Lexbase Affaires n°275 du 1 décembre 2011

Lexbase Affaires - Édition n°275

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[A la une] Cette semaine dans Lexbase Hebdo - édition affaires...

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N9053BS4

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par Vincent Téchené, Rédacteur en chef de Lexbase Hebdo - édition affaires
Sous la Direction de Deen Gibirila, Professeur à la Faculté de droit et science politique, Université Toulouse I Capitole

Le 01 Décembre 2011


Baux commerciaux. Alors que l'article 1er du premier protocole additionnel de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales protège le droit de propriété, l'article 14 de la CESDH interdit de son côté toute discrimination, notamment fondée l'origine nationale. Souvent invoquées devant les juridictions nationales afin de rendre inefficaces des dispositions qui leurs seraient contraires, ces principes ont amené récemment la Cour de cassation à priver d'effet une disposition du statut des baux commerciaux. En l'espèce, des locaux à usage commercial avaient été donnés à bail. Le bailleur avait judiciairement sollicité l'annulation de la demande de renouvellement délivrée par le preneur en raison de sa nationalité étrangère, en se fondant sur les dispositions de l'article L. 145-13 du Code de commerce. Ainsi, dans son arrêt du 9 novembre 2011, soumis à la plus large publicité (Cass. civ. 3, 9 novembre 2011, n° 10-30.291, FS-P+B+R+I) et sur lequel nous vous invitons à lire cette semaine les observations de Julien Prigent, avocat à la cour d'appel de Paris, Directeur scientifique de l’Ouvrage "baux commerciaux", la troisième chambre civile par une substitution de motifs énonce solennellement que l'article L. 145-13 du Code de commerce (N° Lexbase : L5741AIH), en ce qu'il subordonne, sans justification d'un motif d'intérêt général, le droit au renouvellement du bail commercial, protégé par l'article 1er du 1er protocole additionnel de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, à une condition de nationalité, constitue une discrimination prohibée par l'article 14 de cette même Convention. Lire La condition du droit au renouvellement liée à la nationalité du preneur est contraire à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales (N° Lexbase : N9061BSE).
Boursier. Révélée par la crise financière de 2008, l'affaire "Madoff" a marqué les esprits tant par l'ampleur de la fraude orchestrée que par ses conséquences pour les investisseurs, particuliers, professionnels et institutions. Cette affaire a d'autant plus d'impact qu'elle a mis en lumière les risques posés par un certain type de véhicule d'investissement, le hedge fund. Rendues par l'AMF le 21 octobre 2011, les deux décisions de sanction à l'encontre des sociétés de gestion de portefeuille ALF et EIM, sur lesquelles nous vous invitons à lire cette semaine l'analyse d'Emilie Mazzei, ATER à l'Université de Paris I Panthéon Sorbonne, mettent en exergue l'obligation de vigilance, de sérieux et de professionnalisme exigée des acteurs de la gestion collective. En effet, dans le cadre de la multigestion alternative, cette obligation est essentielle : le risque d'investissement y est particulièrement élevé, la politique d'investissement des hedge funds n'étant pas totalement transparente. Ce manque de transparence a d'ailleurs facilité, sinon permis, la réalisation du montage frauduleux de Bernard Madoff, comme le montrent les cas d'espèce. La justification des sanctions prononcées particulièrement intéressante, pose plusieurs questions : d'une part, la question est de savoir si la fraude "Madoff" aurait, éventuellement, pu être apprécié dans le cadre des procédures de sélection des fonds alternatifs. La seconde question était de savoir si, de toutes les façons, le manque de transparence des politiques de gestion des fonds "Madoff" n'aurait pas dû alerter les sociétés de gestion, rendant rédhibitoires l'investissement dans de tels fonds. Lire Affaire "Madoff" et multigestion alternative (N° Lexbase : N9039BSL).

newsid:429053

Bancaire

[Brèves] Précision du dispositif applicable au PERP

Réf. : Décret n° 2011-1635 du 23 novembre 2011, relatif au plan d'épargne retraite populaire (N° Lexbase : L2662IRZ) et arrêté du 23 novembre 2011, relatif au plan d'épargne retraite populaire (N° Lexbase : L2658IRU)

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N9050BSY

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Le 01 Décembre 2011

Le plan d'épargne retraite populaire (PERP) a été créé par l'article 108 de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003, portant réforme des retraites (N° Lexbase : L9595CAM), puis codifié à l'article L. 144-2 du Code des assurances (N° Lexbase : L3193INL). Un décret (décret n° 2011-1635 du 23 novembre 2011, relatif au plan d'épargne retraite populaire N° Lexbase : L2662IRZ) et un arrêté (arrêté du 23 novembre 2011, relatif au plan d'épargne retraite populaire N° Lexbase : L2658IRU), publiés au Journal officiel du 25 novembre 2011, précisent ce dispositif. Le décret du 23 novembre 2011 codifie les dispositions du décret n° 2004-342 du 21 avril 2004, relatif au plan d'épargne retraite populaire (PERP) (N° Lexbase : L1621DYP), et prend en considération les modifications législatives et réglementaires intervenues depuis. Il tire également les conséquences pratiques des premières années de commercialisation du produit et simplifie les règles de gouvernance. Il s'agit en particulier de prévoir que l'assemblée générale d'une association souscriptrice pourra examiner la situation des différents PERP souscrits et non plus d'un seul. En outre, le décret autorise la fusion des organes de gouvernance de l'association et du plan lorsqu'une association n'a souscrit qu'un plan, applique les règles de droit commun en ce qui concerne les quorums et permet une gestion pluriannuelle du budget de fonctionnement du plan. Enfin, il supprime les règles trop détaillées relatives à l'organisation du comité de surveillance du plan. L'arrêté du 23 novembre 2011 précise, quant à lui, les dispositions particulières relatives au plan d'épargne retraite populaire. Il en fixe les modalités techniques et révise le dispositif de gouvernance du plan. Ces textes sont entrés en vigueur le lendemain de leur publication. Les parties à un plan établi avant la publication du décret auront jusqu'au 31 décembre 2012 pour se mettre en conformité avec ces dispositions.

newsid:429050

Bancaire

[Brèves] Principe de vigilance, charge de la preuve et contentieux bancaire

Réf. : Cass. com., 22 novembre 2011, n° 10-30.101, F-P+B (N° Lexbase : A0013H3U)

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N9049BSX

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Le 01 Décembre 2011

Dans un arrêt du 22 novembre 2011, la Chambre commerciale de la Cour de cassation rappelle les règles de charge de la preuve dans le cadre des contentieux opposant banques et clients. Elle précise en outre les obligations de vigilance du banquier (Cass. com., 22 novembre 2011, n° 10-30.101, F-P+B N° Lexbase : A0013H3U). En l'espèce, une société titulaire d'un compte ouvert dans les livres d'une banque, a démarché une clientèle de particuliers pour les inciter à procéder à des placements auprès de sociétés d'investissements dont une société de droit irlandais. Cette dernière a ouvert un compte dans la même banque, sur lequel la société démarcheuse a déposé les chèques émis par les particuliers à son profit. Mise en liquidation judiciaire, cette dernière n'a pas été en mesure de restituer les fonds qu'elle a reçus. Dans ces circonstances, un certain nombre de victimes ont assigné la banque, lui reprochant d'avoir commis diverses fautes lors de l'ouverture et du fonctionnement du compte de la société irlandaise. Les juges du fond ont retenu la faute de la banque et l'ont condamnée à payer aux demandeurs diverses sommes. La banque a alors formé un pourvoi en cassation. Selon l'arrêt attaqué, la banque aurait dû faire preuve d'une vigilance particulière : en effet, la société irlandaise entendait se livrer à la réception des fonds et à la fourniture de crédits, de services financiers et de prestations de services d'investissements, le fonctionnement du compte présentait des mouvements très nombreux sans justification apparente, de nombreux chèques avaient été émis à l'ordre de la banque avec ou non indication d'un second bénéficiaire. Si cette obligation de vigilance est confirmée, c'est sur la base de l'article 1315 du Code civil (N° Lexbase : L1426ABG) que l'arrêt d'appel encourt la censure : la cour d'appel a retenu comme base de calcul des indemnisations le montant des chèques émis ainsi que le montant des contrats souscrits auprès de la société irlandaise. Or, la banque contestait d'une part, les principes appliqués par le premier juge quant à la preuve du préjudice subi dans le cadre de l'indemnisation et d'autre part, le préjudice subi par les victimes. Selon la cour d'appel, elle n'apportait pas d'éléments permettant d'étayer de telles contestations. En statuant ainsi, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve.

newsid:429049

Bancaire

[Brèves] Etendue du contrôle des modifications apportées à la forme juridique d'un établissement de crédit

Réf. : CE 9° et 10° s-s-r., 21 novembre 2011, n° 321356, mentionné au tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A9929HZR)

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N8976BSA

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Le 01 Décembre 2011

Dans un arrêt du 21 novembre 2011, le Conseil d'Etat s'est prononcé sur les pouvoirs du CECEI dans sa mission de contrôle des modifications apportées à la situation des entreprises assujetties, modification portant en l'espèce sur la forme juridique de ces dernières (CE 9° et 10° s-s-r., 21 novembre 2011, n° 321356, mentionné au tables du recueil Lebon N° Lexbase : A9929HZR). En premier lieu , il énonce que le Comité des établissements de crédit et des entreprises d'investissement (aujourd'hui l'Autorité de contrôle prudentiel) tient des articles L. 511-10 (N° Lexbase : L8132G3L) et L. 511-12-1 (N° Lexbase : L2150ICM) du Code monétaire et financier, le pouvoir de subordonner l'autorisation d'une modification de la forme juridique d'un établissement de crédit à la renonciation, par cet établissement, à la modification envisagée de certaines clauses de ses statuts, pour autant que cette exigence ait été justifiée par l'objectif de préservation de l'équilibre de la structure financière de l'établissement et du bon fonctionnement du système bancaire. En revanche, aucune disposition ne lui donnait compétence pour imposer à cet établissement de lui soumettre, pour autorisation préalable, tout projet de modification de ses statuts, au-delà des clauses contestées permettant à un gérant révoqué de continuer à exercer ses fonctions jusqu'à son remplacement et de percevoir une éventuelle indemnité et des clauses limitant la possibilité pour un actionnaire de détenir 8 % ou plus des droits de vote exprimés aux assemblées générales. Par suite, la décision attaquée du Comité des établissements de crédit et des entreprises d'investissement est entachée d'incompétence dans cette mesure. D'autre part, le Conseil retient que s'il résulte du premier alinéa de l'article L. 225-125 du Code de commerce (N° Lexbase : L1417HIC) que les statuts peuvent limiter le nombre de voix dont chaque actionnaire dispose dans les assemblées, sous la condition que cette limitation soit imposée à toutes les actions sans distinction de catégorie, autres que les actions à dividende prioritaire sans droit de vote, ces dispositions ne font pas obstacle à ce que le Comité des établissements de crédit et des entreprises d'investissement, sur le fondement des dispositions précitées du Code monétaire et financier, exige de l'établissement de crédit, pour l'autoriser à modifier sa forme juridique, qu'il renonce à l'adoption d'une clause statutaire limitant le nombre de voix dont chaque actionnaire dispose dans les assemblées, dès lors qu'une telle clause, eu égard au niveau envisagé, aurait eu pour effet de modifier l'actionnariat de l'établissement dans des proportions susceptibles d'affecter l'équilibre de sa structure financière.

newsid:428976

Baux commerciaux

[Jurisprudence] La condition du droit au renouvellement liée à la nationalité du preneur est contraire à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales

Réf. : Cass. civ. 3, 9 novembre 2011, n° 10-30.291, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A8907HZW)

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N9061BSE

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par Julien Prigent, avocat à la cour d'appel de Paris, Directeur scientifique de l'Encyclopédie "Baux commerciaux"

Le 01 Décembre 2011

L'article L. 145-13 du Code de commerce (N° Lexbase : L5741AIH), en ce qu'il subordonne, sans justification d'un motif d'intérêt général, le droit au renouvellement du bail commercial, protégé par l'article 1er du 1er protocole additionnel de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales (N° Lexbase : L1625A29), à une condition de nationalité, constitue une discrimination prohibée par l'article 14 de cette même Convention (N° Lexbase : L4747AQU). Tel est l'enseignement d'un arrêt de la Cour de cassation du 9 novembre 2011.
En l'espèce, des locaux à usage commercial avaient été donnés à bail. Le bailleur avait judiciairement sollicité l'annulation de la demande de renouvellement délivrée par le preneur en raison de sa nationalité étrangère, en se fondant sur les dispositions de l'article L. 145-13 du Code de commerce.

I - L'impossibilité relative du preneur étranger de se prévaloir d'un droit au renouvellement

Aux termes de l'article L. 145-13 du Code de commerce, les dispositions de la présente section ("Section 3 : du renouvellement") ne peuvent être invoquées par des commerçants, industriels ou personnes immatriculées au répertoire des métiers de nationalité étrangère, agissant directement ou par personne interposée.

Il a été précisé que ces dispositions n'étaient applicables qu'au moment du renouvellement et non en cours de bail (TGI Paris, 18ème ch., 14 juin 2011, n° 10/14392 N° Lexbase : A6796HWM). Plus précisément, la condition de nationalité du preneur devait être remplie au jour où il forme une demande de renouvellement (Cass. com., 13 avril 1961, n° 58-10.389 N° Lexbase : A2548AUW), à l'instar des autres conditions du droit au renouvellement (voir par exemple à propos de l'immatriculation : Cass. civ. 3, 18 mai 2005, n° 04-11.985, FS-P+B N° Lexbase : A3790DI9 ; Cass. civ. 3, 1er juin 2010, n° 08-21.795, F-D N° Lexbase : A2117EY3).

