Lexbase Affaires n°274 du 24 novembre 2011

Lexbase Affaires - Édition n°274

Ce qu'il faut retenir...

[A la une] Cette semaine dans Lexbase Hebdo - édition affaires...

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par Vincent Téchené, Rédacteur en chef de Lexbase Hebdo - édition affaires
Sous la Direction de Deen Gibirila, Professeur à la Faculté de droit et science politique, Université Toulouse I Capitole

Le 30 Novembre 2011


Droit du sport. Largement médiatisé, notamment par la presse juridique et sportive, un important arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne s'est penchéprononcé, le 4 octobre 2011, sur les licences pour la retransmission des rencontres de football, qui accordent aux radiodiffuseurs une exclusivité territoriale par Etat membre (CJUE, 4 octobre 2011, aff. C-403/08 et C-429/08). Les litiges à l'origine de cet arrêt du 4 octobre 2011 concernent des tentatives de contourner cette exclusivité. Certains cafés-restaurants ont en effet commencé, au Royaume-Uni, à utiliser des cartes de décodeurs étrangères, délivrées par un radiodiffuseur grec aux abonnés résidents en Grèce, pour accéder aux rencontres de la Premier League. Ils achètent des cartes et un boîtier auprès d'un distributeur à des prix plus avantageux que ceux demandés par titulaire des droits de retransmission au Royaume-Uni. Estimant que de telles activités portent atteinte à l'exclusivité des droits de diffusion télévisuelle et à la valeur de ces droits, la FAPL essaie d'y mettre un terme par la voie judiciaire qui conduit à la saisine de la CJUE par la High Court (Royaume-Uni) de demandes de décision préjudicielle. La Cour a joint dans un seul arrêt les deux affaires qui lui étaient soumises. Le tableau est ainsi dressé, et, pour nous éclairer sur cet important arrêt et sur ses conséquences directes, notamment en France, Lexbase Hebdo - édition affaires a rencontré un spécialiste en droit du sport, Maître Jean-Jacques Bertrand, avocat associé, SCPA Bertrand & Associé, inscrit au Barreau de Paris et d'Arizona (Etats-Unis) en qualité de Foreign Legal Consultant, arbitre international (2002-2010) au Tribunal Arbitral du Sport (TAS), membre de la Chambre arbitrale du sport du CNOSF et membre du Comité Directeur de Sports Lawyers Association aux Etats-Unis (lire N° Lexbase : N8936BSR).
Droit des transports. Lexbase Hebdo - édition affaires vous propose, cette semaine, de retrouver la chronique trimestrielle d'actualité en droit des transports, sous la plume de Christophe Paulin, Professeur de droit, Directeur du Master de droit des transports, Université Toulouse I Capitole (lire N° Lexbase : N8888BSY). Ce trimestre, l'auteur a choisi de s'arrêter sur trois arrêts rendus par la Cour de cassation qui ont entre juillet et octobre 2011. Dans le premier arrêt en date du 12 juillet 2011 (Cass. com., 12 juillet 2011, n° 10-18.675, FS-P+B), la Chambre commerciale revient sur le fondement de l'action directe du transporteur pour exclure ici l'idée de solidarité. Mais, comme le relève le Professeur Paulin, la question du fondement reste toujours posée, la Cour ne la tranchant pas expressément. L'auteur a ensuite choisi de revenir sur un arrêt de la même formation en date du 4 octobre 2011, qui, dans l'affaire "Frigo 7 contre Gefco", énonce que l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce ne s'applique pas dans le cadre des relations commerciales de transports publics routiers de marchandises exécutés par des sous-traitants, lorsque le contrat-type, qui prévoit la durée des préavis de rupture, institué par la "LOTI", régit, faute de dispositions contractuelles, les rapports du sous-traitant et de l'opérateur de transport (Cass. com., 4 octobre 2011, n° 10-20.240, FS-P+B). Enfin, le dernier arrêt sélectionné, daté du 11 octobre, est l'occasion pour la Cour régulatrice de confirmer sa jurisprudence qui exclut la possibilité d'intenter l'action directe en paiement contre le vendeur ex works (Cass. com., 11 octobre 2011, n° 10-20.455, n° 10-20.455, F-D).

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Affaires

[Jurisprudence] Le poker est-il un jeu de hasard ou un jeu d'adresse ?

Réf. : TGI Toulouse, 5ème ch. correc., 20 juillet 2011, n° 06000061278 (N° Lexbase : A9216HZD)

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par Sabine Lipovetsky, avocat associé, Kahn & Associés

Le 24 Novembre 2011

Le 20 juin 2011, le tribunal correctionnel de Toulouse a relaxé plusieurs prévenus poursuivis pour tenue de maison de jeux de hasard au motif que le "Texas Hold'Em" n'est pas un jeu de hasard. Cette décision de justice inédite en France pourrait avoir d'importantes conséquences sur le cadre juridique du poker. Pourtant, la prudence est de mise quant à la portée de ce jugement rendu en première instance et qui ne vise qu'une variante de poker, le "Texas Hold'Em".

I - Le "Texas Hold'Em" n'est pas un jeu de hasard selon les juges

Le débat portant sur la qualification juridique du poker en tant que jeu d'adresse ou jeu de hasard revient régulièrement dans les prétoires français dans le cadre de poursuites pénales pour tenue de maisons de jeux de hasard. En effet, ce délit consacré à l'article 1er de la loi du 12 juillet 1983, relative aux jeux de hasard (loi n° 83-628 N° Lexbase : L0919HUL) est passible de sévères peines d'amende et d'emprisonnement. Le principal axe de défense des personnes poursuivies consiste à démontrer que le poker est en réalité un jeu d'adresse dans le but d'échapper à l'application des dispositions de ladite loi.

Selon une jurisprudence ancienne et constante des tribunaux judiciaires, le jeu de hasard se définit comme tout jeu où la chance prédomine sur l'habileté, la ruse, l'audace et les combinaisons de l'intelligence. La loi du 12 mai 2010, relative à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne (loi n° 2010-476 N° Lexbase : L0282IKN), consacre cette définition du jeu de hasard en le qualifiant de "jeu payant où le hasard prédomine sur l'habileté et les combinaisons de l'intelligence".

La Cour de cassation a, dès la fin du XIXème siècle, qualifié le poker de jeu de hasard reconnaissant que "les pertes et les gains parfois considérables que les joueurs peuvent faire [à ce jeu] dépendent beaucoup plus du hasard et de la chance que de leur habileté, de leur ruse, de leur audace et des combinaisons diverses dont ce jeu est susceptible" (Cass. crim. 28 mai 1930, Gaz. Pal., 1930.2.65).

Toutefois, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand, dans une décision en date du 21 octobre 2010, avait déjà pu relever que le poker n'est pas un jeu de "pur hasard dès lors que l'habileté et la stratégie dans la pratique de ce jeu sont nécessaires afin d'accroître de façon importante la possibilité de percevoir des gains et d'augmenter leur montant" (TA Clermont-Ferrand, du 21 octobre 2010, n° 0900640 N° Lexbase : A5691HMQ). Le tribunal en avait alors déduit que la pratique habituelle du jeu de poker, y compris en ligne, dans des conditions assimilables à une activité professionnelle, est susceptible de constituer une occupation lucrative ou une source de profits générant un revenu imposable dans la catégorie des bénéfices commerciaux en vertu de l'article 92 du Code général des impôts (N° Lexbase : L7147ICP).

Une décision de la cour d'appel de Versailles, en date du 4 mars 2009, semblait également laisser entrevoir une ouverture. En effet, la juridiction d'appel indiquait que le hasard dans le jeu de poker pouvait être "neutralisé par la multiplication des coups et des parties" sans en tirer aucune conséquence juridique en l'espèce (CA Versailles, 9ème ch., 4 mars 2009, n° 07/01408 N° Lexbase : A7262EDC).

Il est vrai que la maîtrise du poker nécessite avant tout des qualités psychologiques (un sens de l'observation, une capacité à adapter sa stratégie à ses adversaires et à son environnement, une discipline permettant la patience nécessaire pour attendre les tables les plus profitables et les meilleures mains) ainsi qu'une connaissance des probabilités de distribution des mains, des probabilités et mécanismes de leurs améliorations dans la variante jouée.

Il est ainsi fréquemment soutenu que, dans le cadre du poker, l'expérience du joueur, son sens de l'observation et de la stratégie ou encore son aptitude à "bluffer" sont autant de preuves du fait que les combinaisons de l'intelligence prédominent sur la chance.

Dans la décision du tribunal correctionnel de Toulouse en date du 20 juin 2011, la qualification de jeu de hasard a été clairement rejetée pour la première fois en matière de poker par un juge français. Plusieurs hommes d'affaires toulousains étaient poursuivis pour avoir organisé au sein des locaux d'une association des parties et tournois de poker dit "Texas Hold'Em". La défense s'est appuyée sur l'avis de trois experts dont un joueur professionnel de ce type de jeu, un champion de France d'échecs et de bridge, jeux dans lesquels les combinaisons de l'intelligence prévalent sur la chance, ainsi qu'un docteur en mathématiques. La conjonction de leurs témoignages a ainsi convaincu le tribunal du fait que la technique et les qualités de maîtrise, de ruse et de "bluff" jouaient un rôle prépondérant dans le déroulement de ce jeu.

II - La décision du 20 juin 2011 ouvre des perspectives mais sa portée est incertaine

La portée de la décision du 20 juin 2011 est limitée à une variante de poker, le "Texas Hold'Em". Cette variante, également dénommée "poker ouvert", se joue avec sept cartes (au lieu de cinq) dont deux sont tenues en main et cinq autres sont exposées à la vue des autres joueurs. Cette configuration particulière du poker permet des combinaisons qui rapprochent ce jeu de celui du bridge, ce qui a d'ailleurs été mentionné dans la décision du tribunal correctionnel. Or, les juges considèrent de façon constante le bridge comme un jeu dans lequel la technique prévaut sur la chance. En conséquence, il n'est pas évident que le principe retenu dans cette décision à propos du "Texas Hold'Em" puisse être étendu à toute autre variante de poker, et notamment à la seconde variante, le "Omaha Poker 4", visée dans le décret d'application du 29 juin 2010 (décret n° 2010-723, relatif aux catégories de jeux de cercle mentionnées au II de l'article 14 de la loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 relative à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne N° Lexbase : L6376IM4).

