Réf. : Cass. civ. 1, 16 février 2022, n° 21-19.061, F-B N° Lexbase : A63517NK
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N0596BZ4
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par Anne-Lise Lonné-Clément
Le 02 Mars 2022
► La seule circonstance que le retour de l'enfant auprès du parent à qui il a été illicitement enlevé affecte la situation nouvelle créée entre-temps par le parent ravisseur, aussi stable et favorable soit-elle, ne suffit pas à caractériser le risque grave ou la situation intolérable encourus en cas de retour ;
de même, la seule circonstance selon laquelle le père ne connaît pas l'enfant est impropre à caractériser l'exposition à un danger physique ou psychique, ou le placement dans une situation intolérable justifiant le refus d'ordonner le retour.
Tels étaient les deux arguments avancés par l’auteur du pourvoi et qui ont trouvé écho auprès de la Cour de cassation, dans son arrêt rendu le 16 février 2022, par lequel elle censure l’arrêt rendu par la cour d’appel de Basse-Terre.
Les textes. Pour rappel, la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 N° Lexbase : L6804BHH a pour objet d'assurer le retour immédiat dans l'État de leur résidence habituelle des enfants retenus illicitement dans tout autre État contractant.
Aux termes de l'article 13, alinéa 1er, b, de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980, le retour de l'enfant déplacé illicitement de sa résidence habituelle peut ne pas être ordonné lorsqu'il existe un risque grave que le retour n'expose l'enfant à un danger physique ou psychique, ou de toute autre manière ne le place dans une situation intolérable.
Et ces circonstances doivent être appréciées en considération primordiale de l'intérêt supérieur de l'enfant, en application de l'article 3, § 1, de la Convention de New York du 20 novembre 1989.
Interprétation stricte. Dans la lignée de sa jurisprudence, la Cour de cassation retient une lecture très stricte des dispositions de l'article 13, alinéa 1er, b, de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980, dont elle rappelle en l’espèce, qu’il en résulte qu’il ne peut être fait exception au retour immédiat de l'enfant que s'il existe un risque de danger grave ou de création d'une situation intolérable (cf. Cass. civ. 1, 7 décembre 2016, n° 16-20.858, F-P+B N° Lexbase : A3851SPC ; Cass. civ. 1, 13 février 2013, n° 11-28.424, FS-P+B+I N° Lexbase : A0545I8P ; cette jurisprudence contredit celle de la Cour européenne, « qui tend à faire du seul intérêt supérieur de l'enfant un obstacle à son retour » : cf. Adeline Gouttenoire, Déplacement illicite d'enfant : la difficile conciliation de l'obligation au retour et du respect de l'intérêt supérieur de l'enfant, Lexbase Droit privé, mars 2013, n° 520 N° Lexbase : N6287BTZ).
L’affaire. En l’espèce, pour dire n'y avoir lieu au retour de l'enfant au Canada, la cour d’appel de Basse-Terre avait retenu que l’enfant, aujourd'hui âgée de huit ans, était parfaitement intégrée en Guadeloupe où elle vivait avec sa mère depuis plus de quatre années et où elle bénéficiait d'un environnement familial, amical et scolaire favorable à son épanouissement intellectuel, social et affectif, et qu'il n'était apporté aucun élément sur les conditions du retour de l'enfant auprès de son père, qu'elle ne connaissait pas et avec lequel elle ne vivait pas au moment de son départ comme le révélait la décision de la Cour supérieure du Canada du 26 janvier 2015 ayant confié la garde de l'enfant à la mère et un droit de visite et d'hébergement au père (CA Basse-Terre, 8 mars 2021, n° 19/01165 N° Lexbase : A21014KZ).
Mais les arguments précités, avancés par l’auteur du pourvoi, ont trouvé écho auprès de la Cour suprême qui retient, comme dans les arrêts précités de 2013 et 2016, qu’en se déterminant par des motifs impropres à caractériser, au regard de l'intérêt supérieur de l'enfant, le danger grave encouru par celui-ci en cas de retour immédiat ou la situation intolérable qu'un tel retour créerait à son égard, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Pour aller plus loin : cf. ÉTUDE : L’autorité parentale sur la personne de l'enfant, Les aspects civils de l'enlèvement d'enfant, in L'autorité parentale, (dir. A. Gouttenoire), Lexbase N° Lexbase : E5830EYL. |
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Réf. : Cass. com., 16 février 2022, n° 20-13.542, FS-B N° Lexbase : A33447N8
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N0481BZT
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par Vincent Téchené
Le 01 Mars 2022
► L'action en parasitisme, fondée sur l'article 1382, devenu 1240, du Code civil, qui implique l'existence d'une faute commise par une personne au préjudice d'une autre, peut être mise en œuvre quels que soient le statut juridique ou l'activité des parties, dès lors que l'auteur se place dans le sillage de la victime en profitant indûment de ses efforts, de son savoir-faire, de sa notoriété ou de ses investissements.