L'article L. 145-13 envisage cependant trois catégories de dérogations.

Tout d'abord, il exclut les preneurs de nationalité étrangère du droit au renouvellement "sous réserve des dispositions de la loi du 28 mai 1943 relative à l'application aux étrangers des lois en matière de baux à loyer et de baux à ferme". L'article 1er de la loi du 28 mai 1943 dispose que "nonobstant toutes dispositions restrictives, les lois de droit commun ou d'exception, relatives aux baux à loyer et aux baux à ferme, réservent nécessairement le cas des ressortissants étrangers des pays qui offrent aux français les avantages d'une législation analogue, ainsi que celui des ressortissants étrangers dispensés par convention internationale de cette réciprocité, et sont en conséquence applicables à ces étrangers". L'article 2 de cette loi précise que "sont considérés comme dispensant de la réciprocité législative prévue à l'article 1er les traités diplomatiques qui admettent directement ou indirectement l'assimilation de l'étranger au national dans le domaine des droits civils, ou au moins dans celui régi par la loi dont l'application est revendiquée".

Ainsi, à ce titre et à l'époque où l'arrêt a été rendu, les preneurs de nationalités marocaines pouvaient invoquer un droit au renouvellement au motif que la loi marocaine comportait des dispositions analogues à la législation française en matière de bail commercial qui, compte tenu de l'absence de discrimination en fonction de la nationalité, étaient applicables aux ressortissants français (CA Paris, 16ème ch., sect. B, 4 juin 1999, n° 1997/16986 N° Lexbase : A9374A7C).

En vertu d'accords bilatéraux conclus entre la Chine et la France, et entre la Russie et la France, il a également été jugé qu'un ressortissant chinois (CA Paris, 16ème ch., sect. ch., B, 1er juillet 1992, n° 90/025254 N° Lexbase : A5911A4P) ou russe (CA Paris, 16ème ch., sect. A, 13 septembre 1994, n° 93/11525 N° Lexbase : A9432A7H) pouvait se prévaloir en France d'un droit au renouvellement.

Ensuite, l'article L. 145-13 du Code de commerce institue une deuxième dérogation à la condition nationalité pour les preneurs ayant, pendant les guerres de 1914 et de 1939, combattu dans les armées françaises ou alliées, ou ayant des enfants français. Le fait que le législateur ait employé le pluriel à propos "des enfants" n'impliquait pas que le preneur dût avoir plusieurs enfants pour pouvoir bénéficier du droit au renouvellement (CA Paris, 16ème ch., sect. A, 14 octobre 1998, n° 1996/17510 N° Lexbase : A9373A7B).

Enfin, l'article L. 145-13 du Code de commerce déroge également à la condition de nationalité qu'il édicte au profit des ressortissants d'un Etat membre de "la Communauté européenne" ou d'un Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen. Ces dispositions de l'alinéa 2 de l'article L. 145-13 ne s'appliquent qu'aux baux conclus ou renouvelés postérieurement à la suppression des restrictions à la liberté d'établissement ou à la libre prestation des services (décret n° 53-960 du 30 septembre 1953, art. 39 N° Lexbase : L3482AHG). Il doit être rappelé que depuis l'entrée en vigueur du Traité de Lisbonne le 1er décembre 2009, l'Union européenne a substitué la Communauté européenne.

Dans l'arrêt rapporté, le preneur était de nationalité turque et n'avait pu invoquer à son profit, pour bénéficier d'un droit au renouvellement, l'une des dérogations prévues par la loi à la condition de nationalité française, notamment l'existence d'une convention internationale (voir en ce sens, CA Paris, 16ème ch., sect. A, 14 octobre 1998, n° 1996/17510, préc.).

II - La possibilité pour le bailleur de renoncer à se prévaloir des conditions auxquelles est subordonné le bénéfice du statut des baux commerciaux ou du droit au renouvellement

En l'espèce, la cour d'appel avait néanmoins reconnu au preneur de nationalité étrangère un droit au renouvellement en se fondant sur une renonciation du bailleur à se prévaloir des dispositions de l'article L. 145-13 du Code de commerce.

Il est en effet toujours possible pour un bailleur, de manière plus générale, de renoncer à se prévaloir du défaut de l'une ou des conditions du droit au renouvellement, par exemple l'absence d'immatriculation du preneur (Cass. civ. 3, 19 avril 2000, n° 98-13.396, inédit N° Lexbase : A9328ATN) ou l'absence d'exploitation d'un fonds de commerce (Cass. civ. 3, 23 novembre 2010, n° 09-68.687, F-D N° Lexbase : A7581GLD).

Selon une jurisprudence constante, si la renonciation à se prévaloir de l'une des conditions du droit au renouvellement peut être tacite, c'est à la condition qu'elle soit non équivoque (Cass. civ. 3, 19 avril 2000, n° 98-13.396, préc. ; Cass. civ. 3, 23 novembre 2010, n° 09-68.688, F-D N° Lexbase : A7582GLE)

Dans l'arrêt commenté, les juges du fond (CA Paris, Pôle 5, 3ème ch., 2 décembre 2009, n° 08/05711 N° Lexbase : A7391EQS) avaient considéré que le bailleur avait manifestement renoncé à priver son locataire étranger du droit au renouvellement et à se prévaloir des dispositions de l'article L. 145-13 du Code de commerce au motif qu'il avait :
- accepté la cession de bail au profit du preneur dont la nationalité turque était mentionnée dans l'acte de cession ;
- renouvelé le bail par deux fois, en 1984 et en 1993, et en offrant de le renouveler le 23 juillet 2004.

Il avait déjà été jugé que les renouvellements successifs de baux opérés en application du statut des baux commerciaux traduisaient la volonté non équivoque des parties contractantes de faire bénéficier le preneur d'un droit au renouvellement, alors même que les conditions de ce dernier n'étaient pas remplies, dès lors que le bailleur avait pleine connaissance de la défaillance ce ces conditions (Cass. civ. 3, 23 novembre 2010, n° 09-68.687, préc.).

Dans l'arrêt commenté, le bailleur invoquait au soutien de son pourvoi, l'absence de renonciation claire et non équivoque qui pouvait, certes, être discutée. Préalablement, il prétendait également que le seul droit auquel le bailleur pouvait renoncer en présence d'un locataire étranger était de mettre fin au bail (en réalité, le droit de mettre fin au bail sans régler une indemnité d'éviction puisque le bailleur a toujours le droit de mettre fin au bail) lors du terme ou de l'échéance prévue. Le raisonnement des juges du fond, fondé sur une renonciation à se prévaloir des dispositions de l'article L. 145-13 du Code de commerce en raison du renouvellement des baux précédents impliquait que cette renonciation soit antérieure à l'arrivée du terme ou de l'échéance du bail. Or, la renonciation à un droit n'est possible qu'autant que ce dernier soit né (voir, par exemple, en matière de bail dérogatoire Cass. civ. 3, 5 avril 2011, n° 10-16.456, F-D N° Lexbase : A3435HNK), ce qui, selon le bailleur, n'était pas le cas.

La Cour de cassation n'a toutefois pas été amenée à se prononcer sur cette question de la date de naissance du droit au renouvellement et sur celle, liée, de la date à laquelle peut intervenir la renonciation à se prévaloir de l'une des conditions auxquelles l'existence de ce droit est subordonnée.

En effet, si l'arrêt de la cour d'appel, qui a rejeté la demande d'annulation de la demande de renouvellement du preneur étranger, est confirmé, c'est par une substitution de motifs ayant conduit la Cour de cassation à juger l'article L. 145-13 du Code de commerce contraire à la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales.

III - L'inconventionnalité des dispositions de l'article L. 145-13 du Code de commerce

Depuis l'arrêt inaugural "Jacques Vabre" (Cass. mixte, 24 mai 1975, n° 73-13.556, publié N° Lexbase : A9777AG9), la Cour de cassation accepte de contrôler la conformité des lois par rapport aux accords ou traités internationaux, l'autorité de ces derniers étant supérieure à celle des premières en application de l'article 55 de la Constitution (N° Lexbase : L1320A9R).

Son contrôle porte ainsi également, à ce titre, sur la conformité des dispositions législatives à la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales et l'interprétation qu'en fait la Cour européenne des droits de l'homme.

La Cour de cassation a été ainsi amenée à plusieurs reprises à se prononcer sur la conformité des dispositions applicables aux baux commerciaux, ou des solutions jurisprudentielles dégagées sur leur fondement, à cette Convention (cf., notre note, La propriété commerciale est-elle protégée par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ?, Rev. Loyers, 2005/859, n° 164) en concluant à chaque fois, à notre connaissance à leur conformité par rapport à l'article 1er du premier protocole additionnel de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales protégeant le droit de propriété. Ont ainsi été jugés conformes à cette convention :

- le fait, à la suite d'un congé avec offre de renouvellement du bailleur, que le bail soit renouvelé aux prix de l'ancien bail à défaut d'accord des parties sur ce point ou de saisine dans les délais du juge des loyers (Cass. civ. 3, 27 février 1991, n° 89-18.729, publié N° Lexbase : A2779ABK) ;

- l'obligation pour le bailleur de verser une indemnité d'éviction, même si son montant est quatre fois supérieur à la valeur de l'immeuble (Cass. civ. 3, 28 mai 1997, n° 95-17.133, inédit N° Lexbase : A6187C4W).

- la possibilité pour un bailleur de dénier au preneur le bénéfice d'un droit au renouvellement dès lors que l'un des copreneurs, fût-il l'époux (séparé de biens) de l'autre, n'est pas immatriculé (Cass. civ. 3, 18 mai 2005, n° 04-11.349, FS-P+B+I N° Lexbase : A3028DIY ; voir également Cass. civ. 3, 12 juin 1996, n° 94-14.862, inédit N° Lexbase : A6883AHE) ;

- ou encore, la possibilité pour un bailleur de dénier le bénéfice d'un droit au renouvellement au preneur qui exploite un établissement d'enseignement au motif que ce dernier ne dispose pas d'une autorisation administrative régulière (Cass. civ. 3, 4 février 2009, n° 08-11.433, FS-P+B N° Lexbase : A9628ECL).

En revanche, la Cour de cassation a considéré que la modification de l'article L. 145-38 du Code de commerce (N° Lexbase : L3107IQ7) par la loi "Murcef" (loi n° 2001-1168 du 11 décembre 2001, portant mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier N° Lexbase : L0256AWE), dont l'objectif était de mettre un terme à la jurisprudence selon laquelle le loyer révisé devait être fixé à un montant inférieur au loyer dont la révision était sollicitée dès lors que ce montant correspondait à la valeur locative, ne pouvait, sur le fondement de l article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, s'appliquer aux procédures en cours (Ass. plén., 23 janvier 2004, n° 03-13.617, publié N° Lexbase : A8595DAL).

L'arrêt du 9 novembre 2011 concernait la conformité de l'une des règles du statut, l'absence de droit au renouvellement pour les preneurs étrangers, à l'article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales qui interdit les discriminations fondées notamment sur l'origine nationale.

L'interdiction de procéder à une discrimination suppose au préalable, selon ce texte, que cette dernière soit relative à "la jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention".

Le droit dont la jouissance est entravée par l'article L. 145-13 du Code de commerce est le droit au renouvellement. La Cour de cassation a déjà eu l'occasion de préciser qu'il s'agissait d'un droit protégé par l'article 1er du premier protocole additionnel de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales (Cass. civ. 3, 12 juin 1996, n° 94-14.862, préc. ; Cass. civ. 3, 18 mai 2005, n° 04-11.349, FS-P+B+I, préc. ; Cass. civ. 3, 4 février 2009, n° 08-11.433, FS-P+B, préc.).

Le droit au renouvellement pourrait, en effet, être qualifié de "bien" au sens de l'article 1er du premier protocole additionnel, dont les atteintes sont sanctionnées par la Cour européenne. La Cour européenne des droits de l'homme a en effet consacré une conception extensive de la notion de "bien" en y incluant "les intérêts économiques" liés à la gestion d'un commerce (par ex., CEDH, 7 juillet 1989, Req. 4/1988/148/202 N° Lexbase : A6485AW4, § 53).

Dès lors que l'article L. 145-13 du Code de commerce institue une discrimination fondée sur la nationalité du preneur, discrimination affectant la jouissance du droit au renouvellement que la Cour de cassation reconnaît comme protégé par l'article 1er du premier protocole additionnel, cet article contrevient à la CESDH.

La Cour de cassation prend soin de relever que cette discrimination n'est pas fondée par un motif d'intérêt général. La Cour européenne des droits de l'Homme a pu en effet admettre des dérogations au droit à la non-discrimination en précisant que "au regard de l'article 14 de la Convention, une distinction est discriminatoire si elle manque de justification objective et raisonnable, c'est-à-dire si elle ne poursuit pas un but légitime ou s'il n'y a pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé" (voir par exemple, CEDH, 1er février 2000, Req. 34406/97 N° Lexbase : A7786AWB).

L'article L. 145-13 du Code de commerce doit désormais être privé d'effet : un preneur étranger ne pourra se voir refuser le bénéfice d'un droit au renouvellement de son bail, même s'il ne peut se prévaloir des dérogations légales à cette règle.