Pour ce qui concerne le poker "Texas Hold'Em", quelles sont les conséquences de la décision du 20 juin 2011 ? S'il est considéré comme un jeu d'adresse échappant à l'infraction de "tenue de maison de jeux de hasard", doit-il continuer à entrer dans le champ d'application de la loi relative à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne ?

Comme le rappelle le rapport d'information sur la mise en application de la loi du 12 mai 2010, cette dernière ne s'applique "qu'aux seuls jeux d'argent et de hasard, entendus comme des 'jeu[x] payant[s] où le hasard prédomine sur l'habileté et les combinaisons de l'intelligence', selon la définition, tirée de la jurisprudence des tribunaux judiciaires, inscrite à l'article 2". En reconnaissant que le "Texas Hold'Em" ne constitue pas un jeu de hasard au sens entendu par la Cour de cassation, ce type de jeu ne peut, a fortiori, répondre à la définition donnée par la loi susmentionnée.

Les conséquences d'une telle interprétation doivent être appréciées au regard des obligations mises à la charge des opérateurs de jeux de hasard en ligne par ladite loi. En effet, la loi soumet, tout d'abord, l'activité des opérateurs à l'obtention d'un agrément auprès de l'Autorité de régulation des jeux en ligne (ARJEL). Dans le cadre de cette procédure, les opérateurs doivent prouver leur capacité à respecter leurs obligations légales en terme de stabilité financière et de contraintes techniques. A cet effet, les candidats doivent respecter un cahier des charges particulièrement exigeant. Par ailleurs, la loi a des implications fiscales en ce qu'elle impose aux opérateurs de s'acquitter de droits fixes. Une fois l'agrément obtenu, la loi impose encore à l'opérateur de prendre certaines dispositions en matière de comptabilité, de publicité ou encore de lutte contre l'addiction. Ainsi, c'est la nécessité de satisfaire l'ensemble de ces obligations qui pourraient être remises en cause s'il était confirmé que cette variante du poker ne répond pas à la définition des jeux d'argent et de hasard donnée à l'article 2 de la loi du 12 mai 2010.

Un cadre légal, spécifique aux jeux dans lesquels le hasard intervient mais où les combinaisons de l'intelligence prévalent, pourrait être étudié, retenant notamment un système plus souple d'agrément de manière à faciliter l'ouverture du marché des jeux en ligne en France.

La décision du 20 juin 2011 a été rendue par une juridiction de première instance et fait l'objet d'un appel. Une attention particulière devra donc être portée aux suites données à ce jugement qui soulève beaucoup d'interrogations quant au cadre légal en place concernant le poker à l'instar de récentes décisions de justice rendues en Suède ou encore aux Pays-Bas.

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Bancaire

[Brèves] L'offre de prêt sous condition d'obtention d'une sûreté

Réf. : CA Saint-Denis de la Réunion, 2 septembre 2011, n° 09/01568 (N° Lexbase : A5590HXC)

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N8889BSZ

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Le 01 Décembre 2011

Dans un arrêt du 2 septembre 2011, la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion s'est prononcée sur la condition d'obtention d'une sûreté pour l'octroi d'un prêt consenti par un établissement de crédit pour le financement de l'acquisition d'un fonds de commerce, laquelle acquisition avait été conclue sous condition suspensive de l'obtention dudit prêt (CA Saint-Denis de la Réunion, 2 septembre 2011, n° 09/01568 N° Lexbase : A5590HXC). En l'espèce, un fonds de commerce de pharmacie a été cédé sous condition suspensive d'obtention d'un prêt. La vente ne s'est pas réalisée et, soutenant que la responsabilité en incombait à l'acquéreur, le cédant l'a fait assigner aux fins d'obtenir l'indemnisation de son préjudice. Le TGI a considéré que la condition suspensive d'obtention d'un prêt s'était réalisée de sorte que le défaut de réalisation de la vente s'analysait en une renonciation et a condamné le cessionnaire à verser au cédant la somme prévue au contrat en cas de dédit. Ayant fait appel de cette décision, le cessionnaire soutenait que la condition suspensive ne s'était pas réalisé puisqu'elle avait seulement obtenu d'une banque un "avis favorable" à sa demande de financement, cet accord étant soumis aux garanties classiques en terme d'assurances, nantissement et caution et à la condition suspensive de l'aval à plus de 50 % garantissant la banque elle-même. Mais la cour d'appel énonce que le seul fait que cette offre de prêt ait été soumise au bénéfice de la seule banque à la condition suspensive d'un aval d'un organisme de garantie n'enlève pas son caractère d'offre ferme et définitive de crédit. Ce défaut d'aval aurait seulement eu pour effet, ajoutent les juges, de permettre à la banque de se désengager de son offre. Ainsi, et quoiqu'il se soit passé par la suite, la condition suspensive de l'obtention d'un accord écrit de crédit bancaire conforme aux prévisions contractuelles s'est donc bien réalisée par l'offre de la banque, de sorte que, faute pour l'acquéreur d'avoir notifié à la banque son accord définitif sur cette offre, il y a lieu de considérer qu'il est à l'origine de la non-réalisation de la condition suspensive (cf. Cass. civ. 3, 23 juin 2010, n° 09-15.963, FS-P+B N° Lexbase : A3338E3Z, selon lequel la clause "sous réserve de l'acceptation à l'assurance des emprunteurs" ne porte pas atteinte au caractère ferme de l'offre de crédit caractérisant l'obtention d'un prêt ; cf. l’Ouvrage "Droit bancaire" N° Lexbase : E9048AG9).

newsid:428889

Droit financier

[Brèves] Gestion d'actifs et crise financière : sanction de la commission des sanctions de l'AMF

Réf. : 2 décisions AMF du 7 octobre 2011 (N° Lexbase : L2573IRQ) et (N° Lexbase : L2574IRR)

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N8940BSW

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Le 24 Novembre 2011

Deux décisions de l'AMF, rendues le 7 octobre 2011 et publiées le 17 novembre 2011, ont sanctionnées des filiales de la Société générale, pour leur gestion "désordonnée et opaque" de la crise financière de 2007-2008. Une première décision a ainsi été prononcée par l'AMF à l'encontre SGAM AI, en charge de la gestion alternative (décision AMF du 7 octobre 2011, sanction N° Lexbase : L2573IRQ). Pour rappel, le groupe Société Générale. avait mis en place un "groupe" de gestion de crise comportant notamment une "cellule de crise groupe" et un "comité de crise groupe" Ce comité avait validé un certain nombre de principes exceptionnels de gestion. Etaient notamment autorisées des cessions en interne faites au moyen d'un "conduit ad-hoc", également dénommé "Gop Liquid" et destinées, d'une part, à assurer la liquidité des OPCVM en difficulté, d'autre part, à éviter toute fermeture de fonds. Dans ce cadre, a été reproché à SGAM AI un défaut d'organisation dans ses fonctions "risques et conformité" concernant le contrôle des mesures de gestion de crise. Cette carence était illustrée par des dépassements des ratios réglementaires, insuffisamment contrôlés, et des atteintes à l'égalité des porteurs dans le cadre de la valorisation des valeurs liquidatives des OPCVM. C'est sur la base de ces griefs que la SGAM AI est finalement sanctionnée par la commission des sanctions : selon l'AMF, il est inadmissible qu'une société de cette importance ait donné la priorité à la poursuite de ses propres objectifs par rapport au devoir qui était le sien d'assurer l'information, la sécurité et la préservation des intérêts de ses clients. Au vu de ces éléments, la sanction pécuniaire prononcée est de 1,5 millions d'euros. La seconde décision, rendue le même jour vise la société de gestion SGAM, en charge de la gestion d'actifs (décision AMF du 7 octobre 2011, sanction N° Lexbase : L2574IRR). Lui était reproché, dans le même contexte, le rôle actif de la filière de contrôle des risques dans les opérations de transfert de portefeuilles, ce qui aurait eu pour effet de supprimer, de facto, un échelon de contrôle, la carence de la fonction conformité, et une rupture d'égalité entre les porteurs de parts d'OPCVM du fait d'un écart important entre les montants valorisés par SGAM dans les fonds avant cession et les prix des transactions via le conduit Gop Liquid. Les faits reprochés sont, selon l'AMF, révélateurs d'une grave "défaillance des missions de contrôle des risques et de la conformité, qui a eu pour effet de priver les porteurs de parts des fonds gérés par SGAM des mécanismes de protection qui auraient dû les préserver des risques auxquels ils ont été exposés du fait d'une gestion de la crise désordonnée et, à certains égards, préjudiciable". Par conséquent, la gravité de ces manquements justifie le prononcé d'une sanction pécuniaire d'un million d'euros.

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Commercial

[Jurisprudence] L'admission de l'action en responsabilité délictuelle de la victime par ricochet d'une rupture brutale de relation commerciale établie

Réf. : Cass. com., 6 septembre 2011, n° 10-11.975, F-P+B (N° Lexbase : A5347HXC)

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N8856BSS

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par Valérie Marx, Avocat - Docteur en droit, FIDAL

Le 24 Novembre 2011

Afin de distribuer ses produits en Thaïlande, une société spécialisée dans la fabrication et la vente de levure, la société Lesaffre, s'est rapprochée de deux filiales du groupe Denis Frère, situées respectivement en France et en Thaïlande. Dans le cadre de cette opération, la société Lesaffre était en relation commerciale directe avec la filiale française, la société Denis Frère, pour le fret et les aspects administratifs et comptables des commandes, et en relation indirecte avec la filiale implantée en Thaïlande. Après plusieurs années de relations commerciales, la société Lesaffre a décidé de rompre ses relations avec la société Denis Frère. Les deux filiales du Groupe Denis Frère ont assigné le fabricant pour rupture brutale des relations commerciales.
Condamné par la juridiction d'appel à indemniser le préjudice subi par la filiale thaïlandaise, le fabricant se pourvoit en cassation, l'article L. 442-6, I, 5° (N° Lexbase : L8640IMX) ne pouvant bénéficier, selon son moyen, à un partenaire indirect qui se prévaudrait d'un éventuel dommage par ricochet. La Cour de cassation était donc appelée à se prononcer sur la question de la responsabilité de l'auteur d'une rupture brutale de relation commerciale envers un distributeur tiers, avec lequel il n'avait pas noué de relation directe.
Cette question, qui avait déjà été posée à la Haute juridiction en 2004 (1), reçoit par la présente décision, une réponse affirmative dans un arrêt de la Chambre commerciale en date du 6 septembre 2011. Un tiers peut rechercher la responsabilité de l'auteur d'une rupture brutale sur le fondement de la responsabilité délictuelle, dès lors que ce manquement lui a causé un préjudice. Le motif de l'arrêt n'est pas sans rappeler celui de l'arrêt du 6 octobre 2006, par lequel l'Assemblée plénière avait énoncé que le "tiers à un contrat peut se prévaloir d'un manquement contractuel, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, dès lors que ce manquement lui a causé un dommage" (2). La reconnaissance de l'action en responsabilité délictuelle de la victime par ricochet pour rupture brutale de relation commerciale établie (I) est subordonnée à la réunion des conditions classiques de la responsabilité délictuelle (II), relativisant, de ce fait, la portée de cet arrêt, l'extension de la responsabilité de l'auteur de la rupture brutale n'étant pas aussi illimitée que la généralité du motif de la Cour de cassation le suggèrerait.