Faits et procédure. La SPA a lancé une campagne nationale pour dénoncer la torture faite aux animaux dans le cadre de l'abattage, de l'expérimentation animale et de la corrida. L'association La Manif pour tous (la LMPT) a diffusé sur son site internet des « visuels » reprenant les codes et certains éléments de cette campagne, pour dénoncer la PMA sans père et la GPA. En outre, une fondation (la Fondation), qui agit au profit des personnes atteintes de maladies génétiques, a également repris des éléments de cette campagne nationale sur son site internet, pour dénoncer l'avortement « tardif » et l'euthanasie.
Considérant que ces faits étaient constitutifs de parasitisme, la SPA a assigné la LMPT et la Fondation sur le fondement de l'article 1382, devenu 1240, du Code civil N° Lexbase : L0950KZ9, aux fins d'indemnisation du préjudice en résultant.
C’est dans ces conditions que la LMPT a formé un pourvoi en cassation contre l’arrêt d’appel (CA Paris, Pôle 5, 2ème ch., 20 décembre 2019, n° 18/00470 N° Lexbase : A0740Z9B ; V. Téchené, Lexbase Affaires, janvier 2020, n° 621 N° Lexbase : N1943BYM) ayant fait droit aux demandes de la SPA, reprochant en substance à l’arrêt d’appel d’avoir retenu l'existence d'un parasitisme sans caractériser aucune finalité économique de la part de l’une (la SPA) ou de l'autre (la LMPT) de ces associations.
Décision. La Cour de cassation rejette toutefois le pourvoi.
Elle énonce que l'action en parasitisme, fondée sur l'article 1382, devenu 1240, du Code civil, qui implique l'existence d'une faute commise par une personne au préjudice d'une autre, peut être mise en œuvre quels que soient le statut juridique ou l'activité des parties, dès lors que l'auteur se place dans le sillage de la victime en profitant indûment de ses efforts, de son savoir-faire, de sa notoriété ou de ses investissements.
Or, l’arrêt d’appel a constaté d'abord que la SPA, dont la notoriété est établie auprès du public français qui la place en troisième position des associations caritatives les plus connues, justifie d'investissements publicitaires pour une opération de communication dénonçant la maltraitance animale, qui a été relayée dans des médias nationaux, et ensuite que l'association LMPT et la Fondation ont détourné ses affiches, sur leurs sites internet respectifs, pour traiter des causes qui leur sont propres, quelques jours seulement après le lancement de la campagne nationale de la SPA.
Dès lors, la Cour de cassation en conclut que la cour d'appel, qui a établi l'utilisation, par l'association LMPT et la Fondation, des outils de communication conçus et financés par la SPA, a pu en déduire, peu important la finalité de leurs campagnes respectives, qu'elles avaient commis des actes de parasitisme.
Observations. Pour la Cour de cassation, la concurrence déloyale ne se restreint pas aux entreprises. Ce fondement peut bien être utilisé par une association pour sanctionner le comportement d’une autre association. Sans le consacrer explicitement, la Haute juridiction avait retenu, dans un précédent arrêt non publié au Bulletin, qu’une association de défense des droits des locataires de locaux d’habitation peut exercer une action en concurrence déloyale contre une autre association démarchant ses militants, peu important qu’elle ait un caractère social et un but non lucratif (Cass. com., 12 mai 2021, n° 19-17.942, F-D N° Lexbase : A85974RT). Elle avait également admis que le Conseil national de l’ordre des médecins pouvait agir sur ce terrain à l’égard d’une entreprise (Cass. civ. 1, 12 décembre 2018, n° 17-27.415, F-P+B N° Lexbase : A7014YQT).
