La lettre juridique n°573 du 5 juin 2014 : Impôts locaux

[Chronique] Chronique impôts locaux - Juin 2014

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par Laurence Vapaille, Maître de conférences à l'Université d'Evry-Val-d'Essonne

le 05 Juin 2014

Lexbase Hebdo - édition fiscale vous propose de retrouver, cette semaine, la chronique de Laurence Vapaille, Maître de conférences à l'Université d'Evry-Val-d'Essonne, retraçant l'essentiel de l'actualité juridique rendue en matière d'impôts locaux. Bien que supprimée depuis le 1er janvier 2010, la taxe professionnelle (TP) génère un contentieux important toujours d'actualité du fait que la contribution économique territoriale (CET) a repris des éléments, tels que la valeur locative cadastrale (CE 9° et 10° s-s-r., 9 avril 2014, deux arrêts, n° 352282, mentionné aux tables du recueil Lebon et n° 352320, inédit au recueil Lebon). Dans un second temps, seront commentées deux décisions posant la même question de droit relative à la notion de cession dans le cadre de l'ancien article 1469 (3° quater) du CGI, l'une à propos d'un apport partiel d'actifs et l'autre d'une fusion-absorption (CE 9° s-s-r., 30 avril 2014, n° 363345 et n° 369719, inédits au recueil Lebon). Enfin le dernier arrêt abordé dans cette chronique permet de faire état de la jurisprudence actuelle sur la qualification d'activité civile ou professionnelle pour la location d'immeuble nu en matière de TP (CE 9° s-s-r., 30 avril 2014, n° 362686, inédit au recueil Lebon).
  • Valeur locative d'un hôtel : autorisation d'utilisation d'un terme de comparaison situé dans une autre commune qui présente des conditions de marché analogues (CE 9° et 10° s-s-r., 9 avril 2014, deux arrêts, n° 352282, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A1035MKK et n° 352320, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A1036MKL)

Les deux décisions, objets du présent commentaire, présentent des faits similaires. Elles portent sur une question qui ne cesse de se renouveler à propos de l'évaluation de la valeur locative cadastrale. Question toujours d'actualité car, bien que la TP ait été supprimée à compter du 1er janvier 2010 et remplacée par la CET, cette dernière dans sa composante cotisation foncière des entreprises (CFE) n'a pas remis en cause les méthodes d'évaluation de cette valeur. Notamment, l'article 1498 du CGI (N° Lexbase : L0267HMT) reste applicable dans le cadre de la CFE.

Aux termes de cette disposition est instauré un mécanisme d'évaluation des locaux commerciaux dans le cadre de la TP, et aujourd'hui la CFE. La valeur locative doit être évaluée, en principe, par référence au loyer. En cas d'impossibilité d'application de cette première méthode, l'évaluation doit être opérée par comparaison ; enfin, si cette dernière méthode se révèle elle aussi inapplicable, l'évaluation aura lieu par voie d'appréciation directe, c'est-à-dire à partir de la valeur vénale de l'immeuble.

Cependant, l'économie de ce dispositif a été, au fur et à mesure des années, complètement bouleversée du fait de la carence du législateur. Depuis 1970, aucune révision générale des valeurs locatives n'est intervenue ; en conséquence, la méthode prévue en tant que principale est devenue totalement marginale. En 2007, moins de 1 % des locaux étaient loués à des conditions de prix normales en 1970 et n'avaient, depuis cette date, ni changé d'affectation, ni de consistance (1). Actuellement, ce sont les méthodes subsidiaires, plus particulièrement la méthode par comparaison, qui sont devenues les méthodes les plus utilisées. Or, cette évolution n'a pas manqué d'engendrer un contentieux important qui ne peut se résorber du fait de l'inaction du législateur. Les affaires dont il est ici question viennent illustrer cette situation.

Les décisions en cause portent sur les termes de la comparaison nécessaires à la mise en oeuvre de la méthode indiquée du 2° de l'article 1498 du CGI. Aux termes de cette disposition, "a) Pour les biens loués à des conditions de prix anormales ou occupés par leur propriétaire, occupés par un tiers à un autre titre que la location, vacants ou concédés à titre gratuit, la valeur locative est déterminée par comparaison.
Les termes de la comparaison sont choisis dans la commune. Ils peuvent être choisis hors de la commune pour procéder à l'évaluation des immeubles d'un caractère particulier ou exceptionnel ;
b) La valeur locative des termes de comparaison est arrêtée :
Soit en partant du bail en cours à la date de référence de la révision lorsque l'immeuble type était loué normalement à cette date,
Soit, dans le cas contraire, par comparaison avec des immeubles similaires situés dans la commune ou la localité présentant, du point de vue économique, une situation analogue à celle à celle de la commune en cause et qui faisaient l'objet à cette date de locations consenties à des conditions de prix normales
".

