable (42). Le Conseil d'Etat a ainsi jugé dans l'arrêt "Beaufils" du 19 février 2009 que "l'exploitation des pistes de ski, incluant notamment leur entretien et leur sécurité, constitue un service public industriel et commercial, même lorsque la station de ski est exploitée en régie directe par la commune" (43). Les pistes de ski sont donc affectées à ce service public.

A cela s'ajoute le fait que les aménagements du domaine skiable sont soumis à un régime d'urbanisme particulier (44). Au regard de cette finalité de service public associée à ce régime d'urbanisme destiné à permettre la réalisation de divers travaux des défrichement, terrassement, débroussaillage et autres, le Conseil d'Etat pose le principe selon lequel "une piste de ski alpin qui n'a pu être ouverte qu'en vertu d'une telle autorisation a fait l'objet d'un aménagement indispensable à son affectation au service public de l'exploitation des pistes de ski ; que, par suite, font partie du domaine public de la commune qui est responsable de ce service public les terrains d'assiette d'une telle piste qui sont sa propriété" (cons. n° 10). Cette rédaction semble même induire une présomption de l'existence de ces aménagements. Tel était le cas, en l'espèce, d'une partie de terrains, ceux visés par l'autorisation d'urbanisme, aménagés et utilisés comme pistes de ski. Cette affectation désormais admise, et dès lors que la condition d'affectation à l'utilité générale est plus large que celle de l'affectation au public, les pistes de ski alpin doivent être regardées comme étant des ouvrages publics.

En revanche, pour les terrains non concernés par l'autorisation d'aménagement, il fallait vérifier si les conditions posées par le Code général de la propriété des personnes publiques étaient remplies. Le Conseil d'Etat considère qu'il n'y avait pas d'aménagements indispensables s'agissant de l'affectation au service public. S'agissant du critère alternatif relatif à l'affectation au public, la Haute juridiction relève que, "si les skieurs l'empruntaient précédemment pour se rendre aux remontées mécaniques situées à proximité, notamment à la gare de départ du télésiège Solaise Express, il ne résulte pas de cette seule circonstance qu'elle aurait été affectée à l'usage direct du public" (cons. n° 11). Est ainsi confirmée la distinction entre ouverture et affectation au public (45). Ce terrain dissociable ne répondant pas aux critères de domanialité publique, il n'y a pas eu violation de l'article R. 421-1-1 du Code de l'urbanisme. Restait la qualification du sous-sol devant abriter la discothèque et le restaurant.

C - Les sous-sols des pistes de ski peuvent être des dépendances du domaine public

Le restaurant et la discothèque devaient être réalisés sous une piste de ski. En droit du domaine public, la question de la divisibilité des volumes dans un immeuble construit, que cette divisibilité soit horizontale, c'est-à-dire par étages, ou verticale avec la question des entrées indépendantes ou non (46), est bien connue. Il est possible de distinguer les affectations et donc de diviser un immeuble appartenant à une personne publique comme relevant de son domaine public ou de son domaine privé, selon la configuration des lieux. Il ne s'agissait pas ici de faire application de la théorie de l'accession de l'article 552 du Code civil (N° Lexbase : L3131ABL), selon lequel "la propriété du sol emporte la propriété du dessus et du dessous". Cette disposition n'a trait qu'à la propriété (47). La question était celle de savoir si cette dépendance communale située sous la piste pouvait faire partie du domaine public en application de la théorie de l'accessoire (48). Il est en effet possible d'avoir des superpositions de dépendances susceptibles d'être différemment qualifiées en fonction de leurs affectations effectives et réelles. Selon l'article L. 2111-2 du Code général de la propriété des personnes publiques (N° Lexbase : L4506IQX), "font également partie du domaine public les biens des personnes publiques mentionnées à l'article L. 1 qui, concourant à l'utilisation d'un bien appartenant au domaine public, en constituent un accessoire indissociable". Deux conditions cumulatives sont exigées. Le Conseil d'Etat juge, ainsi, que, "le sous-sol de ces terrains fait également partie du domaine public de la commune s'il comporte lui-même des aménagements ou des ouvrages qui, concourant à l'utilisation de la piste, en font un accessoire indissociable de celle-ci" (cons. n° 10). Mais, en l'espèce, tel n'est pas le cas, "le sous-sol en cause n'avait pas fait l'objet d'aménagements et ne peut en l'espèce être regardé comme constituant un accessoire indissociable de la piste de ski à l'utilisation de laquelle il concourrait" (cons. n° 13). Il était difficile de voir dans un restaurant et une discothèque une unité fonctionnelle avec les pistes de ski, malgré la superposition physique de ces dépendances. Aussi le moyen tiré de la violation de l'article R. 421-1-1 du Code de l'urbanisme est-il écarté.