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Réf. : Cass. civ. 2, 17 février 2022, n° 20-19.493, F-B N° Lexbase : A40707N3
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N0467BZC
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par Laïla Bedja
Le 01 Mars 2022
► Les personnes physiques, dans l'exécution de l'activité donnant lieu à immatriculation aux registres ou répertoires que ce texte énumère, sont présumées ne pas être liées avec le donneur d'ordre par un contrat de travail ; l'existence d'un contrat de travail peut toutefois être établie lorsque ces personnes fournissent des prestations dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l'égard du donneur d'ordre ; ce lien est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné, le travail au sein d'un service organisé pouvant constituer un indice du lien de subordination lorsque l'employeur détermine unilatéralement les conditions d'exécution du travail.
Les faits et procédure. À la suite d'un contrôle en vue de la recherche des infractions de travail dissimulé, l'URSSAF a notifié à une société une lettre d'observations du 14 février 2013, suivie d'une mise en demeure de payer du 5 juin 2013. La société conteste le redressement.
La cour d’appel. Pour valider le redressement, la cour d’appel a dégagé le faisceau d’indices suivant pour démontrer le lien de subordination existant entre M. A et la société :
Cassation. Énonçant la solution précitée, la Haute juridiction casse et annule au visa des articles L. 242-1 N° Lexbase : L2690MAU et L. 311-11, alinéa 1er, du Code de la Sécurité sociale N° Lexbase : L5034ADS et L. 8221-6, I, du Code du travail N° Lexbase : L8160KGC. Le faisceau d’indices dégagé par la cour d’appel ne suffisait pas à caractériser l’existence d’un lien de subordination.
Pour aller plus loin : ÉTUDE : La rémunération et les autres avantages financiers, La qualification de salaire - Le lien de subordination, in Droit de la protection sociale, Lexbase N° Lexbase : E1670CTZ. |
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Réf. : Cass. civ. 1, 16 février 2022, n° 21-20.362, FS-B, QPC N° Lexbase : A33587NP
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N0491BZ9
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par Anne-Lise Lonné-Clément
Le 01 Mars 2022
► Il n’y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée à l’encontre de l’article 271 du Code civil, tel qu'interprété par la jurisprudence constante de la Cour de cassation, en ce que cet article entraînerait une rupture d'égalité des époux devant la loi, en prévoyant tout à la fois dans les éléments d'appréciation de la prestation compensatoire l'exclusion des droits successoraux réservataires d'un époux dont les parents sont encore en vie, et l'inclusion de l'actif reçu par l'autre par succession de ses parents déjà décédés ; la question posée ne présente pas un caractère sérieux selon la Cour de cassation.
En effet, selon l'article 271 du Code civil N° Lexbase : L3212INB, la prestation compensatoire est fixée selon les besoins de l'époux à qui elle est versée et les ressources de l'autre en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l'évolution de celle-ci dans un avenir prévisible. À cet effet, le juge prend en considération notamment le patrimoine estimé ou prévisible des époux, tant en capital qu'en revenu, après la liquidation du régime matrimonial et leurs droits existants et prévisibles.
Selon la jurisprudence de la Cour de cassation, la vocation successorale d'un époux à la date de la rupture du lien matrimonial ne constitue pas un droit prévisible au sens de ce texte (Cass. civ. 1, 6 octobre 2010, n° 09-10.989, F-P+B+I N° Lexbase : A2205GBB ; Cass. civ. 1, 23 octobre 2013, n° 12-24.391, F-D N° Lexbase : A4666KN7), s'agissant d'une simple espérance successorale, soumise à aléas, tandis qu'il y a lieu de prendre en compte les droits successoraux déjà existants à cette date (Cass. civ. 1, 28 février 2006, n° 04-17.695, F-D N° Lexbase : A4217DNI ; Cass. civ. 1, 6 octobre 2010, n° 09-65.301, F-D N° Lexbase : A3774GBE).
Les époux dont les parents de l'un sont encore en vie et ceux de l'autre sont décédés sont placés dans des situations objectivement différentes.
La différence de traitement qui en résulte est en rapport direct avec l'objet de la prestation compensatoire qui est de compenser la disparité créée dans les conditions de vie respectives des époux par la rupture du mariage.
La Cour de cassation estime alors qu’il n'existe pas d'atteinte au principe d'égalité entre les époux devant la loi.
