Lexbase Affaires n°277 du 15 décembre 2011 : Baux commerciaux

[Evénement] Actualité des baux commerciaux - Compte-rendu de la réunion de la Commission de droit immobilier du barreau de Paris

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par Anne-Lise Lonné-Clément, Rédactrice en chef de Lexbase Hebdo - édition privée

le 16 Décembre 2011


La Commission ouverte de droit immobilier du barreau de Paris, sous la responsabilité de Maître Jean-François Péricaud, tenait, le 25 octobre 2011, une réunion consacrée à l'actualité des baux commerciaux, présidée par Jehan-Denis Barbier, et à laquelle intervenaient, Alain Confino, Gilles Hittinger-Roux, et Bertrand Raclet, avocats spécialistes en la matière.
Présentes à cette occasion, les éditions Lexbase vous proposent de retrouver un compte-rendu de cette réunion.

  • Les obligations et précautions documentaires dans la rédaction du bail commercial

Pour présenter l'ensemble des obligations et précautions documentaires à respecter lors de la rédaction du bail commercial, Maître Alain Confino a choisi de synthétiser ces informations extrêmement nombreuses dans le cadre d'une série de cinq tableaux (1).

Ces tableaux constituent ainsi une synthèse :

- des informations documentaires impératives dictées par des textes applicables aux baux de locaux à usage commercial (tableaux 1 et 2) ;

- de celles qui sont conseillées même si elles ne sont imposées que par des réglementations applicables à d'autres types de conventions (tableaux 3 et 4) ;

- et enfin de celles qui sont impératives pour les baux de locaux à usage mixte commercial et d'habitation, voire pour les baux mixtes professionnels et d'habitation qui ont pu faire l'objet d'une extension volontaire du statut des baux commerciaux (tableau 5).

La lecture de ces tableaux appelle différentes remarques.

Les informations concernées sont susceptibles d'être applicables à tous les baux : ceux qui sont soumis au statut des baux commerciaux, que ce soit par nature (locations principales comme sous-locations) ou par extension, mais aussi ceux qui y échappent par la volonté des parties (baux dérogatoires) ou en raison de l'absence de l'une au moins des conditions de soumission édictées par les articles L. 145-1 (N° Lexbase : L2327IBS) et suivants du Code de commerce.

Certaines informations sont impératives pour tout bail commercial (BC), soit parce que la loi l'énonce expressément, soit parce que la réglementation applicable à la matière concernée impose au bailleur, en tant que propriétaire (ces obligations ne concernent, donc, que dans une moindre mesure le locataire principal vis-à-vis de son sous-locataire), de satisfaire à certaines règles de prudence et de protection de la santé des occupants de son immeuble, dont l'inobservation peut même engager sa responsabilité pénale.

D'autres sont simplement conseillées au bailleur s'il veut réduire, autant qu'il est possible, les risques de sanctions civiles de droit commun, ces précautions trouvant essentiellement leur source dans les obligations documentaires applicables en matière de vente d'immeuble (CCH, art. L. 271-4 N° Lexbase : L7960IMR), et dans la jurisprudence.

Enfin, certaines informations ont encore un caractère impératif en présence de baux mixtes (BM). Il en est ainsi des baux à usage commercial et d'habitation. On peut encore évoquer l'hypothèse -exceptionnelle- de baux mixtes professionnels et d'habitation (relevant des dispositions de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 N° Lexbase : L8461AGH) qui feraient l'objet d'une adoption volontaire du statut des baux commerciaux.

Les obligations et précautions documentaires se distinguent aussi par leur objet. Le tableau décrit le contenu de l'information à fournir par le bailleur et/ou le document à remettre au preneur lorsque l'information consiste en la communication d'un diagnostic établi par un professionnel.

Sont précisées également les modalités selon lesquelles le bailleur communiquera l'information concernée (intégration au contrat par voie d'annexe ou de stipulation expresse, remise séparée au preneur ou tout autre mode permettant de se ménager la preuve de la réception de l'information).

