La lettre juridique n°404 du 22 juillet 2010 : Fiscalité des entreprises

[Chronique] Chronique de droit fiscal des entreprises - Juillet 2010

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N6431BPU

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par Frédéric Dal Vecchio, Docteur en droit, Chargé d'enseignement à l'Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines

le 07 Octobre 2010

Lexbase Hebdo - édition fiscale vous propose, cette semaine, de retrouver la chronique d'actualité en droit fiscal des entreprises réalisée par Frédéric Dal Vecchio, Docteur en droit, Chargé d'enseignement à l'Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines. Au sommaire de cette chronique, on retrouve, tout d'abord, une décision du Conseil d'Etat admettant la possibilité, pour les membres d'une association d'avocats, d'invoquer le bénéfice des dispositions de l'article 151 octies, relatif à l'apport en société d'une entreprise individuelle (CE 3° et 8° s-s-r., 2 juin 2010, n° 306292, mentionné dans les tables du recueil Lebon). A l'honneur, également, un arrêt par lequel le Conseil d'Etat apporte des précisions procédurales en matière de régime de groupe de sociétés et sur les modalités d'application de l'intérêt de retard en cas de rehaussement des résultats d'ensemble de sociétés incluses dans le périmètre d'intégration fiscale (CE 9° et 10° s-s-r., 2 juin 2010, n° 309114, mentionné dans les tables du recueil Lebon). Enfin, l'auteur relève une jurisprudence jusque-là inédite, concernant la fiscalité applicable aux dépenses de fonctionnement exposées dans les opérations de recherche scientifique ou technique (CE 3° et 8° s-s-r., 10 juin 2010, n° 312377, mentionné dans les tables du recueil Lebon).
  • Apport en société d'une entreprise individuelle : bénéfice des dispositions de l'article 151 octies du CGI au profit des membres d'une association d'avocats (CE 3° et 8° s-s-r., 2 juin 2010, n° 306292, mentionné dans les tables du recueil Lebon N° Lexbase : A5633EU8)

La fiscalité applicable à l'apport d'une entreprise individuelle à une société continue d'alimenter le contentieux entre les contribuables et l'administration fiscale, parfois même entre les rédacteurs d'actes et leurs clients (Cass. civ. 1, 18 décembre 2001, n° 98-20.246, F-P N° Lexbase : A7099AX9 ; M. Cozian, Manuel du parfait gaffeur : comment rater fiscalement la mise en société de son entreprise ?, JCP éd. E, 2005, p. 1458). Rappelons que ce régime optionnel récemment amendé (CGI, art. 151 octies N° Lexbase : L2463HNK ; loi n° 2005-1720 du 30 décembre 2005, art. 38 N° Lexbase : L6430HEU ; loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009, de finances pour 2010 N° Lexbase : L1816IGD (1)) permet principalement de se prévaloir :

- d'un sursis pour les stocks ;

- d'un étalement de l'imposition, au nom de la société bénéficiaire de l'apport, pour les plus-values sur immobilisations amortissables (cf. régime des fusions : CGI, art. 210 A N° Lexbase : L3936HLD) ;

- d'un report d'imposition pour les plus-values sur immobilisations non amortissables constatées lors de la mise en société de l'entreprise individuelle ;

- d'une exonération de droits d'enregistrement si l'apporteur s'engage, notamment, à conserver les titres rémunérant l'apport pendant trois ans (CGI, art. 809 I bis N° Lexbase : L3484IAB).

Les faits de l'espèce concernent la profession d'avocat dont les textes leur permettent d'exercer à titre individuel ou au sein d'une association ou d'une société (loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, art. 7 N° Lexbase : L7649AHR et art. 8 N° Lexbase : L7655AHY). Trois avocats ont créé une association pour exercer leur activité professionnelle et ils ont fait apport, en 1994, de l'ensemble des éléments d'actif immobilisé ainsi que leur clientèle respective à une société civile professionnelle. Lors de cette opération, la contribuable s'est placée sous le régime de l'article 151 octies du CGI. Contestant le bénéfice des dispositions précitées, l'administration fiscale a alors notifié, en 1994, des redressements en matière d'impôt sur le revenu et de contribution sociale généralisée au titre des plus-values.