I - La reconnaissance de l'action en responsabilité délictuelle de la victime indirecte d'une rupture brutale de relation commerciale

La présente décision constitue un revirement de jurisprudence, la Haute juridiction n'ayant jamais admis auparavant la réparation du dommage de la victime par ricochet d'une rupture brutale de relation commerciale établie.

Dans un arrêt en date du 3 novembre 2004, la Cour de cassation avait clairement refusé toute action à la victime par ricochet sur le fondement de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, à défaut de relation commerciale directe entre le tiers et l'auteur de la rupture (3). Par la suite, la Chambre commerciale avait légèrement assoupli sa position sans pour autant accorder au tiers victime une quelconque réparation. Dans un arrêt du 18 mai 2010, la Cour de cassation avait en effet admis la recevabilité de l'action en rupture brutale d'un sous-traitant à l'encontre de l'entrepreneur principal, en estimant néanmoins que les conditions d'application de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce n'étaient pas réunies, en l'absence de relation entre l'entrepreneur et le sous-traitant (4). Ce faisant, la Cour de cassation n'en reconnaissait pas moins la légitimité de l'intérêt à agir de la victime par ricochet d'une rupture brutale. La notion d'intérêt juridiquement protégé avait en effet été parfois utilisée, dans d'autres domaines, pour limiter le domaine du droit à réparation en opposant une fin de non recevoir à certaines victimes dont l'indemnisation ne paraissait pas souhaitable.
Les solutions de ces deux arrêts étaient justifiées par la rédaction de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce. Dans les deux espèces, les moyens au pourvoi raisonnaient, en effet, exclusivement sur le texte de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce et sur l'acception de la notion de "relation établie". Or, sauf à élargir de manière démesurée cette notion, il était difficile d'étendre le dispositif à des situations non visées par le législateur.

Pour autant, si la violation de ce texte constitue une faute dont la victime directe peut se prévaloir sur le fondement de la responsabilité délictuelle, rien n'interdit à la victime indirecte de prouver que cette rupture constitue une faute au sens de l'article 1382 du Code civil (N° Lexbase : L1488ABQ). Alors que dans le premier cas, la faute dommageable subie par la victime directe se déduira de la violation de l'article L. 442-6, I, 5°, elle devrait être appréciée, dans le second cas, au regard de l'article 1382 du Code civil.

Par la présente espèce, la Haute juridiction met donc un terme à cette jurisprudence restrictive en ouvrant, dans des termes très généraux et dénués d'ambigüité, un droit à réparation à la victime par ricochet d'une rupture brutale, sur le fondement de l'article 1382 du Code civil. La solution était prévisible, car elle constitue une application classique de la responsabilité délictuelle qui prescrit à l'auteur d'un fait dommageable de le réparer. Elle mérite d'être approuvée, car elle permet d'indemniser la victime par ricochet du préjudice qui lui est directement causé par la rupture d'une relation commerciale. Or, à une époque marquée par la complexification des échanges économiques, la multiplication des opérateurs pour la réalisation d'une même opération et l'imbrication de leurs relations commerciales, il n'était pas concevable de refuser à un maillon d'une chaîne, d'un circuit ou réseau de distribution, la possibilité de rechercher la responsabilité délictuelle de l'auteur d'une rupture brutale qui lui aurait causé un dommage.

La formulation du motif et la généralité des termes employés par la Cour de cassation ne signifient pas, toutefois, une extension illimitée de la responsabilité délictuelle, dont l'application dépendra nécessairement de la satisfaction des conditions traditionnelles.

II - Les conditions de la responsabilité de l'auteur de la rupture à l'égard de la victime par ricochet

La responsabilité de l'auteur d'une rupture brutale à l'égard des tiers est fondée sur l'article 1382 du Code civil qui permet de sanctionner le fait illicite, quand bien même le texte de l'article L. 442-6 I, 5° du Code de commerce ne le permettrait pas, à défaut d'établir une relation stable entre l'auteur du fait reproché et la victime par ricochet.  L'engagement de la responsabilité délictuelle de l'auteur d'une rupture brutale par un tiers est néanmoins subordonné à la preuve d'un fait illicite, d'un dommage et d'un lien de causalité entre la faute et le dommage. Or, le fait illicite peut tout aussi bien consister en un manquement contractuel commis dans le cadre d'un contrat auquel il n'est pas partie (5), qu'en une faute délictuelle commise dans le cadre d'une relation commerciale à laquelle il ne prend pas directement part.

La solution est dictée par les termes généraux de l'article 1382 du Code civil qui vise "tout fait de l'homme" et justifiée par l'atteinte portée par l'auteur de la rupture au devoir général de ne pas nuire à autrui.

La même faute -une rupture brutale- peut donc engager la responsabilité délictuelle de son auteur envers deux personnes dès lors qu'elle a causé deux dommages distincts. On se souvient, en effet, que la Chambre commerciale de la Cour de cassation s'est prononcée en faveur de la nature délictuelle de la responsabilité de l'auteur d'une rupture brutale de relation établie envers son partenaire commercial direct (6). Pour autant, la solution donnée par la Cour de cassation dans la présente espèce, en des termes très généraux qui suggèrent une extension illimitée de la responsabilité délictuelle de l'auteur d'une rupture brutale, doit être relativisée, pour plusieurs raisons.

La première raison tient au fait que la faute est traditionnellement définie par les auteurs classiques comme un "fait illicite imputable à son auteur" (7). Cette définition repose sur deux éléments : un élément objectif, l'"illicéité" et un élément subjectif, l'"imputabilité". La notion d'imputabilité a été l'objet de nombreuses discussions, les uns estimant que l'auteur devait avoir agi en pleine conscience de l'acte qu'il a accompli, les autres estimant qu'il s'agit d'une technique de désignation d'un débiteur de réparation tenant compte de son aptitude à répondre du dommage en raison de sa qualité ou de son comportement.
En l'espèce, le fabricant n'était pas en relation directe avec la filiale thaïlandaise. La filiale française faisait écran entre les deux sociétés, puisqu'elle achetait directement les produits auprès du fabricant pour ensuite les revendre à la filiale soeur. Pour autant, la lecture des faits nous apprend que la filiale thaïlandaise n'est pas un penitus extranei, puisque une relation directe avait été amorcée avant que le fabricant ne décide d'entrer en relation directe avec la filiale française. Le fabricant connaissait donc l'existence de la filiale thaïlandaise. Il était d'ailleurs entré en relation commerciale directe avec la filiale française en considération de l'implantation du groupe de sociétés en Thaïlande. Dès lors, le fabricant ne pouvait ignorer que la rupture des relations commerciales avec la filiale française se répercuterait nécessairement sur l'activité de la filiale étrangère, la finalité de l'opération étant la distribution de ses produits en Thaïlande. L'opération de distribution avait été conçue pour être réalisée en deux temps : le fabricant vendait les produits à la filiale française, qui les revendait à sa soeur thaïlandaise.

La seconde raison tient au fait que l'action de la victime indirecte peut être contrariée par la difficulté de rapporter la preuve d'un dommage réparable directement causé par le fait illicite, une rupture brutale en l'occurrence. La victime par ricochet ne sera indemnisée que si elle se prévaut d'un dommage personnel. Le préjudice de la victime est en effet autonome par rapport à celui de la victime directe. Il doit, de plus, être la suite directe de la rupture brutale. Or, il sera certainement délicat pour le tiers d'établir les caractères personnel et direct de son dommage à défaut de relation commerciale avec l'auteur de la rupture.

Il demeure que cet arrêt aggrave la responsabilité de l'auteur de rupture brutale de relation commerciale, qui doit désormais gérer non seulement le risque d'un contentieux avec son partenaire direct, mais également celui initié par une éventuelle victime par ricochet.


(1) Cass. com., 3 novembre 2004, n° 02-17.078, F-D (N° Lexbase : A7573DDT).
(2) Ass. Plén., 6 octobre 2006, 05-13.255, P+B+R+I (N° Lexbase : A5095DR7).
(3) Cass. com., 3 novembre 2004, n° 02-17.078, préc..
(4) Cass. com., 18 mai 2010, n° 08-21.681, FS-P+B (N° Lexbase : A3751EX9).
(5) Ass. plén., 6 octobre 2006, 05-13.255, préc., RDC, 2007. 269, obs. D. Mazeaud et 279, obs. S. Carval ; Cass. com., 6 mars 2007, n° 04-13.689, F-P+B (N° Lexbase : A6828DUG) : Cass. com., 3 juin 2008, n° 06-13.761, FS-P+B (N° Lexbase : A9213D8Q) ; Cass. com., 18 décembre 2007, n° 05-19.397, F-D (N° Lexbase : A1161D3E) ; Cass. com., 21 octobre 2008, n° 07-18.487, F-D (N° Lexbase : A9417EAZ).
(6) Cass. com., 18 janvier 2011, n° 10-11.885, FS-P+B (N° Lexbase : A2946GQ8), JCP éd. E, 2011, 1179 ; Cass. com., 21 septembre 2010, n° 09-15.716, F-D (N° Lexbase : A2212GA8) ; Cass. com., 11 mai 2010, n° 09-10.797, F-D (N° Lexbase : A1627EXK) ; Cass. com., 13 janvier 2009, n° 08-13.971, F-P+B (N° Lexbase : A3564ECY) JCP éd. E, 2009, 1176 ; Cass. com., 6 février 2007, n° 04-13.178, F-P+B (N° Lexbase : A9456DTE), Bull. civ. 2007, IV, n° 21, JCP éd. E, 2007, 1388.
(7) G. Viney, Traité de droit civil, Les obligations, La responsabilité : les conditions, n° 442.