S'agissant du moment de la communication, la loi précise parfois, selon les cas, que l'information doit être donnée lors de la conclusion du bail, lors de son renouvellement ou même parfois en cours de bail. Toutefois, compte tenu de l'imprécision de bien des textes à cet égard, la prudence devrait conduire le bailleur à délivrer l'information requise dès qu'il en a connaissance. Dans le silence ou l'imprécision des textes, nous recommandons par exemple d'attacher aux actes de renouvellement les annexes requises pour la conclusion d'un bail (ainsi, par exemple, l'état des risques naturels et technologiques majeurs).

Quant aux informations non impératives, le moment auquel le bailleur aura intérêt à les fournir sera apprécié par lui en fonction des risques qu'il encourt et de l'importance des informations dont il a connaissance et que le preneur n'est pas censé avoir reçues.

Lorsque le bailleur est soumis à une obligation documentaire particulière en raison de certaines caractéristiques de l'immeuble loué, la mention des immeubles concernés, figurant dans le tableau, doit être comprise comme délimitant le champ d'application des dispositions légales correspondantes.

Les précautions documentaires conseillées concernent principalement les immeubles sur lesquels portent les obligations d'information édictées par l'article L. 271-4 du Code de la construction et de l'habitation en matière de vente.

Enfin, les obligations documentaires sont susceptibles d'entraîner des sanctions, civiles et pénales, détaillées dans le tableau. Il convient à cet égard d'avoir à l'esprit que si les textes prévoient des sanctions spéciales, la mise en oeuvre des sanctions générales de droit commun peut toujours être envisagée à titre complémentaire ou même principal.

Ainsi la responsabilité pénale du bailleur (renvoi 2) est-elle susceptible d'être engagée, notamment sur le fondement de l'article 121-3 du Code pénal (N° Lexbase : L2053AMY), dans l'hypothèse où il aurait méconnu une obligation particulière de sécurité imposée par une disposition législative ou réglementaire.

Les défauts ou insuffisances d'information imputables au bailleur sont également de nature à l'exposer à des sanctions civiles (renvoi 1) sur le fondement des articles 1719-1° du Code civil (N° Lexbase : L8079IDL obligation de délivrance conforme), 1721 du même code (N° Lexbase : L1843ABU garantie des vices cachés), 6 de la loi du 6 juillet 1989 en matière de bail mixte (N° Lexbase : L3389A9E délivrance d'un logement décent), ou sur un ou plusieurs des fondements généraux des articles 1110 (N° Lexbase : L1198ABY), 1116 (N° Lexbase : L1204AB9), 1142 (N° Lexbase : L1242ABM), 1144 (N° Lexbase : L1244ABP), 1147 (N° Lexbase : L1248ABT), 1184 (N° Lexbase : L1286ABA), et 1382 (N° Lexbase : L1488ABQ) du Code civil, ou encore sur celui de l'obligation de sécurité dégagée par la jurisprudence.

  • Les clauses exonératoires de responsabilité dans les baux commerciaux

Gilles Hittinger-Roux a présenté ses observations en trois temps.

Inventaire des clauses exonératoires de responsabilité présentes dans les baux commerciaux

Tout d'abord, dès le préambule du contrat, un premier dispositif rappelle que le preneur, préalablement à la signature du bail, a apprécié personnellement la qualité du site -ce qui revient à rappeler que le locataire est un professionnel, par opposition à un consommateur-. Peut-être conviendrait-il de repenser cette clause lorsque sa signature intervient deux ans avant la livraison du local, dans le cadre d'un site nouvellement créé, lorsque la zone commerciale attendue n'existe pas. Autrement dit, il convient de le replacer dans son situ.

Gilles Hittinger-Roux relève, ensuite, la clause prévoyant que le preneur déclare contracter en acceptant les aléas économiques. Si cela peut paraître logique que le bailleur puisse se protéger en énonçant que, dans l'hypothèse où il y a des aléas économiques, sa responsabilité ne puisse pas être engagée, la clause devient plus litigieuse, lorsqu'il est ajouté que le bailleur pourra prendre toute initiative pour aménager et réaliser des travaux selon l'évolution positive ou négative de la zone. Force est de constater que ce n'est pas l'imprévision, mais les travaux réalisés par le bailleur qui sont susceptibles de modifier les flux. Il convient alors de s'interroger sur la nature des possibilités pour le bailleur de réaliser lesdits travaux.