D - L'accès au terrain par une dépendance du domaine public ne nécessite pas que soit joint une autorisation d'occuper le domaine public

Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 421-1-1 du Code de l'urbanisme était également invoqué au regard des modalités de réalisation des travaux devant être effectués et pour l'exécution desquels des autorisations de voirie seront par la suite nécessaires. En toute logique, le moyen est également écarté au motif que, "lorsque la construction nécessite seulement une autorisation d'occupation pour les besoins des travaux, une telle autorisation ne constitue pas une condition de légalité du permis de construire" (cons. n° 13). Le maître d'ouvrage devra obtenir les autorisations idoines pour procéder aux travaux, mais une autorisation d'urbanisme n'a pour but que de sanctionner, en principe et en l'absence de renvoi, le seul respect des règles d'urbanisme (49), ainsi que le rappelle l'article L. 421-6 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L3427HZX). Il y a donc une application du principe d'indépendance des législations (50) avec le droit régissant les autorisations domaniales. Par ailleurs, l'autorisation d'urbanisme étant délivrée par rapport à un projet défini, les conditions d'exécution dudit projet, comme le non-respect des prescriptions, sont sans incidence sur la légalité même de cet acte administratif. Le Conseil d'Etat juge ainsi que "la réalisation de la construction autorisée nécessitait seulement des travaux d'affouillement provisoire du sol au niveau de la piste de ski mais aucun aménagement permanent du domaine public, la piste de ski devant être remise dans un état identique à celui existant avant les travaux ; que, par suite, la légalité des permis de construire attaqués n'était pas subordonnée à la production, à l'appui du dossier de demande, d'une autorisation d'occupation du domaine public" (cons. n° 13). Les autres moyens ayant plus spécifiquement trait au droit de l'urbanisme, car tirés de la méconnaissance des prescriptions du règlement du plan d'occupation des sols et de l'article R. 111-4 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L7370HZY) sont écartés. L'arrêt d'annulation rendu par la cour administrative d'appel de Lyon est annulé sur ces points et la requête présentée aux fins d'annulation des permis de construire contestés rejetée.


