La lettre juridique n°573 du 5 juin 2014 : Avocats/Déontologie

[Questions à...] Modification de l'article 14 du RIN : vers plus de protection des avocats malades ou accueillant un enfant - Questions à Nicolas Sanfelle, président de la Commission Collaboration du CNB

Réf. : Décision du 7 mai 2014, portant réforme du règlement intérieur national (RIN) de la profession d'avocat (N° Lexbase : L3903I3X)

Lecture: 6 min

N2461BUP

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

[Questions à...] Modification de l'article 14 du RIN : vers plus de protection des avocats malades ou accueillant un enfant - Questions à Nicolas Sanfelle, président de la Commission Collaboration du CNB. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/17154761-questions-a-modification-de-larticle-14-du-rin-vers-plus-de-protection-des-avocats-malades-ou-accuei
Copier

par Sophie Cazaillet, Rédactrice en chef

le 05 Juin 2014

Le bien-être au travail est une notion connue par les salariés, qui commence à pointer le bout de son nez parmi les professions libérales. Ainsi, le Conseil national des barreaux a adopté, lors de son Assemblée générale des 11 et 12 avril 2014, une modification de l'article 14 du RIN en ce sens. Afin de permettre au collaborateur libéral de mieux concilier sa vie personnelle et son activité professionnelle, différents dispositifs de protection ont été introduits à cet article 14. Cette modification vise à apporter à l'avocat collaborateur libéral une sérénité dont il ne jouissait pas totalement avant. Les situations relatives notamment à la santé et à la parentalité sont désormais assouplies. Pour en savoir plus, Lexbase Hebdo - édition professions a interrogé Nicolas Sanfelle, président de la Commission Collaboration du CNB.

Lexbase : Pourquoi le CNB a-t-il souhaité modifier l'article 14 du RIN ? Cette initiative résulte-t-elle des demandes d'avocats ?

Nicolas Sanfelle : En début de mandature, la Commission Collaboration et l'Observatoire du Conseil national des barreaux ont tenu à lancer une enquête auprès des collaborateurs afin de cerner au plus près leurs situations, leurs attentes, leurs difficultés et leurs besoins.

A la question "Aujourd'hui, à propos de la profession, vous diriez que le problème majeur pour les collaborateurs est (deux choix) ?", 22 % des collaborateurs ont répondu que la conciliation entre le travail et la vie personnelle était le "problème majeur" de la profession d'avocat. Seule la précarité du contrat de collaboration inquiète davantage les collaborateurs dans le cadre de l'exercice de leur activité professionnelle, 30 % ayant placé la précarité du contrat de collaboration en tête des problèmes majeurs du collaborateur (Enquête Collaborateurs, Octobre 2012, Observatoire du CNB).

Or, ces deux difficultés peuvent naturellement être rapprochées. Un avocat peut être malade. Une avocate peut être enceinte. Ils peuvent devenir mère, père, adoptant. Pourtant, à ce jour, ces évènements personnels sont trop souvent la source d'une dégradation des conditions de collaboration, d'une évolution professionnelle pénalisée ou d'une rupture abusive du contrat de collaboration.

Considérant, dans la lignée de ses différents travaux, que la nature libérale de notre profession ne s'oppose pas à ce que des remèdes soient apportés à ces difficultés, la Commission Collaboration a donc proposé une modification de l'article 14 du RIN en vue de "mieux concilier vie personnelle / activité professionnelle des collaborateurs".

En matière de maternité, certains barreaux, tels que ceux de Paris, de Toulouse ou de Rouen, avaient initié le mouvement en modifiant leur règlement intérieur en vue d'instituer une protection de la collaboratrice au retour de son congé maternité.

Le Conseil national des barreaux se devait de conforter ces mesures et de les étendre aux autres barreaux, conformément à sa mission institutionnelle.

