La lettre juridique n°614 du 28 mai 2015

La lettre juridique - Édition n°614

Éditorial

Traitement de la Nation la plus favorisée en matière fiscale : l'abolition des nationalités au sein de l'Union

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N7520BU3

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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication

Le 28 Mai 2015


On dit la matière fiscale quelque peu byzantine et peu avenante ; d'une complexité telle que la "cuisine" fiscale n'intéresse que peu de "marmitons" ou alors oblige les autres à prêter attention tant "l'animal symbiotique taxateur" nous poursuit tout au long des heurs et malheurs de notre vie. Sorti des problématiques d'assiette, de taux, de conditions, de déclarations et de recouvrement, il arrive parfois -avouons le, assez souvent en fait- que la matière transcende la simple optimisation du porte-monnaie et révèle un sens de l'Histoire, pour le moins surprenant.

Le 12 mai 2015, le Conseil d'Etat entendait publier au recueil un arrêt faisant, à notre sens, figure d'une bombe fiscale, mais surtout politique, en décidant, pour droit, qu'en ce qui concerne l'exercice, y compris par le moyen de stipulations d'une convention bilatérale, du pouvoir d'imposition réparti conformément à une telle convention, les Etats membres ne peuvent s'affranchir du respect des règles communautaires ; et à cet égard, le respect du principe de non-discrimination implique que l'octroi, dans l'exercice de ce pouvoir d'imposition, d'un avantage qui serait détachable du reste de la convention puisse être revendiqué par un résident d'un Etat membre n'ayant pas la qualité d'Etat partie à la convention. C'est ce que l'on appelle communément une application du principe de "traitement de la Nation la plus favorisée (NPF)" ; et certains, comme l'avocat blogueur parisien Patrick Michaud, ne s'y sont, très rapidement, pas trompés.

Concrètement, le Haut conseil justifie, sous certaines conditions toutefois, l'application d'une clause favorable issue d'un traité internationale bilatérale au bénéfice d'un contribuable qui n'est citoyen d'aucun des Etats signataires ; la clause, figurant dans la convention fiscale internationale qui lui est normalement applicable, lui étant, elle, plus défavorable. Etant entendu, que cette jurisprudence ne prévaudrait qu'entre citoyens de l'Union, puisque le fondement en est le respect des règles communautaires et, plus précisément, le principe de non-discrimination.

Ce faisant, et sans faire un commentaire de cette décision qu'il appartient à d'autres plus quaifiés de faire, on s'étonnera de l'envolée du Conseil d'Etat en faveur d'une application détournée de la clause NPF, alors même que la Cour justice de l'Union européenne s'était refusée à le faire. Plus "royaliste que le roi", loin des atermoiements de "Jacques Vabre", le Haut conseil précède sans doute l'Histoire en réalisant le rêve fédéraliste des juges luxembourgeois, reléguant, au sein de l'Union, le concept de "nationalité" aux reliques juridiques contrariant la construction et l'harmonisation économique européenne. Est-ce la proclamation rampante d'une citoyenneté européenne permettant le bénéfice à chacun de toutes les nationalités constitutives de l'Union ?

D'abord, et pour mémoire, aux termes des Accords de l'OMC, les pays ne peuvent pas, en principe, établir de discrimination entre leurs partenaires commerciaux. Si l'on accorde à quelqu'un une faveur spéciale (en abaissant, par exemple, le droit de douane perçu sur un de ses produits), on doit le faire pour tous les autres membres de l'OMC. C'est cela le traitement de la Nation la plus favorisée ! Il s'agit donc d'un principe consacré uniquement dans les règles OMC, et qui se trouve limité, dans ce cadre, aux dispositions relatives aux droits de douane et impositions perçues à l'importation ou à l'exportation ainsi qu'aux mesures relatives à la fiscalité intérieure sur les produits importées et à la commercialisation de ces produits. Ce principe n'est reconnu dans l'ordre juridique communautaire que dans le cadre du respect des règles OMC par l'Union. Son champ d'application ne recouvre pas, en principe, la fiscalité directe des contribuables.

On notera, toutefois, que ce principe NPF n'est pas tout à fait étranger à la matière fiscale, autre que douanière, puisque l'article 19 de la Directive 2011/16/UE, par exemple, prévoit la possibilité d'une coopération étendue en fonction de l'évolution de la situation internationale et plus particulièrement de l'application de la loi "FATCA". Cette clause NPF permettrait à tout Etat membre de l'Union européenne d'en assigner un autre à procéder à un échange automatique d'informations plus étendu que sur la base de la Directive. Mais, là encore, ce sont les Etats eux-mêmes qui peuvent revendiquer le bénéfice de ce principe de faveur, non les contribuables directement.

Dans son arrêt fondateur, le 5 juillet 2005, la Cour de justice faisait observer que le droit communautaire ne s'oppose pas à ce qu'une règle prévue par une convention bilatérale visant à prévenir la double imposition ne soit pas étendue au ressortissant d'un Etat membre non partie à ladite convention ; pour autant que le litige en cause n'ait pas pour objet les conséquences d'une répartition des compétences fiscales à l'égard des ressortissants ou des résidents d'Etats membres parties à une même convention, mais vise à établir une comparaison entre la situation d'une personne résidente d'un Etat tiers à une telle convention et celle d'une personne couverte par cette convention. La Cour fermait ainsi le ban à l'assimilation entre principe de non-discrimination entre ressortissants de l'Union au regard des quatre Libertés fondamentales et principe du traitement NPF. La Cour va même plus loin dans son refus d'appliquer ce principe commercial au bénéfice du contribuable européen en estimant que le fait que ces droits et obligations réciproques ne s'appliquent qu'à des personnes résidentes de l'un des deux Etats membres contractants est une conséquence inhérente aux conventions bilatérales préventives de la double imposition. Autrement dit, l'application du traitement NPF en droit fiscal revient à nier l'intérêt, voire l'existence, d'une bilatéralisation des conventions fiscales. Mais, il est à noter, toutefois, que la Cour statuait, ici, contre l'avis de l'Avocat général Damaso Ruiz-Jarabo Colomer pour lequel la transposition en matière fiscale de la clause NPF découlait naturellement du principe de non-discrimination.

Mais ce dernier principe exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente, à moins qu'une différenciation ne soit objectivement justifiée. Pour le Haut conseil, la nationalité n'est plus une différenciation objective justifiant un traitement différencié. Elle l'est d'autant moins que c'est la résidence fiscale qui conditionne, pour l'essentiel, l'imposition française. Et, pour le juge administratif, deux résidents en France ayant des intérêts dans deux autres Etats membres différents doivent bénéficier du même régime d'imposition, faisant fi de l'Histoire entre les Etats, des raisons diplomatiques ayant conduit à favoriser les ressortissants d'un Etat plutôt qu'un autre -certaines conventions étant très anciennes- ; pourvu que l'égalitarisme triomphe. Et ce n'est pas la circonscription de ce nouveau principe jurisprudentiel aux seuls avantages détachables qui pourra en limiter la portée... du moins politique.

La formule est lourde de sens. Il s'agit ici d'emboîter le pas à la Commission et au Parlement européen ; voire de les précéder, puisque faute d'accélération de l'harmonisation fiscale au sein de l'Union, il est certain que le fait d'estomper le concept de nationalité au bénéfice du seul critère de résidence pour une application indifférenciée des conventions fiscales bilatérales, quelle que soit la nationalité du contribuable européen, entraîne un appauvrissement du réseau conventionnel bilatéral -quand bien même la grande majorité des conventions sont-elles alignées sur un seul modèle, celui de l'OCDE-, et force à la conclusion d'un accord communautaire essentiellement en matière de fiscalité directe (IR, ISF, droits de successions).

On rappellera que s'il s'agissait de poursuivre la transposition du principe d'un traitement NPF en matière fiscale, quelques exceptions, en matière commerciale, sont autorisées. Par exemple, des pays peuvent conclure un accord de libre-échange qui s'applique uniquement aux marchandises échangées à l'intérieur du groupe, établissant dès lors une discrimination contre les marchandises provenant de l'extérieur. Mais surtout, ils peuvent accorder un accès spécial à leurs marchés aux pays en développement. De même, un pays peut élever des obstacles à l'encontre de produits provenant de tel ou tel pays, qui font l'objet, à son avis, d'un commerce inéquitable. En clair, le traitement NPF n'oblige pas à faire table rase des spécificités relationnelles entre Etats. C'est sans doute ce qui oblige le juge administratif à ne réserver son application qu'aux clauses détachables ; c'est-à-dire ne participant pas d'une économie générale de la convention qui, le cas échéant, serait empreinte de cette spécificité dans les relations internationales bilatérales, de cette histoire diplomatique chère, encore, à la France...

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Aides d'Etat

[Jurisprudence] Conditions d'interruption du délai de prescription des poursuites en matière de restitutions à l'exportation - Conclusions du Rapporteur public

Réf. : CE 3° et 8° s-s-r., 2 avril 2015, n° 371042, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A1160NG3)

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par Vincent Daumas, Maître des Requêtes au Conseil d'Etat et Rapporteur public à la 3ème sous-section

Le 28 Mai 2015

Dans un arrêt rendu le 2 avril 2015, le Conseil d'Etat a dit pour droit que le délai de prescription des poursuites en matière de restitutions à l'exportation ne saurait être interrompu par un acte de contrôle, d'ordre général, de l'administration nationale sans rapport avec des soupçons d'irrégularités touchant des opérations circonscrites avec suffisamment de précisions. Lexbase Hebdo - édition publique vous propose de retrouver les conclusions anonymisées du Rapporteur public, Vincent Daumas, Maître des Requêtes au Conseil d'Etat, sur cet arrêt. La présente affaire offre un panorama -certes pas exhaustif mais tout de même très vaste- des questions qu'est susceptible de poser une action en récupération d'aides agricoles indûment versées.

La société X a perçu des restitutions à l'exportation à raison d'opérations d'exportation de viande de boeuf congelée vers la Russie au cours des années 1996 à 1998. A la suite de différents contrôles, l'organisme d'intervention alors compétent, l'Office national interprofessionnel de l'élevage et de ses productions (Oniep), a toutefois remis en cause le versement de ces aides et émis pour les récupérer 39 titres de recettes ainsi qu'un titre tendant au paiement de majorations relatives à certaines des restitutions à l'exportation litigieuses. Ces titres portaient, au total, sur une somme de près de 1,7 million d'euros. Ils ont été contestés devant le tribunal administratif d'Orléans qui en a annulé une partie. Saisie d'un double appel de l'Oniep et de la société Y, venue aux droits de la société X, la cour administrative d'appel de Nantes a annulé le jugement en tant qu'il avait annulé certains des titres et rejeté l'ensemble des conclusions de la société. Mais vous avez annulé ce premier arrêt et renvoyé l'affaire à la cour (1). Celle-ci a statué de nouveau en prononçant, cette fois, l'annulation de l'intégralité des titres attaqués. C'est au tour de FranceAgriMer, venant aux droits de l'Oniep, de se pourvoir en cassation. Précisons que ses conclusions doivent êtres lues comme tendant à l'annulation des articles 1er, 2 et 4 de l'arrêt attaqué.

1. Vous devrez faire droit à son pourvoi, qui soulève un moyen à notre sens imparable.

Pour prononcer ou confirmer l'annulation des titres contestés, la cour administrative d'appel a considéré que l'action de l'organisme d'intervention en récupération des aides litigieuses était prescrite. Pour cela, elle a fait application de deux règlements européens. Le premier, le Règlement (CE) n° 3665/87 de la Commission du 27 novembre 1987, portant modalités communes d'application du régime des restitutions à l'exportation pour les produits agricoles (N° Lexbase : L7259IEL), est un Règlement adopté dans le cadre de la politique agricole commune comportant des dispositions spécifiques au régime des restitutions à l'exportation. Le second, que vous commencez à bien connaître, est le Règlement (CE) n° 2988/95 du Conseil du 18 décembre 1995, relatif à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes (N° Lexbase : L5328AUU).

Vous savez qu'en vertu des dispositions de ce Règlement, dont le champ d'application est tout à fait transversal, un délai de prescription fixé en principe à quatre ans s'applique aux actions tendant à la poursuite d'une "irrégularité" mentionnée à son article 1er -laquelle est définie très largement puisqu'il s'agit de "toute violation d'une disposition du droit communautaire résultant d'un acte ou d'une omission d'un opérateur économique qui a ou aurait pour effet de porter préjudice au budget général des Communautés [...]", notamment par "une dépense indue". Son article 3, paragraphe 1, dispose que "le délai de prescription des poursuites est de quatre ans à partir de la réalisation de l'irrégularité" (premier alinéa), sauf pour les irrégularités "continues ou répétées", pour lesquelles le point de départ du délai est le "jour où l'irrégularité a pris fin" (deuxième alinéa). Le délai de prescription est interrompu "par tout acte, porté à la connaissance de la personne en cause, émanant de l'autorité compétente et visant à l'instruction ou à la poursuite de l'irrégularité" (troisième alinéa).

La cour a jugé que c'était bien ce délai de quatre ans prévu par les dispositions de l'article 3 du Règlement (CE) 2988/95 qui s'appliquait -et non le délai de prescription trentenaire de l'article 2262 du Code civil (N° Lexbase : L7209IAA), même réduit par voie jurisprudentielle pour le rendre compatible avec le principe de proportionnalité. La cour tranchait là, à bon droit, un débat qui a depuis lors été clos par une série de décisions que vous avez rendues le 28 mai 2014 (2) -cette solution ne faisant d'ailleurs que tirer les conséquences d'une jurisprudence très claire de la Cour de justice de l'Union européenne-. Nous n'y reviendrons pas.

Mais il fallait encore déterminer le point de départ de ce délai de quatre ans, c'est-à-dire l'irrégularité reprochée à la société. FranceAgriMer soutient à titre principal dans son pourvoi que cette irrégularité est constituée par le versement indu de l'aide. Mais ni votre jurisprudence ni celle de la Cour de justice ne sont en ce sens : ce qui constitue l'irrégularité, c'est la méconnaissance par le bénéficiaire de l'aide d'une des conditions mises à son octroi (3).

Et c'est là qu'interviennent les dispositions du Règlement (CE) 3665/87. L'organisme d'intervention avait remis en cause l'octroi des restitutions à l'exportation au motif que la société avait produit, pour justifier de la réalité des différentes exportations de viande ayant fait l'objet des aides, des documents irréguliers ou insuffisamment probants. Il se prévalait d'une méconnaissance des articles 16 § 1, 17 § 3 et 18 du Règlement de 1987, applicables aux restitutions à l'exportation à taux différencié -c'est-à-dire des restitutions dont le montant dépend du pays de destination des produits agricoles-. Pour en bénéficier, un opérateur doit produire, à l'appui du dossier constitué pour le paiement de la restitution, des documents justifiant l'accomplissement des formalités douanières de mise à la consommation dans le pays d'exportation. Et aux termes de l'article 47 du Règlement, ce dossier doit en principe être déposé dans un délai de douze mois suivant la date d'acceptation de la déclaration d'exportation -étant précisé qu'un délai supplémentaire peut être accordé à l'opérateur qui, malgré les diligences effectuées, n'a pu obtenir les documents douaniers justifiant la mise à la consommation dans le pays d'exportation-.

La cour administrative d'appel a considéré, au point n° 8 de son arrêt, que le point de départ du délai de prescription était la date d'enregistrement de la déclaration d'exportation. Nous n'avons aucun doute que cette affirmation est entachée d'erreur de droit ainsi que le soutient FranceAgriMer, compte tenu des précisions apportées par l'article 47 du Règlement : la société disposait d'un délai de douze mois à compter de sa déclaration d'exportation pour produire les documents justifiant la mise à la consommation dans le pays d'exportation ; l'irrégularité ne pouvait donc être regardée comme constituée qu'à l'expiration de ce délai -étant précisé qu'il ne ressort pas des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société X en avait demandé la prolongation-.

Notons que vous avez tranché un point tout à fait similaire à propos d'un autre régime d'aides, celui des aides dites "à la crème et au beurre pâtissiers", dans une autre des affaires jugées le 28 mai 2014 (4). S'agissant de l'irrégularité constituée par l'absence de production des documents justifiant l'incorporation de la matière grasse aidée dans les produits finaux, vous avez fixé la date à laquelle cette irrégularité devait être regardée comme réalisée à l'expiration du délai de douze mois dont disposait l'opérateur pour produire ces documents.

Vous annulerez l'arrêt attaqué.

2. Et vous devrez ensuite régler l'affaire au fond, en application de l'article L. 821-2 du Code de justice administrative (N° Lexbase : L3298ALQ). Vous serez saisi des deux appels formés respectivement par FranceAgriMer et la société Y contre le jugement du tribunal administratif

2.1. Il y aura d'abord lieu d'écarter un moyen d'irrégularité du jugement soulevé par FranceAgriMer, qui est dénué de consistance.

