TA Strasbourg, du 14-02-2025, n° 2500599
A37936WE
Référence
Mots clés : commande publique • nombre d'offres • règlement de la consultation • régularisation • office du juge Le non-respect par un candidat du règlement de la consultation quant au nombre d'offres à présenter peut faire l'objet d'une régularisation ultérieure. Le non-respect par un candidat du règlement de la consultation quant au nombre d'offres à présenter peut faire l'objet d'une régularisation ultérieure.
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 25 janvier et 8 février 2025, la société Irian Mecatronics, représentée par Me Boisseau, demande au juge des référés :
1°) sur le fondement des articles L. 551-1 et suivants du code de justice administrative🏛, s'agissant de la procédure engagée par l'université de Strasbourg en vue de la passation d'un marché d'acquisition d'une presse triaxiale neuve évaluant le rôle de l'altération hydrothermale sur l'instabilité et les risques imprévisibles des volcans pour son École et l'Observatoire des Sciences de la terre, de suspendre la signature de l'acte d'engagement de la société Top Industrie, d'annuler la décision du 16 janvier 2025 rejetant son offre, ainsi que ses annexes, et d'ordonner à l'université de Strasbourg de reprendre la procédure au stade de l'analyse des offres ;
2°) de mettre à la charge de l'université de Strasbourg la somme de 8 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.
Elle soutient que :
- contrairement à ce que soutient la société Top Industrie, son offre a été légalement régularisée ;
- la décision de rejet de son offre est insuffisamment motivée en ce qu'elle se borne à renvoyer au rapport d'analyse des offres qui y est annexé et est amputé de nombreuses informations essentielles, sans indiquer le nombre de candidats à la consultation, le nombre d'offres soumises puis examinées, ni celui des offres déclarées recevables ; le montant et le détail technique des offres concurrentes n'est pas fourni, pas plus que les informations relatives au candidat dont l'offre a été classée en deuxième position devant la sienne ;
- eu égard au flou entre les spécifications obligatoires prévues par l'article 2.1 du cahier des clauses techniques particulières et les " spécifications non obligatoires, mais recommandées " prévues par son article 2.1, l'université n'a pas défini ses besoins avec suffisamment de précision, en méconnaissance de l'article L. 2111-1 du code de la commande publique🏛, du principe d'égalité de traitement des candidats et du principe de transparence ;
- aucune information n'a été fournie aux candidats quant aux critères de jugement et aux modalités de notation des " spécifications non obligatoires, mais recommandées " prévues par l'article 2.2 du cahier des clauses techniques particulières, alors qu'une offre répondant simultanément aux exigences imposées par l'article 2.1 de ce document et aux spécifications non obligatoires recommandées est techniquement impossible à articuler, qu'une offre répondant à ces dernières ne peut être présentée à un prix équivalent à celui d'une offre répondant aux prescriptions de l'article 2.1, et qu'aucune variante permettant de présenter deux offres distinctes n'était autorisée ;
- la pondération des sous-critères du prix, à hauteur de 90 % pour la partie forfaitaire du marché et 10 % pour sa partie à bons de commande, est injustifiée dès lors que le marché n'est pas alloti et ne comporte qu'une variante obligatoire ; elle dénature les offres financières globales des candidats et ne permet pas de retenir l'offre économiquement la plus avantageuse.
