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N1974B3I
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par Béatrice Renard Marsili, Juriste en droit du travail et Conseil en ressources humaines - DRH externalisé et Charlotte Moronval, Rédactrice en chef
Le 07 Avril 2025
La revue Lexbase Social vous propose de retrouver dans un plan thématique, une sélection des décisions (I.) qui ont fait l’actualité du dernier mois, en droit du travail et droit de la protection sociale, ainsi que toute l’actualité normative (II.), classée sous différents thèmes/mots-clés.
I. Actualités jurisprudentielles
1) Droit du travail
♦ Repos compensateur de remplacement - Respect de la convention collective
Cass. soc., 12 février 2025, n° 23-17.888, FS-B N° Lexbase : A55926UN : lorsque la convention collective prévoit des dispositions encadrant le recours au repos compensateur de remplacement, l'employeur doit s'y tenir même si elles ne correspondent pas exactement à sa situation. Dans cette hypothèse, il ne peut pas procéder unilatéralement.
À défaut de respecter ces dispositions conventionnelles, le recours au repos compensateur de remplacement est injustifié et l'employeur peut être condamné à verser au salarié un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires effectuées.
♦ CSSCT - Composition
Cass. soc., 26 février 2025, n° 24-12.295, F-B N° Lexbase : A39646ZT : lorsqu’un collège spécifique aux ingénieurs et cadres (3ème collège) a été institué lors de l’élection du CSE, la désignation à la CSSCT d’un élu issu du collège cadres est une obligation et non une simple possibilité.
Pour aller plus loin : M. Caron, Composition de la CSSCT et contentieux en dernier ressort, Lexbase Social, avril 2025, n° 1011 N° Lexbase : N1997B3D. |
♦ CSSCT - Désignation
Cass. soc., 26 février 2025, n° 23-20.714, F-B N° Lexbase : A39646ZT : lorsqu'il a à trancher une contestation de la désignation des membres de la commission santé, sécurité et conditions de travail (CSSCT), le tribunal judiciaire statue par décision en dernier ressort susceptible d'un pourvoi en cassation dans un délai de 10 jours.
La décision du tribunal judiciaire ne doit donc pas faire l’objet d’un appel mais d’un pourvoi en cassation.
Pour aller plus loin : M. Caron, Composition de la CSSCT et contentieux en dernier ressort, Lexbase Social, avril 2025, n° 1011 N° Lexbase : N1997B3D. |
♦ Priorité de réembauche - Défaut d’information - Réparation
Cass. soc., 26 février 2025, n° 23-15.427, F-B N° Lexbase : A39636ZS : le Code du travail prévoit que le salarié licencié pour motif économique bénéficie d'une priorité de réembauche durant un délai d'un an à compter de la date de rupture de son contrat s'il en fait la demande au cours de ce même délai.
La Cour de cassation a précisé récemment que le défaut d'information du salarié ayant adhéré à un contrat de sécurisation professionnelle sur la priorité de réembauche ne prive pas la rupture du contrat de travail de cause réelle et sérieuse, mais permet seulement au salarié qui justifie d'un préjudice d'obtenir des dommages-intérêts.
♦ Licenciement - Ivresse au travail
Cass. soc., 26 février 2025, n° 23-10.506, F-D N° Lexbase : A73106ZR : eu égard au lieu sur lequel la violation avait été commise, aux conditions de travail dans lesquelles intervenait le salarié, et nonobstant la marge d'erreur maximale tolérée en matière d'éthylotest, le salarié qui occupe un poste à risque et se présente au travail en état d'alcoolémie, commet une violation de ses obligations contractuelles rendant impossible son maintien dans l'entreprise et justifiant son licenciement pour faute grave.
♦ Listes électorales - Parité
Cass. soc., 26 février 2025, n° 23-22.843, F-D N° Lexbase : A71536ZX : en vue de l’élection du CSE, les listes syndicales de candidats doivent respecter un principe de représentation équilibrée entre femmes et hommes, dit principe de parité. À défaut, le juge doit annuler l'élection d'un nombre d'élus du sexe surreprésenté en surnombre.
La Cour de cassation considère que cette sanction s’impose et est incontournable. Il n’est donc pas possible d’y échapper au motif que l’ensemble des candidats de la liste irrégulière n’ayant pas été élu, il n’y a donc pas eu élection du candidat du sexe surreprésenté en surnombre.
♦ Avocats - Robe - Port de signes distinctifs
CE, 5°-6° ch. réunies, 3 mars 2025, n° 490505, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A417463Y : l'affaire faisait du bruit depuis quelques temps... le Conseil d'État vient de trancher !
Il a rejeté le recours formé par le Syndicat des avocats de France contre une décision du Conseil national des barreaux du 7 septembre 2023, au terme de laquelle l’avocat ne doit porter aucun signe distinctif avec sa robe.
Motivation du Conseil d'État : l'obligation légale pour les avocats, qui ont la qualité d'auxiliaires de justice et apportent un concours régulier et indispensable au service public de la justice, de porter la robe dans leurs fonctions judiciaires, a pour objectif d'identifier ces derniers par un costume qui leur est propre et d'éviter, par l'uniformité de ce costume commun à l'ensemble de la profession, qu'il n'affichent par leur apparence de préférences personnelles sans rapport avec la défense des intérêts de leur client.
En outre, le port d'un costume uniforme contribue à assurer l'égalité des avocats et, à travers celle-ci, l'égalité des justiciables, qui est une condition nécessaire du droit à un procès équitable.
Cette obligation, qui emporte l'interdiction du port de signes distinctifs avec la robe, poursuit dès lors un but légitime et est proportionné dans ce but.
Pour aller plus loin : Y. Le Foll, Validation de l’interdiction du port de signes distinctifs s'ajoutant au costume de la profession d'avocats, Le Quotidien, 7 mars 2025 N° Lexbase : N1806B3B. |
♦ Obligation de sécurité - Comportement managérial
Cass. soc., 26 février 2025, n° 22-23.703, F-D N° Lexbase : A71036Z4 : le comportement d'un manager lunatique, injustement menaçant, malsain et agressif, et son mode de management maladroit et empreint d'attitude colérique, constituent un manquement à son obligation en matière de sécurité et de santé à l'égard de ses subordonnés, justifiant un licenciement pour faute grave.
♦ Procédure prud’homale - Preuve déloyale
Cass. soc., 26 février 2025, n° 22-18.179 N° Lexbase : A72826ZQ et n° 22-24.474 N° Lexbase : A71126ZG, F-D N° Lexbase : A71036Z4 : la production en justice de la retranscription d'enregistrements vidéo réalisés dans les locaux de l'entreprise à l'insu d'un salarié ou de mails issus de la messagerie personnelle du salarié constitue une atteinte à la vie privée et un procédé déloyal.
Néanmoins, la preuve déloyale peut être jugée recevable et licite dès lors qu'elle est indispensable à l'exercice du droit à la preuve et proportionnée au but poursuivi, soit la défense de l'intérêt légitime de l'employeur à la confidentialité de ses affaires.
♦ Indemnité de licenciement - Temps partiel thérapeutique
Cass. soc., 5 mars 2025, n° 23-20.172, F-B N° Lexbase : A402163C : lorsque le salarié se trouve en arrêt maladie à la date de son licenciement, cet arrêt faisant suite à une période de temps partiel thérapeutique, le salaire de référence à prendre en considération pour le calcul de l'indemnité légale ou conventionnelle de licenciement est, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié, celui des douze ou des trois derniers mois précédant le temps partiel thérapeutique.
Pour aller plus loin : F. Clouzeau, Prise en compte des salaires des mois précédant l’arrêt maladie et le temps partiel thérapeutique pour le calcul de l’indemnité de licenciement, Lexbase Social, avril 2025, n° 1011 N° Lexbase : N1975B3K. |
♦ Inaptitude - Consultation du CSE
Cass. soc., 5 mars 2025, n° 23-13.802, F-B N° Lexbase : A4018639 : en cas d'inaptitude d'un salarié à son poste de travail, sauf dispense de reclassement formulée par le médecin du travail, l'employeur est tenu de consulter le CSE même lorsqu’il est impossible de proposer un reclassement au salarié.
L'avis du CSE doit être recueilli avant d’engager la procédure de licenciement, donc avant de convoquer le salarié à un entretien préalable au licenciement.
♦ Cadre dirigeant - Participation à la direction de l’entreprise
Cass. soc., 5 mars 2025, n° 23-23.340, F-D N° Lexbase : A855863D : pour pouvoir être considéré comme cadre dirigeant, le salarié doit avoir des responsabilités dont l'importance implique une grande indépendance dans l'organisation de leur emploi du temps, être habilité à prendre des décisions de façon largement autonome, et percevoir une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement. Ces trois critères sont cumulatifs.
La Cour de cassation exige donc que la qualité de cadre dirigeant soit subordonnée au cumul des trois conditions légales et au fait que cela conduit le salarié en cause à participer à la direction de l’entreprise.
♦ Licenciement pour faute - État psychique du salarié altéré
Cass. soc., 5 mars 2025, n° 23-50.022, F-D N° Lexbase : A860363Z : dans une affaire récente, un salarié se trouvait, au moment des faits qui lui étaient reprochés, dans un état psychique fortement altéré pouvant obérer ses facultés de discernement quant au caractère répréhensible de son comportement.
Les éléments médicaux produits montraient que le salarié présentait des troubles de comportement, notamment sur le lieu de travail, plusieurs jours avant son hospitalisation sous contrainte, à la suite d'une nouvelle décompensation psychotique, alors qu'il était en rupture de traitement depuis plusieurs mois selon le médecin psychiatre. Le salarié était également placé en arrêt maladie lors du prononcé du licenciement et avait formé une demande d'invalidité.
La Cour de cassation en a déduit que les faits reprochés au salarié ne lui étaient pas imputables et qu'ainsi le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse.
♦ Abandon de la notion de préjudice automatique
Cass. soc., 11 mars 2025, n° 21-23.557, FS-B N° Lexbase : A3033644 : le manquement de l'employeur à son obligation de suivi médical du travailleur de nuit n'ouvre pas, à lui seul, le droit à réparation et il incombe au salarié de démontrer le préjudice qui en résulterait afin d'en obtenir la réparation intégrale.
Cass. soc., 11 mars 2025, n° 23-19.669, FS-B N° Lexbase : A302964X : le manquement de l'employeur à son obligation de suivi de l'amplitude et de la charge de travail du salarié en forfait jours n'ouvre pas, à lui seul, droit à réparation et il incombe au salarié de démontrer le préjudice distinct qui en résulterait.
Cass. soc., 11 mars 2025, n° 24-10.452, FS-B N° Lexbase : A3035648 : le manquement de l'employeur à son obligation de prendre les mesures propres à assurer au salarié la possibilité d'exercer effectivement son droit à congé n'ouvre pas, à lui seul, droit à réparation et il incombe au salarié de démontrer le préjudice distinct qui en résulterait.
Cass. soc., 11 mars 2025, n° 23-16.415, FS-B N° Lexbase : A302864W : le manquement de l'employeur à son obligation de prendre les mesures propres à assurer au salarié la possibilité d'exercer effectivement son droit à congé n'ouvre pas, à lui seul, droit à réparation et il incombe au salarié de démontrer le préjudice distinct qui en résulterait.