2.2. Vous devrez ensuite reprendre ce qu'avait jugé la cour à propos du délai de prescription applicable : nous l'avons dit, comme vous l'avez jugé depuis lors, c'est bien le délai de quatre ans prévu par le Règlement de 1995 qui s'applique et pas un délai plus long résultant du droit national. Précisons, à cet égard, que le Règlement sectoriel de 1987 sur les restitutions à l'exportation ne prévoit pas de délai plus court applicable à l'action en récupération des aides indûment versées.

2.3. Indiquons que, dans ses écritures d'appel, FranceAgriMer soutenait, très cursivement, que les irrégularités reprochées à la société X devaient être regardées comme des irrégularités "continues ou répétées" au sens de l'article 3, paragraphe 1, du Règlement de 1995. Il cherchait par ce biais à repousser le point de départ de la prescription puisque dans ce cas, nous le disions, celle-ci court du "jour où l'irrégularité a pris fin". Mais vous n'êtes assurément pas devant une irrégularité "continue". Et il nous paraît difficile d'employer la qualification d'irrégularités "répétées" : alors que trente-neuf des opérations d'exportation réalisées par la société X ont été remises en cause sur 87, les unes et les autres se succédant à plusieurs reprises sur la période, on perçoit mal comment déterminer le jour où "l'irrégularité a pris fin". La notion d'irrégularités répétées nous paraît plutôt s'appliquer à une succession ininterrompue d'irrégularités. Nous croyons donc qu'il faut en rester, dans cette affaire, à un délai de prescription courant de la date de réalisation de l'irrégularité -donc l'expiration du délai de douze mois suivant la date d'acceptation de la déclaration d'exportation correspondant à chacune des opérations litigieuses-.

2.4. C'est à ce stade que vous serez conduit à apporter une précision supplémentaire sur la notion d'acte interruptif de prescription.

Nous l'avons dit : le délai de prescription de quatre ans courait à l'expiration du délai de douze mois suivant l'acceptation de chacune des déclarations d'exportation ayant donné lieu aux restitutions litigieuses. Ces déclarations ont été enregistrées entre 1996 et 1998 et les titres de recettes contestés n'ont été émis que le 23 novembre 2006. Toutefois, FranceAgriMer se prévaut d'actes interruptifs de prescription intervenus en 1999 et 2003 -à savoir, des procès-verbaux établis par les services de la direction générale des douanes et des droits indirects et notifiés à la société-.

Le caractère interruptif de prescription de ces procès-verbaux est toutefois contesté par la société, jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne à l'appui. Cette dernière juge que constituent des actes interruptifs de prescription "[la transmission de] rapports mettant en exergue une irrégularité à laquelle [la personne en cause] aurait contribué en lien avec une opération d'exportation précise", de même qu'une demande d'"informations complémentaires concernant cette opération", ou encore "[l'application d']une sanction en lien avec ladite opération" (5). En revanche, la Cour refuse que puisse interrompre la prescription un "acte de contrôle, d'ordre général, de l'administration nationale sans rapport avec des soupçons d'irrégularités touchant des opérations circonscrites avec suffisamment de précisions" (6) -vous pourrez reprendre à votre compte cette dernière précision, qui est inédite dans votre jurisprudence et tout à fait utile pour le règlement du litige-.

Deux des procès-verbaux dont FranceAgriMer se prévaut, ceux des 8 avril et 24 juin 1999, relèvent en effet de cette catégorie des actes de contrôle d'ordre général insuffisamment précis pour interrompre le délai de prescription. Ces procès-verbaux de constat, s'ils sont en relation avec des investigations portant sur des exportations à destination de la Russie, sont dénués de toute précision sur les finalités des contrôles entrepris par les services des douanes. En 1999, ceux-ci en étaient manifestement à un stade de recherches préliminaires aux contours très larges. Les procès-verbaux alors établis ne permettaient pas à la société d'identifier les irrégularités qui allaient ultérieurement motiver l'émission des titres de perception litigieux, ni même les opérations d'exportation concernées par ces irrégularités.

En revanche, le procès-verbal des douanes du 17 mars 2003 comporte, quant à lui, suffisamment de précisions pour avoir interrompu le délai de prescription. Il permettait donc à l'organisme d'intervention de poursuivre les irrégularités constituées postérieurement au 17 mars 1999, c'est-à-dire celles se rapportant à des déclarations d'exportation acceptées après le 17 mars 1998. Ce constat vous conduira à juger que la quasi-totalité des titres litigieux sont atteints par la prescription : seul l'un d'entre eux en effet, le titre n° 200700038, correspond à une aide attribuée au titre d'une déclaration d'exportation acceptée après cette date -le 4 juin 1998 précisément-.

2.5. Il ne restera plus qu'à prendre position sur le bien-fondé de ce titre. Ce qui revient à trancher le point de savoir si la société avait apporté les éléments nécessaires à la justification de l'accomplissement des formalités douanières de mise à la consommation en Russie.

Précisons qu'à ce stade, l'essentiel de l'enjeu financier du litige sera derrière vous puisque l'unique titre non prescrit porte sur une somme de moins de 4 000 euros.

Vous ferez application ici de la dialectique que vous avez dégagée pour régler des questions de preuve tout à fait similaires (7).

Pour justifier de la mise à la consommation en Russie, la société X a produit un certificat d'exportation du 5 juin 1998 portant le tampon des autorités douanières françaises et une déclaration en douane du 9 juin suivant portant le tampon des autorités douanières russes, faisant état de l'expédition, puis de la livraison en Russie par l'intermédiaire de la société ETC de 3 991 kilogrammes de viande de boeuf congelée. La société a également produit une copie du document de transport correspondant à cette livraison. Elle s'est donc acquittée des obligations documentaires prévues par l'article 18 du Règlement (CE) 3665/87.

En réponse, FranceAgriMer produit toutefois un courrier des autorités douanières russes du 4 mai 2005 indiquant que la déclaration portant leur tampon serait falsifiée au motif qu'elle n'a pas été enregistrée dans la base de données du bureau de douanes qui l'a émise. Mais cela, à notre avis, ne suffit pas à remettre en cause la valeur probante des documents produits par la société. FranceAgriMer se prévaut, en effet, seulement de l'absence d'enregistrement de la déclaration en douane par les autorités russes, sans contester les autres documents produits. Or, il n'est pas exclu que ce défaut d'enregistrement pût être le fait des autorités russes au vu, d'une part, de l'indication figurant dans le courrier du 4 mai 2005 selon laquelle toutes les déclarations en douane antérieures au 24 mai 2004 ont été détruites, de sorte qu'une confirmation du défaut d'enregistrement par vérification des archives papier n'était pas possible et, d'autre part, des mesures prises par la Commission européenne dans une décision du 28 juillet 1999 (8) pour assouplir, compte tenu du manque de fiabilité des services douaniers russes, les modalités de preuve des exportations vers la Russie.

Bien sûr, il est permis d'hésiter, au vu notamment de la description, faite dans le procès-verbal des douanes du 17 mars 2003, des circuits complexes de livraison et de facturation qu'entretenait la société Z -l'intermédiaire de la société X-. Il paraît manifeste, même si les poursuites pénales engagées se sont conclues par un non-lieu, qu'une certaine opacité était entretenue autour des opérations d'export de la société Z. Mais en ce qui concerne précisément l'opération d'exportation à raison de laquelle la société X a touché la restitution restant en litige, il nous semble difficile, au vu des pièces produites, d'en remettre en cause la réalité.

Si vous nous suivez, vous rejetterez l'appel de FranceAgriMer et vous accueillerez celui de la société. Vous réformerez le jugement du tribunal administratif en conséquence. Vous pourrez enfin mettre à la charge de FranceAgriMer une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative (N° Lexbase : L3227AL4).

Par ces motifs nous concluons dans le sens qui suit :

1. Annulation des articles 1er, 2 et 4 de l'arrêt attaqué ;

2. Annulation des titres qui ne l'ont pas été par le tribunal administratif ;

3. Rejet de l'appel de FranceAgriMer ;

4. Réformation du jugement du tribunal en ce qu'il a de contraire à votre décision ;

5. Versement par FranceAgriMer à la société Y d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative.

6. Rejet des conclusions présentées à ce même titre par FranceAgriMer.


(1) CE 3° s-s., 28 juin 2010, n° 329508 332877, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A6061E3U).
(2) Et notamment la décision CE 3° et 8° s-s-r., 28 mai 2014, n° 350095, mentionné aux tables du recueil Lebon ([LXB=A6324MPW)]).
(3) Voyez notamment en ce sens, parmi vos décisions du 28 mai 2014 précitées, les décisions CE 3° et 8° s-s-r., n° 359462 (N° Lexbase : A6336MPD) et n° 356932 (N° Lexbase : A6329MP4), mentionnées aux tables du recueil Lebon.
(4) Voyez votre décision n° 356932, préc..
(5) CJUE, 28 octobre 2010, aff. C-367/09 (N° Lexbase : A7811GCB), points n°s 69 et 70.
(6) CJCE, 24 juin 2004, aff. C-278/02 (N° Lexbase : A7707DCG), points n°s 40 à 42.
(7) Voyez CE 3° et 8° s-s-r., 3 octobre 2011, n° 325356, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A6188HYT), à propos de la fourniture par l'exportateur de marchandises des éléments justifiant l'incorporation dans ces marchandises des quantités de produits aidées.
(8) C (1999) 2497 final.

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Avocats/Institutions représentatives

[Questions à...] Barreau de Paris - Elections au Bâtonnat 2016 : rencontre avec Frédéric Sicard

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N7441BU7

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par Anne-Laure Blouet Patin, Directrice de la Rédaction

Le 28 Mai 2015

Les élections pour désigner le nouveau Bâtonnier du barreau de Paris se tiendront les 23 et 25 juin 2015. Initialement prévue pour la fin d'année 2014, puis pour la fin de l'année 2015, la date de ces élections a été finalement fixée au 23 et 25 juin 2015 en raison d'une modification du décret de 1991 ramenant à au moins 6 mois la durée du dauphinat (décret n° 2014-1632 du 26 décembre 2014 N° Lexbase : L1524I7L, modifiant le décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, organisant la profession d'avocat N° Lexbase : L8168AID). A ce jour, les candidats à cette élection sont : Frédéric Sicard et Dominique Attias, Laurent Martinet et Marie-Alix Canu-Bernard, Benoît Chabert et Philip Cohen, David Gordon-Krief et Hubert de Flichy, Nicolas Lerègle et Nathalie Attias, Jean-Louis Bessis, Patrice Rembauville-Nicolle, et Guy Fitoussi. Lexbase Hebdo - édition professions vous propose, cette semaine, une rencontre avec Frédéric Sicard. Lexbase : "Libres pour servir" est votre slogan de campagne. Pourquoi ce choix ?

Frédéric Sicard : Nous avons choisi de placer nos candidatures sous le double auspice de la liberté et du service afin d'affirmer notre indépendance et nos engagements de proximité, de travail et de mesures concrètes.

Nous croyons infiniment que les avocats sont des acteurs de liberté au quotidien. Etre avocat c'est, par définition, être partisan, indépendant et engagé.

Libres et intègres, nous resterons des avocats au service de toutes nos consoeurs et de tous nos confrères pour un Ordre exemplaire.

De plus, le mot "service" est à l'origine même du Bâtonnat. Le bâton, c'est le soutien que l'on apportait à celui qui avait besoin d'un appui. Les avocats doivent pouvoir se dire qu'il y a quelqu'un sur qui ils peuvent s'appuyer, pour pouvoir justement vivre le métier comme une liberté de servir.

Lexbase : Comment s'est fait le choix de votre tandem avec Dominique Attias ?

Frédéric Sicard : J'ai découvert Dominique Attias lorsque nous avons siégé ensemble au conseil de l'Ordre, ainsi qu'au Conseil national des barreaux. Ce qui nous intéresse c'est de savoir ce que cela donne en pratique, et quelle est concrètement la solution. Cela nous a donc beaucoup rapprochés et nous avons constaté que nous avons une vision commune des choses.

S'il y a un message que nous voudrions faire passer avec Dominique, c'est qu'il n'est pas question, bien sûr, de faire perdre son caractère illustre à cette fonction de Bâtonnier, mais il est aussi très important que le projet se tourne vers les avocats eux-mêmes. La force de ce barreau, c'est la force des engagements de chaque avocat. On ne devient jamais avocat par hasard, on devient avocat car nous avons tous un côté un peu révolté !

Lexbase : Quelles sont les grandes lignes de votre programme ?

Frédéric Sicard : Le premier point concerne l'économie. Des dépenses raisonnées, des économies utiles à tous. Nous réaliserons une économie de plus de 2,5 millions d'euros, structurelle et récurrente. Nous voulons un budget ordinal concentré sur l'essentiel, pour une diminution générale et permanente des cotisations de 10 %.

Le deuxième point a trait à la démocratie ordinale. Libres et intègres, nous resterons des avocats au service de toutes nos consoeurs et de tous nos confrères. Nous devons être absolument exemplaires en termes de démocratie ordinale. Nous voulons des ordres du jour travaillés à l'avance, des séances publiques en ce qu'elles seront retransmises pour les avocats. Nous instaurerons la transparence du fonctionnement du conseil de l'Ordre et la possibilité de poser des questions directes au conseil par les avocats. Nous rendrons participative une partie du budget de l'Ordre. Nous voulons aussi qu'il y ait une véritable consultation de l'assemblée générale sur les questions de principe et sur les grandes directions que doit emprunter la profession.

Troisièmement, nous voulons inspirer l'innovation : faire du futur une force, anticiper pour ne pas subir. Nous voulons développer cet esprit entrepreneurial que les deux Bâtonnats précédents ont déjà saisi pour réussir à le développer. Nous considérons, pour notre part, qu'il faut aller jusqu'à parler argent. C'est l'idée de la mise en place d'un fonds de soutien créatif.

Nous répondrons aux besoins de financement des start-up du droit par une aide dynamique et un coup de pouce financier.

Quatrièmement, nous voulons qu'il y ait un véritable lobbying, défenseur des droits des avocats. Nous voulons une profession enfin influente dans la sphère publique, par la mise en place d'une véritable stratégie d'influence. Et pourquoi pas un projet emblématique, comme l'installation au palais historique d'un premier centre consacré à la promotion des méthodes alternatives de règlement des conflits ?

Enfin, nous voulons une nouvelle expérience digitale et humaine de l'accueil. Je crois que l'Ordre fonctionne assez bien mais tout le monde oublie qu'il y a douze pôles d'activité et on ne sait plus très bien à quoi ils correspondent. Nous souhaitons donc créer un front office accessible en digital et en présentiel, et pas seulement une maison numérique virtuelle. Nous souhaitons aussi que chacun ait un endroit où être accueilli à titre personnel, où chacun aura en front office un interlocuteur qui se chargera de répondre à ses besoins et de lui trouver le service qui répondra le mieux à sa demande.

Lexbase : Quelle est votre vision de la gouvernance de la profession ?

Frédéric Sicard : Il est très clair qu'un jour il faudra revoir la gouvernance et que l'objectif sera, à terme, d'avoir un Ordre national et même un Ordre européen. Pourquoi ? Parce que les vraies décisions sont prises au niveau européen, et qu'il est anormal que nous n'ayons pas d'élus au suffrage direct qui représentent cette importante population de juristes en Europe. Quant au concret et à l'immédiat, nous considérons que l'interlocuteur principal des pouvoirs publics est le CNB, qu'il n'y a pas de rupture entre la province et Paris, qu'il n'y a que des avocats en France et que nous devons travailler ensemble.

Cela ne veut pas dire pour autant que Paris doit s'effacer, cela ne veut pas dire que Paris n'a pas son mot à dire, cela veut juste dire qu'il faut travailler ensemble.

Lexbase : Quels regards portez-vous sur l'interprofessionalité et le périmètre du droit ?

Frédéric Sicard : Il faut ouvrir les champs des possibles sans renoncer à son identité. Si nous avons une maison commune avec d'autres professions réglementées, comment organise-t-on le secret de l'avocat ? Quelle est la définition du secret que l'avocat ne pourra pas partager avec l'autre profession réglementée ? Comment sera traitée la question de la règle du conflit d'intérêts qui n'est pas exactement la même, qui n'a pas le même objet suivant la profession ? Il faut commencer à traiter le problème, c'est-à-dire travailler et à ce moment là construire l'interprofessionalité. Nous devons travailler en amont ce que doit être la répartition des rôles de professions réglementées, dans l'interprofessionalité. Idéalement, il faudrait trouver les décrets d'application avant d'avoir écrit la loi !

Lexbase : L'avocat en entreprise est pour le moment enterré mais se pose en revanche la question du legal privilege. Quelle est votre position sur ce point ?