newsid:428856

Commercial

[Brèves] Détermination des règles de fonctionnement des structures capitalistiques des greffiers des tribunaux de commerce

Réf. : Décret n° 2011-1541 du 15 novembre 2011, pris pour l'application à la profession de greffier de tribunal de commerce de la loi du 31 décembre 1990 (N° Lexbase : L2516IRM)

Lecture: 1 min

N8854BSQ

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Le 24 Novembre 2011

L'article 29 de la loi n° 2010-1609 du 22 décembre 2010, relative à l'exécution des décisions de justice, aux conditions d'exercice de certaines professions réglementées et aux experts judiciaires (N° Lexbase : L9762INU), a supprimé l'avant dernier alinéa de l'article 31-1 de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990, relative à l'exercice sous forme de sociétés des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire (N° Lexbase : L3046AIN), qui faisait interdiction aux greffiers de tribunaux de commerce de créer, pour l'exercice de leur profession, des sociétés de participations financières. Afin de rendre effective cette ouverture des SPFPL aux greffiers des tribunaux de commerce, un décret a été publié au Journal officiel du 17 novembre 2011 (décret n° 2011-1541 du 15 novembre 2011, pris pour l'application à la profession de greffier de tribunal de commerce de la loi du 31 décembre 1990 N° Lexbase : L2516IRM). Ce texte modifie la partie réglementaire du Code de commerce et y introduit de nouveaux articles (articles R. 743-139-1 à R. 743-139-11) afin de déterminer les modalités de constitution, de fonctionnement et de contrôle des sociétés de participations financières de greffiers des tribunaux de commerce. En outre, il introduit dans le Code de commerce l'obligation de consultation du conseil national qui représente la profession lors de l'instruction des dossiers de création de sociétés d'exercice libéral de greffiers des tribunaux de commerce ou de cession des parts sociales, à l'instar de ce qui existe pour les autres officiers publics ou ministériels. Enfin, il permet aux greffiers des tribunaux de commerce de créer des sociétés d'exercice libéral par actions simplifiées. Ce décret est entré en vigueur immédiatement, soit le 18 novembre 2011.

newsid:428854

Commercial

[Brèves] Conclusion d'un contrat de location-gérance d'un fonds de commerce : conséquence sur l'institution représentative du personnel

Réf. : Cass. soc., 15 novembre 2011, n° 10-23.609, FS-P+B (N° Lexbase : A9353HZG)

Lecture: 2 min

N8941BSX

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Le 24 Novembre 2011

La conclusion d'un contrat de location-gérance d'un fonds de commerce n'emportant pas en lui-même la disparition du caractère distinct de l'entité transférée, l'entité économique conserve son autonomie et l'institution représentative du personnel se maintient dans la nouvelle entreprise. Telle est la solution d'un arrêt de la Chambre sociale de la Cour de cassation en date du 15 novembre 2011 (Cass. soc., 15 novembre 2011, n° 10-23.609, FS-P+B N° Lexbase : A9353HZG). Dans cette affaire, aucun accord n'étant intervenu sur le contenu de l'ordre du jour de la réunion du comité d'entreprise de la société C. prévue le 18 décembre 2009, M. T., secrétaire du comité d'entreprise, et le comité d'entreprise de cette société, ont assigné en référé la société C., afin de voir ordonner sous astreinte à cette dernière de convoquer le comité à une réunion dans un délai de quinze jours à compter de la notification sur un ordre du jour déterminé. La société C. a demandé reconventionnellement que soit constatée la dissolution du comité d'entreprise à la suite de la mise en location-gérance de son fonds de commerce à la société P.. La société C. fait grief à l'arrêt (CA Versailles, 14ème ch., 27 juillet 2010, n° 10/01412 N° Lexbase : A4676E7C) de rejeter cette demande et d'ordonner la convocation du comité d'entreprise sur un ordre du jour déterminé alors que la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 2324-26 du Code du travail (N° Lexbase : L9783H8T), tel qu'interprété à la lumière de la Directive de l'Union européenne 2001/23 du 12 mars 2001 (N° Lexbase : L8084AUX). La Cour de cassation rappelle que, par arrêt du 29 juillet 2010 (CJUE, 29 juillet 2010, C-151/09 N° Lexbase : A9470E7U), la Cour de justice de l'Union européenne a dit qu'une entité économique transférée conserve son autonomie "dès lors que les pouvoirs accordés aux responsables de cette entité, au sein des structures d'organisation du cédant, à savoir le pouvoir d'organiser, de manière relativement libre et indépendante, le travail au sein de ladite entité dans la poursuite de l'activité économique qui lui est propre et, plus particulièrement, les pouvoirs de donner des ordres et des instructions, de distribuer des tâches aux travailleurs subordonnés relevant de l'entité en cause ainsi que de décider de l'emploi des moyens matériels mis à sa disposition, ceci sans intervention directe de la part d'autres structures d'organisation de l'employeur, demeurent, au sein des structures d'organisation du cessionnaire, en substance, inchangés". Or, en l'espèce, la société C. étant une entreprise de prestations informatiques comprenant des agences réparties sur toute la France, "le contrat de location-gérance ne met pas fin à l'appellation C. qui est gardée comme nom commercial", la cour d'appel a pu retenir que l'entité économique avait conservé son autonomie et que l'institution représentative du personnel se maintenait dans la nouvelle entreprise.

newsid:428941

Commercial

[Brèves] Contrat de franchise : les dispositions de l'article L. 330-3 du Code de commerce constituent une loi de police

Réf. : CA Paris, Pôle 5, 8ème ch., 25 octobre 2011, n° 10/24023 (N° Lexbase : A3944HZ4)

Lecture: 2 min

N8947BS8

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Le 30 Novembre 2011

Dans un arrêt du 25 octobre 2011, la cour d'appel de Paris a jugé que les dispositions de l'article L. 330-3 du Code de commerce (N° Lexbase : L8526AIM) constituent une loi de police (CA Paris, Pôle 5, 8ème ch., 25 octobre 2011, n° 10/24023 N° Lexbase : A3944HZ4). Pour statuer de la sorte, les juges parisiens relèvent sur ce point :
- que la disposition litigieuse a pour vocation de protéger les opérateurs économiques qui souscrivent un engagement d'exclusivité ou de quasi-exclusivité à l'égard de celui qui met à leur disposition un nom commercial, une marque ou une enseigne, dans des conditions de concurrence égale pour tous et non faussée ;
- que sa méconnaissance est pénalement sanctionnée d'une amende contraventionnelle de la cinquième classe prévue par l'article R. 330-2 du Code de commerce (N° Lexbase : L0630HZD), de sorte que par application de l'article 113-2 du Code pénal (N° Lexbase : L2123AML) cette disposition pénale serait applicable à un franchiseur donneur de licence établi à l'étranger dès lors qu'un des éléments constitutifs de l'infraction serait commis sur le territoire français ;
- que la nature pénale de la sanction que les pouvoirs publics ont souhaité attacher à la méconnaissance de l'article L. 330-3 du Code du commerce atteste que le respect de cette disposition est jugé crucial pour la sauvegarde des intérêts publics, et en tout cas de l'intérêt public économique ;
- qu'au sein de l'Union européenne, la loi belge relative à l'information précontractuelle dans le cadre d'accords de partenariat commercial du 19 décembre 2005 a explicitement conféré le caractère de loi de police aux dispositions qu'elle comporte, très proches à cet égard, de celles de l'article L. 330-3 du Code de commerce ;
- et qu'au demeurant l'annexe 9 du contrat de licence fait, en l'espèce, explicitement référence au délai "des 20 jours minimum prescrits par la loi Doubin (loi n° 89-1008 du 31 décembre 1989 N° Lexbase : L8129AIW)".
Il résulte, dès lors, pour les juges parisiens, des objectifs de la loi, du droit comparé et de la pratique même de l'opérateur, que les dispositions de l'article L. 330-3 du Code de commerce ne caractérisent pas seulement une loi de protection, mais que, procédant de l'ordre public économique de direction, elles constituent une loi de police applicable au contrat conclu avec une société française en vue de la création et du développement en France d'un réseau de franchise, sous licence étrangère, nonobstant la désignation par les parties de la loi québecoise comme loi du contrat.

newsid:428947

Consommation

[Brèves] Compétence territoriale pour connaître d'un litige entre un consommateur et un établissement de crédit, lorsque le domicile actuel du consommateur est inconnu

Réf. : CJUE, 17 novembre 2011, aff. C-327/10 (N° Lexbase : A9206HZY)

Lecture: 2 min

N8851BSM

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Le 24 Novembre 2011

Lorsque le domicile actuel d'un consommateur est inconnu, la juridiction du dernier domicile connu peut être compétente pour connaître d'une action à son encontre En effet, l'impossibilité de localiser le domicile actuel du défendeur ne doit pas priver le demandeur de son droit à un recours juridictionnel. Tel est l'apport d'un arrêt rendu par la CJUE le 17 novembre 2011 (CJUE, 17 novembre 2011, aff. C-327/10 N° Lexbase : A9206HZY). La Cour relève, tout d'abord, que le Règlement n° 44/2001 (N° Lexbase : L7541A8S), ne définit pas expressément la compétence juridictionnelle lorsque le domicile du défendeur est inconnu. Elle rappelle ensuite que, selon ce texte, les actions intentées contre le consommateur par l'autre partie au contrat doivent être jugées par les tribunaux de l'Etat membre sur le territoire duquel est domicilié le consommateur. Si, néanmoins, le juge national ne parvient pas à identifier le domicile du consommateur sur le territoire national, il doit vérifier si celui-ci est domicilié dans un autre Etat membre de l'Union européenne. Si le juge national, d'une part, ne peut identifier le domicile du consommateur sur le territoire de l'Union et, d'autre part, ne dispose pas d'indices probants lui permettant de conclure que celui-ci est effectivement domicilié en dehors de l'Union, la règle selon laquelle, en cas de litige, la juridiction compétente est celle de l'Etat membre du domicile du consommateur doit être comprise comme visant non seulement le domicile actuel du consommateur mais également son dernier domicile connu. En effet, une telle interprétation du Règlement permet à la fois au demandeur d'identifier facilement la juridiction qu'il peut saisir et au défendeur de prévoir raisonnablement celle devant laquelle il peut être attrait. De même, elle permet d'éviter, en cas d'impossibilité de localiser le domicile actuel du défendeur, de ne pouvoir identifier la juridiction compétente, ce qui priverait le demandeur de son droit à un recours juridictionnel. En outre, cette solution assure un juste équilibre entre les droits du demandeur et ceux du défendeur lorsque ce dernier avait l'obligation d'informer le premier de tout changement d'adresse intervenu postérieurement à la signature d'un contrat de prêt immobilier de longue durée. Par conséquent, la Cour juge que les juridictions tchèques sont compétentes pour connaître du recours introduit par une banque tchèque à l'encontre d'un ressortissant allemand ayant souscrit un contrat de crédit immobilier auprès d'elle dans la mesure où elles sont dans l'impossibilité de localiser son domicile actuel. Enfin, la Cour retient que si la possibilité, dans pareille hypothèse, de poursuivre la procédure à l'insu du défendeur moyennant la désignation d'un tuteur et la notification du recours à celui-ci constitue une restriction des droits de la défense, une telle restriction est toutefois justifiée au regard du droit du requérant à une protection effective.