Pour aller plus loin : cf. ÉTUDE : La prestation compensatoire, Les droits prévisibles et existants, in Droit du divorce, (dir. J. Casey), Lexbase N° Lexbase : E7559ET7. |
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Réf. : Cass. crim., 22 février, 21-83.226, F-B N° Lexbase : A68877NE
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N0580BZI
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par Vincent Téchené
Le 01 Mars 2022
► Justifie sa décision de déclarer une société coupable d'infraction à la législation sur les soldes la cour d'appel qui, d'une part, par une interprétation souveraine du contrat de commission-affiliation qui lie cette société à un commettant, établit qu'elle ne s'est pas bornée à écouler le stock qu'elle détenait, mais a effectué, au cours de la période de soldes, un réassortiment auprès de ce fournisseur qui constituait une entité juridique distincte et écoulait ainsi son propre stock, d'autre part, constate que les produits soldés n'avaient pas été proposés à la vente depuis au moins un mois.
Faits et procédure. Le 10 janvier 2018, premier jour des soldes d'hiver, les services de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes ont procédé au contrôle d’un magasin . Ils ont constaté que ce magasin était approvisionné par une société (le commettant) avec laquelle la société exploitant le magasin (le commissionnaire) était liée par un contrat de commission-affiliation, que 129 des 196 références vendues au premier jour des soldes avaient fait l'objet d'un réapprovisionnement dans les trente jours précédents, et que certaines marchandises étaient soldées le jour même de leur livraison dans le magasin.
La société commissionnaire a été poursuivie devant le tribunal correctionnel pour avoir, courant janvier 2018, vendu en solde des marchandises détenues depuis moins d'un mois.
Le premier juge et à sa suite la cour d’appel ayant condamné la prévenue, cette dernière a formé un pourvoi en cassation. Elle soutenait en substance qu’il n'y a pas réapprovisionnement si, comme en l’espèce, la société venderesse et son fournisseur sont étroitement liés et que son indépendance juridique et économique n'est que purement fictive.
Décision. La Cour de cassation relève que l'arrêt d’appel énonce que les deux entreprises contractantes sont deux entités juridiques indépendantes qui sont convenues d'une relation contractuelle de commission-affiliation dans laquelle le commettant fournit à l'affilié un stock de marchandises que celui-ci vend pour son compte en échange d'un pourcentage du chiffre d'affaires réalisé, de sorte que les produits du commettant sont placés en dépôt-vente chez le commissionnaire, lequel est rémunéré par une commission calculée par rapport au prix de vente.
En outre, les juges du fond précisent que le commettant n'est chargé ni de la gestion du fonds de commerce, ni du bail commercial et que l'affilié n'est ni propriétaire des stocks qui lui sont fournis, ni chargé de leur gestion.
Ils relèvent ensuite qu'il résulte des articles L. 310-5 N° Lexbase : L1896IEX, qui mentionne seulement la détention de marchandises, et L. 310-3 N° Lexbase : L5766LQM du Code de commerce, qui prévoit que les produits soldés doivent avoir été proposés à la vente depuis au moins un mois, que les produits annoncés comme soldés doivent avoir été détenus et proposés à la vente depuis plus d'un mois par la même société.
Ils retiennent que la société prévenue, qui propose les marchandises à la vente, constitue une entité juridique distincte de la société commettante, chacune disposant d'un stock propre même si la seconde approvisionne la première.
Ainsi, la cour d’appel en déduit que la détention des marchandises doit s'apprécier au regard de cette société commissionnaire venderesse qui ne saurait s'exonérer des obligations et interdictions découlant de l'application de la législation du Code du commerce, en sa qualité de commerçant procédant elle-même à des soldes, en tant que gestionnaire de son magasin et maître des prix affichés.
La cour d’appel en conclut que faire remonter la date de détention des marchandises dans l'établissement commercial dans lequel les ventes de produits soldés sont organisées à la détention des marchandises dans le dépôt d'un fournisseur juridiquement indépendant, aboutirait à vider la loi de son sens et générerait une inégalité économique au sein des différents commerces, les uns écoulant effectivement leurs stocks dépareillés, les autres vendant tous leurs articles régulièrement réapprovisionnés.
Pour la Cour de cassation, la cour d'appel a ainsi justifié sa décision. En effet, elle a établi que la prévenue ne s'est pas bornée à écouler le stock qu'elle détenait, mais a effectué, au cours de la période de soldes, un réassortiment auprès d'un fournisseur qui constituait une entité juridique distincte et écoulait ainsi son propre stock. Par ailleurs, il résulte des énonciations de l'arrêt que les produits soldés par la prévenue n'avaient pas été proposés à la vente depuis au moins un mois.
Par conséquent, la Haute juridiction rejette le pourvoi.