- l'analyse des offres effectuée par la commission d'attribution des marchés et avenants de l'université est entachée d'un défaut d'impartialité, car : 1) alors qu'elle n'avait pas à connaître des raisons de sa nouvelle saisine, la commission d'attribution des marchés de l'université a été informée du motif du retrait de la décision initiale d'attribution du marché ; 2) sa nouvelle convocation n'étant légalement possible que dans le cas d'une erreur matérielle ou d'une fraude, il lui appartenait uniquement de rectifier l'erreur matérielle initialement commise dans le report des propositions financières, et non, comme elle l'a fait, de procéder à une nouvelle analyse des offres sur le plan technique, en modifiant plusieurs de ses appréciations ;
- les analyses de son offre auxquelles la commission d'attribution des marchés et avenants de l'université a procédé en novembre 2024 et en janvier 2025 sont contradictoires ;
- en prenant en compte, pour les deux premiers sous-critères de la valeur technique, le volume des pompes, pour le deuxième sous-critère, la mesure de porosité, et pour les quatrième et cinquième sous-critères, l'externalité du chauffage, la commission a recouru à des critères non annoncés dans les documents de la consultation ;
- la prestation supplémentaire éventuelle facultative prévue par l'article 2.4.1 du règlement de la consultation, qu'elle a présentée, n'a pas été prise en compte lors de l'analyse des offres ;
- la méthode de notation mise en œuvre est illégale en ce que : a) elle n'a pas été définie en amont de la consultation, ni portée à la connaissance des candidats ; b) elle permet à l'acheteur d'attribuer une note excédant la note maximale devant être attribuée aux offres répondant exactement aux prescriptions du marché, sans que les candidats aient été informés de cette possibilité, ni de la définition de l'offre " exceptionnelle " pour laquelle la note maximale est prévue ; c) la gradation de la notation par paliers de deux points et l'importante pondération des deux premiers sous-critères de la valeur technique confèrent un pouvoir discrétionnaire à l'acheteur ; d) l'université a méconnu les principes d'égalité de traitement des candidats et de transparence en procédant à une double pondération injustifiée de la note technique pour donner à l'offre de l'attributaire, de surcroît au prix d'une dénaturation de son contenu, la note maximale de 60 points sur 60, alors qu'elle a obtenu 84 points sur 100 à son évaluation chiffrée, privant ainsi de sa portée le critère de la valeur technique et neutralisant sa pondération ; ce faisant, l'université a utilisé un critère additionnel de pondération non annoncé dans la consultation ;
- l'université a dénaturé le contenu de son offre et commis une erreur manifeste dans l'appréciation des mérites respectifs de son offre et de celle de l'attributaire au regard de chacun des sous-critères de la valeur technique.
Par des mémoires, enregistrés les 5 et 10 février 2025, l'université de Strasbourg, représentée par Me Marcantoni, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société Irian Mecatronics la somme de 7 000 euros à lui verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient qu'aucun des moyens soulevés par la requérante n'est fondé.
Par des mémoires, enregistrés les 7 et 10 février 2025, la société Top Industrie, représentée par Me Cabanes, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société Irian Mecatronics la somme de 10 000 euros à lui verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient qu'aucun des manquements dont se prévaut la requérante n'est susceptible de l'avoir lésée ou ne risque de la léser, dès lors que son offre, qui était irrégulière et ne pouvait faire l'objet d'une régularisation, aurait dû être éliminée sans examen, et que les moyens qu'elle soulève sont, de surcroît, infondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la commande publique ;
- le code de justice administrative.
Le président du tribunal a désigné M. Rees, vice-président, pour statuer sur les demandes de référé.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Au cours de l'audience publique tenue le 10 février 2025 en présence de Mme Immelé, greffière d'audience, M. Rees a lu son rapport et entendu :
- les observations de Me Boisseau, avocat de la société Irian Mecatronics, qui a déclaré abandonner son moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision de rejet de son offre et a, pour le reste, conclu aux même fins et par les mêmes moyens que dans ses écritures ;
- les observations de Me Palagi, substitut de Me Marcantoni, avocate de l'université de Strasbourg ;
- les observations de Me Michaud, substitut de Me Cabanes, avocat de la société Top industrie ;
La clôture de l'instruction est intervenue à l'issue de l'audience en application du premier alinéa de l'article R. 522-8 du code de justice administrative🏛.