Frédéric Sicard : Le legal privilege est une mauvaise piste. Contrairement au postulat de départ, je ne suis pas certain que l'on puisse enterrer le dossier de l'avocat en entreprise car c'est une question européenne.

Il faut réfléchir à ce que pourrait être l'avocat en entreprise. Nous ne pouvons pas voter pour quelque chose dont nous ne connaissons pas les conséquences pratiques. Il faut d'abord écrire le projet, régler les problèmes de conflits d'intérêts, de clause compromissoire, etc.. Tout cela doit être traité, et une fois traité il faut réfléchir aux principes et demander à la majorité ce qu'elle veut. C'est la majorité des avocats et non pas deux personnes dans un bureau secret et oublié du conseil de l'Ordre qui doivent en décider. Il faut poser la question à l'ensemble du barreau de Paris et, je l'espère, aux barreaux de province. C'est cette question que nous nous engageons à travailler pour qu'elle soit réglée.

Lexbase : De plus en plus de jeunes avocats arrivent sur le marché et raccrochent la robe rapidement, ou partent en entreprise et vivent avec un revenu moyen décourageant. Que proposez-vous pour la jeune génération ?

Frédéric Sicard : D'abord, nous avons un avenir évident puisque si l'on regarde l'histoire de notre planète, le droit va rester la dernière des libertés à conquérir... Cette liberté justifie que nous aurons toujours besoin de plus d'avocats pour intervenir sous forme de conseil, sous forme de règlement amiable ou sous forme de contentieux. Et parce que la complexité du droit va avec sa généralisation, nous avons besoin de spécialistes.

Ensuite, nous avons besoin de rationnaliser notre développement. Il faut tenir la promesse qui a été faite depuis six ans d'un examen national pour un peu plus d'égalité.

Enfin, il faut intervenir dans les universités pour dire aux jeunes que le choix de la voie du droit est une bonne chose mais qu'il faut qu'ils connaissent l'état du marché.

Lexbase : Quelles pistes concrètes proposez-vous pour aider à l'installation des jeunes avocats ?

Frédéric Sicard : Notre profession doit être pro active et aller de l'avant. L'Ordre ne peut pas se substituer aux établissements financiers mais peut donner un coup de pouce en mettant en place un système d'avance au bénéfice des confrères qui s'installent. L'Ordre aidera en outre les confrères à construire un dossier financier qui leur permette de décrocher des prêts bancaires, et leur proposera l'accompagnement par un autre confrère qui sera heureux de les aider à investir et à se développer. C'est la mise en oeuvre concrète de l'objectif européen. Et c'est ce que nous proposons de lancer avec le fonds créatif. Tout ceci étant dans la même logique de solidarité d'un Ordre, d'un bâton qu'on se passe, un relais qui fait que cette histoire s'inscrit dans le présent et l'avenir...

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Bancaire

[Jurisprudence] PEA sous gestion personnelle : absence d'obligation de conseil sur les investissements

Réf. : Cass. com., 8 avril 2015, n° 14-10.058, F-P+B+I (N° Lexbase : A2531NGT)

Lecture: 8 min

N7525BUA

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par Hervé Causse, Professeur d'Université, Directeur du Master Droit des Affaires et de la Banque à l'Université d'Auvergne, Directeur scientifique de l'Encyclopédie "Droit bancaire"

Le 28 Mai 2015

1. Le plan d'épargne en actions (PEA) a été remis au goût du jour, ce que l'arrêt rapporté, rendu le 8 avril 2015 par la Chambre commerciale de la Cour de cassation done à rappeler. Depuis 2014, il existe le PEA que l'on connaît depuis longtemps (C. mon. fin. art. L. 221-30 N° Lexbase : L1415IZG à L 221-32) et un second, le PEA PME-ETI, destiné à financer les PME et les ETI (C. mon. fin. art. L. 221-32-1 N° Lexbase : L1441IZE et s. et art. D. 221-113-1 N° Lexbase : L6020IZY). Cumulables, les deux plans fonctionnent sur la même logique mais varient pour leur plafond respectif de versements et pour les titres éligibles. Le premier plan peut être abondé jusqu'à 150 000 euros pour des investissements en actions, titres assimilés de sociétés de l'Union européenne et titres d'organismes de placement collectifs composés à 75 % d'actions (ce qui vise les SICAV et fonds communs). Le PEA PMI-ETI a un plafond de 75 000 euros. Le PEA est appelé "enveloppe fiscale" car revenus et plus-values des titres sont exonérés, raison pour laquelle la personne doit être fiscalement domiciliée en France, non à charge fiscalement, et ne détenir qu'un seul PEA (1). Les produits du plan sont soumis aux prélèvements sociaux selon la durée de détention. Dans tous les cas, la logique est que les fonds versés ne peuvent plus être retirés, sinon le plan est résilié, et qu'ils ont vocation à être utilisés pour souscrire des actions ou titres représentant des actions.

2. L'arrêt de la Cour de cassation qui fait braquer le projecteur sur le PEA sera publié au Bulletin de la Cour, ce que l'on comprend car il suggère divers points fondamentaux de cette institution de l'épargne dite réglementée ou administrée. On le reprend de façon linéaire en suivant pas à pas la décision qui commence par exposer les faits. Le 23 novembre 1995, M. X, le client (2), a souscrit auprès de la Société générale (la banque) un PEA, et l'arrêt précise : "sans lui confier de mandat de gestion". Cette dernière mention appelle une première explication. L'activité de gestion "pour le compte de tiers" consiste à gérer, de façon discrétionnaire et individualisée, des portefeuilles incluant un ou plusieurs instruments financiers en vertu du "mandat donné par un tiers" (C. mon. fin., art. D. 321-1, 4 N° Lexbase : L7534I4S). Il s'agit d'une gestion pour autrui : le professionnel s'assimile à un mandataire, le client à un mandant -non un tiers comme le dit le code-. L'activité repose sur ce "mandat de gestion" ou "mandat de gestion de portefeuille". Seules les sociétés de gestion de portefeuille (SGP), agréées par l'AMF (C. mon. fin., art. L. 532-9, II N° Lexbase : L1458IZZ) peuvent exercer la gestion de portefeuille (C. mon. fin., art. L. 532-1, al. 2 N° Lexbase : L7185IZ7) dont c'est l'activité exclusive. La banque ne peut pas se voir confier un tel mandat (v. infra n° 10). L'arrêt veut donc dire que le client n'a pas choisi une SGP, filiale ou partenaire de la banque, ce que d'usage les banques proposent généralement et que le client accepte ou non.

3. Le 19 octobre 2007, le client a demandé de transférer le PEA vers un autre établissement bancaire. Malgré son usage fréquent, l'idée de transfert n'est pas manifeste, mais on passe sur ce point, car l'essentiel est ici le reproche que le client fait à la banque. Il soutient avoir reçu une information erronée de la part du conseiller financier quant à l'impossibilité de souscrire, avec les fonds conservés sur le compte espèces, adossé au PEA, des parts du fonds commun de placement (FCP) "SGAM AI Actions Sérénité". Il faut ici préciser qu'un plan comporte deux comptes qui sont liés, la loi dit "associés" : un compte espèces, c'est un compte de dépôt affecté au second, qui est le compte de titres financiers (3). Le PEA se compose donc inévitablement de ces deux comptes, l'un fonctionnant pour l'autre : l'argent versé permettra d'acheter des titres (et seul le premier versement vaut ouverture du plan), en retour les ventes de titres alimentent le compte en espèces. Les versements et apports en titres s'additionnent pour vérifier si le plafond précité (150 000 euros) n'est pas dépassé. On doit ajouter, tant sa pratique est importante, ce qui dépasse le présent arrêt, que le PEA ouvert par les entreprises d'assurance a une forme juridique autre (C. mon. fin., art. L. 221-30, al. 4 N° Lexbase : L1415IZG, et L. 221-31, 3° N° Lexbase : L4751I74) (4).

4. Le client reproche à la banque de l'avoir informé de ce qu'il ne pourrait pas, avec les sommes conservées sur le compte espèces, souscrire des parts du FCP "SGAM AI Actions Sérénité", pour les placer sur le compte de titres du PEA comprend-on ; et la Cour de cassation précise que le client faisait cette opération "habituellement pour obtenir une rémunération des fonds en attente sur ce compte". Le FCP en question est connu par son prospectus d'émission qui est public, les parts qu'il émet y étant mentionnées comme étant éligibles au PEA. Le client achetait donc habituellement des parts de FCP, peut-être dans l'attente de meilleurs placements ? On se demande, en revanche, pourquoi ces parts n'auraient plus pu être souscrites comme auparavant, mais c'était justement l'erreur que le client reprochait à la banque. On ne s'attarde pas davantage sur ce point essentiel. La décision ne le permet guère pour une raison très spéciale : un manque de preuve de ce fait (v. infra n° 7).

5. Le client prétend avoir ainsi subi, en 2006 et 2007, un défaut de "valorisation de ces fonds" ; c'est le préjudice allégué pour lequel le client a recherché la responsabilité de la banque. On ne discute pas ce point qui n'a pas eu à être jugé. On relèvera que, bien que l'on soit en présence d'un établissement de crédit, ce n'est pas, si l'on peut dire, le droit bancaire qui s'applique. C'est ce que l'on pourrait appeler le "droit des services d'investissement" pour la pédagogie. Malgré la nuance, c'est finalement le droit bancaire et financier consacré par l'ensemble des dispositions du Code monétaire et financier qui est appliqué. Dans ce vaste cadre, l'arrêt apprend que l'investisseur fonde sa demande sur une faute originale, et peut-être même inédite : ne pas avoir pu investir.

6. Plus précisément, le client fonde son action en responsabilité contractuelle, en premier lieu, sur la violation de "l'obligation d'information et de conseil" de la banque, laquelle est, selon le client, incontestable ; le reproche est soutenu par un moyen invoquant la charge de la preuve qui, s'agissant d'une obligation particulière, pèse de principe sur le professionnel, règle que la cour d'appel n'aurait pas respectée. La demande est en second lieu fondée, le second moyen du pourvoi en atteste, par un argument plus précis et technique. Le client invoque l'article L. 533-4 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L2557DKW), dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce, ce qui lui permet de soutenir l'existence d'autres obligations. Utilisant les mots de cet article, le demandeur soutient que la banque avait l'obligation d'agir avec équité au mieux des intérêts du client et d'exercer son activité, auprès de lui, avec la diligence qui s'imposait au mieux de ses intérêts. Cela revenait à invoquer ce que le Code monétaire et financier désigne comme "les règles de bonne conduite", au sein duquel elles se sont multipliées. L'arrêt comporte une motivation divisée en deux attendus, lesquels appellent chacun des observations qui sont en partie de nature différente.

7. En premier lieu, la Haute juridiction rejette la première branche du moyen fondée sur l'obligation d'information et de conseil (5). Elle motive sa décision en soulignant, quant aux faits, que les demandes formulées à partir de 2005-2006 auprès de la banque, pour souscrire des parts de FCP, et les refus qu'elle lui aurait opposés, ne sont pas prouvés. La Cour de cassation poursuit que ni le contenu de l'ordre de transfert du PEA, du 19 octobre 2007, ni la proposition faite à titre commercial par la banque (une proposition de 1 500 euros, indique le pourvoi du demandeur), n'établit la réalité de l'information erronée sur l'éligibilité des parts de FCP au PEA. Ces circonstances ne prouvent pas la faute de la banque, avait jugé la cour d'appel. On éprouve alors le sentiment que c'est un peu comme si le litige était vide de toute substance. L'attendu peut conclure que, par ces motifs non critiqués, "faisant ressortir", à défaut de le dire dans une motivation plus nette, qu'il n'est pas établi que la banque a communiqué l'information litigieuse. L'information sur l'impossibilité de souscrire ces parts pour le PEA n'a donc pas été prouvée devant les juges du fond. Le moyen est alors purgé par l'observation que la cour d'appel n'a pas dit que M. et Mme X ne rapportaient pas la preuve de l'existence d'un conseil erroné. Par hypothèse même, le défaut de preuve précité l'en empêchait de le dire et de le juger.

8. En second lieu, la Cour de cassation répond cette fois plus directement, si l'on peut dire, à l'invocation de l'article L. 533-4 précité (issu de la loi n° 2003-706 du 1er août 2003 N° Lexbase : L3556BLB applicable en l'espèce). Il faut signaler que la tenue de compte de titres, simple ou constitutif d'un PEA, donne un contentieux significatif dans lequel cet article importe. Elle est notamment marquée par une obligation de mise en garde pour les clients non-avertis qui réalisent des opérations spéculatives (6), mise en garde dont la forme est parfois originale (7). La mise en garde n'était toutefois pas en cause en l'espèce : au contraire d'investissements malheureux, l'auteur du pourvoi reprochait au professionnel de n'avoir pas pu réaliser des investissements en titres ; cette référence fait signaler que l'article L. 533-4 précité a été appliqué par la Cour de cassation, ces dernières années, à de multiples reprises. La stratégie juridique du plaideur était donc pertinente, et ce quelle que soit l'analyse faite de la mise en garde précitée : elle est de la famille des "obligations d'information et de conseil" ; or le client reprochait un défaut d'information. On commente en deux temps l'instructive motivation du juge du droit, laquelle se déporte de cet aspect.

9. La réponse de la Cour de cassation au pourvoi est simple : "ce texte [l'article L. 533-4 du Code monétaire et financier] n'impose pas à une banque de proposer à son client d'investir les fonds conservés sur l'un de ses comptes". Aucune faute de la banque en rapport avec le préjudice allégué n'étant établie, la Cour de cassation ne peut que rejeter le moyen. L'article L. 533-4 ne semblait effectivement pas pouvoir s'appliquer de façon à faire prospérer la demande. L'espèce est très particulière puisque la faute invoquée (avoir délivrée une information erronée) n'est pas prouvée. Partant de là, la faute étant écartée, le défaut d'information ne posant plus question, la demande d'appliquer l'article L. 533-4 tend alors à faire juger que le prestataire de services d'investissement aurait dû inviter le client à ne pas laisser ses espèces sans emploi. Or cela pose un problème. Cela revient à dire que le professionnel doit conseiller le client pour déterminer les titres financiers qu'il doit acheter, conserver ou vendre. Cette obligation-là est contraire aux règles du PEA qui, fondamentalement, est un compte de dépôt de titres (ce que la troisième branche du pourvoi semble dénier à tort en invoquant des "règles propres au fonctionnement du PEA" -v. n° 7, in limine- ; le PEA a certes des règles propres mais, sauf disposition contraire expresse, les principes de fonctionnement du compte de titres s'y appliquent). En soi seul, le PEA appelle donc la gestion de son titulaire et non du professionnel teneur de compte, lequel n'a ni à conseiller des acquisitions ou ventes de titres, ni et encore moins à les diligenter lui-même sans ordre du client, la Cour de cassation l'a encore jugé il y a quelques semaines (8).

10. La réponse de la Cour de cassation appelle un approfondissement. Pour qu'il en soit autrement, et que le professionnel ait une mission de gestion du compte de titres, il faut que des conventions spéciales soient passées. Ce peut-être une convention de gestion assistée que la jurisprudence n'a pas eu l'occasion d'examiner, ou sinon une convention de gestion de portefeuille qui, elle, est à la fois bien réglementée et cadrée en jurisprudence. Mais, pour cette dernière convention, qui peut s'appliquer à un PEA (9), ou à un ensemble de comptes de titres, le mandat de gestion doit nécessairement être confié à une société de gestion de portefeuille, non à une banque. Aussi peut-on ajouter que l'arrêt, qui se justifie sur le terrain contractuel, trouve un confort institutionnel puisqu'une banque ne peut pas pratiquer la gestion, ce à quoi poussait à reconnaître en filigrane le pourvoi.

Le plaideur intéressé par une telle situation devra en tirer la conséquence utile : il devra plaider l'existence d'une obligation tirée d'une convention de gestion assistée ; le client, lui, demandera à signer une telle convention de gestion assistée pour s'assurer que le professionnel le conseille.