newsid:428851

Droit du sport

[Questions à...] Arrêt "Premier League" : la CJUE met un carton rouge aux systèmes d'exclusivités territoriales de retransmission télévisée des matchs de football - Questions à Maître Jean-Jacques Bertrand, avocat associé, SCPA Bertrand & Associé

Lecture: 8 min

N8936BSR

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par Vincent Téchené, Redacteur en chef de Lexbase Hebdo - édition affaires

Le 30 Novembre 2011

Largement médiatisé, notamment par la presse juridique et sportive, un important arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne s'est penché, le 4 octobre 2011, sur les licences pour la retransmission des rencontres de football, qui accordent aux radiodiffuseurs une exclusivité territoriale par Etat membre (CJUE, 4 octobre 2011, aff. C-403/08 et C-429/08 N° Lexbase : A1573HYW).
De quoi est-il question ?
La Football Association Premier League ("FAPL") administre la Premier League, principal championnat de football professionnel en Angleterre, et commercialise les droits de diffusion télévisuelle des rencontres de ce championnat. Elle accorde aux radiodiffuseurs, par une procédure de mise en concurrence ouverte, un droit exclusif de diffusion en direct des matchs de Premier League sur une base territoriale. Et comme la base territoriale correspond habituellement à un seul Etat membre, les téléspectateurs ne peuvent regarder que les matchs diffusés par les radiodiffuseurs établis dans l'Etat membre où ils résident. Afin de protéger une telle exclusivité territoriale, et d'empêcher le public de recevoir des transmissions en dehors de l'Etat membre concerné, chaque radiodiffuseur s'engage, dans le contrat de licence conclu avec la FAPL, à crypter son signal satellite et à le transmettre, ainsi crypté, par satellite aux seuls abonnés du territoire qui lui a été attribué. Par conséquent, le contrat de licence interdit aux radiodiffuseurs de fournir les cartes de décodeur aux personnes qui souhaitent regarder leurs émissions en dehors de l'Etat membre pour lequel la licence est accordée. Les litiges à l'origine de l'arrêt du 4 octobre 2011 concernent des tentatives de contourner cette exclusivité. Certains cafés-restaurants ont en effet commencé, au Royaume-Uni, à utiliser des cartes de décodeurs étrangères, délivrées par un radiodiffuseur grec aux abonnés résidents en Grèce, pour accéder aux rencontres de la Premier League. Ils achètent des cartes et un boîtier auprès d'un distributeur à des prix plus avantageux que ceux demandés par titulaire des droits de retransmission au Royaume-Uni. Estimant que de telles activités portent atteinte à l'exclusivité des droits de diffusion télévisuelle et à la valeur de ces droits, la FAPL essaie d'y mettre un terme par la voie judiciaire qui conduit à la saisine de la CJUE par la High Court (Royaume-Uni) de demandes de décision préjudicielle. La Cour a joint dans un seul arrêt les deux affaires qui lui étaient soumises.
La première affaire concerne une action civile de la FAPL contre les cafés-restaurants ayant projeté des rencontres de Premier League en utilisant des cartes de décodeur grecques et contre les fournisseurs de telles cartes de décodeur, à ces cafés-restaurants. La deuxième affaire trouve son origine dans une action pénale engagée à l'encontre de la propriétaire d'un pub qui projetait des matchs de la Premier League en utilisant une carte de décodeur grecque.

Voilà le tableau dressé !

Et, pour nous éclairer sur cet important arrêt et sur ses conséquences directes, notamment en France, Lexbase Hebdo - édition affaires a rencontré un spécialiste en droit du sport, Maître Jean-Jacques Bertrand, avocat associé, SCPA Bertrand & Associé, inscrit au Barreau de Paris et d'Arizona (Etats-Unis) en qualité de Foreign Legal Consultant, arbitre international (2002-2010) au Tribunal Arbitral du Sport (TAS), membre de la Chambre arbitrale du sport du CNOSF et membre du Comité Directeur de Sports Lawyers Association aux Etats-Unis (1).

Lexbase : Quelles sont les règles communautaires encadrant la retransmission des matchs de football et plus généralement les manifestations sportives ?

Jean-Jacques Bertrand : En matière de retransmission des évènements sportifs, le droit communautaire se manifeste sur deux grands thèmes : le droit à l'information et la vente centralisée des droits.

Les textes communautaires ont instauré, en premier lieu, un droit à l'information. Il a été mis en place par la Convention du Conseil de l'Europe sur la télévision transfrontalière du 5 mai 1989 signée par la France, le 12 février 1991 et publiée par décret du 14 avril 1995 (décret n° 95-438 du 14 avril 1995 N° Lexbase : L2622IRK, JO du 23 avril 1995). Un second texte est venu préciser cette notion : la Directive 89/552/CEE du 3 octobre 1989 (dite Directive "télévision sans frontières" N° Lexbase : L9919AUW, publiée au JOCE du 17 octobre 1989).

Le droit à l'information doit être respecté, notamment en ce qui concerne la retransmission des évènements d'importance majeure. Une récente Directive (Directive 2010/13/UE du Parlement européen et du Conseil du 10 mars 2010 N° Lexbase : L9705IGK, publiée au JOUE du 15 avril 2011) a repris l'ancienne Directive "télévision sans frontières" de 1989 afin de définir cette notion (article 14, 1). Ainsi, selon son article 14, 1 :
"Chaque Etat membre peut prendre des mesures, conformément au droit de l'Union, pour garantir que les organismes de radiodiffusion télévisuelle relevant de sa compétence ne retransmettent pas d'une manière exclusive des événements que cet Etat juge d'une importance majeure pour la société d'une façon qui prive une partie importante du public dudit Etat membre de la possibilité de suivre ces événements en direct ou en différé sur une télévision à accès libre. Dans ce contexte, l'Etat membre concerné établit une liste dans laquelle sont désignés les événements, nationaux ou non, qu'il juge d'une importance majeure pour la société. Il établit cette liste selon une procédure claire et transparente, en temps opportun. Ce faisant, l'Etat membre concerné détermine également si ces événements doivent être diffusés intégralement ou partiellement en direct ou, si nécessaire ou approprié pour des raisons objectives d'intérêt général, diffusés intégralement ou partiellement en différé".

Chaque Etat membre doit fixer la liste des évènements qu'il considère d'importance majeure. En France, cette liste relève d'un décret (décret n° 2004-1392 du 22 décembre 2004, art. 4 N° Lexbase : L5064GU4, publié au JORF du 24 décembre 2004). Il contient notamment les Jeux Olympiques, les demi-finales et finales des coupes du Monde de rugby et football, le Tour de France, la Formule 1, les finales du championnat d'Europe de hand-ball et basket-ball si la France y participe, etc..

Le 19 octobre 2007, la Commission est venue préciser les critères auxquels doivent répondre les évènements pour figurer dans les listes fixées par les Etats (Commission européenne, décision n° 2007/730/CE, publiée au JOUE du 14 novembre 2007),. Ces évènements doivent répondre à au moins deux de ces critères :
- ils trouvent un échos particulier dans l'Etat membre concerné et intéressent d'autres personnes que celles qui suivent généralement la discipline sportive en question ;
- ils présentent une importance culturelle spécifique largement reconnue pour la population de l'Etat membre concerné et constituent notamment un élément d'identité culturelle ;
- ils impliquent l'équipe nationale dans le contexte d'une compétition d'importance nationale ;
- l'évènement a toujours été retransmis sur des chaînes de télévision gratuites et a attiré de nombreux spectateurs.

Second secteur d'intervention : la vente centralisée des droits des compétitions. La Commission européenne a en effet autorisé la politique de l'UEFA en matière de vente de droits médiatiques sur la Ligue des Champions (communiqué de presse IP/03/1105 du 24 juillet 2003) : les accords restrictifs qui contribuent à améliorer la production et la distribution des produits ou à promouvoir le progrès technique ou économique, tout en réservant aux utilisateurs une partie équitable du profit qui en résulte sont autorisés.

C'est justement sur une des conséquences des ventes centralisées des droits que la CJUE s'est prononcée dans son arrêt du 4 octobre 2011.

Lexbase : Quel est le sens de la décision rendue par la CJUE le 4 octobre 2011 concernant d'abord les accords exclusifs ?

Jean-Jacques Bertrand : Comme nous venons de le voir, l'Union européenne autorise les ventes centralisées des droits. Ce qui est l'objet de l'arrêt du 4 octobre 2011 est la vente exclusive de ces droits à un opérateur donné pour un territoire donné.
La Cour a considéré qu'un système de licences pour la retransmission des rencontres de football, qui accorde aux diffuseurs une exclusivité territoriale par Etat membre et qui interdit aux téléspectateurs de regarder ces émissions avec une carte de décodeur provenant d'un autre Etat membre, est contraire au droit de l'Union, notamment au droit de la concurrence.
Bien que le droit de la concurrence de l'UE ne s'oppose pas à ce qu'un titulaire de droits puisse concéder à un licencié unique le droit exclusif de diffuser, pendant une période déterminée, un évènement sportif à partir d'un seul Etat membre d'émission ou à partir de plusieurs Etats membres d'émission, les contrats de licences ne doivent pas interdire aux licenciés toute prestation transfrontalière de services, relative aux rencontres sportives.