Depuis un arrêt du 18 juillet 2006 (2), le Conseil d'Etat a confirmé l'analyse extensive de la notion "d'immeuble particulier" au sens du 2 de l'article 1498 du CGI. En l'absence d'un terme de comparaison approprié dans la commune, le local à évaluer peut être regardé comme présentant un caractère particulier de nature à autoriser le recours à un terme de comparaison pris hors de la commune. De manière plus générale, la jurisprudence relative aux problématiques d'évaluation propose une lecture très "souple" de ce dispositif car "la méthode prévue par ces dispositions est mécaniquement condamnée, à terme, à devenir impraticable [...] par une série de décisions [...] le Conseil d'Etat a tenté de retarder cette échéance" (3). Les décisions de ce présent commentaire s'inscrivent dans cette lignée.

Les faits sont relativement simples. Il s'agissait de contribuables -des sociétés exploitant des hôtels en région parisienne- demandant la réduction de leur cotisation de TP en invoquant l'irrégularité de l'évaluation de la valeur locative. Cependant, le tribunal administratif a rejeté ces demandes et la cour administrative d'appel a confirmé cette position. En effet, l'administration fiscale avait reconnu l'irrégularité de son évaluation fondée sur la méthode par comparaison (CGI, art. 1498, 2°) et appliqué la méthode de l'évaluation directe (CGI, art. 1498, 3°). Or, par application de cette dernière méthode, la valeur locative ainsi obtenue était supérieure à celle issue de l'évaluation par comparaison. En conséquence, les juges de première instance et d'appel avaient rejeté les demandes de décharge des contribuables. Notamment, la cour administrative d'appel a considéré que les termes de comparaison rapportés par les contribuables, qui consistaient en la production d'une liste de loyers d'immeubles équivalents situés dans d'autres communes, ne pouvaient être pris en compte. Il aurait été nécessaire de rechercher des loyers pour des immeubles situés dans la même commune.

Dans la droite ligne de la jurisprudence autorisant la prise en considération de termes de comparaison dans d'autres communes, le Conseil d'Etat est venu infirmer les décisions des juges du fond. La Haute juridiction administrative considère "qu'aucune disposition législative ou réglementaire, ni aucun principe ne font obstacle à ce que, en l'absence d'immeubles comparables situés dans la commune d'implantation du bien à évaluer, le caractère normal du loyer soit apprécié au regard des loyers pratiqués, pour des immeubles comparables, dans d'autres communes, dès lors que ces immeubles sont implantés dans des zones géographiques présentant du point de vue du marché locatif pertinent pour le type de bien à évaluer, une situation analogue".

Les présentes décisions viennent amplement confirmer la position du Conseil d'Etat en vertu de laquelle il considère qu'un immeuble peut être considéré comme "particulier" ou "exceptionnel" au sens du 2° de l'article 1498 du CGI, dès lors qu'il est impossible de trouver un immeuble comparable au sein de la commune. Ces décisions sont affirmatives quant au fait qu'aucun texte ne fait obstacle à une telle interprétation du juge de cassation quant à la notion d'immeuble particulier ou exceptionnel. Cette interprétation "est compatible avec la lettre du texte et elle ne prive le contribuable d'aucune garantie" (4). Ainsi, est autorisée la recherche de termes de comparaison dans une autre commune que celle où se situe l'immeuble à évaluer. Pour autant, l'affirmation de ce principe ne met pas fin à toutes les questions car le choix d'une autre commune ne peut être fait au hasard ou en fonction de la seule proximité. Le Conseil d'Etat impose que "cette commune présente du point de vue économique une situation analogue à la commune où est situé l'immeuble à évaluer" (5).

Par ces décisions, le Conseil d'Etat a choisi de faire en sorte que continue de perdurer le mécanisme d'évaluation de l'article 1498 du CGI. Il vient ainsi compenser l'absence d'action du législateur en la matière et mettre de l'huile dans les rouages de ce mécanisme fortement sollicité (6). Malgré cette affirmation quant à l'absence de règles législative ou réglementaire venant contrarier cette analyse jurisprudentielle, il n'en reste pas moins que dans l'esprit du législateur, les méthodes de comparaison et de l'appréciation directe devaient être subsidiaires, or la première est devenue principale et essentielle. En ces temps de réformes, qu'elles soient fiscales ou relatives à la décentralisation et aux projets de redécoupage territorial, à la jonction de ces problématiques, une réflexion réformatrice sur la fiscalité locale serait indispensable, sortant enfin le législateur d'une inaction devenant difficilement compréhensible.

