Jurisprudence : Cass. civ. 3, 01-03-2023, n° 22-12.455, FS-B, Rejet

Cass. civ. 3, 01-03-2023, n° 22-12.455, FS-B, Rejet

A18019GS

Référence

Cass. civ. 3, 01-03-2023, n° 22-12.455, FS-B, Rejet. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/93635231-cass-civ-3-01032023-n-2212455-fsb-rejet
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Abstract

Le droit de priorité prévu par l'article L. 424-2 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, qui ne trouve sa cause qu'en cas de non-affectation de la parcelle expropriée au but d'intérêt général défini par la déclaration d'utilité publique, se rattache au droit de rétrocession prévu à l'article L. 421-1 du même code et, comme lui, ne s'applique pas aux portions de parcelles non utilisées pour l'usage prévu par la déclaration d'utilité publique lorsque l'essentiel des parcelles expropriées a reçu cette destination


CIV. 3

JL


COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 1er mars 2023


Rejet


Mme TEILLER, président


Arrêt n° 150 FS-B

Pourvoi n° T 22-12.455


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 1ER MARS 2023


1°/ M. [SAa [N],

2°/ Mme [Ab] [K], épousAa [N],

tous deux domiciliés [Adresse 1],

ont formé le pourvoi n° T 22-12.455 contre l'arrêt rendu le 9 décembre 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 7), dans le litige les opposant au département de l'Essonne, représenté par le président du conseil départemental, dont le siège est [Adresse 2], défendeur à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.


Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Djikpa, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Ac et Rebeyrol, avocat de M. et Mme [Aa], de la SARL Le Prado-Gilbert, avocat du département de l'Essonne, et l'avis de M. Brun, avocat général, après débats en l'audience publique du 17 janvier 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Djikpa, conseiller référendaire rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, M. Delbano, Mme Farrenq-Nési, M. Boyer, Mme Abgrall, conseillers, M. Zedda, Mmes Ad, Ae, Rat, M. Pons, conseillers référendaires, Mme Af, premier avocat général, et Mme Letourneur, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire🏛, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.


Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 9 décembre 2021), plusieurs terrains agricoles appartenant à M. et Mme [Aa] ont été expropriés au profit du département de l'Essonne (le département), aux fins de réalisation d'une infrastructure routière déclarée d'utilité publique.

2. Après réalisation des travaux, le département a vendu à la société Pomona des reliquats de parcelles non utilisés ayant appartenu à M. et Aame [N].

3. Ces derniers ont assigné le département en indemnisation des préjudices résultant de la méconnaissance de leur droit de priorité.


Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. M. et Mme [Aa] font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes indemnitaires, alors :

« 1°/ que lorsque les immeubles expropriés sont des terrains agricoles au moment de leur expropriation et qu'une partie de ces terrains, non utilisée pour l'opération envisagée, est ensuite cédée par l'expropriant, les anciens propriétaires disposent d'une priorité pour leur acquisition ; que ce droit de priorité n'est pas subordonné à la démonstration de la non affectation de l'essentiel des parcelles expropriées à l'usage prévu par la déclaration d'utilité publique ; que la méconnaissance de ce droit de priorité des anciens propriétaire oblige l'expropriant à réparer le préjudice qui en est résulté ; qu'en déboutant pourtant, en l'espèce, les expropriés qui reprochaient à l'expropriant de n'avoir pas respecté leur droit de priorité, au prétexte que la condition de non-affectation à l'usage prévu n'était pas remplie, la cour d'appel a violé l'article L. 424-2 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique🏛 par refus d'application, ensemble l'article L. 421-1 du même code🏛 par fausse application, et l'article 1382, devenu 1240, du code civil🏛 ;

2°/ que toute personne a droit au respect de ses biens et ne peut en être privée que dans les conditions prévues par la loi et pour cause d'utilité publique ; que porte une atteinte disproportionnée à ce droit l'expropriant qui, après l'expropriation, n'utilise pas une partie des terrains expropriés et les revend en réalisant un profit important, sans les avoir proposés préalablement à leur ancien propriétaire ; qu'en jugeant pourtant que le département de l'Essonne avait pu revendre les terrains dont les époux [Aa] avaient été expropriés et qui n'avaient pas été utilisés pour l'usage prévu par la déclaration d'utilité publique, pour un prix plus de 3,5 fois supérieur à l'indemnité d'expropriation, sans les avoir proposés préalablement à leurs anciens propriétaires expropriés, la cour d'appel a consacré une atteinte disproportionnée aux droits des époux [Aa] au respect de leurs biens, en violation de l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »


Réponse de la Cour

5. D'une part, la cour d'appel a relevé, à bon droit, que le droit de priorité prévu par l'article L. 424-2 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique🏛 ne trouve sa cause qu'en cas de non-affectation de la parcelle expropriée au but d'intérêt général défini par la déclaration d'utilité publique et se rattache au droit de rétrocession prévu à l'article L. 421-1 du même code et, comme lui, ne s'applique pas aux portions de parcelles non utilisées pour l'usage prévu par la déclaration d'utilité publique si l'essentiel des parcelles expropriées a reçu cette destination.

6. Ayant retenu que les anciennes parcelles de M. et Mme [Aa] non affectées à l'usage prévu par la déclaration d'utilité publique ne représentaient que 3,2 % de la surface totale de l'opération d'expropriation, elle en a exactement déduit que la condition de non-affectation à l'usage prévu n'était pas remplie et que les expropriés ne bénéficiaient pas d'un droit de priorité lors de la cession à un tiers des parcelles concernées.

7. D'autre part, la cour d'appel, qui a retenu que l'expropriant avait réalisé l'opération en conformité avec le projet déclaré d'utilité publique, que les biens expropriés avaient été affectés dans leur quasi-totalité à l'usage prévu par ce projet d'intérêt général et que, dans ces conditions, les expropriés ne bénéficiaient pas d'un droit de priorité, n'a pas indûment privé ces derniers d'une plus-value ni porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de leurs biens garanti par l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

8. Le moyen n'est donc pas fondé.


PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. et Mme [Aa] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile🏛, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier mars deux mille vingt-trois. MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Gatineau, Ac et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour M. et MmAa [N]

M. et Mme [Aa] font grief à l'arrêt confirmatif attaqué D'AVOIR rejeté l'intégralité de leurs demandes, lesquelles tendaient à obtenir la condamnation du département de l'Essonne à leur verser les sommes de 56 006 € au titre de la réparation la perte de plus-value subie et de 1 068 065 € au titre de leur privation de jouissance,

1- ALORS QUE lorsque les immeubles expropriés sont des terrains agricoles au moment de leur expropriation et qu'une partie de ces terrains, non utilisée pour l'opération envisagée, est ensuite cédée par l'expropriant, les anciens propriétaires disposent d'une priorité pour leur acquisition ; que ce droit de priorité n'est pas subordonné à la démonstration de la non-affectation de l'essentiel des parcelles expropriées à l'usage prévu par la déclaration d'utilité publique ; que la méconnaissance de ce droit de priorité des anciens propriétaire oblige l'expropriant à réparer le préjudice qui en est résulté ; qu'en déboutant pourtant, en l'espèce, les expropriés qui reprochaient à l'expropriant de n'avoir pas respecté leur droit de priorité, au prétexte que la condition de non-affectation à l'usage prévu n'était pas remplie, la cour d'appel a violé l'article L. 424-2 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique🏛 par refus d'application, ensemble l'article L. 421-1 du même code🏛 par fausse application, et l'article 1382, devenu 1240, du code civil🏛.

2- ALORS QUE toute personne a droit au respect de ses biens et ne peut en être privée que dans les conditions prévues par la loi et pour cause d'utilité publique ; que porte une atteinte disproportionnée à ce droit l'expropriant qui, après l'expropriation, n'utilise pas une partie des terrains expropriés et les revend en réalisant un profit important, sans les avoir proposés préalablement à leur ancien propriétaire ; qu'en jugeant pourtant que le département de l'Essonne avait pu revendre les terrains dont les époux [Aa] avaient été expropriés et qui n'avaient pas été utilisés pour l'usage prévu par la déclaration d'utilité publique, pour un prix plus de 3,5 fois supérieur à l'indemnité d'expropriation, sans les avoir proposés préalablement à leurs anciens propriétaires expropriés, la cour d'appel a consacré une atteinte disproportionnée aux droits des époux [Aa] au respect de leurs biens, en violation de l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

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