(1) Principe légal que tout investisseur doit connaître sans obligation spéciale de la banque : Cass. com., 26 mai 2009, n° 08-15.115, F-D (N° Lexbase : A3881EH9), nos obs., LPA, 25-26 août 2009, n° 169-170, entretien réalisé par A. Pando.
(2) On retient cette formulation bien que la demande ait été ensuite soutenue avec l'épouse.
(3) Compte qui est parfois mal cerné par les professionnels eux-mêmes : une clause d'unité de compte stipulée ne peut pas jouer entre un compte de titres et un compte de dépôt d'espèces -ton péremptoire comme inspiré par l'évidence- ; l'opération est refusée au motif que les articles de comptes en cause sont de nature différentes et ne sont pas fongibles (Cass. com., 16 décembre 2014, n° 13-17.046, F-P+B (N° Lexbase : A2986M84), nos obs. in Panorama de droit bancaire et financier - Première partie (institutions, institutions de régulation et monnaies ; comptes, paiements et instruments de paiement) (n° 8) Lexbase Hebdo n° 407 du 8 janvier 2015 - édition affaires (N° Lexbase : N5318BUI).
(4) Il a alors la forme d'un contrat de capitalisation (C. mon. fin., art. L. 221-30, al. 4 N° Lexbase : L1415IZG), même si sa première qualification est d'être un PEA ; l'analyse doit alors être adaptée pour faire respecter les règles relatives aux services d'investissements que les entreprises d'assurance peuvent rendre à raison d'une habilitation législative.
(5) Elle était indirectement soutenue par la troisième branche du moyen invoquant un défaut de base légale tiré de la position de la cour d'appel sur la qualité du client, qui avait exercé une activité d'expert-comptable et de commissaire aux comptes et sur son âge avancé au moment des faits.
(6) Voyez par exemple une décision assez récente qui rappelle cette obligation en s'inspirant des termes de la jurisprudence dite "Buon" (Cass. com., 5 novembre 1991, n° 89-18.005, publié N° Lexbase : A3967ABK, Bull. civ. IV, n° 327) : Cass. com., 13 juillet 2010, n° 09-69.638, F-D (N° Lexbase : A6891E4Y) : le PSI "est tenu, dès l'origine des relations contractuelles et quelle que soit la nature de celles-ci, de mettre en garde son client contre les risques encourus dans les opérations spéculatives sur les marchés à terme, hors le cas où ce dernier en a connaissance" (avec dans cet attendu une reprise, qui n'est pas selon nous idéale, de l'idée ancienne de "marché à terme").
(7) Mise en garde dont la forme est parfois particulière, ainsi de celle constituée par l'information alertant d'un ordre atypique (achat de 13 000 droits préférentiels de souscription) que le client confirme : Cass. com., 13 septembre 2011, n° 10-19.907, F-D (N° Lexbase : A7510HXG).
(8) Le compte ne doit être "mouvementer" que sur l'ordre de son titulaire : obligation de restitution du banquier et régularité des ordres sur un compte bancaire et sur un compte de titres, cf. commentaire de Cass. com., 10 mars 2015, n° 14-11.046, F-D ([LXB=A3237NDA), nos obs., Obligation de restitution du banquier et régularité des ordres sur un compte bancaire et sur un compte de titres, Lexbase Hebdo n° 421 du 23 avril 2015 - édition affaires (N° Lexbase : N7027BUS).
(9) Cass. com., 3 mai 2011, n° 10-14.865, F-D (N° Lexbase : A2525HQL) : rejet d'une demande de réparation au motif que les investisseurs avaient connu et accepté les risques d'un PEA ; la cassation intervient pour violation de la charge de la preuve et de l'article 58 (loi n° 96-597 du 2 juillet 1996 N° Lexbase : L5893A4Z, ancien article L. 533-4 du Code monétaire et financier N° Lexbase : L9379DYZ) et 1147 du Code civil (N° Lexbase : L1248ABT) et d'un règlement de la COB : à la souscription du mandat, le professionnel n'avait pas évalué la compétence des investisseurs pour les opérations spéculatives ni fourni une information adaptée (adde Cass. com., 16 décembre 2008, n° 07-21.663, F-D N° Lexbase : A9115EB9, première cassation de ce dossier). En marge de la question, on note l'application entre les parties d'un règlement COB, ce qui rappelle que le règlement général de l'AMF peut être invoqué par les parties et leur être appliqué.

newsid:447525

Droit financier

[Brèves] Manquement d'initié et règle ne bis in idem : application des dispositions d'entrée en vigueur de la déclaration d'inconstitutionnalité

Réf. : Cass. crim., 20 mai 2015, n° 13-83.489, F-P (N° Lexbase : A5483NIW)

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N7586BUI

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Le 03 Juin 2015

En application de la décision du Conseil constitutionnel du 18 mars 2015 (Cons. const., décision n° 2014-453/454 QPC et 2015-462 QPC, du 18 mars 2015 N° Lexbase : A7983NDZ ; lire N° Lexbase : N7001BUT), l'arrêt d'appel qui a condamné un prévenu, sur le fondement de l'article L. 465-1 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L5192IXL), pour des faits identiques à ceux pour lesquels la commission des sanctions de l'AMF avait antérieurement statué à son encontre de manière définitive sur le fondement de l'article L. 621-15 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L5045IZU), doit être annulé. Tel est le sens d'un arrêt rendu le 20 mai 2015 par la Chambre criminelle de la Cour de cassation (Cass. crim., 20 mai 2015, n° 13-83.489, F-P N° Lexbase : A5483NIW). En l'espèce, par décision du 23 octobre 2008, la commission des sanctions de l'AMF a retenu qu'une personne avait commis des manquements d'initié en achetant, en janvier, février et mars 2005, des titres de la société dont il était le président-directeur général alors qu'il détenait des informations privilégiées sur le chiffre d'affaires et le résultat d'exploitation de cette société, et a prononcé à son encontre une sanction pécuniaire de 450 000 euros sur le fondement de l'article L. 621-15 précité, dans sa rédaction en vigueur à l'époque des faits. Par arrêt du 20 octobre 2009, devenu définitif, la cour d'appel de Paris a confirmé cette décision. L'intéressé a été cité directement le 15 janvier 2010 devant le tribunal correctionnel, sur le fondement de l'article L. 465-1 du Code monétaire et financier, pour les mêmes faits, qualifiés de délit d'initié. Le 22 avril 2013, une cour d'appel l'a déclaré coupable de ces faits et l'a condamné à une amende de 450 000 euros, imputable sur la sanction pécuniaire prononcée par la commission des sanctions de l'AMF, faisant ainsi application du principe de proportionnalité. La Cour de cassation, énonçant la solution précitée, censure l'arrêt d'appel. Elle rappelle, en effet, que, par décision du 18 mars 2015, publiée le 20 mars 2015, ont été déclarés contraires à la Constitution, notamment, l'article L. 465-1 du Code monétaire et financier et, aux c) et d) du paragraphe II de l'article L. 621-15 du même code, les mots "s'est livrée ou a tenté de se livrer à une opération d'initié". Le Conseil constitutionnel a reporté au 1er septembre 2016 la date de l'abrogation des textes précités, mais a prévu qu'à compter de la publication de sa décision, des poursuites ne pourront, pour les mêmes faits, quelle qu'en soit la date, et à l'égard de la même personne, être engagées ou continuées sur le fondement de ces textes dès lors que des premières poursuites auront été engagées devant la commission des sanctions de l'AMF ou le juge judiciaire ou qu'une décision aura déjà été rendue par l'un ou l'autre. Or, tel est bien le cas en l'espèce.

newsid:447586

Droit disciplinaire

[Brèves] Salarié tenu, d'après la règlementation interne de la société, de s'expliquer seul et immédiatement par écrit aux questions posées sur son attitude : caractérisation d'une mesure disciplinaire

Réf. : Cass. soc., 19 mai 2015, n° 13-26.916, FS-P+B (N° Lexbase : A5454NIT)

Lecture: 2 min

N7602BU4

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Le 02 Juin 2015

Présente un caractère disciplinaire la procédure de demande d'explications écrites en vigueur au sein de La Poste, mise en oeuvre à la suite de faits considérés comme fautifs, dès lors que le salarié devait répondre seul et immédiatement aux questions qui lui sont posées, que tout refus de s'exécuter intervenant après une mise en demeure constituait un grief supplémentaire et pouvait à lui seul justifier une sanction, et que le procès-verbal consignant les demandes formulées par l'employeur et les réponses écrites du salarié était conservé dans le dossier individuel de celui-ci. Telle est la solution dégagée par la Chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 19 mai 2015 (Cass. soc., 19 mai 2015, n° 13-26.916, FS-P+B N° Lexbase : A5454NIT).
En l'espèce, par contrat à durée indéterminée du 23 avril 1998 M. X a été engagé par La Poste. A compter du 1er octobre 2005, il occupait le poste d'opérateur colis. Le 6 mars 2008, l'employeur a convoqué l'intéressé pour un entretien préalable et le 18 mars 2008, le salarié a comparu devant la commission consultative paritaire et a été rendu destinataire le 20 mars 2008, en application de l'article 211 du texte de réglementation interne PX 10, d'une demande d'explications sur son attitude. Un licenciement pour faute grave lui a été notifié mais, contestant cette mesure et soutenant avoir accompli des heures supplémentaires, le salarié a saisi la juridiction prud'homale.
Pour dire que le licenciement procède d'une faute grave, la cour d'appel (CA Aix-en-Provence, 7 décembre 2012, n° 10/20465 N° Lexbase : A5396IYI) retient, par motifs adoptés, qu'il est exact que le salarié a fait l'objet de nombreuses demandes d'explication, qui sont des mesures d'instruction des affaires disciplinaires exposées à l'article 211 du texte de réglementation interne. Il apparaît, en conséquence, que le document, établi à la suite de la demande, qui ne constitue qu'une mesure d'instruction, et qui comporte essentiellement la réponse du salarié à une question qui lui est posée, ne peut s'analyser en une sanction au sens de l'article L. 1331-1 du Code du travail (N° Lexbase : L1858H9P), aucune mesure n'étant prise de nature à affecter le contrat de travail du salarié qui peut seulement voir la procédure disciplinaire se poursuivre à la demande de sa hiérarchie. A la suite de cet arrêt, le salarié s'est pourvu en cassation.
En énonçant la règle susvisée la Haute juridiction casse l'arrêt d'appel sur ce point au visa des articles L. 1331-1 du Code travail et 211 du texte de réglementation interne PX 10 au sein de La Poste (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E2772ETT).

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Droit social européen

[Jurisprudence] Seuil de déclenchement du PSE : la CJUE reconnaît l'établissement comme cadre d'appréciation

Réf. : CJUE, 13 mai 2015, aff. C-392/13 (N° Lexbase : A8927NH4) et CJUE, 30 avril 2015, aff. C-80/14 (N° Lexbase : A3396NHA)

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N7573BUZ

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par Christophe Willmann, Professeur à l'Université de Rouen et Directeur scientifique de l'Encyclopédie "Droit de la protection sociale"

Le 28 Mai 2015

En droit européen, l'obligation faite à l'employeur d'éviter les licenciements économiques collectifs par des mesures alternatives a été reconnue assez tôt, en 1975 (Directive 75/129/CEE du Conseil du 17 février 1975 N° Lexbase : L8301HNR), complétée en 1992 (Directive 92/56/CEE du Conseil du 24 juin 1992 N° Lexbase : L3818HP4), abrogée et remplacée par la Directive 98/59/CE du Conseil du 20 juillet 1998 (N° Lexbase : L9997AUS). Ce corpus a été complété par la Résolution du Parlement européen du 15 janvier 2013 (1) portant sur l'information et la consultation des travailleurs, l'anticipation et la gestion des restructurations. Le droit européen se montre, au final, assez exigent, ce qui peut expliquer les stratégies de contournement que certains employeurs seraient tentés de mettre en place. Parmi celles-ci figure un mode (connu et assez ancien) de décompte des effectifs. Ce point est capital, car du décompte des effectifs visés par la procédure de licenciement dépend son caractère collectif, et donc, la mise en place (ou non) d'une procédure de licenciement économique collectif associé à la mise en place d'un plan de sauvegarde de l'emploi. Cette thématique du seuil de déclenchement (2) a donné lieu à deux arrêts tout à fait intéressants de la CJUE (CJUE, 13 mai 2015, aff. C-392/13 ; CJUE, 30 avril 2015, aff. C-80/14 (3)), qui n'a pas souvent eu l'occasion de se prononcer sur ce sujet précisément. La CJUE (aff. C-392/13) confirme une solution fixée par la Directive elle-même : il n'y a pas lieu de tenir compte des cessations individuelles de contrats de travail conclus pour une durée ou une tâche déterminée, dans le cas où ces cessations interviennent à la date d'échéance du contrat ou à la date à laquelle cette tâche a été accomplie (cons. 67). La Directive 98/59/CE (art. 1er § 2-a) ne porte pas à confusion, en ce que l'obligation de mettre en place un PSE ne s'applique pas aux licenciements collectifs effectués dans le cadre de contrats de travail conclus pour une durée ou une tâche déterminée, sauf si ces licenciements interviennent avant le terme ou l'accomplissement de ces contrats. Cette exclusion du champ d'application de la Directive 98/59/CE des cessations individuelles de contrats conclus pour une durée ou une tâche déterminée ressort clairement du texte et de l'économie de cette directive : la messe est dite. Ensuite, ce qu'il convient de retenir de cette décision (aff. C-392/13) est beaucoup plus intéressant. La CJUE décide en effet que les législations nationales ne peuvent retenir, comme seule unité de référence, l'entreprise et non l'établissement, lorsque l'application de ce critère a pour conséquence de faire obstacle à la procédure d'information et de consultation, alors que, si l'établissement était utilisé comme unité de référence, les licenciements concernés devraient être qualifiés de "licenciements collectifs".

Mais dans sa décision rendue le 30 avril 2015 (aff. C-80/14), la CJUE estime, au contraire, que les employeurs fonctionnant avec un réseau d'établissements de moins de vingt salariés ne sont pas tenus par la mise en place d'une procédure de licenciement économique collectif (avec PSE).

Cette lecture de la Directive 98/59/CE du 20 juillet 1998 (art. 1 § 1 al. 1-a) doit être mise en perspective avec les solutions en vigueur, jusqu'à présent, en droit interne.

Résumé

CJUE, 13 mai 2015, aff. C-392/13

Méconnaît l'article 1er § 1 de la Directive 98/59/CE une réglementation nationale qui introduit, comme seule unité de référence, l'entreprise et non l'établissement, lorsque l'application de ce critère a pour conséquence de faire obstacle à la procédure d'information et de consultation alors que, si l'établissement était utilisé comme unité de référence, les licenciements concernés devraient être qualifiés de "licenciements collectifs".

Aux fins de constater que des "licenciements collectifs" ont été effectués, il n'y a pas lieu de tenir compte des cessations individuelles de contrats de travail conclus pour une durée ou une tâche déterminée, dans le cas où ces cessations interviennent à la date d'échéance du contrat ou à la date à laquelle cette tâche a été accomplie.

CJUE, 30 avril 2015, aff. C-80/14

L'article 1er § 1, 1er al. sous a), ii), de la Directive 98/59/CE doit être interprété en ce sens qu'il ne s'oppose pas à une réglementation nationale qui prévoit une obligation d'information et de consultation des travailleurs en cas de licenciement, au cours d'une période de 90 jours, d'au moins vingt travailleurs d'un établissement particulier d'une entreprise, et non lorsque le nombre cumulé de licenciements dans tous les établissements ou dans certains établissements d'une entreprise pendant la même période atteint ou dépasse le seuil de vingt travailleurs.

Commentaire

I - Droit européen

La Directive 75/129/CEE du Conseil du 17 février 1975 fixe trois modes de définition du seuil : soit au moins dix licenciements dans les entreprises ayant vingt à cent salariés, soit licenciement d'au moins 10 % du nombre de travailleurs dans les entreprises de 100 à 299 salariés, soit, enfin, licenciement d'au moins trente salariés pour les entreprises de 300 salariés et plus. De même, la convention OIT n° 158 sur le licenciement de 1982 (N° Lexbase : L4795I3Y) a retenu un principe de seuil des effectifs visés par le licenciement, à partir duquel le PSE doit être mis en oeuvre par l'employeur (Conv. OIT n° 158 de 1982, art. 13-2). Mais le droit français ne s'est pas inspiré de ces normes de droit international, car la mise en place du plan de sauvegarde de l'emploi n'est rendue obligatoire qu'à partir de dix licenciements pour les entreprises d'au moins cinquante salariés (C. trav., art. L. 1233-61 N° Lexbase : L6215ISY).

En l'espèce (arrêt rapporté, aff. C-392/13), la société Y détenait deux établissements à Madrid et à Barcelone, lesquels employaient respectivement 164 et vingt personnes. Entre octobre et novembre 2012, cinq CDD sont arrivés à échéance (trois au sein de l'établissement de Madrid et deux au sein de celui de Barcelone). Moins de 90 jours plus tard, treize autres salariés de l'établissement de Barcelone (dont M. X) ont été licenciés pour des raisons économiques. M. X a contesté son licenciement au motif que la société Y aurait, de manière frauduleuse, éludé l'application de la procédure relative aux licenciements collectifs qui, en vertu de la Directive 98/59/CE du 20 juillet 1998, revêtirait un caractère obligatoire.

A - Notion d'"établissement"

- Cadre d'appréciation

La notion d'"établissement", qui n'est pas définie par la Directive 98/59/CE, constitue une notion du droit de l'Union et ne peut se définir par référence aux législations des Etats membres (4). Elle doit, à ce titre, recevoir une interprétation autonome et uniforme dans l'ordre juridique de l'Union (5).