Observations. Comme l’invoquait la prévenue dans l’arrêt rapporté, la Cour de cassation a déjà retenu que, pendant une période de soldes, une société peut légalement s’approvisionner auprès d’une autre société à laquelle elle est étroitement liée, dès lors que les marchandises concernées ont été proposées à la vente et ont été payées par cette dernière société au moins un mois avant la période de soldes considérée (Cass. com., 2 juin 2004, n° 02-21-394, F-P+B N° Lexbase : A5157DCY).
Bien que cette interprétation ai été effectuée par la Cour de cassation sous l’empire d’une rédaction antérieure de l’article L. 310-3 du Code de commerce, rien ne semble la remettre en cause.
On relèvera, toutefois, que cet arrêt ne définit pas la notion de « sociétés étroitement liées ». À l'instar de la Commission d'examen des pratiques commerciales (CEPC), il nous semble possible de considérer comme telles des sociétés qui entretiennent des liens économiques suffisamment étroits pour considérer que le stock est localisé dans l’une ou l’autre société (CEPC, avis n° 21-11, 23 septembre 2021 N° Lexbase : X9820CMN ; V. Téchené, Lexbase Affaires, octobre 2021, n° 692 N° Lexbase : N9086BY8). Tel est le cas, par exemple des sociétés présentant des liens mères-filles au sens de l’article L. 233-1 du Code de commerce N° Lexbase : L9087KB8. Dans cet avis la CEPC estime d'ailleurs qu’en application des dispositions de l’article L. 310-3 du Code de commerce, dans le cadre d’un groupe, une filiale exploitant plusieurs points de vente de détail d’articles d’habillement sous forme de succursales apparaît pouvoir se réapprovisionner durant les périodes de soldes auprès de sa maison mère qui conçoit, fait fabriquer et stocke les produits de la marque du groupe, dès lors que cette maison mère a proposé à la vente et payé les marchandises concernées au moins un mois avant le début de la période de soldes considérée.
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Réf. : CEDH, 24 février 2022, Req. 21119/19, Association des familles des victimes de Joola c. France N° Lexbase : A06287PX
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N0611BZN
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par Adélaïde Léon
Le 02 Mars 2022
► L’octroi de l’immunité souveraine à un État dans une procédure civile poursuit le but légitime d’assurer le respect du droit international afin de favoriser la courtoisie et les bonnes relations entre États en garantissant le respect de la souveraineté des autres États ; ne s’écartent pas des normes internationales alors admises les juridictions internes qui, pour accorder une telle immunité à des dirigeants sénégalais, constatent que les violations litigieuses étaient imputées à des personnes impliquées à un niveau élevé de l’État et résultaient d’un exercice de la souveraineté du Sénégal, et que les infractions reprochées ne relevaient pas des exceptions au principe de l’immunité des représentants de l’État dans l’expression de sa souveraineté.
Rappel des faits et de la procédure. Le 26 septembre 2002, au large des côtes de la République de Gambie, le navire le Joola faisait naufrage dans les eaux internationales. 1 863 des 1 928 passagers et hommes d’équipage embarqués ont trouvé la mort ou ont été portés disparus, parmi lesquels plusieurs ressortissants français. Une plainte a été déposée en France par l’unique survivant français ainsi que plusieurs ayants droit des victimes françaises décédées ou disparues. Après avoir procédé à une analyse juridique du navire, lequel était hybride, car marqué par le caractère mixte de son exploitation entre militaire et commerciale, le juge d’instruction a prononcé un non-lieu en raison de l’immunité de juridiction dont bénéficiaient les personnes mises en cause.
Par un arrêt du 14 juin 2016, la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris a confirmé l’ordonnance du juge d’instruction. Elle relevait, d’une part, que l’équipage du navire qui avait coulé en haute mer était commandé et encadré par des officiers de la marine nationale sénégalaise, et géré par le ministère des forces, d’autre part, que les personnes contre lesquelles il existait des charges suffisantes agissaient au moment des faits dans l’exercice de l’autorité étatique et, enfin, qu’en l’état du droit international, les infractions visées n’étaient pas de nature à priver d’effet l’immunité de juridiction.
Les parties civiles ont formé un pourvoi en cassation qui fut rejeté par la Chambre criminelle (Cass. crim., 16 octobre 2018, n° 16-84.436, FS-P+B N° Lexbase : A9883YG7).