1. Le 18 septembre 2024, l'université de Strasbourg a engagé une procédure d'appel d'offres ouvert en vue de la passation d'un marché public ayant pour objet l'acquisition d'une presse triaxiale neuve évaluant le rôle de l'altération hydrothermale sur l'instabilité et les risques imprévisibles des volcans. Le 28 novembre 2024, l'université a informé la société Irian Mecatronics du rejet de son offre et de l'attribution du marché à la société Top Industrie. A la suite de la saisine, par la société Irian Mecatronics, du juge des référés précontractuels du tribunal, l'université a, le 18 décembre 2024, procédé au retrait de ces décisions. La procédure de passation a été reprise au stade de l'analyse des offres et le 16 janvier 2025, l'université a, une nouvelle fois, informé la société Irian Mecatronics du rejet de son offre et de l'attribution du marché à la société Top Industrie. La société Irian Mecatronics demande au juge des référés précontractuels du tribunal d'annuler ces décisions et d'ordonner à l'université de Strasbourg de reprendre la procédure au stade de l'analyse des offres.
Sur les conclusions présentées sur le fondement des articles L. 551-1 et suivants du code de justice administrative :
En ce qui concerne la demande de suspension de la signature du marché :
2. Aux termes de l'article L. 551-4 du code de justice administrative🏛 : " Le contrat ne peut être signé à compter de la saisine du tribunal administratif et jusqu'à la notification au pouvoir adjudicateur de la décision juridictionnelle ". L'article R. 551-1 du même code🏛 dispose que : " Le représentant de l'Etat ou l'auteur du recours est tenu de notifier son recours au pouvoir adjudicateur. / Cette notification doit être faite en même temps que le dépôt du recours et selon les mêmes modalités. / Elle est réputée accomplie à la date de sa réception par le pouvoir adjudicateur ".
3. Ces dispositions obligent l'acheteur public à suspendre la signature du contrat aussitôt qu'il est régulièrement informé de l'introduction d'un recours en référé précontractuel dirigé contre sa procédure de passation. Les conclusions de la société Irian Mecatronics tendant à ce que cette suspension soit, derechef, ordonnée par le juge des référés, sont donc sans objet. Dès lors, elles ne peuvent qu'être rejetées.
En ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation :
4. Aux termes de l'article L. 551-1 du code de justice administrative : " Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs ayant pour objet l'exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d'exploitation, la délégation d'un service public ou la sélection d'un actionnaire opérateur économique d'une société d'économie mixte à opération unique. () Le juge est saisi avant la conclusion du contrat ". Aux termes du I de l'article L. 551-2 du même code🏛 : " Le juge peut ordonner à l'auteur du manquement de se conformer à ses obligations et suspendre l'exécution de toute décision qui se rapporte à la passation du contrat, sauf s'il estime, en considération de l'ensemble des intérêts susceptibles d'être lésés et notamment de l'intérêt public, que les conséquences négatives de ces mesures pourraient l'emporter sur leurs avantages. / Il peut, en outre, annuler les décisions qui se rapportent à la passation du contrat et supprimer les clauses ou prescriptions destinées à figurer dans le contrat et qui méconnaissent lesdites obligations ".
5. En vertu de ces dispositions, les personnes habilitées à agir pour mettre fin aux manquements du pouvoir adjudicateur à ses obligations de publicité et de mise en concurrence sont celles susceptibles d'être lésées par de tels manquements. Il appartient dès lors au juge des référés précontractuels de rechercher si l'entreprise qui le saisit se prévaut de manquements qui, eu égard à leur portée et au stade de la procédure auquel ils se rapportent, sont susceptibles de l'avoir lésée ou risquent de la léser, fût-ce de façon indirecte, en avantageant une entreprise concurrente.
S'agissant de la régularité de l'offre de la société Irian Mecatronics :
6. Aux termes de l'article L. 2152-1 du code de la commande publique🏛 : " L'acheteur écarte les offres irrégulières, inacceptables ou inappropriées ". Aux termes de l'article L. 2152-2 de ce code : " Une offre irrégulière est une offre qui ne respecte pas les exigences formulées dans les documents de la consultation () ". Aux termes de son article R. 2152-2 : " Dans toutes les procédures, l'acheteur peut autoriser tous les soumissionnaires concernés à régulariser les offres irrégulières dans un délai approprié, à condition qu'elles ne soient pas anormalement basses. /
La régularisation des offres irrégulières ne peut avoir pour effet d'en modifier des caractéristiques substantielles ".
