La lettre juridique n°943 du 20 avril 2023

La lettre juridique - Édition n°943

Affaires

[Brèves] Jeux d’argent et de hasard : le monopole de la Française des Jeux est justifié !

Réf. : CE, 5e-6e ch. réunies, 14 avril 2023, deux arrêts, n° 436434,436450,436814,436822, 436866 N° Lexbase : A33659PC et n° 436439,436441,436449 N° Lexbase : A33569PY

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N5124BZS

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par Vincent Téchené

Le 19 Avril 2023

► Le monopole accordé à la Française des Jeux en 2019 sur l’exploitation de certains jeux est conforme au droit de l’Union européenne ; l’attribution de droits exclusifs à une seule société permet de protéger la santé et l’ordre public en luttant, notamment, contre le risque de jeu excessif et la fraude, par un circuit contrôlé et une progression limitée du nombre de jeux proposés et de points de vente.

Faits et procédure. En 2019, une loi a autorisé le transfert au secteur privé de la majorité du capital de la société la Française des Jeux (loi n° 2019-486, du 22 mai 2019, relative à la croissance et la transformation des entreprises N° Lexbase : L3415LQK). Le Gouvernement a ensuite pris plusieurs textes, dont une ordonnance (ordonnance n° 2019-1015, du 2 octobre 2019, réformant la régulation des jeux d'argent et de hasard N° Lexbase : L7996LSX), pour préciser les conditions de ce transfert : attribution de droits exclusifs sur certains segments des jeux d’argent et de hasard, contrôle de l’État, régulation du secteur.

Une association et plusieurs sociétés de jeux ont demandé au Conseil d’État l’annulation de ces textes.

Décision. Tout d’abord en ce qui concerne l’atteinte à la liberté d’établissement et à la libre prestation de services, le Conseil d’État juge que les dispositions contestées, qui réservent à la FDJ l’exploitation des jeux de loterie et des jeux de pronostics sportifs n’instaurent pas d’inégalité de traitement susceptible de défavoriser les entreprises ayant leur siège dans d’autres États membres de l’Union européenne, dès lors qu’elles s’appliquent indistinctement à tous les opérateurs susceptibles de proposer des jeux de loterie, quelle que soit leur nationalité. Toutefois, elles peuvent être de nature à limiter, pour les prestataires de service ressortissants d’un des États membres de l’Union européenne ou installés à l’intérieur de celle-ci, la libre prestation de services que constitue l’exploitation des jeux de hasard et faire obstacle à leur liberté d’établissement.

Mais, le Conseil d’État relève que les dispositions attaquées ont pour objet la protection de la santé et de l’ordre public en raison des risques avérés de jeu excessif, de fraude et d’exploitation des jeux de loterie à des fins criminelles, par la limitation des jeux et leur organisation par une société privée étroitement contrôlée par l’État. Ces objectifs constituent, selon le juge administratif, des raisons impérieuses d’intérêt général de nature à justifier une limitation à la libre prestation de services et à la liberté d’établissement.

Il retient également que le système de droits exclusifs attribués à un seul opérateur institué par la loi peut être regardé comme participant à une progression limitée tant du nombre de jeux proposés que du nombre de points de vente et canalisant l’exploitation des jeux dans un circuit contrôlé. Ceci est alors de nature à assurer une meilleure maîtrise des risques liés aux jeux de hasard et à poursuivre l’objectif de lutte contre la dépendance au jeu de manière plus efficace qu’un régime d’ouverture à la concurrence d’opérateurs privés.

Quant à la durée des droits exclusifs de la FDJ, qui a été fixée à 25 ans par l’article 15 de l’ordonnance du 2 octobre 2019, les juges du Palais Royal retiennent qu’il est loisible à l’État, qui a considéré que seul l’octroi de droits exclusifs à un organisme unique soumis à un contrôle étroit des pouvoirs publics était de nature à lui permettre d’assurer un niveau de protection particulièrement élevé des consommateurs de jeux de hasard, d’octroyer à la FDJ des droits exclusifs, en sachant qu’il lui appartient de s’assurer, pendant toute la période pour laquelle ces droits ont été octroyés, que les mesures restrictives qu’il a ainsi instituées restent proportionnées à la réalisation des objectifs fixés et, dans le cas contraire, d’y mettre fin.

Le Conseil d’État estime également que si la politique de développement des jeux de loterie offerts par la FDJ se caractérise par un certain dynamisme, les obligations et les restrictions qui sont imposées à cette société, (plafonnement du nombre de jeux susceptibles d’être exploités simultanément et encadrement de l’espérance mathématique de gain), ainsi que les modalités de contrôle renforcées exercées sur son activité tant par les représentants de l’État que par l’Autorité nationale des jeux, permettent d’orienter sa politique promotionnelle et de s’assurer que son offre de jeux reste quantitativement limitée et qualitativement aménagée. Ces mesures sont, selon le juge administratif, de nature à éviter l’exploitation de jeux susceptibles de provoquer le développement de pratiques excessives tout en offrant la possibilité à la FDJ d’adapter et de diversifier son offre de jeux afin de répondre aux évolutions des attentes de ses clients, de façon à les détourner des circuits illégaux.

Par ailleurs, les requérantes sont jugées infondées à soutenir que, faute de soumettre les opérations de jeux à la lecture automatisée d’un document d’identité afin de s’assurer que les joueurs sont majeurs, l’ordonnance ne permettrait pas de garantir le respect, de façon cohérente et systématique, de l’objectif de prévention contre le jeu des mineurs que l’État a assigné au titulaire du monopole.

On relèvera en dernier lieu que la Conseil d’État rejette également le grief tiré de l’abus de position dominante. D’une part, il rappelle que la durée d’exploitation du monopole ne constitue pas en elle-même un abus de nature à mettre la FDJ en situation de contrevenir aux stipulations précitées du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. D’autre part, il souligne que les dispositions contestées ne mettent pas par elles-mêmes la FDJ en situation d’abuser de manière automatique de sa position dominante, en exploitant indûment, par exemple sur les marchés concurrentiels des paris sportifs et des jeux de cercle en ligne les moyens et la notoriété qu’elle retire de ses activités sous droits exclusifs ou encore les informations obtenues dans ce cadre sur ses clients et leurs habitudes de jeu.

Pour le Conseil d’État, le monopole de la Française des Jeux est ainsi justifié par des motifs d’ordre public et de maîtrise des risques de dépendance.

Il convient de noter que concernant la rémunération due à l’État par la Française des Jeux en échange des droits exclusifs accordés (fixée à 380 millions d’euros), dont certains requérants estiment qu’elle constituerait une aide d’État illégale en raison de son insuffisance, le Conseil d’État se prononcera après la décision qui sera rendue prochainement par la Commission européenne sur ce sujet.

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Baux commerciaux

[Jurisprudence] Droit d'option du locataire et indemnité d'occupation

Réf. : Cass. civ. 3, 16 mars 2023, n° 21-19.707, FS-B N° Lexbase : A80189HG

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par Bastien Brignon, Maître de conférences HDR à Aix-Marseille Université, Directeur du master Ingénierie des sociétés, Membre du Centre de droit économique (UR 4224) et de l’Institut de droit des affaires (IDA), Avocat au Barreau d’Aix-en-Provence

Le 19 Avril 2023

Mots-clés : droit d’option du locataire • indemnité d’occupation • point de départ du délai de prescription biennale • maintien dans les lieux • indemnité d’occupation de droit commun • prescription quinquennale

L'action en paiement de l’indemnité d'occupation, due par un locataire pour la période ayant précédé l'exercice de son droit d'option, est soumise à la prescription biennale de l’article L. 145-60 du Code de commerce, qui ne court qu'à compter du jour où le bailleur est informé de l'exercice par le locataire de son droit d'option. Par ailleurs, lorsque le locataire se maintient dans les lieux après l'exercice de son droit d'option, il est redevable d'une indemnité d'occupation de droit commun soumise à la prescription quinquennale, dont le délai court à compter de ce même jour.


 

1. Le bailleur n'ayant connaissance des faits lui permettant d'agir en paiement de l'indemnité d'occupation qu'à compter du jour où il est informé de l'exercice par le locataire de son droit d'option, le délai de la prescription biennale ne court qu'à compter de cette date et lorsque le locataire se maintient dans les lieux après l'exercice de son droit d'option, il est redevable d'une indemnité d'occupation de droit commun soumise à la prescription quinquennale, dont le délai court à compter de ce même jour.

2. Telle est la solution de principe qui ressort d’un important arrêt rendu par la troisième chambre civile de la Cour de cassation le 16 mars 2023, arrêt qui a essentiellement trait à l’exercice du droit d’option par le locataire, la nature juridique de l’indemnité d’occupation et aux prescriptions applicables. Ainsi et un peu plus précisément, selon cet arrêt, le locataire qui exerce son droit d’option doit, pour la période ayant précédé l’exercice de ce droit, une indemnité d’occupation qui trouve son origine dans l’application de l’article L. 145-57 du Code de commerce N° Lexbase : L5785AI4, et l’action en paiement de cette indemnité est, comme telle, soumise à la prescription biennale de l’article L. 145-60 de ce même code N° Lexbase : L8519AID qui court à compter de l’exercice du droit d’option. De plus, si le locataire se maintient dans les lieux après l’exercice de ce droit, il est alors redevable d’une indemnité d’occupation de droit commun qui, quant à elle, est soumise à la prescription quinquennale dont le délai court à compter du même jour.

3. Quels étaient les faits ? La SCI bailleresse a délivré à sa locataire un congé avec offre de renouvellement pour le 1er janvier 2014. La locataire a répondu à sa bailleresse qu’elle n’acceptait le renouvellement du bail qu’aux mêmes clauses et conditions, notamment de loyer, puis, par un acte délivré le 30 juin 2015, a signifié à sa bailleresse un congé à effet du 31 décembre suivant. La bailleresse a alors assigné sa locataire devant le juge des loyers pour faire fixer le prix du bail renouvelé au 1er janvier 2014, ce dont elle a été déboutée. Elle a ensuite saisi le tribunal d’une demande en paiement d’une indemnité d’occupation à l’encontre de la société locataire, laquelle n’a quitté les lieux en définitive que le 13 mars 2017. La société locataire avait alors soulevé la prescription de l’action. Elle en a été déboutée, de même que la société propriétaire a été déboutée de sa demande en paiement d’une indemnité d’occupation. Devant la cour d’appel de Poitiers saisie par la bailleresse d’une demande en fixation d’une indemnité d’occupation pour la période du 1er janvier 2014 au 13 mars 2017, la société locataire a opposé de nouveau la prescription. Cette fin de non-recevoir a été écartée et la locataire a été condamnée à payer une certaine somme au titre de l’indemnité d’occupation sans droit ni titre entre le 1er janvier 2014 et le 13 mars 2017 [1].

4. La situation peut paraître complexe, sinon confuse, mais au vrai, l’acte de la société locataire formulé en tant que congé le 30 juin 2015 pour le 31 décembre suivant ne pouvait pas en être un puisqu’il avait déjà été mis fin au bail, certes avec une offre de renouvellement du bailleur pour le 1er janvier 2014. Ce congé devait nécessairement être requalifié en droit d’option signifié en application de l’article L. 145-57 du Code de commerce.

5. Dès lors, la question se posait tout d’abord de la qualification juridique de l’indemnité d’occupation, le choix devant s’opérer entre soit une indemnité statutaire, soit une indemnité de droit commun.

6. On le sait, en cas d'option du bailleur, à laquelle va succéder une procédure en fixation de l'indemnité d'éviction, la Cour de cassation considère que l'indemnité d'occupation due par le preneur est statutaire et, comme telle, doit correspondre à la valeur locative déterminée en application de l'article L. 145-28 du Code de commerce N° Lexbase : L0346LTY  [2].

7. Lorsqu’au contraire, comme en l’espèce, c'est le locataire qui opte, la solution a pu ici évoluer. Longtemps il était jugé que le locataire qui renonce au renouvellement se trouve, pour la période postérieure à la date d'expiration du bail, dans la situation d'un occupant sans titre justifiant le paiement d'une indemnité d'occupation de droit commun (compensatoire et indemnitaire) dont le montant peut excéder la valeur locative [3]. Toutefois, par un arrêt du 5 février 2003, la Cour de cassation a modifié sa position estimant que, pour la période comprise entre la fin du bail et l'exercice du droit d'option l'indemnité trouve son origine dans l'application de l'article L. 145-57 du Code de commerce [4].

8. L'arrêt du 16 mars 2023 reprend cette formulation, citant d'ailleurs expressément l'arrêt de 2003. Ainsi, il en résulte que le point de départ du délai de prescription de l’action en fixation de cette indemnité d’occupation est fixé à la date de l’exercice du droit d’option. Et puisque cette indemnité est fondée sur l’article L. 145-57 du Code de commerce, elle est de nature statutaire et est en conséquence soumise au délai de prescription de deux ans prévu par l’article L. 145-60 du Code de commerce.

9. En d’autres termes, d'une part, l'indemnité d'occupation due entre la date à laquelle le bail a pris fin et l'exercice du droit d'option est de nature statutaire, elle s'établit dès lors au montant de la valeur locative en renouvellement [5] ; cela étant, l'indemnité due dans l'hypothèse où le locataire se maintient dans les lieux après l'exercice de son droit d'option est, quant à elle, de droit commun [6].

10. La question se posait ensuite de la prescription.

11. Dès lors que le locataire se maintient dans les lieux postérieurement à l’exercice de son droit d’option, il ne s’agit plus d’une situation statutaire. Il est redevable d’une indemnité d’occupation de droit commun. La prescription est alors quinquennale conformément à l’article 2224 du Code civil N° Lexbase : L7184IAC.

12. C’est à notre avis la toute première fois ou l’une des toutes premières fois que le juge du droit se prononce sur le régime de la prescription applicable à l'action en paiement de l'indemnité de droit commun, c'est-à-dire celle due par le locataire qui se maintient dans les lieux après l'exercice de son droit d'option.

13. Mais, au-delà de la qualification d’indemnité d’occupation de droit commun et de l’application de la prescription de droit commun, l’apport de l’arrêt commenté concerne le point de départ de délais de prescription, fixé en l’occurrence à la même date d’exercice du droit d’option du locataire. Cette date fixe donc le point de départ de la prescription de l’action pour le passé, comme pour l’avenir.

14. Ainsi, aux termes de l'arrêt, pour la période ayant précédé l'exercice de son droit d'option du locataire, le délai de prescription biennale ne court qu'à compter du jour où le bailleur est informé de l'exercice par le locataire de son droit d'option [7]. Et, surtout, pour la période du maintien dans les lieux du locataire après l'exercice de son droit d'option, le délai de prescription quinquennale court à compter de ce même jour. Soit, conformément à l'article 2224 du Code civil, à compter du jour où le titulaire du droit à percevoir l'indemnité d'occupation (le bailleur) « a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ».

 

[1] CA Poitiers, 18 mai 2021, n° 19/03537 N° Lexbase : A21634SW.

[2] Cass. civ. 3, 30 juin 1999, n° 96-21.449, publié N° Lexbase : A6645AHL, RDI, 2000, p. 257, obs. J. Derruppé ; précisant que cette indemnité est due à compter de la date d'expiration du bail, v. Cass. civ. 3, 7 novembre 1984, n° 83-13.550 N° Lexbase : A2481AA7, cité in Dalloz Actualité, 24 mars 2023, note Y. Rouquet.

[3] Cass civ. 3, 8 décembre 1982, n° 81-10.515, publié N° Lexbase : A7584AGY  – Cass. civ. 3, 30 septembre 1998, n° 96-22.764, publié N° Lexbase : A5581ACP, AJDI, 1998, p. 1058 , obs. J.-P. Blatter ; RDI, 1999. 322, obs. J. Derruppé.

[4] Cass. civ. 3, 5 févr. 2003, n° 01-16.882, FS-P+B N° Lexbase : A9069A4N, D., 2003, p. 1095, obs. Y. Rouquet ; AJDI, 2003, p. 411 , obs. J.-P. Blatter, cité in Lettre d’actualité avril 2023, cabinet J.-P. Blatter.

[5] CA Paris, 5-1, 26 février 2014, n° 12/05634 N° Lexbase : A5139NPZ, AJDI 2014, p. 782, obs. C. Denizot et G. Trautmann – CA Paris, 27 octobre 2007, Loyers et copr., 2008, n° 110, obs. Brault ; CA Chambéry, 1er juin 2010, Loyers et copr., 2010, n° 320, obs. E. Chavance.

[6] CA Paris, 24 octobre 2007, Administrer, 2/2008. 21, obs. D. Lipman-W. Boccara ; CA Paris, 16ème ch., sect. A, 12 décembre 2007, n° 06/20286 N° Lexbase : A2293D8G.

[7] Cass. civ. 3, 9 septembre. 2021, n° 20-19.631, F-D N° Lexbase : A253844R, AJDI 2022, p. 282 , obs. T. Brault – Cass. civ. 3, 7 juillet 2016, n° 15-19.485, FS-P+B+I N° Lexbase : A9962RWU, D., 2016, p. 1560, obs. Y. Rouquet ; ibid., p. 2237, chron. A.-L. Méano, V. Georget et A.-L. Collomp ; ibid., 2017, p. 1572, obs. M.-P. Dumont-Lefrand ; AJDI, 2017, p. 111, obs. J.-P. Blatter.

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Construction

[Brèves] L’usufruitier ou le nu-propriétaire : qui est bénéficiaire de la décennale ?

Réf. : Cass. civ. 3, 13 avril 2023, n° 22-10.487, FS-B N° Lexbase : A02499PW

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N5150BZR

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par Juliette Mel, Docteur en droit, Avocat associé, M2J Avocats, Chargée d’enseignements à l’UPEC, Responsable de la commission Marchés de Travaux, Ordre des avocats

Le 19 Avril 2023

► L’usufruitier ne peut pas agir sur le fondement de la responsabilité civile décennale des constructeurs sauf si la construction lui appartient ; dans ce cas, le nu-propriétaire ne peut pas agir.

Le droit spécial de la responsabilité des constructeurs est de nature contractuelle. Pour autant, tous les cocontractants du constructeur n’ont pas la qualité pour agir sur ce fondement. Tous ne sont pas bénéficiaire de la responsabilité civile décennale. La jurisprudence le rappelle régulièrement à propos du locataire (pour exemple, Cass. civ. 3, 23 octobre 2012, n° 11-18.850, F-D N° Lexbase : A0560IWN) mais elle le fait bien plus rarement à l’égard de l’usufruitier. Rien qu’en cela, l’arrêt rapporté mérite, non seulement, d’être publié mais, également, cette brève, même s’il est confirmatif d’une solution récemment rappelée (Cass. civ. 3, 16 novembre 2022, n° 21-23.505, FS-B N° Lexbase : A29198TB).

En l’espèce, un maître d’ouvrage a confié à un constructeur la maîtrise d’œuvre de la construction d’une piscine couverte sur un terrain appartenant à une SCI dont il a l’usufruit. La réalisation des travaux est confiée à une entreprise. Se plaignant de désordres survenus après réception, la SCI assigne les constructeurs et leur assureur de responsabilité civile décennale. L’usufruitier intervient volontairement.

La cour d’appel de Douai, dans un arrêt rendu le 2 décembre 2021, déclare l’action de la SCI irrecevable faute pour elle de justifier de sa qualité à agir (CA Douai, 2 décembre 2021, n° 20/02320 N° Lexbase : A99657DG). Elle forme un pourvoi en cassation aux termes duquel elle articule que la propriété du sol emporte la propriété du dessus et du dessous et, qu’en tout état de cause, dans le cas d’un partage de propriété entre nu-propriétaire et usufruitier, c’est le nu-propriétaire qui dispose de la qualité de maître d’ouvrage, quand bien même ce serait l’usufruitier qui aurait ordonné la construction de l’ouvrage.

Par sa nouvelle technique dite de la motivation enrichie, la Haute juridiction rejette le pourvoi.

Si en vertu de l’article 552 du Code civil N° Lexbase : L3131ABL, la propriété du sol emporte la propriété du dessus et du dessous, le droit d’accession du nu-propriétaire du fonds sur lequel l’usufruitier édifie une construction nouvelle est régi, en l’absence de convention réglant le sort de cette construction, par l’article 555 du même code N° Lexbase : L3134ABP et n’opère qu’à la fin de l’usufruit (Cass. civ. 3, 19 septembre 2012, n° 11-15.460, FS-P+B N° Lexbase : A2420ITS).

Les juges du fond ayant relevé que la construction appartient à l’usufruitier, il lui appartient d’agir sur le fondement de la décennale.