(1) CE, Sect., 12 décembre 1986, n° 51249, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A4847AMH), p. 281, AJDA, 1987, p. 354, concl. J.-C. Bonichot, CJEG, 1987, p. 601, concl. J.-C. Bonichot, note D. Richer, D. 1987, SC, p. 343, obs. F. moderne et P. Bon, LPA, 6 mars 1987, note F. Moderne, Revue administrative, 1987, p. 35, note P. Terneyre.
(2) CE, Sect., 28 avril 2014, n° 349420, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A5594MKE).
(3) C. urb., art. L. 445-2, devenu art. L. 473-1 (N° Lexbase : L3509HZY).
(4) Voir, par exemple, CAA Nantes, 2ème ch., 15 juin 2012, n° 10NT01698 (N° Lexbase : A0759IQ8).
(5) TA Grenoble, 27 avril 2011, n° 06017947.
(6) CAA Lyon, 3ème ch., 27 novembre 2012, n° 11LY01353 et 11LY01521 (N° Lexbase : A6227IYB).
(7) Voir C. urb., art. L. 422-1 (N° Lexbase : L9324IZD).
(8) Les dépendances du domaine privé peuvent être grevées de servitudes destinées à assurer le passage, l'aménagement et l'équipement des pistes de ski et des sites nordiques destinés à accueillir des loisirs de neige non motorisés (C. tour., art. L. 342-20 N° Lexbase : L3377HNE).
(9) Voir, par exemple, CAA Marseille, 1ère ch., 10 décembre 1998, n° 96MA02238 (N° Lexbase : A2835BMX).
(10) CE 3° et 8° s-s-r., 3 juillet 2009, n° 321634 (N° Lexbase : A5660EIH), BJDU 4/2009, p. 285, concl. E. Geffray, note J.-C. B.
(11) CE 2° et 6° s-s-r., 26 février 1988, n° 73393, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A7585APM), p. 90 ; Dr. adm., 1988, comm. n° 235, D.1988, IR, p. 112. Voir également CE 3° et 5° s-s-r., 29 mai 1985, n° 36087, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A3468AME).
(12) C. urb., art. R. 423-1 (N° Lexbase : L7483HZ8).
(13) CAA Lyon, 1ère ch., 15 février 2011, n° 09LY02155 (N° Lexbase : A3201HNU) ; CE 1° et 6° s-s-r., 6 décembre 2013, n° 354703, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A8510KQA), BJCL, 1/2014, concl. S. Von Coester.
(14) CE 9° et 10° s-s-r., 15 février 2012, n° 333631, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A8522ICM), BJDU, 4/2012, p. 296, concl. F. Aladjidi, BJDU, 6/2012, p. 419, note F. Polizzi ; CE 1° et 6° s-s-r., 6 décembre 2013, n° 354703, mentionné aux tables du recueil Lebon, préc..
(15) CE 7° et 10° s-s-r., 8 avril 1994, n° 132721, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A0335AS9), p. 1250, RDP, 1996, p. 593.
(16) CE, Sect., 23 octobre 1981, n° 19804 (N° Lexbase : A5423AK3) ; CE 3° et 5° s-s-r., 22 novembre 1995, n° 109246, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A6416ANX), BJDU, 1995, p. 492.
(17) Voir, par exemple, CE 3° et 5° s-s-r., 20 mai 1994, n° 106555, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A0799ASE), p. 915-1250, RDP, 1996, p. 593, note G. Lebreton (concernant un projet de construction comportant la création d'un passage piétonnier nécessitant un aménagement permanent d'une dépendance du domaine public et nécessitant que soit jointe à la demande la permission de voirie nécessaire) ; CAA Lyon, 1ère ch., 27 mars 2012, n° 11LY01465 (N° Lexbase : A7857IPP).
(18) Voir, par exemple, CE 12° et 6° s-s-r., 9 mai 1976, n° 96119, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A3166B8R), p. 265 ; CE 3° et 8° s-s-r., 23 septembre 2005, n° 276772, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A6103DKA), BJDU, 1/2006, p. 29, concl. P. Collin, obs. J.-C. Bonichot.
(19) En ce sens, voir CE 2° et 6° s-s-r., 12 mai 1976, n° 85271, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A8661B7W), p. 252 ; CE 3° et 5° s-s-r., 20 mai 1994, n° 106555, mentionné aux tables du recueil Lebon, préc. ; CE 9° et 10° s-s-r., 17 avril 2008, n° 277298, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A6474D8B).
(20) CE 9° et 10° s-s-r., 17 avril 2008, n° 277298, inédit au recueil Lebon, préc..
(21) CAA Bordeaux, 1ère ch., 28 octobre 2010, n° 10BX00075 (N° Lexbase : A6214IKD).
(22) Voir, par exemple, TA 9 février 1977, Syndicat des marchands du Carreau du Temple (N° Lexbase : A9861BSZ), Rec. tables, p. 1004.
(23) Voir, par exemple, CAA Bordeaux, 18 octobre 2011, 5ème ch., n° 10BX03015 (N° Lexbase : A6707MP4).
(24) Voir, par exemple, en ce sens, CAA Marseille, 1ère ch., 14 avril 2011, n° 09MA03433 (N° Lexbase : A2682HPZ) ; CAA Lyon, 31 juillet 2012, n° 10LY01234 (N° Lexbase : A6708MP7) ; CAA Lyon, 9 février 2013, n° 12LY01811 (N° Lexbase : A6709MP8).
(25) C. Ballandras-Rozet, L'aménagement indispensable, un critère discutable de réduction du domaine public, AJDA, 2006, p. 571 ; Les justifications économiques et juridiques au critère de l'aménagement indispensable, JCP éd. A, 2007, n° 2089.
(26) TA Grenoble, 29 janvier 2009, n° 0701992, n° 0704124, n° 0800163 (N° Lexbase : A8155MKA).
(27) CAA Lyon, 1ère ch., 7 mars 2011, n° 09LY00750 (N° Lexbase : A7224HPA).