7. Il est constant que la société Irian Mecatronics a remis deux offres de base et deux offres correspondant à la variante obligatoire, alors que l'article 6 du règlement de la consultation prévoit la remise d'une seule offre de base et une seule offre variante. Par lettre du 28 octobre 2024, l'université l'a invitée à régulariser son offre en lui indiquant laquelle des deux paires d'offres (offre de base/variante) elle choisissait de lui soumettre, sans y apporter de modification, ce que fit l'intéressée.
8. L'irrégularité des offres initialement remises résulte uniquement de leur dédoublement, lequel est sans lien avec les caractéristiques propres à chacune d'entre elles. Dès lors, le choix de l'une des paires d'offres ne peut avoir eu pour effet d'en modifier des caractéristiques substantielles.
9. La société Top Industrie n'est donc pas fondée à soutenir que les offres remises par la requérante n'étaient pas régularisables et auraient dû être éliminées, ni par suite à en tirer que les manquements dont se prévaut la requérante seraient, pour cette raison, insusceptibles de l'avoir lésée.
S'agissant des manquements invoqués par la société Irian Mecatronics :
Quant aux " caractéristiques techniques non obligatoires, mais recommandées " :
10. En premier lieu, aux termes de l'article L. 2111-1 du code de la commande publique : " La nature et l'étendue des besoins à satisfaire sont déterminées avec précision avant le lancement de la consultation () ".
11. La requérante soutient qu'en méconnaissance de ces dispositions, l'université n'a pas défini ses besoins avec suffisamment de précision, dès lors que le cahier des clauses techniques particulières du marché, relatif aux caractéristiques techniques de la presse triaxiale, mentionne à la fois, à son article 2.1, des caractéristiques techniques obligatoires, et à son article 2.2, des " caractéristiques techniques non obligatoires, mais recommandées " différentes, et fixe ainsi des prescriptions techniquement impossible à articuler.
12. Toutefois, il ressort des intitulés et du contenu de ces articles, qui sont explicites et dépourvus d'équivoque, que les candidats étaient seulement tenus de présenter une offre répondant aux caractéristiques techniques obligatoires définies à l'article 2.1, et demeuraient libres de ne pas répondre, en outre, aux " caractéristiques techniques non obligatoires, mais recommandées " définies à l'article 2.2. Par ailleurs, ces dernières correspondent à des performances supérieures, sur plusieurs points (pression de confinement, pression de pore fluide, température de fonctionnement, mesure du déplacement axial et amplitude de la mesure de perméabilité), à celles attendues au titre des caractéristiques techniques obligatoires. Les prescriptions des articles 2.1 et 2.2 ne sont donc nullement incompatibles, puisqu'une offre proposant des performances supérieures à celles attendues au titre des caractéristiques techniques obligatoires répond nécessairement à ces dernières.
13. La nature et l'étendue du besoin à satisfaire ont donc été déterminées avec précision. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 2111-1 du code de la commande publique précité ne peut qu'être écarté.
14. En second lieu, la requérante fait valoir qu'aucune information n'a été fournie aux candidats quant aux critères de jugement et aux modalités de notation des " caractéristiques techniques non obligatoires, mais recommandées " prévues par l'article 2.2 du cahier des clauses techniques particulières, ni quant à leur valorisation.
15. Toutefois, ainsi qu'il vient d'être dit, lesdites caractéristiques, que les candidats étaient libres de proposer, ou non, constituent des améliorations qualitatives apportées aux offres. Elles ne donnent donc pas lieu à l'application de critères ou méthodes de notation spécifiques dont les candidats n'auraient pas été informés. Par ailleurs, si ces améliorations étaient, de toute évidence, susceptibles d'accroître la valeur technique des offres, l'université n'était nullement tenue d'indiquer aux candidats dans quelle mesure.