Requête. L’Association des familles des victimes du Joola, avait alors introduit une requête devant la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) soutenant que l’octroi de l’immunité aux responsables du naufrage constituait une restriction disproportionnée de son droit d’accès à un tribunal. Elle affirmait que les violations aux règlements internationaux de navigation et de sécurité étaient des actes qui ne participaient pas à l’exercice de la souveraineté de l’État sénégalais et ne pouvaient donc bénéficier de l’immunité retenue.
Décision. La CEDH déclare la requête irrecevable.
Après avoir rappelé le droit de chacun à ce qu’un tribunal connaisse de toute contestation relative à ses droits et obligations de caractère civil, la Cour souligne que le droit d’accès aux tribunaux n’est pas absolu. Il souffre en effet de limitations implicitement admises induites par la règlementation des États qui jouissent d’une certaine marge d’appréciation. Il appartient précisément à la Cour de contrôler que ces limitations tendent à un but légitime et qu’il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.
En l’espèce, la Cour reconnait que l’association a subi une limitation de son droit d’accès à un tribunal en ce qu’elle n’a pu bénéficier d’un procès ou il serait débattu de la responsabilité pénale des dirigeants sénégalais de l’époque du naufrage.
La CEDH note que le but légitime poursuivi était d’observer le droit international afin de favoriser la courtoisie et les bonnes relations entre États en garantissant le respect de la souveraineté des autres États. La Cour constate qu’aucune raison ne conduit en l’espèce à mettre en cause la légitimité de ce but.
S’agissant de la proportionnalité de la restriction litigieuse, la Cour constate que les juridictions internes ont accordé l’immunité litigieuse en se conformant aux normes internationales actuellement admises. Par ailleurs, elles n’ont pas opposé de refus d’informer en raison de l’immunité des personnes concernées. Des investigations particulièrement minutieuses et exhaustives ont au contraire été menées sur les faits et ont conduit les autorités à retenir que ceux-ci présentaient le caractère matériel de l’infraction d’homicide involontaire et qu’il y avait lieu de réparer les préjudices en résultant.
Enfin, la CEDH souligne que les juridictions internes avaient elles-mêmes constaté que, si les parties civiles étaient effectivement empêchées par l’immunité de juridiction de demander publiquement la réparation de leurs préjudices, elles disposaient de voies de recours civiles à cette fin. En conséquence, la Cour affirme que la requérante et les autres parties civiles ne se sont pas trouvées dans une situation d’absence de tout recours.
La CEDH conclut donc qu’elle ne relève rien d’arbitraire ni de déraisonnable dans l’interprétation donnée par les juridictions internes aux principes de droits applicables ni dans la manière dont elles les ont appliqués au cas d’espèce.
Pour aller plus loin : C. Lacroix, Joola : Un procès échoué sur les récifs de l’immunité de juridiction, Lexbase Pénal, novembre 2018 N° Lexbase : N6415BXU. |
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newsid:480611
Réf. : CE, 3° et 8° ch.-r., 14 février 2022, n° 431760, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A25697NH
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N0526BZI
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par Yann Le Foll
Le 02 Mars 2022
► Le retrait de l'acte portant nomination de l'agent désigné pour remplacer un agent illégalement évincé et réintégré dans l'emploi unique qu'il occupait, prononcé pour l'exécution d'un jugement d'annulation, ne constitue pas une mesure de licenciement et peut intervenir sans que soit recherché au préalable le reclassement de l'intéressé.
Faits. M. X a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler, d'une part, l'arrêté n° ARR1600525 du 8 mars 2016 par lequel le président de la collectivité territoriale de Corse a retiré son arrêté de nomination en qualité de directeur de l'agence de tourisme de la Corse et a mis fin à ses fonctions à compter du 14 mars 2016, ainsi que le rejet implicite de son recours gracieux contre cette décision, et d'autre part, l'arrêté n° ARR1600526 du 8 mars 2016 par lequel cette même autorité a réintégré M. Y dans ses fonctions de directeur de l'agence du tourisme de la Corse à compter du 14 mars 2016.
1ère instance. Par un jugement n°s 1600571, 1600573 du 16 mars 2017 N° Lexbase : A1833W7Z, le tribunal administratif de Bastia a annulé l'arrêté n° ARR1600525 du 8 mars 2016 et le rejet implicite du recours gracieux formé par M. X contre cette décision, a enjoint à la collectivité territoriale de Corse de le réintégrer dans un délai de deux mois suivant sa notification et rejeté le surplus des conclusions de sa demande.