La solution n’est donc pas surprenante mais reste critiquable. Il ressort de la lettre de l’article 1792 du Code civil N° Lexbase : L1920ABQ la possibilité d’agir du maître d’ouvrage sans évoquer sa qualité de propriétaire.

C’est encore de manière trop générale que la Cour de Cassation, dans son arrêt du 23 octobre 2012 (Cass. civ. 3, 23 octobre 2012, précité), prive le preneur pourtant maître d’ouvrage des travaux litigieux de son droit à agir sur le fondement de l’article 1792, en reprenant l’expression utilisée à l’occasion de son arrêt du 1er juillet 2009 (Cass. civ. 3, 1er juillet 2009, n° 08-14.714, FS-P+B N° Lexbase : A5830EIR), savoir que le locataire n’était titulaire « que d’un simple droit de jouissance sur l’ouvrage dont il n’avait pas la propriété » et n’était donc pas recevable à agir.

Si certaines cours d’appel distinguent, selon nous à juste raison, la qualité de propriétaire de celle du maître de l’ouvrage réalisé à l’intérieur d’un bâtiment (pour exemple CA Nîmes, 27 juin 2006), d’autres ne le font malheureusement pas (pour exemple CA Dijon, 18 décembre 2007).

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Contrats et obligations

[Jurisprudence] L’exécution forcée d’une promesse unilatérale rétractée par le promettant : quand la Chambre commerciale explicite la rétroactivité de son revirement

Réf. : Cass. com., 15 mars 2023, n° 21-20.399, FS-B N° Lexbase : A80049HW

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N5092BZM

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par Romain Dumas, Maître de conférences HDR en Droit privé à l’Université de Limoges, Directeur adjoint du CREOP (UR 15561)

Le 20 Avril 2023

Mots-clés : promesse unilatérale de vente • rétractation du promettant • exécution forcée • revirement de jurisprudence • motivation enrichie

Le promettant ayant consenti une promesse unilatérale de vente s'oblige définitivement à vendre dès la conclusion de celle-ci. Il ne peut donc pas se rétracter, même avant l'ouverture du délai d’option offert au bénéficiaire, sauf stipulation contraire.
Partant, la cour d'appel ayant rejeté la demande du bénéficiaire d’une promesse unilatérale de vente, conclue avant l’entrée en vigueur de l'ordonnance du 10 février 2016, en exécution forcée de la vente après rétractation du promettant, au motif que cette situation excluait toute rencontre des volontés de vendre et d’acquérir, a violé l’article 1134 du Code civil dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance précitée.


La réforme du droit des contrats, par le biais de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 N° Lexbase : L4857KYK, a opéré une sélection parmi les solutions prétoriennes, inaugurées sous l’empire du droit antérieur. D’un côté, elle a puisé dans ce matériau pour en extraire des pierres, destinées à asseoir les fondations d’un droit des contrats en phase avec le siècle [1]. D’un autre côté, elle a méthodiquement déconstruit certains édifices jurisprudentiels, en consacrant la solution diamétralement opposée dans le Code civil. Tel a été le sort réservé à la solution jurisprudentielle ayant, pendant plusieurs décennies, refusé d’accorder au bénéficiaire d’une promesse unilatérale de vente, objet d’une rétractation de la part du promettant avant la levée de l’option, l’exécution forcée de cet engagement. En effet, le nouvel article 1124, alinéa 2, du Code civil N° Lexbase : L0826KZM, issu de la réforme du droit des contrats par l’ordonnance de 2016, dispose expressément que « la révocation de la promesse pendant le temps laissé au bénéficiaire pour opter n’empêche pas la formation du contrat promis ».

Par un arrêt remarqué du 23 juin 2021 [2], la troisième chambre civile de la Cour de cassation a été la première à abandonner la solution jurisprudentielle, située aux antipodes du nouvel article du Code civil, pour adopter la règle codifiée et l’appliquer immédiatement [3] à une promesse formée sous l’empire du droit antérieur à l’ordonnance de 2016.

L’arrêt sous commentaire témoigne du ralliement de la Chambre commerciale de la Cour de cassation à la position de la troisième chambre civile, en ce qu’il opère également un revirement de jurisprudence au sujet d’une promesse unilatérale pourtant conclue antérieurement à la réforme de 2016. Or, la Chambre commerciale se distingue de sa devancière civiliste en ce que son arrêt, ayant reçu les faveur d’une publication au Bulletin et probablement destiné à devenir un grand arrêt de la saga de la rétractation du promettant, a été rendu sous les heureux auspices d’une motivation enrichie [4]. Au demeurant, celle-ci s’avère particulièrement convaincante et inédite par le rôle prépondérant qu’elle reconnaît à la doctrine dans cette évolution.  

En l’espèce, au premier jour de l’été 2012, deux sociétés, MG et GTD ont formé un protocole d’accord cadre fixant les modalités d’entrée de la société GTD au capital d’une filiale de la société MG, la société C2G et ce, en trois étapes successives. Par la première, la société GTD a acquis 47 % des actions de la société C2G, le solde d’actions restant détenu par la société MG.  Ensuite, en vertu de la seconde étape du protocole, la société MG a consenti une promesse unilatérale de cession de 13 % des actions, qu’elle détenait encore dans la société C2G, à la société GTD. Cette dernière, en tant que bénéficiaire de la promesse, disposait d’un délai de 6 mois pour lever l’option, à compter de l’AG de la société approuvant les comptes clos au 31 décembre 2015. Enfin, la troisième étape du protocole, consistait en la formation, par les sociétés MG et GTD, d’une promesse synallagmatique de cession du solde des actions de C2G, encore détenues par la société MG. La conversion de cette promesse synallagmatique en cession définitive était subordonnée à la réalisation de la condition suspensive suivante : la réalisation effective des deux étapes précédentes du protocole.

Or, le 8 mars 2016, la société MG a rétracté sa promesse unilatérale de cession d’actions, notifiant sa décision à la société GTD, bénéficiaire de cet engagement. La société GTD a cependant levé l’option le 28 juin 2016, soit le lendemain de la tenue de l’assemblée générale ayant approuvé les comptes 2015, agissant ainsi dans le délai fixé par le protocole. En outre, mécontente de l’attitude du promettant, elle l’a assigné en exécution forcée de la promesse et en paiement de dommages et intérêts. Or, par arrêt du 6 juillet 2021 [5], la cour d’appel de Rennes, fidèle à la jurisprudence antérieure à la réforme du droit des contrats puisque le protocole comportant la promesse unilatérale datait de 2012, a rejeté la demande d'exécution forcée en nature de la vente. Le bénéficiaire de la promesse unilatérale forme donc logiquement un pourvoi en cassation contre cet arrêt reposant sur une jurisprudence qu’il estime critiquable.

La Chambre commerciale devait ainsi se demander si le bénéficiaire de la promesse de cession d’actions pouvait, en dépit de la rétractation du promettant avant que ne commence à courir le délai de levée d’option, obtenir l’exécution forcée de cet engagement, au sens du nouvel article 1124, alinéa 2, du Code civil N° Lexbase : L0826KZM, ou si cette action était vouée à l’échec, la promesse ayant été formée à une date antérieure à la réforme de 2016, époque à laquelle la jurisprudence refusait catégoriquement l’exécution forcée dans ce cas.

La Chambre commerciale opère alors un revirement de jurisprudence, prononçant la cassation de l’arrêt d’appel pour violation de la loi et elle renvoie l’affaire et les parties devant la cour d’appel d’Angers. Par le recours à la motivation enrichie, les juges du Quai de l’horloge estiment ainsi que, compte tenu de l’évolution du droit des obligations sur la question, « il y a lieu d'appliquer à la présente espèce le principe selon lequel la révocation de la promesse avant l'expiration du temps laissé au bénéficiaire pour opter n'empêche pas la formation du contrat promis ».

Par cet arrêt [6], la Chambre commerciale procède donc à un revirement de jurisprudence en s’inscrivant dans les pas de la troisième chambre civile (I).  En outre, elle décide de procéder à une application immédiate dudit revirement (II).

I. Un revirement de jurisprudence de la Chambre commerciale inscrit dans les pas de la troisième chambre civile

Position suiviste de la troisième chambre civile. Sous l’empire du droit antérieur à l’ordonnance de 2016, la jurisprudence « consorts Cruz » [7], réitérée à maintes reprises en dépit de vives critiques doctrinales [8], était la suivante : le bénéficiaire d’une promesse unilatérale de vente souhaitant convertir celle-ci en une vente définitive par la levée de l’option, ne pouvait prétendre qu’à des dommages-intérêts en cas de rétractation de la promesse avant la levée de l'option.  En revanche, l’engagement du promettant était insusceptible d’exécution forcée [9].

En apparence, ce raisonnement prétorien semblait logique. En effet, si le bénéficiaire d’une promesse unilatérale de vente souhaite acheter, alors que le promettant ne veut plus vendre, la rencontre des volontés devient impossible. L’exécution forcée de la promesse serait donc inenvisageable. Or, pour la doctrine majoritaire, autant cette approche était admissible au stade de l’offre de contrat, assez peu contraignante pour l’offrant, autant elle apparaissait critiquable au niveau d’une promesse de contrat, fût-elle unilatérale. Cette dernière constitue en effet un véritable engagement contractuel, porteur de la force obligatoire [10]. Le promettant ne peut donc être considéré comme le détenteur d’un pouvoir unilatéral de renonciation à sa promesse.

Finalement inspirée par ces critiques doctrinales, la rédaction de l’article 1124, alinéa 2, du Code civil N° Lexbase : L0826KZM, issu de l’ordonnance de 2016 et consacrant l’entrée de la promesse unilatérale dans cet instrument, dispose désormais que : « la révocation de la promesse pendant le temps laissé au bénéficiaire pour opter n’empêche pas la formation du contrat promis ». Conformément à l’article 9 de l’ordonnance du 10 février 2016, cette nouvelle disposition n’est applicable qu’aux contrats souscrits postérieurement à son entrée en vigueur, soit le 1er octobre 2016. Partant, pour toute promesse unilatérale de vente formée après l’entrée en vigueur de l’ordonnance de 2016, le bénéficiaire levant l’option peut demander l’exécution forcée de la promesse et donc sa conversion en vente définitive et ce, en dépit de la rétractation de son engagement par le promettant, survenue durant le temps laissé au bénéficiaire pour opter. Or, quid des promesses unilatérales formées antérieurement à l’entrée en vigueur de l’ordonnance de 2016 et pour lesquelles le promettant s’était rétracté avant que le bénéficiaire ne lève l’option ? Sont-elles soumises au droit antérieur à l’ordonnance de 2016 ou peuvent-elles au contraire subir l’influence des règles nouvelles [11] ?

Dans cette situation, « si au nom du principe de non-rétroactivité, le législateur ne peut réécrire le passé, le juge peut le relire à la lumière du présent » [12]. Partant, le juge, saisi d’une demande en exécution forcée d’une promesse unilatérale de vente objet d’une rétractation du promettant avant que le bénéficiaire ne lève l’option, formulée après l’entrée en vigueur de l’ordonnance de 2016, mais pour un engagement consenti avant cette date, pouvait y répondre favorablement et ce, à la lumière du nouvel article 1124, alinéa 2, du Code civil.  

Telle a été la solution adoptée par la troisième chambre civile, par un revirement de jurisprudence en date du 23 juin 2021 [13], confirmé par un second arrêt du 20 octobre 2021 [14]. Les deux arrêts avaient retenu que dans une promesse unilatérale de vente, même formée sous l’empire du droit antérieur à l’ordonnance de 2016, le promettant « s'oblige définitivement à vendre dès la conclusion de l'avant-contrat, sans possibilité de rétractation, sauf stipulation contraire » [15]. Dans l’arrêt commenté, la Chambre commerciale leur emboîte le pas, énonçant à son tour que « le promettant signataire d’une promesse unilatérale de vente s'oblige définitivement à vendre dès cette promesse et ne peut pas se rétracter, même avant l'ouverture du délai d'option offert au bénéficiaire, sauf stipulation contraire » [16].

Revirement plus explicite par le biais de la motivation enrichie. Si la troisième chambre civile, par deux arrêts, et la Chambre commerciale au moyen de l’arrêt commenté, ont adopté une position identique dans des circonstances similaires, l’effort de justification du revirement déployé par la Chambre commerciale, au moyen d’une motivation enrichie, doit être salué. En effet, elle se montre bien plus explicite et pédagogue que sa consœur civiliste.

En effet, la justification de l’exécution forcée de la promesse unilatérale, dans l’arrêt de revirement de la troisième chambre civile du 23 juin 2021, n’emporte pas totalement la conviction. Celle-ci repose en effet sur l’ancien article 1142 du Code civil, relatif à la sanction de l’inexécution d’une obligation de faire ou de ne pas faire par des dommages et intérêts. Or, les Hauts magistrats déduisent de ce texte la possible exécution forcée de la promesse. Cependant, le promettant ne s’oblige pas à proprement parler à faire quelque-chose, si ce n’est consentir à la vente, l’exécution du contrat définitif restant totalement tributaire de la levée de l’option par le bénéficiaire de la promesse. Ensuite, par son arrêt du 20 octobre 2021, la troisième chambre civile confirme son revirement, tout en délaissant la référence à l’ancien article 1142 du Code civil N° Lexbase : L1242ABM, pour ne statuer qu’au seul visa de l’ancien article 1134 du Code civil N° Lexbase : L1234ABC, relatif à la force obligatoire du contrat, règle excluant selon elle tout pouvoir de renonciation unilatérale du promettant à son engagement. Si la solution apparaît juridiquement plus convaincante, elle n’en demeure pas moins très laconique.

Or, dans l’arrêt commenté, la Chambre commerciale se montre au contraire peu avare d’arguments. Deux d’entre eux méritent quelques observations. En premier lieu, l’arrêt est rendu au seul visa de l’ancien article 1134 du Code civil. Il évite donc l’écueil d’un détour contestable par l’article 1142 du Code civil, pour ne justifier l’exécution forcée qu’en vertu de la force obligatoire du contrat.

En second lieu, et ce n’est pas le moindre de ses mérites, l’arrêt recontextualise la situation dans laquelle la Chambre commerciale a opéré son revirement de jurisprudence [17]. Ainsi, justifie-t-il cette action par la nécessité d’adapter sa jurisprudence à l’évolution du droit des obligations. En effet, quant à la question litigieuse, le Code civil a consacré la solution inverse (exécution forcée de la promesse en dépit de la rétractation avant la levée de l’option) à celle longtemps fermement défendue par la Cour régulatrice (impossibilité d’exécution forcée). Grâce à la motivation enrichie, la Chambre commerciale indique donc de manière explicite qu’il était temps pour elle, au regard de la solution consacrée en droit positif, de se rallier à celle-ci. En définitive, la mécanique de ralliement à une nouvelle règle écrite, laquelle n’apparaissait auparavant qu’en creux dans la rédaction antérieure des arrêts de revirement, est ici parfaitement mise en exergue et assumée.

II. Un caractère immédiat conféré au revirement de jurisprudence

L’arrêt indique expressément qu’« il y a lieu d'appliquer à la présente espèce le principe selon lequel la révocation de la promesse avant l'expiration du temps laissé au bénéficiaire pour opter n'empêche pas la formation du contrat promis » [18]. Autrement dit, la Cour régulatrice opère un virage à 180 degrés afin d’appliquer à une promesse unilatérale de cession, figurant dans un protocole conclu en 2012, la règle contenue à l’article 1124 alinéa 2 du Code civil, issu de la réforme de 2016 et en vigueur depuis octobre 2016 [19]. Pour trancher en ce sens, la Chambre commerciale ne retient aucun des griefs invoqués par le promettant. Or, plutôt que d’écarter ceux-ci au moyen d’un attendu lapidaire, elle s’évertue, une fois de plus grâce aux vertus de la motivation enrichie, à expliciter son raisonnement.

Atteinte légitime et proportionnée aux droits et intérêts du promettant. Ce dernier mettait en avant l’atteinte à la sécurité juridique que causerait selon lui sa condamnation à l’exécution forcée de la promesse. Il est communément admis que la sécurité juridique [20] se déploie autour du triptyque suivant : accessibilité, prévisibilité et stabilité des règles de droit, écrites comme jurisprudentielles. Si la Chambre commerciale n’étudie pas le caractère accessible de sa solution, elle s’attarde sur la question de savoir si son revirement s’avèrerait susceptible de porter une atteinte démesurée à la stabilité et à la prévisibilité des règles de droit.

Pour contrer l’argument de l’atteinte à la stabilité de la règle de droit causée par son revirement, la Chambre commerciale, s’appuyant sur la jurisprudence de la Cour de Strasbourg (§ 10), indique au contraire que la stabilité d’une règle ne saurait être synonyme de son invariabilité. En effet, ni la sécurité juridique ni la protection de la confiance légitime des justiciables ne consacrent un droit acquis à une jurisprudence constante [21]. Des évolutions jurisprudentielles s’avèrent donc nécessaires, le statu quo risquant au contraire de freiner toute amélioration au détriment des justiciables [22]. Ainsi, l’arrêt de la cour d’appel de Rennes, fondé sur la jurisprudence classique rejetant l’exécution forcée de la promesse unilatérale consécutive à la rétractation du promettant, était susceptible de pourvoi. Or, rien ne garantissait au promettant que la Chambre commerciale confirmerait cette approche.

Concernant le caractère prévisible de son revirement, la Chambre commerciale oppose au promettant deux indices de prévisibilité en ce sens, l’un classique, l’autre bien plus original. En premier lieu, elle souligne qu’un tel revirement pouvait être anticipé, la troisième chambre civile ayant opéré un virage similaire le 23 juin 2021, soit une quinzaine de jours avant que la cour d’appel ne se prononce dans la présente affaire. Partant, lors de l’introduction du pourvoi par le bénéficiaire de la promesse, le défendeur et ses conseils avaient la possibilité matérielle d’être informés du revirement opéré par la troisième chambre civile sur ce point. Autrement dit, « le nouvel état du droit, issu du revirement de la troisième chambre civile, n'était pas imprévisible au jour où la société GTM a formé son pourvoi » [23]. En guise de second indice de prévisibilité de son revirement, la Chambre commerciale souligne qu’« une très grande majorité de la doctrine l'appelait de ses vœux bien avant la conclusion du protocole du 21 juin 2012 et la réforme du droit des contrats du 10 février 2016 » [24]. D’une part, il est assez rare que la Cour de cassation s’appuie sur les critiques doctrinales dont elle a pu être l’objet par le passé pour justifier d’un revirement de jurisprudence [25]. Elle consacre ainsi la légitimité de la doctrine à être érigée au rang de source du droit [26]. D’autre part, les critiques doctrinales, quant au refus de la jurisprudence de consacrer l’exécution forcée de la promesse unilatérale au profit de son bénéficiaire, ne datant pas d’hier, étaient donc largement accessibles [27].

Rejet des griefs tirés d’une violation de droits primordiaux. La Chambre commerciale rejette ensuite les griefs tirés d’une violation des articles 6 de la CESDH N° Lexbase : L7558AIR et 1 de son premier protocole additionnel N° Lexbase : L1625AZ9, relatifs respectivement aux droits à un procès équitable et au respect des biens. À cette fin, elle s’est livrée à un contrôle de conventionnalité in concreto [28]. Concernant le droit à un procès équitable, la Chambre commerciale ne relève aucune privation de cette prérogative au détriment de la société promettante et ce, en raison des « doutes préexistants quant au bien-fondé, et donc au maintien, de la jurisprudence antérieure » [29]. Quant à l’atteinte au droit au respect des biens, la Cour européenne des droits de l’Homme estime qu’une créance fondée sur une décision judiciaire, ici l’absence de condamnation à l’exécution forcée d’une promesse, sera considérée comme un bien relevant de la protection de l’article 1 protocole 1, si elle apparaît suffisamment établie pour être exigible [30]. En revanche, si cette créance repose sur une décision judiciaire non définitive, telle que l’arrêt rendu par la cour d’appel de Rennes en l’espèce, non irrévocable car pouvant faire l’objet d’un pourvoi, susceptible de faire évoluer la situation du promettant, elle ne sera alors pas suffisamment établie pour être exigible. Elle ne saurait dès lors être constitutive d’un bien, au sens européen du terme, protégé par la disposition conventionnelle. En outre, l’atteinte alléguée à l’article 1 protocole 1 à la CESDH ne saurait davantage être assimilée à une « espérance légitime » du promettant à ne pas être condamné à l’exécution forcée de la promesse unilatérale consentie. En effet, tant les critiques doctrinales de la jurisprudence antérieure que la réforme du droit des contrats à ce sujet, faisaient naître de sérieux doutes quant au maintien des solutions antérieures à la réforme. L’analyse de la jurisprudence européenne par la Chambre commerciale au moyen de sa motivation enrichie, démontre de manière éclatante que la fondamentalisation du droit privé [31], du droit des contrats et du droit des affaires [32], est désormais une réalité bien ancrée.