- Définition par la CJCE/CJUE

La Cour a déjà interprété la notion d'"établissement" (art. 1er, § 1, al. 1er-a de la Directive 98/59/CE) dans deux décisions :

- dans son arrêt "Rockfon" du 7 décembre 1995 (CJCE, 7 décembre 1995, aff. C-449/93, point 31 N° Lexbase : A0067AWE) (6), la CJCE a montré que la relation de travail est caractérisée par le lien qui existe entre le travailleur et la partie de l'entreprise à laquelle il est affecté pour exercer sa tâche. Plus précisément, la notion d'"établissement" désigne, selon les circonstances, l'unité à laquelle les travailleurs concernés par le licenciement sont affectés pour exercer leur tâche. Le fait que l'unité en cause dispose d'une direction pouvant effectuer de manière indépendante des licenciements collectifs n'est pas essentiel à la définition de la notion d'"établissement" ;

- dans l'arrêt "Athinaïki Chartopoiïa" du 15 février 2007 (CJCE, 15 février 2007, aff. C-270/05, point 27, N° Lexbase : A1866DUN) (7), la CJUE a complété sa jurisprudence : aux fins de l'application de la Directive 98/59/CE, peut notamment constituer un "établissement", dans le cadre d'une entreprise, une entité distincte, présentant une certaine permanence et stabilité, qui est affectée à l'exécution d'une ou de plusieurs tâches déterminées et qui dispose d'un ensemble de travailleurs ainsi que de moyens techniques et d'une certaine structure organisationnelle permettant l'accomplissement de ces tâches.

Bref, les notions d'"entreprise" et d'"établissement" sont différentes ; l'établissement constitue normalement une partie d'une entreprise. Cela n'exclut cependant pas que, dans le cas où l'entreprise ne dispose pas de plusieurs unités distinctes, l'établissement et l'entreprise puissent coïncider.

B - Cadre d'appréciation du nombre de licenciements projetés

- Critère de l'autonomie juridique quelconque ni d'une autonomie économique, financière, administrative ou technologique

La CJUE (arrêt "Athinaïki Chartopoiïa", C-270/05, point 28, préc.) (8) a reconnu, à partir de la Directive 98/59/CE visant les effets socio-économiques que des licenciements collectifs seraient susceptibles de provoquer dans un contexte local et un environnement social déterminés, que l'entité en cause ne doit pas nécessairement être dotée d'une autonomie juridique quelconque ni d'une autonomie économique, financière, administrative ou technologique pour pouvoir être qualifiée d'"établissement".

- Décompte des licenciements dans chaque établissement, et non au niveau global de l'entreprise

Lorsqu'une "entreprise" comprend plusieurs entités, c'est l'entité à laquelle les travailleurs concernés par le licenciement sont affectés pour exercer leur tâche qui constitue l'"établissement" (au sens de l'art. 1er, § 1, al. 1, sous a) de la directive 98/59/CE) : aussi, la CJUE en tire la conséquence qu'il y a lieu de prendre en considération le nombre de licenciements effectués séparément de ceux intervenus dans les autres établissements de cette même entreprise (voir, en ce sens, arrêt "Lyttle e.a.", CJUE, 13 mai 2015, aff. C-182/13, point 33 N° Lexbase : A8926NH3 ; CJUE, 30 avril 2015, aff. C-80/14, point 52 ; arrêt rapporté, aff. C-392/13, point 49 (9)).

Au final (aff. C-392/13), l'établissement de Barcelone répond aux critères énoncés par la jurisprudence (préc.) relative à la notion d'"établissement" (figurant à l'art. 1er § 1, al. 1er-a de la Directive 98/59/CE). La législation espagnole méconnaît la Directive 98/59/CE (art. 1er, § 1) dans la mesure où elle introduit, comme seule unité de référence, l'entreprise et non l'établissement, lorsque l'application de ce critère a pour conséquence de faire obstacle à la procédure d'information et de consultation, alors que, si l'établissement était utilisé comme unité de référence, les licenciements concernés devraient être qualifiés de "licenciements collectifs".

- Décompte des licenciements dans l'entreprise, et non chaque établissement

A priori, la CJUE (aff. C-80/14, point 61) considère donc qu'il y a lieu de prendre en compte les licenciements effectués dans chaque établissement, considéré séparément ; l'interprétation selon laquelle cette disposition exigerait de prendre en compte le nombre total des licenciements opérés dans tous les établissements d'une entreprise augmenterait significativement le nombre de travailleurs pouvant bénéficier de la protection de la Directive 98/59/CE, ce qui correspondrait à l'un des objectifs de celle-ci. Mais la CJUE reconnaît (aff. préc., point 63) que cette analyse entraînerait des charges très différentes pour les entreprises devant remplir les obligations d'information et de consultation selon le choix de l'Etat membre concerné, ce qui irait également à l'encontre de l'objectif poursuivi par le législateur de l'Union qui est de rendre le poids de ces charges comparable dans tous les Etats membres.

Enfin, ce mode de décompte du seuil de déclenchement intégrerait non seulement un groupe de travailleurs concernés par un licenciement collectif, mais également un seul travailleur d'un établissement (par exemple, un établissement se trouvant dans une agglomération séparée et éloignée des autres établissements de la même entreprise), ce qui serait contraire à la notion de licenciement collectif, au sens usuel de cette expression (aff. C-80/14, point 64).

Aussi, pour la CJUE (points 70 et 71), les licenciements ayant été effectués au sein de deux groupes de la grande distribution exerçant leur activité à partir de magasins situés dans différentes localités sur tout le territoire national, employant dans la plupart des cas moins de vingt salariés, les "employment tribunals" ont considéré les magasins, auxquels les salariés touchés par ces licenciements étaient affectés, comme des "établissements" distincts. La législation britannique pouvait donc prévoir une obligation d'information et de consultation des travailleurs en cas de licenciement, au cours d'une période de 90 jours, d'au moins vingt travailleurs d'un établissement particulier d'une entreprise, et non lorsque le nombre cumulé de licenciements dans tous les établissements ou dans certains établissements d'une entreprise pendant la même période atteint ou dépasse le seuil de vingt travailleurs. En d'autres termes, les salariés d'un établissement de moins de vingt salariés échappent ainsi au droit d'information et de consultation accordée par la directive.

La différence de solution, entre les deux affaires, pourrait peut-être s'expliquer par l'existence de deux seuils de déclenchement prévue par la Directive 98/59/CE :

- l'affaire C-392/13 vise le premier seuil de déclenchement, au sens de l'article 1er de la Directive 98/59/CE (art. 1 a) i), licenciement, dans une période de trente jours, au moins égal à dix dans les établissements employant plus de vingt et moins de cent travailleurs ; au moins égal à 10 % du nombre des travailleurs dans les établissements employant entre 100 et moins de 300 travailleurs ; au moins égal à trente dans les établissements employant au moins 300 travailleurs) ;

- alors que l'affaire C-80/14 vise le second seuil de déclenchement, au sens de l'article 1er de la Directive 98/59/CE (art. 1 a) ii) c'est-à-dire, les licenciements prononcés pour une période de quatre-vingt-dix jours, au moins égal à vingt, quel que soit le nombre des travailleurs habituellement employés dans les établissements concernés.

II - Droit interne et comparé

La loi de sécurisation de l'emploi du 14 juin 2013 (N° Lexbase : L0394IXU) a profondément modifié le régime juridique des grands licenciements économiques (au moins dix licenciements dans une entreprise de cinquante salariés dans une même période de trente jours) donnant lieu à mise en place d'un PSE : possibilité de signer un accord majoritaire ; à défaut, rédaction d'un document unilatéral (le PSE lui-même) ; rôle accru de l'administration du travail (par la procédure de l'homologation) ; l'ensemble sous le contrôle du juge administratif, devenu le juge de droit commun.

A ce jour, un certain nombre de décisions ont été rendues (10), mais elles ne portent pas sur la question précise du seuil de déclenchement. De manière générale, il est rappelé que la DIRECCTE doit vérifier le nombre réel de licenciements projetés (TA Paris, 30 décembre 2014, n° 1421402) (11) : la solution est d'un intérêt assez limité, s'agissant de la question précise du seuil de déclenchement.

A - Entreprise, établissements

1 - Jurisprudence

La Cour de cassation, le 26 février 2013, retient une solution pragmatique selon laquelle l'entreprise doit être le cadre d'appréciation du seuil de déclenchement du PSE, et non le groupe (12).

Une autre décision rendue par la Cour de cassation le 7 mai 2003 (13), s'articule parfaitement avec la décision (préc.) rendue le 26 février 2003 : lorsqu'une entreprise est constituée de plusieurs établissements distincts, le critère du nombre de salariés licenciés dans une même période de trente jours ne doit pas s'appliquer distinctement à chaque établissement, mais au niveau de l'entreprise, en raison de la restructuration générale de ses activités et de ses services.

Mais les membres d'un GIE, constituant une unité économique et sociale, ne doivent pas être nécessairement considérés comme formant une seule entreprise. Pour la vérification des conditions déterminant l'établissement d'un PSE, les juges du fond (14) doivent rechercher si l'ensemble des personnes morales qui composent ce groupement avaient la qualité d'employeur.

Enfin, lorsque le projet de restructuration vise des licenciements prononcés dans l'une des sociétés composant l'UES et des ruptures conventionnelles qui ont été conclues dans d'autres, la Cour de cassation, en 2011 (15) a admis que lorsqu'elles ont une cause économique et s'inscrivent dans un processus de réduction des effectifs dont elles constituent la ou l'une des modalités, les ruptures conventionnelles doivent être prises en compte pour déterminer la procédure d'information et de consultation des représentants du personnel applicable, ainsi que les obligations de l'employeur en matière de PSE.

2 - Doctrine administrative

Selon la doctrine administrative (16), le décompte des salariés concernés se fait selon le critère du pouvoir du chef d'établissement :

- si un établissement disposant d'une grande autonomie projette de réaliser des licenciements pour des motifs économiques propres à son établissement, n'excédant pas les pouvoirs du chef d'établissement, le nombre de licenciements à prendre en compte est celui mis en oeuvre dans cet établissement ;

- si des établissements distincts réalisent simultanément des licenciements pour un même motif économique dans le cadre d'un plan de restructuration dont les modalités excèdent les pouvoirs des chefs d'établissement, le nombre de licenciements à prendre en compte est celui mis en oeuvre au niveau global de l'entreprise ;

- si un licenciement collectif pour un même motif est envisagé au niveau général de l'entreprise et affecte des entités ou des structures différentes de l'entreprise, le nombre de licenciements à prendre en compte est celui mis en oeuvre au niveau de l'entreprise.

B - Groupe

La détermination du cadre d'appréciation des licenciements économiques collectifs, susceptibles de déclencher la mise en place d'un PSE, présente des difficultés particulières lorsque l'entreprise est un groupe, constitué de filiales situées en France et hors du territoire national.

La Cour de cassation s'est prononcée sur ce point en 2008 (17). En vertu du principe de la territorialité de la loi française, seuls les salariés rattachés à l'activité de l'employeur en France bénéficient des lois françaises en droit du travail, en sorte que l'effectif à prendre en compte pour déterminer si un PSE devait être mis en place est constitué par les seuls salariés relevant des établissements de la société situés en France. Il ne peut donc pas être reproché à une succursale française d'une société de droit italien le licenciement des vingt-huit salariés non accompagné de la mise en place d'un PSE, car on ne peut pas prendre en compte, pour l'établissement de ce plan, la globalité de l'entreprise et l'ensemble de la communauté des salariés en dépendant, que ce soit en France ou à l'étranger et non les seules activités exercées sur le territoire français et les salariés affectés à celle-ci.


(1) Résolution du Parlement européen du 15 janvier 2013 ; LSE, n° 321, du 24 janvier 2013 ; La Commission sous pression pour lancer une consultation sur les restructurations, LSE, n° 316, du 29 novembre 2012 ; Le Parlement pourrait pousser à l'adoption d'une directive sur les restructurations, LSE, n° 311, du 20 septembre 2012 ; nos obs., Restructurations : après l'ANI du 11 janv. 2013, la Résolution du Parlement européen du 15 janvier 2013, Lexbase Hebdo n° 516 du 14 février 2013 - édition sociale (N° Lexbase : N5743BTU).
(2) Cf. l’Ouvrage "Droit du travail" (N° Lexbase : E9520ESE).
(3) LSE, n° 377, du 14 mai 2015.
(4) Voir, en ce sens, arrêt "Rockfon", C-449/93, point 25 ; CJUE, 30 avril 2015, aff. C-80/14, USDAW et Wilson, point 45, préc.,.
(5) Voir, en ce sens, arrêt "Athinaïki Chartopoiïa", C-270/05, point 23 : la notion d'"établissement", qui n'est pas définie dans cette directive, constitue une notion de droit communautaire et ne peut se définir par référence aux législations des Etats membres (arrêt "Rockfon", C-449/93, Rec. p. 4291, points 23 et 25). Elle doit donc recevoir une interprétation autonome et uniforme dans l'ordre juridique communautaire. Dans le même sens, CJUE 30 avril 2015, aff. C-80/14, préc., point 45.
(6) CJCE, 7 décembre 1995, C-449/93, Rec. p. 4291 ; D. Simon, Europe, 1996, février, Comm. n° 66, p. 12-13 ; Europe, 1996, février Comm. n° 74 p. 17-18. Dans le même sens, CJUE, 30 avril 2015, aff. C-80/14, préc., point 47.
(7) CJUE, 15 février 2007, C-270/05, H. Tissandier, L'actualité de la jurisprudence communautaire et internationale, RJS, 2007, p. 518-520 ; L. Idot, Licenciements collectifs et notion d'établissement, Europe, 2007, Avril, Comm. n° 115 p. 28 ; J. Cavallini, Une unité de production sans autonomie financière ni comptable peut constituer un établissement au sens de la Directive n° 98/59, JCP éd. S, 2007, n° 1268, p.19-20. Dans le même sens, CJUE, 30 avril 2015, aff. C-80/14, préc., point 49.
(8) Dans le même sens, CJUE 30 avril 2015, aff. C-80/14, préc., point 51.
(9) Arrêt rapporté, point 49 : au moment du licenciement en cause au principal, la société X exerçait une activité commerciale consistant à fournir des services de courrier hybride dans deux établissements, sis à Madrid et à Barcelone. Si ces deux établissements disposaient d'un seul responsable de production, d'une comptabilité et d'une gestion budgétaire communes et exerçaient des fonctions essentiellement identiques, à savoir l'impression, le traitement et la mise sous pli du courrier, l'établissement de Barcelone disposait cependant d'un chef d'établissement, mis à la disposition de celui-ci par l'établissement de Madrid et chargé de la coordination des tâches sur place. L'établissement de Barcelone avait été ouvert aux fins d'augmenter la capacité de la société X à traiter le courrier de ses clients et, notamment, en vue du traitement des commandes des clients locaux de l'entreprise.
(10) Nos obs., Homologation du PSE : les premiers contentieux depuis la loi de sécurisation de l'emploi, Lexbase Hebdo n° 569 du 8 mai 2014 - édition sociale (N° Lexbase : N2116BUW) ; Le contentieux administratif des PSE, période juin-novembre 2014 : des demandes variées, des solutions attendues, Lexbase Hebdo n° 592 du 27 novembre 2014 - édition sociale (N° Lexbase : N4800BUC).
(11) Nos obs., Homologation du PSE : la Direccte doit vérifier le nombre réel de licenciements projetés (TA Paris, 30 décembre 2014, n° 1421402), Lexbase Hebdo n° 599 du 29 janvier 2015 - édition sociale (N° Lexbase : N5703BUR).
(12) Cass. soc., 26 février 2003, n° 01-41.030, publié (N° Lexbase : A2923A7E), Bull. civ. V, n° 70, D., 2003, IR, 738 ; Cass. soc., 30 juin 2004, n° 02-42.672, publié (N° Lexbase : A9017DCX), RJS, 10/2004, n° 1015.
(13) Cass. soc., 7 mai 2003, n° 01-42.379, inédit (N° Lexbase : A7958BSK), RJS, 7/2003, n° 862 ; nos obs., Le seuil de déclenchement du plan de sauvegarde de l'emploi : un régime complexe, à la croisée de la loi et de la jurisprudence, Lexbase Hebdo n° 72 du 22 mai 2003 - édition sociale (N° Lexbase : N7372AAB).
(14) Cass. soc., 28 janvier 2009, n° 07-45.481, FS-P+B (N° Lexbase : A9600ECK), Bull. civ. V, n° 26, Dr. soc., 2009, p. 498, obs. J. Savatier, JCP éd. S, 2009, 1176, obs. F. Dumont.
(15) Cass. soc., 9 mars 2011, n° 10-11.581 (N° Lexbase : A3242G79), Bull. civ. V, n° 70 ; SSL, n° 1484, obs. J. Pélissier ; SSL, n° 1504, p. 6.
(16) Circ. DGEFP-DRT-DSS n° 2002-1 du 5 mai 2002 (N° Lexbase : L6282A4G) ; BOTEFP, n° 2002-11 du 20 juin 2002.
(17) Cass. soc., 23 septembre 2008, n° 07-42.862, F-P (N° Lexbase : A5032EAM), Bull. civ. V, n° 171, JCP éd. S, 2008, 1564, obs. J. Grangé et B. Allix ; Entretien avec P. Després, SSL, n° 1383, supplément du 19 janvier 2009.