Compte tenu de cette solution, il faut estimer que les dispositions de l'article L. 145-23 du Code de commerce (N° Lexbase : L5751AIT), qui subordonnent à la nationalité française du bailleur sa faculté d'exercer le droit de reprise des locaux d'habitation accessoires des locaux commerciaux prévu à l'article L. 145-22 du Code de commerce (N° Lexbase : L5750AIS), ne devraient également plus pouvoir trouver application.

newsid:429061

Baux commerciaux

[Brèves] Sur le droit à la cession-déspécialisation du preneur ayant fait valoir ses droits à la retraite

Réf. : Cass. civ. 3, 23 novembre 2011, n° 10-25.108, FS-P+B (N° Lexbase : A0080H3D)

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N9070BSQ

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Le 01 Décembre 2011

Le preneur qui se trouve en situation de cumul de la retraite de base et d'une activité professionnelle dans les conditions ouvertes par la loi n° 2003-775 du 21 août 2003, portant réforme des retraites (N° Lexbase : L9595CAM), et qui est en mesure de demander à bénéficier de sa retraite complémentaire, dispose de la faculté de céder son droit au bail avec déspécialisation ouverte au preneur qui ayant demandé à faire valoir ses droits à la retraite, entend se retirer de la vie active. Tel est l'enseignement d'un arrêt de la Cour de cassation du 23 novembre 2011 (Cass. civ. 3, 23 novembre 2011, n° 10-25.108, FS-P+B N° Lexbase : A0080H3D). En l'espèce, le locataire de locaux à usage commercial de quincaillerie, droguerie et articles de ménage, se prévalant des dispositions de l'article L. 145-51 du Code de commerce (N° Lexbase : L5779AIU), avait notifié au bailleur son intention de céder son droit au bail pour l'exploitation d'une activité de café-restaurant. Les bailleurs ont assigné le preneur pour voir juger, d'une part, qu'il était en situation de cumul emploi retraite, et ne remplissait pas les conditions prévues par le texte et, d'autre part, que l'activité envisagée était incompatible avec la destination, les caractères et la situation de l'immeuble. Sur le premier point, la Cour de cassation précise que le preneur qui se trouve en situation de cumul de la retraite de base et d'une activité professionnelle dans les conditions ouvertes par la loi n° 2003-775 du 21 août 2003, portant réforme des retraites dispose de la faculté de céder son droit au bail avec déspécialisation. La Haute cour souligne que le preneur était en mesure de demander à bénéficier de sa retraite complémentaire. Sur le second point, la Cour de cassation approuve les juges du fond qui ont considéré que la nouvelle activité n'était manifestement pas incompatible avec la destination, les caractères et la situation de l'immeuble et qui ont condamné le bailleur à réparer le préjudice subi par le preneur du fait d'une contestation injustifiée du projet de cession qui avait conduit à l'échec de ce dernier (cf. l’Ouvrage "baux commerciaux" N° Lexbase : E8949AE8).

newsid:429070

Baux commerciaux

[Brèves] Des modalités de refus de renouvellement pour motif grave et légitime

Réf. : Cass. civ. 3, 23 novembre 2011, n° 10-24.180, FS-P+B (N° Lexbase : A0081H3E)

Lecture: 1 min

N9071BSR

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Le 06 Décembre 2011

Le preneur interdit d'exploiter un débit de boissons pouvant régulariser sa situation selon différentes voies de droit, le bailleur ne peut refuser le renouvellement pour cette infraction, invoquée à titre de motif et grave et légitime, sans délivrer préalablement une mise en demeure. Tel est l'enseignement d'un arrêt de la Cour de cassation du 23 novembre 2011 (Cass. civ. 3, 23 novembre 2011, n° 10-24.180, FS-P+B N° Lexbase : A0081H3E). En l'espèce, le propriétaire de locaux à usage commercial de bar, débit de boissons, donnés à bail, avait notifié au preneur un congé avec refus de renouvellement sans offre d'indemnité d'éviction, au motif, notamment, que le preneur poursuivait son activité alors qu'il se trouvait, par suite de condamnations pénales prononcées contre lui, interdit d'exploiter un débit de boissons à consommer sur place en application des articles L. 3336-2 (N° Lexbase : L3353DLR) et suivants du Code de la santé publique. Le preneur a contesté ce refus et sollicité le règlement d'une indemnité d'éviction. Les juges du fond avaient rejeté sa demande au motif qu'il exploitait son fonds illégalement et que cette infraction, alléguée comme motif grave et légitime, était consommée et non susceptible de régularisation. La mise en demeure préalable, imposée par l'article L. 145-17 du Code de commerce (N° Lexbase : L5745AIM) ne serait donc pas exigée. La Cour de cassation censure les juges du fond au motif que le preneur disposait de moyens de droit pour régulariser sa situation. L'infraction étant régularisable, le preneur aurait dû être préalablement mis en demeure d'y mettre un terme dans le mois suivant la délivrance de cette mise en demeure (cf. l’Ouvrage "baux commerciaux" N° Lexbase : E9743AEL).

newsid:429071

Baux commerciaux

[Brèves] Prescription de l'action tendant à voir requalifier un bail de bail soumis statut des baux commerciaux

Réf. : Cass. civ. 3, 23 novembre 2011, n° 10-24.163, FS-P+B (N° Lexbase : A0082H3G)

Lecture: 1 min

N9075BSW

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Le 08 Décembre 2011

La demande de requalification d'un bail, intitulé bail professionnel à durée déterminée exclu du champ d'application des baux commerciaux, en un bail soumis au statut des baux commerciaux est soumise au délai de prescription biennale des actions fondées sur les dispositions de ce statut. Tel est l'enseignement d'un arrêt de la Cour de cassation du 23 novembre 2011 (Cass. civ. 3, 23 novembre 2011, n° 10-24.163, FS-P+B N° Lexbase : A0082H3G). En l'espèce, par acte du 30 avril 2003, intitulé bail professionnel à durée déterminée exclu du champ d'application des baux commerciaux, conclu pour dix ans à compter du 1er avril 2003, avait été donné à un ensemble immobilier pour l'exercice d'une activité hippique non commerciale. Par acte du 28 janvier 2006, le preneur a assigné le bailleur pour se voir reconnaître titulaire d'un bail commercial au titre de l'article L. 145-2, 1°, du Code de commerce (N° Lexbase : L2371IBG). Ce dernier texte rend le statut des baux commerciaux applicable aux baux des locaux ou immeubles abritant des établissements d'enseignement. Le preneur est débouté au motif que sa demande de "requalification" était soumise à la prescription biennale de l'article L. 145-60 du Code de commerce (N° Lexbase : L8519AID) et que son action, introduite le 26 janvier 2006, était prescrite, le bail ayant été conclu le 30 mars 2003 et pris effet le 1er avril 2003 (cf. l’Ouvrage "baux commerciaux" N° Lexbase : E8606ETW).

newsid:429075

Baux commerciaux

[Brèves] Sur les conséquences de l'annulation d'une clause faisant obligation au preneur d'adhérer à une association de commerçants

Réf. : Cass. civ. 3, 23 novembre 2011, n° 10-23.928, FS-P+B (N° Lexbase : A0079H3C)

Lecture: 2 min

N9076BSX

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Le 02 Décembre 2011

L'annulation à raison de l'atteinte à la liberté fondamentale de ne pas s'associer ne fait pas échec au principe des restitutions réciproques que peut impliquer l'annulation d'un contrat exécuté. Tel est l'enseignement d'un arrêt du 23 novembre 2011 (Cass. civ. 3, 23 novembre 2011, n° 10-23.928, FS-P+B N° Lexbase : A0079H3C). En l'espèce, le locataire de locaux à usage commercial avait cessé de régler ses cotisations à l'association des commerçants à laquelle il avait adhéré en exécution d'une stipulation du bail qui lui en faisait obligation. L'association a assigné le preneur pour le voir condamner à régler l'arriéré échu à ce titre et ce dernier, ayant appelé le bailleur en intervention forcée, avait fait valoir la nullité de la stipulation du bail lui faisant obligation d'adhérer ainsi que celle de cette adhésion, et avait demandé, à titre reconventionnel, le remboursement de toutes les cotisations versées. Pour accueillir cette demande et rejeter celle de l'association tendant à la condamnation du preneur à lui restituer en équivalent les prestations qui lui avaient été servies, les juges du fond avaient retenu que l'effectivité de la sanction de la nullité absolue affectant la clause du bail contraignant le preneur à adhérer à l'association et l'adhésion elle-même, interdisait à l'association de prétendre à une restitution en équivalent des prestations dont le preneur aurait bénéficié de sa part. Il doit être rappelé en effet qu'en raison de la liberté d'association, la clause d'un bail obligeant le preneur à adhérer à une association de commerçants et à maintenir son adhésion pendant la durée du bail est entachée d'une nullité absolue, nullité qui entraîne l'obligation pour le bailleur et l'association de restituer au preneur les cotisations versées. La liberté d'association fait obstacle, par ailleurs, à ce que le bailleur puisse réclamer au preneur le paiement d'une somme équivalente à ces cotisations sur le fondement de l'enrichissement sans cause (Cass. civ. 1, 20 mai 2010, n° 09-65.045, FS-P+B+I N° Lexbase : A3315EX3). L'arrêt rapporté précise que cette dernière solution ne peut en revanche faire échec au principe des restitutions réciproques que peut impliquer l'annulation d'un contrat exécuté (cf. l’Ouvrage "baux commerciaux" N° Lexbase : E7974AE3).

newsid:429076

Baux commerciaux

[Brèves] Détermination de l'indemnité d'occupation due par le preneur qui a exercé son droit d'option

Réf. : CA Rennes, 2 novembre 2011, n° 10/00684 (N° Lexbase : A1220HZ9)

Lecture: 1 min

N8982BSH

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Le 30 Novembre 2011

Il est de principe désormais acquis, à la suite d'un arrêt prononcé le 5 février 2003 par la troisième chambre civile de la Cour de cassation (Cass. civ. 3, 5 février 2003, n° 01-16.882, FS-P+B N° Lexbase : A9069A4N), que l'indemnité d'occupation due par le preneur qui a exercé l'option que lui réserve l'article L. 145-57 du Code du commerce (N° Lexbase : L5785AI4) n'est pas l'indemnité dite "de droit commun", ni une indemnité spécifique ou sui generis mais elle s'inscrit dans le cadre statutaire au même titre que l'action qui tend à en poursuivre le recouvrement, laquelle, aux termes dudit arrêt, a été reconnue comme "statutaire" et, donc susceptible de se heurter à la prescription évoquée à l'article L. 145-60 du Code de commerce (N° Lexbase : L8519AID). Comme telle, elle ne peut correspondre au montant du loyer plafonné puisque, dans ce cas, elle perdrait sa nature propre : elle doit donc, à l'instar de ce que prévoit l'article L. 145-28 du Code de commerce (N° Lexbase : L5756AIZ), être déterminée en fonction des paramètres évoqués aux sections 6 et 7 du titre (C. com., art. L. 145.33 N° Lexbase : L5761AI9 et L. 145.34 N° Lexbase : L3108IQ8, notamment) exclusion faite, à l'évidence, d'un mécanisme de plafonnement qui, institué par l'article L. 145.34, reste spécifique au cadre contractuel dans lequel il s'inscrit pour réglementer l'évolution du prix du loyer. La thèse défendue par le preneur d'une indemnité d'occupation qui devrait, comme un loyer contractuel qu'elle n'est pas, être plafonnée, est donc inopérante et seul est applicable l'article L. 145-33, qui dénonce les critères usuels qu'il y a lieu de retenir pour fixer la valeur économique d'un emplacement commercial entre les parties qui sont, ou ont été, liées par un bail commercial. Tel est le rappel opéré par la cour d'appel de Rennes dans un arrêt du 2 novembre 2011 (CA Rennes, 2 novembre 2011, n° 10/00684 N° Lexbase : A1220HZ9 ; cf. l’Ouvrage "baux commerciaux" N° Lexbase : E4961AEH).

newsid:428982

Droit financier

[Jurisprudence] Affaire "Madoff" et multigestion alternative

Réf. : Deux décisions AMF du 7 octobre 2011, sanction (N° Lexbase : L2573IRQ) et (N° Lexbase : L2574IRR)

Lecture: 9 min

N9039BSL

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par Emilie Mazzei, ATER à l'Université de Paris I Panthéon Sorbonne

Le 01 Décembre 2011

Révélée par la crise financière de 2008, l'affaire "Madoff" (1) a marqué les esprits tant par l'ampleur de la fraude orchestrée que par ses conséquences pour les investisseurs, particuliers, professionnels et institutions. Cette affaire a d'autant plus d'impact qu'elle a mis en lumière les risques posés par un certain type de véhicule d'investissement, le hedge fund.
Rendues par l'AMF le 21 octobre 2011, les deux décisions de sanction à l'encontre des sociétés de gestion de portefeuille ALF et EIM mettent en exergue l'obligation de vigilance, de sérieux et de professionnalisme exigée des acteurs de la gestion collective. En effet, dans le cadre de la multigestion alternative (2), cette obligation est essentielle : le risque d'investissement y est particulièrement élevé, la politique d'investissement des hedge funds n'étant pas totalement transparente. Ce manque de transparence a d'ailleurs facilité, sinon permis, la réalisation du montage frauduleux de Bernard Madoff, comme le montrent les cas d'espèce. Les sociétés de gestion ALF et EIM géraient, notamment, des fonds de fonds alternatifs à règles d'investissement allégées (dits ARIA III). Pour le compte de ces fonds, les sociétés de gestion ont toutes deux investi dans des hedge funds exposés à la stratégie mise en place par M. Madoff via la société Bernard L. Madoff Investment Securities (BIMS). Au moment de la révélation de la fraude, le 11 décembre 2008, les fonds ont valorisé pour un montant nul la créance détenue sur les fonds Madoff.
Dans ces circonstances, les services de l'AMF ont procédé au contrôle par les deux sociétés de gestion de leurs obligations professionnelles. Une décision de sanction a par la suite été prononcée à l'encontre des deux sociétés : l'AMF a prononcé une sanction pécuniaire de 150 000 euros à l'encontre de la société ALF et de 300 000 euros à l'encontre d'EIM. La justification de ces sanctions, particulièrement intéressante, pose plusieurs questions : d'une part, la question est de savoir si la fraude "Madoff" aurait, éventuellement, pu être appréciée dans le cadre des procédures de sélection des fonds alternatifs. La seconde question était de savoir si, de toutes les façons, le manque de transparence des politiques de gestion des fonds "Madoff" n'aurait pas dû alerter les sociétés de gestion, rendant rédhibitoires l'investissement dans de tels fonds. Il s'agit d'apprécier, dans un premier temps, la politique de suivi des risques des sociétés de gestion mises en cause (I) et, dans un second temps, les lacunes dans l'organisation de leurs activités (II).