♦ Syndicats - Liberté de communication
Cass. soc., 5 mars 2025, n° 23-12.997, FS-B N° Lexbase : A5246643 : les facilités prévues par une convention ou un accord collectif permettant de rendre accessibles, sous forme de lien, les sites syndicaux mis en place sur l'intranet de l'entreprise ne peuvent, sans porter atteinte au principe d'égalité de traitement en matière de communication syndicale, être réservées aux seuls syndicats représentatifs au niveau de l'entreprise dès lors que l'affichage et la diffusion des communications syndicales à l'intérieur de l'entreprise sont liés à la constitution par les organisations syndicales d'une section syndicale, laquelle n'est pas subordonnée à une condition de représentativité.
Toute différence de traitement entre syndicats représentatifs et non représentatifs en matière de communication syndicale par voie électronique est donc interdite.
Pour aller plus loin : I. Odoul-Asorey, Interdiction de réserver aux organisations syndicales représentatives des facilités de communication syndicale dans l’entreprise instituées par accord collectif, Lexbase Social, avril 2025, n° 1011 N° Lexbase : N2002B3K. |
♦ Représentation syndical - Désignation - Date d’appréciation
Cass. soc., 12 mars 2025, n° 24-11.467, F-B N° Lexbase : A525264B : dans les entreprises de 300 salariés et plus, chaque organisation syndicale représentative dans l'entreprise ou l'établissement peut désigner un représentant syndical au CSE.
Les conditions de validité de la désignation d'un représentant syndical, tenant à la personne du salarié désigné, doivent être appréciées à la date de la désignation.
Lorsque l'entreprise comporte plusieurs établissements distincts, le salarié désigné représentant syndical au CSE d'un établissement doit donc travailler dans cet établissement à la date de sa désignation.
♦ Salarié protégé - Fin du contrat de mission è Inspection du travail
Cass. soc., 12 mars 2025, n° 22-23.460, FS-B N° Lexbase : A526264N : l'interruption ou la notification du non-renouvellement de la mission d'un salarié temporaire par l'entrepreneur de travail temporaire ne peut intervenir qu'après autorisation de l'inspection du travail lorsque le salarié est membre ou ancien membre élu du CSE ou candidat à cette fonction.
Toutefois, en présence de la conclusion d'un nouveau contrat de mission excluant toute décision de l'entreprise de travail temporaire de ne plus faire appel au salarié par de nouveaux contrats de mission, la saisine de l'inspection du travail d'une demande d'autoriser la rupture amiable du contrat de mission n'est pas requise.
♦ Congé de reclassement - Avantage en nature véhicule
Cass. soc., 12 mars 2025, n° 23-22.756, FS-B N° Lexbase : A524164U : dans les entreprises d’au moins 1 000 salariés, l’employeur qui envisage de prononcer un licenciement économique est tenu de proposer à chaque salarié concerné un congé de reclassement.
Pendant la période de congé correspondant au préavis, le salarié perçoit sa rémunération habituelle. Au-delà de la période correspondant au préavis, le salarié bénéficie d’une rémunération mensuelle dont le montant est moins égal à l’allocation versée en congé de conversion.
En présence d'un avantage en nature, celui-ci est maintenu pendant la période de congé correspondant au préavis. En revanche, le salarié ne peut plus prétendre au maintien de l'avantage en nature durant le congé de reclassement dépassant le préavis.
Pour aller plus loin : sur cet arrêt, lire G. Barguain, L’appréciation de la réorganisation nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité d’une entreprise visant à prévenir des difficultés économiques à venir, Lexbase Social, avril 2025, n° 1011 N° Lexbase : N2000B3H. |
♦ CSE - Bénéfice des ASC - Condition d’ancienneté
Cass. soc., 12 mars 2025, n° 23-21.223, F-D N° Lexbase : A066567R : dans la lignée d'un précédent arrêt rendu le 3 avril 2024 N° Lexbase : A34992ZM, la Cour de cassation vient de rappeler que s'il appartient au CSE de définir ses actions en matière d'activités sociales et culturelles, l'ouverture du droit de l'ensemble des salariés et des stagiaires au sein de l'entreprise à bénéficier des ASC ne saurait être subordonnée à une condition d'ancienneté.
D'où l'intérêt pour les CSE de se mettre en conformité au plus vite, même si l'URSSAF a indiqué une tolérance en la matière jusqu'au 31 décembre 2025.
♦ Licenciement - Entretien préalable - Délai
Cass. soc., 12 mars 2025, n° 23-12.766, F-D N° Lexbase : A069067P : l'entretien préalable ne peut avoir lieu moins de cinq jours ouvrables après la présentation de la lettre recommandée ou la remise en main propre de la convocation.
Il en résulte que le salarié doit disposer d'un délai de cinq jours pleins pour préparer sa défense, de sorte que le jour de présentation de la lettre ne compte pas dans le délai, non plus que le dimanche et les jours fériés, qui ne sont pas des jours ouvrables.
♦ Licenciement pour inaptitude - Décision du CPH
Cass. soc., 19 mars 2025, n° 23-19.813, FS-B N° Lexbase : A502768P : lorsque le médecin du travail mentionne expressément dans l'avis d'inaptitude que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi, l'employeur est dispensé de rechercher et de proposer des mesures de maintien dans un emploi.
La rupture du contrat de travail en raison de l'inaptitude du salarié régulièrement constatée par le médecin du travail n'est pas subordonnée à la décision préalable du conseil de prud'hommes sur le recours formé contre l'avis de ce médecin.
♦ Harcèlement sexuel d’ambiance - Délit
Cass. crim., 12 mars 2025, n° 24-81.644, F-B N° Lexbase : A524464Y : des propos à connotation sexuelle ou sexiste adressés à plusieurs personnes, ou de tels comportements adoptés devant plusieurs personnes, qui sont susceptibles d'être imposés à chacune d'entre elles, peuvent être pris en compte pour caractériser le délit de harcèlement sexuel.
Pour aller plus loin : sur cet arrêt, lire M. Giroud, La reconnaissance du harcèlement sexuel « environnemental ou d’ambiance », Lexbase Pénal, mars 2025, n° 80 N° Lexbase : N1926B3Q. |
♦ Non-déclaration de l’indemnité de rupture conventionnelle - Fraude fiscale
Cass. crim., 19 mars 2025, n° 23-80.827, F-D N° Lexbase : A50060BZ : dès lors que le caractère imposable de l'indemnité transactionnelle est subordonné à la validité de la rupture conventionnelle, il incombe aux juges du fond de déterminer, par tous moyens de preuve, si un exemplaire de la convention de rupture a été remis au salarié.
♦ Preuve - Témoignage anonymisé
Cass. soc., 19 mars 2025, n° 23-19.154, FP-B+R N° Lexbase : A502568M : le juge ne peut pas fonder sa décision uniquement ou de manière déterminante sur des témoignages anonymes. La jurisprudence considère donc que le seul témoignage anonyme ne suffit pas pour prouver une faute justifiant un licenciement.
Mais si le juge ne peut fonder sa décision uniquement ou de manière déterminante sur des témoignages anonymes, il peut néanmoins prendre en considération des témoignages anonymisés, c'est-à-dire rendus anonymes a posteriori afin de protéger leurs auteurs mais dont l'identité est néanmoins connue par l'employeur, lorsque ceux-ci sont corroborés par d'autres éléments permettant d'en analyser la crédibilité et la pertinence.
Ce principe vient d'être réaffirmé par la Cour de cassation dans une affaire de harcèlement.
♦ Présomption de démission pour abandon de poste - Salarié protégé
CA Paris, 6-2, 6 mars 2025, n° 24/02319 N° Lexbase : A3413648 : le contrat de travail d’un salarié protégé ne peut être rompu par l’employeur sans autorisation de l’inspection du travail. L’employeur doit-il alors saisir l’inspection du travail en cas de mise en œuvre de la présomption de démission pour abandon de poste par un salarié protégé ? Telle est la question à laquelle une juridiction a eu à répondre pour la première fois.
La cour d’appel de Paris a ainsi rappelé que le statut protecteur ne s'applique pas lorsque le salarié décide de rompre unilatéralement son contrat de travail, ce qui s'explique par le fait que la rupture résulte de la seule volonté du salarié et ne fait pas intervenir l'employeur. Elle a jugé, revanche, que la présomption légale de démission en cas d'abandon de poste, qui fait intervenir l'employeur dans la rupture du contrat de travail, ne dispense pas ce dernier de solliciter l'inspection du travail pour un salarié protégé, d'autant plus que le salarié présumé avoir démissionné doit avoir « abandonné volontairement son poste », ce qui n'était pas applicable en l'espèce au salarié qui avait été mis à pied à titre conservatoire par l'employeur.
Affaire à suivre pour voir comment va se positionner la Cour de cassation sur le sujet...
♦ Télétravail - Indemnité d’occupation du domicile
Cass. soc., 19 mars 2025, n° 22-17.315, FP-B N° Lexbase : A503168T : l'occupation du domicile du salarié à des fins professionnelles constitue une immixtion dans sa vie privée, de sorte qu'il peut prétendre à une indemnité à ce titre dès lors qu'un local professionnel n'est pas mis effectivement à sa disposition ou qu'il a été convenu que le travail s'effectue sous la forme du télétravail.
L'action en paiement de cette indemnité qui compense la sujétion résultant de cette modalité d'exécution du contrat de travail est soumise à la prescription biennale et non quinquennale.
♦ Télétravail - Indemnité d’occupation du domicile
CA Toulouse, 13 mars 2025, n° 22/03293 N° Lexbase : A530367K : une salariée en télétravail reçoit, durant ses horaires de travail, un appel téléphonique de son responsable, pour lui annoncer une réorganisation de son service avec un rétablissement de relations professionnelles entre la salariée et son ancien supérieur avec lequel elle avait eu un contentieux.
À la suite de cette annonce, elle s'est sentie très mal et a décidé de voir son médecin en urgence. Le certificat médical mentionne un état anxio-dépressif réactionnel.
Après instruction, la prise en charge de l'accident au titre de la législation professionnelle est refusée par la CPAM.
La cour d'appel ne l'entend pas de la même manière et reconnaît le caractère professionnel de l'accident.
L'événement soudain est survenu pendant le temps et sur le lieu du travail. Et une lésion soudaine en est résulté : des lésions psychiques.
2) Droit de la protection sociale
♦ Cotisations sociales - Prime de panier
Cass. civ. 2, 30 janvier 2025, n° 22-20.960, F-D N° Lexbase : A24166TN : l’indemnité de restauration sur le lieu de travail est exonérée de cotisations, pour la fraction qui n'excède pas un certain montant (7,40 € en 2025), lorsque le salarié est contraint de prendre son repas sur son lieu de travail, en raison de conditions particulières d'organisation ou d'horaires de travail, telles que travail en équipe, travail posté, travail continu, travail en horaire décalé ou travail de nuit.
La Cour de cassation considère que ce principe est applicable même lorsque les conditions particulières d'organisation ou d'horaires de travail ne correspondent pas forcément à du travail en équipe, du travail posté, du travail continu, du travail en horaire décalé ou du travail de nuit. Tel est le cas lorsque les salariés travaillent en journée et ne disposent que d'une pause repas de 30 minutes, ce qui les contraint à se restaurer sur leur lieu de travail en raison de conditions particulières d'horaires de travail.
II. Actualités normatives
1) Journal officiel de la République française (JORF)
a. Lois et ordonnances
[…]
b. Décrets et projets de décrets
♦ Interdiction de fumer et vapoter au travail - Amende
Décret n° 2025-68 du 25 janvier 2025, relatif à la sûreté dans les transports publics N° Lexbase : L4323MXE : depuis le 27 janvier 2025, l’infraction à l’interdiction de fumer et de vapoter dans les lieux de travail fermés et couverts à usage collectif est passible de l’amende prévue pour les contraventions de 4ème classe, soit 750 € (C. santé publ., art. R. 3515-2 N° Lexbase : L2369MSK).