  • Les opérations d'apport partiel d'actif ou de fusion constituent une cession et leur prix de revient entre dans la base d'imposition de la TP (CE 9° s-s-r., 30 avril 2014, n° 363345 N° Lexbase : A7101MK9 et n° 369719 N° Lexbase : A7132MKD, inédits au recueil Lebon)

Les deux affaires présentement commentées illustrent le même point de droit portant sur la notion de cession dans le cadre du 3° quater de l'article 1469 du CGI (N° Lexbase : L4903ICL).

Pour rappel, la TP avait notamment pour assiette la valeur locative des immobilisations corporelles (CGI, anc. art. 1467 N° Lexbase : L9822IAZ). Cette valeur locative devait être établie par une des méthodes énoncées à l'article 1469 du CGI selon la catégorie de biens en cause :
- article 1469-1°. S'agissant des biens soumis à une taxe foncière, la valeur locative devait être établie selon les règles applicables à cette imposition ; si le bien était un établissement industriel, la valeur locative était calculée en fonction du prix de revient (CGI, anc. art. 1499) ;
- article 1469-2°. Pour les biens immobiliers dont la durée d'amortissement était supérieure ou égale à 30 ans, la valeur locative était établie en fonction du prix de revient (CGI, anc. art. 1499), car ces biens étaient assimilés à la catégorie des établissements industriels ;
- article 1469-3°. Enfin, pour les autres biens, la valeur locative était égale à 16 % du prix de revient.

La loi de finances rectificative pour 2004 (loi n° 2004-1485 du 30 décembre 2004 N° Lexbase : L5204GUB) avait modifié cette dernière disposition ; aux termes du 3° quater de l'article 1469 du CGI, "le prix de revient d'un bien cédé n'est pas modifié lorsque ce bien est rattaché au même établissement avant et après la cession et lorsque, directement ou indirectement :
a) l'entreprise cessionnaire contrôle l'entreprise cédante ou est contrôlée par elle ;
b) ou ces deux entreprises sont contrôlées par la même entreprise
".

L'ajout de ces dispositions aurait été motivé par l'existence de montages abusifs dans lesquels les biens loués ou donnés en crédit-bail étaient cédés à de nouveaux propriétaires au sein d'un même groupe sans que les biens changent d'affectation, dans le seul but de diminuer leur valeur locative (7). Il s'agissait de mettre en oeuvre un dispositif permettant le maintien du prix de revient des biens cédés dans le cadre d'opérations intragroupe en complétant le mécanisme de l'ancien article 1518 B du CGI (N° Lexbase : L2757HWZ), qui mettait en oeuvre une valeur locative "plancher".

Très rapidement s'est posée la question de la teneur exacte du terme de "cession" qui est au coeur des deux décisions commentées. L'administration fiscale a considéré qu'étaient des cessions au sens des dispositions du 3° quater de l'article 1469 du CGI "les transferts de propriété, à titre onéreux ou gratuit, qui sont sans incidence sur l'activité exercée au moyen des biens qui font l'objet du transfert de propriété" (8). Cette interprétation extensive de la notion de cession a été une source importante de contentieux, car elle permettait à l'administration fiscale d'appliquer ces dispositions de l'article 1469, 3° quater du CGI aux contribuables demandant à être déchargés d'une partie de leur cotisation de TP à la suite de dissolution sans liquidation, notamment les opérations intragroupes n'entrant pas dans le champ d'application de l'ancien article 1518 B du CGI (9). A savoir si les dispositions du 3° quater de l'article 1469 du CGI ne s'appliquaient qu'aux cessions entendues au seul sens civiliste du terme ou s'il fallait comprendre l'ensemble des opérations impliquant une mutation patrimoniale.

Dans une décision du 28 juillet 2011 (10), la Haute juridiction administrative a considéré que les dispositions de l'article 1469, 3° quater du CGI ne pouvaient pas s'appliquer dans le cas des transmissions universelles de patrimoine, qui ne constituent pas des cessions comprises comme des transferts de propriété entre un cédant et un cessionnaire.