Enfin, et au-delà de la riche motivation de la Chambre commerciale, une décision de la troisième chambre, rendue quelques années avant l’arrêt commenté, pouvait également laisser augurer que l’atteinte au droit au respect des biens, donc au droit de propriété, liée à l’exécution forcée de la promesse unilatérale de vente ne pouvait pas prospérer [33]. En effet, elle avait refusé de transmettre une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) au juge de la rue de Montpensier, concernant le caractère inconstitutionnel du deuxième alinéa de l’article 1124 du Code civil. En l’espèce, un promettant, ayant révoqué sa promesse unilatérale de vente avant la levée de l’option par le bénéficiaire, estimait ainsi que l’article précité, qui lui était applicable et l’obligeait à former la vente malgré tout, portait atteinte à sa liberté contractuelle et à son droit de propriété, tels que garantis par la Constitution. Or, la troisième chambre civile a considéré cette QPC comme dénuée de caractère sérieux. Ainsi, il s’inférait de cet arrêt que l’exécution forcée d’une promesse unilatérale, en dépit de sa rétractation par le promettant, ne saurait constituer une atteinte à son droit de propriété.

Conséquences équilibrées de la solution pour les parties à la promesse. Pour la société auteure de la promesse, s’il apparaît que, sous l’empire de l’ancien droit, elle aurait pu échapper à l’exécution forcée de cet engagement, elle aurait tout de même été contrainte d’indemniser son bénéficiaire en raison du préjudice subi du fait de la rétractation fautive [34]. Le revirement opéré ajoute donc, à une sanction préexistante, la possibilité de poursuivre l’exécution forcée de la promesse. Ainsi, il n’inflige nullement une « double peine », tenant au versement de dommages et intérêts et à l’exécution forcée, à un promettant qui aurait échappé à toute sanction sous l’empire du droit antérieur. Ici, la Cour régulatrice se cantonne à ajouter au versement de dommages et intérêts, sanction déjà consacrée par la jurisprudence antérieure à l’ordonnance de 2016, l’exécution forcée de la promesse en cas de rétractation illicite de celle-ci. La seconde et nouvelle sanction n’apparaît donc pas disproportionnée mais révélatrice de la volonté de la Cour de cassation de faire désormais supporter au promettant toutes les conséquences de sa rétractation illicite [35].  

Quant à la société bénéficiaire de la promesse, elle a non seulement droit à des dommages et intérêts pour réparer le préjudice subi du fait de la rétractation illicite du promettant, mais aussi à l’exécution forcée de l’engagement. Il ne s’agit ici ni plus ni moins que de la reconnaissance de la force obligatoire du contrat, sur le fondement de l’ancien article 1134 du Code civil. Tel était le sens du moyen, annexé au pourvoi par les conseils de la société bénéficiaire de la promesse, demanderesse au pourvoi.

À l’avenir, si cette situation se présentait de nouveau, les avocats aux conseils représentant un bénéficiaire devant la Cour de cassation, réclamant l’exécution forcée d’une promesse, rétractée par le promettant avant la levée de l’option, auront la possibilité, afin de parachever leur argumentation, de s’inspirer de la solution édictée par un arrêt de la première chambre civile. En effet, celle-ci a estimé que « l’avocat […] se doit de faire valoir une évolution jurisprudentielle acquise dont la transposition ou l'extension à la cause dont il a la charge a des chances sérieuses de la faire prospérer » [36]. En effet, l’évolution jurisprudentielle résultant des arrêts de la troisième chambre civile et de la Chambre commerciale, consacrant l’exécution forcée de la promesse unilatérale conclue antérieurement à l’entrée en vigueur de l’ordonnance de 2016, pourra être mise en avant afin d’en réclamer la transposition.

Enfin, l’arrêt commenté constitue une source d’équilibre pour les deux parties car, dans la lignée de la troisième chambre civile, la Chambre commerciale offre aux parties à une promesse unilatérale la possibilité d’éviter la solution issue du revirement. À cette fin, il suffit d’insérer, dans la promesse, une clause offrant au promettant la faculté de se rétracter avant la levée de l’option du bénéficiaire [37]. Par conséquent, le bénéficiaire sera informé que le promettant peut se rétracter et ce dernier pourra user de cette faculté en toute tranquillité. Cette place laissée à la rétractation, émanation de la liberté contractuelle des parties à la promesse, vient donc tempérer les critiques adressées à la règle nouvelle codifiée [38] et reconnue d’application immédiate par la jurisprudence.

 

[1] Tel a été le cas de la codification, à l’article 1123 du Code civil N° Lexbase : L2338K7Q, des solutions prétoriennes encadrant le pacte de préférence, antérieurement à l’ordonnance de 2016.

[2] Cass. civ. 3, 23 juin 2021, n° 20-17.554, FS-B N° Lexbase : A95684WB, Lexbase Droit privé, n° 873, 15 juillet 2021, comm. D. Houtcieff N° Lexbase : N8331BY9 ; D. 2021, p. 1574, n. L. Molina, et p. 2251, chron. B. Djikpa ; RTD civ. 2021 p. 630, obs. H. Barbier et p. 934, obs. P. Théry ; CCC 2021, comm. 147, n. L. Leveneur ; D. 2022, p. 310, obs. R. Boffa et M. Mekki ; AJDI 2022, p. 226, obs. F. Cohet ; Rev. sociétés 2022, 141, étude G. Pillet. Ce revirement a ensuite été confirmé par un autre arrêt : Cass. civ. 3, 20 octobre 2021, n° 20-18.514, FS-B N° Lexbase : A524949B, Lexbase Droit privé, n° 885, 25 novembre 2021, comm. A. Valmary N° Lexbase : N9512BYX ; D. actu, 17 novembre 2022, obs. G. Tamwa Talla ; D. 2022, p. 310, obs. R. Boffa et M. Mekki ; RTD civ. 2022, p. 112, obs. H. Barbier.

[3] Dans un rapport déposé en juillet 2021, la commission de réflexion sur la « Cour de cassation 2030 » énonce que le principe d'application immédiate des revirements de jurisprudence s'appuie sur de fortes raisons théoriques et pratiques. V. J.-L. Gillet, Le prévisionnel raisonnable et le normatif nécessaire. Le rapport de la commission « cour de cassation 2030 », Cah. Justice 2022, p. 563. Au regard des critiques doctrinales adressées au refus jurisprudentiel d’exécution forcée de la promesse unilatérale rétractée, lesquelles ont été suivies par l’ordonnance de 2016 afin de remédier au sort peu enviable du bénéficiaire de la promesse, des raisons théoriques et pratiques ont donc bien présidé à cette application immédiate de la nouvelle solution. 

[4] V. C. cass., Note relative à la structure des arrêts et avis et à leur motivation en forme développée, décembre 2018, p. 23, n° 99.

[5] CA Rennes, 6 juillet 2021, n° 18/03276 N° Lexbase : A37284YQ.

[6] V. C. Berlaud, Conséquence de la rétractation d’une promesse de vente par le promettant, GPL 28 mars 2023, n° GPL447q0 ; D. actu, 21 mars 2023, n. C. Hélaine ; DAE, 31 mars 2023, n. M. Hervieu.

[7] Cass. civ. 3, 15 décembre 1993, n° 91-10.199 N° Lexbase : A4251AGK ; D. 1994, p. 230 obs. O. Tournafond et 1995, p. 87, obs. L. Aynès ; RTD civ. 1994, p.584, obs. J. Mestre ; JCP G, 1995, II, 22366, n. D. Mazeaud.

[8] Cette jurisprudence était critiquée par une grande majorité de la doctrine, laquelle déniait au promettant le pouvoir de renoncer unilatéralement à sa promesse unilatérale, si ce n’est à porter une atteinte injustifiée à la force obligatoire du contrat. V. not. D. Mazeaud, n. sous Cass. civ. 3, 15 décembre 1993, préc..

[9] Solution réaffirmée à de multiples reprises. V. not. Cass. civ. 3, 15 décembre 2009, n° 08-22.008, F-D N° Lexbase : A7166EP4 ; Cass. civ. 3, 11 mai 2011, n° 10-12.875, FS-P+B N° Lexbase : A1164HRK, D. 2011, p. 1457, n. D. Mazeaud ; Cass. com., 13 septembre 2011, n° 10-19.526, F-D N° Lexbase : A7535HXD, CCC 2011, comm. 253, obs. L. Leveneur et Cass. com., 14 janvier 2014, n° 12-29.071, F-D N° Lexbase : A7988KTZ. V. cependant contra, Cass. civ. 3, 6 septembre 2011, n° 10.20.362, F-D N° Lexbase : A5353HXK, RLDC, 2012, n° 4538, obs. G. Pillet. Cet arrêt, demeuré minoritaire, a estimé que la dénonciation par le promettant de son engagement n’empêchait pas à la levée de l’option de produire son plein effet.

[10] Ce que rappelle le § 7 de l’arrêt commenté.

[11] V. déjà, quant au mandat formé entre le propriétaire d’un immeuble et un agent immobilier chargé d’assurer la vente ou la gestion locative de ce bien, l’arrêt de la Chambre mixte en date du 24 février 2017 (Cass. mixte, 24 février 2017, n° 15-20.411 N° Lexbase : A8476TNA ; D. 2017, p. 793, note B. Fauvarque-Cosson, et p. 1149, obs. N. Damas ; D. 2018, p. 371, obs. M. Mekki ; AJDI 2017, p. 612, obs. M. Thioye ; AJ contrat 2017, p. 175, obs. D. Houtcieff ; RTD civ. 2017. 377, obs. H. Barbier). S’appuyant sur l’évolution du droit des contrats par l’ordonnance de 2016, la Chambre mixte a considéré en l’espèce que l’absence d’écrit, dans la relation entre le mandant et son mandataire agent immobilier, jusqu’ici source de nullité absolue, serait désormais sanctionnée par la nullité relative.

[12] V. R. Boffa et M. Mekki, D. 2022, p. 310, op. cit..

[13] Cass. civ. 3,, 23 juin 2021, n° 20-17.554, préc..

[14] Cass. civ. 3, 20 octobre 2021, n° 20-18.514, op. cit..

[15] § 11 de l’arrêt Cass. civ. 3, 23 juin 2021, préc. et § 13 de l’arrêt Cass. civ. 3, 20 octobre 2021, op. cit..

[16] § 8 de l’arrêt commenté.

[17] Ibidem, § 8.

[18] § 14 de l’arrêt commenté. C’est nous qui surlignons.

[19] Si l’arrêt commenté n’aborde pas cette question, l’Assemblée plénière subordonnait traditionnellement l'application immédiate d’une règle juridique, fusse-t-elle l’œuvre d’une réforme législative ou d’un revirement de jurisprudence, à d’« impérieux motif d’intérêt général ». V. Ass. plén., 23 janvier 2004, n° 03-13.617 N° Lexbase : A8595DAL ; D. 2004, JP p. 1108, n. P.-Y. Gautier.

[20] V. Th. Piazzon, La sécurité juridique, préf. L. Leveneur, Defrénois, coll. Doctorat et Notariat, t. 35, 2009.

[21] Trois arrêts de la Cour européenne des droits de l’Homme, dans lesquels la France était l’État défendeur et rappelés dans la motivation de la Chambre commerciale, l’illustrent bien. CEDH, 18 décembre 2008, Req. 20153/04, Unédic c/ France,  N° Lexbase : A8770E9P, § 74 ; CEDH, 26 mai 2011, Req. 23228/08, Legrand c/ France N° Lexbase : A4634HSG, § 36 ; et CEDH, 12 juillet 2018, Req. 22008/12, Allègre c/ France, § 52 N° Lexbase : A7977XXQ.

[22] V. CEDH, 26 mai 2011, Legrand c/ France, op. cit., § 37.

[23] § 11 de l’arrêt commenté.

[24] Ibidem.

[25] Dans le même sens, v. C. Hélaine et M. Hervieu, n. ss l’arrêt commenté, préc.

[26] La mention, par la Cour de cassation, de l’influence doctrinale en vue de motiver l’un de ses revirements de jurisprudence, illustre avec force le constat selon lequel la doctrine « influe en profondeur sur la structuration du système juridique français et mérite au plus haut point le nom de source du droit ». Ph. Jestaz, Les sources du Droit, Dalloz, connaissance du Droit, 3ème éd. 2022, p. 187.

[27] V. les critiques formulées par le Professeur Mazeaud (préc.) envers la jurisprudence « Consorts Cruz », presque trentenaires au moment de l’arrêt commenté !

[28] Selon la Cour de cassation, ce contrôle « consiste à examiner si l’application d’une norme de droit interne ne porte pas atteinte, de manière disproportionnée, par ses effets, à un droit ou à un principe conventionnel et à écarter cette norme si tel est effectivement le cas », v. « La propriété », rapp. 2019 Cour de cassation, p. 106.

[29] § 11 de l’arrêt commenté.

[30] V. not., CEDH, 9 décembre 1994, Req. 22/1993/417/496, Raffineries grecques Stran et Stratis Andreadis c/ Grèce N° Lexbase : A6629AWG, série A n° 301-B, § 58 à 62.

[31] La fondamentalisation du droit privé, dossier RDA, n° 11, octobre 2015, p. 33.

[32] V. R. Dumas, Essai sur la fondamentalisation du droit des affaires, préf. E. Garaud, L’Harmattan, 2008.

[33] Cass. civ. 3, 17 octobre 2019, n° 19-40.028 N° Lexbase : A9477ZRG ; JCP N 2019, act. 888, obs. M. Mekki.

[34] Cf. la jurisprudence antérieure aux arrêts de 2021 de la troisième chambre civile en la matière.

[35] § 13 de l’arrêt commenté.

[36] Cass. civ. 1, 14 mai 2009, n° 08-15.899, FS-P+B N° Lexbase : A9822EGU ; JCP G 2009, 94, n. H. Slim ; RTD Civ. 2009, p. 493 obs. P. Deumier.

[37] Le § 8 de l’arrêt indique ainsi que « le promettant signataire d’une promesse unilatérale de vente s'oblige définitivement à vendre dès cette promesse et ne peut pas se rétracter […], sauf stipulation contraire ». C’est nous qui surlignons.

[38] V. contra, M. Fabre-Magnan, De l’inconstitutionnalité de l'exécution forcée des promesses unilatérales de vente. Dernière plaidoirie avant adoption du projet de réforme du droit des contrats, D. 2015, p. 826.

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Environnement

[Brèves] Conformité à la Constitution des droits de visite, de communication et de saisie des agents chargés de la protection de l’environnement

Réf. : Cons. const., décision n° 2023-1044 QPC, du 13 avril 2023 N° Lexbase : A00879PW

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N5126BZU

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par Yann Le Foll

Le 19 Avril 2023

► Sont conformes à la Constitution les dispositions législatives prévoyant les modalités de visite, de communication et de saisie des agents chargés de la protection de l’environnement.

Droit de visite. Les dispositions contestées de l’article L. 171-1 du Code de l’environnement N° Lexbase : L7375MGA prévoient que les agents chargés de la protection de l’environnement ont accès, à tout moment, aux autres lieux où s’exercent ou sont susceptibles de s’exercer des activités régies par ce code.

Elles n’autorisent ainsi les agents à procéder à ces contrôles administratifs que dans les lieux libres d’accès, tels que les espaces naturels ou terrains agricoles. Dès lors, eu égard à la nature de ces lieux, les dispositions contestées ne portent pas atteinte au droit au respect de la vie privée.

Droit de communication. Les dispositions de l’article L. 171-3 du Code de l’environnement N° Lexbase : L7336IR7 limitent le droit de communication des agents aux seuls documents relatifs à l’objet du contrôle et qui sont nécessaires à l’accomplissement de leur mission de protection de l’environnement.

Elles ne leur confèrent pas un pouvoir d’exécution forcée pour obtenir la remise de ces documents. Dès lors, ces dispositions ne portent pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée.

Droit de saisie. Les dispositions contestées de l’article L. 172-12 du Code de l’environnement N° Lexbase : L5248LRS prévoient que la saisie peut porter sur l’objet ou le produit direct ou indirect de l’infraction, sur les armes et munitions, objets, instruments et engins ayant servi à commettre l’infraction ou y étant destinés, ainsi que sur les embarcations, automobiles et autres véhicules utilisés pour la commission de l’infraction, pour se rendre sur les lieux où elle a été commise ou s’en éloigner, ou pour transporter l’objet de l’infraction.

Mais en application des articles 41-4 N° Lexbase : L7474LPI et 99 N° Lexbase : L7471LPE du Code de procédure pénale, la personne dont les biens ont été saisis peut en demander la restitution au juge d’instruction au cours d’une information judiciaire et au procureur de la République dans les autres cas. Il en résulte que la personne faisant l’objet d’une saisie dispose d’un recours lui permettant d’obtenir sa restitution.

Dès lors, les dispositions contestées de l’article L. 172-12 du Code de l’environnement ne méconnaissent pas le droit à un recours juridictionnel effectif.

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Expropriation

[Chronique] Chronique de droit de l’expropriation – Avril 2023

Lecture: 19 min

N5096BZR

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par Pierre Tifine, Professeur de droit public à l’Université de Lorraine, Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition publique, Doyen de la faculté de droit, économie et administration de Metz

Le 19 Avril 2023

Dans la première décision commentée, la Cour de cassation précise que le propriétaire de deux lots ne correspondant pas aux critères du logement décent n’est pas dans une situation juridiquement protégée ce qui exclut son indemnisation (Cass. civ. 3, 11 janvier 2023, n° 21-23.792, FS-B). Dans une deuxième décision elle indique que les dispositions du Code de l’expropriation relatives à la cession et à la concession temporaire des immeubles expropriés s’appliquent aux cessions amiables consenties après une déclaration d’utilité publique (Cass. civ. 3, 11 janvier 2023, n° 22-10.027, FS-B). Le Conseil d’État précise que les parcelles à exproprier peuvent être désignées par plusieurs arrêtés de cessibilité, et cela même dans le cas où les parcelles en cause appartiennent au même propriétaire (CE, 2°-7° ch. réunies, 25 janvier 2023, n° 458930, mentionné aux tables du recueil Lebon). La Cour de cassation juge que pour la qualification de terrain à bâtir, la dimension des réseaux doit s’apprécier au regard de l’intégralité d’une zone devant faire l’objet d’une opération d’aménagement d’ensemble y compris si celle-ci est multisites (Cass. civ. 3, 8 février 2023, n° 22-10.143, F-D). Elle précise les conditions de mise en œuvre du droit de priorité des anciens propriétaires de terrains agricoles (Cass. civ. 3, 1er mars 2023, n° 22-12.455, FS-B). Elle précise aussi quelle date de référence doit être utilisée pour la détermination de l’indemnité d’expropriation concernant les terrains à bâtir soumis au droit de préemption (Cass. civ. 3, 1er mars 2023, n° 22-11-467, FS-B). Elle indique enfin qu’un syndicat de copropriétaires ne saurait se voir attribuer une indemnité de dépréciation du surplus de l’ensemble de la copropriété (Cass. civ. 3, 16 mars 2023, n° 22-11.429, FS-B).

 

Sommaire

I. Pas d’indemnisation pour le propriétaire évincé pour des locations ne correspondant pas aux critères du logement décent

Cass. civ. 3, 11 janvier 2023, n° 21-23.792, FS-B

II. Les dispositions du Code de l’expropriation relatives à la cession et à la concession temporaire des immeubles expropriés s’appliquent aux cessions amiables consenties après une déclaration d'utilité publique

Cass. civ. 3, 11 janvier 2023, n° 22-10.027, FS-B

III. Les parcelles à exproprier peuvent être désignées par plusieurs arrêtés de cessibilité

CE, 2°-7° ch. réunies, 25 janvier 2023, n° 458930, mentionné aux tables du recueil Lebon

IV. Qualification de terrain à bâtir : la dimension des réseaux doit s’apprécier au regard de l’intégralité d’une zone devant faire l’objet d’une opération d’aménagement d’ensemble y compris si celle-ci est multisites

Cass. civ. 3, 8 février 2023, n° 22-10.143, F-D

V. Conditions de mise en œuvre du droit de priorité des anciens propriétaires de terrains agricoles

Cass. civ. 3, 1er mars 2023, n° 22-12.455, FS-B

VI. Date de référence pour les terrains à bâtir soumis au droit de préemption

Cass. civ. 3, 1er mars 2023, n° 22-11-467, FS-B

VII. Un syndicat de copropriétaires ne saurait se voir attribuer une indemnité de dépréciation du surplus de l’ensemble de la copropriété

Cass. civ. 3, 16 mars 2023, n° 22-11.429, FS-B


I. Pas d’indemnisation pour le propriétaire évincé pour des locations ne correspondant pas aux critères du logement décent (Cass. civ. 3, 11 janvier 2023, n° 21-23.792, FS-B N° Lexbase : A6453877)

Le préjudice subi par le propriétaire évincé n’est réparable qu’à condition qu’il porte sur des droits reconnus par la loi, ce qui a pour effet d’exclure la réparation d’un certain nombre de dommages qui se rapportent à des situations qui ne sont pas juridiquement protégées.