Quant à la pondération des sous-critères du prix :
16. L'acheteur, qui détermine librement la pondération des critères de choix des offres, ne peut toutefois légalement retenir une pondération, en particulier pour le critère du prix ou du coût, qui ne permettrait manifestement pas, eu égard aux caractéristiques du marché, de retenir l'offre économiquement la plus avantageuse.
17. Il résulte de l'instruction que le critère du prix de l'équipement, qui compte pour 40 % de la note globale, a été décomposé en deux sous-critères : le prix de la partie forfaitaire, pondéré à hauteur de 90 %, et le prix de la partie à bons de commandes, pondéré à hauteur de 10 %. La partie forfaitaire correspond à l'acquisition, la livraison, l'installation et la mise en service du matériel et de ses équipements, ainsi qu'à la formation des utilisateurs et à sa garantie d'une année, et a été estimée à 650 000 euros hors taxes, tandis que la partie à prix unitaire correspond seulement à l'extension de cette garantie au-delà de la période initiale et à la prestation supplémentaire éventuelle facultative, estimées, respectivement, à 7 000 euros hors taxes par an sur une durée de quatre ans au plus, soit 28 000 euros hors taxes au total, et 45 000 euros hors taxes. Ces montants estimés sont indiqués dans le règlement de la consultation. Il est vrai que ce dernier mentionne également, pour la partie à bons de commande, un montant maximal de 70 000 euros hors taxes par an, soit 280 000 euros hors taxes pour quatre ans, qui apparaît fâcheusement incongru au regard de ces estimations. Cette incongruité est d'ailleurs mise en évidence par l'offre de la société Top Industrie, qui a proposé un prix de 216 000 euros hors taxes, près de trois fois supérieur à celui des autres candidats. Toutefois, les prestations relevant de la partie à bons de commandes du marché n'ont, de toute évidence, pas été jugées suffisamment importantes pour être incluses dans sa partie forfaitaire, et ainsi que le fait observer l'université, l'émission des bons de commande n'est pas certaine, en l'absence de minimum garanti.
18. Dans ces conditions, eu égard aux caractéristiques du marché, en particulier l'importance donnée à la valeur technique des prestations et le caractère marginal et incertain de l'extension de garantie, la pondération des deux sous-critères du prix ne peut être regardée comme faisant manifestement obstacle à ce que soit retenue l'offre économiquement la plus avantageuse.
Quant à la régularité de l'avis de la commission d'attribution des marchés et avenants :
19. A la suite du retrait des décisions initiales d'attribution du marché et de rejet des offres non retenues, motivé par une erreur matérielle dans le calcul du prix de l'offre de la société Irian Mecatronics, qui avait été sous-estimé, la commission d'attribution des marchés et avenants, organe consultatif interne à l'université chargé d'analyser les offres, a une nouvelle fois été saisie pour avis simple sur l'attribution du marché.
20. En premier lieu, contrairement à ce que soutient la société Irian Mecatronics, le défaut d'impartialité de la commission ne saurait être caractérisé des seuls faits qu'elle a été informée des motifs de sa nouvelle saisine - ce qui, au demeurant, ne constitue pas la violation d'une quelconque obligation de publicité ou de mise en concurrence - et qu'elle a modifié plusieurs de ses appréciations initiales relatives à la valeur technique des offres. Au demeurant, ces modifications et les contradictions qu'y relève la requérante n'ont eu aucune incidence, puisqu'il résulte de l'instruction que les notes initialement attribuées aux offres au titre du critère de la valeur technique sont demeurées inchangées, la commission s'étant bornée à recalculer les notes attribuées au titre du critère du prix, comme le rendait nécessaire la rectification de l'erreur matérielle initialement commise dans le report des propositions financières, et à modifier en conséquence les notes globales.
21. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que le volume des pompes, la mesure de porosité et l'externalité du chauffage, qui ont été pris en compte par la commission, respectivement, pour les deux premiers sous-critères de la valeur technique, pour son deuxième sous-critère et pour ses quatrième et cinquième sous-critères, ne constituent pas des critères de jugement des offres, mais de simples éléments d'appréciation qui n'avaient pas à être préalablement portés à la connaissance des candidats.