Par ailleurs, les dispositions de protection au retour du congé maternité ne pouvaient pleinement satisfaire aux attentes des collaborateurs et il convenait d'aller plus loin, en adoptant des dispositifs de protection des collaborateurs à l'occasion d'une grossesse, d'une maternité mais également d'une paternité ou d'une adoption, comme l'y invite le projet de loi pour l'égalité entre les femmes et les hommes, et en créant un dispositif de protection en cas de maladie du collaborateur.

Lexbase : Quelles sont les modifications apportées en matière de maladie et problème de santé ?

Nicolas Sanfelle : Le RIN prévoit désormais, en son nouvel article "14.4.2 Rupture du contrat de collaboration libérale en cas de maladie" que, dans la limite d'une durée de 6 mois, la notification de la rupture du contrat ne peut intervenir pendant une période d'indisponibilité du collaborateur pour raison de santé médicalement constatée, sauf manquement grave aux règles professionnelles non lié à l'état de santé.

Il ne s'agit en aucun cas d'un blanc-seing invitant à la rupture du contrat à l'expiration de ce délai mais une mesure équilibrée de protection des intérêts du collaborateur malade et du cabinet qui doit assurer le maintien de son activité.

Il convient d'ailleurs de rappeler à cette occasion que de nombreux Bâtonniers interdisent purement et simplement la rupture du contrat de collaboration durant le temps de la maladie du collaborateur, considérant que cela heurte nos principes déontologiques de délicatesse et de confraternité.

Nous souhaitions donner une portée nationale à de tels dispositifs protecteurs et unifier les positions divergentes existant au sein des différents ordres, sans pour autant bloquer ou gêner le développement des cabinets qui doivent faire face à une situation d'absence de longue durée.

Nous tenions à l'introduction d'une telle protection afin de préserver la raison d'être du délai de prévenance, qui a vocation à permettre au collaborateur de retrouver une collaboration ou d'envisager son installation, ce qui ne peut être le cas lorsque le contrat est rompu alors même que le collaborateur demeure indisponible pour raison de santé.

Il a finalement été décidé de limiter cette protection à une durée de 6 mois mais très souvent, en cas de maladie de longue durée, le collaborateur demande son omission, ce qui a pour conséquence de mettre fin à son contrat de collaboration.

Lexbase : Et en matière de parentalité ?

Nicolas Sanfelle : La Commission Collaboration a souhaité qu'un article soit entièrement dédié à la parentalité du collaborateur libéral. Désormais, le nouvel article 14.5 du RIN est ainsi dédié à la parentalité. Il rassemble les dispositions applicables aux situations de grossesse, de maternité, de paternité et d'adoption.

L'article 14.5.1 détermine ainsi les périodes de suspension de l'exécution du contrat de collaboration libérale, en cas de maternité, de paternité et d'adoption. Les délais introduits correspondent aux périodes prises en charge par le RSI.

Le nouvel article 14.5.2 traite de l'indemnisation, de la rémunération et du droit à congés rémunérés du collaborateur indisponible pour cause de parentalité. A cet égard, notons que le RIN prévoit désormais expressément que la période de suspension ouvre droit à repos rémunérés.

Enfin, un nouvel article 14.5.3 règlemente la rupture du contrat de collaboration libérale en cas de parentalité. Le dispositif prévoyant l'interdiction de rompre le contrat à compter de la déclaration par la collaboratrice libérale de son état de grossesse jusqu'à l'expiration de la période de suspension de l'exécution du contrat à l'occasion de la maternité, sont étendus à la paternité et à l'adoption.

Par ailleurs, la Commission Collaboration, alertée, à de nombreuses reprises, sur la situation de collaboratrices, qui, après avoir fait état, au sein de leur cabinet, de leur état de grossesse ou de leur paternité prochaine, sans formalité (le plus souvent oralement), ont vu leur contrat de collaboration rompu dans les heures ayant suivi cette annonce, a souhaité mettre un terme à ces pratiques insupportables. C'est ainsi que le RIN permet désormais au collaborateur de justifier sa situation de parentalité dans les 15 jours de la notification de la rupture du contrat de collaboration afin d'en obtenir la nullité de plein droit, sauf manquement grave aux règles professionnelles non lié à la parentalité. Pour s'assurer de la date de déclaration, cette information doit être transmise par lettre recommandée avec avis de réception ou remise en main propre et contresignée.