I - Le suivi défaillant des risques par la société de gestion

Le premier manquement invoqué par l'AMF porte, dans les deux cas d'espèce, sur la politique de sélection (due diligence) menée par les sociétés de gestion. La société de gestion se doit de mettre en place une procédure de due diligence efficace (A) et un contrôle effectif des risques d'investissement (B).

A - L'absence de procédure formelle de due diligence

La mise en place d'un processus de sélection des fonds est organisée par un certain nombre de textes réglementaires. Pour rappel, l'article L. 214-9 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L9216IQE), introduit par l'ordonnance du 1er août 2011 (3), reprend les dispositions de l'ancien article L. 214-3 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L3146G9E). Il énonce que "les organismes de placement en valeurs mobilières, le dépositaire et la société de gestion doivent agir de façon indépendante et dans le seul intérêt des porteurs de parts ou actionnaires [...]". Par renvoi de l'article L. 214-24 du même code (N° Lexbase : L9237IQ8), ce texte est applicable aux OPCVM non coordonnés. Concernant la mise en place de la politique des risques, les textes actuellement applicables sont les articles 313-1, 313-60, 313-61 et 313-54 du règlement général de l'AMF . Il y est notamment précisé que "[...] dans le cadre des activités de gestion collective de la société de gestion de portefeuille, ces procédures de prise de décision incluent en particulier les diligences qui président à la sélection, au suivi et au contrôle des risques associés aux instruments financiers dans lesquels l'OPCVM investit". Aussi, la société de gestion alternative doit élaborer des procédures et mettre en oeuvre des politiques qui permettent, tant lors de la sélection que du suivi des fonds, d'identifier les niveaux de risques tolérables.

Les analystes de la société de gestion ne doivent retenir que les hedge funds correspondant et à ses critères d'investissement et au niveau de risque acceptable pour la société de gestion : elle doit donc bâtir un véritable processus de sélection. Ce processus doit être formalisé et structuré. L'AMF apprécie ladite politique de sélection des sociétés de gestion ALF et EIM : concernant la société ALF, elle ne s'est doté d'une procédure dite de "due diligence process" qu'au cours de l'année 2008. Auparavant, elle n'avait mis au point aucun programme formalisé de vérification et de contrôle permettant de démontrer le suivi des risques et des investissements. Le cas de la société EIM est un peu différent. En effet, cette dernière avait mis en place, dès 2004, une "Manager Selection Procedure (Alternative)", distinguant des diligences qualitatives, quantitatives et opérationnelles. Elle prévoyait quinze phases successives, notamment l'obligation pour les analystes de rencontrer les gérants sur place et au moins deux fois par an. Dans ce cas, la question n'était pas l'existence d'une procédure de sélection des contreparties mais son application réelle.

B - Le contrôle insuffisant des risques d'investissement

La formalisation d'une politique des risques et d'un processus de vérification est insuffisante : il faut également contrôler de façon effective les informations transmises lors de cette procédure de suivi des risques. La due diligence n'est qu'un outil de vérification et ne constitue pas la vérification elle-même. Qui plus est, cet outil doit être fiable et efficace. Autrement dit, il ne suffit pas de mettre en place une procédure de contrôle des risques, il faut également la mettre en oeuvre : la procédure est valable pour autant qu'elle laisse à la société concernée la possibilité de connaître avec précision les caractéristiques du risque.

Dans le cadre de la multigestion alternative, ces obligations sont renforcées. En effet, l'information sur certains fonds sous-jacents n'est pas publiquement disponible, l'utilisation de l'effet de levier est particulièrement fréquente et les stratégies des fonds sont complexes et variables. Il faut, selon l'expression de l'AMF, agir "avec diligence et professionnalisme" lors des procédures de sélection et de suivi. Cela passe par une actualisation des données recueilles lors des premières souscriptions et, surtout, par une véritable recherche d'informations, au-delà des données proposées dans les prospectus et des rapports d'audit disponibles. Il existe ainsi un véritable devoir de vigilance à la charge des gérants de fonds dits alternatifs.

Aussi l'AMF fait-elle logiquement une analyse in concreto des mesures de vérification opérées par les sociétés de gestion. Dans les deux décisions, l'absence de vérification du rôle de la société BMIS dans la gestion des fonds hedge funds concernés démontre l'insuffisance des mesures de contrôle. Dans le cas d'ALF, aucune recherche n'a été effectuée sur la société BMIS, sur ses équipes en charge de la gestion, ses moyens techniques et sur les stratégies développées. Dans celui d'EIM, la commission des sanctions juge particulièrement insuffisantes les démarches effectuées par la société auprès de BIMS : la société EIM n'a pu procéder à aucun contrôle périodique de BIMS et n'a jamais tiré les conséquences du manque de transparence et de coopération de cette dernière. L'AMF rappelle à cette occasion la note de synthèse sur le sujet en date du 14 décembre 2008 : peu importe le "rapport de force" entre le sélectionneur et le sélectionné. L'investissement dans un hedge fund doit nécessairement passer par un processus de due diligence efficace, et ce, même si le fonds alternatif est très demandé. La réputation du fonds n'est pas une garantie de son sérieux.

La démarche du gérant doit être active. L'information sur le fonds, pour être fiable, doit être auditée, traçable dans le temps et s'accompagner d'un contrôle adéquat des risques. En définitive, et selon la formulation de la décision de sanction, "EIM n'a pas disposé des éléments susceptibles de constituer le support fiable de décisions qui auraient dû être prises, non pas dans l'opacité, sans avoir eu accès ni aux locaux ni aux équipes de BMIS ni aux modèles économiques employés, mais dans la clarté, après avoir mis en oeuvre les diligences indispensables à la protection de l'intérêt des porteurs". La société de gestion doit organiser et exiger de ses contreparties un accès à l'information efficace et fiable, qui permettent in fine de sécuriser ses investissements : dans les deux cas d'espèce, si la recherche active d'informations n'aurait pas suffi à révéler la fraude, elle aurait dû à tout le moins dissuader les gérants d'investir dans des fonds particulièrement opaques.

II -L'organisation lacunaire des activités de gestion des fonds alternatifs

L'AMF reproche à la société ALF de n'avoir pas respecté son programme d'activités spécifiques (A). Elle rappelle à la société EIM les conditions d'éligibilité des fonds étrangers (B).

A - La non-conformité des investissements au programme d'activités spécifique des fonds

L'AMF reproche à la société ALF le fait de ne pas respecter les conditions auxquelles était subordonné son agrément. Pour rappel, une société de gestion investissant dans des hedge funds devait, jusqu'au décret n° 2011-922 (4), pris en application de l'ordonnance du 1er août 2011, faire approuver par l'AMF un programme d'activités spécifique lors de sa demande d'agrément. Si la terminologie "programme d'activités spécifique" a disparu depuis ledit décret, la société de gestion doit, quoiqu'il en soit, élaborer un programme d'activités pour chaque service qu'elle entend exercer, et ce en application de l'article L. 532-9 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L9264IQ8).

La société de gestion doit plus particulièrement se doter de moyens humains et techniques en adéquation avec ses procédures de gestion des risques. Or, la société ALF ne s'est pas dotée de tels moyens : elle contrevient par là même aux dispositions de son programme d'activités spécifique approuvé en 2003 par l'AMF et non modifié depuis. C'est donc sur ce point que la société ALF a été sanctionnée. Lui sont plus particulièrement reprochés l'absence de procédure opérationnelle jusqu'en 2008 et le fait qu'un seul gérant exerce à plein temps ses fonctions alors que le programme d'activités en prévoyait deux. Enfin, l'externalisation de son activité d'analyse, non prévue dans le programme d'activité, est, elle aussi, sanctionnée : deux analystes extérieurs sont intervenus dans la sélection des fonds sans que cette intervention ne soit formalisée dans une quelconque convention. Notons que la commission des sanctions a écarté un autre grief relatif au statut de la personne en charge de la fonction de contrôleur des risques.

L'AMF ne se prononce pas ici sur l'efficacité ou l'opportunité de l'organisation de la société de gestion mais sur la non-conformité à son programme d'activités. Or, les éléments du dossier sont suffisants pour caractériser le manque de moyens matériels et humains nécessaires à l'activité de la société de gestion ALF.

B - Le non respect des conditions d'éligibilité des fonds étrangers

La décision de sanction relative à la société EIM est l'occasion pour l'AMF de rappeler les règles d'éligibilité de fonds étrangers : les OPCVM classiques peuvent investir 10 % de leur actif dans ces fonds qui doivent également répondre à un certain nombre de critères posés à l'article 412-2-2 du règlement général de l'AMF (ancien article 411-34). Par exception, les OPCVM ARIA de fonds alternatifs peuvent détenir, dans la limite de 10 %, des parts de fonds étrangers qui ne répondent pas à ces critères, à condition que le prospectus de ces fonds le prévoit expressément.

L'un de ces critères est la ségrégation des actifs, critère selon lequel les actifs du fonds doivent être conservés distinctement des actifs propres du conservateur ou de ses mandataires. Pour rappel, ce principe s'est révélé particulièrement important dans l'exécution des contrats dits de Prime Brokerage. Dans le cadre de ces conventions, le Prime Broker assure différents services aux hedge funds : exécution des ordres passés par le fond, règlement/livraison, conservation des actifs par délégation du dépositaire mais aussi financements et logistique. Le Broker peut bénéficier, en échange, d'une garantie sur les actifs conservés et d'un droit de "ré-hypothèque" c'est-à-dire d'utilisation des actifs conservés pour ses propres besoins. Or, dans cette hypothèse, le hedge fund n'est titulaire que d'un droit de créance sur les actifs conservés. Simple créancier dans le cadre d'une procédure de faillite, il n'est pas assuré de récupérer ses fonds (5). En sélectionnant un hedge fund respectant le principe de ségrégation des actifs, la société de gestion exclut cette possibilité de "ré-hypothèque" ; elle limite par là même le risque de non-restitution des actifs en cas de défaut du conservateur ou de ses mandataires.

En l'espèce, BIMS était à la fois Investment Advisor et conservateur des actifs. Il n'y avait donc pas, selon l'AMF, de ségrégation des actifs. Malgré cela, la société de gestion EIM a considéré jusqu'en 2007 que les fonds "Madoff" répondaient aux conditions d'éligibilité des fonds étrangers. La société de gestion justifiait sa position par l'enregistrement de la société BIMS auprès de la SEC et s'est basée pour ce faire sur une interprétation formulée en 2006 par l'Association française de gestion financière (AFG). Selon l'AFG, l'enregistrement auprès de la Securities Exchange Commission et du National Association of Securities Dealers emporterait reconnaissance automatique de la condition de ségrégation des actifs. L'AFG visait à uniformiser la pratique des sociétés de gestion en rappelant les principes réglementaires applicables aux hedge funds, et notamment le principe de ségrégation des actifs : ce dernier est respecté si le prospectus du fonds mentionne que les actifs sont conservés de manière distincte et/ou si le conservateur est enregistré auprès de la SEC, de la FSA et du NASD. Or, l'AMF, dans une décision du 8 avril 2010 (6), a nuancé cette position de l'AFG : dans tous les cas, la société de gestion doit procéder à une vérification effective des informations fournies par le hedge fund et s'assurer que la condition de ségrégation continue à tout moment d'être respectée. Autrement dit, la présomption posée par l'AFG n'est pas suffisante (7) et ne peut être appliquée à l'espèce.

Dans le cas d'espèce, les fonds "Madoff" ne pouvaient être considérés comme éligibles à l'actif d'un OPCVM classique. L'investissement dans les fonds "Madoff" n'aurait dû être permis qu'aux OPCVM ARIA III. Or, la société de gestion n'a respecté ni cette restriction, ni le principe selon lequel tout prospectus d'OPCVM ARIA III doit mentionner la possibilité de souscrire des parts de fonds étrangers ne respectant pas les critères d'éligibilité. Ces manquements sont constitutifs d'une faute.