Le troisième dispositif concerne la possibilité pour le bailleur de s'exonérer de son obligation de délivrance ou de jouissance paisible. On constate que ce type de clauses, et notamment les clauses "charges", prévoit que le bailleur aura toute faculté de pouvoir modifier la zone, de pouvoir réaliser des agencements, des agrandissements ou toute sorte de modification. Se pose alors la question de savoir si le preneur peut invoquer les dispositions des articles 1719 (N° Lexbase : L8079IDL) et 1723 (N° Lexbase : L1845ABX) du Code civil, autrement dit de savoir si ces dispositions sont d'ordre public.

Rappel du droit commun de la responsabilité

Il convient, tout d'abord, de rappeler le principe de la liberté contractuelle. A priori, le contrat est librement négocié ; même s'il s'agit, le plus fréquemment, d'un contrat d'adhésion, en tous les cas, le preneur agit en tant que professionnel. Par conséquent, les renonciations sont tout à fait possibles.

La limite posée par la jurisprudence au principe de la liberté contractuelle consiste toutefois à vérifier l'absence de manquement à l'obligation essentielle du contrat (Cass. com., 22 octobre 1996, n° 93-18.632 N° Lexbase : A2343ABE). Mais depuis 2005, la clause limitative de responsabilité ne peut être mise en échec que si le créancier établit le dol ou la faute lourde du débiteur, même en cas de l'exécution d'une obligation essentielle du contrat (Cass. mixte, 22 avril 2005 n° 02-18.326 N° Lexbase : A0025DIR ; Cass. com., 21 février 2006 n° 04-20.139 N° Lexbase : A1807DNA). Il convient alors de distinguer les clauses exonératoires de responsabilité, d'une part, et l'obligation au contrat, d'autre part.

Application en matière de baux commerciaux

Dans le cadre du bail commercial, deux jurisprudences principales sont à considérer.

Tout d'abord, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, dans un arrêt rendu le 11 mai 1995 (Cass. civ. 3, 11 mai 1995, n° 93-16.719 N° Lexbase : A4316CRB), a précisé que le bailleur d'un local commercial est débiteur de l'obligation de délivrance et de jouissance paisible régie par l'article 1719 du Code civil (N° Lexbase : L8079IDL), sans être tenu à des obligations plus étendues que celles d'un "bailleur ordinaire".

De même, dans un arrêt du 13 juin 2001, la troisième chambre civile de la Cour de cassation a rappelé que le bailleur n'est tenu vis-à-vis du locataire d'aucune autre obligation que celle de délivrance, d'entretien et de jouissance paisible de la chose louée et notamment pas d'une obligation d'un maintien d'un environnement commercial favorable (Cass. civ. 3, 13 juin 2001, n° 99-17.985 N° Lexbase : A6104ATA, Bull. civ. III, n° 78).

Cela étant, dans un contexte où les droits d'entrée ainsi que les loyers versés dans le cadre des centres et galeries atteignent des montants considérables, il convient de se demander si le preneur n'est pas légitimement en mesure d'exiger d'un environnement commercial. En d'autres termes, Gilles Hittinger-Roux nous invite à rechercher la cause du contrat -à savoir la recherche d'un environnement commercial favorable-, et non pas seulement lors de la conclusion du contrat, mais tout au long de son exécution, sachant qu'il faut en effet considérer que les parties se situent dans le cadre d'un contrat successif.

  • Les clauses relatives au transfert de la vétusté

Ainsi que l'a rappelé Bertrand Raclet, l'article 1755 du Code civil (N° Lexbase : L1888ABK) précise qu'"aucune des réparations réputées locatives n'est à la charge des locataires quand elles ne sont occasionnées que par vétusté ou force majeure". Ce texte étant supplétif de volonté, la jurisprudence retient que le transfert au preneur de la charge des réparations liées à la vétusté ne peut résulter que d'une clause expresse contenue dans le bail.

L'intervenant est revenu sur trois arrêts récents qui adoptent le même raisonnement.