Décision

CJUE, 13 mai 2015, aff. C-392/13 (N° Lexbase : A8927NH4)

CJUE, 30 avril 2015, aff. C-80/14 (N° Lexbase : A3396NHA)

Texte concerné : Directive 98/59/CE du Conseil du 20 juillet 1998, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives aux licenciements collectifs (N° Lexbase : L9997AUS)

Mots-clés : licenciements économiques collectifs ; effectifs de salariés licenciés concernés ; seuil de déclenchement ; calcul ; cadre d'appréciation ; "établissement" ; notion.

Liens base : (N° Lexbase : E9520ESE)

newsid:447573

Energie

[Brèves] Champ d'application de l'obligation d'achat de l'électricité produite à partir des énergies renouvelables

Réf. : CE 9° et 10° s-s-r., 20 mai 2015, n° 380726, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A5584NIN)

Lecture: 1 min

N7590BUN

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Le 29 Mai 2015

Le fait que le dispositif d'obligation d'achat prévu à l'article 10 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000, relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité (N° Lexbase : L4327A3N), ait pour objectif de promouvoir le recours à des énergies respectueuses de l'environnement n'implique pas qu'il doive s'appliquer automatiquement à toute installation utilisant des énergies renouvelables ou à des installations n'utilisant que partiellement ces énergies. Telle est la solution d'un arrêt rendu par le Conseil d'Etat le 20 mai 2015 (CE 9° et 10° s-s-r., 20 mai 2015, n° 380726, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A5584NIN). Le bénéfice de l'obligation d'achat peut être réservé à des installations recourant de manière prépondérante à une source d'énergie renouvelable. Ce principe ne méconnaît pas les objectifs fixés aux alinéas un à quatre de l'article 1er de la loi du 10 février 2000, aujourd'hui repris au deuxième alinéa de l'article L. 121-1 du Code de l'énergie (N° Lexbase : L2273IQA), aux termes duquel le service public de l'électricité "contribue à l'indépendance et à la sécurité d'approvisionnement, à la qualité de l'air et à la lutte contre l'effet de serre, à la gestion optimale et au développement des ressources nationales, à la maîtrise de la demande d'énergie, à la compétitivité de l'activité économique et à la maîtrise des choix technologiques d'avenir, comme à l'utilisation rationnelle de l'énergie".

newsid:447590

Fiscalité internationale

[Brèves] Pas de retenue à la source en France pour des versements de dividendes à un organisme à but non lucratif britannique

Réf. : CE 9° et 10° s-s-r., 22 mai 2015, n° 369819, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A5570NI7)

Lecture: 2 min

N7547BU3

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Le 29 Mai 2015

Un organisme de bienfaisance établi en France, dont la gestion est désintéressée et dont les activités non lucratives restent significativement prépondérantes, est assujetti à l'impôt sur les sociétés à raison des revenus de capitaux mobiliers dont il dispose, et les dividendes de sociétés établies en France perçus par cet organisme ne sont pas imposables. Ainsi, l'application d'une retenue à la source au versement de dividendes de sociétés françaises à des organismes installés dans un autre Etat membre remplissant les mêmes conditions, constitue une restriction à la liberté de circulation de capitaux. Telle est la solution retenue par le Conseil d'Etat dans un arrêt rendu le 22 mai 2015 (CE 9° et 10° s-s-r., 22 mai 2015, n° 369819, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A5570NI7). En l'espèce, une oeuvre de bienfaisance constituée en "charitable trust" de droit britannique, ayant son siège à Londres, a perçu des dividendes de source française qui ont été soumis à une retenue à la source de 25 %. Les juges du fond ont accordé à cette oeuvre la restitution des retenues à la source (CAA Versailles, 16 mai 2013, n° 12VE03005 N° Lexbase : A7463MLY). Le Conseil d'Etat a confirmé cet arrêt en indiquant que le régime d'exonération étant applicable à des associations, fondations et autres organismes à raison du caractère non lucratif de leur activité et non d'une charge d'intérêt général qui pèserait sur les seuls organismes résidents de France, cette restriction à la liberté de circulation des capitaux ne saurait être justifiée, pour ce motif, par l'existence d'une différence de situation objective entre les organismes français et ceux d'un autre Etat membre. Dès lors, et faute que soit établie l'existence d'une raison impérieuse d'intérêt général, cette restriction méconnaît le droit de l'Union en tant qu'elle prive tout organisme installé dans un autre Etat membre de la faculté d'apporter la preuve qu'il pourrait bénéficier, s'il était établi en France, de l'exonération d'impôt sur les sociétés prévue au c du 5 de l'article 206 du CGI (N° Lexbase : L3027I7A) à raison de la perception de dividendes de sociétés françaises. Il appartient alors, à cette fin, à cet organisme d'établir, d'une part, que sa gestion présente un caractère désintéressé et, d'autre part, que les services qu'il rend ne sont pas offerts en concurrence dans la même zone géographique d'attraction avec ceux proposés au même public par des entreprises commerciales exerçant une activité identique. Toutefois, même dans le cas où cet organisme intervient dans un domaine d'activité et dans un secteur géographique où existent des entreprises commerciales, il peut bénéficier de cette exonération s'il exerce son activité dans des conditions différentes de celles des entreprises commerciales. Au cas présent, le caractère désintéressé existe malgré des rémunérations de onze dirigeants excédant le plafond légal .

newsid:447547

Fonction publique

[Brèves] Pensions des agents des collectivités locales : procédure de validation des services effectués en tant qu'agent non titulaire

Réf. : CE 2° et 7° s-s-r., 22 mai 2015, n° 373060, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A5575NIC)

Lecture: 1 min

N7592BUQ

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Le 30 Mai 2015

Dans un arrêt rendu le 22 mai 2015, le Conseil d'Etat apporte des précisions sur la procédure de validation des services effectués en tant qu'agent non titulaire pour le calcul des pensions des agents des collectivités locales (CE 2° et 7° s-s-r., 22 mai 2015, n° 373060, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A5575NIC). Il résulte des dispositions de l'article 8 du décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 (N° Lexbase : L0974G8L), qu'il appartient à la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, saisie par un fonctionnaire relevant de cette caisse, à la suite de sa titularisation, d'une demande de validation, pour la constitution de ses droits à pension, des services effectués en tant qu'agent non titulaire de la fonction publique, de lui soumettre un état des services validables et un décompte des retenues de validation. Si le fonctionnaire dispose pour accepter ou refuser cette proposition, de manière irrévocable, du délai d'une année prévu à l'article 50 du décret précité, il peut également la contester, avant l'expiration de ce délai, soit auprès de la caisse, soit devant le juge administratif. Dans ces deux hypothèses, le délai prévu à l'article 50 est interrompu. Lorsque le fonctionnaire conteste le bien-fondé de la proposition de validation directement auprès de la caisse, cette dernière doit soit confirmer sa première proposition, soit lui faire une nouvelle proposition de validation en pouvant, le cas échéant, remettre en cause les propositions antérieures qu'elle avait pu formuler. Si le fonctionnaire porte sa contestation devant le juge administratif, la caisse peut lui faire, en cours d'instance, une nouvelle proposition de validation en pouvant, le cas échéant, remettre en cause les propositions antérieures qu'elle avait pu formuler. La notification d'une nouvelle proposition se substitue à la précédente notification. La notification confirmant la première proposition ou la notification de l'éventuelle nouvelle proposition font courir à nouveau le délai prévu à l'article 50 (cf. l’Ouvrage "Fonction publique" N° Lexbase : E0542EQ7).

newsid:447592

Impôts locaux

[Brèves] Prise en compte des revenus exonérés d'IR d'un fonctionnaire de l'UE pour la détermination du plafonnement de la cotisation due au titre de la taxe d'habitation en France

Réf. : CJUE, 21 mai 2015, aff. C-349/14 (N° Lexbase : A2384NI7)

Lecture: 2 min

N7548BU4

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Le 02 Juin 2015

Le droit de l'Union ne s'oppose pas à une réglementation nationale (en l'occurrence l'article 1414 A du CGI N° Lexbase : L4050I3E) qui prend en considération les traitements, salaires et émoluments versés par l'UE à ses fonctionnaires pour la détermination du plafonnement de la cotisation due au titre d'une taxe d'habitation perçue au profit des collectivités territoriales, en vue d'un dégrèvement éventuel de celle-ci. Telle est la solution retenue par la CJUE dans un arrêt rendu le 21 mai 2015 (CJUE, 21 mai 2015, aff. C-349/14 N° Lexbase : A2384NI7). En l'espèce, une fonctionnaire de l'UE est propriétaire d'une maison en France avec son partenaire, auquel elle est liée par un PACS. La requérante, considérant qu'en application de l'article 12, second alinéa, du protocole, les rémunérations qu'elle perçoit de l'UE ne sont pas à prendre en compte dans le calcul du revenu fiscal de référence intervenant pour la détermination du plafonnement de la taxe d'habitation établie à raison de la maison qu'elle occupe avec son partenaire, a demandé à l'administration fiscale française le dégrèvement d'office de cette taxe. Cependant, pour la CJUE, qui n'a pas fait droit aux demandes de la requérante, alors même qu'ils sont exonérés d'impôt sur le revenu, les traitements, salaires et émoluments versés par l'UE à ses fonctionnaires peuvent être pris en compte dans le revenu fiscal de référence pour les allégements d'impôts locaux. En effet, le droit de l'Union consacre la nette distinction existant entre les revenus soumis à l'empire des administrations fiscales nationales des Etats membres et les traitements des fonctionnaires de l'UE étant exclusivement soumis, quant à leur imposabilité éventuelle, au droit de l'Union, tandis que les autres revenus des fonctionnaires restent soumis à l'imposition des Etats membres. De plus, pour la Cour, l'imposition de la valeur locative du logement d'un fonctionnaire de l'UE revêt un caractère objectif et ne présente aucun lien juridique avec les traitements, salaires et émoluments versés par celle-ci. Au cas présent, c'est non pas le principe de la soumission d'un fonctionnaire de l'UE à la taxe d'habitation qui fait débat, mais uniquement la prise en compte desdits traitements, salaires et émoluments versés par l'UE lors du calcul du revenu du foyer fiscal pris en considération pour déterminer si le redevable de cette taxe est susceptible de bénéficier d'un plafonnement de la cotisation due au titre de celle-ci. Le mécanisme du dégrèvement partiel de la taxe d'habitation constitue une mesure sociale permettant aux foyers fiscaux à revenu modeste de faire face aux impositions communales. Ainsi, admettre une exclusion des traitements, des salaires et des émoluments versés par l'UE sur le fondement des dispositions de l'article 12 du protocole conduirait à une dénaturation de la mesure sociale instituée .

newsid:447548

Négociation collective

[Brèves] Accord collectif prévoyant la possibilité d'imposer au salarié une période d'adaptation lors d'un changement de classe et de fonction : l'employeur ne peut pas notifier cette période probatoire postérieurement à l'occupation du nouveau poste

Réf. : Cass. soc., 20 mai 2015, n° 13-13.967, FS-P+B (N° Lexbase : A5502NIM)

Lecture: 2 min

N7607BUB

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Le 04 Juin 2015

Dès lors qu'un accord collectif prévoit la possibilité d'imposer au salarié une période d'adaptation lors d'un changement de classe et de fonction, afin de permettre à l'entreprise et au salarié d'avoir le recul suffisant, et qu'il sera pris en compte l'adaptation à la nouvelle fonction et la performance individuelle atteinte, l'employeur ne peut notifier cette période probatoire à une époque nettement postérieure à l'occupation du nouveau poste. Telle est la solution dégagée par la Chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 20 mai 2015 (Cass. soc., 20 mai 2015, n° 13-13.967, FS-P+B N° Lexbase : A5502NIM).
En l'espèce, Mme X a été engagée le 17 février 1992 au poste de support technique central à la direction informatique par la société A, entreprise soumise à un accord collectif de groupe conclu le 28 juin 1999 portant sur la mise en oeuvre et le suivi des classifications, et aux droits de laquelle viennent les sociétés B et C. Elle s'est vu confier la responsabilité de l'entité achats informatiques le 1er décembre 2007. Son poste, initialement inscrit en classe 6, a été réévalué en classe 7 en avril 2008, et le 3 juillet suivant, l'employeur lui a indiqué qu'une période d'adaptation de six mois permettrait de la confirmer ou non dans ce poste. L'employeur lui a proposé, le 16 décembre 2008, une nouvelle période probatoire qu'elle a refusée, puis lui a offert de choisir parmi deux postes de classe 6, ce qu'elle a également refusé. Par lettre du 23 février 2009, la salariée a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l'employeur et a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes.
La cour d'appel (CA Versailles, 15 janvier 2013, n° 11/04318 N° Lexbase : A1398I38) ayant jugé que la prise d'acte de la rupture produisait les effets d'une démission et rejeté la demande de la salariée tendant à voir condamner solidairement les sociétés B et C à lui payer des sommes à titre d'indemnités de rupture et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, cette dernière s'est pourvue en cassation.
En énonçant la règle susvisée, la Haute juridiction casse l'arrêt d'appel sur ce point au visa de l'article 6-2 de l'accord collectif de groupe concerné en date du 28 juin 1999 sur la mise en oeuvre et le suivi des classifications .

newsid:447607

Procédure civile

[Jurisprudence] La concentration des moyens est conforme à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme

Réf. : CEDH, 9 avril 2015, Req. 12686/10 (N° Lexbase : A2538NG4)

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N7514BUT

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par Anne Donnier, Maître de conférences HDR à la Faculté de droit de Rennes 1

Le 28 Mai 2015

C'est une affaire à rebondissements introduite devant les juridictions françaises en 2001 qui vient de connaître un épilogue décevant devant la Cour européenne des droits de l'Homme. Par un arrêt du 9 avril 2015, la Cour de Strasbourg juge que le principe français de concentration des moyens est conforme à l'article 6 § 1 de la CESDH (N° Lexbase : L7558AIR). En l'espèce, la grand-mère du requérant avait accordé à ses anciens salariés le droit d'occuper gratuitement un logement mis à leur disposition leur vie durant. Puis, par l'effet de dévolutions successorales diverses, le requérant devenu à son tour nu-propriétaire, décida de mettre un terme au prêt à usage dont bénéficiaient les anciens salariés afin de pouvoir y loger son propre fils. Cependant, les occupants refusant de quitter les lieux, le nu-propriétaire fut contraint de les assigner en justice afin d'obtenir leur expulsion.

Si devant le tribunal de grande instance, le demandeur obtint satisfaction, en revanche, la cour d'appel saisie par les défendeurs réforma le jugement rendu, les conditions pour obtenir la résiliation judiciaire du contrat de prêt à usage n'étant pas réunies. Considérant que ses chances d'obtenir satisfaction devant la Cour de cassation étaient infimes en raison de la jurisprudence alors applicable, le requérant acquiesça alors à l'arrêt. Toutefois, la Haute juridiction décida, par un revirement de jurisprudence, le 3 février 2004 (Cass. civ. 1, 3 février 2004, n° 01-00.004, FS-P+B N° Lexbase : A2254DB4), qu'un prêt à usage conclu pour une durée indéterminée pouvait être résilié à tout moment moyennant le respect d'un préavis raisonnable. Fort de cette jurisprudence, le requérant introduisit alors une nouvelle demande en résiliation du prêt à usage pour défaut d'entretien et en expulsion des occupants. Le tribunal de grande instance, qui avait déjà connu de la première affaire, débouta le requérant aux motifs que les occupants n'avaient pas manqué à leur obligation d'entretien. La cour d'appel, en revanche, infirma à nouveau le jugement au motif, cette fois, que sa demande était irrecevable en raison du principe de concentration des moyens.

La Cour de cassation rejeta le pourvoi du requérant (Cass. civ. 1, 24 septembre 2009, n° 08-10.517, FS-P+B N° Lexbase : A3400ELI) aux motifs qu'"il incombe au demandeur de présenter dès l'instance relative à la première demande l'ensemble des moyens qu'il estime de nature à fonder celle-ci". Par le rejet de son pourvoi, le requérant se trouvant dans l'impossibilité de prendre possession de son bien par l'effet du principe de concentration des moyens, s'est alors tourné vers la Cour européenne des droits de l'Homme qui a déclaré la requête irrecevable, estimant que la concentration des moyens n'était pas contraire aux articles 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et 1er du Protocole n° 1 (N° Lexbase : L1625AZ9). La solution est assurément discutable car la conformité du principe de concentration des moyens à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme ne va pas de soi (I). Toutefois, cet arrêt donne à nouveau l'occasion d'exprimer une résistance à un principe prétorien inéquitable pour les justiciables (II).