La jurisprudence fournit de nombreux exemples de refus d’indemnisation pour un tel motif. Ainsi, ne donnera pas lieu au versement d’une indemnité l’expropriation de bâtiments nouveaux ainsi que les transformations apportées à des immeubles existants qui ont été réalisés en violation des règles d’urbanisme [1]. Il en va de même s’agissant de locataires qui se sont illégalement maintenus dans les lieux alors que le bail était expiré ou encore des personnes qui, à la date de l’ordonnance, ne disposent plus d’une autorisation administrative régulière leur permettant d’exploiter un fonds de commerce [2].

Dans la présente affaire, pour allouer une indemnité pour perte de revenus locatifs à une SCI expropriée, une cour d’appel avait retenu que celle-ci justifiait du droit de propriété et de la conclusion de baux. Elle pouvait en conséquence se prévaloir d’un droit juridiquement protégé, et cela alors même que ce droit concerne des logements indécents au regard de leur superficie inférieure à 9 m².

Or, selon l’article 4 du décret n° 2002-120 du 30 janvier 2002, relatif aux caractéristiques du logement décent N° Lexbase : L4298A3L, [3] pris pour l’application de l’article 187 de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000, relative à la solidarité et au renouvellement urbains N° Lexbase : L9087ARY [4], un logement, pour être qualifié de décent et pouvoir être mis en location, doit  disposer « au moins d’une pièce principale ayant soit une surface habitable au moins égale à 9 mètres carrés et une hauteur sous plafond au moins égale à 2,20 mètres, soit un volume habitable au moins égal à 20 mètres cubes ». En l’espèce, l’expropriation portait sur deux chambres de service louées qui ne répondaient pas, au regard de leur superficie, aux critères du logement décent que le bailleur est tenu de délivrer à son locataire. L’arrêt contesté est en conséquence cassé.

II. Les dispositions du Code de l’expropriation relatives à la cession et à la concession temporaire d’immeubles expropriés s’appliquent aux cessions amiables consenties après une déclaration d’utilité publique (Cass. civ. 3, 11 janvier 2023, n° 22-10.027, FS-B N° Lexbase : A647087R)

L’ancien article L. 21-1 du Code de l’expropriation, dont l’essentiel des dispositions ont été reprises par l’article L. 411-1 du Code actuellement en vigueur N° Lexbase : L2615LRB, prévoit qu’en vue de la réalisation de certains types d’opérations les immeubles expropriés peuvent être cédés de gré à gré ou concédés temporairement à des personnes de droit privé ou de droit public, sous condition que ces personnes les utilisent aux fins prescrites par le cahier des charges annexé à l’acte de cession ou de concession temporaire.

Ce cahier des charges doit notamment préciser les conditions selon lesquelles les cessions et les concessions temporaires seront consenties et résolues en cas d’inexécution des charges[5]. On notera ici qu’avant l’entrée en vigueur du nouveau Code de l’expropriation, le cahier des charges devait comprendre des clauses types prévues par le décret n° 55-216 du 3 février 1955 N° Lexbase : L1208HCQ. Désormais ces clauses types figurent aux annexes 1 à 5 à la partie réglementaire du Code de l’expropriation.

La procédure décrite par l’article L. 21-1 peut notamment être utilisée en vue d’opérations dans les zones d’aménagement concerté. En l’espèce, l’Etablissement public d'aménagement de Marne-la-Vallée (Epamarne), s'était porté acquéreur en 1975 et 1976 de nombreuses parcelles situées dans la zone d’aménagement concerté Paris Est. Le 25 juin 2014, elle a vendu à des particuliers un terrain issu de la réunion de plusieurs de ces parcelles, sur lequel ils avaient édifié et exploité un restaurant, sans autorisation. L’acte de vente comporte un cahier des charges prévoyant notamment que la vente était consentie en vue de la démolition du bâtiment existant et de la construction d’un restaurant conforme à un permis de construire délivré aux acquéreurs le 18 octobre 2013, ces derniers ayant l’obligation de commencer les travaux au plus tard le 1er octobre 2014 et de les achever au plus tard le 1er octobre 2015. Ces travaux n’ayant pas été effectués, la résolution de la vente pouvait légalement être prononcée.

III. Les parcelles à exproprier peuvent être désignées par plusieurs arrêtés de cessibilité (CE, 2°-7° ch. réunies, 25 janvier 2023, n° 458930, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A08579AY)

L’article L. 131-2 du Code de l’expropriation N° Lexbase : L7945I4Z précise que « l’autorité compétente déclare cessibles les parcelles ou les droits réels immobiliers dont l’expropriation est nécessaire à la réalisation de l’opération d’utilité publique. Elle en établit la liste, si celle-ci ne résulte pas de la déclaration d’utilité publique ». Ces dispositions n’exigent pas formellement l’intervention d’un arrêté de cessibilité unique pour tous les terrains d’une même opération déclarée d’utilité publique et elles ont fait l’objet d’interprétations contradictoires de plusieurs cours administratives d’appel que le Conseil d’État est amené à arbitrer dans la présente affaire.

Jusqu’à présent le Conseil d’État avait seulement considéré que si l’administration n’est pas tenue de déclarer cessibles tous les terrains visés par l’acte déclaratif d'utilité publique, dès lors que l’acquisition de certains de ces terrains n’apparaît pas nécessaire à la réalisation du projet d’utilité publique, elle doit faire figurer dans l’arrêté de cessibilité tous ceux de ces terrains dont elle entend poursuivre l’acquisition [6].

La cour administrative de Lyon avait ainsi eu l’occasion de juger à l’occasion d’un arrêt « SCI Ulysse » du 28 avril 2016 [7] qui ni les dispositions du Code de l’expropriation, « ni aucune autre disposition législative ou réglementaire n’imposent, à peine d’illégalité, que l’ensemble des immeubles à exproprier pour la réalisation d’un projet déclaré d’utilité publique fasse l’objet d’un unique arrêté de cessibilité ». En conséquence, « la circonstance que plusieurs arrêtés de cessibilité sont intervenus est dès lors, à elle seule, sans incidence sur la légalité des actes contestés ».

En sens contraire, la cour administrative d’appel de Nancy, dans un arrêt « Ministre de l’Équipement, des Transports, du Logement, du Tourisme et de la Mer » du 7 décembre 2006 avait estimé « qu’en cas de pluralité de parcelles à exproprier, le préfet doit, à l’issue de l’enquête parcellaire, prendre un seul arrêté de cessibilité, mentionnant la liste de toutes les parcelles figurant au plan parcellaire pour lesquelles l’administration entend poursuivre la procédure d’expropriation » [8]. Cet arrêt n’opérait donc pas de distinction selon la pluralité ou non de propriétaires. La cour avait ensuite jugé que « le respect de cette procédure, de nature à permettre de vérifier la conformité de l’expropriation avec l’opération autorisée par la déclaration d’utilité publique, présente un caractère substantiel ». C’est une solution équivalente qui avait été retenue par la cour administrative d’appel de Versailles dans l’affaire soumise au Conseil d’État [9].

Notons que dans un arrêt du 29 juin 2019 [10], la cour administrative d’appel de Bordeaux avait opté pour une position intermédiaire en précisant que les dispositions du Code de l’expropriation devaient s’entendre « comme imposant à l’autorité administrative de faire figurer dans un même arrêté de cessibilité l’ensemble des parcelles appartenant à un même propriétaire, dont l’expropriation est poursuivie ». En revanche, « aucune disposition ni aucun principe n’impose (…) à l’autorité administrative de mentionner dans l’arrêté de cessibilité qu’elle adresse à un propriétaire les parcelles à exproprier appartenant à d’autres propriétaires ».

C’est une solution encore plus libérale qui est consacrée ici par le Conseil d’État qui rappelle d’abord que « ni l’article L. 132-1 du Code de l’expropriation pour cause d’utilité publique N° Lexbase : L7945I4Z, ni aucune autre disposition législative ou règlementaire n’impose que l’ensemble des immeubles à exproprier pour la réalisation d’un projet déclaré d’utilité publique fasse l’objet d’un unique arrêté de cessibilité ». Il en résulte que « des arrêtés de cessibilité peuvent dès lors être pris successivement si l’expropriation de nouvelles parcelles se révèle nécessaire pour la réalisation de l’opération déclarée d’utilité publique ». Plus précisément, « la circonstance que des parcelles faisant l’objet de ces arrêtés successifs appartiennent à un même propriétaire est à cet égard sans incidence ». En conséquence, des arrêtés de cessibilité peuvent être pris successivement même - et cela est l’apport du présent arrêt - s’il s’agit du même propriétaire.

IV. Qualification de terrain à bâtir : la dimension des réseaux doit s’apprécier au regard de l’intégralité d’une zone devant faire l’objet d’une opération d’aménagement d’ensemble y compris si celle-ci est multisites (Cass. civ. 3, 8 février 2023, n° 22-10.143, F-D N° Lexbase : A67279C7)

La valeur des terrains à bâtir est, en règle générale, très supérieure à celle des terres agricoles, ce qui explique que la jurisprudence consacrée à cette notion soit particulièrement abondante. Cette qualification implique notamment, comme le précise l’article L. 322-3, 2° du Code de l’expropriation N° Lexbase : L7995I4U que les parcelles considérées soient « effectivement desservies par une voie d’accès, un réseau électrique, un réseau d’eau potable et, dans la mesure où les règles relatives à l’urbanisme et à la santé publique l’exigent pour construire sur ces terrains, un réseau d’assainissement, à condition que ces divers réseaux soient situés à proximité immédiate des terrains en cause et soient de dimensions adaptées à la capacité de construction de ces terrains ». Le même article précise que « lorsqu’il s’agit de terrains situés dans une zone désignée par un plan d’occupation des sols, un plan local d’urbanisme, un document d’urbanisme en tenant lieu ou par une carte communale, comme devant faire l’objet d’une opération d’aménagement d’ensemble, la dimension de ces réseaux est appréciée au regard de l’ensemble de la zone ». Cette disposition concerne précisément le cas des terrains périurbains qui sont classés par le plan local d’urbanisme dans une zone à urbaniser dont le règlement n’autorise la réalisation d’opérations d’aménagement ou de construction que sous certaines conditions relatives à la taille de l’opération ou aux équipements qui doivent la desservir. Dans cette hypothèse, la qualification de terrain à bâtir est fréquemment refusée à des terrains déjà desservis par des équipements, dès lors que la capacité de ceux-ci ne correspond pas aux besoins de l’opération qui seule permet de construire dans cette zone [11]. La Cour de cassation considère que ces dispositions ont vocation à s’appliquer également à l’hypothèse d’une opération multisites.

En l’espèce, pour conférer la qualité de terrains à bâtir à des parcelles expropriées, une cour d’appel avait estimé que dès lors que le Code de l’expropriation n’a pas prévu l’hypothèse d’une opération multisites - qui concerne ici une zone d’aménagement concerté - la capacité des réseaux devait « être appréciée au regard des besoins de l’aménagement du secteur considéré et non au regard des besoins d’autres secteurs, situés pour certains aux extrémités opposées de la commune ». La cour d’appel avait aussi relevé qu’apprécier la capacité des réseaux au regard de l’ensemble de la zone d’aménagement concerté - qu’ils n’ont pas vocation à desservir - serait dépourvu de toute pertinence économique et ne saurait servir pour la qualification juridique d’un terrain. En statuant ainsi, alors que les parcelles expropriées étant classées dans une zone d’aménagement concerté, la dimension des réseaux les desservant devait s’apprécier au regard de l’ensemble de cette zone, la cour d’appel a violé les dispositions susvisées.

V. Conditions de mise en œuvre du droit de priorité concernant des portions de parcelles non utilisées pour l’usage prévu par la déclaration d’utilité publique (Cass. civ. 3, 1er mars 2023, n° 22-12.455, FS-B N° Lexbase : A18019GS)

L’article L. 422-1 du Code de l’expropriation N° Lexbase : L8026I4Z précise que dans les cas prévus à l’article L. 411-1 du même code N° Lexbase : L2615LRB, « les propriétaires expropriés qui ont déclaré, au cours de l’enquête, leur intention de construire, pour leurs besoins ou ceux de leur famille, bénéficient d’un droit de priorité pour l’attribution d’un des terrains à bâtir mis en vente à l’occasion de l’opération en vue de laquelle a été réalisée l’expropriation ». La question de pose ici de savoir dans quelle mesure ce droit peut être exercé dans l’hypothèse où sont concernées des parcelles qui n’ont pas été utilisées pour l’usage prévu par la déclaration d’utilité publique. Dans la présente affaire, des terrains agricoles avaient été expropriés au profit d’un département aux fins de réalisation d’une infrastructure routière déclarée d’utilité publique. Après la réalisation des travaux, le département avait vendu à une société des reliquats de parcelles non utilisés ayant appartenu aux expropriés. Ces derniers avaient alors assigné le département en indemnisation des préjudices résultant de la méconnaissance de leur droit de priorité.  La Cour juge que le droit de priorité « ne trouve sa cause qu’en cas de non-affectation de la parcelle expropriée au but d’intérêt général défini par la déclaration d’utilité publique et se rattache au droit de rétrocession prévu à l’article L. 421-1 du même code N° Lexbase : L8022I4U et, comme lui, ne s’applique pas aux portions de parcelles non utilisées pour l’usage prévu par la déclaration d’utilité publique si l’essentiel des parcelles expropriées a reçu cette destination ».

Or en l’espèce, les anciennes parcelles non affectées à l’usage prévu par la déclaration d’utilité publique ne représentaient que 3,2 % de la surface totale de l’opération d’expropriation, ce qui fait que la condition de non-affectation à l’usage prévu n’était pas remplie et que les expropriés ne bénéficiaient pas d’un droit de priorité lors de la cession à un tiers des parcelles concernées. Les juges relèvent aussi que l’expropriant avait réalisé l’opération en conformité avec le projet déclaré d’utilité publique, que les biens expropriés avaient été affectés dans leur quasi-totalité à l’usage prévu par ce projet d’intérêt général et que, dans ces conditions, les expropriés ne bénéficiaient pas d’un droit de priorité. Il en résulte que les expropriés n’avaient pas indûment été privés d’une plus-value et n’avaient pas subi une atteinte disproportionnée au droit au respect de leurs biens garanti par l’article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

VI. Date de référence pour les terrains à bâtir soumis au droit de préemption (Cass. civ. 3, 1er mars 2023, n° 22-11.467, FS-B N° Lexbase : A18039GU)

Conformément aux articles L. 213-4, a) N° Lexbase : L8209I4S, et L. 213-6 du Code de l’urbanisme N° Lexbase : L1310LDU, lorsque le bien exproprié est soumis au droit de préemption, la date de référence pour déterminer l'usage effectif du bien, est celle à laquelle est devenu opposable aux tiers le plus récent des actes rendant public, approuvant, révisant ou modifiant le plan d’occupation des sols ou le plan local d’urbanisme et délimitant la zone dans laquelle est situé le bien [12]. La Cour de cassation confirme que cette date de référence, qui déroge à celle prévue à l’article L. 322-2 du Code de l’expropriation N° Lexbase : L9923LMH, s’applique également pour la qualification de terrain à bâtir, régie par l’article L. 322-3 du même code N° Lexbase : L7995I4U.

En l’espèce, l’arrêt contesté fixait le montant des indemnités revenant à l’exproprié pour l’expropriation d’une parcelle située dans un périmètre soumis au droit de préemption urbain. L’exproprié faisait grief à l’arrêt de fixer la date de référence au 18 avril 2011 pour l’estimation de sa parcelle, puis de condamner l’autorité expropriante à lui payer des indemnités alternatives.

La Cour de cassation juge que la cour d’appel a exactement fixé cette date. En effet, le bien exproprié était soumis à un droit de préemption et la dernière modification du plan local d’urbanisme intéressant la zone dans laquelle est situé le bien était intervenue le 12 avril 2011 et était devenue effective le 18 avril 2011 après accomplissement des mesures de publicité.

VII. Un syndicat de copropriétaires ne saurait se voir attribuer une indemnité de dépréciation du surplus de l’ensemble de la copropriété (Cass. civ. 3, 16 mars 2023, n° 22-11.429, FS-B N° Lexbase : A80149HB)

L’article L. 321-1 du Code de l’expropriation N° Lexbase : L7987I4L précise que « les indemnités allouées couvrent l’intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l’expropriation », l’article L. 321-2 précisant quant à lui que « le juge prononce des indemnités distinctes en faveur des parties qui les demandent à des titres différents ».

En l’espèce, une cour d’appel avait alloué à un syndicat des copropriétaires une indemnité de dépréciation du surplus, résultant de la disparition de près d’un tiers des emplacements de parking matérialisés. Elle avait retenu qu’en zone urbaine, une telle réduction du nombre de places de stationnement était de nature à dissuader fortement les candidats acquéreurs et à diminuer la valeur marchande au mètre carré de la copropriété. Elle avait en conséquence considéré que cette dépréciation, évaluée à 20 %, devait s’appliquer au prix moyen de vente au mètre carré d’après des exemples de ventes de lots privatifs au sein de la copropriété.

Ce raisonnement est logiquement censuré par la Cour de cassation qui relève que le syndicat des copropriétaires ne peut représenter chaque copropriétaire pour la défense de ses droits sur son lot. Il ne pouvait donc, en conséquence, se voir allouer une indemnité de dépréciation du surplus de l’ensemble de la copropriété.

 

[1] CA Versailles, 26 octobre 1982, Société d’aménagement et d’équipement du Département d’Eure-et-Loir, AJPI, 1983, p. 23.

[2] Cass. civ. 3, 25 février 1998, n° 97-70.004 N° Lexbase : A9841AGL, AJDI 1998, p. 939, note A. Lévy ; Cass. civ. 3, 31 octobre 2001, n° 00-70.176 N° Lexbase : A9906AWS, AJDI, 2002, p. 234, obs. C. Morel, RD imm., 2002, p. 533, obs. C. Morel.

[3] JO, 31 janvier 2002, texte n° 32.

[4] JO, 14 décembre 2000, texte n° 2.

[5] C. expr. art. L 21-3 ancien, devenu L. 411-2.

[6] CE, 3°-5° s-s-r., 23 décembre 1988, n° 69011 N° Lexbase : A0446AQL.

[7] CAA Lyon, 28 avril 2016, n° 15LY01826 N° Lexbase : A7034RNT.

[8] CAA Nancy, 7 décembre 2006, n° 05NC00248 N° Lexbase : A8708DTP.

[9] CAA Versailles, 29 septembre 2021, n° 19VE04281, n° 19VE04282, n° 20VE00076 N° Lexbase : A58227ZN.

[10] CAA Bordeaux, 28 juin 2019, n° 17BX02947 N° Lexbase : A3341ZH9.

[11] Cass. civ. 3, 28 avril 1993, n° 91-70.095 N° Lexbase : A5801C4M, JCP éd. G, 1994, II, comm. 22187, JCP éd. N, 1994, II, comm. 264, obs. A. Bernard ; v. aussi Cass. civ. 3., 1er décembre 2010, n° 09-13.940, FS-D N° Lexbase : A4538GMZ

[12] V. Cass. civ. 3, 10 juillet 2002, n° 01-70.229 N° Lexbase : A0931AZI, Bull. civ. III, n° 166, AJDI, 2002, p. 871, note R. Hostiou, JCP éd. G, 2002, IV, 2560, JCP éd. G, 2002, II, 10196, note A. Bernard ; Cass. civ. 3, 11 octobre 2006, n° 05-13.053 et n° 05-13.595, FS-P+B N° Lexbase : A7768DR7, Bull. civ. III, n° 197, AJDA, 2006, p. 2301 ; Cass. civ. 3, 10 mai 2007, n° 05-20.623, FS-P+B N° Lexbase : A1099DWM, Bull. civ. III, n° 76, AJDI, 2008, p. 135, note A. Lévy ; Cass. civ. 3, 28 janvier 2009, n° 08-10.333, FS-P+B N° Lexbase : A9610ECW, RD imm., 2009, p. 223 et 348, obs. C. Morel.