♦ Entreprises en difficulté - APLD Rebond
Projet de décret relatif à l’APLD Rebond : la loi de finances pour 2025 N° Lexbase : L4133MSU a créé un nouveau dispositif d'activité partielle de longue durée, dit « Rebond » (APLD-R).
L'objectif est de maintenir des salariés dans l'emploi pendant plusieurs mois lorsque leur entreprise rencontre des difficultés, sans menace de sa pérennité à long terme.
Le dispositif sera mis en œuvre sur la base d’un accord collectif conclu au niveau de l’établissement, de l’entreprise ou du groupe, ou d’un document unilatéral de l’employeur s’appuyant sur un accord de branche étendu.
Il pourra être mobilisé par les entreprises pour une durée pouvant aller jusqu’à 18 mois, consécutifs ou non, sur une période de référence de 24 mois consécutifs.
La réduction de l’horaire de travail ne pourra pas dépasser 40 % de la durée légale de travail ou 50 % dans des cas exceptionnels et sur autorisation.
L’indemnité d’activité partielle à verser au salarié sera de :
L’employeur percevra, pour chaque heure indemnisée, une allocation égale à 60 % de la rémunération horaire brute de référence, retenue dans la limite de 4,5 SMIC.
Le dispositif sera applicable aux accords transmis à l’administration entre le 1er mars 2025 et le 28 février 2026.
♦ Offre raisonnable d’emploi
Décret n° 2025-252 du 20 mars 2025, relatif aux éléments constitutifs de l'offre raisonnable d'emploi N° Lexbase : L9901M89 : le contrat d'engagement signé par les demandeurs d'emploi définit les éléments constitutifs de l'offre raisonnable d'emploi que le demandeur d'emploi est tenu d'accepter. Les éléments constitutifs de l'offre raisonnable d'emploi comprennent la nature et les caractéristiques de l'emploi ou des emplois recherchés, la zone géographique privilégiée et le salaire attendu.
Un décret est venu préciser que, pour la détermination de ces éléments, la zone géographique privilégiée est délimitée au sein du territoire national et le salaire attendu est défini en cohérence avec le salaire normalement pratiqué pour l'emploi ou les emplois recherchés dans cette zone, compte tenu, le cas échéant, de l'expérience du demandeur d'emploi.
♦ Professions agricoles - Tableau des maladies professionnelles
Décret n° 2025-236 du 12 mars 2025, révisant et complétant le tableau de maladies professionnelles n° 22 annexé au livre VII du Code rural et de la pêche maritime N° Lexbase : L9057M8X : le tableau de maladies professionnelles n° 22, relatif aux affections consécutives à l'inhalation de poussières minérales renfermant de la silice cristalline, ou des silicates cristallins dans les professions agricoles, est modifié.
Il détermine les conditions de prise en charge au titre des maladies professionnelles, ainsi que la liste des travaux susceptibles de provoquer ces pathologies en milieu agricole.
♦ CDD d’usage - Nouveau secteur d’activité
Décret n° 2025-263 du 21 mars 2025, pris pour modification de l'article D. 1242-1 du Code du travail N° Lexbase : L9571IE9 et relatif aux secteurs d'activité dans lesquels il peut être recouru au contrat à durée déterminée d'usage N° Lexbase : L9923M8Z : ce texte complète la liste des secteurs d'activité dans lesquels il est d'usage constant de ne pas recourir au CDI, en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois, en y ajoutant les activités de soutien des forces armées à l'étranger pour lesquelles un CDD d'usage peut donc être conclu depuis le 24 mars 2025.
♦ Apprentissage - Exonération de cotisations salariales
Décret n° 2025-290 du 28 mars 2025, relatif à l'abaissement du seuil d'exonération des cotisations salariales des apprentis N° Lexbase : L1116M99 : ce texte prévoit l'exonération des apprentis de la totalité des cotisations salariales d'origine légale et conventionnelle pour la part de leur rémunération inférieure ou égale à 50 % du SMIC en vigueur, contre 79 % de ce salaire minimum auparavant. Le décret s'applique aux cotisations salariales dues au titre des contrats d'apprentissage conclus à compter du 1er mars 2025.
♦ Apprentissage transfrontalier
Décret n° 2025-289 du 28 mars 2025, relatif à l'apprentissage transfrontalier N° Lexbase : L1121M9E : ce texte précise les modalités de mise en œuvre de l'apprentissage transfrontalier, selon que le contrat d'apprentissage est établi dans le pays frontalier ou sur le territoire national.
♦ Revalorisation du RSA - Prime d'activité
Décret n° 2025-293 du 29 mars 2025, portant revalorisation du montant forfaitaire du revenu de solidarité active N° Lexbase : L1124M9I ; Décret n° 2025-294 du 29 mars 2025 portant revalorisation du montant forfaitaire de la prime d'activité N° Lexbase : L1125M9K ; Décret n° 2025-292 du 29 mars 2025, relatif au calcul de la prime d'activité N° Lexbase : L1117M9A : plusieurs décrets, publiés au Journal officiel du 30 mars 2025, revalorisent certains minima sociaux. Ainsi, le montant forfaitaire mensuel du revenu de solidarité active (RSA), applicable à un foyer bénéficiaire composé d’une personne seule, est fixé à 646,52 euros à compter du 1er avril 2025. S'agissant du montant forfaitaire mensuel de la prime d’activité, applicable à un foyer bénéficiaire composé d’une personne seule, est fixé à 633,21 euros à compter du 1er avril 2025. Enfin, la fraction des revenus professionnels mentionnée au 1° de l’article L. 842-3 du Code de la Sécurité social est désormais égale à 59,85 % (au lieu de 61 %).
c. Arrêtés
♦ Avantages en nature véhicules - Règles d’évaluation
Arrêté du 25 février 2025, relatif à l'évaluation des avantages en nature pour le calcul des cotisations de sécurité sociale des salariés affiliés au régime général et des salariés affiliés au régime agricole N° Lexbase : L7248M8X : cet arrêté se substitue à l’arrêté du 10 décembre 2002, qui régissait l’évaluation des avantages en nature jusqu’à présent. Si rien ne change pour les avantages en nature logement, nourriture ou NTIC, les règles d’évaluation de l’avantage en nature véhicules sont modifiées depuis le 1er février 2025.
L’employeur conserve le choix d’une évaluation sur la base des dépenses réellement engagées ou d’une évaluation forfaitaire. Les règles d’évaluation sur la base des dépenses réellement engagées ne sont pas modifiées.
En revanche, les règles d’évaluation forfaitaire sont modifiées pour les véhicules mis à disposition des salariés depuis le 1er février 2025 : les pourcentages des différentes modalités d’évaluation forfaitaire augmentent.
Pour les véhicules mis à disposition avant le 1er février 2025, les anciennes règles d’évaluation continuent à s’appliquer.
Des règles dérogatoires sont prévues jusqu’au 31 décembre 2027 pour les véhicules fonctionnant exclusivement à l’électrique.
Enfin, les règles dérogatoires prévues pour la mise à disposition d’une borne de recharge électrique de véhicules aux salariés sont prolongées jusqu’au 31 décembre 2027.
♦ Inspection du travail - Analyse d’agents chimiques dangereux
Arrêté du 26 février 2025, relatif aux conditions d'accréditation des organismes et aux méthodes de prélèvement et d'analyse de toutes matières, y compris substances, mélanges, matériaux, équipements, matériels ou articles susceptibles de comporter ou d'émettre des agents chimiques dangereux réalisés à la demande de l'agent de contrôle de l'inspection du travail N° Lexbase : L8418M8B : l'agent de contrôle de l'inspection du travail peut à demander à l'employeur de faire procéder à l'analyse de toutes matières, y compris des substances, mélanges, matériaux, équipements, matériels ou articles susceptibles de comporter ou d'émettre des agents chimiques dangereux pour les travailleurs, afin d'en connaître la composition et les effets sur l'organisme humain.
Un arrêté du 26 février 2025 définit les modalités de prélèvement et d'analyse des matières susceptibles de comporter ou d'émettre des agents chimiques dangereux, les conditions d'accréditation des organismes compétents et désigne l'organisme habilité à procéder à cette analyse en l'absence d'organismes accrédités. Il est entré en vigueur le 1er avril 2025.
♦ Avis d’aptitude et attestations - Modèles
Arrêté du 3 mars 2025, modifiant l'arrêté du 16 octobre 2017, fixant le modèle d'avis d'aptitude, d'avis d'inaptitude, d'attestation de suivi individuel de l'état de santé et de proposition de mesures d'aménagement de poste N° Lexbase : L9292M8N : On s'en souvient ... un arrêté du 26 septembre 2024 avait fixé de nouveaux modèles d’avis d’aptitude, d’avis d’inaptitude, d’attestation de suivi individuel de l’état de santé et de proposition de mesures d’aménagement de poste délivrés par les professionnels de santé des services de prévention et de santé au travail à l’issue des différents types d’examens et de visites réalisés dans le cadre du suivi individuel de l’état de santé des salariés. Le texte était d'application immédiate. Mais un second arrêté du 5 novembre 2024 était venu abroger l'arrêté du 26 septembre, reportant ainsi l'entrée en vigueur des nouveaux avis…
Un nouvel arrêté du 3 mars 2025, publié au Journal officiel du 15 mars 2025, rétablit les nouveaux modèles qui seront donc applicables à partir du 1er juillet 2025.
Principales nouveautés :
Cette attestation intègre désormais la visite post-exposition, la visite post-professionnelle et la visite de mi-carrière.
Sur l'avis d'inaptitude, la partie « dispense de l'obligation de reclassement » mentionne les 2 cas de dispense : « Tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé » et « L'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi ». L’avis précise désormais que ces deux cas de dispense de l'obligation de reclassement constituent des « cas exceptionnels privant le salarié de son droit à reclassement par l'employeur et actant son licenciement sans consultation du CSE sur les propositions de reclassement ».
♦ Transports routiers - Horaire de service et livret individuel de contrôle
Arrêté du 6 mars 2025, relatif à l'horaire de service et au livret individuel de contrôle dans les transports routiers N° Lexbase : L9617M8P : ce texte vient compléter les dispositions du Code des transports relatives à l'horaire de service et au livret individuel de contrôle, permettant de contrôler la durée du travail des personnels de conduite exécutant des transports routiers de marchandises ou de déménagement.
♦ Travailleurs handicapés - Entreprises adaptées - Critères de recrutement
Arrêté du 12 mars 2025, relatif aux critères des recrutements opérés par les entreprises adaptées et par les entreprises adaptées de travail temporaire et susceptibles d'ouvrir droit aux aides financières de l'Etat N° Lexbase : L9285M8E : ce texte définit les nouveaux critères et conditions de recrutement pour les entreprises adaptées afin de bénéficier des aides financières de l'Etat, en mettant l'accent sur l'emploi des personnes handicapées et en précisant les situations et qualifications qui rendent ces personnes éligibles.
♦ Versement de santé - Paramètres de calcul pour 2025
Arrêté du 19 mars 2025, fixant pour 2025 le montant du versement mentionné à l'article L. 911-7-1 du Code de la Sécurité sociale N° Lexbase : L0020M9M : ce texte revalorise le montant de référence servant au calcul du versement santé pour 2025.