22. En troisième lieu, la requérante soutient que la prestation supplémentaire éventuelle facultative - consistant en une option pour des embouts contenant des transducteurs - prévue par l'article 2.4.1 du règlement de la consultation, qu'elle a présentée, n'a pas été prise en compte lors de l'analyse des offres.
23. Cependant, cette absence de prise en compte ne saurait être irrégulière puisqu'elle résulte des dispositions de l'article 8.2 du règlement de la consultation, lequel prévoit expressément que, cette prestation supplémentaire éventuelle " étant facultative, elle ne fera pas l'objet d'une analyse ".
24. Il résulte de ce qui précède que la requérante n'est pas fondée à soutenir que l'avis de la commission est irrégulier, ni par suite qu'en se l'appropriant, le président de l'université a manqué à ses obligations de publicité et de mise en concurrence.
Quant à la méthode de notation des offres :
25. En premier lieu, aucun texte ni principe n'impose à l'acheteur de définir la méthode de notation des offres préalablement à la consultation, ni de la porter préalablement à la connaissance des candidats.
26. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que chacun des cinq sous-critères de la valeur technique a été noté sur 10 points, avant application de sa pondération propre, selon une grille de notation allant de 10 pour une offre " exceptionnelle, au-delà des propositions usuelles " à 0, pour une " absence d'information ou hors sujet ", en passant notamment par 8 pour une offre " très satisfaisante ".
27. La requérante fait valoir que cette méthode de notation est illégale en ce qu'elle permet à l'acheteur d'attribuer une note excédant la note maximale devant être attribuée aux offres répondant exactement aux prescriptions du marché, sans que les candidats aient été informés de cette possibilité, ni de la définition de l'offre " exceptionnelle ". Toutefois, la note de 10 prévue par cette grille de notation n'excède pas la note maximale, mais constitue cette note. Par ailleurs, une offre ne saurait être regardée comme étant la meilleure, et ainsi mériter l'attribution de la note maximale, du seul fait qu'elle répond exactement aux prescriptions du marché. Enfin, ainsi qu'il vient d'être dit, l'université n'était pas tenue d'informer les candidats de cette grille de notation.
28. En troisième lieu, la société Irian Mecatronics n'indique pas en quoi la gradation de la notation par paliers de deux points et l'importante pondération des deux premiers sous-critères de la valeur technique a pu conférer à l'université un pouvoir discrétionnaire, ce qui ne permet pas au juge des référés d'apprécier le bien-fondé de son moyen.
29. En quatrième lieu, le pouvoir adjudicateur définit librement la méthode de notation pour la mise en œuvre de chacun des critères de sélection des offres qu'il a définis et rendus publics. Il peut ainsi déterminer tant les éléments d'appréciation pris en compte pour l'élaboration de la note des critères que les modalités de détermination de cette note par combinaison de ces éléments d'appréciation. Une méthode de notation est toutefois entachée d'irrégularité si, en méconnaissance des principes fondamentaux d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, les éléments d'appréciation pris en compte pour noter les critères de sélection des offres sont dépourvus de tout lien avec les critères dont ils permettent l'évaluation ou si les modalités de détermination de la note des critères de sélection par combinaison de ces éléments sont, par elles-mêmes, de nature à priver de leur portée ces critères ou à neutraliser leur pondération et sont, de ce fait, susceptibles de conduire, pour la mise en œuvre de chaque critère, à ce que la meilleure note ne soit pas attribuée à la meilleure offre, ou, au regard de l'ensemble des critères pondérés, à ce que l'offre économiquement la plus avantageuse ne soit pas choisie.