Appel. Par un arrêt n° 17MA01858 du 23 avril 2019 N° Lexbase : A2504ZD4, la cour administrative d'appel de Marseille a, sur appel de la collectivité territoriale de Corse, annulé les articles 2 et 3 de ce jugement et rejeté la demande tendant à l'annulation de l'arrêté n° ARR1600525 du 8 mars 2016 et du rejet implicite de son recours gracieux formé contre cette décision.
Décision. Appliquant le principe précité, la Haute juridiction énonce que le moyen tiré de ce que la cour aurait commis une erreur de droit et inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis en jugeant que le retrait de l'arrêté portant nomination du requérant comme directeur de l'agence du tourisme de la Corse ne pouvait être regardé comme une mesure de licenciement et pouvait être prononcé sans préavis et sans que soit recherché au préalable son reclassement doit être écarté.
Pour rappel, il a déjà été jugé que lorsque le juge administratif annule une décision ayant évincé un fonctionnaire d'un emploi unique, l'intéressé bénéficie, en exécution de cette annulation, d'un droit à réintégration dans l'emploi unique dont il a été écarté, sans que l'employeur puisse lui opposer la nomination de son successeur à ce poste (CE, 8 avril 2009, n° 289314, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A6391EGS).
Pour aller plus loin :
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newsid:480526
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par Yann Le Foll
Le 04 Mars 2022
Les évènements dramatiques qui se déroulent actuellement dans l’est de l’Europe accaparent l’espace médiatique, laissant la portion congrue à la campagne présidentielle qui semble même avoir disparu des centres d’intérêts des citoyens. L’impossibilité pour de nombreux candidats de faire valoir leur programme peut amener à se demander s’il ne serait pas plus sage de reporter le scrutin à un stade plus calme géopolitiquement. Jean-Pierre Camby, Professeur de droit public, Université Versailles Saint-Quentin Paris Saclay, et Jean-Eric Schoettl, secrétaire général du Conseil constitutionnel de 1997 à 2007 et conseiller d'État honoraire, répondent à nos questions sur ce sujet.
Lexbase : La Constitution permet-elle de reporter le scrutin ? Si oui, dans quels cas de figure ?
Jean-Pierre Camby et Jean-Eric Schoettl : Sur la durée du mandat présidentiel, les articles 6 N° Lexbase : L1325A9X et 7 N° Lexbase : L1339A9H de la Constitution verrouillent tout. En vertu de l’article 7, l'élection du nouveau Président a lieu vingt jours au moins et trente-cinq jours au plus avant l'expiration des pouvoirs du Président en exercice et la durée de ces pouvoirs est fixée à cinq ans par l’article 6, sauf décès, vacance ou empêchement définitif. L’article 7 de la Constitution, la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962, relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel N° Lexbase : L5341AGW, et le décret n° 2001-213 du 8 mars 2001 en portant application N° Lexbase : L1198AS8 qui précisent le calendrier ne permettent un report qu’en cas de décès ou d’empêchement d’un candidat (adjonctions de 1976). Ce sont les seuls cas prévus par les textes, qui ne comprennent pas l’éventualité d’une campagne électorale perturbée par des faits exogènes ou des circonstances exceptionnelles.
À ce stade, pour différer le scrutin de six mois, il faudrait donc réviser la Constitution en catastrophe (avec lecture dans chaque chambre et la réunion du congrès ou référendum...). Et comment gérer la procédure électorale en cours (comptes de campagne, parrainages, équité d’accès aux medias...) ? Faudrait-il la déclarer nulle et non avenue afin de tout recommencer ?
C’est impensable.
Lexbase : Quel serait le délai de ce report ? Comment cela s'effectuerait-il ?
Jean-Pierre Camby et Jean-Eric Schoettl : Le Conseil constitutionnel saisi par le Président de la République, le Premier ministre, le Président de l’une des assemblées, 60 députés ou sénateurs, par toute personne ayant fait l'objet d'au moins une présentation, notamment tout candidat du premier tour, peut se prononcer dans les cas ci-dessus. Le report du scrutin ne peut excéder 35 jours après sa décision.
Lexbase : Le conflit ukrainien serait-il un motif de report de l'élection présidentielle s'il était amené à s'aggraver ?