(1) La fraude organisée par Bernard Madoff et estimée à 50 milliards de dollars US a été révélée le 11 décembre 2008. Elle était basée sur la pyramide dite de Ponzi, selon laquelle le capital entrant des investisseurs ne fait l'objet d'aucun placement mais sert en réalité à payer les intérêts promis et à rembourser les investisseurs sortants.
(2) L'activité de multigestion alternative correspond, selon l'AMF, à "des stratégies de gestion d'actifs visant une performance décorrélée des indices de marché ; [...] elle consiste, pour une société de gestion, en la création puis en la gestion d'OPCVM qui investissent dans des fonds sous-jacents, communément appelés 'hedge funds' dont la gestion déroge aux principes classiques de répartition des risques"?
(3) Ordonnance n° 2011-915 du 1er août 2011, relative aux organismes de placement collectif en valeurs mobilières et à la modernisation du cadre juridique de la gestion d'actifs (N° Lexbase : L8775IQ3) ; nos obs. Apports de l'ordonnance n° 2011-915 du 1er août 2011, relative aux organismes de placement collectif en valeurs mobilières et à la modernisation du cadre juridique de la gestion, Lexbase Hebdo n° 263 du 8 septembre 2011 -édition affaires (N° Lexbase : N7570BS8).
(4) Décret n° 2011-922 du 1er août 2011, pris pour l'application de l'ordonnance n° 2011-915 du 1er août 2011, relative aux organismes de placement collectif en valeurs mobilières et à la modernisation du cadre juridique de la gestion d'actifs (N° Lexbase : L8883IQ3).
(5) Cela fut le cas lors de faillites de Lehman Brothers et Bear Sterns qui avaient des activités de Prime Brokerage.
(6) Décision AMF, 8 avril 2010, sanction (N° Lexbase : L0283IKP).
(7) En ce sens voir G. Albertini, Les fonds de hedge funds sous les feux de la rampe, Bull. Joly Bourse, 2010, p. 387.

newsid:429039

Droit financier

[Brèves] Sanction de deux sociétés de gestion pour leur défaillance dans l'élaboration et le suivi de procédures qui auraient pu leur permettre d'identifier les risques liés à certains de leurs investissements "Madoff"

Réf. : 2 décisions AMF du 21 octobre 2011, sanction (N° Lexbase : L2650IRL) et (N° Lexbase : L2651IRM)

Lecture: 2 min

N8967BSW

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Le 01 Décembre 2011

Par décisions du 21 octobre 2011, la commission des sanctions de l'AMF a retenu que deux sociétés de gestion de portefeuille avaient manqué, notamment, à leurs obligations de diligence et de professionnalisme dans le contrôle des risques liés aux investissements réalisés pour compte de tiers (2 décisions AMF du 21 octobre 2011, sanction N° Lexbase : L2650IRL et N° Lexbase : L2651IRM). Ces décisions interviennent à la suite des contrôles opérés par l'AMF après la découverte de la fraude réalisée au bénéfice de Bernard Madoff, ces derniers ayant consisté à rechercher si les procédures mises en oeuvre par les sociétés de gestion de portefeuille pour identifier, tant lors de la sélection que du suivi des "hedge funds" dans lesquels elles ont investi, la nature des risques encourus et le niveau de ceux qui pouvaient être tolérés. A, d'abord, été retenu un défaut de diligence et de professionnalisme des deux sociétés dans le contrôle des risques. Ainsi, ces sociétés n'ont "pas disposé des éléments susceptibles de constituer le support fiable de décisions [d'investissement] qui auraient dû être prises, non pas dans l'opacité, sans avoir eu accès ni aux locaux ni aux équipes de [la société] Bernard L. Madoff Investment Securities ni aux modèles économiques employés, mais dans la clarté, après avoir mis en oeuvre les diligences indispensables à la protection de l'intérêt des porteurs". S'agissant de ces diligences, il est relevé que, d'une part, l'une de ces sociétés n'a pas mis au point, avant le début de l'année 2008, de procédure formelle de suivi des fonds, d'autre part, au cours de cette année là, ses diligences, demeurées insuffisantes, n'ont permis ni de fonder les décisions de maintien dans un des fonds ni de suivre avec la rigueur nécessaire l'évolution de cet investissement. Quant à la deuxième société, si elle a mis en place dès 2004 une "Manager Selection Procedure (Alternative)", il est constaté que ses analystes se sont satisfaits d'informations indirectes, non vérifiées et dont la source ne présentait aucune garantie d'indépendance, de sorte qu'elle s'est abstenue, tout à la fois, de procéder aux vérifications qui s'imposaient et de tirer les conséquences du défaut de transparence qu'elle avait relevé, ainsi que des rumeurs de manipulation de marché ou de "front running" parvenues à sa connaissance. Il est ensuite apparu que l'une de ces sociétés n'avait pas respecté toutes les conditions auxquelles était subordonné l'agrément délivré par l'AMF, notamment en ne se dotant pas des moyens humains et techniques nécessaires à l'accomplissement des diligences relatives au processus de sélection, de suivi et de contrôle des fonds sous-jacent, tandis que l'autre société avait méconnu certaines règles d'éligibilité des fonds et certains ratios réglementaires, notamment en investissant dans deux fonds exposés à la stratégie de Bernard Madoff qui ne respectaient pas le critère de ségrégation des actifs.

newsid:428967

Entreprises en difficulté

[Brèves] Admission d'une créance postérieurement au jugement arrêtant le plan de continuation : le créancier peut participer à la répartition des échéances antérieures à cette admission

Réf. : Cass. com., 22 novembre 2011, n° 10-24.129, F-P+B (N° Lexbase : A0014H3W)

Lecture: 1 min

N8983BSI

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Le 07 Décembre 2011

L'admission définitive d'une créance postérieurement au jugement arrêtant le plan de continuation, qui prévoit le paiement de la totalité du passif "tel qu'il sera définitivement admis", ouvre droit au créancier à participer à la répartition des échéances antérieures à cette admission. Tel est le sens d'un arrêt rendu par la Chambre commerciale de la Cour de cassation le 22 novembre 2011 (Cass. com., 22 novembre 2011, n° 10-24.129, F-P+B N° Lexbase : A0014H3W). En l'espèce, une société ayant été mise en redressement judiciaire le 31 mai 2005, le trésorier a déclaré une créance à titre chirographaire qui a été contestée. Par jugement du 19 décembre 2006, un plan de continuation a été arrêté prévoyant le paiement de la totalité du passif tel qu'il sera définitivement admis en dix annuités, la première étant payable le 31 décembre 2007. Le trésorier a relevé appel de l'ordonnance du juge-commissaire statuant sur l'admission de la créance. La cour d'appel de Nîmes, ayant retenu, dans un arrêt du 17 juin 2010, après avoir admis la créance du trésorier que le paiement des trois premières annuités devait être effectué lorsque la décision sera signifiée, le trésorier a formé un pourvoi en cassation. La Cour rejette le pourvoi. Elle estime en effet, qu'ayant relevé que le jugement du 19 décembre 2006 prévoyait un paiement intégral de chaque créance chirographaire définitivement admise en dix échéances à compter du 31 décembre 2007, la cour d'appel, qui a ordonné l'admission de la créance du trésorier au passif a, à bon droit et sans méconnaître l'autorité de chose jugée attachée à ce jugement, dit que le paiement des annuités échues devra être effectué lorsque l'arrêt sera signifié.

newsid:428983

Entreprises en difficulté

[Brèves] Recours du dirigeant faisant l'objet d'une procédure collective à titre personnel pour discuter du passif de la personne morale mis à sa charge et droit au recours effectif

Réf. : Cass. com., 22 novembre 2011, n° 10-25.096, FS-P+B (N° Lexbase : A0015H3X)

Lecture: 2 min

N9007BSE

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Le 03 Décembre 2011

Le dirigeant de société, mis en redressement judiciaire en qualité de dirigeant de fait sur le fondement de l'article L. 624-5 du Code de commerce (N° Lexbase : L7044AIQ), dans sa version antérieure à la loi de sauvegarde des entreprises (N° Lexbase : L5150HGT), après l'expiration du délai de recours de l'article 103 de la loi du 25 janvier 1985 (N° Lexbase : L6481AHI), se trouve privé d'un recours effectif au juge pour discuter du passif de la personne morale mis à sa charge. Tel est le principe énoncé par la Chambre commerciale de la Cour de cassation dans un arrêt du 22 novembre 2011 (Cass. com., 22 novembre 2011, n° 10-25.096, FS-P+B N° Lexbase : A0015H3X). En l'espèce, une société ayant été mise en redressement puis liquidation judiciaires les 30 avril 1997 et 15 mai 1997, un jugement du 19 décembre 2002, confirmé par arrêt du 30 janvier 2004, a ouvert une procédure de redressement judiciaire, ultérieurement convertie en liquidation, à l'encontre de son dirigeant de fait, en application des dispositions de l'article L. 624-5 du Code de commerce. Le liquidateur ayant déclaré, à la procédure du dirigeant, le passif social correspondant aux créances antérieures admises et aux créances de l'article L. 621-32 du Code de commerce (N° Lexbase : L6884AIS), le juge-commissaire a partiellement admis ces créances. Saisie d'un recours contre cette dernière décision, la cour d'appel de Paris a annulé pour excès de pouvoir les ordonnances (CA Paris, Pôle 5, 8ème ch., 29 juin 2010, n° 09/23645 N° Lexbase : A3614E4M). En effet, après avoir énoncé qu'aux termes du paragraphe II de l'article L. 624-5, ancien, du Code de commerce, applicable en l'espèce, en cas de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire des dirigeants, prononcé en application du paragraphe I du dit article, le passif comprend, outre le passif personnel, celui de la personne morale, elle retient qu'il n'entre pas dans les pouvoirs du juge-commissaire de la procédure collective des dirigeants de statuer sur l'admission ou le rejet des créances déclarées au passif de la personne morale. Mais énonçant le principe précité, la Cour régulatrice censure cette décision au visa de l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales (N° Lexbase : L7558AIR ; cf. l’Ouvrage "Entreprises en difficulté" N° Lexbase : E2480AQW et N° Lexbase : E3214A4S).

newsid:429007

[Le point sur...] Les garanties croisées dans les financements structurés de groupes de sociétés

Lecture: 8 min

N9044BSR

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par Alexandre Bordenave, avocat au barreau des Hauts-de-Seine, Secrétaire de la Conférence du Barreau des Hauts-de-Seine (2011), chargé d'enseignement à l'ENS Cachan

Le 01 Décembre 2011

Parmi les habitudes prises récemment en matière de sûretés, à ne pas en douter, la séculaire prescription du Code de l'Alliance, exprimée diversement -"Et si c'est un homme pauvre, tu ne te coucheras point ayant encore son gage" (1), "Si tu prends en gage le vêtement de ton prochain, tu le lui rendras avant le coucher du soleil"-, fait vaguement figure d'empreinte fossile. En effet, les établissements de crédit et bailleurs de fonds de toutes espèces ont développé des techniques clairement amplificatrices des sûretés pouvant leur être octroyées pour garantir leurs créances, et ce au nom du sacro-saint objectif d'intérêt général de large diffusion de crédit (2). Ainsi, avons-nous déjà décrit, à de multiples reprises, la technique de surdimensionnement (overcollateralization) ayant vocation à fournir aux créanciers financiers un ensemble de sûretés réelles valorisé pour un peu plus que le montant de l'obligation garantie.
Nous sommes d'avis qu'il convient de classer dans cette famille de pratiques celles consistant, à l'occasion d'un financement offert à un groupe de sociétés, à mettre en place des garanties dites "croisées", à savoir des garanties constituées par chaque société membre d'un groupe donné pour l'ensemble de la dette contractée par le groupe à l'occasion du financement dont il est ici question. La grande majorité des financements destinés, de manière globale, à un groupe de société se prête à cette technique :
- peu importe l'objet du financement, le financement d'acquisition (le cas échéant de type Leverage Buy-Out), le financement de croissance externe, le financement d'activité, ou le financement de projet pouvant s'en accommoder ;
- peu importe également la structure du financement. Qu'il soit distribué individuellement (mais sous l'égide d'un contrat-cadre) à plusieurs sociétés du groupe, qu'il soit attribué à une ou plusieurs holdings, puis mis à disposition des sociétés opérationnelles (ou immobilières) via des prêts intra groupe autorisés par l'article L. 511-7, I, 3° du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L4905IGR), qu'il procède d'un debt push down (3) , etc., il n'est pas incompatible avec la logique des garanties croisées.

Cette façon de faire est révélatrice de la relative ignorance (ou du faible intérêt) de l'analyse du risque de crédit quant à la personnalité morale : de ce point de vue, souvent, un groupe de sociétés est apprécié d'un seul bloc, comme présentant un profil de risque agrégé et pondéré. Aussi, au nom de cette démarche, les garanties constituées peuvent-elles être "croisées", puisqu'au fond elles sécurisent une dette appréhendée comme un tout unique au plan macro-économique (celui du groupe, en l'occurrence).

Alors qu'un arrêt de la Cour de cassation en date du 8 novembre 2011, bientôt commenté dans ces colonnes (4), peut sembler perturbateur d'un ordre établi en matière de garanties croisées, nous nous proposons de décrire ce qui les caractérise (I) avant de présenter quelques traits saillants de leur régime juridique (II).

I - Eléments de définition des garanties croisées

Le principe des garanties croisées a déjà été exposé : aboutir à ce que, à l'occasion d'une opération de financement bénéficiant à un groupe de sociétés, la société A donne aux bailleurs de fonds une garantie pour la dette de la société B (5), et inversement. Deux familles d'instruments juridiques, parfois venant se compléter, permettent d'atteindre ce résultat : les garanties réelles pour autrui (A) et, évidemment, les sûretés personnelles (B).

A - Les garanties réelles pour autrui

La méthode est éprouvée : il est aisé de faire d'une garantie réelle, dont l'essence consiste à accroître qualitativement la situation du créancier en le faisant bénéficier d'une des causes légitimes de préférence de l'article 2285 du Code civil (N° Lexbase : L1113HI3), une garantie venant améliorer quantitativement, à la manière d'une garantie personnelle, sa position. Pour cela, il suffit de retenir comme constituant de la garantie une personne tierce, qui n'est pas le débiteur, et comme obligations garanties celles non du constituant mais du débiteur

Pour autant qu'elle puisse paraître simple à comprendre, on se souvient que le régime juridique applicable à cette figure a donné lieu à des discussions doctrinales et jurisprudentielles intenses, avant de trouver un dénouement dans l'arrêt rendu le 2 décembre 2005 par la Cour de cassation réunie en Chambre mixte, lequel trancha : "une sûreté réelle consentie pour garantir la dette d'un tiers n'impliqu[e] aucun engagement personnel à satisfaire à l'obligation d'autrui et n'[est] pas dès lors un cautionnement, lequel ne se présume pas" (6). Cette incertitude, longtemps entretenue, n'a jamais, à notre connaissance, freiné l'ardeur des prêteurs désireux de recevoir des garanties réelles pour autrui pour les besoins d'un financement d'un groupe de sociétés. Certes, la question du régime juridique était moins sensible en matière de sociétés puisque, pour ne citer qu'elle, la règle bien connue de l'article L. 225-35 du Code de commerce (N° Lexbase : L5906AIL) aboutit invariablement à requérir l'autorisation du conseil d'administration dès lors que le débiteur est différent du constituant (7). Surtout, en matière financière, peu importe le flacon, pourvu qu'on ait l'ivresse !