30. Il résulte de l'instruction que la notation des offres au regard du critère de la valeur technique, lequel représente 60 % de la note globale, a été effectuée en deux étapes : dans un premier temps, les notes pondérées obtenues au titre de chacun des cinq sous-critères de la valeur technique ont été additionnées ; dans un second temps, l'offre ayant obtenu le total le plus élevé s'est vu attribuer la note maximale de 60 points sur 60, tandis que les autres offres ont obtenu une note calculée selon la formule [(total des points du candidat / total le plus élevé) x 60]. L'offre de la société Top Industrie, qui a obtenu la note la plus élevée à l'issue de la première étape, soit 84 points sur 100, s'est ainsi vu attribuer la note finale de 60 points sur 60 au regard du critère de la valeur technique, tandis que celle de la société Irian Mecatronics, qui a obtenu la note de 64 sur 100 à l'issue de la première étape, a obtenu la note finale de 45,71 sur 60.
31. Or, le respect de la pondération des sous-critères annoncée dans le règlement de la consultation impliquait que la note sur 100 obtenue à l'issue de la première étape fût simplement ramenée à une note sur 60, ce qui aurait donné une note finale de 50,4 pour la société Top Industrie et de 38,4 pour la société Irian Mecatronics, soit un écart de 12 points et non de 14,29 points. La méthode de notation mise en œuvre, qui a ainsi pour effet de neutraliser la pondération annoncée des sous-critères, est irrégulière.
32. Toutefois, l'offre retenue a obtenu une note globale de 90,92, contre 85,71 pour celle de la société Irian Mecatronics, soit un écart supérieur à celui résultant du manquement relevé au point précédent. Dès lors, ce manquement n'est pas susceptible de l'avoir lésée.
Quant au jugement des offres :
33. Il n'appartient pas au juge du référé précontractuel, qui doit seulement se prononcer sur le respect, par le pouvoir adjudicateur, des obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation d'un contrat, de se prononcer sur l'appréciation portée sur la valeur d'une offre ou les mérites respectifs des différentes offres. Il lui appartient, en revanche, lorsqu'il est saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le pouvoir adjudicateur n'a pas dénaturé le contenu d'une offre en en méconnaissant ou en en altérant manifestement les termes et procédé ainsi à la sélection de l'attributaire du contrat en méconnaissance du principe fondamental d'égalité de traitement des candidats.
34. D'une part, il résulte de ce qui vient d'être dit que la requérante ne peut pas utilement faire valoir que l'université a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des mérites respectifs de son offre et de celle de l'attributaire au regard de chacun des sous-critères de la valeur technique.
35. D'autre part, la dénaturation du contenu de l'offre de la requérante ne saurait être établie du seul fait que sa valeur technique a été jugée moins bonne que celle de l'attributaire.
36. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions présentées par la société Irian Mecatronics sur le fondement des articles L. 551-1 et suivants du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les frais de l'instance :
37. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'université de Strasbourg, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la société Irian Mecatronics la somme de 4 000 euros à verser à l'université de Strasbourg et la somme de 2 000 euros à verser à la société Top Industrie sur le fondement de ces dispositions.
Article 1 : La requête de la société Irian Mecatronics est rejetée.
Article 2 : La société Irian Mecatronics versera la somme de 4 000 euros à l'université de Strasbourg et la somme de 2 000 euros à la société Top Industrie en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions de l'université de Strasbourg et de la société Top Industrie est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Irian Mecatronics, à l'université de Strasbourg et à la société Top Industrie.
Fait à Strasbourg, le 14 février 2025.
Le juge des référés,
P. REES
La République mande et ordonne au préfet du Bas-Rhin en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
Article, R522-8, CJA Article, L551-1, CJA Article, L551-4, CJA Signature de l'acte Acte d'engagement Présentation d'une offre Parties d'un marché Défaut d'impartialité Décision d'attribution Erreur matérielle Note maximale Pouvoir discrétionnaire Méconnaissance du principe de l'égalité de traitement Erreur manifeste dans l'appréciation Appels d'offres Signature d'un marché Pouvoirs adjudicateurs Acheteur public Signature des contrats Mise en concurrence Prestation de service Intérêt public Entreprise concurrente Bon de commande Absence d'information Information d'un candidat Critères de sélection Principe fondamental Critères pondérés