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Fiscalité du patrimoine

[Jurisprudence] Le don manuel est taxable en l’absence de déclaration spontanée à l’administration fiscale

Réf. : Cass. com., 25 janvier 2023, n° 20-16.700, F-B N° Lexbase : A06369AS

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N5113BZE

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par Adèle Chikouche, Avocate, Barreau de Lille

Le 18 Avril 2023

Mots-clés : patrimoine • don manuel • donateur • administration fiscale • EFSP

Conformément à l’article 635 A du Code général des impôts N° Lexbase : L1132IT4, le donataire qui révèle un don manuel supérieur à la somme de 15 000 euros à l’administration fiscale dispose de la faculté de le déclarer dans le délai d'un mois suivant cette révélation, ou, dans le mois qui suit le décès du donateur.

Cette faculté comporte l'intérêt pour le donataire de différer le paiement des droits de donation sous réserve que ladite révélation soit « spontanée ».

L’arrêt rendu par la Chambre commerciale de la Cour de cassation le 25 janvier 2023 permet de faire toute la lumière sur cette notion de « révélation spontanée », dont le manquement commis par le donataire négligent pourrait entraîner de lourdes conséquences financières.


 

Dans les faits, Madame X est sujet à un examen contradictoire de sa situation personnelle (ESFP) pour les années 2011 à 2013.

Lors d’un premier entretien avec le vérificateur et remise des comptes bancaires à ce dernier, la contribuable indique avoir reçu durant la période faisant l’objet de l’examen, d’importantes sommes d’argent, évaluées à plus d’un million d’euros, versées sur l’un de ses comptes par son père biologique domicilié en Belgique, sans toutefois justifier de la réalité de cette filiation.

Madame X précise à cet effet qu’il s’agissait de donations et, quelques semaines plus tard, dépose les formulaires de révélation de dons manuels, par lesquels elle a demandé à bénéficier de l’option de déclaration de ces dons dans le délai d’un mois suivant le décès du donateur, offerte à l’article 635 A du Code général des impôts.

Ainsi, la donataire a déposé les 6 et 21 décembre 2014 deux formulaires de révélation de dons manuels pour des montants s'élevant à 279 555 euros pour l'année 2011, 943 680,91 euros pour l'année 2012 et 156 000 euros pour l'année 2013, sollicitant le bénéfice de l'option de paiement des droits de mutation afférents à ces dons après le décès du donateur en application de l'article 635 A du Code précité.

L’administration fiscale refusant d’y voir une révélation spontanée – dont découlerait l’impossibilité d’exercer l’option de déclaration différée des dons - adresse à la contribuable contrôlée, une proposition de rectification portant rappel de droits de mutation à titre gratuit.

Par voie de conséquence, l’administration fiscale adresse à la contribuable un rappel de droits, à titre principal, de la somme de 827 544 euros.

Par acte du 29 septembre 2016, et après rejet de sa réclamation, la donataire contrôlée assigne l’administration fiscale aux fins d’obtenir l'annulation de la décision de rejet de réclamation en date du 22 juillet 2016 ainsi que la condamnation de la direction générale des finances publiques au préjudice qu’elle allègue avoir subi, d’ordre moral, outre les dépens.

C’est dans ce cadre que s’inscrit le litige.

Le 12 juillet 2018, le Tribunal de grande instance de Nanterre déboute la demandeuse de l’intégralité de ses demandes.

Le 12 septembre 2018, la demandeuse déboutée interjette appel.

La procédure est alors pendante devant la cour d’appel de Versailles dont l’arrêt mérite quelques développements (CA Versailles, 28 janvier 2020, n° 18/06414 N° Lexbase : A78033CY).

En appel, la contribuable prétend que le jugement aurait opéré une confusion entre l'article 757 et l'article 635 A du code général des impôts qui permet, lorsque le don manuel en cause est supérieur à 15 000 euros, de différer sa déclaration jusqu'à l'expiration du délai d'un mois suivant la date du décès du donateur.

L’appelante ajoute qu'il y aurait une discrimination entre la révélation des dons manuels inférieurs ou égaux à 15 000 euros pour lesquels n'est pas considéré comme une révélation, le fait de répondre à une question de l'administration fiscale et la révélation des dons manuels supérieurs à cette somme qui, au contraire, peut résulter d'une réponse faite à une question de l'administration fiscale ou d'une procédure de contrôle fiscal.

Enfin, l’appelante fait valoir, pour prétendre au bénéfice de l'option ouverte par le texte susvisé, que son conseil a, dès l'arrivée du vérificateur et lors du premier entretien, déclaré spontanément l'existence des dons manuels dont elle a bénéficié ; qu'elle a déposé des déclarations 2734 intitulées " Révélation de don manuel d'une valeur supérieure à 15 000 euros" le 6 décembre 2014 pour l'année 2011, puis le 21 décembre 2014 pour les années 2012 et 2013, optant pour le paiement des droits après le décès du donateur. Elle prétend qu'il s'agit de révélations spontanées, faites avant toute question du vérificateur, qui ne sont pas la conséquence directe de l'engagement d'une procédure de contrôle dès lors que les dons ont été révélés non pas par le contrôle fiscal mais avant celui-ci et que " ce n'est en aucun cas le contrôle qui a permis à l'administration de découvrir ce don manuel ».

L’appelante soutient enfin que l'administration fiscale a reconnu que les revenus étaient d'origine connue et identifiée compte tenu des déclarations de dons manuels effectuées avec demande de report de la taxation au décès du donateur et lui conteste à tort le bénéfice de l'option qu'elle a prise de report des droits à valoir sur les donations litigieuses alors que le contrôle fiscal s'est achevé par un avis d'absence de redressement.

Face à l’argumentaire soutenu en demande, l'administration fiscale s’attarde sur la distinction de la notion de « révélation » telle que disposée à l’article 757 alinéa 2 du Code général des impôts N° Lexbase : L9389IQS d’une part et, d’autre part, la notion de « révélation spontanée » inscrite à l’article 635 A du Code général des impôts.

L’administration précise en défense que la « révélation » telle que disposée à l’article 757 alinéa 2 du CGI qui prévoit que le don manuel révélé à l'administration fiscale par le donataire est sujet à des droits de donation et n'exige pas l'aveu spontané du don de la part du donataire, par opposition à la « révélation spontanée » qui permet au contribuable d'opter pour la déclaration du don manuel et le paiement des droits y afférents dans le mois qui suit la date de décès du donateur.

La doctrine prévoit en effet que, pour bénéficier de cette option, « la révélation doit être spontanée et non la conséquence d'une réponse du donataire à une demande de l'administration ou d'une procédure fiscale » (BOI-ENR-DMTG-20-10-20-10 - §80 N° Lexbase : X5214ALP).

Appliquant ce raisonnement aux faits d’espèce, l’administration intimée soutient que le fait que le donateur ait avisé la banque de la contribuable contrôlée de la nature des sommes versées et interrogé sa propre administration fiscale, en Belgique n'a pas d'incidence sur les obligations et la situation de la donataire et que n'en a pas non plus la circonstance que l' examen contradictoire de la situation fiscale personnelle de M. et Mme Y n'ait donné lieu à aucun rappel.

Les Juges d’appel concluent, pour accueillir la demande de décharge des droits, pénalités et intérêts mis à la charge de la contribuable, qu'il appartient à l'administration fiscale, qui conteste au donataire le bénéfice de l'option de déclaration différée ouverte à l'article 635 A du CGI, d'établir soit que la révélation est la conséquence d'une réponse du donataire à une demande de l'administration, soit qu'elle est la conséquence d'une procédure fiscale.

L’arrêt ajoute que l'administration ne soutient pas que la révélation est la conséquence d'une réponse de la contribuable à une demande de l'administration, et retient qu'il n'est pas établi que cette révélation est la conséquence d'une procédure fiscale, puisqu'elle a eu lieu avant le commencement proprement dit de l'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle de la contribuable contrôlée et qu'elle ne résulte pas de la vérification de sa situation, mais d'une déclaration spontanée de la donataire.

Ainsi, les Juges d’appel déduisent que l'administration fiscale n'est pas fondée à dénier à l’appelante, le bénéfice de l'option tendant au différé de la déclaration et du paiement des droits dus au titre des dons manuels révélés.

La cour d’appel de Versailles infirmera le jugement rendu en 1ère instance dans son arrêt du 28 janvier 2020.

Si la juridiction de second degré avait accueilli les demandes de l’appelante, motivant notamment que la révélation a eu lieu « avant le commencement de l’examen » de sa situation, la Haute juridiction marque une rupture avec le raisonnement tenu par la cour d’appel, cassant l’arrêt rendu par cette dernière juridiction.

La Chambre commerciale soutient en effet que « la remise, par le contribuable, de ses comptes bancaires », qui a lieu lors du premier entretien d’un contrôle, n’est pas une révélation spontanée. Il en résulte que cette remise ne saurait être caractérisée de « spontanée », dont la qualification constitue une condition sine qua non pour bénéficier de l'option offerte par l'article 635 A Code général des Impôts.

Par ce raisonnement, les Juges du droit se réfèrent à l’intention du législateur pour procéder à une interprétation stricte de la notion de « révélation spontanée ».

Par voie de conséquence, la contribuable se voit finalement condamnée au paiement de la somme de 920 000 euros, résultant des 60 % de droits pour don auxquels s’ajoutent des pénalités de retards.

Pour conclure, l’article 635 A du Code général des impôts n’a fait naître que très peu de jurisprudences, retenant des solutions parfois contraires à celle rendue dans l’affaire d’espèce.

Récemment, la Chambre commerciale avait adopté une position contraire dans un arrêt du 4 mars 2020 (Cass. com., 4 mars 2020, n° 18-11.120, F-D N° Lexbase : A54033IX). En effet, la Chambre avait retenu que valait révélation de dons manuels, au sens des articles 635 A du code général des impôts, la réponse des contribuables à une demande de l'administration fiscale par laquelle ils lui font connaître l'existence de tels dons.

La solution retenue dans l’arrêt du 4 mars 2020 était particulièrement surprenante dès lors que :

  • le 6 décembre 2016 (Cass. com., 6 décembre 2016, n° 15-19.966, F-P+B N° Lexbase : A3967SPM), la Chambre commerciale retenait que la découverte d'un don manuel lors d'une vérification de comptabilité d'une association, résulterait-elle de la réponse apportée par le contribuable à une question de l'administration formée à cette occasion, ne peut constituer une révélation par le donataire au sens de l'article 757 du code général des impôts ;
  • l’arrêt du 16 avril 2013 (Cass. com., 16 avril 2013, n° 12-17.414, F-P+B N° Lexbase : A4049KCX) rappelait que la découverte de dons manuels à l'occasion d'une vérification de comptabilité par l'administration fiscale et la mise à disposition par le contribuable de sa comptabilité ne constituent pas une révélation volontaire susceptible de justifier l'application de droits de donation, au sens de l'article 757 du code général des impôts.

Lire en ce sens, S. Cazaillet, Révélation du don manuel : le contribuable actif ou passif ?, Lexbase Fiscal, avril 2013, n° 525 N° Lexbase : N6872BTP.

Finalement, et malgré l’absence regrettée de jurisprudences constantes sur ce point, la décision d’espèce constitue une solution cohérente dès lors que les travaux parlementaires de la loi n° 2011-900, du 29 juillet 2011, de finances rectificative pour 2011 N° Lexbase : L0278IRQ ayant instauré l’option reprise à l’article 635 A du Code général des impôts, révélaient que l'intention du législateur était d'inciter les donataires à révéler spontanément à l'administration fiscale les dons manuels qui leur ont été consentis en réservant la possibilité de différer la déclaration de ces dons et l'acquittement du paiement des droits de mutation à titre gratuit après le décès du donateur aux seules hypothèses de révélation spontanée, et ce, en dehors de toute procédure de vérification ou de contrôle fiscal.

 


 

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Procédure pénale

[Focus] Précisions sur la déclaration d’appel en matière de détention provisoire

Lecture: 22 min

N4647BZ7

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par Trystan Lauraire, Maître de conférences à l’Université de Bordeaux - ISCJ, Avocat au barreau de Marseille – Cabinet GILETTA

Le 20 Avril 2023

Mots-clés : procédure pénale • détention provisoire • appel • déclaration d’appel • formalisme • article 502 du Code de procédure pénale • article 503 du Code de procédure pénale

Par plusieurs arrêts, la Chambre criminelle a apporté des précisions importantes sur les dispositions encadrant la déclaration d’appel d’une ordonnance de placement ou de prolongation de détention provisoire. Globalement exigeantes et peu favorables au mis en examen, les solutions retenues semblent davantage dictées par des impératifs de bonne administration de la justice que par l’effectivité du droit à un recours judiciaire effectif.


 

Le contentieux de la détention pré-sentencielle demeure un pan important de l’activité quotidienne des cabinets pénalistes. La durée moyenne des informations judiciaires, l’importance de comparaître libre devant la juridiction de jugement ayant à connaître du dossier et, naturellement, l’attrait pour la liberté font de l’appel d’une ordonnance de placement ou de prolongation de détention provisoire un passage obligé dans nombre de procédures. Reste, néanmoins, que la possibilité de présenter sa cause devant la chambre de l’instruction suppose de respecter certaines exigences formelles sur lesquelles la Cour de cassation a récemment eu à se pencher.

Aux termes des dispositions de l’article 502 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L7522LPB, la déclaration d’appel doit être faite au greffier de la juridiction qui a rendu la décision attaquée et être signée par ce dernier ainsi, sauf impossibilité, que par l’appelant ou par son conseil. Comme le rappelle régulièrement la Chambre criminelle, ces prescriptions sont d’ordre public de sorte que leur inobservation, sanctionnée par la nullité de la déclaration d’appel, peut être soulevée à tous les stades de la procédure et cela, même, d’office [1].

Afin, toutefois, de faciliter les démarches pour les détenus et ainsi garantir leur droit à un recours effectif, l’article 503 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L3897AZD permet à l’appelant détenu de former un appel au moyen d’une déclaration auprès du chef d’établissement pénitentiaire, ladite déclaration devant être constatée, datée et signée par celui-ci ainsi que par l’appelant sauf impossibilité, puis être adressée, sans délai, au greffe de la juridiction ayant rendu la décision attaquée. Là encore, ces formalités substantielles [2] jouissent d’une grande reconnaissance normative puisqu’elles sont d’ordre public.

L’impériosité des règles encadrant la déclaration d’appel conduit, irrémédiablement, à s’interroger sur l’interprétation donnée, par la Chambre criminelle, aux dispositions précitées (I.). Ce questionnement apparait d’autant plus légitime à l’aune des exigences du droit au procès équitable et de la nature même de la détention provisoire qui, si elle n’entre pas directement en contradiction avec le principe de présomption d’innocence, en raison des objectifs visés par l’article 144 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L9485IEZ, demeure cependant une mesure particulièrement attentatoire à la liberté individuelle ce qui suppose de porter un regard attentif à tout renforcement du formalisme (II.).

I. Une appréhension à géométrie variable des règles relatives à la déclaration d’appel en matière de détention provisoire

À l’image du législateur qui distingue l’appelant libre et l’appelant détenu, la Chambre criminelle semble porter un regard différent sur les dispositions régissant la déclaration d’appel. Si l’interprétation parait favorable au mis en examen lorsque ce dernier réalise sa déclaration selon la voie prescrite par l’article 502 du Code de procédure pénale (A.), il en va autrement pour le régime applicable à l’appelant détenu (B.).

A. Une lecture souple des dispositions applicables à l’appelant libre

Par un arrêt récent publié au bulletin [3], la Chambre criminelle est venue rappeler une précision importante, qu’elle avait déjà retenue dans une précédente décision en date du 26 octobre 2022 [4]  quant aux possibilités offertes par les dispositions de l’article 502 du Code de procédure pénale.

En l’espèce, un mis en examen avait, lors de son placement en détention provisoire, apposé la mention manuscrite « je fais appel », à côté de sa signature, dans la rubrique dédiée à la notification de l’ordonnance. L’appel de ladite ordonnance était déclaré irrégulier aux motifs que l’ordonnance sur laquelle a été portée la mention précitée n’avait pas été signée par le greffier puisque la signature de ce dernier n’y figurait qu’au titre de l’accomplissement de la formalité de notification à l’avocat. Les juges en déduisirent que le greffier n’avait pas eu connaissance de la déclaration d’appel dans des conditions conformes à l’article 502 du Code de procédure pénale.

L’argumentation développée par la chambre de l’instruction n’emporta, toutefois, pas l’adhésion des magistrats du quai de l’horloge. Après avoir rappelé qu’il résultait de l’article 502 du Code de procédure pénale que « la déclaration d’appel est faite au greffier de la juridiction qui a rendu la décision attaquée », la Chambre criminelle considéra que l’appel était recevable et, partant, cassa la décision sans renvoi en plaçant le mis en examen sous contrôle judiciaire. La Cour procéda à un raisonnement en trois temps puisqu’elle releva que le débat contradictoire de placement en détention s’est tenu en présence du juge saisi, du greffier et du mis en examen (1) ; que ce dernier a apposé sa signature au pied de la copie de l’ordonnance de placement, en présence du greffier qui a lui aussi apposé sa signature (2) et, enfin, que le mis en examen a manifesté, sans équivoque, sa volonté de faire appel, devant le greffier, en ajoutant à côté de sa signature la mention précitée (3).

Si des réserves, relatives notamment à la chronologie entre l’apposition de la mention « je fais appel » accompagnée de la signature du mis en examen et celle du greffier, mention dont on pouvait légitimement supposer que le greffier n’avait pas eu connaissance et, dès lors, qu’il ignorait la volonté de l’appelant de former un recours contre l’ordonnance de placement en détention provisoire, ont pu être formulées [5], il reste, néanmoins, que la position consacrée est conforme à la lettre de l’article 502 du Code de procédure pénale. On ne peut, en effet, que constater que les exigences tenant tant à la détermination du greffier territorialement compétent qu’à la double signature de l’acte, sont remplies. De même, le contenu de la mention manuscrite, associé à sa localisation – à savoir la copie de l’ordonnance de placement – et à sa temporalité – à savoir lors de la signature de ladite ordonnance devant le greffier, et cela, à l’issue du débat contradictoire – démontrent à la fois le caractère non équivoque de la volonté de l’appelant et la connaissance de cette volonté par le greffier. En ce sens, il faut préciser que dans les motifs de l’arrêt du 26 octobre 2022, la Chambre criminelle a retenu qu’en signant l’ordonnance de placement en détention provisoire, le greffier avait « nécessairement pris connaissance » de la mention opposée et, partant, de la volonté déclarée du mis en examen de faire appel [6]. À charge, donc, pour cet auxiliaire de justice, de vérifier les actes qu’il transmet, pour signature, au mis en examen afin de s’assurer de la volonté de ce dernier.

Outre qu’elle aurait abouti à une lecture constructive mal venue de l’article 502 du Code de procédure pénale en imposant un formaliste excessif, voire, surabondant au regard de la disposition, une position inverse, telle que celle retenue par la chambre de l’instruction, aurait conduit à privilégier la sanction de l’appelant à celle du greffier dans l’exercice des diligences qui incombent à sa mission. De même, il eut été inopportun, à l’heure de la rationalisation tous azimuts de la procédure, d’imposer au mis en examen et, par extension, au service de la maison d’arrêt, des diligences complémentaires là où trois mots au pied d’une ordonnance permettent de satisfaire aux impératifs du Code de procédure pénale. En ce sens, la Cour de cassation a pu préciser qu’en présence d’une telle mention sur l’ordonnance de placement en détention provisoire, le refus ultérieur de formaliser sa déclaration d’appel auprès du chef de l’établissement pénitentiaire ne pouvait être reproché à l’appelant [7]. La Cour de cassation fait ainsi montre d’une opportune bienveillance à l’endroit de l’appelant libre qui tranche, toutefois, avec le regard porté sur les dispositions applicables à l’appelant détenu.