Les garanties réelles constituées pour autrui les plus usuellement rencontrées ici sont des nantissements de créance, de comptes de titres financiers, de parts sociales, des gages de stocks, des hypothèques... Bref, tout ce qui fait la réalité de l'activité économique d'une société. Rien de très étonnant, donc.

B - Les garanties personnelles

A tout seigneur, tout honneur ! Il est évident que faire appel à des garanties personnelles pour réussir qu'une société A garantisse la dette d'une société B, et vice et versa, est une idée simple et efficace.

Néanmoins, il ne faut pas se méprendre sur ce que l'on appelle alors "garanties croisées". Certainement, il ne s'agit pas d'une garantie donnée par la société mère pour l'ensemble de ses filiales, par exemple sous la forme d'un cautionnement. A proprement parler, une telle garantie n'est pas croisée puisqu'elle englobe l'ensemble constitué par le groupe de sociétés sans que la société mère ne bénéficie elle-même d'une garantie de ses filiales.

Ce dont il est plus volontiers question ici est une simple clause de solidarité passive (8) stipulant que chaque filiale du groupe est solidairement débitrice des engagements pris par ses sociétés soeurs, cousines, tantes... Cette clause est généralement incluse dans le contrat de crédit lui-même. Par son effet, complété avec une définition large des obligations garanties dans les documents contractuels créant les garanties réelles dont nous avons parlées précédemment, lesdites garanties réelles sécurisent les obligations de l'ensemble des filiales du groupe : les garanties reçues par les banques et autres fonds sont alors plus que jamais "croisées".

Au-delà de ces considérations descriptives, ce sont clairement les conséquences juridiques de la pratique des garanties croisées dans les financements destinés à des groupes de sociétés qui soulèvent des questions, souvent imparfaitement résolues par les praticiens.

II - Eléments de régime juridique des garanties croisées

Nous nous devons de débuter ce second paragraphe par une confession à l'adresse de nos lecteurs : les développements ci-dessous ne ressortent pas du droit des sûretés, encore moins du droit bancaire. Il s'agit essentiellement de droit des sociétés ! Pas d'inquiétude, néanmoins : nous tâcherons d'en faire un traitement clair et efficace en étudiant les principales limites applicables à la pratique des garanties croisées dans les financements destinés à des groupes de sociétés (A), limites encore maladroitement gérées par les techniques contractuelles (B).

A - Les limites à la pratique des garanties croisées

C'est une lapalissade que d'affirmer que le droit français a une considération limitée du groupe de sociétés (9). De cette position de principe dérivent bon nombre des bornes juridiques à la pratique des garanties croisées dans les groupes de sociétés.

Il s'agit, d'abord, de l'interdiction de l'assistance financière, règle bien connue des spécialistes des financements d'acquisition. Elle prend racine dans l'article L. 225-216 du Code de commerce (N° Lexbase : L8274GQI) qui dispose qu'"une société ne peut [...] consentir une sûreté en vue de la souscription ou de l'achat de ses propres actions par un tiers". Parmi les garanties croisées sont ainsi, par principe, prohibées les garanties "ascendantes" si la société dont les obligations garanties fait directement ou indirectement l'acquisition (en s'endettant donc) de la constituante de la sûreté réelle.

Sont ensuite concernées, les règles de droit pénal des affaires relatives à l'abus de biens sociaux (ou à défaut de l'abus de confiance (10), fondées sur les articles L. 241-1 (N° Lexbase : L6406AI4), L. 242-6 (N° Lexbase : L6420AIM) et L. 244-1 (N° Lexbase : L3310IQN) du Code de commerce (11). Bien évidemment, dans les groupes de sociétés (et, notamment, lorsqu'ils recourent globalement à l'endettement bancaire) la célébrissime jurisprudence "Rozemblum" (12) en tempère les effets si l'acte de gestion que constitue alors l'octroi de la garantie croisée est "motivé par un intérêt économique, social ou financier commun, apprécié au regard d'une politique élaborée pour l'ensemble du groupe et[n'est] ni démuni de contrepartie ou [de nature à] rompre l'équilibre entre les engagements respectifs des diverses sociétés concernées, ni [excédant] les possibilités financières de celle qui en supporte la charge". Il n'en reste pas moins que cette disposition générale obscurcit sensiblement les possibilités pour les bailleurs de fonds d'obtenir des garanties croisées.

Dans un sens encore plus général, la notion d'intérêt social (13) vient aussi contrarier la pratique des garanties croisées. L'arrêt précité rendu par la Chambre commerciale le 8 novembre 2011 l'a rappelé avec une certaine solennité s'agissant d'une société civile à qui il avait été demandé de donner en hypothèque le seul immeuble dont elle était propriétaire, mettant en péril son existence en cas de réalisation de la sûreté. Certes, en l'espèce, il semble que la société garante ne tirait aucun avantage de la constitution de cette sûreté, ce qui permet de conjecturer que la garantie n'était pas "croisée" et que le jugement des magistrats de cassation aurait pu être différent si cela eût été le cas. Pour autant, c'est un sage conseil à donner aux prêteurs que d'être prudents et mesurés s'agissant de ce point.

Enfin, le nouveau corpus normatif en matière de sous-capitalisation (14) est susceptible de considérablement renchérir le coût fiscal des garanties croisées et, partant, d'amoindrir leur intérêt économique.

En conséquence, si elles peuvent un temps apparaître comme une panacée en termes d'analyse de risque de crédit, les garanties croisées sont génératrices de problématiques juridiques (et fiscales !) diverses auxquelles il est nécessaire de réfléchir avant de les mettre en place.

B - La réponse imparfaite de la clause de limitation

Nous sommes d'avis qu'aller au bout de l'exercice de détermination des conséquences concrètes de la mise en place d'une pléiade de garanties croisées implique une analyse au cas par cas des difficultés rencontrées à l'occasion d'un financement donné, de façon à ce que des décisions optimales puissent être prises conjointement par les établissements prêteurs et le groupe emprunteur (nul n'ayant intérêt à ce que les garanties puissent s'évaporer ou engendrer des coûts fiscaux difficiles à absorber).

Tristement, cette analyse n'est pas toujours menée à bien, au nom d'un pragmatisme efficace dans la mise en place du financement. Aussi, après une analyse générale (notamment, fiscale), l'habitude est-elle souvent prise de s'abriter peu ou prou derrière une clause standard dite "de limitation de recours" (15) laquelle stipule, benoîtement, que les garanties croisées constituées sous forme de garantie réelles et, le cas échéant, couplées à une clause de solidarité (comme nous l'expliquions ci-dessus) voient leur étendue en termes d'obligations garanties automatiquement limitée à ce que tolère le droit français. Autrement dit, tout ce qui pourrait contribuer à la violation des règles relatives à l'assistance financière, à l'abus de biens sociaux ou à l'intérêt social est contractuellement rejeté hors du champ des garanties. Souvent, pour renforcer cette stipulation, est également prévu que jamais le montant garanti par une société donné ne peut excéder la dette qu'elle a personnellement contractée. Evidemment, ces limites ne s'appliquent pas aux pures garanties "descendantes", puisque garantir une filiale échoit sans conteste à une société mère.

Que dire de ces clauses, si ce n'est qu'elles sont plutôt incantatoires et d'emploi délicat ? Bien sûr, elles semblent témoigner d'une volonté claire des parties de ne pas violer les règles dont il a été fait mention (16). Tout de même, objectera-t-on qu'elles ne permettent que très imparfaitement de définir le champ et le quantum des obligations garanties. Aussi, peut-on légitimement craindre de voir nos amis banquiers tomber de Charybde en Scylla : leurs garanties ne seront pas nulles en raison de ce qui vient d'être expliqué, mais les obligations garanties pourraient s'avérer difficilement déterminables... ce qui peut, sur le fondement des articles 1108 (N° Lexbase : L1014AB8) et 1129 (N° Lexbase : L1229AB7) du Code civil, aboutir à la nullité des garanties à défaut d'objet suffisamment déterminable !

L'idée est fort séduisante, certainement pas dépourvue de vertus économiques, mais apparaît génératrice de frictions juridiques non négligeables qui ne se rattachent pas au droit français : que quiconque s'aventure avec le même concept dans un environnement germanique, s'il l'ose ! Le credo juridique quant aux garanties croisées ressemble donc à un "qui trop embrasse, mal étreint".


(1) Dt 24 :12 ; Ex 22 :25.
(2) Puisque, qui dit sûreté, dit crédit ; et inversement. Mieux dit, "sûretés traquées, crédit détraqué" : J.-M. Martin, Banque, 1975, p. 1133.
(3) On regroupe sous l'expression "debt push down" les techniques d'ingénierie fiscale destinées à transférer, complètement ou partiellement, une dette d'acquisition contractée par la holding d'acquisition à la cible. Ces techniques trouvent un intérêt, notamment, quand la holding ne bénéficie pas de l'intégration fiscale.
(4) Cass. com., 8 novembre 2011, n° 10-24.438, F-D (N° Lexbase : A8873HZN), commentaire à paraître de D. Gibirila in Lexbase Hebdo n° 276 du 8 décembre 2011.
(5) Typiquement, sa soeur.
(6) Cass. mixte, 2 décembre 2005, n° 03-18.210, publié (N° Lexbase : A9389DLC) ; D., 2006, 729, avis J. Sainte-Rose et note L. Aynès ; JCP éd. G, 2005, II, 10183, note Ph. Simler ; V. Téchené La nature du cautionnement réel et l'engagement des biens de la communauté, Lexbase Hebdo n° 196 du 5 janvier 2006 - édition affaires (N° Lexbase : N2226AKN).
(7) Car nous sommes alors loin des préoccupations de l'article 1415 du Code civil (N° Lexbase : L1546ABU). Quant aux précautions juridico-consuméristes, elles sont (quasi) inexistantes dans cet univers.
(8) C. civ., art. 1200 (N° Lexbase : L1302ABT). Bien que présumée en matière commerciale, les contrats de financement insistent souvent (et lourdement) sur cette règle.
(9) Lire Ch. Hannoun, Le droit et les sociétés, LGDJ, 1991. Cf. également la jurisprudence confirmant que les sociétés exerçant leur activité au sein d'un groupe demeurent des personnes morales juridiquement distinctes (Cass. com., 18 octobre 1994, n° 92-21.199 N° Lexbase : A4883ACT).
(10) Lorsque les conditions pour caractériser un abus de bien sociaux ne sont pas réunies. C'est, par exemple, le cas en matière de sociétés civiles.
(11) Selon qu'il s'agit d'une société à responsabilité limitée, d'une société anonyme ou d'une société par actions simplifiée. Les dirigeants, pour ce qui les concerne, pouvant en outre se retrouver en proie avec les dispositions de l'article L. 651-2 du Code de commerce (N° Lexbase : L8961IN9) relatif au comblement du passif.
(12) Cass. crim., 4 février 1985, n° 84-91.581 (N° Lexbase : A3881AGT), JCP éd. G, 1986, II, 20585, note W. Jeandidier ; Rev. sociétés, 1985, p. 648, note B. Bouloc.
(13) Que la jurisprudence "Rozemblum" permet d'apprécier, dans des cas malgré tout limités, comme un intérêt de groupe.
(14) Nous y avions consacré de larges développements (CGI, art. 212-II, 3 N° Lexbase : L0668IPG) De l'emploi malencontreux du terme "sûreté" par le législateur en matière fiscale, Lexbase Hebdo n° 250 du 12 mai 2011 - édition affaires (N° Lexbase : N1547BS4).
(15) Qui n'est pas la clause de recours limité, usuelle dans les financements structurés bâtis autour d'une entité ad hoc.
(16) Ce qui est fort utile pour empêcher la caractérisation de l'élément intentionnel d'une infraction pénale applicable.