Dans une première espèce ayant donné lieu à un arrêt rendu le 13 septembre 2011 (Cass. civ. 3, 13 septembre 2011, n° 10-21.027, F-D N° Lexbase : A7482HXE), le bail stipulait que le bailleur n'était tenu "que des grosses réparations définies à l'article 606 du Code civil (N° Lexbase : L3193ABU) et que les désordres relatifs à l'installation électrique, au chauffage, à la plomberie, au plancher, à l'escalier de la cave aux plafonds et aux étagères de stockage ne relevaient pas de l'obligation des grosses réparations à la charge du bailleur". La cour d'appel avait retenu que, les locaux ayant été pris en l'état, le bailleur avait satisfait à son obligation de délivrance. L'arrêt est censuré, au visa de l'article 1755 du Code civil (N° Lexbase : L1888ABK), par la Cour suprême qui estime que, dès lors que les juges du fond n'avaient pas relevé de clause expresse du bail mettant à la charge du preneur les travaux rendus nécessaires par la vétusté, ils auraient dû rechercher si les réparations invoquées n'étaient pas, au moins pour partie, occasionnées par la vétusté.

Il est donc très clairement demandé aux juges du fond de vérifier s'il existe, ou non, dans le bail une clause expresse transférant les effets de la vétusté sur le locataire ; en l'absence d'une telle clause, il leur est demandé de qualifier les travaux dont s'agit, pour permettre à la Cour de cassation d'exercer son contrôle.

Dans un deuxième arrêt du 5 avril 2011 (Cass. civ. 3, 5 avril 2011, n° 10-14.877, F-D N° Lexbase : A3436HNL), l'affaire portait sur la réparation, relativement importante, des ascenseurs de l'immeuble. Le bail prévoyait que "toutes les charges relatives à la gestion à l'entretien et aux réparations de l'immeuble à l'exception des travaux relevant expressément de l'article 606 du Code civil" incombaient au preneur. La cour d'appel avait estimé que les travaux de réparation de l'ascenseur étaient donc à la charge du locataire au vu du bail. Selon la même logique, et également au visa de l'article 1755 du Code civil, la Cour de cassation retient qu'"en statuant ainsi, sans relever de clause expresse du bail mettant à la charge du preneur les travaux rendus nécessaires par la vétusté alors qu'elle avait retenu que les réparations des ascenseurs résultaient de leur vétusté, la cour d'appel a violé le texte susvisé".

Enfin, dans un arrêt du 27 septembre 2011, c'est la vétusté de l'installation électrique qui était en cause. S'agissant des conditions locatives, le bail mettait à la charge du preneur le parfait état des réparations locatives et de menu entretien visées à l'article 1754 du Code civil (N° Lexbase : L1887ABI), et prévoyait qu'il supporterait en outre celles de gros entretien visées à l'article 606, alinéa 3, du Code civil. La cour d'appel avait jugé que l'installation électrique n'entrait pas dans les réparations à la charge du bailleur. Là encore, l'arrêt est censuré selon le même raisonnement, mais cette fois, au visa de l'article 1719 du Code civil, relatif à l'obligation de délivrance : "en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que l'installation électrique des locaux loués était vétuste et sans relever de clause du bail mettant à la charge du preneur les travaux rendus nécessaires par la vétusté, la cour d'appel a violé le texte susvisé".

Au vu de cette jurisprudence, Bertrand Raclet propose un certain nombre de recommandations pour la rédaction du bail.

Pour mettre à la charge du locataire les réparations liées à la vétusté, il convient donc de stipuler dans le bail une clause expresse prévoyant le transfert de la charge de la vétusté, et de veiller à prévoir une bonne définition des travaux. On peut prévoir, en outre, que les travaux relevant de l'article 606 du Code civil, sont également à la charge du preneur. Quant aux travaux de mises aux normes, il est également nécessaire d'insérer une clause expresse en ce sens.

Ces clauses peuvent être cumulées. En effet, le fait d'avoir transféré sur le locataire les réparations relevant de l'article 606 du Code civil n'implique pas qu'il ait la charge de la vétusté. Inversement, si les travaux liés à la vétusté sont mis à la charge du preneur, et non les travaux structurels, le preneur n'en sera pas redevable. En effet, les travaux structurels n'entrent pas dans la définition de la vétusté.