Le montant de référence correspond en principe, pour la période concernée, à la contribution que l’employeur aurait versée pour la couverture collective de la catégorie de salariés à laquelle il appartient. Lorsque le montant de la contribution de l’employeur ne peut pas être déterminé pour la catégorie à laquelle appartient le salarié, le montant de référence forfaitaire est fixé annuellement par arrêté. Pour 2025, il est fixé à 21,50 € (7,18 € pour les salariés relevant du régime local d’Alsace-Moselle).
d. Mises à jour du BOSS
BOSS, actualités, mises à jour du 12 mars 2025 :
e. Circulaires
[…]
f. Communiqués
♦ Guide pratique du fait religieux
Min. Travail, actualités, 12 mars 2025 : le ministère du Travail a publié un guide sur le fait religieux en entreprise, décliné en deux versions, l’une adressée aux salariés et candidats à un emploi, l’autre aux employeurs. Il a pour vocation de permettre une gestion apaisée du fait religieux dans l’entreprise, dans la connaissance et le respect des droits et devoirs de chacun. Il reprend les notions clés et rappelle aux employeurs qu'il est possible d'introduire dans le règlement intérieur des dispositions instaurant une neutralité au sein de l’entreprise, conduisant à limiter l’expression de l’ensemble de ses convictions personnelles, notamment religieuses, des salariés, sous certaines conditions de justification et de proportionnalité, mais également de contexte de l’entreprise et de procédure.
♦ Index égalité professionnelle - Résultats de l’édition 2025
Min. Travail, actualités, 7 mars 2025 : le ministère du Travail a publié les résultats de l’édition 2025 de l’index égalité professionnelle. Les résultats de l'index sont encore cette année en progression depuis sa mise en place. Au 1er mars 2025, 80 % des entreprises concernées ont publié leur note. La note moyenne déclarée par les entreprises progresse légèrement à un haut niveau avec 88,5/100 en 2025, contre 88/100 en 2024. Elle a augmenté de 4 points depuis 2020.
♦ Travailleurs indépendants – taux et barèmes 2025
URSSAF, Guide du bonus-malus d’assurance chômage, février 2025 : l’URSSAF a publié la 9ème version de son guide du bonus-malus d’assurance chômage.
♦ Arrêt maladie - Indemnisation
Gouvernement, Actualités, 25 mars 2025 : à compter du 1er avril 2025, les conditions d'indemnisation de la prise en charge des arrêts maladie changent pour les salariés du secteur privé. Le salaire plafond sera abaissé à 1,4 fois le Smic.
♦ Santé au travail - Guide pour les comité régionaux de reconnaissance des maladies professionnelles
Min. Travail, actualités, 31 mars 2025 : le ministère du Travail a annoncé la publication d'une version actualisée du guide pour les comités régionaux de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP). Ce guide aide les médecins siégeant dans les CRRMP dans leurs décisions relatives à la reconnaissance des maladies professionnelles. Sa mise à jour du 24 mars 2025 succède à la précédente de 2022.
♦ Arrêt maladie - Indemnisation
Unédic, Actualités, 1er avril 2025 : le 1er avril 2025, de nouvelles règles d’assurance chômage, négociées par les partenaires sociaux en 2024, entrent en vigueur. Elles s’appliquent aux demandeurs d’emploi dont le contrat de travail prend fin ou dont la procédure de licenciement est engagée à compter de cette date.
g. Autres
[…]
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Réf. : CA Paris, pôle 5, chambre 11, 24 janvier 2025, n° 21/10238 N° Lexbase : A9326659
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par Gaëlle Deharo, Full Professor – droit privé, ESCE International Business School CRJP, IRJS Paris 1 Panthéon Sorbonne, Omnes Education Research Center
Le 02 Avril 2025
Mots clés : avocats • déontologie • secret professionnel • google drive • détention d'images
Un avocat avait déposé sur son Google Drive le dossier pénal d’un client dont il assurait la défense. La société Google ayant identifié des images de mineurs à caractère pornographique a procédé à la suppression du compte. L’avocat en sollicitait la restauration et arguait de la mise en œuvre indue de la clause résolutoire. Confirmant le jugement de première instance, la cour d’appel relève que l’avocat « ne peut valablement soutenir l’obligation pour la société Google de rechercher la détention légitime par un avocat d’images de mineurs à caractère pornographique issues d’un dossier pénal, ce qui reviendrait à autoriser à un tiers l’accès à des contenus couverts par le secret professionnel et le secret de l’instruction ».
L’usage du numérique a profondément transformé l’organisation [1] et l’exercice de la profession d’avocat [2]. Aux épais dossiers papiers a succédé le cloud computing permettant de stocker des documents qui deviennent accessibles depuis n’importe quel terminal connecté à internet [3], aux lettres manuscrites se sont ajoutés les e-mails et messages whatsapp [4] permettant une diffusion rapide et groupée, à la communication feutrée s’est ajoutée la pratique des « avocats influenceurs » [5], au temps long nécessaire à l’assimilation de l’information s’est substituée l’instantanéité et le scrolling des ressources numériques a remplacé les pages tournées [6]. Indéniablement, les pratiques évoluent et l’usage du numérique transforme, facilite et fluidifie l’activité des avocats [7]. Cette « intelligence numérique », consistant à utiliser les meilleurs outils et méthodes pour optimiser l’organisation et la gestion des cabinets, pose cependant la question de ses limites au regard des règles déontologiques régissant la profession.
Selon le Règlement Intérieur National (RIN), en effet, l’avocat est soumis aux principes essentiels de sa profession, qui guident son comportement en toutes circonstances : dignité, conscience, indépendance, probité, humanité, honneur, loyauté, égalité, non-discrimination, désintéressement, confraternité, délicatesse, modération, courtoisie, compétence, dévouement, diligence et prudence [8]. L’existence de ces règles oblige les nouvelles pratiques [9] : l’avocat doit exercer son activité professionnelle dans des conditions matérielles conformes aux usages et dans le respect des principes essentiels de la profession. Il doit aussi veiller au strict respect du secret professionnel [10].
Pourtant, l’usage des plateformes numériques de stockage vient « perturber » la déontologie [11]. Omniprésentes dans la vie quotidienne, les plateformes numériques telles que Google Drive, One Drive ou encore icloud permettent l’accès en tous lieux, facilitent le partage et assurent la protection des documents. Très utilisées dans des environnements très divers, ces plateformes posent cependant la question de leur compatibilité avec les principes essentiels de la profession d’avocat.
En l’espèce, un avocat de la défense avait stocké sur Google Drive des dossiers numérisés comprenant notamment des images de mineurs à caractère pornographique. Relevant la présence de ces images, la société Google avait désactivé le compte de l’avocat au motif qu’il semblait être utilisé d’une manière enfreignant gravement les règles de Google et procédé à un signalement auprès des autorités chargées de la lutte contre l’exploitation sexuelle des mineurs. Après avoir mis en demeure la société Google [12] de rétablir l’accès à son compte, l’avocat avait assigné la société Google devant le tribunal judiciaire de Paris afin de voir ordonner sous astreinte la réactivation de son compte, la justification de l’information aux autorités américaines que les fichiers sont issus de procédures pénales et légalement stockés sur le compte Google Drive, la réalisation des diligences nécessaires auprès des autorités américaines pour retirer le signalement et la condamnation de la société Google au paiement d’indemnités correspondant aux préjudices professionnel et personnel. Le tribunal judiciaire avait cependant rejeté ces demandes et jugé que la présence des fichiers pédopornographiques hébergés sur le compte Google Drive justifiait la mise en œuvre de la clause résolutoire par la société Google.
L’avocat avait interjeté appel de ce jugement. Il soutenait, notamment, que la société Google avait indûment mis en œuvre la clause résolutoire et arguait d’un préjudice personnel et professionnel consécutif à la suppression de son compte, dont il sollicitait la restauration. Il arguait, dans cette perspective, de la légitimité de la détention des images dans le cadre d’un dossier pénal en défense (I), la cour d’appel n’a cependant pas fait droit à ces arguments. À l’issue d’une analyse contractualiste de la situation (II), elle retient que l’avocat « ne peut valablement soutenir l’obligation pour la société Google de rechercher la détention légitime par un avocat d’images de mineurs à caractère pornographique issues d’un dossier pénal, ce qui reviendrait à autoriser un tiers l’accès à des contenus couverts par le secret professionnel et le secret de l’instruction ».
I. La légitimité de la détention des images au titre de l’exercice de la défense alléguée
L’avocat soutenait en l’espèce que la légitimité de la détention des images tirée de l’exercice des droits de la défense interdisait la mise en œuvre de la clause résolutoire. En conséquence, la société Google aurait dû rechercher les raisons pour lesquelles il détenait ces images en procédant à une analyse intellectuelle de la situation (A). Cet argument est rejeté par la cour d’appel de Paris (B).
A. L’exigence d’une analyse intellectuelle invoquée
En l’espèce, la cour d’appel de Paris était interrogée sur l’équilibre à trouver entre les impératifs légitimes tirés de la lutte contre l’exploitation sexuelle des mineurs et l’exercice des droits de la défense. Alors que la société Google justifiait la mise en œuvre de la clause résolutoire et la désactivation du compte de l’avocat par ses obligations au regard de la lutte contre l’exploitation sexuelle des mineurs, l’avocat entendait démontrer l’absence de toute violation des conditions d’utilisation de Google Drive en raison de la détention légitime des contenus litigieux. Il imputait encore à la société Google l’obligation de contrôler si les contenus avaient été importés à des fins légitimes et soutenait que l’exercice des droits de la défense non seulement légitimait la détention des images, mais en outre constituait une exception à l’application des conditions particulières de Google. Il concluait que la société Google n’avait aucune obligation de désactiver le compte pour respecter ses obligations légales et que celle-ci était par conséquent fautive. Enfin, il avançait que le fait de détenir légalement les pièces constitutives d’un dossier pénal dans un espace de stockage privé n’est pas de nature à cause un préjudice à des tiers ou aux victimes de ces faits.
Cette argumentation était soutenue par l’Ordre des avocats au barreau de Paris qui relevait que « le jugement a considéré à tort que la qualité d’avocat ne pouvait pas entrer dans les prévisions contractuelles comme une exception aux règles d’utilisation de Google ». Intervenant volontaire à la procédure, l’Ordre des avocats arguait de ce qu’il « appartenait à la société Google d’effectuer un travail d’appréciation circonstanciée des faits pour déterminer si d’autres considérations pouvaient la conduire à ne pas faire application de son régime de sanctions ceci, alors d’une part, que la détention de fichiers liés à l’exercice de la défense par un avocat est une cause légitime exclusive de finalité illicite et, d’autre part, que les droits de la défense constituent un enjeu important pour le public ».
Par la décision du 24 janvier 2025, la cour d’appel de Paris répond par la négative. Elle rejette l’argumentation de l’avocat et confirme le jugement de première instance. Elle relève en premier lieu que « prise en sa qualité d’hébergeur, il incombait à la société Google l’obligation légale de lutter contre la prolifération de la pornographie enfantine sur ses services ». Aussi, « si l’usage professionnel des images peut être légitime, l’usage à la fois privé et professionnel du compte ne permettait pas à la plateforme d’apprécier l’usage professionnel des fichiers litigieux ». Enfin, « la qualité d’avocat ne suffit pas, par elle-même, à justifier la détention légitime des contenus litigieux ».
La cour d’appel marque ainsi une distinction entre la qualité d’avocat et l’exercice des droits de la défense : ce n’est pas tant la qualité professionnelle que l’exercice des droits de la défense qui serait susceptible de légitimer la détention des images. Celle-ci ne pouvait donc être appréciée qu’à partir de l’analyse des documents stockés, mais l’imputation à la société Google d’une obligation d’analyser de manière circonstanciée les raisons pour lesquelles un utilisateur détient des images de mineurs à caractère pornographique se heurte à deux écueils :
Aussi, la cour vient juger que l’avocat ne « peut valablement soutenir l’obligation pour la société Google de rechercher la détention légitime par un avocat d’images de mineurs à caractère pornographique issues d’un dossier pénal, ce qui reviendrait à autoriser à un tiers l’accès à des contenus couverts par le secret professionnel et le secret de l’instruction en violation de l’article 11 du Code de procédure pénale et dont seule l’autorité judiciaire ayant délivré les copies pénales est compétente pour apprécier la légalité en applications des articles 114 et 288-4 du Code de procédure pénale ». La solution ne peut qu’être approuvée.