La cour administrative d'appel de Paris (CAA Paris, 2ème ch., 6 avril 2007, n° 05PA01055 N° Lexbase : A6353EYX) a relevé que la contribuable exerçait dans une association dont les termes de la convention prévoyaient que chacun des associés restait personnellement responsable, à l'égard de ses clients, de ses actes professionnels. Elle en a déduit que cette association ne pouvait être assimilée à une société civile professionnelle pour l'application du IV de l'article 151 octies du CGI et que, de plus, les débats parlementaires révélaient que le législateur entendait réserver l'application de cette loi à une activité précédemment exercée à titre individuel. En d'autres termes, les juges du fond ont considéré que l'exercice de la profession d'avocat sous couvert d'une association ne pouvait être assimilée à un exercice individuel justifiant le bénéfice de la fiscalité de faveur attribuée par les dispositions rappelées.

En cassation, la Haute juridiction administrative va confirmer l'analyse des juges d'appel sur le fait que les dispositions de l'article 151 octies du CGI ne pouvaient s'appliquer aux plus-values résultant d'un apport d'actif effectué par une association d'avocats à une société civile professionnelle. Cependant, le Conseil d'Etat va régler l'affaire au fond (CJA, art. L. 821-2 N° Lexbase : L3298ALQ) après avoir reproché à la cour administrative d'appel de s'être bornée "à relever que le seul fait [que la requérante] exerçait sa profession d'avocat, au moment de l'apport, au sein d'une association empêchait de regarder la plus-value en cause comme réalisée par une personne physique, sans rechercher si, ainsi que le soutenait la requérante, l'apport des clientèles avait été, à l'occasion de cette fusion, effectué non par l'association collectivement mais par chacun des associés individuellement, la cour a commis une erreur de droit".

A nouveau, ces sont les stipulations du contrat liant les parties qui vont orienter le sens de la décision rendue par le juge de l'impôt. Ce dernier s'appuie en premier lieu sur les termes du contrat d'association du 18 décembre 1989 qui prévoyait essentiellement la mise en commun des charges et des frais de fonctionnement du cabinet. Puis, selon les stipulations du protocole d'accord du 25 avril 1994, conclu, d'une part, entre la requérante et ses deux associés et, d'autre part, avec une société civile professionnelle, chacun de ces trois associés a fait apport de sa clientèle personnelle dont il demeurait propriétaire à la société civile professionnelle. Par suite, le Conseil d'Etat dit pour droit que la requérante pouvait se prévaloir des dispositions de l'article 151 octies.

Le mode d'exercice particulier de la profession d'avocats n'est certainement pas étranger à la solution proposée par le Conseil d'Etat lorsque leurs membres choisissent de pratiquer leur art au sein d'une association qui n'a pas la personnalité morale et peut être assimilée à une société en participation ostensible (R. Martin, Déontologie de l'avocat, Litec, coll. : Litec professionnels, 10ème édition, 2008, p. 65 ; J.-J. Daigre, Les associations d'avocats, associations et sociétés, personnes morales ou groupement de fait ?, JCP éd. E, 1997, I, 671 ; décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, art. 124 à 128-1 N° Lexbase : L0256A9D ; V. pour les associations d'avocats à responsabilité professionnelle individuelle "AARPI" : loi n° 2006-1771 du 30 décembre 2006, de finances rectificative pour 2006, art. 64 N° Lexbase : L9270HTI et décret n° 2007-932 du 15 mai 2007, portant diverses dispositions relatives à la profession d'avocat N° Lexbase : L5417HXW ; CGI, art. 238 bis LA N° Lexbase : L3786HW7). Si l'on admet qu'une telle association est "un mode d'exercice en commun de l'activité professionnelle qui n'efface pas la personnalité juridique de ses membres" (H. Ader et A. Damien, Règles de la profession d'avocat, Dalloz, coll. : Dalloz action, 12ème édition, 2008, § 52.12), les membres d'autres professions qui exercent dans le cadre d'une société en participation prendront connaissance avec intérêt de cette jurisprudence.

  • Intégration fiscale : précisions procédurales (CE 9° et 10° s-s-r., 2 juin 2010, n° 309114, mentionné dans les tables du recueil Lebon N° Lexbase : A2026EYP)

Depuis peu, le contentieux lié à l'application du régime de l'intégration fiscale a les honneurs du juge de l'impôt : après la question de l'interprétation des conventions d'intégration fiscale (v. notamment : CE 3° et 8° s-s-r., 12 mars 2010, n° 328424, mentionné dans les tables du recueil Lebon N° Lexbase : A1654ETG), la jurisprudence prend position quant aux modalités d'application de l'intérêt de retard en cas de rehaussement des résultats d'ensemble des sociétés comprises dans le périmètre d'intégration fiscale.