A noter que la clause du bail prévoyant que les locaux sont pris en l'état ne permet pas de transférer au preneur la charge de la vétusté. De même, la clause indiquant que le preneur est tenu de restituer les locaux en parfait état d'entretien et de réparation n'implique pas la prise en compte de la vétusté.

  • Les clauses relatives à la sous-location

Maître Bertrand Raclet est également revenu sur un certain nombre d'arrêts récents relatifs aux droits au renouvellement du sous-locataire et du locataire principal, dans les hypothèses d'adoption volontaire du statut des baux commerciaux, dans le cadre de sous-location totale des locaux.

Deux arrêts rendus par la Cour de cassation le 4 mai 2011 délivrent des enseignements complémentaires.

- Cass. civ. 3, 4 mai 2011, n° 09-72.550, FS-P+B (N° Lexbase : A2542HQ9)

En l'espèce, il s'agissait de consentir un bail pour un établissement d'enseignement de formation. Le futur exploitant n'ayant pas la surface financière permettant de prendre à bail directement, un locataire principal avait été inséré entre le propriétaire et le futur exploitant, qui répondait aux conditions financières exigées par le bailleur.

Le contrat prévoyait l'autorisation de la sous-location totale ; il était également stipulé que le bailleur renonçait à l'action en réajustement du loyer ; enfin, une clause prévoyait que les locaux devraient être maintenus en état permanent effectif d'exploitation, soit par le locataire principal, soit par le sous-locataire.

Le contrat de sous-location conclu entre le sous-locataire et le locataire principal avait omis de faire concourir le propriétaire à l'acte.

En fin de bail, le bailleur a refusé au locataire le renouvellement, faisant valoir l'absence d'exploitation des locaux, et donc l'absence de fonds de commerce. Le locataire ne pouvait alors prétendre ni au droit au renouvellement, ni au droit à l'indemnité d'éviction.

Le congé invoquait un motif grave et légitime, à savoir que le bailleur n'avait pas été convié à concourir à l'acte de sous-location, ce qui constitue une infraction ne nécessitant pas de mise en demeure préalable.

La cour d'appel de Paris, dans un arrêt du 9 septembre 2009 (CA Paris, 16ème ch., sect. A, 9 septembre 2009, n° 08/00655 N° Lexbase : A4388EQL), avait estimé qu'il y avait eu adoption volontaire du statut des baux commerciaux au profit du locataire principal ; quant au sous-locataire, les éléments du dossier démontraient, selon les juges, un agrément tacite.

Dans son arrêt rendu le 4 mai 2011, la Cour de cassation s'est prononcée sur deux éléments.

S'agissant de l'agrément tacite du sous-locataire, l'article L. 445-31 du Code de commerce (N° Lexbase : L5760AI8), prévoit une formalité de concours, destinée à informer le bailleur des conditions de la sous-location. Il faut rappeler, à cet égard, que la Cour de cassation a précisé que l'obtention d'une autorisation du bailleur est également exigée lors du renouvellement de la sous-location (Cass. civ. 3, 28 octobre 2009, n° 08-18.736, FS-P+B N° Lexbase : A6095EMP).

En l'espèce, la Cour de cassation a admis l'agrément tacite du sous-locataire, estimant que la sous-location était inhérente au contrat. Dès lors que le bailleur principal savait, dès la conclusion du bail initial, que les locaux avaient vocation à être sous-loués en totalité, que les clauses du bail prenaient en compte cette situation et que des relations directes entre le bailleur principal et le sous-locataire se sont poursuivies au cours des baux successifs (pour l'exécution de travaux ou de contrôles de la commission de sécurité), le Haute juridiction considère que le bailleur avait tacitement agréé cette sous-location.

Concernant le locataire principal, il faut savoir que l'adoption volontaire du statut des baux commerciaux doit résulter d'une volonté claire et non équivoque ; elle doit donc être exprimée par écrit dans le contrat.