B. Le secret professionnel protégé
L’avocat posait à la cour d’appel la question de savoir si l’atteinte portée aux droits de la défense par la mise en œuvre de la clause résolutoire suffit à imputer à la société Google une obligation préalable de vérification ? L’argumentation développée au soutien de ses prétentions entendait démontrer l’existence d’une obligation pesant sur Google de procéder à une vérification des raisons pour lesquelles un utilisateur, avocat, détenait ces images. Cette démonstration pouvait cependant difficilement résister à l’analyse.
Selon les règles déontologiques, le secret et la confidentialité s’imposent à l’avocat [13], dès le début de sa formation [14] et sous la peine prévue par l’article 226-13 du Code pénal N° Lexbase : L5524AIG. L’obligation est générale, et l’article 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 N° Lexbase : L6343AGZ, contraint l’avocat à respecter le secret professionnel en toutes matières [15]. Plus spécifiquement, le RIN et le décret n° 2023-552 du 30 juin 2023, portant Code de déontologie des avocats N° Lexbase : L4042MYD, précisent que le secret professionnel de l’avocat est d’ordre public, général, absolu et illimité dans le temps [16]. Il couvre, en toute matière, dans le domaine du conseil ou celui de la défense, toutes les pièces du dossier, quels qu’en soient les supports, matériels ou immatériels (papier, télécopie, voie électronique …). L’avocat doit encore respecter le secret de l’enquête et de l’instruction en matière pénale, en s’abstenant de communiquer, sauf pour l’exercice des droits de la défense, des renseignements extraits du dossier, ou de publier des documents, pièces ou lettres intéressant une enquête ou une information en cours. Il ne peut transmettre de copies de pièces ou actes du dossier de la procédure à son client ou à des tiers que dans les conditions prévues par la loi [17].
Dans sa pratique, l’avocat doit veiller au strict respect du secret [18]. Cela entraîne plusieurs conséquences en l’espèce.
En écartant la justification tirée de la seule qualité d’avocat, la cour d’appel plaçait logiquement l’exercice des droits de la défense au cœur du débat. Or « l’analyse intellectuelle de la détention de fichiers litigieux à des fins légitimes n’étant pas requises », la société Google n’avait pas à prendre en compte la cause de la détention des images litigieuses si bien que « la seule présence matérielle des 77 images d’images de mineurs à caractère pornographique sur le compte Google Drive [de l’avocat] portant atteinte aux droits des victimes est sanctionnée tant par la loi que par les conditions particulières de Google Drive de sorte que la société Google pouvait légitimement se prévaloir de la clause résolutoire ». C’est une contravention matérielle aux règles applicables qui est ainsi caractérisée : la détention des images, quelle qu’en soit la raison ou la finalité, justifiait la mise en œuvre de la clause résolutoire en application de la relation contractuelle unissant l’utilisateur du compte et la société Google.
II. L’analyse contractualiste retenue
En l’espèce, c’est la mise en œuvre de la clause résolutoire prévue par le contrat conclu entre l’utilisateur de Google Drive et la société Google qui a entraîné la désactivation du compte (A). L’espèce vient ainsi souligner les risques pour un avocat à adopter des pratiques consistant à héberger des dossiers sur des plateformes privées qui n’offrent pas les garanties déontologiques requises (B).
A. La qualité d’avocat écartée au profit de la qualité de partie au contrat
En l’espèce, l’argumentation de l’avocat qui entendait démontrer l’absence de toute violation des conditions d’utilisation de Google Drive en raison de la détention légitime des contenus litigieux est rejetée par la cour d’appel qui considère que la désactivation du compte n’est pas fautive.
La cour souligne l’acceptation, par l’avocat, des conditions générales et particulières d’utilisation de la plateforme ainsi que les conditions supplémentaires de la plateforme Google Drive. Plusieurs conséquences en découlent.
La violation de l’interdiction de stocker les images justifiait donc la mise en œuvre de la clause résolutoire sans que la qualité d’avocat ni l’exercice des droits de la défense n’aient à intervenir dans l’analyse contractualiste. La cour d’appel rejette donc assez logiquement l’argumentation de l’avocat : « si les droits de la défense peuvent constituer un enjeu important pour le public, les conditions contractuelles d’utilisation des comptes Gmail ou Google ne permettent pas de présumer la détention légitime d’images de mineurs à caractère pornographique par la seule qualité professionnelle du titulaire de ces contrats ».
B. L’usage d’une plateforme privée pour les activités de l’avocat : un manquement déontologique ?
L’avocat reprochait à la société Google d’avoir agi avec une légèreté blâmable en signalant les contenus détenus par l’avocat aux autorités américaines. La cour, afin d’assurer l’articulation des droits de la défense et les nécessités de lutter contre l’exploitation sexuelle des mineurs, constate la légitimité de la détention de ces images afin « de prévenir le risque hypothétique que l’avocat soit abusivement mis en cause sur un territoire étranger sur les faits dénoncés ».
Réciproquement, il faut se poser la question de savoir si l’usage d’une plateforme privée pour l’activité professionnelle d’un avocat ne constitue pas en soi un manquement déontologique. La réponse est probablement positive.
Au-delà de la violation du secret professionnel et du secret de l’instruction caractérisés par l’autorisation donnée à un tiers lors de l’acceptation des conditions d’utilisation de la plateforme d’accéder au dossier, cette décision souligne les risques déontologiques, professionnels, personnels et procéduraux liés à l’usage d’une plateforme inadaptée pour stocker les éléments de la procédure.
Du point de vue de l’extraterritorialité, le stockage des dossiers sur une plateforme gérée par un opérateur économique américain interroge. Il y a quelque chose d’embarrassant à admettre qu’une société américaine intervienne, fut-ce indirectement, dans l’exercice de la mission de justice en France.
Du point de vue de l’intelligence économique, le stockage des dossiers par l’avocat, confident nécessaire de son client [19], peut conduire à donner à un opérateur économique américain un accès direct à des éléments couverts par le secret des affaires et confiés à l’avocat.
Du point de vue déontologique enfin, on peut douter que l’avocat ait agi avec la prudence nécessaire au regard des garanties attendues pour protéger la confidentialité des pièces du dossier.
Cette solution de la cour d’appel, très équilibrée et didactique, place le secret au centre du débat [20] et alerte sur les risques inhérents à l’usage des plateformes privées pour le stockage des dossiers.
[1] F. Girard de Barros, L'optimisation de la stratégie et de l'organisation du cabinet d'avocats par l'utilisation des outils, logiciels et solutions informatiques, Lexbase Avocats, juin 2012 N° Lexbase : N2192BTD.
[2] E. Le Quellenec, Loi 'Justice' : évolution ou révolution numérique pour les avocats ?, Lexbase Avocats, avril 2019 N° Lexbase : N8474BX7.
[3] H. de la Motte Rouge, Déontologie et informatique : les avocats nagent dans les nuages, Lexbase Avocats, novembre 2011 N° Lexbase : N8739BSH.
[4] E. Le Quellenec, Un avocat peut-il échanger avec son client via Whatsapp ?, Lexbase Avocats, juillet 2022 N° Lexbase : N1991BZR.
[5] H. Coutard, Nadia El Bourimi, Une avocate de la défense au procès des viols de Mazan qui s’attire les critiques, Le Monde, 25 septembre 2024. Voir également sur la captation d’images de la salle d’audience et la compatibilité des professions d’avocat et de « coach de vie » : M. d’Adhémar, Coaching, captation d’images : Nadia El Bouroumi, l’avocate polémique du procès des viols de Mazan, sous la menace d’une suspension, Le Figaro, 25 février 2025.
[6] S. Cazaillet, Naissance de la Grande bibliothèque du droit : les avocats ont leur plateforme d'information juridique dédiée - Questions à Emmanuel Pierrat, Avocat associé au sein du cabinet Pierrat et membre du Conseil de l'Ordre de Paris, Lexbase Avocats, avril 2014 N° Lexbase : N1614BUC.
[7] Lancement par le CNB d'une plateforme numérique de consultation juridique pour les avocats, Lexbase Avocats, septembre 2015 N° Lexbase : N8514BUU.
[8] RIN, art. 1.3.
[9] T. Allain, Table ronde – La déontologie de l’avocat à l’ère du numérique N° Lexbase : N5485BZ8, Lexbase Avocats, juin 2023
[10] RIN, art. 15.1. Adde, RIN, art. 16.3, 18.5, 19.2 et 19.4.2.
[11] B. Chaffois, La déontologie des avocats à l’ère du numérique, Lexbase Avocats, juin 2023 N° Lexbase : N5478BZW.
[12] La procédure était en l’espèce dirigée contre les sociétés Google France et Google Ireland, rassemblées sous la dénomination « la société Google » dans les développements qui suivent.
[13] A. Seid Algadi, Fondements du secret professionnel de l'avocat, Lexbase Avocats, avril 2015 N° Lexbase : N6541BUS. D. Landry, Le secret professionnel de l’avocat : 50 ans après, Lexbase Avocats, février 2022 N° Lexbase : N0210BZS. F. Girard de Barros, L'avocat et le secret professionnel, Lexbase Avocats, juillet 2011 N° Lexbase : N7004BS9. A. -L. Lonné, Le RIN passé au crible de la jurisprudence 2009-2010, Le secret professionnel, Lexbase Avocats, septembre 2010 N° Lexbase : N0895BQ9.
[14] Loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, art. 66-5 : « La personne admise à la formation est astreinte au secret rofessionnel pour tous les faits et actes qu'elle a à connaître au cours de sa formation et des stages qu'elle accomplit auprès des professionnels, des juridictions et des organismes divers. Dès son admission à la formation, elle doit, sur présentation du président du conseil d'administration du centre régional de formation professionnelle, prêter serment devant la cour d'appel dans le ressort de laquelle le centre a son siège, en ces termes : ‘Je jure de conserver le secret de tous les faits et actes dont j'aurai eu connaissance en cours de formation ou de stage’ ».
[15] F. Girard de Barros, L'avocat et le secret professionnel, Lexbase Avocats, juillet 2011, préc.
[16] RIN, art. 2.1 ; décret n° 2023-552 du 30 juin 2023, art. 4.
[17] RIN, art. 2 bis ; décret n° 2023-552 du 30 juin 2023, art. 5.
[18] RIN, art. 15.1.
[19] F. Pons, La fin ne justifie pas les moyens, Lexbase Affaires, octobre 2003, n° 88 N° Lexbase : N5631BXT.
[20] D. Landry, Le secret professionnel de l’avocat : 50 ans après, Lexbase Avocats, février 2022, préc.
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
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Réf. : TA Rennes, 13 mars 2025, n° 2204983 N° Lexbase : A77130AW et n° 2204984 N° Lexbase : A30069WA
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N2005B3N
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Le 02 Avril 2025
Mots clés : environnement • algues vertes • agriculture • pollution • produits azotés
Saisi de deux recours déposés par l’association Eau & Rivières de Bretagne, le tribunal administratif de Rennes a reconnu dans deux jugements rendus le 13 mars 2025 que les mesures mises en œuvre par le préfet de la région Bretagne sont insuffisantes pour lutter contre les échouages d’algues vertes sur le littoral breton. Pour faire le point sur ce feuilleton qui se déroule depuis des années entre agriculteurs (notamment) et associations environnementales, Lexbase a interrogé Andréa Rigal-Casta du cabinet Géo Avocats dédié au droit de l’environnement*.