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Internet

[Brèves] Contrariété au droit de l'Union européenne de l'injonction faite à un FAI de mettre en place un système de filtrage afin de prévenir les téléchargements illégaux de fichiers

Réf. : CJUE, 24 novembre 2011, aff. C-70/10 (N° Lexbase : A9797HZU)

Lecture: 2 min

N8965BST

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Le 01 Décembre 2011

Le droit de l'Union européenne s'oppose à une injonction, prise par une juridiction nationale, d'imposer à un fournisseur d'accès à internet la mise en place d'un système de filtrage afin de prévenir les téléchargements illégaux de fichiers. Tel est le sens d'un arrêt rendu par la CJUE le 24 novembre 2011 (CJUE, 24 novembre 2011, aff. C-70/10 N° Lexbase : A9797HZU). Dans son arrêt, la Cour rappelle, tout d'abord, que les titulaires de droits de propriété intellectuelle peuvent demander qu'une ordonnance soit rendue à l'encontre des intermédiaires, tels que les fournisseurs d'accès à internet, dont les services sont utilisés par les tiers pour porter atteinte à leurs droits. En effet, les modalités des injonctions relèvent du droit national. Toutefois, ces règles nationales doivent respecter les limitations découlant du droit de l'Union, telle notamment l'interdiction prévue par la Directive sur le commerce électronique (Directive 2000/31 du 8 juin 2000 N° Lexbase : L8018AUI) selon laquelle les autorités nationales ne doivent pas adopter des mesures qui obligeraient un fournisseur d'accès à internet à procéder à une surveillance générale des informations qu'il transmet sur son réseau. A cet égard, la Cour constate que l'injonction en question obligerait le FAI à procéder à une surveillance active de l'ensemble des données de tous ses clients afin de prévenir toute atteinte aux droits de propriété intellectuelle. Il s'ensuit que l'injonction imposerait une surveillance générale qui est incompatible avec la Directive sur le commerce électronique. En outre, une telle injonction ne respecterait pas les droits fondamentaux applicables. En outre, l'injonction de mettre en place un système de filtrage implique de surveiller, dans l'intérêt des titulaires de droits d'auteur, l'intégralité des communications électroniques réalisées sur le réseau du fournisseur d'accès à internet concerné, cette surveillance étant en outre illimitée dans le temps. Ainsi, une telle injonction entraînerait une atteinte caractérisée à la liberté d'entreprise du FAI puisqu'elle l'obligerait à mettre en place un système informatique complexe, coûteux, permanent et à ses seuls frais. De plus, les effets de l'injonction ne se limiteraient pas au FAI, le système de filtrage étant également susceptible de porter atteinte aux droits fondamentaux de ses clients, à savoir à leur droit à la protection des données à caractère personnel ainsi qu'à leur liberté de recevoir ou de communiquer des informations. Par conséquent, la Cour constate que, en adoptant l'injonction obligeant un FAI à mettre en place un tel système de filtrage, le juge national ne respecterait pas l'exigence d'assurer un juste équilibre entre le droit de propriété intellectuelle, d'une part, et la liberté d'entreprise, le droit à la protection des données à caractère personnel et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations, d'autre part.

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Internet

[Brèves] Interdiction de la prospection directe au moyen de système automatisés : le Conseil d'Etat valide le refus de prendre les mesures d'application

Réf. : CE 2° et 7° s-s-r., 23 novembre 2011, n° 341258, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A9953HZN)

Lecture: 2 min

N8975BS9

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Le 01 Décembre 2011

Dans un arrêt du 23 novembre 2011, le Conseil d'Etat a rejeté la requête tendant à l'annulation de la décision du Premier ministre ayant refusé de prendre le décret d'application de l'article 22 de la loi du 21 juin 2004 (N° Lexbase : L2600DZC), ainsi que celle refusant d'édicter le décret d'application de l'article 18 du même texte (CE 2° et 7° s-s-r., 23 novembre 2011, n° 341258, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A9953HZN). Rappelons que l'article L. 33-4-1 du Code des postes et télécommunications (N° Lexbase : L1133HHG), résultant de l'article 22 de la loi du 21 juin 2004, devenu l'article L. 34-5 du Code des postes et communications électroniques (N° Lexbase : L0098IR3), interdit la prospection directe au moyen de systèmes automatisés d'appel ou de communication, d'un télécopieur ou de courriers électroniques utilisant les coordonnées d'une personne physique, abonné ou utilisateur, qui n'a pas exprimé préalablement son consentement à recevoir des prospections directes par ce moyen. Or, pour les juges du Palais-Royal, les dispositions législatives définissent avec précision les notions de prospection directe et de consentement pour l'application de cet article, déterminent les conditions dans lesquelles il peut être dérogé à l'interdiction et prévoient les modalités de l'intervention de la Commission nationale de l'informatique et des libertés ainsi que les conditions dans lesquelles les infractions sont recherchées et constatées. Aussi, l'application de ces dispositions législatives, suffisamment précises, n'est-elle pas tributaire de l'intervention de dispositions réglementaires d'exécution ; par suite, alors même que l'article L. 33-4-1 du Code des postes et télécommunications, devenu l'article L. 34-5 du Code des postes et communications électroniques, porte mention qu'un décret en Conseil d'Etat précise en tant que de besoin les conditions d'application du présent article, notamment eu égard aux différentes technologies utilisées, le requérant n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision du Premier ministre ayant refusé de prendre le décret d'application de l'article 22 de la loi du 21 juin 2004. En outre, le Conseil, relevant que l'article 18 de la loi du 21 juin 2004 a prévu que des mesures restreignant, au cas par cas, le libre exercice de l'activité de commerce électronique par des personnes établies dans un Etat membre de la Communauté européenne autre que la France peuvent être prises par l'autorité administrative, dans des conditions prévues par décret en Conseil d'Etat, en cas d'atteinte ou de risque d'atteinte à l'ordre public, retient que le requérant, qui se prévaut des qualités de citoyen, d'usager des services publics, d'élu et de parlementaire, ne justifie pas d'un intérêt lui donnant qualité pour former un recours pour excès de pouvoir contre le refus de prendre ce décret. Dès lors, ses conclusions ne peuvent qu'être rejetées comme irrecevables.

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Sociétés

[Jurisprudence] Le principe de cogestion et la cession de parts sociales de société civile par un époux marié sous le régime légal

Réf. : Cass. civ. 1, 9 novembre 2011, n° 10-12.123, FS-P+B+I (N° Lexbase : A8905HZT)

Lecture: 8 min

N9017BSR

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par Vincent Téchené, Rédacteur en chef de Lexbase Hebdo - édition affaires

Le 07 Décembre 2011

En droit des régimes matrimoniaux, le législateur a mis en place une répartition des pouvoirs sur les biens communs des époux mariés sous le régime légal qui repose sur trois modes de gestion qui varient en fonction de la nature des biens dont il s'agit. Afin d'assurer l'indépendance et l'égalité des époux, le principe est celui d'une gestion dite concurrente dont le siège est l'article 1421, alinéa 1er, du Code civil (N° Lexbase : L1550ABZ) qui dispose que "chacun des époux a le pouvoir d'administrer seul les biens communs et d'en disposer". Toutefois, concernant les gains et salaires, la jurisprudence, prenant appui sur l'article 223 du Code civil (N° Lexbase : L2395ABC), aux termes duquel "chaque époux peut librement exercer une profession, percevoir ses gains et salaires et en disposer après s'être acquitté des charges du mariage", considère que chaque époux a le pouvoir d'en disposer librement, sans aucune distinction suivant le régime matrimonial adopté, instituant de la sorte une gestion exclusive (1). Enfin, le législateur fait parfois prévaloir l'association des époux sur leur indépendance ; certains actes requièrent alors l'accord des deux époux, soit parce qu'ils sont dépourvus de contrepartie (C. civ., art. 1422 N° Lexbase : L1370HIL), soit parce qu'ils portent sur des biens dont la valeur financière est importante (C. civ., art. 1424 N° Lexbase : L2300IBS et 1425 N° Lexbase : L1554AB8). Ainsi, l'article 1424 du Code civil institue-t-il ce principe de gestion conjointe ou cogestion pour les immeubles, les fonds de commerce et exploitation de la communauté, les meubles corporels dont l'aliénation est soumise à publicité et les droits sociaux non négociables. Ces biens ne peuvent être ni aliéné, ni grevé de droit réel par l'un des époux sans le consentement de l'autre ; ils ne peuvent non plus, depuis la loi du 4 août 2008 (loi n° 2008-776, de modernisation de l'économie N° Lexbase : L7358IAR), être transférés dans un patrimoine fiduciaire.
C'est ce rappel qu'opère la première chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt du 9 novembre 2011, publié au Bulletin et sur son site internet, concernant des parts sociales d'une société civile. En l'espèce, une femme, mariée sous le régime légal, ayant constitué avec une tierce personne une société civile immobilière, a cédé à sa co-associée les parts qu'elle détenait dans la SCI. Le mari de la cédante et celle-ci ont poursuivi la nullité de cette cession. La cour d'appel d'Orléans, saisie du litige, a rejeté la demande, relevant que le mari n'avait jamais notifié à la SCI son intention d'être personnellement associé et que les parts sociales souscrites au seul nom de l'épouse sont des droits sociaux négociables qui pouvaient parfaitement être cédés par elle puisqu'était entrée en communauté la valeur des parts, et non les parts elles-mêmes (CA Orléans, 14 décembre 2009, n° 08/02903 N° Lexbase : A7342GPM). La Cour de cassation censure la solution des juges du fond au visa de l'article 1424 du Code civil : "en se déterminant, par ces motifs inopérants, alors que l'épouse ne pouvait céder sans l'accord de son mari les parts sociales d'une telle société, qui ne sont pas des droits sociaux négociables, la cour d'appel a violé, par refus d'application, le texte susvisé".

Les pouvoirs des époux en matière de cession de droits sociaux sont donc déterminés en fonction de leur négociabilité, la cogestion ne s'appliquant qu'aux droits sociaux non-négociables.

I - Les parts sociales de société civile sont des droits sociaux non-négociables

L'article 1424 du Code civil n'impose le consentement de l'époux commun en biens à l'acte de cession des droits sociaux que lorsque ces derniers ne sont pas négociables. La négociabilité est définie de manière générique comme "la qualité attachée à certains titres représentatifs d'un droit ou d'une créance, qui en permet une transmission plus rapide et plus efficace que les procédés du Droit civil" (Vocabulaire Cornu, PUF, 2000, "négociabilité"), c'est-à-dire sans être tenu de recourir aux formalités de le cession civile pour qu'elle soit opposable aux tiers (C. civ., art. 1690 N° Lexbase : L1800ABB).

Dans l'espèce qui nous intéresse, les droits sociaux concernés étaient des parts de société civile et on ne peut que s'étonner de la décision de la cour d'appel d'Orléans qui y a vu des droits sociaux négociables. A s'en tenir à la définition donnée par le Vocabulaire Cornu, le caractère non-négociable des parts sociales de société civile ne fait aucun doute, dans la mesure où l'opposabilité aux tiers de leur cession est expressément soumise aux formalités prévues par l'article 1690 du Code civil. L'article 1865 du Code civil (N° Lexbase : L2062ABY) dispose ainsi que "la cession de parts sociales doit être constatée par écrit. Elle est rendue opposable à la société dans les formes prévues à l'article 1690 ou, si les statuts le stipulent, par transfert sur les registres de la société. Elle n'est opposable aux tiers qu'après accomplissement de ces formalités et après publication". Au demeurant, l'article 1841 du même code (N° Lexbase : L6094ICP) interdit aux sociétés n'y ayant pas été autorisées par la loi d'émettre des titres négociables, à peine de nullité des contrats conclus ou des titres émis. Les sociétés civiles immobilières ne sont pas autorisées à émettre de tels titres, les parts sociales représentant leur capital sont donc nécessairement des droits sociaux non-négociables.

Il en sera de même des parts sociales de SNC, de SARL et de SCS. A l'inverse les actions qui sont des droits sociaux négociables peuvent donc être librement cédées par un époux commun en biens sans qu'il n'ait l'obligation de recueillir le consentement de son conjoint. Il en est donc ainsi des titres représentant le capital des SA, des SAS et des SCA. D'ailleurs, la Cour de cassation a récemment énoncé, au visa des articles 1421, 1424 et 1427 du Code civil, que les actions d'une société anonyme constituent, en principe, des titres négociables que chaque époux a le pouvoir d'aliéner seul, sauf à répondre, le cas échéant, d'une fraude dans l'exercice de ce pouvoir (Cass. civ. 1, 27 mai 2010, n° 09-11.894, F-D N° Lexbase : A7260EX8).

II - Le consentement du conjoint du cédant

Après avoir rappelé que les parts sociales de sociétés civiles sont des droits sociaux non-négociables, la Cour de cassation en déduit fort logiquement que, dépourvue de consentement du conjoint de l'associé cédant, leur cession est nulle en application de l'article 1424 du Code civil.

Il s'agit là aussi d'un rappel puisque les juges du fond, comme la Cour de cassation, ont déjà statué en ce sens à de nombreuses reprises (2). Relevons que l'intervention du conjoint de l'associé cédant n'a pas pour conséquence de lui conférer la qualité de covendeur et corrélativement de le soumettre, au besoin sur ses biens propres, aux obligations qui incombent au vendeur, notamment à la garantie (3). L'époux ne donne pas son assentiment à l'acte translatif de propriété des titres en qualité d'associé mais bien en sa qualité de conjoint commun en biens du cédant. La cour d'appel d'Orléans, outre l'affirmation erronée selon laquelle les parts sociales sont des droits sociaux négociables, motivait sa solution par le fait que le mari de la cédante n'avait pas manifesté sa volonté d'être associé de la société. On rappellera, en effet, qu'un époux ne peut employer des biens communs pour faire un apport à une société ou acquérir des parts sociales non-négociables sans que son conjoint en ait été averti et sans qu'il en soit justifié dans l'acte (C. civ. art. 1832-2 N° Lexbase : L2003ABS), la qualité d'associé étant alors reconnue à celui des époux qui fait l'apport ou réalise l'acquisition. La qualité d'associé est également reconnue, pour la moitié des parts souscrites ou acquises, au conjoint qui a notifié à la société son intention d'être personnellement associé. Selon les juges du fond, l'absence de consentement du mari ne remettait pas en cause la validité de la cession, dès lors, notamment, qu'il n'avait pas effectué cette notification à la société. Là encore, l'analyse contra legem de la cour d'appel est fort surprenante. Les dispositions de l'article 1424 du Code civil qui exigent le consentement du conjoint du cédant, associé de la société, sont totalement indépendantes de celles de l'article 1832-2. Si le mari avait notifié sa volonté d'être associé de la SCI, il aurait dû intervenir à l'acte de cession en tant que cessionnaire et son consentement n'aurait pas suffi, à défaut de mandater expressément son conjoint pour le représenter à l'acte de cession.