La Cour de cassation, en l'espèce, a relevé notamment la clause de l'occupation personnelle des locaux de l'exploitation des locaux, qui pouvait être soit celle du locataire principal, soit celle du sous-locataire ; elle en déduit que les parties n'avaient pas fait de l'occupation personnelle par le locataire une condition d'application du statut des baux commerciaux : "dès lors que la bailleresse savait que les locaux donnés à bail avaient vocation à être sous-loués dans leur totalité et que le bail stipulait que les locaux devaient être maintenus constamment utilisés soit par le preneur lui-même, soit par ses sous-locataires, la cour d'appel a pu en déduire que les parties avaient entendu soumettre le bail au statut des baux commerciaux sans faire de l'exploitation des lieux par le locataire principal une condition nécessaire à son application". Le locataire principal pouvait donc faire valoir son droit à une indemnité d'éviction.

La question sous-jacente posée par cet arrêt est celle de la sous-location totale qui peut donner lieu au paiement d'une double indemnité : une pour le locataire principal résultant de l'adoption volontaire du statut des baux commerciaux ; une autre pour le sous-locataire résultant de l'agrément tacite.

- Cass. civ. 3, 4 mai 2011, n° 10-16.231, FS-D (N° Lexbase : A2577HQI)

En l'espèce, il s'agissait d'un antiquaire brocanteur qui était autorisé par le bail à sous-louer des stands, partiellement ou totalement. Le bail prévoyait la renonciation du bailleur au droit de réajustement du loyer.

En fin de bail, le bailleur a délivré un congé d'annulation, à défaut d'exploitation personnelle du local. Le locataire principal soutenait qu'il était propriétaire d'un fonds de commerce de sous-location de stands, et qu'il bénéficiait de l'adoption volontaire du statut.

Mais la Cour de cassation retient que les stipulations relatives à la sous-location dont le seul but est de déroger au principe d'interdiction des sous-locations ne modifient pas l'obligation faite au preneur d'exploiter le fonds de commerce pour bénéficier d'un droit au renouvellement.

Au vu de ces deux arrêts du 4 mai 2011, Bertrand Raclet a livré quelques recommandations pour la rédaction des clauses de sous-location.

Du point de vue du locataire, il convient, tout d'abord, de prévoir une clause générale d'autorisation de sous-location totale, ce en évitant d'identifier des sous-locataires potentiels. Par ailleurs, la prudence peut conduire à suggérer au bailleur une dispense de la formalité du concours, et de prévoir simplement l'envoi de l'acte dans le délai d'un mois suivant sa signature.

Il convient de prévoir l'adoption volontaire du statut des baux commerciaux pour le locataire principal ; en outre, il est important de préciser que la condition manquante pour l'application du statut, est celle de l'occupation personnelle, et ainsi, qu'en l'absence d'occupation personnelle ou d'exploitation d'un fonds, les parties décident néanmoins que le locataire principal, par adoption volontaire, aura droit au renouvellement de son bail ; on peut également prévoir que le bailleur renonce à invoquer, pour ce motif, l'article L. 145-8 (N° Lexbase : L2248IBU) à l'encontre du locataire principal.

Bertrand Raclet propose, enfin, de régler le sort de l'action en réajustement du loyer, ce qui peut s'envisager de plusieurs manières, y compris par le partage entre le bailleur et le locataire principal du surcoût du loyer.

- Cass. civ. 3, 19 janvier 2011, n° 09-72.040, FS-D (N° Lexbase : A2889GQ3)

L'arrêt rendu le 19 janvier 2011 apporte quelques précisions s'agissant du droit direct au renouvellement du sous-locataire en cas d'indivisibilité matérielle des locaux.

Pour rappel, aux termes de l'article L. 145-32, alinéa 2, du Code de commerce (N° Lexbase : L5760AI8), à l'expiration du bail principal, le propriétaire n'est tenu au renouvellement que s'il a, expressément ou tacitement, autorisé ou agréé la sous-location et si, en cas de sous-location partielle, les lieux faisant l'objet du bail principal ne forment pas un tout indivisible matériellement ou dans la commune intention des parties.

Dans cette affaire, le bail prévoyait une désignation contractuelle banale ; aucune indivisibilité n'était stipulée. La cour d'appel n'avait pas voulu reconnaître le droit direct au renouvellement en considérant que la division des locaux n'était pas prévue, qu'il y avait simplement une désignation de ces locaux et que l'acceptation tacite par le bailleur de la présence d'un sous-locataire dans une partie des lieux loués n'était pas suffisante pour modifier la désignation des biens loués en créant des lots séparés soumis à un régime locatif distinct. La Cour de cassation censure la décision en rappelant qu'en l'absence d'indivisibilité conventionnelle, les juges du fond devaient rechercher si les locaux n'étaient pas matériellement divisibles.