Jean-Pierre Camby et Jean-Eric Schoettl : La réponse est négative, sauf si la France déclare la guerre ou si le conflit atteint le territoire français. Il n’en demeure pas moins que le conflit perturbe lourdement la campagne. Un des candidats présumés joue un rôle clé dans cette crise et dans le pays (en tant que président en exercice), mais il ne s’est pas publiquement déclaré à ce jour (1er mars) comme candidat (alors que la campagne est ouverte depuis le 1 er juillet 2021). L’impact de la crise ukrainienne sur la campagne est encore plus fort que celui de l’affaire Fillon en 2017. Le débat électoral s’en trouve dévoyé.
Lexbase : Qu'en est-il du recours à l'article 16 de la Constitution N° Lexbase : L1273A9Z (pleins pouvoirs au président de la République) ?
Jean-Pierre Camby et Jean-Eric Schoettl : Les conditions qui tiennent à l’intégrité du territoire ou à l’indépendance nationale… et à l’interruption du fonctionnement régulier des pouvoirs publics ne sont pas réunies. Nous ne sommes pas davantage en état de siège.
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Réf. : Arrêté du 24 février 2022 pris en application de l’article 1411 du code de procédure civile N° Lexbase : L5665MBG
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N0569BZ4
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par Alexandra Martinez-Ohayon
Le 02 Mars 2022
► Un arrêté du 24 février 2022 pris en application de l’article 1411 du Code de procédure civile N° Lexbase : L5420L8A relatif à la procédure d’injonction de payer a été publié au Journal officiel du 26 février 2022, en parallèle notamment des dispositions du 20° de l’article 1er du décret n° 2022-245 du 25 février 2022 favorisant le recours à la médiation, portant application de la loi pour la confiance dans l’institution judiciaire et modifiant diverses dispositions N° Lexbase : L5564MBP.
Cet arrêté vient préciser les modalités de mise à disposition par voie électronique des documents justificatifs produits à l’appui de la requête d’injonction de payer, réalisée par les huissiers de justice.
En effet, aux termes des dispositions du 20° de l’article 1er du décret le premier aliéna de l’article 1411 du Code de procédure civile est remplacé par les deux alinéas suivants :
« Une copie certifiée conforme de la requête accompagnée du bordereau des documents justificatifs et de l'ordonnance revêtue de la formule exécutoire est signifiée, à l'initiative du créancier, à chacun des débiteurs. L'huissier de justice met à disposition de ces derniers les documents justificatifs par voie électronique selon des modalités définies par arrêté du garde des Sceaux, ministre de la Justice.
« Si les documents justificatifs ne peuvent être mis à disposition par voie électronique pour une cause étrangère à l'huissier de justice, celui-ci les joint à la copie de la requête signifiée. »
L’arrêté prévoit notamment :
Pour aller plus loin :
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Réf. : CE, 8° et 3° ch.-r., 11 février 2022, n° 446801, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A09797NL
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N0517BZ8
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par Marie-Claire Sgarra
Le 01 Mars 2022
► Le Conseil d’État a donné des précisions sur la notion d’intermédiaire dans le cadre d’un litige portant sur l’activité d’une société britannique qui achetait de l’or et des métaux précieux à des particuliers avec l’aide d’une société française.
Les faits :
La taxe forfaitaire sur les cessions à titre onéreux de métaux précieux, de bijoux, d'objets d'art, de collection ou d'antiquité est supportée par le vendeur ou l'exportateur. Elle est due par l'intermédiaire domicilié fiscalement en France participant à la transaction et sous sa responsabilité ou, à défaut, par le vendeur ou l'exportateur.
La taxe est égale à 7,5 % du prix de cession ou de la valeur en douane des métaux précieux et à 4,5 % du prix de cession ou de la valeur en douane des bijoux et objets d'art, de collection ou d'antiquité.
Lorsque la cession est réalisée avec la participation d'un intermédiaire fiscalement domicilié en France, cet intermédiaire dépose une déclaration conforme à un modèle établi par l'administration retraçant les éléments servant à la liquidation de la taxe. Un intermédiaire s'entend de toute personne domiciliée fiscalement en France participant à la transaction qui agit au nom et pour le compte du vendeur ou de l'acquéreur, ou qui fait l'acquisition du bien en son nom concomitamment à sa revente à un acquéreur final.
En l’espèce :
La cour administrative a déduit de ces constatations que si la société E avait une activité d'entremise et était le relais en France de la société britannique, elle n'agissait pas au nom et pour le compte de la société britannique, de sorte que, nonobstant son intervention auprès des clients français lors de ces transactions, elle ne pouvait être regardée comme un intermédiaire.
Raisonnement validé par le Conseil d’État qui rejette ainsi le pourvoi du ministre.
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