Aussi et dès lors que le conjoint intervient seulement à l'acte pour donner son consentement à la vente, son intervention a le même objet que celle qui était requise avant que la loi du 23 décembre 1985 (loi n° 85-1372 N° Lexbase : L9080HS4) ne substitue à la condition exigeant le consentement du conjoint celle interdisant aux époux d'agir l'un sans l'autre. Il s'ensuit que la présence des deux époux à l'acte n'est pas obligatoire, le consentement du conjoint pouvant être donné aussi bien avant la conclusion du contrat de vente (Cass. civ. 1, 29 juin 1983, n° 82-13.058, publié N° Lexbase : A7599AGK, Bull. civ. I, n° 192, à propos d'une donation mais transposable pour une vente) qu'après cette conclusion (Cass. civ. 1, 17 mars 1987, n° 85-11.507, publié N° Lexbase : A1403AA9, Bull. civ. I, n° 95). Dans ce dernier cas, le consentement postérieur joue comme une ratification de l'acte de cession.

Par ailleurs, l'exigence de ce double consentement à la cession interdit au cessionnaire de recevoir les capitaux provenant de cette opération sans le conjoint commun en biens (C. civ., art. 1427, al 1er, dernière phrase). La Cour de cassation en alors déduit que lorsqu'un époux commun en biens a perçu, sans l'autre, les capitaux provenant de l'aliénation de droits sociaux non-négociables dépendant de la communauté, l'autre époux en demandant un second paiement, il appartient à celui qui a payé, afin de s'y soustraire, de démontrer que la communauté a profité du paiement (4).

Il existe néanmoins des cas dans lesquels le consentement de l'époux commun en biens du cédant de parts sociales ne sera pas exigé. Il s'agit du jeu exceptionnel des article 217 (N° Lexbase : L2386ABY), 219 (N° Lexbase : L2388AB3), 220-1 (N° Lexbase : L7169IMH), 1426 (N° Lexbase : L1555AB9) et 1429 (N° Lexbase : L1558ABC) du Code civil qui organisent des transferts de pouvoirs ou prévoient des autorisations judiciaires pour les cas où l'un des époux est hors d'état de manifester sa volonté, gère ses biens de façon inadaptée ou frauduleuse, ou encore refuse de passer un acte contrairement à l'intérêt de la société.

Dans l'arrêt rapporté les époux, la cédante et son mari commun en biens, demandent donc la nullité de l'acte de cession, à défaut pour ce dernier d'avoir consenti à la cession des parts sociales de la SCI. En effet, la sanction du non-respect des dispositions de l'article 1424 du Code civil ressort de l'article 1427 du Code civil qui édicte une nullité, lorsque l'un des époux a outrepassé ses pouvoirs sur les biens communs. La Cour de cassation l'a expressément rappelé dans le cadre d'une vente de droits sociaux non-négociables, énonçant que l'acte accompli hors des limite de ses pouvoirs relève des articles 1424 et 1427 du Code civil et non des textes frappant les actes frauduleux d'un époux, lesquels ne trouvent à s'appliquer que subsidiairement à défaut d'autre sanction (Cass. civ. 1, 30 mars 1999, n° 97-16.252, publié N° Lexbase : A5181AYK, Bull. civ. I, n° 111).

Si dans l'arrêt du 9 novembre 2011 la nullité est invoquée par les deux époux, il importe de rappeler qu'en l'espèce l'épouse n'est pas recevable à agir. En effet, il est acquis que cette nullité est une nullité relative qui ne peut être alléguée que par le conjoint victime du dépassement du pouvoir, c'est-à-dire, en ce qui concerne la cession de droits sociaux non-négociables, par le conjoint qui n'a pas donné son consentement à l'acte (5). Au demeurant, l'acquéreur ne peut, non plus, se prévaloir de ladite nullité.

Enfin, l'action accordée par l'article 1427 du Code civil à l'époux victime du dépassement des pouvoirs tend non à l'inopposabilité de l'acte à ce dernier, mais à une nullité, sanction qui prive l'acte litigieux de ses effets non seulement à l'égard du conjoint, mais aussi dans les rapports du cédant avec le cessionnaire (6), peu important que l'acquéreur soit de bonne foi (7). L'action en nullité peut être intentée pendant deux ans à partir du jour où le conjoint victime a eu connaissance de l'acte, sans pouvoir jamais être intentée plus de deux ans après la dissolution de la communauté (C. civ., art. 1427, al. 2). Il s'agit d'un délai de prescription qui court, concernant un acte de cession de droits sociaux, à compter du jour de la cession, et qui s'étend à la clause de porte-fort elle-même (8).

En guise de conclusion, et compte tenu de ces développements, la cour d'appel de renvoi n'aura pas d'autre choix que de prononcer la nullité de la cession des parts de la SCI. Cette cession annulée, les parties seront remises dans l'état où elle se trouvaient antérieurement, de sorte que l'épouse redeviendra associée de la SCI et devra rembourser à la cessionnaire le prix des parts sociales. Enfin, on peut envisager que si l'acte de vente a été rédigé par un professionnel, notamment un notaire, faute de s'être assuré du consentement du conjoint de la cédante, ce dernier a commis une faute professionnelle qui pourra engager sa responsabilité (9).


(1) Cass. civ. 1, 29 février 1984, n° 82-15.712, publié (N° Lexbase : A0390AAP), Bull. civ. I, n° 81 ; GAJC, 12ème éd., n° 89 ; D., 1984, 601, note D. Martin ; JCP éd. G, 1985, II, 20443, note Le Guidec ; Defrénois, 1984, 1074, obs. Champenois.
(2) Cass. civ. 1, 28 février 1995, n° 92-16.794, publié (N° Lexbase : A4391AGQ), Bull. civ. I, n° 104 ; D., 1995. Somm. 326, obs. Grimaldi ; RTDCiv,. 1996, 462, obs. Vareille ; JCP éd. G, 1995. I. 3869, n° 11, obs. Simler ; adde Cass. civ. 1, 30 mars 1999, n° 97-16.252, publié (N° Lexbase : A5181AYK), Bull. civ. I, n° 111.
(3) Cf. Mémento pratique Francis Lefebvre, Sociétés civiles, 2006, n° 21211.
(4) Cass. civ. 1, 30 octobre 2006, n° 03-20.589, FS-P+B (N° Lexbase : A1934DSG) ; D., 2007, 2126, obs. Brémond, M. Nicod et J. Revel ; RTDCom., 2007, 182, obs. M.-H. Monsèrié-Bon ; JCP éd. G, 2007, I, 142, n° 23, obs. Ph. Simler ; JCP éd. N, 2007, 1158, étude J.-G. Mahinga ; RJPF, 2007-1/17, note F. Vauvillé ; Bull. Joly Sociétés 2007. 401, note J.-P.Garçon ; RJDA, 2007, n° 488.
(5) Cass. civ., 1, 17 juin 1981, n° 80-11.140 (N° Lexbase : A3548AGI), JCP éd. G, 1982, II, 19809, note Patarin ; Cass. civ. 1 20 janvier 1998, n° 96-10.433 (N° Lexbase : A3956CXS).
(6) Cass. civ., 1, 17 juin 1981, n° 80-11.140, préc. ; Cass. civ. 1, 28 mars 1984, n° 83-10.848 (N° Lexbase : A0727AA8), JCP éd. G, 1984, II, 20430, note Henry.
(7) Cass. civ. 1, 6 février 1979, n° 77-15.232, publié (N° Lexbase : A2853CGR) ; JCP éd. N, 1979, II, 229 (2ème esp.), note Thuillier.
(8) Cass. civ. 1, 15 juillet 1993, n° 91-18.368 (N° Lexbase : A3727ACZ) ; Dr. sociétés, 1994, n° 219.
(9) CA Paris, 3ème ch., sect. A, 28 juin 1994, n° 92/003935 (N° Lexbase : A9217C8U) ; Bull. Joly, 1994, p. 1230, note G. Lesguillier.

newsid:429017

Sociétés

[Brèves] Privatisation de France Télécom : annulation de l'arrêté fixant les modalités de réduction des demandes d'actions présentées par les salariés pour méconnaissance de l'objet de l'article 11 de la loi du 6 août 1986

Réf. : CE 9° et 10° s-s-r., 21 novembre 2011, n° 314652, publié au Recueil Lebon (N° Lexbase : A9924HZL)

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N8978BSC

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Le 29 Novembre 2011

Dans un arrêt du 21 novembre 2011, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêté du 22 janvier 2008 fixant les modalités de réduction des demandes d'actions France Télécom présentées par les salariés et anciens salariés de France Télécom (N° Lexbase : L2736IRR), en ce qu'il a méconnu l'objet même de l'article 11 de la loi du 6 août 1986 (N° Lexbase : L7086AZH), qui est de leur permettre de détenir 10 % des titres cédés en cas de cession d'une participation de l'Etat suivant les procédures du marché financier (CE 9° et 10° s-s-r., 21 novembre 2011, n° 314652, publié au Recueil Lebon N° Lexbase : A9924HZL). Dans le cadre de sa privatisation, France Télécom, conformément à la loi de 1986, a proposé quatre formules d'acquisition des actions à attribuer, susceptibles d'être panachées : la première repose sur une souscription par l'intermédiaire d'un PEE et bénéficiant d'un financement bancaire mis en place à l'initiative de France Télécom ; la deuxième repose sur une souscription par l'intermédiaire d'un PEE mais ne bénéficiant pas d'un tel financement ; la troisième repose sur une souscription en dehors d'un PEE et bénéficiant d'un financement bancaire mis en place à l'initiative de France Télécom ; et la quatrième repose sur une souscription en dehors d'un PEE et ne bénéficiant pas d'un tel financement. L'arrêté attaqué fixait, quant à lui, les modalités de réduction des demandes d'actions France Télécom présentées par les salariés, agents, anciens salariés et anciens agents de France Télécom, prévoyant, si le nombre d'actions demandé par un ayant droit toutes formules d'acquisition confondues était supérieur au plafond, que sa demande serait servie à hauteur du plafond et, en cas de panachage entre les formules d'achat, selon un ordre de priorité privilégiant les formules dont les actions étaient souscrites par l'intermédiaire des PEE par rapport à celles dont les actions étaient souscrites en dehors de tels plans et, à l'intérieur de chacune de ces deux catégories, la formule bénéficiant d'un financement bancaire mis en place à l'initiative de France Télécom par rapport à celle ne bénéficiant pas d'un tel financement. C'est dans ces circonstances de fait que le Conseil juge qu'il résulte de l'ordre de priorité déterminé par l'arrêté attaqué que tout ayant droit ayant demandé un nombre d'actions supérieur au plafond en panachant les formules dont les actions étaient souscrites par l'intermédiaire des PEE s'est vu servir 220 actions au titre de la formule bénéficiant du financement bancaire et 17 actions au titre de la formule ne bénéficiant pas de ce financement, quel que fût le nombre d'actions demandées à ce titre. Or, selon les juges du Palais-Royal, en privilégiant dans de telles proportions la formule reposant sur la revente des actions à l'échéance de l'opération et alors même que le ministre entendait, par l'ordre de priorité retenu, protéger les intérêts pécuniaires des salariés, l'arrêté attaqué a méconnu l'objet de l'article 11 de la loi du 6 août 1986.

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Transport

[Brèves] Limitation de la responsabilité du transporteur en raison d'un vol des marchandises

Réf. : CA Paris, Pôle 5, 4ème ch., 2 novembre 2011, n° 08/24354 (N° Lexbase : A1084HZ8)

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N8980BSE

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Le 30 Novembre 2011

Dans un arrêt du 2 novembre 2011, la cour d'appel de Paris a jugé qu'en l'absence de force majeure, mais aussi de faute lourde équipollente au dol imputable à un transporteur, les clauses contractuelles limitatives de la responsabilité de cette société prévues à l'article 21 du contrat type général applicable aux transports publics de marchandises pour lesquels il n'existe pas de contrat type spécifique, étaient applicables (CA Paris, Pôle 5, 4ème ch., 2 novembre 2011, n° 08/24354 N° Lexbase : A1084HZ8). Plus précisément, concernant la force majeure, la cour d'appel rappelle que ne constitue un tel cas que l'évènement qui serait à la fois imprévisible au moment de la conclusion du contrat et irrésistible dans son exécution et qu'un vol ne saurait en tout état de cause être qualifié d'évènement irrésistible, diverses mesures pouvant être prises afin d'éviter sa réalisation. En outre, sur la faute lourde du transporteur, les juges d'appel retiennent que si le transporteur a commis plusieurs fautes, en acceptant de changer la destination des marchandises au dernier moment sur un simple coup de téléphone et sans procéder aux vérifications qui s'imposaient auprès du donneur d'ordre, si les contrariétés entre le lieu de destination des marchandises mentionné dans la lettre de voiture et le lieu de livraison finalement indiqué par un tiers et si les modalités du transbordement auraient dû éveiller sa méfiance, ces fautes ne revêtent pas le caractère de gravité requis pour constituer une faute lourde. En effet, les marchandises ont été volées en usant de manoeuvres particulièrement habiles, qui ont aussi réussi à abuser le vendeur des marchandises transportées. Ainsi, des faux ont été commis et une véritable mise en scène a été mise au point pour tromper le vendeur de marchandises et le transporteur, sachant, au demeurant, que ce dernier n'avait pas connaissance du caractère sensible de la marchandise qu'il transportait. Dès lors, pour la cour d'appel, la faute lourde n'est pas caractérisée, de sorte qu'il y a lieu de faire application de la limite d'indemnisation résultant des stipulations de l'article 21 du contrat type général.

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