- Cass. civ. 3, 8 décembre 2010, n° 09-70.784, FS-P+B (N° Lexbase : A9170GML)

L'arrêt rendu par la troisième chambre civile de la Cour de cassation le 8 décembre 2010 apporte certaines précisions concernant les impacts de la sous-location au regard du déplafonnement. Il ressort de cet arrêt que l'intérêt que présente une modification des facteurs locaux de commercialité doit être apprécié au regard de la ou des activité(s) commerciale(s) exercée(s) dans les locaux loués, sans qu'il y ait lieu d'exclure de cet examen l'activité d'un sous-locataire.

  • La modification "favorable" des facteurs locaux de commercialité, condition du déplafonnement des loyers

Maître Alain Confino, est revenu sur l'arrêt rendu le 14 septembre 2011 par la troisième chambre civile de la Cour de cassation (Cass. civ. 3, 14 septembre 2011, n° 10-30.825, FS-P+B+R N° Lexbase : A7545HXQ).

Les textes en cause dans cet arrêt sont les articles L. 145-34 du Code de commerce (N° Lexbase : L3108IQ8), d'une part, qui pose le principe du plafonnement et prévoit une exception lorsqu'il existe une modification notable intervenue au cours du bail pour l'un des éléments concourant à la valeur locative ; et d'autre part, l'article R. 145-6 (N° Lexbase : L0044HZN) qui définit les facteurs locaux de commercialité. Ce dernier article précise que "les facteurs locaux de commercialité dépendent principalement de l'intérêt que présente, pour le commerce considéré, l'importance de la ville, du quartier, ou de la rue où il est situé, du lieu de son implantation, de la répartition des diverses activités dans le voisinage, des moyens de transport, de l'attrait particulier ou des sujétions que peut présenter l'emplacement pour l'activité considérée, et des modifications que ces éléments subissent d'une manière durable ou provisoire".

Ainsi que le souligne Maître Confino, ce texte définit deux types de critères pour déterminer la commercialité : un critère matériel, d'une part, consistant en une liste d'éléments qui sont des facteurs exogènes au fonds de commerce, et un critère qualitatif, d'autre part, qui est celui de l'appréciation du lien entre ces éléments extérieurs au fonds et l'activité. Mais, force est de constater que l'article L. 145-34, qui subordonne la possibilité de déplafonnement à une modification notable des facteurs locaux de commercialité, ne précise nullement le sens, positif ou négatif, d'une telle modification.

Dans le silence des textes, les juges ont été amenés à rechercher s'il convenait d'ajouter à l'article L. 145-34 un critère qualitatif. Autrement dit, la question est de savoir si, pour permettre un déplafonnement, la modification des facteurs locaux de commercialité doit nécessairement avoir une incidence favorable à l'égard du fonds, ou si cette incidence peut aussi être défavorable.

C'est sur ce point que se prononce l'arrêt du 14 septembre 2011, dans le cadre de la cassation d'un arrêt rendu par la cour d'appel de Rennes le 28 avril 2010 (CA Rennes, 7ème ch., 28 avril 2010, n° 08/05638 N° Lexbase : A0922EXG). La Cour suprême retient, très clairement, qu'"une modification notable des facteurs locaux de commercialité ne peut constituer un motif de déplafonnement des nouveaux loyers qu'autant qu'elle est de nature à avoir une incidence favorable sur l'activité commerciale exercée par le preneur".

On peut, toutefois, se demander si cette décision est constitutive d'une solution nouvelle de la part de la troisième chambre civile de la Cour de cassation.