Enfin, et à l'instar du projet de loi pour l'égalité entre les femmes et les hommes, l'article 15.3 introduit une nouvelle période de protection. Il s'agit d'interdire la rupture du contrat pendant une durée de 8 semaines à compter du retour de la collaboratrice ou du collaborateur de son congé maternité, de son congé parentalité ou de son congé d'adoption.

Lexbase : L'adoption fait son entrée à l'article 14. S'agit-il d'une simple mise en conformité avec la loi ou d'une nécessité pour la profession ?

Nicolas Sanfelle : A l'instar du projet de loi pour l'égalité entre les femmes et les hommes, les dispositifs de protection sont renforcés et étendus à la paternité et à l'adoption. Il était néanmoins surprenant que l'adoption soit exclue de l'article 14 du RIN alors même que, par exemple, le RSI indemnise le congé d'adoption.

Ainsi, le délai de suspension de l'exécution du contrat de collaboration à l'occasion de l'arrivée de l'enfant est de 10 semaines en cas d'adoption concernant un seul enfant et de 16 semaines en cas d'adoption simultanée de plusieurs enfants. Ces périodes correspondent aux périodes prises en charge par le RSI.

Lexbase : Pensez-vous que les modifications de l'article 14 sont suffisantes à apporter de la sérénité aux avocats et avocates malades ou futurs/jeunes parents ?

Nicolas Sanfelle : Nous aurions aimé pouvoir faire plus. Nous avions proposé en Assemblée générale, l'année passée, la mise oeuvre d'une garantie nationale perte de collaboration obligatoire. A une large majorité, elle a été rejetée. Nous pouvons changer et améliorer les textes mais la profession doit surtout intégrer les mouvements sociétaux, changer sa façon de travailler et de gérer ses collaborateurs. Notre profession se féminise, les maladies dites de longue durée (cancer, dépression, burn-out...) nous frappent comme les autres et nous ne pouvons plus accepter que face à ces évènements heureux ou malheureux la profession abandonne les siens ou les discrimine.

Je pense sincèrement que nos travaux et cette réforme protègent mieux les collaborateurs et constituent un bouleversement textuel qui interdit des pratiques existantes inadmissibles et manifestement discriminatoires mais que les Ordres avaient peine à sanctionner.

L'exercice de notre profession est dénué de toute sérénité, je crois que c'est aussi ce qui fait son charme. Un texte serait bien insuffisant à l'assurer.

newsid:442461

Utilisation des cookies sur Lexbase

Notre site utilise des cookies à des fins statistiques, communicatives et commerciales. Vous pouvez paramétrer chaque cookie de façon individuelle, accepter l'ensemble des cookies ou n'accepter que les cookies fonctionnels.

En savoir plus

Parcours utilisateur

Lexbase, via la solution Salesforce, utilisée uniquement pour des besoins internes, peut être amené à suivre une partie du parcours utilisateur afin d’améliorer l’expérience utilisateur et l’éventuelle relation commerciale. Il s’agit d’information uniquement dédiée à l’usage de Lexbase et elles ne sont communiquées à aucun tiers, autre que Salesforce qui s’est engagée à ne pas utiliser lesdites données.

Réseaux sociaux

Nous intégrons à Lexbase.fr du contenu créé par Lexbase et diffusé via la plateforme de streaming Youtube. Ces intégrations impliquent des cookies de navigation lorsque l’utilisateur souhaite accéder à la vidéo. En les acceptant, les vidéos éditoriales de Lexbase vous seront accessibles.

Données analytiques

Nous attachons la plus grande importance au confort d'utilisation de notre site. Des informations essentielles fournies par Google Tag Manager comme le temps de lecture d'une revue, la facilité d'accès aux textes de loi ou encore la robustesse de nos readers nous permettent d'améliorer quotidiennement votre expérience utilisateur. Ces données sont exclusivement à usage interne.