L'arrêt du 4 octobre 2011 a en réalité amoindri la notion d'exclusivité, en remettant en cause les contrats qui permettent d'accorder à un diffuseur une exclusivité territoriale absolue dans la zone couverte par sa licence, éliminant ainsi toute concurrence entre diffuseurs et cloisonnant de la sorte les marchés nationaux selon les frontières nationales.
Or, l'UE doit demeurer un espace de libre prestation de services.  A ce titre, la Cour précise également qu'un tel contrat d'exclusivité ne peut se justifier "ni au regard de l'objectif de protection des droits de la propriété intellectuelle ni par l'objectif d'encourager la présence du public dans les stades de football".

Lexbase : Cette position de la CJUE a-t-elle un impact direct sur la retransmission des matchs de football en France ?

Jean-Jacques Bertrand : Il est difficile de répondre à cette question sans avoir étudié les contrats signés par la Ligue de Football Professionnel avec ses diffuseurs. De plus, la LFP n'a pas réagi, à notre connaissance, à cette jurisprudence de la CJUE. En l'état, les droits audiovisuels ont été concédés dernièrement pour la période 2012-2016. Si il y a un impact de cette jurisprudence (baisse des revenus,...), celui-ci ne devrait pas apparaître avant le prochain appel d'offres en 2015.

Lexbase : Surtout, la CJUE considère que les rencontres de football professionnel ne sont pas des oeuvres au sens du droit d'auteur. Pouvez-vous nous expliquer le fondement de cette décision qui rompt avec la jurisprudence du TPICE qui avait reconnu en 1997 un droit d'auteur aux sociétés de courses organisatrices de courses hippiques (TPICE, 12 juin 1997, aff. T-504/93 N° Lexbase : A3173AWG) ?

Jean-Jacques Bertrand : Nous avons déjà évoqué ce point. Pour la Cour seuls, la séquence vidéo d'ouverture, l'hymne de la Premier League, les films préenregistrés montrant les moments les plus marquants des rencontres récentes de Premier League et certains graphismes peuvent être considérés comme "oeuvres" et être ainsi protégés par le droit d'auteur.
En revanche, les rencontres elles-mêmes ne sont pas des oeuvres pouvant bénéficier d'une telle protection. La CJUE soutient que ces rencontres sont "encadrées par des règles de jeu, qui ne laissent pas de place pour une liberté créative au sens du droit d'auteur".

La jurisprudence du TPICE avait été rendue avant que la Directive sur le droit d'auteur (Directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2001, sur l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information N° Lexbase : L8089AU7) ne soit mise en place au niveau communautaire. Ceci peut expliquer ce "revirement".
Néanmoins, les juges décident que la retransmission des émissions contenant ces oeuvres protégeables (visées ci-dessus) constitue une "communication au public" au sens de la Directive sur le droit d'auteur, pour laquelle l'autorisation de l'auteur des oeuvres est nécessaire.

Lexbase : La CJUE admet qu'une législation nationale puisse tenir compte du "caractère unique, et dans cette mesure, original" des rencontres sportives pour les protéger au titre de la propriété intellectuelle en mettant en place une législation nationale spécifique. Qu'en est-il en France ? La compétition sportive est-elle une oeuvre objet d'un droit d'auteur ?

Jean-Jacques Bertrand : La CJUE admet en effet qu'une législation nationale puisse tenir compte du "caractère unique, et dans cette mesure, original" des rencontres sportives pour les protéger au titre de la propriété intellectuelle en mettant en place une législation nationale spécifique.
Cependant, une telle législation ne saurait justifier une restriction à la libre circulation des services que si celle-ci est proportionnée. Or, toujours d'après le juge communautaire, tel n'est pas le cas d'un mécanisme de supplément de prix fondé sur une exclusivité territoriale destinée à conférer au titulaire de l'oeuvre la rémunération la plus élevée possible. Car, pour être proportionné, le régime prévu doit uniquement assurer une rémunération raisonnable par rapport au nombre réel ou potentiel de destinataires.

En France, il n'existe pas de législation conférant la qualité d'oeuvre protégée par un droit d'auteur à la compétition sportive. La législation reconnaît cependant à l'organisateur un droit d'exploitation concernant l'exploitation audiovisuelle de sa compétition et, depuis peu, le droit de consentir à l'organisation de paris sur celle-ci.

Lexbase : Ne pourrait-on pas, dès lors, imaginer, pour contourner cette jurisprudence, de protéger les images de retransmission par le droit des marques, notamment, en multipliant les logos ?

Jean-Jacques Bertrand : On peut toujours l'imaginer. Mais encore faut-il que la retransmission d'un évènement sportif garde son sens.

Lexbase : Un mot de conclusion sur cet important arrêt et ses conséquences directes...

Jean-Jacques Bertrand : Il faut attendre de voir quelle sera la réaction des diffuseurs ou des cessionnaires des droits pour savoir si cet arrêt aura un réel impact.
L'exclusivité territoriale existe de fait. En effet, un téléspectateur français ira-t-il acheter un abonnement auprès d'un diffuseur étranger pour suivre les retransmissions du championnat de France, alors même que les commentaires seraient en langue étrangère ? Même si le tarif serait financièrement plus attractif, il est peu probable que cela ait un impact fort.
En revanche, cela peut avoir une incidence sur les prix des licences concédées. En effet, les diffuseurs financeront-ils autant le sport si leur exclusivité territoriale est remise en cause ? A l'inverse, les ligues pourraient compenser leur éventuelle perte de profit de l'exploitation territoriale à titre exclusif de leurs droits, par une négociation plus avantageuse de ces droits auprès de tous les autres diffuseurs de l'Union européenne.

Nous pourrions donc aboutir à une exploitation des droits audiovisuels globalement identique, mais avec un toilettage des contrats et une multiplication des négociations. C'est peut-être pourquoi l'UEFA et la Fédération anglaise ont déjà fait savoir que cela ne devrait pas radicalement changer la distribution de leurs droits. Mais que doit-on entendre par radicalement ?


(1) Cf. le site internet du Cabinet Bertrand & Associé.

newsid:428936

Entreprises en difficulté

[Brèves] Procédure d'insolvabilité : précisions sur les notions de "conditions établies" et de "créancier"

Réf. : CJUE, 17 novembre 2011, aff. C-112/10 (N° Lexbase : A9205HZX)

Lecture: 1 min

N8895BSA

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Le 06 Décembre 2011

D'une part, l'expression "conditions établies", qui figure à l'article 3, paragraphe 4, sous a), du Règlement (CE) n° 1346/2000 du Conseil, du 29 mai 2000, relatif aux procédures d'insolvabilité (N° Lexbase : L6914AUM), et qui renvoie aux conditions empêchant, selon la loi de l'Etat membre sur le territoire duquel le débiteur a le centre de ses intérêts principaux, l'ouverture d'une procédure principale d'insolvabilité dans cet Etat, doit être interprétée en ce sens qu'elle ne vise pas les conditions excluant certaines personnes déterminées du cercle de celles habilitées à demander l'ouverture d'une telle procédure. D'autre part, le terme "créancier", qui figure à l'article 3, paragraphe 4, sous b), dudit Règlement et qui est utilisé pour désigner le cercle des personnes habilitées à demander l'ouverture d'une procédure territoriale indépendante, doit être interprété en ce sens qu'il n'inclut pas une autorité d'un Etat membre qui, selon le droit national de celle-ci, a pour mission d'agir dans l'intérêt général, mais qui n'intervient pas en tant que créancier, ni au nom et pour le compte des créanciers. Dès lors, s'agissant du ministère public belge, il convient de relever, à l'instar de la Commission, que, en l'absence de toute créance propre à produire au passif du débiteur, il n'est pas un créancier au sens habituel du terme dans les procédures d'insolvabilité. Telle sont les précisions apportées par la Cour de justice de l'Union européenne dans un arrêt du 17 novembre 2011 rendue dans le cadre d'une demande de décision préjudicielle par les juridictions belges (CJUE, 17 novembre 2011, aff. C-112/10 N° Lexbase : A9205HZX).

newsid:428895

Entreprises en difficulté

[Brèves] Liquidation judiciaire : compétence exclusive du liquidateur pour procéder au licenciement

Réf. : Cass. soc., 15 novembre 2011, n° 10-17.015, FS-P+B (N° Lexbase : A9351HZD)

Lecture: 2 min

N8893BS8

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Le 25 Novembre 2011

En application de l'article L. 622-11 du Code de commerce (N° Lexbase : L3456ICY), lorsque le tribunal prononce la liquidation judiciaire, il met fin à la période d'observation et, sous réserve des dispositions de l'article L. 641-10 (N° Lexbase : L5799ICR), à la mission de l'administrateur, ce dernier texte disposant que lorsque les conditions relatives au nombre de salariés et au montant du chiffre d'affaires sont remplies, il désigne un administrateur judiciaire pour administrer l'entreprise. Il en résulte que même si le jugement prononçant la liquidation judiciaire avec autorisation de poursuite de l'activité n'a pas mis expressément fin à la mission de l'administrateur, la notification du licenciement effectuée par ce dernier postérieurement au jugement prononçant la liquidation est irrégulière, de sorte que le licenciement est prononcé par une personne qui n'avait pas ce pouvoir et est, en conséquence, dépourvu de cause réelle et sérieuse. Tel est le sens d'un arrêt rendu par la Chambre sociale de la Cour de cassation le 15 novembre 2011 (Cass. soc., 15 novembre 2011, n° 10-17.015, FS-P+B N° Lexbase : A9351HZD). En l'espèce, après qu'une procédure de sauvegarde a été ouverte le 4 août 2006 à l'encontre d'une société, le 14 septembre 2007, la liquidation judiciaire de cette dernière a été prononcée, avec une poursuite d'activité de deux mois, le mandataire judiciaire à la sauvegarde étant désigné en qualité de liquidateur. Autorisée par le juge-commissaire, la société et l'administrateur judiciaire nommé dans le cadre de la procédure de sauvegarde a initié une procédure de licenciement collectif, le directeur technique étant licencié pour motif économique le 27 octobre 2007. C'est dans ces circonstances que pour dire que l'administrateur était habilité à poursuivre le licenciement, la cour d'appel a retenu que le jugement prononçant la liquidation judiciaire n'avait pas mis fin à sa mission, que le licenciement avait été autorisé par le juge commissaire, que l'administrateur avait qualité pour procéder aux licenciements en application de l'article L. 641-10 du Code de commerce et qu'en tout état de cause, cette éventuelle irrégularité ne constituait qu'un vice de procédure ouvrant droit à dommages-intérêts. Mais la Cour régulatrice censure la solution des juges du fond, au visa des articles L. 622-11 et L. 641-10 du Code de commerce : en statuant comme elle l'a fait, alors qu'elle constatait que le jugement du 23 novembre 2007 était postérieur à la notification du licenciement, ce dont il résultait que le licenciement avait été prononcé par une personne qui n'avait pas ce pouvoir et qu'il était en conséquence dépourvu de cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a violé les textes susvisés .