Dans l'arrêt "SAS Distribution Guy Degrenne" (11), il s'agissait de savoir si un apport partiel d'actifs en contrepartie duquel étaient reçus des droits sociaux pouvait être considéré comme une cession dans le cadre de l'application de 3° quater de l'article 1469 du CGI. Successivement, les juges de première instance (12), puis la cour administrative d'appel de Nantes (13) ont fait droit à la demande de décharge des cotisations supplémentaires de TP du contribuable. Le ministre des Finances s'est pourvu contre la décision des juges d'appel. Le Conseil d'Etat a accueilli favorablement ce pourvoi et infirmé l'arrêt de la cour administrative d'appel. La Haute juridiction administrative rappelle sa position de principe quant à l'interprétation de la notion de cessions, au terme de laquelle il ne s'agit que "des transferts de propriété consentis entre un cédant et un cessionnaire" et ne sont pas inclues "toutes autres opérations qui, sans constituer des cessions' proprement dites, ont pour conséquence une mutation patrimoniale". Néanmoins en l'espèce la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit en ne considérant pas comme un prix la contrepartie constituée de droits sociaux et en déduisant qu'il ne s'agissait pas d'une cession à laquelle étaient applicables les dispositions de 1469, 3° quater du CGI.

De même dans l'arrêt "SAS Magneti Marelli France" (14), les juges du fond (15) comme la juridiction d'appel (16) ont considéré que l'opération de fusion-absorption ne comportait pas de contrepartie assimilable à un prix et qu'en conséquence cette opération ne pouvait être comprise comme une cession au sens de l'article 1469, 3° quater du CGI. Cependant, le Conseil d'Etat a rendu une décision allant dans le même sens que celle relative à l'apport partiel d'actifs, en considérant qu'une opération de restructuration portant sur l'universalité du patrimoine du cédant pouvait constituer une cession imposable à la TP.

La cession peut être effectuée à titre onéreux ou gratuit. Dans les deux affaires commentées, les juridictions d'appel ont considéré que l'absence d'une contrepartie assimilable à un prix avait pour conséquence que l'opération ne pouvait être analysée comme une cession au sens de l'article 1469, 3° quater du CGI. Mais le Conseil d'Etat rappelle que l'opération peut être comprise comme une cession indépendamment de la qualité de la contrepartie, qui peut ne pas être présente notamment dans une cession à titre gratuit.

Indubitablement les dispositions de l'article 1469, 3° quater du CGI auront fait couler beaucoup d'encre quant à leur utilité supposée ou réelle dans le cadre de la lutte contre l'optimisation de la TP (17) et le contentieux est abondant à la fois au regard du champ d'application de cette mesure et sa durée de vie relativement brève. En effet, la loi de finances pour 2010 (loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 N° Lexbase : L1816IGD) a créé la CET et supprimé la TP ainsi que cette disposition. De plus, la nouvelle rédaction de l'article 1518 B du CGI (N° Lexbase : L2932IGP) procède par énumération expresse des opérations, ce qui évitera, pour les opérations réalisées à compter du 1er janvier 2011, les questions relatives à la notion de cession nées du mécanisme antérieur.

  • Estimation de la réalisation d'une exploitation commerciale au travers d'un contrat de location ou de crédit-bail (CE 9° s-s-r., 30 avril 2014, n° 362686, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A7097MK3)

Dans cette décision, les faits sont relatifs à la base imposable de la TP, plus particulièrement dans le cadre de la cotisation minimum qui était prévue aux articles 1647 D (N° Lexbase : L1278IZD) et 1647 E (N° Lexbase : L5675H93) du CGI. Cette cotisation avait été instituée en 1980 (18) afin que les redevables les plus modestes à la TP contribuent à la couverture des charges des collectivités locales, de "manière au moins symbolique" (19). Les redevables à la TP étaient assujettis à la cotisation minimum au lieu de leur principal établissement ; elle était calculée de façon forfaitaire selon un mécanisme de conversion en fonction de la taxe d'habitation due à raison d'un logement de référence dans la commune (20). Cette cotisation a été supprimée en même temps que la TP. Cependant, on peut noter que, par la loi de finances pour 2014 (21), il a été crée une cotisation minimum de la CFE.