B. Une lecture rigoureuse des dispositions applicables à l’appelant détenu

La Cour de cassation a eu, moins d’un mois après la décision du 15 novembre 2022, à se prononcer sur une situation particulièrement proche… à tout le moins en apparence. Ici, un mis en examen, placé en détention provisoire, fait une demande de mise en liberté rejetée par ordonnance en date du 18 juillet 2022. Le jour même, le greffier du juge saisi transmet au greffe de l’établissement pénitentiaire, pour notification de cette décision et remise d’une copie au détenu, un récépissé que le mis en examen a, le lendemain, renseigné en y apposant, de sa main, la date, sa signature ainsi que la mention « je veux faire appel du rejet ». Le 5 septembre 2022, le conseil du mis en examen saisit le juge d’instruction d’une demande de mise en liberté en arguant que son client était détenu sans titre faute pour la chambre de l’instruction d’avoir statué dans le délai légal sur l’appel de l’ordonnance de rejet de la demande de mise en liberté. Saisie, la chambre de l’instruction écarta cette demande en constatant qu’il n’avait été relevé aucun appel de l’ordonnance ayant rejeté la demande de mise en liberté. Aussi, la Chambre criminelle valida l’analyse des juges du fond en considérant, premièrement, que la mention précitée n’avait été apposée, ni au pied de l’ordonnance contestée, ni en présence du greffier du juge saisi, mais seulement, sur un imprimé dédié à la notification, et deuxièmement, que cet imprimé était destiné, non au greffe de l’établissement pénitentiaire, mais à celui du juge d’instruction, de sorte qu’il ne valait pas lettre d’intention [8].

Antagonistes quant à leurs effets, identiques quant aux mentions apposées par le mis en examen, les arrêts du 15 novembre et du 13 décembre ne sont pas, pour autant, en contradiction, puisque les régimes applicables sont différents. La première décision est, en effet, rendue sur le fondement de l’article 502 du Code de procédure pénale – correspondant donc à la situation de l’appelant libre – là où la seconde est basée sur l’article 503 du même code applicable à l’appelant détenu. Il faisait donc, dans cette seconde espèce, obligation au mis en examen de manifester son intention de faire appel au greffe de l’établissement pénitentiaire afin que sa volonté d’user de cette voie de droit soit établie. Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que la Cour de cassation se montre rigoureuse dans l’appréhension de la volonté de l’appelant, dès lors que, selon une jurisprudence constante, le juge est tenu d’examiner la seule manifestation non équivoque de la volonté de faire appel [9]. Aussi, la Cour fait une application particulièrement stricte de ce principe puisqu’elle considère qu’un courrier, adressé au greffe pénitentiaire, comportant plusieurs demandes, ne manifeste pas clairement l’intention du mis en examen de faire appel [10].

Il n’y a, du reste, qu’un pas entre l’attention portée à la qualité de la résolution du mis en examen et la rigueur formaliste dont fait montre la Cour de cassation. Comment considérer que la multiplicité des demandes fait échec à l'extériorisation de l’intention de faire appel lorsque l’individu l’exprime ainsi « Par ailleurs, je souhaite aussi faire appel du rejet de ma demande de mise en liberté » ? [11] Cependant, c’est oublier que la confusion des demandes rend leur orientation délicate de sorte que l’impériosité formaliste, indispensable à la bonne administration de la justice, semble davantage dicter la solution de la Cour que la difficulté d’appréhender la réelle volonté du mis en examen. On peut, en ce sens, relever que dans un arrêt du 8 septembre 2022, la Chambre criminelle, en prenant comme précédent la décision du 25 mai, a sanctionné une chambre de l’instruction qui avait considéré qu’un courrier, formulant plusieurs demandes dont l’une était énoncée ainsi « je souhaite faire appel de mon refus de mise en liberté », produisait le même effet qu’une déclaration d’appel auprès du chef d’établissement, de sorte que l’appel était recevable. Plus que dans son dispositif, l’intérêt de cette décision se trouve dans ses motifs puisque nulle référence à l’intention n’est faite ici ; la Cour relevant seulement que le courrier adressé, dans le délai légal d’appel par la personne détenue au greffe pénitentiaire et qui n’y a pas été conduite en temps utile pour lui permettre de former la déclaration, ne produit les mêmes effets que celle-ci que s’il a pour unique objet d’exercer cette voie de recours [12]. Certes, le caractère non équivoque de la manifestation de volonté est, selon la Cour de cassation, inextricablement lié au formalisme dès lors que l’unicité de la demande constitue une formalité essentielle annonçant clairement son objet destinée à permettre au greffier d’enregistrer la demande sans avoir à l’interpréter [13]. Pour autant, la formule employée par le mis en examen – « je souhaite faire appel de mon refus de mise en liberté » –  dissipait, à elle seule et comme le soulignait la chambre de l’instruction, toute équivoque quant aux intentions de ce dernier de sorte que, comme le révèle d’ailleurs la motivation de la Cour, le formalisme prescrit ne s’impose pas, réellement, en tant que concrétisation de l’impératif de connaître les intentions de l’appelant mais bien comme une obligation autonome légitimée par la sanction du défaut de réponse dans les délais légaux. Reste, néanmoins, qu’une telle sévérité interroge.

II. Une appréhension discutable au regard des enjeux de l’appel en matière de détention provisoire

Les effets attachés à la déclaration d’appel d’une ordonnance de placement ou de prolongation de détention provisoire rendent délicate la détermination d’un formaliste juste et proportionné. Si les conséquences attachées au non-respect des délais légaux imposent un formalisme particulièrement rigoureux (A.), la concrétisation du droit à recours judiciaire effectif appelle à un regard plus mesuré (B.).

A. Un formalisme légitimé par les conséquences du non-respect des délais légaux

Le formalisme attaché à la déclaration d’appel relative au placement ou à la prolongation de détention provisoire répond, en grande partie, aux effets du non-respect des délais légaux. Il en est ainsi pour l’appelant dès lors que le non-respect du délai d’appel sera sanctionné par l’irrecevabilité de la demande. La nécessité de respecter, strictement, les règles édictées facilite ainsi l’appréciation de la recevabilité de la demande. Aussi, la Cour a récemment rappelé le lien entre le formalisme de l’appel et sa recevabilité. En l’espèce, un mis en examen, placé en détention provisoire le 20 mai 2022, avait rempli un imprimé, en le datant du 30 mai, dans lequel il indiquait sa volonté de relever appel de son placement en détention. Ce courrier fut enregistré seulement le 1er juin, de sorte que son appel fut jugé irrecevable. La Cour de cassation valida la position de la chambre de l’instruction en considérant que seul l’enregistrement conférait une date certaine à la requête de sorte que faute d’être intervenue dans le délai légal, cette dernière ne peut avoir les mêmes effets qu’une déclaration d’appel [14]. Le formalisme, à savoir l’enregistrement, atteste ainsi de la véracité des informations contenues dans la requête, au premier rang desquelles la date de la déclaration d’appel. On peut d’ailleurs souligner combien, dans la seconde espèce du 15 novembre 2022 [15], la Cour de cassation insista sur la présence de l’auxiliaire de justice lors de l’opposition de la mention, « je fais appel » dans la rubrique dédiée à la notification de l’ordonnance [16]. Aussi, la date de la déclaration d’appel ne faisait, dans cette seconde espèce, aucun doute.

Interrogée sur la conformité à la Constitution des dispositions de l’article 503 du Code de procédure pénale, la Cour de cassation a souligné les liens entre formalisme et délais. Les promoteurs de la question prioritaire de constitutionnalité arguaient que ces dispositions, interprétées par la Cour de cassation comme interdisant à la personne détenue d’interjeter appel d’une ordonnance en apposant directement sur celle-ci, devant le greffier pénitentiaire procédant à sa notification, une mention claire et univoque de sa volonté d’interjeter appel, méconnaissaient le droit à un recours effectif et la liberté individuelle. Non-renvoyée par la Haute juridiction judiciaire car jugée dénuée de caractère sérieux, la question permit à cette dernière d’affirmer que « l’exigence, prévue à peine d’irrecevabilité, d’une déclaration d’appel constatée, datée et signée par le chef d’établissement pénitentiaire poursuit, en prévoyant une procédure particulière dans une matière encadrée par des délais impératifs, l’objectif à valeur constitutionnelle de bonne administration de la justice » [17]. On ne peut, en effet, occulter le fait que le défaut de réponse dans les délais légaux conduit, mécaniquement, à la mise en liberté de l’appelant de sorte que la date de la déclaration d’appel, et à travers elle, le formalisme attestant de cette information, justifie la rigidité de la Cour. Ainsi, l’aléa résultant d’une mauvaise orientation d’un courrier composé de plusieurs demandes ou le doute intrinsèque à une datation à la véracité indémontrable sont incompatibles avec les effets attachés à la déclaration d’appel. Il n’en demeure pas moins que cette rigueur se fait au détriment du mis en examen, ce qui rend légitime de s’interroger sur la pertinence des solutions dégagées par la Chambre criminelle.

B. Un formalisme excessif au regard de l’effectivité du droit à un recours judiciaire effectif

Compréhensible à l’aune de l’objectif poursuivi, la rigueur affichée n’en demeure pas moins discutable lorsque ledit objectif est mis en balance avec l’atteinte portée au droit du mis en examen à un recours judiciaire effectif. La Chambre criminelle ne demeure d’ailleurs pas hermétique à la protection de ce droit subjectif. Ainsi considère-t-elle que le formalisme imposé par l’article 503 du Code de procédure pénale ne porte pas une atteinte disproportionnée à la liberté individuelle et au droit à un recours effectif dès lors que l’interprétation constante donnée des dispositions visées reconnait « l’effet d’une déclaration d’appel recevable à l’écrit, reçu dans les délais légaux par l’administration pénitentiaire, manifestant une volonté sans équivoque d’interjeter appel de la personne détenue n’ayant pas été mise en mesure d’exercer son recours dans les formes prévues par la loi » [18]. Une lecture a contrario de ce motif illustre, premièrement, le rejet de principe de l’exercice de l’appel par une forme non prévue par la loi. La jurisprudence illustre, d’ailleurs, parfaitement cette position dès lors que ni l’envoi d’une lettre, simple [19] ou recommandée [20], ni une déclaration verbale [21] ou encore un courrier adressé au procureur de la République [22] ne permettent de suppléer la forme prescrite par le texte. Pour autant, la Cour ouvre une brèche sous réserve de circonstances exceptionnelles [23]. Ainsi, cette dernière considère que « si le courrier réceptionné au greffe de l'établissement pénitentiaire […], par lequel le demandeur a manifesté son intention d'interjeter appel, ne pouvait, à lui seul, constituer la déclaration prévue par l'article 503 du Code de procédure pénale, l'appelant détenu n'ayant pas été conduit à ce greffe dans un délai lui permettant d'exercer utilement la voie de recours, s'est trouvé dans l'impossibilité de s'y conformer de sorte que compte tenu de ces circonstances, la lettre d'intention d'appel reçue au greffe de l'établissement pénitentiaire a produit les mêmes effets qu'une déclaration d'appel » [24]. De même, il a été jugé que « le courrier adressé dans le délai légal d'appel par la personne détenue au greffe pénitentiaire et qui n'y a pas été conduit en temps utile pour lui permettre de former la déclaration d'appel ne produit les mêmes effets que celle-ci que s'il a pour unique objet d'exercer cette voie de recours » [25]. On comprend ainsi que selon la Cour de cassation, la disproportion ne se trouve, aucunement, dans la rigueur formaliste prévue par la loi mais dans l’impossibilité d’user d’une autre voie lorsqu’il serait fait obstacle à l’emprunt de celle prescrite.

Le raisonnement est surprenant en ce qu’il aboutit, finalement, à répondre à une question qui n’était pas réellement posée. La Cour fait, en effet, l’amalgame entre l’absence d’atteinte à la substance du droit et la proportionnalité entre la restriction à ce dernier - en l’espèce les formes prévues par l’article 503 du Code de procédure pénale - et la légitimité du but poursuivi [26]. Si aucune possibilité n’était offerte à un mis en examen, de surcroit détenu, de faire appel en dehors de la voie légale alors qu’il était placé dans l’impossibilité matérielle d’exercer, ainsi, ce droit, l’interprétation de la Cour de cassation consacrerait, inévitablement, une atteinte à la substance du droit d’appel. Pour autant, l’absence d’atteinte à la substance ne signifie pas que la restriction au droit est proportionnée. Sans confusion entre conventionalité et constitutionnalité, la Cour européenne des droits de l’homme a déjà jugé que « l’extrême complexité du droit positif » [27] ou l’interprétation d’une disposition par les juridictions internes aboutissant à un formalisme excessif portait atteinte au droit d’accéder à une juridiction [28].

Tout est donc question de mesure et il n’est pas certain que la Haute juridiction répressive excelle en ce domaine. Outre qu’en l’espèce, elle préfère botter en touche, la jurisprudence en matière d’appel d’une ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel emportant correctionnalisation des faits objets de l’instruction illustre combien la rigueur de la Cour peut, parfois, confiner à l’absurde [29]. Certes, la situation de l’espèce est bien différente en ce qu’ici, la Cour n’exige pas une condition non prévue par les dispositions légales [30]. Il n’en reste pas moins que l’objectif invoqué, à savoir la bonne administration de la justice, peine à justifier les solutions adoptées. Il en va particulièrement ainsi quant au courrier formulant plusieurs demandes. En présence, en effet, d’une formulation claire de la part du mis en examen révélant, de manière non équivoque, son intention de relever appel, l’exigence tenant à l’unicité de la demande ne parait aucunement proportionnée puisque si le traitement tardif d’un courrier valant déclaration d’appel est sanctionné par la mise en liberté automatique, l’irrégularité pour non-respect des exigences formelles aboutit au non-examen du recours et, donc, de facto, au maintien de privation de liberté. Or, dans un État de droit où la liberté doit demeurer le principe, il n’est pas certain que la Cour de cassation ait, comme trop souvent malheureusement, choisi les maux les plus indolores…

À retenir :

  • La mention « je fais appel » apposée, à l’issue des débats, en présence du juge saisi et de son greffier, au pied de l’ordonnance sur laquelle le greffier a lui-même apposé sa signature, manifeste la volonté du mis en examen de faire appel et satisfait aux exigences de l’article 502 du Code de procédure pénale ;
  • La mention « je veux faire appel du rejet », apposée en bas du récépissé de l’ordonnance du juge des libertés et de la détention, en l’absence du greffier saisi, ne satisfait pas aux exigences de l’article 503 du Code de procédure pénale et, partant, ne vaut pas appel de l’ordonnance rendue ;
  • Aux termes de l’article 503 du Code de procédure pénale, le courrier adressé dans le délai légal d’appel par la personne détenue au greffe et qui n’y a pas été conduite en temps utile pour lui permettre de former la déclaration d’appel ne produit les mêmes effets que celle-ci que s’il a pour unique objet d’exercer cette voie de recours.
 

[1] Cass. crim., 16 mars 1964, n° 64-90.031 N° Lexbase : A6768CH7.

[2] Cass. crim., 25 novembre 1970, n° 70-90.569 N° Lexbase : A0012CKN.

[3] Cass. crim., 15 novembre 2022, n° 22-85.097, F-B N° Lexbase : A28668TC : A. Maron et M. Haas, obs., DP, 2023, comm. 10.

[4] Cass. crim., 26 octobre 2022, n° 22-84.914, F-B N° Lexbase : A28668TC.

[5] A. Maron, M. Haas, Formalisme mou, DP 2023, comm. 10.

[6] Cass. crim., 26 octobre 2022, préc.

[7] Idem.

[8] Cass. crim., 13 décembre 2022, n° 22-85.602, F-B N° Lexbase : A67928ZL : A. Maron et M. Haas, obs., DP, 2023, comm. 30.

[9] Cass. crim., 8 octobre 2003, n° 02-81.471 N° Lexbase : A8173C9L.

[10] Cass. crim., 25 mai 2022, n° 22-81.572, F-P+B N° Lexbase : A41177Y7 : A. Maron e M. Haas, obs., DP 2022, comm. 156 ; A.-S. Chavent-Leclère, obs., Procédures, 2022, comm. 209.

[11] A.-S. Chavent-Leclère, préc.

[12] Cass. crim., 6 septembre 2022, n° 22-84.048, F-B N° Lexbase : A18818H7 : A. Maron et M. Haas, obs., DP, 2022, comm. 188.

[13] En ce sens, v. : Cass. crim., 23 janvier 2013, n° 12-86.986, FS-P+B N° Lexbase : A8877I38.

[14] Cass. crim., 15 novembre 2022, n° 22-85.114, F-B N° Lexbase : A21578UG.

[15] Cass. crim., 15 novembre 2022, n° 22-85.097, F-B N° Lexbase : A28668TC.

[16] J. Frinchaboy, Le caractère non équivoque de la déclaration d’appel et l’indispensable réception par le greffier, AJ pénal, 2023, p. 32.

[17] Cass. crim., 22 novembre 2022, n° 22-85.257, F-D N° Lexbase : A96228UW.

[18] Cass. crim., 22 novembre 2022, préc.

[19] Cass. crim., 3 septembre 2003, n° 03-81.518.

[20] Cass. crim., 29 novembre 1983, n° 82-90.287 N° Lexbase : A5069CKX.

[21] Cass. crim., 25 novembre 1970, n° 70-90.569 N° Lexbase : A0012CKN.

[22] Cass. crim., 12 juillet 1962, n° 62-91.009.

[23] Cass. crim., 28 janvier 2020, n° 19-86.863, F-D N° Lexbase : A90093CN.

[24] Cass. crim., 8 avril 2021, n° 21-80.843, F-D N° Lexbase : A12354PG.

[25] Cass. crim., 6 septembre 2022, préc.

[26] CEDH, 28 mai 1985, Req. 8225/78, Ashingdane c/ Royaume-Uni, § 57, Série A n° 93 N° Lexbase : A2007AWA.

[27] CEDH, 16 décembre 1992, Req. 12964/72, Geouffre de la Pradelle c/ France, §§ 33 à 35, Série A n° 253-B N° Lexbase : A6547AWE.

[28] CEDH, 15 décembre 2011, Req. 29938/07, Poirot c/ France, §§ 39 à 46, spéc. 46 N° Lexbase : A7462RXN : Y. Mayaud, obs., RSC, 2012, p. 142.

[29] Sur ce point, v. not. : E. Gallardo, Appel d’une ordonnance de correctionnalisation : pas d’excès de formalisme, JCP, 2014, 789.

[30] Cass. crim., 15 mars 2006, n° 05-87.299, F-D P+F+I N° Lexbase : A1243DPQ ; Cass. crim., 22 août 2007, n° 07-84.087 : A. Maron, obs., DP, 2007, comm. 146. Revirement : Cass. crim., 10 décembre 2008, n° 08-86.812, F-P+F N° Lexbase : A1647ECY.

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Procédure pénale/Action civile

[Brèves] Relaxe pour infraction non intentionnelle : quel juge peut connaître des demandes d’indemnisation des victimes ?

Réf. : Ass. plén., 14 avril 2023, n° 21-13.516 N° Lexbase : A02279P4

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N5123BZR

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par Adélaïde Léon

Le 26 Avril 2023

► L’absence de formulation d’une demande de dommages et intérêts devant le juge pénal dans l’hypothèse d’une relaxe d’une personne poursuivie pour une infraction non intentionnelle prive-t-elle la partie civile du droit de saisir ultérieurement le juge civil en réparation de son préjudice ? Pour l’Assemblée plénière, la partie civile qui n’a pas usé de la faculté qu’elle tire de l’article 470-1 du Code de procédure pénale ne peut être privée de la possibilité de présenter ses demandes de réparation au juge civil.

Rappel de la procédure. Alors qu’il était en intervention au volant d’un véhicule de secours routier, un sapeur-pompier a été percuté par un automobiliste et est décédé des suites de cet accident. Le conducteur a été poursuivi du chef d’homicide involontaire et la famille de la victime s’est constituée partie civile afin d’obtenir réparation de son préjudice.

Le tribunal correctionnel a jugé l’automobiliste coupable d’homicide involontaire et a répondu favorablement à la demande de dommages et intérêts de la famille du défunt.

La cour d’appel a relaxé l’automobiliste et rejeté la demande de dommages et intérêts des parties civiles faute pour celles-ci d’avoir invoqué l’article 470-1 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L9931IQU(compétence du juge pénal pour connaître, après la relaxe d’une personne à laquelle est reprochée une infraction non intentionnelle, des demandes d’indemnisation formulées par les  parties civiles).

Saisi par les parties civiles d’une demande d’indemnisation de la part de l’assureur de l’automobiliste, le juge civil a déclaré, en première instance et en appel, l’action irrecevable au motif que cette question relevait de la compétence du juge pénal.

La deuxième chambre civile de la Cour de cassation a censuré ce raisonnement estimant que l’absence de formulation d’une demande de dommages et intérêts devant le juge pénal dans l’hypothèse d’une relaxe ne prive pas la partie civile du droit de saisir ultérieurement le juge civil en réparation de son préjudice (Cass. civ. 2, 6 juin 2019, n° 18-15.738, F-D N° Lexbase : A9194ZDU). La Haute juridiction a renvoyé l’affaire à une autre cour d’appel.