L'arrêt rendu par la cour administrative d'appel de Paris (CAA Paris, 5ème ch., 3 juillet 2007, n° 05PA04966 N° Lexbase : A5478DYK) rapporte qu'à l'issue de vérifications de comptabilité, l'administration fiscale a notifié à plusieurs filiales du groupe F. des redressements au titre de l'impôt sur les sociétés pour l'exercice clos au 31 décembre 1994 tenant soit en un rehaussement de leur résultat imposable, soit en une réduction de leurs déficits. Des droits et des pénalités ont été notifiés à la société intégrante, seule redevable de l'IS (CGI, art. 223 A N° Lexbase : L4827IGU). La société F. a contesté les intérêts de retard à hauteur de 4 482 605 francs (683 399 euros) correspondant aux intérêts notifiés aux filiales et elle a réclamé la restitution des sommes en question ainsi que le versement d'intérêts moratoires (LPF, art. L. 208 N° Lexbase : L7618HEU).

La société F. se pourvoyant en cassation, la Haute juridiction administrative dit pour droit que les sociétés comprises dans le périmètre d'intégration fiscale restent soumises à l'obligation de déclarer leurs résultats, le service menant la procédure de vérification de comptabilité et de redressement dans les conditions prévues par les dispositions du Livre des procédures fiscales (LPF, art. L. 13 N° Lexbase : L6794HWK (2) ; art. L. 47 N° Lexbase : L3907ALB (3) ; art. L. 57 N° Lexbase : L0638IH4 (4)). Pour le Conseil d'Etat, les juges du fond n'ont pas commis d'erreur de droit, ni même méconnu les droits de la défense, en jugeant que la société F. ne pouvait se prévaloir des dispositions relatives à la motivation du redressement (LPF, art. L 57) et de celles concernant l'information -préalable aux observations du contribuable ou à l'acceptation du redressement- relative au montant des droits et des pénalités résultant de la procédure de vérification de comptabilité (LPF, art. L. 48). Les Hauts magistrats ajoutent que les redressements des résultats déclarés par les sociétés membres du groupe constituent les éléments d'une procédure unique conduisant, d'abord, à la correction du résultat d'ensemble déclaré par la société mère du groupe, puis à la mise en recouvrement des rappels d'impôt établis à son nom. Le Conseil d'Etat indique, alors, que pour informer, préalablement à cette mise en recouvrement, la société intégrante des conséquences des redressements notifiés aux sociétés membres du groupe, aucune disposition n'impose à l'administration fiscale de suivre les règles procédurales prévues à l'article L. 57 du LPF. Partant, la société requérante ne pouvait se prévaloir, "pour les redressements qui lui ont été assignés en sa qualité de société mère redevable de l'impôt dû par l'ensemble du groupe, de l'absence de mise en oeuvre des dispositions des articles L. 48 et L. 57 du Livre des procédures fiscales et, d'autre part, que l'obligation d'information à laquelle l'administration était soumise à l'égard de la société mère avant mise en recouvrement des droits supplémentaires pouvait se limiter à une référence aux procédures de redressement menées avec les sociétés membres du groupe et à la fourniture d'un tableau chiffré qui en récapitule les conséquences sur le résultat d'ensemble du groupe et les intérêts de retard en résultant, y compris en tant qu'ils procèdent de redressements afférents à des filiales demeurant déficitaires, sans qu'il soit nécessaire de mentionner la nature, les motifs et les conséquences de chacun des chefs de redressement concernés". Ainsi que le précise le rapporteur public, "les sociétés intégrées sont des sujets fiscaux à part entière, puisqu'elles doivent déclarer leurs résultats propres et que la procédure de vérification de comptabilité est menée avec elles" (concl. C. Legras, Dr. fisc., 2010, comm. 390). Cette décision doit être rapprochée de l'arrêt du 7 février 2007 (CE 3° et 8° s-s-r., 7 février 2007, n° 279588 N° Lexbase : A9638DT7) qui avait apporté des précisions procédurales dans le cadre du régime de l'intégration fiscale, et reprises dans le présent arrêt, aux termes desquelles si la société intégrante se constitue seule redevable de l'impôt sur les sociétés dû sur le résultat d'ensemble, les sociétés du groupe restent soumises à l'obligation de déclarer leurs résultats et c'est avec ces dernières que l'administration fiscale mène la procédure de vérification de comptabilité et de redressement, dans les conditions prévues aux articles L. 13, L. 47 et L. 57 du LPF.