newsid:428893

Sociétés

[Brèves] SA : obligation pour les membres du conseil de surveillance d'être actionnaires de la société

Réf. : Cass. com., 15 novembre 2011, n° 10-19.620, FS-P+B (N° Lexbase : A9346HZ8)

Lecture: 2 min

N8885BSU

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Le 24 Novembre 2011

Selon l'article L. 225-72 du Code de commerce (N° Lexbase : L5943AIX), dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 (N° Lexbase : L7358IAR), si, au jour de sa nomination, un membre du conseil de surveillance n'est pas propriétaire du nombre d'actions de la société déterminé par les statuts, il est réputé démissionnaire d'office, s'il n'a pas régularisé sa situation dans le délai de trois mois. Rappelant les termes de cette disposition, la Chambre commerciale de la Cour de cassation a jugé, dans un arrêt du 15 novembre 2011, que la transmission d'une action n'ayant pas donné lieu à une inscription en compte au nom du cessionnaire dans les trois mois suivant sa nomination au conseil de surveillance de la société, il en résulte qu'il n'était pas propriétaire du nombre d'actions requis à l'expiration du délai qui lui était imparti pour régulariser sa situation (Cass. com., 15 novembre 2011, n° 10-19.620, FS-P+B N° Lexbase : A9346HZ8). En l'espèce, les statuts d'une société anonyme prévoient que chaque membre du conseil de surveillance doit être propriétaire d'au moins une action. Le 25 janvier 2007, le conseil de surveillance a coopté un nouveau membre de cet organe. Faisant valoir que ce dernier, qui n'était pas actionnaire au jour de sa nomination, devait être réputé démissionnaire d'office de son mandat pour ne pas avoir acquis la qualité d'actionnaire de la société à la date du 25 avril 2007, cette dernière et deux de ses actionnaires ont assigné, notamment le membre du conseil coopté le 25 janvier 2007. Celui-ci a donc formé un pourvoi en cassation, reprochant à l'arrêt d'appel d'avoir dit qu'à défaut de notification à la société, dont il avait été nommé membre du conseil de surveillance avant le 25 avril 2007, du prêt de consommation d'une action, celui-ci était réputé démissionnaire d'office du conseil de surveillance à compter de cette date et que ses participations aux réunions ultérieures de cet organe social étaient "inopérantes". Mais la Cour régulatrice rejette le pourvoi : "ayant relevé qu'à la date du 25 avril 2007, la transmission d'une action par la société [X] à M. [D], au titre du prêt de consommation invoqué, n'avait pas donné lieu à une inscription en compte au nom de ce dernier, ce dont il résultait qu'il n'était pas propriétaire du nombre d'actions requis à l'expiration du délai qui lui était imparti pour régulariser sa situation, la cour d'appel a, par cette seule constatation, légalement justifié sa décision de le déclarer démissionnaire d'office du conseil de surveillance" (cf. l’Ouvrage "Droit des sociétés" N° Lexbase : E5363ADY). Au demeurant, étant donné que l'obligation résultait également d'une clause statutaire, la solution aurait été identique en application de l'article L. 225-72 (N° Lexbase : L2500IB9) dans sa version actuelle.

newsid:428885

Sociétés

[Brèves] SARL : obligation de loyauté et de fidélité pesant sur le gérant

Réf. : Cass. com., 15 novembre 2011, n° 10-15.049, F-P+B (N° Lexbase : A9345HZ7)

Lecture: 2 min

N8890BS3

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Le 26 Novembre 2011

Le 15 novembre 2011, la Chambre commerciale de la Cour de cassation a rendu un arrêt fort intéressant relatif à l'obligation de loyauté et de fidélité pesant, ès qualité, sur le gérant de SARL, estimant que cette obligation lui interdit de négocier, en qualité de gérant d'une autre société, un marché dans le même domaine d'activité (Cass. com., 15 novembre 2011, n° 10-15.049, F-P+B N° Lexbase : A9345HZ7). En l'espèce, une SARL a engagé la construction de la première des deux tranches d'un programme immobilier destiné à la gendarmerie nationale. Reprochant à son gérant et à une autre société d'avoir détourné à leur profit les bénéfices de la première tranche du programme immobilier et d'avoir fait réaliser la seconde par une SCI, ayant le même dirigeant que la SARL, certains actionnaires de cette dernière les ont assignés en paiement de dommages-intérêts pour concurrence déloyale et ont sollicité la condamnation du gérant et de la société au paiement de dommages-intérêts pour comportement déloyal. Déboutés de leurs demandes, les associés ont formé un pourvoi en cassation. Dans son arrêt du 15 novembre, la Cour de cassation énonce, d'abord, que sauf stipulation contraire, l'associé d'une société à responsabilité limitée n'est, en cette qualité, tenu ni de s'abstenir d'exercer une activité concurrente de celle de la société ni d'informer celle-ci d'une telle activité et doit seulement s'abstenir d'actes de concurrence déloyaux. Mais, elle casse l'arrêt des seconds juges au visa de l'article L. 223-22 du Code de commerce (N° Lexbase : L5847AIE), en ce qu'ils avaient retenu, pour rejeter la demande en paiement de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par l'attitude déloyale du gérant, que la gendarmerie nationale qui devait investir massivement dans la commune a très largement réduit l'ampleur de ses projets et que l'opération de construction finalement portée par la société concurrente de la SARL constituait un projet distinct de celui que se proposait de réaliser cette dernière. Aussi, la Cour régulatrice énonce-t-elle qu'en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à exclure tout manquement du gérant à son obligation de loyauté et de fidélité pesant sur lui en raison de sa qualité de gérant de la SARL, lui interdisant de négocier, en qualité de gérant d'une autre société, un marché dans le même domaine d'activité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale (cf. l’Ouvrage "Droit des sociétés" N° Lexbase : E7034A8Z et N° Lexbase : E2547AYY).

newsid:428890

Transport

[Chronique] Chronique trimestrielle de droit des transports - Novembre 2011

Lecture: 9 min

N8888BSY

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par Christophe Paulin, Professeur de droit, Directeur du Master de droit des transports, Université Toulouse I Capitole

Le 24 Novembre 2011

Lexbase Hebdo - édition affaires vous propose, cette semaine, de retrouver la chronique trimestrielle d'actualité en droit des transports, sous la plume de Christophe Paulin, Professeur de droit, Directeur du Master de droit des transports, Université Toulouse I Capitole. Ce trimestre, l'auteur a choisi de s'arrêter sur trois arrêts rendus par la Cour de cassation qui ont entre juillet et octobre 2011. Dans le premier arrêt en date du 12 juillet 2011, la Chambre commerciale revient sur le fondement de l'action directe du transporteur pour exclure ici l'idée de solidarité. Mais, comme le relève le Professeur Paulin, la question du fondement reste toujours posée, la Cour ne la tranchant pas expressément. L'auteur a ensuite choisi de revenir sur un arrêt de la même formation en date du 4 octobre 2011, qui, dans l'affaire "Frigo 7 contre Gefco", énonce que l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce ne s'applique pas dans le cadre des relations commerciales de transports publics routiers de marchandises exécutés par des sous-traitants, lorsque le contrat-type, qui prévoit la durée des préavis de rupture, institué par la "LOTI", régit, faute de dispositions contractuelles, les rapports du sous-traitant et de l'opérateur de transport. Enfin, le dernier arrêt sélectionné, daté du 11 octobre, est l'occasion pour la Cour régulatrice de confirmer sa jurisprudence qui exclut la possibilité d'intenter l'action directe en paiement contre le vendeur ex works.

  • Fondement de l'action directe du transporteur : exclusion de l'idée de solidarité (Cass. com., 12 juillet 2011, n° 10-18.675, FS-P+B N° Lexbase : A0388HWB)

Depuis sa création par une loi du 6 février 1998 (loi n° 98-69, tendant à améliorer les conditions d'exercice de la profession de transporteur routier N° Lexbase : L4769GU8), l'article L. 132-8 du Code de commerce (N° Lexbase : L5640AIQ), qui instaure ce qui est convenu d'appeler l'action directe du transporteur échappe à toute tentative d'analyse. Selon le texte "la lettre de voiture forme un contrat entre l'expéditeur, le voiturier et le destinataire ou entre l'expéditeur, le destinataire, le commissionnaire et le voiturier. Le voiturier a ainsi une action directe en paiement de ses prestations à l'encontre de l'expéditeur et du destinataire, lesquels sont garants du paiement du prix du transport. Toute clause contraire est réputée non écrite". Le texte attribue ainsi une action en paiement du transporteur contre ceux avec qui il n'a pas conclu le contrat mais qui participent néanmoins à l'opération. Tel est notamment le cas du destinataire. Par de nombreux et importants arrêts, la jurisprudence est venue préciser le sens qu'il fallait donner aux termes d'expéditeur et de destinataire, employés dans l'article.