En cause d’appel. Saisie de ce renvoi après cassation, la cour d’appel de Bordeaux, a relaxé le prévenu et a rejeté les demandes indemnitaires des enfants et épouse de la victime au motif qu’aucune demande d’application de l’article 470-1 du Code de procédure pénale n’avait été formée.

Selon les juges, il résultait de l’article 1351 (devenu 1355 N° Lexbase : L1011KZH) du Code civil que, lorsqu’une juridiction pénale a statué par une décision définitive sur l’action civile, l’autorité de la chose jugée empêche la prise en compte de toute nouvelle demande portant sur les mêmes préjudices, peu important que la juridiction pénale ait débouté les parties civiles de leur demande d’indemnisation.

Les parties civiles ont formé un pourvoi contre cet arrêt. La deuxième chambre civile de la Cour de cassation a ordonné le renvoi de l’examen du nouveau pourvoi devant l’assemblée plénière.

Moyens du pourvoi. Il était fait grief à l’arrêt de la cour d’appel de Bordeaux d’avoir déclaré leur action irrecevable alors que, selon les parties civiles, le principe de la concentration des moyens ne s’étend pas à la simple faculté qu’a la partie civile, sur le fondement de l’article 470-1 du Code de procédure pénale de présenter au juge pénal les demandes de réparation des dommages résultant des faits ayant fondé la poursuite. La circonstance que la partie civile n’a pas usé de cette faculté ne rend pas irrecevables, comme méconnaissant l’autorité de la chose jugée, les demandes de réparation des mêmes dommages présentées par elle devant le juge civil.

La Caisse des dépôts et consignation ajoutait notamment que l’article 470-1 du Code de procédure pénale offre une faculté à la partie civile et à l’assureur et qu’en se prononçant ainsi, la cour d’appel avait dénié tout droit aux parties civiles d’exercer la libre faculté qui leur était offerte par ce texte de ne pas soumettre au juge pénal leur demande de réparation sur le fondement des règles du droit civil « pour en réserver l’examen ultérieur au juge civil ».

Décision. L’Assemblée plénière casse et annule en toutes ses dispositions l’arrêt de la cour d’appel de Bordeaux au visa des articles 1351, devenu 1355, du Code civil et 470-1, alinéa 1er du Code de procédure pénale.

Sur l’autorité de la chose jugée. La Cour rappelle que selon le premier texte visé, l’autorité n’a lieu qu’à l’égard de ce qui a fait l’objet du jugement (même chose demandée, sur le fondement de la même cause, entre les mêmes parties et demande formée par elles et contre elles en la même qualité).

Sur le principe de concentration des moyens. La Cour rappelle la portée de ce principe jurisprudentiel (Ass. plén., 7 juillet 2006, n° 04-10.672 N° Lexbase : A4261DQU) selon lequel il appartient au demandeur à l’action de présenter, dès l’instance relative à la première demande, l’ensemble des moyens qu’il estime de nature à fonder celle-ci.

Rappelant enfin le sens des dispositions de l’article 470-1 du Code de procédure pénale, l’Assemblée plénière affirme que le pourvoi de l’espèce pose la question suivante : le principe de concentration des moyens s’impose-t-il à la partie civile lorsqu’elle dispose, devant le juge pénal, de la faculté prévue à l’article 470-1 du Code de procédure pénale ?

La Haute juridiction affirme que selon le principe de concentration des moyens, « lorsque la partie civile sollicite du juge pénal qu’il se prononce selon les règles du droit civil elle doit présenter l’ensemble des moyens qu’elle estime de nature à fonder ses demandes, de sorte qu’elle ne peut saisir le juge civil des mêmes demandes » même si celles-ci sont fondées sur d’autres moyens. L’Assemblée plénière retient que la partie civile qui n’a pas usé de la faculté qu’elle tire de l’article 470-1 précité ne peut être privée de la possibilité de présenter ses demandes de réparation au juge civil. Dans le cas contraire, la partie civile serait privée de son effet l’option de compétence qui permet de garantir le droit effectif de toute victime d’infraction d’obtenir indemnisation de son préjudice.

En l’espèce, les parties civiles n’avaient pas fait usage du droit qu’elles tiraient de l’article 470-1 du Code de procédure pénale.

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Procédures fiscales

[Brèves] L’admission inédite d’une réclamation sous format électronique au service des impôts des entreprises

Réf. : CAA Toulouse, 9 février 2023, n° 20TL03803 N° Lexbase : A38599CW

Lecture: 3 min

N5115BZH

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par Maxime Loriot, Notaire Stagiaire - Doctorant en droit international privé à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne

Le 21 Avril 2023

Par un arrêt inédit rendu le 9 février 2023, la cour administrative d’appel de Toulouse est venue trancher un litige relatif à la communication d’une réclamation adressée au service des impôts des entreprises sous la forme d’un courrier électronique.

Traditionnellement, pour être recevables en la forme et produire effet, les réclamations adressées à l’administration doivent être établies sous la forme d’une lettre adressée au service des finances publiques compétent au plus tard le 31 décembre de la deuxième année de la mise en recouvrement du rôle ou de la notification d’un avis de mise en recouvrement (LPF, art. R*196-1 N° Lexbase : L4380IXI). Le service compétent est la direction générale des finances publiques dont dépend le lieu de l’imposition du contribuable (LPF, art. R*190-1 N° Lexbase : L6750ISS).

La jurisprudence retient que ce délai court à compter de la mise en recouvrement du rôle quelle que soit la date à laquelle le contribuable a reçu son avis d’imposition (CE Contentieux, 5 octobre 1973, n° 83169, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A2037AY4). Ainsi, si un contribuable n’a pas reçu son avis d’imposition, le délai de réclamation ne court qu’à compter du jour où il a eu connaissance de la mise en recouvrement sans qu’il y ait lieu de distinguer entre les impositions périodiquement établies et celles consécutives à une rectification (CE Contentieux, 16 décembre 1992, n° 123268, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A8553AR9).

Rappel des faits

  • La société civile immobilière TCB a fait l’objet d’un contrôle comptable au titre des années 2015 et 2016.
  • À la suite du contrôle, l’administration fiscale a procédé à un rehaussement des cotisations de contribution additionnelle à l’impôt sur les sociétés qui ont été mises à sa charge au titre des années 2015 et 2016.
  • En conséquence, la société a envoyé une réclamation par voie électronique au service des impôts des entreprises en indiquant comme objet « SCI TCB, réclamation contributions 3 % » et en accompagnant le courriel d’une pièce jointe s’intitulant « réclamation contentieuse relative à la contribution de 3 % ». Faisant suite à ce courriel, le service des impôts des entreprises a accusé réception du message.

Procédure

  • La société TCB a demandé au tribunal administratif de Montpellier la décharge des cotisations à l’IS au titre des années 2015 et 2016.
  • Par un arrêt rendu le 6 juillet 2020, le tribunal administratif de Montpellier a fait droit à la demande de la société demanderesse. Le ministre de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique a fait appel du jugement de première instance.

Question de droit. Était posée à la Cour administrative d’appel de Toulouse la question suivante : Une réclamation adressée au service des impôts des entreprises peut-elle valablement être adressée sous la forme d’un courrier électronique ?

Solution

À cette question, la cour administrative d’appel de Toulouse rappelle sur le fondement des articles R*190-1, R*197-3 et R*197-4 du LPF que ces dispositions ne prévoient pas qu’une réclamation ne peut régulièrement être adressée par voie électronique à l’administration fiscale.

En conséquence, dès lors que l’administration a omis d’inviter le contribuable à signer sa réclamation, la saisine du tribunal administratif a eu pour effet de régulariser la réclamation de la société.

Ainsi, est considérée comme régulière une réclamation adressée sous format électronique au service des impôts des entreprises par un avocat qui mentionne pour objet « réclamation contributions 3 % » et qui accompagne son courrier d’une pièce jointe intitulée « réclamation contentieuse relative à la contribution de 3 % ».

newsid:485115

Responsabilité

[Brèves] Responsabilité pour produits défectueux du gestionnaire d'un réseau de distribution d'électricité (Enedis)

Réf. : Cass. com., 13 avril 2023, n° 20-17.368, FS-B N° Lexbase : A99339N9

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N5106BZ7

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par Anne-Lise Lonné-Clément

Le 20 Avril 2023

► Le gestionnaire d'un réseau de distribution d'électricité doit être considéré comme un « producteur », au sens de l'article 1386-6, devenu 1245-5, alinéa 1er, du Code civil, dès lors qu'il modifie le niveau de tension de l'électricité en vue de sa distribution au client final ;
en l’espèce, le litige ressortait du seul régime de la responsabilité pour produits défectueux, dès lors que l'action était dirigée contre Enedis, qui est un producteur, en raison d'un défaut de sécurité du produit litigieux, à savoir une surtension provoquée par une rupture du circuit neutre du réseau de distribution ; Enedis a donc pu opposer la prescription triennale.

En l’espèce, le 28 juillet 2010, des dysfonctionnements sont apparus sur des appareils électriques équipant une agence de courtage, qu’une expertise amiable avait attribué à une surtension provoquée par une rupture du circuit neutre du réseau de distribution.

Le 27 mai 2015, soutenant que les dommages étaient imputables à la société Enedis, l’agence et son assureur l'avaient assignée en indemnisation sur le fondement des articles 1147 du Code civil N° Lexbase : L1248ABT, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, et L. 121-12 du Code des assurances N° Lexbase : L0088AAI.

La société Enedis, faisant valoir que seules les règles de la responsabilité du fait des produits défectueux étaient applicables, avait opposé la prescription triennale de leur action. Elle obtient gain de cause.

D’une part, le régime de la responsabilité du fait des produits défectueux était bien applicable ; c’est ce que retient la Cour de cassation, qui se fonde sur l’arrêt de la CJUE qu’elle avait interrogée à titre préjudiciel dans ce litige, s’agissant de la qualité de « producteur » d’un gestionnaire d'un réseau de distribution d'électricité (CJUE, 24 novembre 2022, aff. C-691/21, Cafpi SA c/ Enedis SA N° Lexbase : A97698UD).

D’autre part, le litige ressortait du seul régime de la responsabilité pour produits défectueux, dès lors que l'action était dirigée contre Enedis, qui est un producteur, en raison d'un défaut de sécurité du produit litigieux.

S’agissant de l’application du régime de la responsabilité du fait des produits défectueux, la Cour de cassation rappelle que, selon l'article 2 de la Directive 85/374/CEE N° Lexbase : L9620AUT, pour l'application de cette Directive, le terme « produit » désigne également l'électricité et, selon l'article 3, paragraphe 1, le terme « producteur » désigne le fabricant d'un produit fini, le producteur d'une matière première ou le fabricant d'une partie composante, et toute personne qui se présente comme producteur en apposant sur le produit son nom, sa marque ou un autre signe distinctif.

La Directive 85/374/CEE a été transposée en droit interne par la loi n° 98-389, du 19 mai 1998 aux articles 1386-1 à 1386-18, devenus 1245 à 1245-17 du Code civil N° Lexbase : L0945KZZ.

Aux termes de l'article 1386-3, devenu 1245-2, du Code civil N° Lexbase : L0622KZ3, l'électricité est considérée comme un produit et, aux termes de l'article 1386-6, devenu 1245-5, alinéa 1er, du même code N° Lexbase : L0625KZ8, est producteur, lorsqu'il agit à titre professionnel, le fabricant d'un produit fini, le producteur d'une matière première, le fabricant d'une partie composante.

Répondant à la question préjudicielle que la Cour suprême avait soumise à la CJUE, cette dernière, dans l’arrêt précité (CJUE, 24 novembre 2022, aff. C-691/21), a dit pour droit : « L'article 3, paragraphe 1, de la Directive 85/374/CEE du Conseil, du 25 juillet 1985, relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux, telle que modifiée par la Directive 1999/34/CE du Parlement européen et du Conseil, du 10 mai 1999, doit être interprété en ce sens que le gestionnaire d'un réseau de distribution d'électricité doit être considéré comme étant un « producteur », au sens de cette disposition, dès lors qu'il modifie le niveau de tension de l'électricité en vue de sa distribution au client final. »

Elle a, à cet effet, précisé qu'un gestionnaire d'un réseau de distribution d'électricité ne se limite pas à livrer de l'électricité, mais participe au processus de sa production en modifiant une de ses caractéristiques, à savoir sa tension, en vue de la mettre en état d'être offerte au public aux fins d'être utilisée ou consommée (point 45).

Il en résulte que le gestionnaire d'un réseau de distribution d'électricité doit être considéré comme un « producteur », au sens de l'article 1386-6, devenu 1245-5, alinéa 1er, du Code civil, dès lors qu'il modifie le niveau de tension de l'électricité en vue de sa distribution au client final.

S’agissant de l’exclusivité d’application, en l’espèce, du régime de la responsabilité du fait des produits défectueux, la Cour de cassation rappelle qu’il résulte de l'article 1386-18, devenu 1245-17, du Code civil N° Lexbase : L0637KZM, que, si le régime de la responsabilité du fait des produits défectueux n'exclut pas l'application d'autres régimes de responsabilité contractuelle ou extracontractuelle, c'est à la condition que ceux-ci reposent sur des fondements différents.

Ayant retenu, en premier lieu, que l'électricité constitue au sens de l'article 1386-3 du Code civil un produit, en deuxième lieu, qu'il était établi que le dommage était consécutif à une surtension, liée elle-même à une rupture du neutre du réseau de distribution triphasé d'Enedis, en troisième lieu, que cette surtension était constitutive d'un défaut de sécurité, ce dont elle a déduit que le litige ressortait du seul régime de la responsabilité pour produits défectueux, dès lors que l'action était dirigée contre Enedis, qui est un producteur, en raison d'un défaut de sécurité du produit litigieux, la cour d'appel, qui a ainsi exclu que le manquement invoqué à l'obligation de résultat d'entretien des branchements du réseau constitue un fondement distinct du défaut du produit en cause et procédé à la recherche prétendument omise, a légalement justifié sa décision.

newsid:485106

Retraite

[Brèves] Réforme des retraites : la loi validée et promulguée !

Réf. : Loi n° 2023-270, du 14 avril 2023, de financement rectificative de la Sécurité sociale pour 2023 N° Lexbase : L4410MHS et Cons. const., décision n° 2023-849 DC, du 14 avril 2023 N° Lexbase : A17809PM

Lecture: 4 min

N5102BZY

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par Laïla Bedja

Le 19 Avril 2023

► La loi de financement rectificative de la Sécurité sociale pour 2023, appelée communément « réforme des retraites », a été publiée au Journal officiel du 15 avril 2023, après sa censure partielle le 14 avril 2023 par le Conseil constitutionnel.

♦ La censure partielle

Quatre saisines (la Première ministre, deux recours émanant des députés et un recours des sénateurs) ont amené le Conseil constitutionnel à se prononcer sur la constitutionnalité de ce projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale. Pour les Sages, la conformité est acquise à l’exception de six séries de « cavaliers sociaux », parmi lesquels :

  • « l’index senior » (PLFRSS, art. 2) ;
  • le « contrat de travail senior » (PLFRSS, art. 3) ;
  • modifications à l’organisation du recouvrement des cotisations sociales (PLFRSS, art. 6) ;
  • conditions d’ouverture du droit au départ anticipé pour les fonctionnaires ayant accompli leurs services dans un emploi classé en catégorie active ou super-active pendant les dix années précédant leur titularisation (PLFRSS, art. 10) ;
  • suivi individuel spécifique au bénéfice de salariés exerçant ou ayant exercé des métiers ou des activités particulièrement exposés à certains facteurs de risques professionnels (PLFRSS, art. 17) ;
  • instauration d’un dispositif d’information à destination des assurés sur le système de retraite par répartition (PLFRSS, art. 27).

Ces mesures censurées feront l’objet d’un prochain projet de loi.

Le report de l’âge légal de départ à la retraite de 62 à 64 ans a donc été validé.

♦ La réforme dans sa globalité

Allongement de l’âge et durée de cotisation (art. 10). La loi allonge ainsi de 62 à 64 ans l’âge légal de départ à la retraite. Cette modification se fera de façon progressive à partir du 1er septembre 2023 jusqu’à être pleinement effective en 2030 (les personnes nées en 1968 pourront liquider leur retraite à 64 ans) (CSS, art. L. 161-17-2 N° Lexbase : L4506IRC).

Parallèlement à cet allongement, la durée de cotisation pour bénéficier d’une retraite à taux plein sera portée à 43 ans en 2027, dès la génération née en 1965.

Le dispositif de carrières longues est adapté avec notamment la nécessité pour les personnes concernées d’avoir cotisé plus de 43 ans.

Mesures pour les mères de famille (art. 13 et 14). Les mères de famille bénéficient d’une surcote anticipée de 5 % dès lors qu’elles ont une carrière complète à 63 ans et au moins un trimestre de majoration de durée d’assurance pour enfant. Le bénéfice de cette majoration ne peut être inférieur à deux trimestres (CSS, art. L. 351-4 N° Lexbase : L2345MBH).

Revalorisation des « petites pensions » (art. 18). La retraite minimale est revalorisée à 1 200 euros brut par mois pour une carrière complète cotisée à temps plein au SMIC (exclusion des personnes ayant travaillé à temps partiel et celles qui ont eu une carrière hachurée).

Modification des contribuions sur les indemnités versées à l’occasion de la rupture conventionnelle et de la mise à la retraite (art. 4). Pour les ruptures de contrat de travail intervenant à compter du 1er septembre 2023, l’employeur devra verser une contribution assise sur les indemnités versées à l’occasion de la mise à la retraite ou de la rupture conventionnelle dont le taux est fixé à 30 % (CSS, art. L. 137-12 N° Lexbase : L8866LKL).

Retraite des fonctionnaires (art. 10). Les mesures générales sur l’âge concernent aussi les agents publics et fonctionnaires. Des mesures spéciales ont aussi été prévues pour les agents en catégories dites « actives » et « super-actives ». Pour les premiers, l’âge légal passe de 57 à 59 ans et pour les seconds, il passe de 52 à 54 ans.

La retraite progressive est étendue aux agents publics, sur les mêmes principes que le dispositif existant pour les salariés et les indépendants (art. 26).

Fin des régimes spéciaux. La loi acte la suppression des principaux régimes spéciaux de retraite pour les futurs embauchés, à partir du 1er septembre 2023. Elle concerne les régimes des industries électriques et gazières (IEG), de la Régie autonome des transports parisiens (RATP), des clercs et employés de notaire, de la Banque de France et des membres du Conseil économique, social et environnemental (CESE) (LFRSS, art. 1).  

Évolutions du compte professionnel de prévention (art. 17). La loi permet l’utilisation du compte professionnel de prévention pour un projet de reconversion professionnelle. Les points contenus sur le compte peuvent être convertis en euros et permettre soit l’abondement du compte personnel de formation ou la rémunération pendant un congé de reconversion professionnelle (C. trav., art. L. 4163-8-1, nouv.).

newsid:485102

Rupture du contrat de travail

[Brèves] Présomption de démission : le décret est enfin paru !

Réf. : Décret n° 2023-275, du 17 avril 2023, sur la mise en œuvre de la présomption de démission en cas d'abandon de poste volontaire du salarié N° Lexbase : L4508MHG

Lecture: 3 min

N5112BZD

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par Lisa Poinsot

Le 19 Avril 2023

Publié au Journal officiel du 18 avril 2023, le décret n° 2023-275, pris en application de la loi n° 2022-1598, du 21 décembre 2022, fixe la procédure de mise en demeure mise en œuvre par l’employeur qui entend faire valoir la présomption de démission du salarié en cas d’abandon volontaire de son poste de travail.

Précision 1 – la mise en demeure : si l'employeur constate que le salarié a abandonné son poste, il peut faire valoir la présomption de démission prévue à l'article L. 1237-1-1 du Code du travail N° Lexbase : L2119MGL. Pour ce faire, il doit le mettre en demeure. Cette mise en demeure doit être réalisée par lettre recommandée ou par lettre remise en main-propre contre décharge, de justifier son absence et de reprendre son poste.

Précision 2 – le motif légitime de nature à faire obstacle à cette présomption de démission : le salarié peut se prévaloir auprès de l’employeur d’un motif légitime de nature à faire obstacle à une présomption de démission. Ce motif peut notamment être :

  • des raisons médicales ;
  • l’exercice du droit de retrait à l’article L. 4131-1 du Code du travail N° Lexbase : L1463H93 ;
  • l’exercice du droit de grève prévu à l’article L. 2511-1 du Code du travail N° Lexbase : L0237H9N ;
  • le refus du salarié d’exécuter une instruction contraire à une réglementation ;
  • le refus du salarié de la modification du contrat de travail à l’initiative de l’employeur.