Lexbase : Pouvez-vous nous rappeler les principales étapes judiciaires du feuilleton des « algues vertes » ?
Andréa Rigal-Casta : La prolifération des algues vertes est un phénomène observé en Bretagne dès les années 1970. En ce que l’eutrophisation – l’apport de composés azotés provoquant le développement accéléré d’espèces opportunistes – est intimement liée à l’intensité des épandages de nitrates et donc à la qualité des eaux, les affaires sur le sujet font appel à différents dispositifs juridiques.
L’État français a été condamné à trois reprises par la Cour de Justice de l’Union européenne en raison de ses manquements à la règlementation européenne relative à la présence de nitrates dans les eaux hexagonales. Les décisions ainsi rendues entre 2002 et 2014 ont pris acte de l’inertie des autorités dans l’identification des eaux affectées par l’eutrophisation et la mise en œuvre de mesures de nature à réduire les épandages à l’origine des fuites d’azote [1].
Les excès de nitrates n’ont pas épargné les eaux destinées à la consommation humaine et ont induit plusieurs autres condamnations de l’État français, prononcées entre 2001 et 2004 [2] pour celles qui concernent la Bretagne. Il sera noté que ces décisions reposent, en dernier lieu, sur la Directive (CE) 80/778 du 15 juillet 1980, relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine N° Lexbase : L9431AUT, et ont été suivies par une baisse progressive des taux de nitrates mesurés, ce qui a été observé par la Commission européenne en 2010 [3].
Ces améliorations sont toutefois restées sans effet sur l’intensité des marées vertes. L’eutrophisation a donc perduré depuis lors, voire s’est intensifiée.
Plusieurs actions ont en conséquence été menées devant les juridictions administratives françaises en raison des dommages infligés par la persistance des marées vertes.
Par un arrêt du 1er décembre 2009, la cour administrative de Nantes a confirmé la condamnation de l’État français en raison de sa carence fautive dans la mise en œuvre des normes juridiques européennes et nationales venant encadrer les rejets de nitrates par l’agriculture [4]. Sa responsabilité a ainsi été reconnue dans l’apparition du préjudice moral subi par plusieurs associations de protection de l’environnement. Cette décision a été suivie par quatre autres arrêts de cette même cour administrative d’appel, rendus le 22 mars 2013, condamnant l’État à la réparation du préjudice financier infligé aux communes littorales bretonnes contraintes d’engager des frais de gestion des algues vertes [5].
Malgré le signal fort représenté par ces dernières décisions, les surfaces couvertes chaque année par les marées vertes n’ont montré aucun signe de décroissance.
Les juridictions administratives ont donc été saisies de nouveaux recours remettant en cause la suffisance des mesures administratives et règlementaires adoptées pour prétendre lutter contre l’eutrophisation.
Le tribunal administratif de Rennes a été amené à rendre plusieurs jugements à ce sujet depuis 2021. Le premier de ces jugements a condamné la préfecture de la région Bretagne le 4 juin 2021 à revoir les programmes de lutte contre les marées vertes en raison de conditions de mises en œuvre « insuffisamment précises » et définies « de manière excessivement restrictive » [6].
Faute d’exécution suffisante de ce jugement, le tribunal administratif rennais a prononcé par deux jugements du 18 juillet 2023 une nouvelle injonction au préfet régional, cette fois-ci immédiate, d’édicter des prescriptions auprès des agriculteurs afin de provoquer une réduction du phénomène d’eutrophisation [7]. Ces décisions ont également constaté les insuffisances et donc la nécessaire révision du 6ème Programme d’actions régional adopté entre temps.
En parallèle, ce même tribunal administratif a été saisi d’un recours en carence fautive à l’encontre du préfet des Côtes-d’Armor, en raison de la persistance des marées vertes dans son département et, notamment, de leur particulière intensité au sein de la réserve naturelle de la Baie de Saint-Brieuc. Par un troisième jugement du 18 juillet 2023, l’inertie fautive du représentant de l’État a été constatée de nouveau [8]. Ce jugement a en outre et surtout reconnu pour la première fois le préjudice écologique généré par les marées vertes, dont la réparation implique impérativement à réduire les flux azotés sous des seuils « conformes aux préconisations scientifiques ».
Enfin, alors que les trois jugements précités ont fait l’objet d’un appel, deux jugements récents sont venus poursuivre la série des condamnations de l’État. À la suite de deux recours engagés afin de faire respectivement reconnaître une fois de plus l’insuffisance des actions administratives visant à réduire la teneur en nitrate des effluents agricoles, ce afin de lutter effectivement contre la prolifération des ulves et le préjudice écologique en résultant, le tribunal administratif de Rennes a confirmé sa jurisprudence en la matière. Ses deux jugements publiés le 13 mars 2025 ont en effet entériné, d’une part, l’impératif engagement d’un dispositif règlementaire efficace et, d’autre part, l’injonction faite au représentant de l’État d’adopter « toutes les mesures utiles de nature à réparer le préjudice écologique constaté et de prévenir l’aggravation des dommages en résultant, notamment en agissant pour maîtriser la fertilisation azotée, afin de limiter effectivement la concentration en nitrates des eaux bretonnes, et en se dotant d’outils de contrôle permettant un pilotage effectif des actions menées » [9].
Si le contentieux dit « des marées vertes » et d’ores et déjà fourni, plusieurs décisions sont toujours attendues, dont notamment celles de la cour administrative d’appel de Nantes au sujet des condamnations prononcées par le tribunal administratif de Rennes à l’été 2023. La saga continue…
Lexbase : Les autorités ont-elles suffisamment réagi selon vous ?
Andréa Rigal-Casta : La longue liste des décisions décrites précédemment montre la persévérance des autorités dans l’insuffisance. Les chiffres sont têtus et ceux relatifs aux surfaces couvertes annuellement par les algues vertes ne montrent aucun signe d’amélioration. Pire, les données recueillies par le Centre d’étude et de valorisation des algues (le CEVA) font état d’une régulière augmentation de l’intensité des marées vertes depuis 2013.
Plusieurs rapports officiels récents aboutissent à des positions convergentes, toutes dénonçant un échec persistant des politiques publiques. L’analyse conduite par la Commission des finances du Sénat publiée le 26 mai 2021 conclut en qualifiant les mesures prises jusqu’alors comme n’étant « pas à la hauteur des enjeux » [10]. Les travaux de la Cour des comptes relatifs à la période 2010-2019 ont au final qualifié la politique conduite par l’État comme ayant des « objectifs mal définis » et des « effets incertains sur la qualité des eaux » [11]. De même pour le Conseil général de l’environnement et du développement durable (le CGEDD) et le Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux, qui dans une contribution commune sur le sujet ont également dénoncé l’ineffectivité des dispositifs administratifs mis en œuvre, car définis « au détriment du raisonnement agronomique et des mécanismes [biologiques] en jeu » [12].
La cause de l’insuffisance observée par ces nombreux acteurs semble principalement résider dans le refus obstiné de prendre acte des données scientifiques sur le sujet. En témoigne le rapport d’étude final du programme PRETABAIE, dont l’objectif initial consiste à déterminer les conditions de faisabilité d’une transition agroécologique au sein des baies polluées par les algues vertes. Les participants à ce programme décrivent toutefois la lassitude des scientifiques mobilisés du fait de la « dissociation entre leur implication jugée incontournable pour appuyer l’action publique, et l’absence de traduction perceptible dans les orientations de politiques publiques, construites dans des arènes et selon des schémas de négociations dans lesquels les résultats scientifiques […] n’ont que peu de poids » [13].
Lexbase : Comment concilier environnement et préservation de l'activité agricole ?
Andréa Rigal-Casta : Il s’agit d’une question complexe, dont la réponse implique une prise de recul au sujet de la soutenabilité de l’activité agricole dans sa forme actuelle, notamment pour les agriculteurs eux-mêmes.
L’usage systématique de produits azotés, dont les surplus représentent le facteur entropique déclencheur d’une situation d’eutrophisation, est à remettre en cause. Des études récentes et d’ampleur identifient des mesures permettant de rationaliser le recours à ces substances sans compromettre la productivité des cultures [14]. Une modernisation de la production agricole est donc possible. Elle dépend de la capacité de l’État et des corps intermédiaires à être moteur de cette nécessaire transition. Les récentes attaques subies par l’Office français de la biodiversité en provenance de certains syndicats agricoles témoignent toutefois des efforts de communication à déployer pour parvenir [15].
Lexbase : Quels sont les enseignements des deux jugements du 13 mars 2025 ?
Andréa Rigal-Casta : Les deux jugements du 13 mars 2025 sont porteurs d’un double enseignement.
Ils révèlent tout d’abord l’incapacité maintenue de l’État de lever la carence constatée de longue date dans sa gestion des marées vertes et du préjudice écologique qui en résulte. Malgré l’enchaînement des versions des Programmes d’actions Nitrates ou autres Plans de lutte contre les algues vertes (PLAV), cette nouvelle condamnation est une nouvelle preuve de leur insuffisance devenue perpétuelle.
Le second apport de ces jugements tient à la qualification en tant que préjudice écologique des conséquences des marées vertes sur les écosystèmes à l’échelle de la Bretagne toute entière. Alors que la condamnation de l’État prononcée en juillet 2023, aujourd’hui en cours d’appel, ouvrait cette porte en constatant un préjudice de ce type en Baie de Saint-Brieuc, la portée des décisions de mars 2025 démontre le caractère systémique, au niveau régional, des causes de l’eutrophisation, mais aussi de ses conséquences.
[1] Voir en cela : CJCE, 27 juin 2022, aff. C-258/00 ; CJUE, 13 juin 2013, aff. C-193/12 N° Lexbase : A4715KGQ ; CJUE, 4 septembre 2014, aff. C‑237/12 N° Lexbase : A9575MU8.
[2] Voir en cela : CJCE, 8 mars 2001, aff. C-266/99 N° Lexbase : A0240AWS et CJCE, 28 octobre 2004, aff. C-505/03 N° Lexbase : A6622DDM.
[3] Communiqué de presse émis au sujet de la clôture de la procédure d’infraction n° IP/10/831, 24 juin 2010.
[4] CAA Nantes, 1er décembre 2009, n° 07NT03775 N° Lexbase : A9049EPT.
[5] CAA Nantes, 22 mars 2013, n° 12NT00342, n° 12NT00343, n° 12NT00344 et n° 12NT00345 N° Lexbase : A3305KBZ.
[6] TA Rennes, 4 juin 2021, n° 1806391 N° Lexbase : A30024UQ.
[7] TA Rennes, 18 juillet 2023, n° 2206278 et n° 2202537 N° Lexbase : A65351BN.
[8] TA Rennes, 18 juillet 2023, n° 2101565 N° Lexbase : A68311BM.
[9] TA Rennes, 13 mars 2025, n° 2204983 et n° 2204984 N° Lexbase : A77130AW.
[10] p. 7.
[11] p. 9.
[12] p. 21.
[13] p. 15.
[14] B. Gu et al, Cost-effective mitigation of nitrogen pollution from global cropland, Nature, janvier 2023.
[15] Mission flash en vue d’une meilleure compréhension des contrôles exercés par l’Office français de la biodiversité (OFB) sur les exploitants agricoles et d’une amélioration des relations entre l’OFB et le monde agricole, mars 2025.