L'assiette de la TP, et aujourd'hui de la CFE, est énoncée à l'article 1447 du CGI (N° Lexbase : L0819IPZ). Cette base imposable est toujours fondée sur le même principe selon lequel la TP, et depuis 2010, la CFE "est due chaque année par les personnes physiques ou morales qui exercent à titre habituel une activité professionnelle non salariée". Depuis la mise en oeuvre de la CFE, les dispositions de l'article 1447 du CGI ont évolué. Par la loi de finances pour 2010 (22) instaurant la CET, l'article 1447 a été modifié (23). Dans la version de cet article en vigueur du 1er janvier 2010, même si le champ d'application de la CFE reprenait pour l'essentiel celui de la TP, une nouvelle mesure concernait la location d'immeubles nus (24).

A compter du 1er janvier 2010, les activités de location ou de sous-location d'immeubles, autres que celles concernant les immeubles nus à usage d'habitation, sont réputées être exercées à titre professionnel. Antérieurement, cette activité n'entrait pas dans le champ d'application de la TP car elle était considérée comme civile et non professionnelle. En effet, la gestion d'un patrimoine immobilier ou mobilier ne peut être assimilée à l'exercice d'une activité professionnelle.

La question de savoir si la sous-location d'immeubles nus était une activité pouvant être soumise à la TP avait été posée dans une affaire en date du 3 octobre 2003 (25), à laquelle le Conseil d'Etat avait répondu négativement. Il ressort de la jurisprudence relative à cette question que le principe est que la location d'immeuble nu n'est pas considérée comme une activité professionnelle au sens de l'article 1447 du CGI. Néanmoins, ce principe ne peut recevoir application lorsque le bailleur ne se contente pas de gérer son propre patrimoine mais en réalité poursuit une exploitation commerciale antérieure (26) ou participe à l'exploitation du locataire (27). Plus récemment, la Haute juridiction administrative (28) a considéré que le caractère civil de l'activité, et donc sa non-imposition à la TP, était valable dans le cas d'un immeuble nu donné en sous-location par une personne qui en dispose en vertu d'un contrat de crédit-bail.

Dans l'affaire présentement commentée, le tribunal administratif de Montreuil (29) puis la cour administrative d'appel de Versailles (30) ont accueilli la demande du contribuable en vue de le décharger des cotisations minimales de TP pour les années 2004 et 2005. Le ministre s'est pourvu en cassation devant le Conseil d'Etat qui a infirmé la décision des juges du fond. En l'espèce, les juges du Palais-Royal considèrent que la cour administrative d'appel de Versailles n'a pas examiné les clauses des contrats liant le bailleur et deux de ses filiales, "clauses qui traduisent les liens entre ces sociétés et la volonté d'assurer la continuité d'exploitation du groupe". Or, dès lors que le bailleur poursuit une exploitation commerciale antérieure, il ne s'agit plus d'une activité civile, mais professionnelle. Il ressort de cette affaire que l'office du juge ne se limite pas à la simple constatation de l'existence d'un contrat de location mais qu'il doit aussi s'assurer que, par ce contrat, le bailleur gère uniquement son patrimoine. La location d'immeuble nu est présumée être une activité civile, cependant cette présomption n'est pas irréfragable (31). Comme indiqué ci-avant, les dispositions de l'article 1447 du CGI ont évolué et à présent l'ensemble des activités de location est soumis à la CFE.