La question du fondement de l'action restait toujours posée et ceux qui espéraient que la Cour allait ici trancher seront déçus. Les faits, pourtant, s'y prêtaient bien. Un transporteur, dont l'expéditeur est soumis à une procédure collective, déclare sa créance auprès de cet expéditeur. Cependant, il n'assigne le destinataire que postérieurement, semble-t-il, à l'expiration de la prescription annale instituée par l'article L. 133-6 du Code de commerce (N° Lexbase : L4810H9Z). Pour tenter d'échapper à cette prescription, il invoque l'effet interruptif de prescription de la déclaration de créance et le fait que l'article L. 132-8 du Code de commerce crée soit une solidarité soit un cautionnement entre l'expéditeur et le destinataire. La Cour devait donc se prononcer sur le fondement de l'article L. 132-8 du Code de commerce

Il est assez difficile de retenir l'existence d'une action directe. Celle-ci n'a normalement lieu qu'entre des tiers, l'auteur d'une action directe agissant à l'encontre d'une partie au contrat sans avoir lui-même cette qualité. C'est le cas de l'action du sous-traitant contre le maître de l'ouvrage ou de l'action de la victime du dommage contre l'assureur de l'auteur. Or, l'article L. 132-8 du Code de commerce est très clair sur ce point, transporteur, expéditeur et destinataire sont bien tous partie à un même contrat. La Cour de cassation a, du reste, confirmé la position de contractant du destinataire (Cass. com., 1er avril 2008, n° 07-11.093, FS-P+B sur le deuxième moyen N° Lexbase : A7694D74 ; Rev. dr. transp., 2008, comm. 94, nos obs). Pour la même raison, il convient d'exclure la qualification de caution. Celle-ci pourrait invoquer, du reste, le bénéfice de discussion et il est bien admis que le transporteur peut réclamer paiement au destinataire sans l'avoir auparavant vainement demandé à l'expéditeur.

La solidarité, en revanche, constituait une explication des plus intéressantes. Elle correspondait parfaitement à certains traits du régime de l'action du transporteur, celui-ci pouvant demander paiement de l'intégralité de la somme à l'un quelconque de ses débiteurs et le paiement effectué par l'un d'entre eux libérant les autres. De plus, la solidarité peut parfaitement être légale et exister entre cocontractants. Naturellement, la solidarité a pour conséquence que l'interruption de prescription à l'égard d'un débiteur emporte les mêmes effets à l'égard des autres, puisqu'ils sont tous tenus de la même dette (C. civ., art. 2245 N° Lexbase : L7177IA3). Refusant que l'interruption de prescription à l'égard de l'expéditeur puisse également valoir contre le destinataire, la Cour de cassation condamne l'idée de solidarité, obligeant à se résoudre à voir dans l'article L. 132-8 une nouvelle institution sui generis.

  • L'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce ne s'applique pas dans le cadre des relations commerciales de transports publics routiers de marchandises exécutés par des sous-traitants, lorsque le contrat-type, qui prévoit la durée des préavis de rupture, institué par la "LOTI", régit, faute de dispositions contractuelles, les rapports du sous-traitant et del'opérateur de transport (Cass. com., 4 octobre 2011, n° 10-20.240, FS-P+B N° Lexbase : A5964HYK)

L'affaire "Frigo 7 contre Gefco" aura longtemps défrayé la chronique, tant en raison de l'importance des sommes en jeu que de son caractère symbolique des relations entre commissionnaires de transport et sous traitants. La Chambre commerciale vient ici de la clore, au détriment de Frigo 7.

Transporteur routier, Frigo 7 est le sous-traitant de Gefco, commissionnaire de transport, depuis 1972. En 2008, invoquant la loi du 5 janvier 2006 (loi n° 2006-10, relative à la sécurité et au développement des transports N° Lexbase : L6671HES) sur l'indexation du prix du transport sur le coût du carburant, Frigo 7 réclame à Gefco une somme de deux millions d'euros. Gefco met alors un terme à la relation commerciale, moyennant un préavis de six mois. Frigo 7 assigne alors Gefco sur le fondement de la rupture brutale des relations commerciales (C. com., art. L. 442-6, I, 5° N° Lexbase : L8640IMX) et réclame une indemnité de près de neuf millions d'euros. La cour d'appel de Versailles (CA Versailles, 12ème ch., sect. 2, 6 mai 2010, n° 09/05024 N° Lexbase : A5929E84), estimant qu'en raison de la durée des relations commerciales, le délai de préavis aurait dû être de vingt mois, accorde l'indemnité demandée. La satisfaction de Frigo 7 est de courte durée. Sur pourvoi, la Cour de cassation casse l'arrêt d'appel, retenant que la prohibition de la rupture brutale des relations commerciales ne s'applique pas lorsque le contrat type "sous-traitance" régit les relations du transporteur et du donneur d'ordre.

Le décret n° 2003-1295 du 26 décembre 2003 (N° Lexbase : L7909H3C) publie le contrat type "applicable aux transports publics routiers de marchandises exécutés par des sous-traitants", appelé contrat type "sous-traitance". Ce texte a pour objectif d'organiser les relations entre les différents donneurs d'ordres professionnels du transport et leurs prestataires. Il s'applique chaque fois qu'un "opérateur de transport", commissionnaire de transport ou transporteur public principal, confie de manière "régulière et significative" l'exécution d'opérations de transport à un sous-traitant. Compte tenu de la nature des relations entre Gefco et Frigo 7, ces conditions étaient certainement remplies.

L'article 12.2 du contrat type fixe le délai de préavis à respecter en cas de rupture. Lorsque la durée de la relation est supérieure à un an, le délai est de trois mois. La rupture initiée par Gefco respectait donc bien le délai de préavis fixé par le contrat type. Toute la question était de savoir si, malgré ce respect, Gefco pouvait se voir reprocher une rupture brutale de la relation, fondée sur l'article L. 442-6 du Code de commerce.

Les contrats type constituent une réglementation supplétive du contrat de transport, applicable lorsque les parties n'en ont pas disposé autrement, par écrit. Ainsi, en l'absence dans le contrat d'une clause relative à la durée du préavis, celle fixée par le contrat type avait naturellement vocation à s'appliquer. Cependant, selon l'article 8 de la loi d'orientation des transports intérieurs du 30 décembre 1982 (loi n° 82-1153 N° Lexbase : L6771AGU dite "LOTI"), devenu l'article L. 1432-4 du Code des transports (N° Lexbase : L8085INR), les contrats types s'appliquent "sans préjudice de dispositions législatives régissant le contrat". On pouvait donc soutenir que le contrat type "sous-traitance" ne faisait pas échec à l'application de l'article L. 442-6 du Code de commerce, de sorte qu'il était possible de rechercher la responsabilité du donneur d'ordre sur le fondement de la rupture brutale des relations commerciales, nonobstant le respect des dispositions du contrat type. Ce raisonnement ne convainc pas les conseillers de la Cour de cassation. Ils estiment que l'article L. 442-6 institue une responsabilité délictuelle (v., déjà en ce sens, Cass. com., 6 février 2007, n° 04-13.178, F-P+B N° Lexbase : A9456DTE, Bull. civ. IV, n° 21), de sorte qu'il ne figure pas parmi les dispositions régissant le contrat dont la loi réserve l'application. Telle est probablement l'explication de la formule assez abrupte selon laquelle "l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, qui instaure une responsabilité de nature délictuelle, ne s'applique pas dans le cadre des relations commerciales de transports publics routiers de marchandises exécutés par des sous-traitants, lorsque le contrat-type qui prévoit la durée des préavis de rupture, institué par la "LOTI", régit, faute de dispositions contractuelles, les rapports du sous-traitant et de l'opérateur de transport".

L'argument n'est toutefois pas entièrement convaincant, une responsabilité délictuelle pouvant parfaitement régir un contrat. La position de la Cour a au moins le mérite de préserver la sécurité que les contrats type doivent apporter au prestataire, en permettant au commissionnaire et, à n'en pas douter, à tous ceux qui se trouvent dans sa situation, de trouver dans le respect du contrat type une sécurité juridique.

Quant à Frigo 7, perdant les espoirs qu'il fondait sur la rupture brutale des relations commerciales, il n'aura eu guère plus de succès dans son action visant à obtenir un complément de rémunération au titre de l'indexation du prix du transport, puisque la cour d'appel de Versailles lui a accordé une somme de 122 000 euros, au lieu des deux millions réclamés.

  • Notion d'expéditeur et impossibilité d'intenter l'action directe en paiement contre le vendeur ex works (Cass. com., 11 octobre 2011, n° 10-20.455, n° 10-20.455, F-D N° Lexbase : A7560HYN)

La notion d'expéditeur est essentielle dans le mécanisme de l'action directe en paiement du transporteur instituée par l'article L. 132-8 du Code de commerce, puisque c'est notamment à celui-ci que le transporteur peut réclamer paiement du prix. Deux conceptions sont alors possibles. Une première, que l'on peut qualifier de contractuelle, où l'expéditeur est celui qui conclut le contrat de transport. Une seconde, matérielle, où prend la qualité d'expéditeur celui qui a remis les marchandises au transport, même s'il n'a pas conclu le contrat. En faveur de cette seconde conception, on peut invoquer plusieurs arguments. D'abord, un argument de texte : l'article L. 132-8 vise, outre l'expéditeur, le commissionnaire de transport. Or, c'est le commissionnaire de transport qui conclut le contrat de transport. On peut donc, selon le texte, être expéditeur même si l'on n'a pas conclu le contrat. D'autre part, la Cour de cassation adopte déjà une conception matérielle du destinataire, considérant comme tel celui qui reçoit la marchandise, même s'il n'est pas mentionné sur la lettre de voiture (cf. not. Cass. com., 15 avril 2008, n° 07-11.398, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A9361D7T ; Rev. dr. transp., 2008, comm. 222, nos obs.). Il serait assez logique de retenir pareille conception pour l'expéditeur. Enfin, une telle solution serait naturellement favorable au transporteur, que le texte à vocation à protéger, puisqu'elle lui offrirait un troisième débiteur, qui viendrait s'ajouter à son contractant et au destinataire, le remettant de la marchandise.

L'espèce ayant donné lieu à l'arrêt de la Chambre commerciale du 11 octobre 2011 en témoigne, puisque le transporteur assignait le vendeur ex works, alors que son donneur d'ordre, qui était également le destinataire, était en redressement judiciaire. L'action contre le remettant serait en effet particulièrement intéressante lorsque le destinataire a lui-même conclu le contrat, la conception contractuelle de l'expéditeur privant le transporteur d'un débiteur. La Cour de cassation distingue cependant traditionnellement le remettant de l'expéditeur, excluant que l'action directe soit intentée contre le premier (Cass. com., 13 février 2007, n° 05-18.590, F-P+B N° Lexbase : A2108DUM ; Rev. dr. transp., 2007, comm. 52, nos obs.) pour une vente ex works (Cass. com., 28 octobre 2008, n° 07-20.786, F-D N° Lexbase : A0665EBA ; Rev. dr. transp., 2008, comm. 250, nos obs.). Elle confirme ici sa jurisprudence, excluant que l'action directe en paiement soit intentée contre le vendeur ex works.

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