Dans le cas où le salarié entend se prévaloir d’un tel motif, il indique le motif qu'il invoque dans la réponse à la mise en demeure précitée.

Précision 3 – le délai minimal de réponse : le délai donné au salarié par l’employeur pour reprendre son poste de travail après notification de la mise en demeure ne peut pas être inférieur à quinze jours. Ce délai commence à courir à compter de la date de présentation de la mise en demeure.

Pour aller plus loin : lire le « questions-réponses » publié par le ministère du Travail ici

Conséquences :

  • Le dispositif de présomption de démission est désormais applicable à compter du 19 avril 2023. 
  • ⚠️ Selon le ministère, « si l’employeur désire mettre fin à la relation de travail avec le salarié qui a abandonné son poste, il doit mettre en œuvre la présomption de démission. Il n’a plus vocation à engager une procédure de licenciement pour faute ».

Pour aller plus loin :

  • lire aussi L. Mercier et G. de Wailly, La présomption de démission en cas d’abandon de poste volontaire du salarié : un nouvel outil pour l’employeur, Lexbase Social, janvier 2023, n° 930 N° Lexbase : N3923BZC ;
  • v. infographie, INFO649, La présomption de démission, Droit social N° Lexbase : X7513CNL ;
  • v. fiche pratique, Comment réagir face à une démission ?, Droit du travail N° Lexbase : N0988BYA ;
  • v. ÉTUDE : La cause réelle et sérieuse de licenciement pour motif personnel, L’abandon de poste, in Droit du travail, Lexbase N° Lexbase : E9144ESH.

 

newsid:485112

Santé et sécurité au travail

[Pratique professionnelle] La pratique sportive en entreprise : une fausse bonne idée ?

Lecture: 16 min

N5103BZZ

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par Daphné Duparchy, Avocate associée, cabinet Phenix

Le 21 Avril 2023

Mots clés : activités physiques et sportives • sport en entreprise • équipement sportif • salle de sport • accident du travail • faute inexcusable • responsabilité • formalités • risques psychosociaux • association sportive • déclaration • avantage en nature • assurance

Enjeu de santé publique, le développement des activités sportives au sein de l’entreprise est un sujet d’actualité. Les entreprises, qui voudront relever le défi, devront cependant respecter de nombreuses formalités afin de sécuriser la pratique sportive de leurs salariés. A défaut, en cas d’accident, leur responsabilité pourra être engagée.


La tendance actuelle est à l’ouverture de salles de sport sur le lieu de travail accessibles aux salariés de l’entreprise sans participation financière de leur part. Le salarié peut ainsi pratiquer une activité sportive sur son lieu de travail.

Cette dynamique est surtout présente dans les grands groupes dans lesquels se constituent même des directions des sports.

Quasiment absente du Code du travail, l’activité sportive en entreprise est un concept enthousiasmant et conforme à l’objectif, rappelé par le Code du sport [1], selon lequel les entreprises contribuent à la promotion et au développement des activités sportives. Cette démarche reste cependant facultative à la fois pour l’entreprise et le salarié.

Intégrer le sport à l’entreprise présente des avantages pour les employeurs puisque cela leur permet de préserver la santé physique et morale de leurs salariés, et donc de prévenir l’apparition de risques psychosociaux.

Selon plusieurs études [2], une activité sportive régulière permettrait d’accroître la productivité des salariés et d’améliorer leur qualité de vie au travail, leur santé et leur bien-être.

Le ministère des Sports s’est d’ailleurs fixé comme objectif de développer le sport au sein de l’entreprise, véritable enjeu de santé publique, et encourage les entreprises à inclure le développement du sport dans le volet qualité de vie au travail (QVT). Dans ce cadre, le ministère des Sports a élaboré une feuille de route 2021-2024 pour développer les activités physiques et sportives en milieu professionnel [3], en créant les conditions favorables au développement de la pratique sportive en milieu professionnel et en accompagnant les employeurs dans leur démarche.

L’Association française de normalisation (AFNOR) a d’ailleurs élaboré un guide sur la mise en place des activités sportives en milieu professionnel à destination des entreprises, administrations et autres organisations.

Le développement du sport en milieu professionnel, à la frontière du droit du sport et du droit du travail, soulève cependant de nombreuses problématiques juridiques, dont les principales sont répertoriées ci-après.

1. Quel acteur peut mettre en place une activité sportive au sein de l’entreprise ?

Selon le Code du travail [4], dans les entreprises d’au moins 50 salariés, c’est le comité social et économique (CSE) qui assure ou contrôle la gestion des activités physiques ou sportives et qui peut décider de participer à leur financement. Il s’agit effectivement d’une activité sociale et culturelle dont la gestion et le financement relèvent des prérogatives du CSE.

Exemple du ministère chargé des Sports : dans une entreprise de 80 salariés, pourvue d’un CSE, l’employeur souhaite proposer à ses salariés des cours de yoga. Il ne peut pas organiser lui-même cette activité. Il incombe au CSE de décider si une telle activité est mise en place. Sauf à commettre un délit d’entrave, l’employeur ne peut pas passer outre ce pouvoir de décision du CSE.

Le CSE peut choisir de gérer lui-même les activités sportives ou peut décider de créer une association sportive, le cas échéant commune avec d’autres CSE.

Selon le Code du sport [5], l'organisation des activités physiques et sportives est assurée par une association sportive d'entreprise ou commune à plusieurs entreprises, conformément à la loi du 1er juillet 1901.

Le CSE et l'association sportive conviennent annuellement des objectifs poursuivis et des moyens affectés à leur réalisation.

L’association sportive doit souscrire une assurance couvrant sa responsabilité civile.

Dans les entreprises de moins de 50 salariés, la gestion des activités sportives doit être assurée conjointement par le CSE et l’employeur [6]. Les élus sont ainsi associés à l’organisation des activités sportives.

En l’absence de CSE, c’est à l’employeur de gérer le sport dans l’entreprise.

N.B : Il existe depuis 2003 une Fédération française du sport d’entreprise (FFSE) dont l’objectif est de promouvoir la pratique des activités sportives au sein de l’entreprise, vecteur de bien-être et de santé pour les salariés et d’amélioration des performances de l’entreprise. La FFSE, agréée par le ministère chargé des Sports, propose d’accompagner les entreprises dans la mise en place de leur projet d’activité sportive (réflexions autour de la politique sportive de l’entreprise, de la création d’une salle de sport, etc.).

2. Quelles sont les formalités à respecter en cas d’installation d’une salle de sport au sein de l’entreprise ?

En cas d’installation d’une salle de sport aménagée au sein de l’entreprise, il est fortement recommandé de respecter la règlementation relative aux établissements d’activités physiques et sportives (APS) mais également les prescriptions du Code du travail.

  1. Règlementation issue du Code du sport

Le Code du sport impose plusieurs obligations :

  • une obligation d’honorabilité : nul ne peut exploiter soit directement, soit par l'intermédiaire d'un tiers, un établissement dans lequel sont pratiquées des activités physiques ou sportives s'il a fait l'objet d'une condamnation pour crime, délit ou mesure administrative d'interdiction [7] ;
  • une obligation de déclaration d’équipement sportif à l'administration en vue de l'établissement d'un recensement des équipements [8]. Cette déclaration peut être dématérialisée (www.res.sports.gouv.fr/) ;
  • une obligation d’assurance couvrant la responsabilité civile, celle de leurs préposés salariés ou bénévoles et celle des pratiquants du sport ;
  • une obligation de s’assurer de l’accessibilité de l’équipement sportif aux personnes handicapées.

Des garanties d’hygiène et de sécurité doivent également être respectées [9]. La norme Afnor XP S52-412 délivre des informations utiles notamment sur les infrastructures nécessaires, les informations à communiquer, etc..

Doivent en tout état de cause être affichées, en un lieu visible de tous, les copies [10] :

  • des diplômes et titres ainsi que des cartes professionnelles des éducateurs sportifs ;
  • des textes fixant les garanties d'hygiène et de sécurité et les normes techniques applicables à l'encadrement des activités physiques et sportives ;
  • de l'attestation du contrat d'assurance conclu par l'exploitant de l'établissement.

En pratique, pour limiter le risque, il est vivement recommandé d’établir un règlement détaillant les règles d’utilisation de la salle de sport et des équipements sportifs mis à disposition, et de solliciter des salariés utilisateurs des certificats médicaux d’aptitude. Même si, selon le ministère chargé des Sports, hors la pratique au sein d’une fédération sportive, aucun certificat médical n’a à être exigé, sauf si sa production est sollicitée en cas d’inscription proposée par l’entreprise à une compétition sportive organisée par une fédération sportive.

Enfin, pour assurer la sécurité des utilisateurs, la salle doit être munie [11] :

  • d’une trousse de secours destinée à apporter les premiers soins en cas d'accident ;
  • d’un moyen de communication permettant d’alerter rapidement les services de secours ;
  • d’un tableau d’organisation des secours qui doit être affiché et comporter les adresses et numéros de téléphone des personnes et organismes susceptibles d’intervenir en cas d’urgence.
  1. Règlementation issue du Code du travail

Outre la règlementation découlant du Code du sport, l’installation d’une salle de sport devra également respecter les prescriptions du Code du travail en matière de locaux de travail [12] :

  • la salle de port doit être aménagée de manière à ce que son utilisation garantisse la sécurité des travailleurs. Elle est tenue dans un état constant de propreté et présente les conditions d'hygiène et de salubrité propres à assurer la santé des utilisateurs ;
  • la salle de sport devra satisfaire les exigences du Code du travail en matière d’aération et d’assainissement, de risques d'incendies et d'explosions et d’évacuation, d’installations électriques et de sanitaires, etc.
N.B : en juin 2021, à Saint-Malo, le Groupe ROULLIER a ouvert un bâtiment dédié à la forme et au sport, l’UFS (Univers de la forme et du sport). Cet espace accueille les salariés du Groupe ROULLIER et leurs familles, mais également les anciens salariés retraités.

3. Si les activités sportives se déroulent au sein de l’entreprise, qui peut les animer ?

L’activité sportive doit être encadrée par une personne habilitée.

Les activités sportives seront dans la majorité des cas assurées par un éducateur sportif rémunéré, dans le cadre d’un contrat de prestation de services conclu par l’employeur, le CSE ou l’association sportive.

Le signataire du contrat devra veiller à ce que l’éducateur sportif dispose des diplômes requis.

Selon le ministère chargé des sports, les diplômes permettant l’encadrement d’une activité physique ou sportive peuvent être délivrés par :

  • l’État : il s’agit des « BPJEPS » (Brevets Professionnels de la Jeunesse, de l’Éducation Populaire et du Sport) ou des « DEJEPS » (Diplômes d’État de la Jeunesse, de l’Éducation Populaire et du Sport), délivrés par le ministère chargé des Sports ; ou des DEUST « métiers de la forme » et « animation et gestion des activités physiques, sportives ou culturelles », délivrés par le ministère chargé de l’Enseignement supérieur ;
  • la branche professionnelle du sport : il s’agit des « certificats de qualification professionnelle » (CQP).

Plus rarement, un éducateur, salarié ou travailleur indépendant, pourra être directement recruté.

4. L’accident qui survient lorsque le salarié se livre à une activité sportive dans une salle de sport, mise à disposition par l’employeur, doit-il être considéré comme un accident du travail ?

Rappelons que le Code de la Sécurité sociale considère comme étant un accident du travail tout accident survenu par le fait du travail à tout salarié de l’entreprise [13].

En principe, dès lors que l’accident s’est produit dans l’entreprise, pendant les heures de travail et sous l’autorité de l’employeur, la qualification d’accident du travail est retenue, quelle que soit sa cause.

Exemple du ministère chargé des Sports : si des cours de Pilates sont organisés au sein de l’entreprise, sur le temps de travail des salariés, tout accident (ou blessure) survenant à cette occasion est présumé être un accident du travail.

La qualification de l’accident dépendra cependant de l’appréciation de la caisse primaire d’assurance maladie, qui statue au cas par cas, notamment en fonction des éventuelles réserves de l’employeur lors de la déclaration d’accident du travail et des circonstances de l’accident.

Exemple du ministère chargé des Sports : des collègues décident de s’inscrire à un semi-marathon se déroulant le week-end. Le CSE de l’entreprise décide de participer financièrement à l’inscription de tous les salariés souhaitant courir lors de cet évènement. La blessure survenue lors de la course n’est pas un accident du travail. En effet, le temps et lieu de l’épreuve ne sont pas soumis à l’autorité de l’employeur et la participation était facultative.

En cas de reconnaissance du caractère professionnel de l’accident par la CPAM, l’employeur pourra tenter de le contester en démontrant que la victime se livrait lors de l’accident à une activité totalement étrangère au travail ou que le salarié n’était pas sous son autorité.

Chaque cas d’espèce est soumis au pouvoir souverain des juges.

À titre d’illustration, le 2 décembre 2022, la cour d’appel de Toulouse [14] a rendu une décision très intéressante, d’autant plus intéressante que la jurisprudence est rare en la matière.

Dans cette affaire, une société X met à disposition d’une association sportive des locaux situés dans l’enceinte de l’entreprise et du matériel de sport. L’association permet à ses adhérents, salariés de la société X, de pratiquer des activités sportives entre 11 h 45 et 14 h. Monsieur Y, responsable d’étude de la société X, est victime d’une chute survenue à 13 h 30, alors qu’il effectuait un exercice de gymnastique dans les locaux de l’association, lui occasionnant un traumatisme crânien.

La cour d’appel, comme le tribunal judiciaire, a considéré que Monsieur Y ne peut bénéficier d’une présomption d’imputabilité de l’accident du travail en l’absence, d’une part, de lien entre l’activité sportive pratiquée et l’activité professionnelle exercée et, d’autre part, de lien de subordination corrélatif.

Cependant, l’appréciation extensive par les juges de la notion d’accident du travail doit inciter à la plus grande prudence.

En cas de litige, les juges vont s’attacher à vérifier les points suivants :

  • l’accident s’était-il produit au cours d’une activité sportive se déroulant dans l’enceinte de l’entreprise ?
  • un lien de subordination était-il existant durant l’activité sportive ?
  • l’accident était-il survenu au cours d’activités personnelles sans relation avec le travail ?
  • la participation du salarié à l’activité sportive était-elle obligatoire ?
  • l’activité sportive se déroulait-elle sur un temps de pause ou pendant un temps de travail effectif ?

En résumé, pour tenter d’échapper à la qualification d’accident du travail, l’employeur devra démontrer que le salarié ne se trouvait ni sous son contrôle ni sous sa subordination.

5. En cas d’accident survenu lors de l’activité sportive, qui pourra voir sa responsabilité civile engagée ?

En pratique, la réponse pourra être multiple.

En fonction des modalités pratiques retenues pour la pratique sportive et du contexte de l’accident, pourra être recherchée la responsabilité civile :

  • de l’association sportive qui gère l’activité sportive ;
  • du CSE qui assure la gestion directe de l’activité sportive ;
  • de la société prestataire de services ;
  • de l’employeur.

Une condamnation solidaire peut même être prononcée.

En tout état de cause, la gestion des activités sportives par le CSE ou une association n’exonère pas l’employeur de sa responsabilité, il demeure responsable de la santé et de la sécurité des salariés sur les lieux de travail.

Ainsi, en cas d’accident reconnu comme accident du travail, la responsabilité de l’employeur peut être recherchée en cas de faute inexcusable.

Il est donc recommandé aux entreprises de s’assurer que leurs contrats d’assurance couvrent les risques en lien avec une activité sportive des salariés.

6. La pratique d’une activité sportive par le salarié doit-elle être traitée comme un avantage en nature ?

Depuis la loi n° 2020-1576 du 14 décembre 2020, de financement de la Sécurité sociale pour 2021 N° Lexbase : L1023LZW, la pratique sportive en entreprise n’a plus à être traitée comme un avantage en nature.

Afin de favoriser le développement du sport en entreprise, le Code de la Sécurité sociale [15] prévoit désormais que les avantages que représentent pour ses salariés la mise à disposition par l'employeur d'équipements sportifs à usage collectif et le financement de prestations sportives à destination de l'ensemble de ses salariés sont exclus de l’assiette des cotisations sociales.

Sont donc compris dans le champ de l’exonération [16] :

  • l'avantage que représente la mise à disposition par l'employeur d'équipements à usage collectif dédiés à la réalisation d'activités physiques et sportives tels qu'une salle de sport appartenant à l'entreprise ou un espace géré par elle ou dont elle prend en charge la location aux fins d'une pratique d'activité physique et sportive ;
  • l'avantage constitué par le financement par l'employeur de prestations d'activités physiques et sportives tels que des cours collectifs d'activités physiques et sportives ou des événements ou compétitions de nature sportive, dans une limite annuelle égale à 5 % de la valeur mensuelle du plafond de la Sécurité sociale multipliée par l'effectif de l'entreprise.

Ces prestations doivent être proposées par l'employeur à tous les salariés de l'entreprise, quelles que soient la nature et la durée de leur contrat de travail. Il doit s’agir d’une mesure collective.

Exemple du ministère chargé des Sports : il n’est pas possible de réserver le bénéfice du soutien à la pratique d’activités physiques et sportives aux seuls salariés cadres de l’entreprise ou aux seuls salariés disposant des plus faibles niveaux de rémunération.

Les activités physiques et sportives dont le financement est éligible à l’exclusion d’assiette doivent être organisées par l’employeur qui informe l’ensemble des salariés de l’entreprise des conditions d’organisation de ces prestations (présentation des cours proposés, lieux, horaires, modalités d’inscription…).

Cet avantage est cumulable avec les avantages sociaux et culturels (notamment sportifs) éventuellement proposés par un comité social et économique.

Exemple [17] :

En année N-1, une entreprise compte 550 salariés. L’employeur propose à l’ensemble de ses salariés la possibilité de participer à des cours collectifs de sport organisés le mercredi sur le temps de la pause méridienne de manière hebdomadaire dans une salle de sport voisine de l’entreprise.

Les cours sont encadrés par quatre coachs rémunérés par l’employeur, chacun à hauteur de 20 000 € par an.

L’ensemble des conditions requises pour bénéficier de l’exclusion d’assiette sociale est rempli. L’employeur pourra bénéficier de cette exclusion, dans la limite du plafond fixé à 5 % du PMSS, soit 171,40 € par an et par salarié de l’entreprise en 2022.

Le plafond de l’exclusion d’assiette sociale pour cette entreprise s’élève à :

550 salariés x 171,40 € = 94 050 €

Le montant annuel de l’avantage sport en entreprise financé par l’employeur s’élève à :

20 000 € x 4 = 80 000 € d’avantage

Le plafond annuel n’est donc pas atteint. L’ensemble de l’avantage peut être exclu de l’assiette sociale.

En revanche, constitue un avantage en nature qui doit être entièrement réintégré dans l’assiette des contributions et cotisations sociales la participation de l’employeur contribuant au financement d’abonnements ou inscriptions individuels à des cours.

Alors prêts à contribuer au développement de l’activité sportive en milieu professionnel ?


[1] C. sport, art. L. 100-2 N° Lexbase : L7935MBI.

[2] Goodwill, Etude sur la performance du sport en entreprise, 2015 [en ligne].

[3] Min. Sports, Feuille de route 2021-2024 [en ligne].

[4] C. trav., art. L. 2312-80 N° Lexbase : L8313LGY.

[5] C. sport, art. L. 121-8 N° Lexbase : L6300HNN.

[6] C. sport., art. L. 121-9 N° Lexbase : L1505IEH.

[7] C. sport, art. L. 212-9 N° Lexbase : L1505IEH.

[8] C. sport, art. L 312-1 N° Lexbase : L6456HNG.

[9] C. sport, art. L. 322-2 N° Lexbase : L6485HNI.

[10] C. sport, art. R. 322-5 N° Lexbase : L8459HZC.

[11] C. sport, art. R. 322-4 N° Lexbase : L8458HZB.

[12] C. trav., art. R. 4211-1 N° Lexbase : L3494IAN et suiv..

[13] CSS, art. L. 411-1 N° Lexbase : L5211ADD.

[14] CA Toulouse, 2 décembre 2022, n° 21/02239 N° Lexbase : A29818Y3.

[15] CSS, art. L. 136-1-1 N° Lexbase : L1757LZ4.

[16] Décret n° 2021-680 du 28 mai 2021, relatif aux avantages liés à la pratique du sport en entreprise en application du f du 4° du III de l'article L. 136-1-1 du Code de la Sécurité sociale et modifiant le Code de la Sécurité sociale N° Lexbase : L6659L4E.

[17] BOSS-AN-1100.

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