(28) Lire en ce sens, P. Yolka, Domaines skiables = domaine public ?, JCP éd. A, 2011, Act. 284.
(29) CAA Lyon, 1ère ch., 17 novembre 2005, n° 03LY00492 (N° Lexbase : A0496DMC), JCP éd. A, 2006, n° 1264, note P. Yolka.
(30) F. Hervouet, L'utilité de la notion d'aménagement spécial dans la théorie du domaine public, RDP 1983, p. 135.
(31) Voir, par exemple, CE 30 mai 1975, n° 83245, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A0762B94), p. 325, AJDA, 1975, p. 345, note Franc et Boyon.
(32) CE, Ass., 11 mai 1959, Dauphin, publié au recueil Lebon, p. 294, D. 1959, J., p. 314, concl. H. Mayras, AJDA, 1959, 1, p. 113, chron. M. Combarnous et J.-M. Galabert, AJDA, 1959, II, p. 228, note J. Dufau, JCP éd. G, 1959, II, n° 11269, note J. de Lanversin.
(33) P. Yolka, Le statut des pistes de ski : nouveaux développements, JCP éd. A, 2006, n° 1264.
(34) Par ex., reprenant la même motivation, CAA Lyon, 16 février 1989, n° 89LY00108 (N° Lexbase : A3054A8M) ; CAA Lyon, 8 avril 1992, n° 91LY00152 (N° Lexbase : A2709A8T) ; CAA Nancy, 3ème ch., 14 décembre 2006, n° 05NC01012 (N° Lexbase : A8743DTY) ; CAA Lyon, 6ème ch., 14 octobre 2008, n° 06LY01806 (N° Lexbase : A4086EBX).
(35) Voir J. Petit et G. Eveillard, L'ouvrage public, Lexisnexis, 2009, p. 24, n° 95.
(36) Voir, par exemple, CE 2° et 7° s-s-r., 23 janvier 2012, n° 334360, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A4243IBR) ; lire nos obs., Domaine, travaux et ouvrages publics : propriété, définition et consistance, La Gazette des communes, 17 mars 2008, p. 54.
(37) Reconnaissant la qualité de dépendance du domaine public d'une piste de ski nordique, voir CA Besançon, 18 mars 2009, n° 08/02185 (N° Lexbase : A6261ET3) ; reconnaissant la qualité d'ouvrage public d'un poteau soutenant un filet de protection, voir CE 2° et 6° s-s-r., 13 février 1987, n° 55617, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A3213APP).
(38) CE 3° et 8° s-s-r., 25 janvier 2006, n° 284878, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A5443DMK), p. 743, Collectivités-Intercommunalité, 2006, comm. n° 43, note L. Erstein, Contrats et Marchés publics, 2006, comm. n° 88, note G. Eckert.
(39) CE, Sect., 23 janvier 1959, Commune d'Huez, publié au recueil Lebon, p. 67 ; T. confl., 7 juillet 1980, n° 02165 (N° Lexbase : A8160BDL).
(40) Voir, par exemple, T. confl., 7 décembre 1998, n° 03126 (N° Lexbase : A5515BQC) ; T. confl., 29 octobre 1990, Moyal, D. 1990, IR, p. 289.
(41) Voir également CE, Sect., 23 janvier 1959, Commune d'Huez, n° 39532, préc., concl. M. Braibant, AJDA 1959, p. 65, concl. M. Braibant.
(42) Voir, par exemple, T. confl., 18 juin 2001, n° 3246 (N° Lexbase : A5608BQR) ; T. confl., 15 décembre 2003, n° 3380 ; T. confl., 20 mars 2006, n° 3487 (N° Lexbase : A7777DND), Rec. tables, p. 785.
(43) CE 2° et 7° s-s-r., 19 février 2009, n° 293020, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A2523EDS), p. 61, Dr. Adm., 2009, comm. n° 76, note G. Mollion, JCP éd. A, 2009, n° 2086, note G. Pelissier, AJDA, 2010, p. 430, note O. Févrot, RFDA, 2009, p. 777, note D. Pouyaud, RLCT, juin 2009, p. 27, note P. Tifine.
(44) Voir C. urb., art. L. 473-1 (N° Lexbase : L3509HZY), R. 473-1 (N° Lexbase : L7737HZL) et suivants.
(45) T. confl., 5 juillet 1999, n° 03149 (N° Lexbase : A5487BQB), rec. p. 458.
(46) Voir, par exemple, CE 11 décembre 2008, n° 309260, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A8872EB9), p. 734-852, Dr. adm., 2009, comm. n° 25, AJDA, 2009, p. 828, note O. Fevrot, RJEP, 2009, n° 665, p. 20, note C. Chamard-Heim ; CE, Sect., 28 décembre 2009, n° 290937, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A0255EQI), p. 528 ; CE 2° et 7° s-s-r., 24 février 2011, n° 342621, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A7042GZT).
(47) Voir CE 7 mai 1931, Compagnie nouvelle des chalets de commodité, rec. p. 491.
(48) Voir H. Charles, Accessoire et domaine public en droit administratif français, in Mélanges Siassinopoulos,1974, p. 187. Sur ces notions et leurs rapports, voir notamment P. Allinne, Domanialité publique et ouvrages complexes, AJDA, 1977, p. 523, Y. Gaudemet, La superposition des propriétés privées et du domaine public, D. 1978, Chron., p. 293.
(49) Voir, par exemple, CE 9 octobre 1981, n° 18350 (N° Lexbase : A3625AKH), Dr. adm., 1981, comm. n° 362 ; CE 3° et 5° s-s-r., 20 septembre 1991, n° 84291, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A2305ARS) ; CE 9° et 8° s-s-r., 5 mars 1993, n° 95395, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A8689AMR).
(50) Voir, par exemple, CE 1er juillet 1959, Sieur Piard, rec. p. 413. Voir M.-F. Delhoste, Les polices administratives spéciales et le principe d'indépendance des législations, LGDJ, Bibliothèque de droit public, 2001, Tome n° 214, p. 304.