I - Le principe de concentration des moyens et la CEDH : une conformité douteuse

La Cour européenne des droits de l'Homme conclut à la conformité du principe de concentration des moyens à l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme, au motif que ce principe remplit un "objectif légitime" qui est d'assurer "une bonne administration de la justice" en ce qu'il tend à "favoriser un jugement dans un délai raisonnable" et à "réduire le risque de manoeuvres dilatoires". Or, ces deux affirmations sont, autant l'une que l'autre, contestables.

A - L'argument du délai raisonnable

La Cour relève que "le principe de concentration des moyens tend à assurer une bonne administration de la justice en ce qu'il vise [...] à favoriser un jugement dans un délai raisonnable". Unanimement, les sept juges ont considéré qu'il est de bonne justice européenne qu'un justiciable soit dans l'obligation de soulever, lors de la première instance, l'ensemble des moyens relatifs à sa demande. L'invocation ultérieure d'un fondement juridique omis lors de la demande initiale pourra être sanctionnée par une fin de non recevoir, sans que cela soit jugé contraire à l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme.

Certes, cet objectif de célérité est louable, mais l'idée sous-jacente est, en réalité, la gestion de plus en plus cruciale des dossiers en souffrance. C'est donc une logique comptable qui semble prévaloir et qui est loin d'être satisfaisante. La Cour de Strasbourg avoue sans détours que le principe de concentration des moyens fait oeuvre de justice parce qu'il participe de la célérité de la justice. Faut-il alors en déduire que tous les moyens procéduraux qui participeront de cette politique seront conformes à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme ?

B - L'argument tiré du risque de manoeuvres dilatoires

Par ailleurs, la Cour de Strasbourg établit un lien regrettable entre la concentration des moyens et les manoeuvres dilatoires. Or, c'est une simplification qui tend à méconnaître la réalité judiciaire. En effet, le justiciable non assisté d'un avocat, comme c'est souvent le cas devant une juridiction de proximité ou un tribunal d'instance, qui, avant le revirement de jurisprudence opéré par l'arrêt "Cesareo", omettait "de bonne foi ", c'est-à-dire par ignorance légitime du non-juriste, de soulever le bon fondement juridique, pouvait, après quelques errements, le présenter utilement devant la juridiction saisie une première fois, sans se voir alors opposer une quelconque fin de non recevoir pour autorité de la chose jugée. La présentation successive de divers fondements juridiques ne relevaient pas systématiquement de manoeuvres exclusivement dilatoires mais de tâtonnements fort compréhensibles de la part de profanes du droit. Depuis 2006, cette jurisprudence "Cesareo" les contraint à présenter l'ensemble des fondements juridiques dès l'introduction de la première demande. En conséquence, l'on pouvait légitimement s'attendre à ce que la Cour de Strasbourg, profitant par ailleurs de la spécificité des faits de l'espèce, les assure de toute sa bienveillance en censurant le principe de concentration des moyens comme étant contraire à l'article 6 § 1. Elle s'en abstient, sans toutefois exclure une possible évolution.

II - Le principe de concentration des moyens et l'accès au droit : une réforme impérieuse

Si la lecture de l'arrêt de la Cour européenne des droits de l'Homme peut susciter, au regard des faits de l'espèce, un certain agacement, il n'en demeure pas moins que sa position ne semble pas pour autant figée (A). Peut-être, serait-ce alors l'occasion pour les praticiens du droit de s'engouffrer dans cette brèche afin de faire vaciller le principe contestable de la concentration des moyens (B) ?

A - Une ouverture possible

Après avoir affirmé de manière lacunaire que le principe de concentration des moyens tend à assurer une bonne administration de la justice dans la mesure où il évite les manoeuvres dilatoires et qu'il favorise ainsi les jugements rendus dans un délai raisonnable, la Cour européenne des droits de l'Homme précise qu'il "s'agit certes d'une condition impossible à remplir [eu égard aux faits de l'espèce] lorsque le fondement juridique d'une seconde demande repose sur une modification du droit positif postérieure à l'examen de la première demande : par définition, le demandeur se trouvait dans l'impossibilité de soulever ce fondement dans le cadre de sa première demande. Cela ne préjuge cependant pas de la question de savoir si un demandeur débouté de son action par une décision devenue irrévocable peut invoquer un changement ultérieur de l'état du droit pour saisir à nouveau un tribunal de sa demande" (§ 30). Il semblerait donc que la Cour de Strasbourg ne soit pas opposée, dès lors que l'action n'est pas prescrite, à une remise en cause possible de l'autorité de la chose déjà jugée lorsqu'une règle de droit ultérieure peut contribuer à modifier une situation juridique antérieure. Une évolution jurisprudentielle pourrait alors constituer un fait nouveau ouvrant la voie à une remise en cause des décisions jugées selon la position de la Cour européenne des droits de l'Homme. C'est pourquoi, face à l'ouverture suggérée par cette dernière, il serait souhaitable que les praticiens du droit s'en emparent afin de faire vaciller la contestable concentration des moyens.

B - Une modification requise

Par l'arrêt "Cesareo", la Cour de cassation contraint les justiciables et leurs avocats à invoquer dès l'instance relative à la première demande l'ensemble des moyens qu'ils estiment de nature à faire prospérer leur demande. Nous ne reviendrons pas sur les causes purement matérielles de cette jurisprudence qui relève de "l'improvisation prétorienne qui ne prend appui sur aucun texte, qui est même contraire à la triple identité de l'article 1351 du Code civil (N° Lexbase : L1460ABP) et qui visiblement a été inspirée dans un esprit gestionnaire avec pour unique souci de se débarrasser des affaires à répétition qui encombrent les rôles" (2). Mais, plus préoccupante, cette jurisprudence ne permet plus au justiciable d'être entendu sur le fond du droit, dès lors que, par ignorance ou négligence, il a omis de soulever, lors de la première demande, le moyen de droit qui aurait pu lui permettre d'emporter la religion du juge. Bien loin est donc l'article 6 § 1 de la CESDH selon lequel "toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement [...]". Cet arrêt soulève donc un paradoxe. Du côté de Strasbourg, le justiciable est, uniquement en théorie, assuré de voir sa demande entendue, et du côté de Paris, les effets du principe de concentration des moyens peut le contraindre à un silence irrévocable. Cependant, la juridiction européenne et la juridiction parisienne se rejoignent lorsqu'il s'agit de contenir l'accès au juge pour de piètres considérations comptables.

C'est pourquoi, il serait souhaitable que les justiciables ne baissent pas la garde et qu'ils fustigent ce principe de concentration des moyens comme étant, malgré la lettre de l'arrêt du 9 avril 2015, contraire à l'article 6 § 1 de la CESDH. Un point pourrait leur être acquis. Il semblerait qu'un demandeur, bien que débouté de son action par une décision devenue irrévocable, puisse (3), au regard du droit européen, invoquer un changement ultérieur de l'état de droit pour saisir à nouveau une juridiction (4), bien que la Cour de cassation ne l'ait pas admis pour cette affaire (5) en 2009. Ensuite, l'omission d'un fondement juridique qui ne peut plus être ultérieurement allégué en raison du principe de concentration des moyens "aboutit à donner autorité de la chose jugée à [...] ce qui n'a pas été jugé car pas débattu" (6). Dès lors, se trouvera t-il un juge du fond audacieux qui osera admettre qu'il y a, dans ce cas, violation de l'article 6 § 1 de la CESDH, la cause du justiciable n'ayant pas été entendue équitablement et publiquement ?


(1) Ass. plén., 7 juillet 2006, n° 04-10.672, P+B+R+I (N° Lexbase : A4261DQU), JCP éd. G, 2007, II, 10070, G. Wiederkehr ; RTDCiv., 2006, 825, obs. R. Perrot.
(2) R. Perrot, obs. sous Cass. civ. 1, 24 septembre 2009, n° 08-10.517, FS-P+B (N° Lexbase : A3400ELI), RTDCiv., 2010, 155.
(3) A la condition que le justiciable dispose toujours d'un droit d'action.
(4) § 30.
(5) Cass. civ. 1, 24 septembre 2009, n° 08-10.517, FS-P+B, JCP éd. G, 2009, 401, note C. Bléry.
(6) Ibid.

newsid:447514

Procédure civile

[Brèves] Recours contre la décision fixant la rémunération de l'expert : une simple lettre suffit !

Réf. : Cass. civ. 2, 21 mai 2015, n° 14-18.767, F-P+B (N° Lexbase : A5413NIC)

Lecture: 1 min

N7563BUN

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Le 28 Mai 2015

Le recours contre une décision du juge fixant la rémunération d'un expert est formé, dans le délai d'un mois, par la remise ou l'envoi au greffe de la cour d'appel d'une note exposant les motifs du recours. Il peut être fait par lettre simple. Telle est la précision apportée par un arrêt de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, rendu le 21 mai 2015 (Cass. civ. 2, 21 mai 2015, n° 14-18.767, F-P+B N° Lexbase : A5413NIC). En l'espèce, le 24 juin 2013, Mme D. a formé un recours contre la décision, qui lui a été notifiée le 4 juin 2013, fixant à une certaine somme la rémunération de M. G., expert désigné par un tribunal de grande instance. Pour déclarer irrecevable le recours de Mme D., l'ordonnance (CA Toulouse, 12 février 2014, n° 13/04106 N° Lexbase : A0701MEP) a énoncé qu'il a été formulé par lettre simple et non par lettre recommandée avec demande d'avis de réception comme il est requis. La décision est censurée par la Cour de cassation qui retient qu'en statuant ainsi, le premier président, qui a ajouté à la loi une condition qu'elle ne prévoit pas, a violé les articles 714, alinéa 2 (N° Lexbase : L6919H7E), 715 (N° Lexbase : L6922H7I) et 724 (N° Lexbase : L6929H7R) du Code de procédure civile (cf. l’Ouvrage "Procédure civile" N° Lexbase : E3663EU9).

newsid:447563

Procédures fiscales

[Chronique] Chronique de Procédures fiscales - Mai 2015

Lecture: 10 min

N7556BUE

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par Thierry Lambert, Professeur à Aix Marseille Université

Le 28 Mai 2015

Lexbase Hebdo - édition fiscale vous propose de retrouver, cette semaine, la chronique de Thierry Lambert, Professeur à Aix Marseille Université, retraçant l'essentiel de l'actualité juridique rendue en matière de procédures fiscales. Ce mois-ci, notre auteur a choisi de s'arrêter sur trois décisions du Conseil d'Etat. La première décision évoque la régularité d'une contestation sur l'un des motifs mentionnés au 2° de l'article L. 281 du LPF (N° Lexbase : L8541AE3) (CE 3° et 8° s-s-r., 10 avril 2015, n° 367957, mentionné aux tables du recueil Lebon). La deuxième décision porte sur la question du point de départ des réclamations fondées sur une jurisprudence concernant la non-conformité d'une règle de droit à une règle de droit supérieure (CE 3° et 8° s-s-r., 17 avril 2015, n° 373650, mentionné aux tables du recueil Lebon). Enfin, la dernière décision commentée dans le cadre de cette chronique permet de revenir sur les dispositions relatifs au droit de communication qui ne permettent pas à l'administration, selon le Conseil d'Etat, de se prévaloir, pour établir l'imposition, de pièces ou documents obtenus par une autorité administrative ou judiciaire dans des conditions déclarées ultérieurement illégales par le juge (CE 9° et 10° s-s-r., 15 avril 2015, n° 373269, publié au recueil Lebon).
  • Irrecevabilité d'une demande de décharge d'une obligation de payer devant un juge de l'impôt en cas d'irrégularité d'une contestation de recouvrement (CE 3° et 8° s-s-r., 10 avril 2015, n° 367957, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A5025NG9 ; cf. l’Ouvrage "Droit fiscal" N° Lexbase : E8020EQ4 et le BoFip - Impôts N° Lexbase : X4273ALT)

Dans cette affaire la question est de savoir si le contribuable était fondé à contester un procès-verbal de saisie de vente. En effet, un document de cette nature lui a été adressé le 19 mai 1994. A l'appui de sa contestation, il fait valoir devant l'administration, qu'il n'avait pas la propriété des biens visés dans l'acte sans invoquer un autre moyen et notamment pas ceux de l'article L. 281, 2° du LPF (N° Lexbase : L8541AE3).

Pour mémoire, rappelons que le 2° de l'article L. 281 du LPF prévoit que "les contestations ne peuvent porter que : 1° soit la régularité en la forme de l'acte ; 2° soit sur l'existence de l'obligation de payer, sur le montant de la dette compte tenu des paiements effectués, sur l'exigibilité de la somme réclamée, ou sur tout autre motif ne remettant pas en cause l'assiette et le calcul de l'impôt".

L'article L. 281 précité vise le contentieux du recouvrement de l'impôt, qui suppose une mesure d'exécution forcée de l'administration en vue de recouvrer l'impôt dû par un contribuable (1).

L'opposition à poursuites doit, sous peine d'irrecevabilité, être formée dans un délai de deux mois à partir de la notification soit de l'acte de poursuite dont la régularité est contestée, soit de tout acte de poursuite si le motif invoqué porte sur l'obligation de payer ou le montant de la dette, soit du premier acte de poursuite permettant d'invoquer tout autre motif (2).

En ne retenant qu'un seul moyen, le contribuable s'est privé du droit de contester le recouvrement des impôts. Ce n'était pas la méthode la plus pertinente pour défendre ses droits.

Au regard de la procédure, la saisie est pratiquée par un huissier de justice qui invite le débiteur à se libérer de sa dette. A défaut, l'huissier procède au procès-verbal de saisie, c'est-à-dire à l'inventaire des biens saisissables. Souvenons-nous que le fait, pour une personne saisie, de détruire ou de détourner un objet saisi entre ses mains en garantie des droits d'un créancier et confié à sa garde, ou à celle d'un tiers, est un délit (3). Le comptable public, qui agit dans la cadre de l'action en recouvrement (4), est fondé à engager une action visant à obtenir une condamnation pénale de ce délit.

Le principe est que les contribuables peuvent former opposition aux actes de poursuite à condition, toutefois, de ne pas remettre en cause l'assiette et le calcul de l'impôt. L'irrégularité en la forme des actes, la non-exigibilité de la somme réclamée par suite de paiement, notamment, constituent des motifs fondant l'opposition aux actes de poursuite (5). L'article L. 258 A du LPF (N° Lexbase : L4819IRW) donne à la mise en demeure de payer le rôle de commandement.

L'administration peut avoir recours à la saisie-vente (6). Celle-ci se définit comme un acte de poursuite qui permet à tout créancier, muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible, de faire procéder à la saisie et à la vente des biens immobiliers corporels appartenant à son débiteur, même s'ils sont détenus par un tiers (7). La saisie-vente peut porter sur tous les biens meubles corporels appartenant au débiteur, à l'exception de ceux que la loi déclare insaisissables notamment ceux nécessaires à la vie et au travail (8).

Il a été jugé que les contestations formées à l'encontre des avis de saisie ne relèvent pas du juge de l'exécution (9). La contestation de l'obligation de payer une dette fiscale à la suite du règlement d'une succession appartient au contentieux du recouvrement (10).

La Cour de cassation a déjà jugé que la contestation d'un contribuable qui affirme ne pas être le propriétaire de biens saisis par l'administration est du domaine du contentieux du recouvrement et s'analyse comme une opposition à poursuites (11). La Cour a précisé que la demande d'annulation d'une saisie-vente au motif qu'un certain nombre d'objets saisis ne sont pas la propriété du redevable et qui ne met pas en cause la créance sur laquelle sont fondées les poursuites dans son existence, son montant ou son exigibilité, doit s'analyser comme une opposition à poursuite entrant dans les prévisions de l'article L. 281 du LPF (12).

En l'espèce, le Conseil d'Etat a jugé que, lorsque la contestation du contribuable n'est pas fondée sur l'un des motifs visés au 2° de l'article L. 281 du LPF, concernant les contestations relatives au recouvrement des impôts, il n'est pas recevable à demander au juge la décharge de l'obligation de payer en invoquant l'un de ces motifs.

  • Point de départ des réclamations fondées sur une jurisprudence concernant la non-conformité d'une règle de droit à une règle de droit supérieure (CE 3° et 8° s-s-r., 17 avril 2015, n° 373650, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A9576NGR ; cf. l’Ouvrage "Droit fiscal" N° Lexbase : E8015EQW et le BoFip-Impôts N° Lexbase : X6327ALW)

Une société a contesté la taxe parafiscale au profit du fonds de soutien à l'expression radiophonique, qui est codifiée sous l'article 365 de l'annexe II du CGI (N° Lexbase : L8145HKU) (13). Elle avait fondé son action sur un arrêt rendu en Grande chambre par le CJCE du 22 décembre 2008 (CJCE, 22 décembre 2008, aff. C-333/07 N° Lexbase : A9977EB7) qui avait invalidé un décret du 29 décembre 1997 instituant l'article précité.