Pour leur part, les magistrats de la cour d'appel de Rennes avaient relevé que la jurisprudence n'était pas du tout fixée dans le sens que la modification doit avoir bénéficié au locataire. Les juges se référaient même à un arrêt rendu par la troisième chambre civile de la Cour de cassation, le 13 juillet 1999, retenant une solution contraire (Cass. civ. 3, 13 juillet 1999, n° 97-18.295 N° Lexbase : A8130AG9). La Cour de cassation avait, en effet, censuré une cour d'appel qui avait refusé le déplafonnement en l'absence de preuve d'une modification favorable des éléments de la valeur locative, au motif qu'"en statuant ainsi alors qu'elle avait constaté que la baisse de population, alléguée par le locataire et reconnue par la bailleresse, constituait, s'agissait d'un commerce de proximité, une modification notable d'un facteur local de commercialité". La cour d'appel de Rennes ajoutait, d'ailleurs, que, "depuis lors, cette jurisprudence, nouvelle, n'a pas été remise en cause".

Mais, selon Maître Confino, les juges rennais ignoraient vraisemblablement une série d'arrêts rendus par la Cour de cassation, retenant une formule selon laquelle : "une modification ne peut être prise en compte quand elle s'applique aux facteurs locaux de commercialité, que pour autant qu'elle présente un intérêt pour le commerce considéré". Or, si l'on se réfère au dictionnaire, la notion d'intérêt est liée à celle d'avantage, et revêt indiscutablement un sens positif.

Il semble que la confusion soit tirée de l'article R. 145-6 qui, dans sa définition des facteurs locaux de commercialité emploie le terme "intérêt" à deux reprises. Les juges auraient ainsi fait remonter cette notion d'intérêt à l'article L. 145-34. Autrement dit, d'un élément positif qui définit la valeur locative, ils ont créé une condition supplémentaire au déplafonnement, en retenant que la modification notable des facteurs locaux de commercialité devait présenter un "intérêt" pour le locataire.

Certains arrêts ont même retenu des expressions plus marquées pour exprimer la positivité du critère, telles que "accroissement de clientèle ayant bénéficié à l'activité", "évolution des facteurs locaux de commercialité favorables à l'activité", ou encore "évolution ayant bénéficié au commerce". En tout état de cause, force est de constater que ces différentes décisions tendent à considérer que la modification notable des facteurs locaux de commercialité doit avoir un effet positif sur l'activité du locataire pour permettre le déplafonnement.

L'arrêt du 14 septembre 2011 constitue ainsi une décision d'importance, à plusieurs égards. Tout d'abord, elle apporte une clarification terminologique en adoptant le terme d'"incidence favorable", plutôt que celui d'"intérêt". Ensuite, en indiquant que la modification doit être "de nature à avoir une incidence favorable", elle apporte un élément novateur dans le sens où la seule potentialité de "l'incidence favorable" peut désormais être prise en compte. L'expression employée ajoute ainsi à l'admission de la modification une condition qui pourra être appréciée in abstracto -alors, par ailleurs, que la justification d'un rapport entre la modification et le commerce considéré continuera d'être recherchée in concreto-.

En conclusion, Maître Confino considère, à la lumière de l'arrêt du 14 septembre 2011, que le bailleur qui cherche à écarter la règle du plafonnement sur le fondement d'une évolution des facteurs locaux de commercialité doit désormais rapporter la preuve (i) de l'existence d'une modification de ces facteurs (ii) ayant un caractère notable, (iii) survenue au cours du bail expiré et (iv) de nature à avoir une incidence favorable (v) sur le commerce considéré.

  • Le calcul de l'indemnité d'éviction

Le mondant de l'indemnité d'éviction peut être calculé selon trois méthodes : la méthode par comparaison, la méthode comptable et la méthode du chiffre d'affaires.

Gilles Hittinger-Roux est revenu sur la méthode du chiffre d'affaires. Cette méthode ancienne, basée sur des barèmes fiscaux, amène à retenir une évaluation de l'indemnité comprise entre 30 et 70 % du chiffre d'affaires. Maître Hittinger-Roux a souligné les limites de cette méthode d'évaluation, dans le contexte fortement concurrentiel actuel, et qui conduit à des incohérences, notamment au regard de la faiblesse des indemnités d'éviction en comparaison aux indemnités d'expropriation qui peuvent être octroyées pour des fonds similaires. Il conviendrait, selon lui, de repenser totalement cette méthode.


(1) Tableaux publiés à l'AJDI, décembre 2011, p. 858 et s..

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