newsid:442459

Utilisation des cookies sur Lexbase

Notre site utilise des cookies à des fins statistiques, communicatives et commerciales. Vous pouvez paramétrer chaque cookie de façon individuelle, accepter l'ensemble des cookies ou n'accepter que les cookies fonctionnels.

En savoir plus

Parcours utilisateur

Lexbase, via la solution Salesforce, utilisée uniquement pour des besoins internes, peut être amené à suivre une partie du parcours utilisateur afin d’améliorer l’expérience utilisateur et l’éventuelle relation commerciale. Il s’agit d’information uniquement dédiée à l’usage de Lexbase et elles ne sont communiquées à aucun tiers, autre que Salesforce qui s’est engagée à ne pas utiliser lesdites données.

Réseaux sociaux

Nous intégrons à Lexbase.fr du contenu créé par Lexbase et diffusé via la plateforme de streaming Youtube. Ces intégrations impliquent des cookies de navigation lorsque l’utilisateur souhaite accéder à la vidéo. En les acceptant, les vidéos éditoriales de Lexbase vous seront accessibles.

Données analytiques

Nous attachons la plus grande importance au confort d'utilisation de notre site. Des informations essentielles fournies par Google Tag Manager comme le temps de lecture d'une revue, la facilité d'accès aux textes de loi ou encore la robustesse de nos readers nous permettent d'améliorer quotidiennement votre expérience utilisateur. Ces données sont exclusivement à usage interne.