La Cour de justice a considéré que la décision de la Commission du 10 novembre 1997 déclarant que le régime d'aide institué par le décret 97-1263 du 29 décembre 1997, portant création d'une taxe parafiscale au profit d'un fonds de soutien à l'expression radiophonique, est compatible avec le Traité est invalide, faute pour la Commission d'avoir pris en considération ladite taxe lors de l'examen du régime d'aides concerné (14). Peut-on soutenir que cet arrêt, pour important qu'il soit, n'a pas pour autant révélé directement l'incompatibilité du décret discuté avec le droit communautaire ?

La question est d'importance.

En effet, s'agissant des décisions et avis rendus au contentieux par le Conseil d'Etat, la Cour de cassation, le Tribunal des conflits et la CJCE, seuls ceux qui révèlent directement l'incompatibilité avec une règle de droit supérieure à la règle de droit dont il fait application, pour fonder l'imposition en litige, sont de nature à constituer le point de départ du délai dans lequel sont recevables les réclamations motivées par un événement au sens de l'article R. 196-1-c du LPF (N° Lexbase : L4380IXI).

Ne constituent pas un événement au sens de l'article précité, la connaissance d'une décision rendue par une juridiction administrative (15), une décision juridictionnelle relative à la situation d'un contribuable en matière de sécurité sociale (16), le jugement d'un tribunal de commerce annulant la dissolution d'une société postérieure à la date du fait générateur de l'impôt survenu deux ans plus tôt (17), ou encore la décision par laquelle l'administration estime caduque une transaction passée en matière de pénalités et qui est sans influence sur le bien-fondé des impositions en cause quelle qu'ait été la régularité initiale de cette transaction (18).

La jurisprudence reconnaissant comme événement un certain nombre de décisions est tout aussi abondante. Constitue un événement l'arrêt rendu par la Cour de cassation se prononçant sur la non-conformité des directives de l'administration à l'arrêté du 21 prairial an IX (19). Il en va de même pour un commandement par lequel est mise en cause la responsabilité solidaire du propriétaire d'un fonds de commerce pour le paiement des impositions dues par le gérant (20). La solution est identique à propos d'une décision du Conseil d'Etat par laquelle il annule un décret modifiant les limites territoriales de deux communes en ce qui concerne les impositions locales (21).

Le moyen tiré de la non-conformité du droit interne avec des règles de droit de l'Union européenne doit être soulevé par le contribuable car le juge ne s'autorise pas à la soulever d'office (22).

L'article R. 196-1 du LPF prévoit que les réclamations, pour être recevables, doivent être présentées au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant le "versement de l'impôt contesté lorsque cet impôt n'a pas donné lieu à l'établissement d'un rôle ou à la notification d'un avis de mise en recouvrement" (23). Il a été jugé que, dès lors que les délais prévus à l'article précité ne sont pas clos, une réclamation n'est en aucun cas tardive (24), sachant qu'une réclamation présentée hors délai est irrecevable (25).

En l'espèce, le Conseil d'Etat a jugé que la société était fondée à soutenir que l'administration ne pouvait pas rejeter sa réclamation en se fondant sur l'économie générale de l'article R. 196-1 du LPF. Elle n'a pas suivi la société sur le terrain selon lequel l'administration aurait méconnu les principes de protection d'un droit patrimonial tels qu'ils découlent des stipulations de l'article 1er du Premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales (N° Lexbase : L1625AZ9) ou en méconnaissance du droit de l'Union européenne. Le Conseil constate simplement que la société requérante n'a pas présenté sa réclamation dans le délai visé à l'article R. 196-1-b précité et ne pourra pas, par conséquent, obtenir la restitution de la taxe contestée.

  • Impossibilité pour l'administration fiscale d'exploiter des pièces ou documents obtenus par une autorité administrative ou judiciaire dans des conditions déclarées ultérieurement illégales par le juge (CE 9° et 10° s-s-r., 15 avril 2015, n° 373269, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A9521NGQ ; cf. l’Ouvrage "Droit fiscal" N° Lexbase : E7109AGE et le BoFip-Impôts N° Lexbase : X7880ALG)

La transmission d'informations entre l'autorité judiciaire et l'administration fiscale ne va pas sans poser quelques difficultés de procédure. La présente affaire en est une illustration.

Au cas particulier, l'administration s'est fondée sur des pièces, dont elle a eu communication par l'autorité judiciaire, figurant dans le dossier de l'instruction pénale ouverte en Italie et en France concernant une autre société ayant reçu des commissions réintégrées au résultat imposable de la société requérante.

Pour sa défense, la société requérante s'est bornée à faire valoir que l'administration fiscale ne pouvait se fonder sur des pièces provenant d'une saisie réalisée dans le cadre d'une instruction judiciaire en Italie dont ni la date, ni les conditions de réalisation n'étaient justifiées. La société, pour des raisons qui nous échappent, ne fait pas valoir que ses documents auraient été obtenus dans des conditions ultérieurement déclarées illégales par le juge compétent.

Chacun connaît le principe général fixé par l'article L. 81 du LPF (N° Lexbase : L4555I7T) selon lequel, "le droit de communication permet aux agents de l'administration, pour l'établissement de l'assiette et le contrôle des impôts, d'avoir connaissance des documents et renseignements mentionnés aux articles du présent chapitre dans les conditions qui y sont précisées". Par ailleurs, l'article L. 82 C (N° Lexbase : L9499IYH) du même livre prévoit qu'à "l'occasion de toute instance devant les juridictions civiles ou criminelles, le ministère public peut communiquer les dossiers à l'administration des finances". Le secret de l'instruction, visé à l'article 11 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L7022A4T), ne fait pas obstacle à l'exercice du droit de communication régi par l'article L. 82 C du LPF.

Il a été jugé, dans un arrêt de principe, que lorsque l'administration exerce de façon irrégulière son droit de communication, en induisant les personnes en erreur sur l'étendue de leur obligation à l'égard de l'administration, cela entraîne l'irrégularité de la procédure d'imposition (26). Ajoutons qu'en présence d'un détournement de procédure, les redressements effectués sur la base des constations recueillies lors de la procédure détournée sont irréguliers (27).

Ainsi que le fait le Conseil d'Etat, il nous faut rappeler l'article 16 de la DDHC du 26 août 1789 (N° Lexbase : L1363A9D), lequel énonce : "toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution".

Dans l'affaire qui nous occupe, le Conseil d'Etat a jugé que la combinaison de ces dispositions ne permet pas à l'administration de se prévaloir, pour établir une imposition, de pièces ou documents obtenus par une autorité administrative ou judiciaire dans des conditions déclarées ultérieurement illégales par le juge.

Des développements législatifs récents montrent que le sujet est d'importance.

En effet, après qu'un certain nombre de difficultés aient été rencontrées par l'administration fiscale qui voulait exploiter des fichiers volés, le législateur a souhaité que l'administration fiscale puisse utiliser des documents, qui peuvent venir de l'étranger et dont l'origine est parfois illicite (28). Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 4 décembre 2013 (29), a précisé que les documents, pièces et informations devaient être régulièrement portés à la connaissance des administrations fiscale et douanière, soit dans le cadre du droit de communication tel que prévu par le LPF ou le Code des douanes, soit en application des droits de communication prévus par d'autres textes, soit en application des dispositions relatives à l'assistance administrative par les autorités compétentes des Etats étrangers. Il faut que ces pièces et documents n'aient pas été obtenus, par une autorité administrative ou judiciaire, dans des conditions déclarées illégales par le juge.

La position du Conseil constitutionnel est formulée ainsi : "ces dispositions ne sauraient, sans porter atteinte aux exigences découlant de l'article 16 de la déclaration de 1789, permettre aux services fiscaux et douaniers de se prévaloir de pièces ou documents obtenus par une autorité administrative ou judiciaire dans des conditions déclarées ultérieurement illégales par le juge ; que, sous cette réserve, le législateur n'a, en adoptant ces dispositions, ni porté atteinte au droit au respect de la vie privée ni méconnu les droits de la défense" (considérant 33).

Voilà qui a le mérite d'être clairement dit.


(1) Cass. com., 28 novembre 2006, n° 05-13.708, F-D (N° Lexbase : A7772DSN), RJF, 2007, 5,comm. 625.
(2) LPF, art. R. 281-3-1 (N° Lexbase : L1908IR4).
(3) C. pén., art. 314-6 (N° Lexbase : L1918AMY).
(4) LPF, art. L. 252 (N° Lexbase : L3929AL4).
(5) BOI-REC-EVTS-20-10 (N° Lexbase : X7698ALP).
(6) BOI-REC-FORCE-20-30 (N° Lexbase : X6116AL4).
(7) C. proc. civ. ex., art. L. 221-1.
(8) C. proc. civ. ex., art. L.112-2 (N° Lexbase : L5801IRB).
(9) Cass. com., 25 avril 2006, n° 03-19.836, F-P+B (N° Lexbase : A2041DPB).
(10) CE 9° et 10° s-s-r., 27 avril 2001, n° 189856, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A3206ATW), RJF, 2001, 7, comm. 1019.
(11) Cass. com., 4 juin 2002, n° 98-19.342, FS-P (N° Lexbase : A8428AYS), DF, 2002, comm. 1030.
(12) Cass. com., 4 juin 2002, n° 98-19.342, FS- P.
(13) Devenu sans objet par l'article 47 de la loi n° 2002-1575 du 30 décembre 2002 (N° Lexbase : L9371A8L).
(14) CJCE, 22 décembre 2008, aff. C-333/07, RJF, 2009, comm. 303.
(15) CE, 29 janvier 1964, DF, 1964, comm. 315.
(16) CE 7°, 8° et 9° s-s-r., 30 janvier 1976, n° 96173, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A7629AY9), DF, 1977, comm. 1154, concl. Schmeltz.
(17) CE 7° et 9° s-s-r., 20 mars 1990, n° 50469, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A4710AQI), DF, 1990, comm. 2450, concl. Martin.
(18) CE 9° et 10° s-s-r., 19 avril 2000, n° 184502, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A3036B8X), DF, 2000, comm. 701, concl. Courtial.
(19) Cass. com., 9 mars 1999, n° 96-22.800, inédit au Bulletin (N° Lexbase : A1921CQ9), DF, 1999, comm. 827.
(20) CE, 6 juillet 1962, DF, 1963, 42, concl. Poussière.
(21) CE, 4 mai 1977, DF, 1978, comm. 230, concl. Lobry.
(22) CE Sect., 11 janvier 1991, n° 90995, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A8940AQ8) RJF, 1991, 2, comm. 219 ; Cass. com., 3 mai 1995, n° 92-10.869, inédit (N° Lexbase : A7859CLN), RJF, 1995, 7, comm. 932.
(23) LPF, art. R. 196-1-b.
(24) CE 3° et 8° s-s-r., 5 juillet 2010, n° 310945, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A1327E4W), DF, 2010, 44, comm. 547, concl. Cortot-Boucher.
(25) CE 7° s-s., 5 novembre 1980, n° 16213 (N° Lexbase : A7021AIU), RJF, 1981, 1, comm. 44.
(26) CE 7° et 8° s-s-r., 1er juillet 1987, n° 54222, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A2364APA), RJF, 1987, 10, comm. 1020, concl. Fouquet.
(27) CE 8° et 9° s-s-r., 8 janvier 1993, n° 79600 et 79601, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A7986AMQ), RJF, 1993, 3, comm. 390.
(28) T. Lambert, L'informaticien, la banque et la recevabilité de la preuve illicite dans les procédures fiscales ; J. Lasserre Capdeville, Fraude et évasion fiscales : état des lieux et moyens de lutte, éd. Joly, 2015, pp. 85-97.
(29) Cons. const., 4 décembre 2013, décision n° 2013-679 DC (N° Lexbase : A5483KQ7), RJF, 2014, 2, comm. 173.

newsid:447556

Sociétés

[Brèves] Réforme du droit des sociétés par l'ordonnance n° 2014-863 du 31 juillet 2014 : publication des dispositions réglementaires

Réf. : Décret n° 2015-545 du 18 mai 2015, pris pour application de l'ordonnance n° 2014-863 du 31 juillet 2014 relative au droit des sociétés (N° Lexbase : L6362I87)

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N7503BUG

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Le 28 Mai 2015

L'ordonnance n° 2014-863 du 31 juillet 2014 (N° Lexbase : L1321I4P) a apporté quelques modifications en droit des sociétés qui nécessitaient une intervention réglementaire en vue de les préciser. Tel est l'objet d'un décret publié au Journal officiel du 20 mai 2015 (décret n° 2015-545 du 18 mai 2015, pris pour application de l'ordonnance n° 2014-863 du 31 juillet 2014 relative au droit des sociétés, prise en application de l'article 3 de la loi n° 2014-1 du 2 janvier 2014 habilitant le Gouvernement à simplifier et sécuriser la vie des entreprises N° Lexbase : L6362I87). Ce texte vise, d'une part, à simplifier le droit des sociétés : il précise les formalités d'opposabilité aux tiers d'une cession de parts sociales de sociétés en nom collectif et de société à responsabilité limitée et prévoit la faculté pour les sociétés à responsabilité limitée d'avoir recours à un envoi électronique pour la convocation de l'assemblée des associés. Il améliore également l'information des actionnaires relative aux conventions réglementées. Ce décret vise, d'autre part, à harmoniser le traitement des valeurs mobilières avec les standards européens fixant à deux jours ouvrés la durée du décalage des périodes de cotation et de souscription du droit préférentiel de souscription d'actions négociables. Il fixe, en outre, les modalités de vente et de répartition des sommes provenant de cette vente de droits formant rompus. Il aligne, ensuite, les modalités d'identification des porteurs d'obligations sur celles des porteurs d'actions. Enfin, il adapte la publicité propre au rachat d'actions de préférence.

newsid:447503

Vente d'immeubles

[Brèves] La condition suspensive de vente non assortie d'un terme ne peut conférer à l'obligation un caractère perpétuel

Réf. : Cass. civ. 3, 20 mai 2015, n° 14-11.851, FS-P+B (N° Lexbase : A5321NIW)

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N7537BUP

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Le 28 Mai 2015

La stipulation d'une condition suspensive de vente, sans terme fixe, n'a pas pour effet de conférer à l'obligation un caractère perpétuel. Tel est l'apport de l'arrêt rendu par la troisième chambre civile de la Cour de cassation le 20 mai 2015 (Cass. civ. 3, 20 mai 2015, n° 14-11.851, FS-P+B N° Lexbase : A5321NIW). En l'espèce, par acte sous seing privé datant de 2004, M. C. a vendu à M. S. une parcelle de terre sous la condition suspensive de l'obtention d'un certificat d'urbanisme. En 2010, le bénéficiaire de la promesse a assigné les héritiers du promettant aux fins d'obtenir la réitération de la vente. Débouté de sa demande, M. S. se pourvoit en cassation, arguant que, lorsque l'obligation est contractée sous la condition qu'un évènement arrivera, sans qu'il y ait de temps fixe, la condition peut toujours être accomplie. Elle n'est censée défaillir que lorsqu'il est certain que l'évènement n'arrivera pas. En décidant que la commune intention des parties consistait dans la fixation d'un terme implicite à la condition, et que cette fixation ne pouvait excéder un délai raisonnable, la cour d'appel aurait violé les articles 1134 (N° Lexbase : L1234ABC) et 1176 (N° Lexbase : L1278ABX) du Code civil. En outre, M. S. soutient qu'en tant que bénéficiaire d'une condition suspensive stipulée dans son intérêt exclusif, il est en droit de renoncer à se prévaloir des conséquences juridiques de la défaillance de la condition. En décidant qu'il ne pouvait valablement renoncer à une condition dont l'expiration du terme était intervenue, nonobstant son droit de renonciation, et sans relever que le contrat était caduc par l'expiration du délai pour la réalisation de la condition ou à défaut de réitération par acte authentique dans un délai certain, la cour d'appel aurait violé les articles 1168 (N° Lexbase : L1270ABN) et 1176 du Code civil. Rappelant le principe énoncé, la Cour de cassation rejette cette argumentation et déclare la promesse de vente caduque. Dans la mesure où le certificat d'urbanisme a été demandé plusieurs années après la signature du contrat de vente et que le contrat ne contient ni indexation du prix, ni coefficient de revalorisation, les juges du fond ont pu déterminer la commune intention des parties de fixer un délai raisonnable pour la réalisation de la condition suspensive (cf. l’Ouvrage "Contrats spéciaux" N° Lexbase : E2099EYE).

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