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Réf. : TA Strasbourg, 14 février 2025, n° 2500599 N° Lexbase : A37936WE
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par Elisabeth Fernandez-Bégault, Avocate associée spécialiste en droit public, Mickaël Pascal, stagiaire (Cabinet Seban Occitanie)
Le 31 Mars 2025
Mots clés : commande publique • nombre d'offres • règlement de la consultation • régularisation • office du juge
Le non-respect par un candidat du règlement de la consultation quant au nombre d’offres à présenter peut faire l’objet d’une régularisation ultérieure.
Le 18 septembre 2024, l'Université de Strasbourg a engagé une procédure d'appel d'offres ouvert en vue de la passation d'un marché public ayant pour objet l'acquisition d'une presse triaxiale neuve évaluant le rôle de l'altération hydrothermale sur l'instabilité et les risques imprévisibles des volcans. Le 28 novembre 2024, l'université a informé la société Irian Mecatronics du rejet de son offre et de l'attribution du marché à la société Top Industrie. À la suite de la saisine par la société Irian Mecatronics, du juge des référés précontractuels du tribunal, l'université a, le 18 décembre 2024, procédé au retrait de ces décisions. La procédure de passation a été reprise au stade de l'analyse des offres et le 16 janvier 2025, l'université a, une nouvelle fois, informé la société Irian Mecatronics du rejet de son offre et de l'attribution du marché à la société Top Industrie.
La société Irian Mecatronics candidate évincée de la procédure engagée par l'université de Strasbourg, demande de suspendre la signature de l'acte d'engagement de la société Top Industrie, d'annuler la décision du 16 janvier 2025 rejetant son offre, ainsi que ses annexes, et d'ordonner à l'université de Strasbourg de reprendre la procédure au stade de l'analyse des offres
S’agissant de la régularité de l’offre de la société Iran Mécatronics et de la régularisation d’une offre irrégulière :
L’article L. 2152-2 du Code de la commande publique N° Lexbase : L2620LRH définit l’offre irrégulière comme étant « Une offre irrégulière est une offre qui ne respecte pas les exigences formulées dans les documents de la consultation, en particulier parce qu'elle est incomplète, ou qui méconnaît la législation applicable notamment en matière sociale et environnementale ».
Pour autant, le Code de la commande publique donne la possibilité à l’acheteur public de régulariser l’offre irrégulière comme le dispose l’article R. 2152-1 N° Lexbase : L4777LRD : « Dans les procédures adaptées sans négociation et les procédures d'appel d'offres, les offres irrégulières, inappropriées ou inacceptables sont éliminées ».
Selon l’article R. 2152-2 du Code de la commande publique N° Lexbase : L3979LRS : « Dans toutes les procédures, l'acheteur peut autoriser tous les soumissionnaires concernés à régulariser les offres irrégulières dans un délai approprié, à condition qu'elles ne soient pas anormalement basses. La régularisation des offres irrégulières ne peut avoir pour effet d'en modifier des caractéristiques substantielles ».
Il est important de souligner que la régularisation d’une offre irrégulière est une faculté du pouvoir adjudicateur et non une obligation.
Le tribunal administratif énonce que « la régularisation des offres irrégulières ne peut avoir pour effet d'en modifier des caractéristiques substantielles ». La question est alors de savoir dans quelle mesure la modification d’une offre irrégulière est substantielle ou ne l’est pas.
Dans la décision, il s’agissait du fait que « la société Irian Mecatronics a remis deux offres de base et deux offres correspondant à la variante obligatoire, alors que l'article 6 du règlement de la consultation prévoit la remise d'une seule offre de base et une seule offre variante. »
Le tribunal administratif affirme que ces deux irrégularités résultent uniquement de leur dédoublement et qu’en ce sens elles ne sont pas considérées comme substantielles. Par conséquent, elles n’ont pas pour effet de modifier des caractéristiques substantielles, elles sont donc régularisables.
Le juge administratif précise sa jurisprudence sur la possibilité de régulariser une offre irrégulière, et de ce fait si cette modification est ou non substantielle. Le tribunal administratif précise alors « la société Top Industrie n'est donc pas fondée à soutenir que les offres remises par la requérante n'étaient pas régularisables et auraient dû être éliminées, ni par suite à en tirer que les manquements dont se prévaut la requérante seraient, pour cette raison, insusceptibles de l'avoir lésée. »
D’ailleurs le Conseil d’État avait déjà jugé que « la régularisation des offres irrégulières ne peut avoir pour effet de modifier les caractéristiques substantielles des offres (...) ; qu'il résulte de ces dispositions que si, dans les procédures d'appel d'offres, l'acheteur peut autoriser tous les soumissionnaires dont l'offre est irrégulière à la régulariser, dès lors qu'elle n'est pas anormalement basse et que la régularisation n'a pas pour effet d'en modifier des caractéristiques substantielles, il ne s'agit toutefois que d'une faculté, non d'une obligation » [1].
La cour administrative d’appel de Paris s’est prononcée sur la qualification d’une offre substantielle : « si, dans les procédures d'appel d'offres, l'acheteur peut autoriser tous les soumissionnaires dont l'offre est irrégulière à la régulariser, dès lors qu'elle n'est pas anormalement basse, la régularisation ne doit pas avoir pour effet d'en modifier des caractéristiques substantielles, c'est-à-dire ses éléments déterminants pour la comparaison des offres, en méconnaissance des principes d'égalité de traitement et de transparence.(…) En second lieu, par les indications données le 27 avril 2020, dont il résultait que son offre initiale devait être rectifiée à hauteur d'un surplus de 4 558 000 francs CFP, représentant environ 10 % de son montant, le groupement constitué des sociétés Setec International et Thésée Ingénierie a modifié une caractéristique substantielle de son offre, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 2152-2 du code de la commande publique » [2].
Par ailleurs, le tribunal administratif en a profité pour se prononcer sur la méthode de notation des offres. En effet « aucun texte ni principe n'impose à l'acheteur de définir la méthode de notation des offres préalablement à la consultation, ni de la porter préalablement à la connaissance des candidats ».
De plus le pouvoir adjudicateur, dans notre cas l’université de Strasbourg « définit librement la méthode de notation pour la mise en œuvre de chacun des critères de sélection des offres qu'il a définis et rendus publics. Il peut ainsi déterminer tant les éléments d'appréciation pris en compte pour l'élaboration de la note des critères que les modalités de détermination de cette note par combinaison de ces éléments d'appréciation ».
C’est donc ici un raisonnement sans surprise de la part du tribunal administratif qui fait une application claire de la jurisprudence du Conseil d'État « Le pouvoir adjudicateur est ainsi tenu d'informer dans les documents de consultation les candidats des critères de sélection des offres ainsi que de leur pondération ou hiérarchisation. S'il décide, pour mettre en œuvre ces critères de sélection des offres, de faire usage de sous-critères également pondérés ou hiérarchisés, il doit porter à la connaissance des candidats la pondération ou la hiérarchisation de ces sous-critères dès lors que, eu égard à leur nature et à l'importance de cette pondération ou hiérarchisation, ils sont susceptibles d'exercer une influence sur la présentation des offres par les candidats et doivent, en conséquence, être eux-mêmes regardés comme des critères de sélection. En revanche, il n'est pas tenu d'informer les candidats de la méthode de notation des offres lorsqu'il se borne à mettre en œuvre les critères annoncés » [3].
Quel impact dans la pratique ? Toute offre irrégulière n’est pas régularisable. Pour régulariser une offre irrégulière, si nous sommes en présence d’une procédure adaptée, la négociation permettra alors de la régulariser, sans modification substantielle de l’offre. Dans le cadre d’une procédure d’appel d’offres, un courrier de demande de régularisation sera donc transmis au soumissionnaire par la voie de la plateforme. Le caractère substantiel s’apprécie donc au regard de l’offre du soumissionnaire, notamment par une modification entraînant une nouvelle offre, et ne serait pas justifié pour le non-respect d’une condition de formalisme prévue au règlement de la consultation. |
[1] CE, 21 mars 2018, n°415929 N° Lexbase : A4843XHT.
[2] CAA Paris, 5 juillet 2024, n° 22PA00120 N° Lexbase : A08325N7.
[3] CE, 7° ch., 2 août 2023, n° 472976 N° Lexbase : A71101CC.
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Réf. : Ordonnance n° 2025-229, du 12 mars 2025, portant réforme du régime des nullités en droit des sociétés N° Lexbase : L8615M8L
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N1865B3H
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par Bruno Dondero, Agrégé des Facultés de droit, Professeur à l’École de droit de la Sorbonne (Université Paris 1), Avocat associé CMS Francis Lefebvre
Le 02 Avril 2025
Mots-clés : sociétés • nullité des décisions sociales • causes de nullité • régime de la nullité • triple test
L’ordonnance commentée apporte de profondes modifications au régime de la nullité tant de la société elle-même que des décisions sociales. Si l’habilitation du Gouvernement devait conduire à renforcer la sécurité juridique, il n’est pas certain que l’on y parvienne dès lors que l’on choisit d’augmenter les causes de nullité et d’accroître considérablement le rôle du juge, sans profiter par ailleurs de l’occasion pour détailler davantage les mécanismes de régularisation.
1. Habilitation. La loi n° 2024-537 du 13 juin 2024 visant à accroître le financement des entreprises et l'attractivité de la France avait habilité le Gouvernement N° Lexbase : L6590MSU à prendre par voie d'ordonnance dans un délai de neuf mois à compter de la promulgation du texte les mesures relevant du domaine de la loi permettant « De simplifier et de clarifier le régime des nullités en matière de droit des sociétés, afin de renforcer la sécurité juridique de la constitution des sociétés, de leurs actes et délibérations ainsi que des règles qui y sont exposées ». Cette habilitation expirait donc le 13 mars 2025, et c’est au Journal officiel de ce dernier jour de vie de l’habilitation que l’ordonnance attendue a été publiée.
2. Objectifs de la réforme. Il était ainsi question de « clarifier le régime des nullités », « afin de renforcer la sécurité juridique », ce que l’on était tenté de lire comme la promesse d’une réduction des risques d’annulation. C’est d’ailleurs ce que le rapport au Président de la République qui accompagne l’ordonnance indique : « Le premier objectif poursuivi est celui de la sécurisation des décisions sociales, et du cantonnement des nullités susceptibles de les affecter » [1]. On verra que l’objectif est sans doute loin d’être atteint…
3. Entrée en vigueur. Les nouvelles règles s’appliquent à compter du 1er octobre 2025. Il est en revanche prévu que la disposition visant la nullité pour défaut de désignation d’un auditeur de durabilité (art. 67) entre en vigueur à compter du 1er janvier 2027. Une question délicate sera de savoir si le nouveau régime s’appliquera à la nullité des actes accomplis antérieurement à son entrée en vigueur. Il nous semble que c’est le régime de nullité applicable lorsque l’acte a été accompli qui doit trouver à s’appliquer, dès lors que la validité d’un acte juridique (et donc le régime de sa nullité) s’apprécie au jour de la constitution de cet acte. Dit autrement, la nullité d’un acte accompli avant l’entrée en vigueur de la réforme devrait rester régi par le régime ancien des nullités. Mais la question se révélera peut-être plus complexe, en ce que certains aspects du régime des nullités – on pense au « triple test » notamment – se présentent sous un jour plus procédural et pourrait voir s’appliquer le régime en vigueur au jour où le juge statue…
I. Modifications du droit commun des nullités
4. Suppression des articles L. 235-1 N° Lexbase : L8612LQZ et suivants du Code de commerce. Le Code civil devient le seul siège des règles générales encadrant les nullités, puisque les articles L. 235-1 à L. 235-14 du Code de commerce sont abrogés. N’est ainsi pas repris l’article L. 235-14 qui prévoyait la nullité des délibérations des organes de direction et d’administration en cas d’absence de procès-verbal (C. com., art. L. 235-14 N° Lexbase : L3170DY3).