(1) Yohann Bénard, Valeurs locatives foncières : panorama de jurisprudence 2006 : RJF, 2/07, p. 95.
(2) CE Sect., 18 juillet 2006, n° 267894 et 267895, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A6470DQP : DF, 2007, n° 14, comm. 376, concl. Pierre Collin ; RJF, 11/2006, n° 1378. Antérieurement, le Conseil d'Etat avait déjà amorcé cette lecture extensive des termes de la comparaison pouvant être choisis hors de la commune : CE, 12 janvier 2005, n° 250135, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A0956D3S : DF, 2005, n° 22, comm. 446 ; RJF, 4/2005, n° 340 ; BDCF, 4/2005, n° 46, concl. Laurent Vallée.
(3) Yohann Benard, Valeurs locatives foncières : panorama de jurisprudence 2006 ; op. cit., p. 98.
(4) Concl. Pierre Collin sur CE, 18 juillet 2006, n° 267894 et 267895 : op. cit..
(5) Laurent Olléon, concl. sur CE 8° et 3° s-s-r., 30 décembre 2011, n° 327425, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A8302H8Y) : DF, 2012, n° 16, comm. 267 ; RJF, 4/2012, n° 373.
(6) Vincent Daumas, Valeurs locatives foncières : le mécano jurisprudentiel : RJF, 8-9/2009, p. 634 et suivantes.
(7) DF, 2005, n° 7, comm. 208.
(8) Instruction 10 janvier 2007 (BOI 6 E-1-07 N° Lexbase : X7865ADN) : DF, 2007, n° 4, 13643.
(9) CE, 13 décembre 2006, n° 283914, 283915, 289569, 289806, 289894, 275239 (N° Lexbase : A8277HWH) : DF, 2007, n° 9, comm. 234, concl. Stéphane Verclytte ; RJF, 3/2007, n° 288.
(10) CE 9° et 10° s-s-r., 28 janvier 2011, n° 318285, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A8277HWH), note Betty Toulemont et Caroline Perrin : DF, 2011, n° 40, comm. 545 ; RJF, 11/2011, n° 1161 ; Cécile Raquin, Le statut de la transmission universelle de patrimoine au regard des textes fiscaux, RJF, 11/12, p. 1019 et suivantes ; concl. Pierre Collin : BDCF, 11/11, n° 81.
(11) CE 9° s-s., 30 avril 2014, n° 363345, inédit au recueil Lebon.
(12) TA Caen, 3 mai 2011, n° 1001445 (N° Lexbase : A5523IXT).
(13) CAA Nantes, 1ère ch., 27 septembre 2007, n° 11NT01808 (N° Lexbase : A4417IXU).
(14) CE 9° s-s., 30 avril 2014, n° 369719, inédit au recueil Lebon.
(15) TA Poitiers, 29 mars 2012, n° 1002052.
(16) CAA Bordeaux, 30 avril 2013, n° 12BX01448.
(17) Centre de documentation du Conseil d'Etat, Le législateur peut-il céder sur l optimisation de la taxe professionnelle ? : RJF, 1/08, p. 3 et suivantes.
(18) Loi n° 80-10 du 10 janvier 1980, art. 4 (N° Lexbase : L8271IE3) ; cette disposition n'est entrée en vigueur qu'à compter de 1981.
(19) Note sous CAA, Bordeaux, 22 mars 1990, n° 89BX00924 et 89BX001265 (N° Lexbase : A1436A8P) : DF, 1990, n° 44, comm. 2066.
(20) Note sous CE 9° et 8° s-s-r., 18 mai 1998, n° 117458 et n° 145015, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A6943ASX) : DF 1998, n° 48, comm. 1053.
(21) Loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013, art. 76 (N° Lexbase : L7405IYW) : JO 30 décembre 2013, p. 21829 ; DF, 2014, n° 1-2, comm. 35. Ces dispositions ont été codifiées aux articles 1647 D et 1647 E du CGI.
(22) Loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 (N° Lexbase : L1816IGD) : JO 31 décembre 2009.
(23) Art. 2, 1 et 6.1, op.cit..
(24) Les deux autres modifications étaient relatives aux sociétés dépourvues de personnalité morale et à la territorialité des activités.
(25) CE 9° et 10° s-s-r., 3 mars 2003, n° 246855, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A6503C9Q) : DF, 2004, n° 13, comm. 370, concl. Laurent Vallée ; RJF 12/03, n° 1382 ; obs. H Le Herissel, BGFE, 6/03, p. 13.
(26) Pour un exemple en matière de TVA : CE 7° et 9° s-s-r., 27 juillet 1984, n° 39942, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A3981ALZ), concl. Olivier Fouquet : DF, 1985, n° 6, comm. 244 ; RJF, 11/84, n° 1315.
(27) Pour un exemple en matière d'assujettissement à l'IS d'une SCI : CE 8° et 3° s-s-r., 11 décembre 2009, n° 301504, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A4268EPR), concl. Laurent Olléon : DF, 2010, n° 10, comm. 213 ; RJF, 3/0, n° 211.
(28) CE 9° et 10° s-s-r., 25 septembre 2013, n° 350893, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A9640KLM) : RJF, 12/13, n° 1145.
(29) TA Montreuil, 23 novembre 2010, n° 0809640 (N° Lexbase : A7182MK9) et TA Montreuil, 18 mai 2010, n° 0801134 (N° Lexbase : A9854HZY).
(30) CAA Versailles, 3ème ch., 3 juillet 2012, n° 11VE00278 (N° Lexbase : A0067IRW) et n° 10VE03241 (N° Lexbase : A9831IQ8).
(31) Pour un avis contraire : Julie Burguburu, Taxation de la location immobilière : le trousseau de clefs : RJF, 12/07, p. 1106.

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