5. Nullité de la société. La nullité de la société elle-même est rendue plus difficile à obtenir, notamment par la suppression de la référence aux « causes de nullité des contrats en général » à l’article 1844-10 du Code civil N° Lexbase : L8683LQN.
6. Accroissement des sources de nullité. Une première révolution vient du fait que les actes et délibérations des sociétés civiles et commerciales pourront désormais être annulés beaucoup plus largement. Précédemment, le dispositif était complexe parce qu’il limitait formellement les nullités en visant plusieurs corps de textes précis et en requérant pour les sociétés commerciales que la nullité soit prévue par une « disposition expresse » lorsque l’acte concerné avait emporté modification des statuts. Existaient des disparités peu justifiées, comme le fait que l’acte modifiant les statuts d’une société commerciale ne pouvait être annulé que si une disposition prévoyait expressément la nullité, tandis que le même acte réalisé dans une société civile était annulable plus largement et sans que soit exigée une disposition expresse. Désormais, la disposition clé est le 3ème alinéa de l’article 1844-10 du Code civil qui disposera que « La nullité des décisions sociales ne peut résulter que de la violation d'une disposition impérative de droit des sociétés, à l'exception du dernier alinéa de l'article 1833, ou de l'une des causes de nullité des contrats en général ».
7. Imprécision et accroissement du risque de nullité. On a bien lu : la nullité suppose la violation d’une « disposition impérative de droit des sociétés », dont on ne sait pas avec certitude ce que c’est, et le verrou de la disposition expresse saute, ce qui fait que les décisions sociales modifiant les statuts des sociétés commerciales pourront être annulées beaucoup plus largement que précédemment…
8. Régularisation. La régularisation n’a pas vu son régime détaillé ou clarifié. Son champ d’application est cependant étendu au cas où la nullité est fondée sur l'illicéité de l'objet social. Le dispositif d’action interrogatoire prévu en cas de nullité pour vice du consentement ou incapacité d’un associé (C. civ., art. 1844-12N° Lexbase : L2032ABU), sans doute très peu utilisé, est quant à lui abrogé.
9. Triple test. Une mesure phare de la réforme est incontestablement le triple test introduit par le nouvel article 1844-12-1 du Code civil. Pour que la nullité des décisions sociales soit prononcée, le juge devra vérifier trois conditions :
Il est certain que ce mécanisme devrait contribuer à réduire les cas dans lesquels la nullité sera prononcée. Maintenant, on peut être critique à l’égard d’un système qui accroît le rôle du juge, là où la sécurité juridique devrait commander pour les sociétés de ne pas devoir se soumettre au parcours judiciaire et à ses délais, s’agissant d’identifier si une décision sociale est valable ou non. Il est certes possible que des décisions de la Chambre commerciale de la Cour de cassation viennent dans les prochaines années préciser et cadrer ce mécanisme, mais on pourra s’étonner de cette délégation au juge.
10. Prescription. Le délai de droit commun de la prescription passe de trois ans à deux ans, le point de départ demeurant le jour où la nullité est encourue. Rien n’est dit en revanche sur l’exception de nullité, ni sur une possible incidence sur les délais en cours lors de l’entrée en vigueur de la réforme. On comprend qu’ils ne devraient pas être raccourcis si les actes accomplis avant le 1er octobre 2025 demeurent soumis au régime ancien.
11. Liquidation. En cas de nullité de la société, il est procédé à sa liquidation en faisant une application systématique du régime de la liquidation des sociétés commerciales, y compris lorsque la société est une société civile, ce qui est étonnant (C. civ., art. 1844-15 modifié).
12. Composition irrégulière d’un organe. Une mesure très utile est inscrite au nouvel article 1844-15-1 du Code civil, qui généralise une règle que l’on rencontrait jusqu’à présent ici ou là dans le Code de commerce : « sauf disposition législative contraire, la nullité de la nomination ou le maintien irrégulier d'un organe ou d'un membre d'un organe de la société n'entraîne pas la nullité des décisions prises par celui-ci ».
13. Nullité pour l’avenir. Sur les effets de la nullité, une autre règle utile est inscrite au nouvel article 1844-15-2 : « Lorsque la rétroactivité de la nullité d'une décision sociale est de nature à produire des effets manifestement excessifs pour l'intérêt social, les effets de cette nullité peuvent être différés ». Il devient donc possible au juge de prononcer une nullité mais qui ne produira ses effets que pour l’avenir.
II. Modification du droit spécial des sociétés commerciales
14. Exclusion du triple test. De nombreuses dispositions du régime spécial des sociétés commerciales sont modifiées. Une modification récurrente consiste à écarter le triple test introduit à l’article 1844-12-1 du Code civil. Celui-ci ne peut donc être appliqué à toute une série de situations, qui vont de la transformation d’une SARL en SNC ou en commandite sans l’accord unanime des associés (C. com., art. L. 223-43) au non-respect de la politique de rémunération de la société cotée (C. com., art. L. 22-10-8), en passant par la nomination irrégulière d’un administrateur de SA (C. com., art. L. 225-18).
15. Augmentations de capital dans les sociétés par actions. Le droit des augmentations de capital dans les sociétés par actions connaît quelques évolutions. La prescription est notamment encadrée par un nouvel article L. 225-149-4 du Code de commerce, qui fait varier le point de départ du délai de trois mois, selon que l’opération a fait ou non l’objet d’une délégation de pouvoirs ou de compétence. Il est par ailleurs prévu, dans les sociétés dont les titres de capital sont admis aux négociations sur un marché réglementé ou sur un SMN, que l'action en nullité portant sur une décision d'augmentation de capital autre que réservée n'est plus recevable à compter de la réalisation de l'opération.
16. Ouverture des nullités dans les SAS... et suppression de la jurisprudence Larzul 2 ! Un nouvel article L. 227-20-1 du Code de commerce dispose à propos de la SAS, première forme de société commerciale utilisée, que « Les statuts peuvent prévoir la nullité des décisions sociales prises en violation des règles qu'ils ont établies. L'action en nullité est alors mise en œuvre dans les conditions prévues par les articles 1844-10-1 à 1844-17 du Code civil ». Cette mesure apparaît très inopportune en ce qu’elle pourrait conduire à une explosion du risque de nullité si la clause en question venait à être utilisée systématiquement par les rédacteurs des statuts des SAS, puisque toute violation des statuts d’une SAS pourrait donc être sanctionnée par une nullité… Le triple test trouvera ici toute son utilité ! Mais on comprend davantage l’intention du législateur lorsque l’on constate qu’il est procédé à la suppression du dernier alinéa de l’article L. 227-9 du Code de commerce N° Lexbase : L2484IBM, qui dispose que « Les décisions prises en violation des dispositions du présent article peuvent être annulées à la demande de tout intéressé » et qui avait servi de fondement à l’arrêt Larzul 2 [4]. La Cour de cassation avait jugé, par cette importante décision, que « l'alinéa 4 de l'article L. 227-9 du Code de commerce, institué afin de compléter, pour les sociétés par actions simplifiées, le régime de droit commun des nullités des actes ou délibérations des sociétés, tel qu'il résulte de l'article L. 235-1, alinéa 2, du Code de commerce, doit être lu comme visant les décisions prises en violation de clauses statutaires stipulées en application du premier alinéa et permettant, lorsque cette violation est de nature à influer sur le résultat du processus de décision, à tout intéressé d'en poursuivre l'annulation ». La suppression du texte fondant la solution devrait entraîner la disparition de cette possibilité de fonder la nullité d’une décision collective des associés de SAS sur une violation des statuts… sauf à retrouver cette nullité en insérant dans les statuts la clause désormais autorisée par le nouvel article L. 227-20-1 du Code de commerce. Voici une belle réflexion à mener pour les plus de 1,7 million de SAS existant aujourd’hui en France.
17. Défaut de désignation régulière d’un auditeur de durabilité. L’article L. 821-5 du Code de commerce est par ailleurs réécrit, pour sanctionner par la nullité le défaut de désignation ou la désignation irrégulière non seulement du CAC, comme précédemment, mais également de l’« auditeur des informations en matière de durabilité » « lorsque leur mission leur est confiée par la loi ou le règlement ». Cette évolution n’est cependant applicable qu’à compter du 1er janvier 2027, ce qui ne s’explique pas de manière évidente, au-delà de l’écho avec le possible report partiel de l’application de l’ordonnance [5]transposant la Directive CSRD [6]. Il aurait été souhaitable que le législateur clarifie la question de la sanction du défaut de désignation du CAC chargé de la certification des informations sur la durabilité, qui nous semble exclue, ainsi que l’ont affirmé récemment tant la CNCC [7] que l’ANSA [8].
18. Autres mesures. Différents textes sont par ailleurs retouchés pour faire d’une nullité formellement obligatoire une nullité facultative. On notera aussi qu’un renvoi est opéré aux articles 1844-10 à 1844-17 du Code civil pour sanctionner la convocation irrégulière d’une assemblée d’obligataires, ce qui est utile car ce n’est pas des décisions d’une société dont il est question. Les valeurs mobilières composées voient encore leur régime retouché.
[1] Rapport au Président de la République relatif à l'ordonnance n° 2025-229 du 12 mars 2025 portant réforme du régime des nullités en droit des sociétés N° Lexbase : Z160226D.
[2] V. ainsi Cass. com., 15 mars 2023, n° 21-18.324, FS-B N° Lexbase : A80079HZ, B. Saintourens, Lexbase Affaires, avril 2023, n° 752 N° Lexbase : N4926BZH ; Bull. Joly Sociétés, mai 2023, p. 13, note H. Le Nabasque ; Dalloz Actualité, 28 mars 2023, obs. J. Delvallée ; JCP G, 2023, 658, note A. Reygrobellet ; Rev. sociétés, 2023, p. 377, note L. Godon ; RDC, 2023, n° 3, p. 48, obs. M. Caffin-Moi ; Dr. sociétés, 2023, comm. n° 72, note J.-F. Hamelin ; JCP E, 2023, 1093, note B. Dondero..
[3] C. civ., art. 1221 N° Lexbase : L1985LKQ « Le créancier d'une obligation peut, après mise en demeure, en poursuivre l'exécution en nature sauf si cette exécution est impossible ou s'il existe une disproportion manifeste entre son coût pour le débiteur de bonne foi et son intérêt pour le créancier ».
[4] Cass. com., 15 mars 2023, n° 21-18.324, FS-B, préc.
[5] Ordonnance n° 2023-1142 du 6 décembre 2023 relative à la publication et à la certification d'informations en matière de durabilité et aux obligations environnementales, sociales et de gouvernement d'entreprise des sociétés commerciales N° Lexbase : L7659MSH.
[6] Directive (UE) n° 2022/2464 du 14 décembre 2022, modifiant le règlement (UE) n° 537/2014 et les directives 2004/109/CE, 2006/43/CE et 2013/34/UE en ce qui concerne la publication d'informations en matière de durabilité par les entreprises N° Lexbase : L1830MGU V. en dernier lieu le projet de loi « DDADUE 5 », tel que voté par le Sénat lundi 10 mars 2025 [en ligne].
[7] CNCC EJ 2024-17, décembre 2024, BRDA 5/25, inf. n° 5.
[8] ANSA, Comité juridique avis n° 25-007 du 5 février 2025.
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