S'agissant de l'intérêt de retard, les dispositions du CGI, dans leur rédaction applicable aux faits de l'espèce (CGI, art. 1727 N° Lexbase : L4144HMG, art. 1729 N° Lexbase : L4162HM4, et art. 1733 N° Lexbase : L4195HMC) instituent une tolérance : l'insuffisance des résultats déclarés ne doit pas dépasser le vingtième de la base d'imposition rectifiée pour chaque filiale redressée. Puis, si la rectification des écritures comptables d'une société membre d'un groupe intégré devait entraîner une diminution de son résultat négatif sans incidence sur le montant de l'impôt sur les sociétés tel qu'il serait dû par celle-ci en l'absence d'option pour le régime de l'intégration fiscale et un accroissement du résultat bénéficiaire initialement déclaré par le groupe fiscal intégré au titre de l'exercice concerné, l'administration fiscale ne pourrait pas réclamer un intérêt de retard à la société intégrante au titre des redressements mis à sa charge sur le fondement des dispositions relatives à l'intégration fiscale si l'insuffisance des résultats déclarés par la société membre du groupe intégré était inférieure au vingtième de la base d'imposition rectifiée de celle-ci. Cependant, cela n'interdit pas à l'administration fiscale d'assortir les redressements, qu'elle a prononcés à l'encontre de la société intégrante, de l'intérêt de retard au seul motif que la rectification des écritures comptables de la société membre du groupe intégré a pour seul effet une diminution du résultat déficitaire déclaré par celle-ci, sans conséquence sur le montant de l'impôt qui aurait été dû par cette société en l'absence d'option pour le régime de l'intégration fiscale.

  • BIC/IS : dépenses de fonctionnement et opérations de recherche scientifique ou technique (CE 3° et 8° s-s-r., 10 juin 2010, n° 312377, mentionné dans les tables du recueil Lebon N° Lexbase : A9204EYK)

Les dispositions fiscales relatives au soutien des opérations de recherche scientifique ou technique sont une illustration de l'interventionnisme de l'Etat afin d'assurer aux entreprises innovantes un avantage compétitif avec leurs concurrentes, non toutefois sans susciter des interrogations quant aux "effets d'aubaine et les stratégies d'optimisation fiscale", notamment, en matière de crédit d'impôt recherche (Y. Mamou, Le crédit impôt recherche : un incontestable effet d'aubaine pour les groupes, Le Monde, 1er juillet 2010) qui appelleront vraisemblablement une énième réforme (v. ainsi : loi n° 2007-1822 du 24 décembre 2007, de finances pour 2008, art. 69 et 70 N° Lexbase : L5488H3N ; CGI, art. 244 quater B N° Lexbase : L0137IKB).

Les faits de l'espèce portent sur l'interprétation des dispositions de l'article 236 du CGI (N° Lexbase : L4713HL7), aux termes desquelles, dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce : "pour l'établissement de l'impôt sur le revenu ou de l'impôt sur les sociétés, les dépenses de fonctionnement exposées dans les opérations de recherche scientifique ou technique peuvent, au choix de l'entreprise, être immobilisées ou déduites des résultats de l'année ou de l'exercice au cours duquel elles ont été exposées". Il s'agit, donc, d'une option interdisant, selon la jurisprudence, l'application d'un traitement comptable différencié aux dépenses de fonctionnement afférentes à un même projet de recherche (5) (CAA Paris, 2ème ch., 18 février 2005, n° 01PA03090 N° Lexbase : A6644DHK).

A la suite d'une vérification de comptabilité, la société H., qui exerçait une activité de traitement, séparation, fractionnement et purification de produits chimiques ou biologiques, a acquis, en 1997, auprès de la société S., une unité industrielle de traitement pour un montant de 8 000 000 francs (1 219 592 euros). Parallèlement, la contribuable a commandé auprès d'une filiale de la société S. des travaux de recherche pour la définition et la mise au point de nouvelles méthodes et techniques de commande correspondant aux spécificités de son activité. Les conclusions, en appel, du commissaire du Gouvernement C. Hervouet (BDCF, 2008, n° 47) rapportent que l'unité achetée par la contribuable fonctionnait déjà même si son système de commande était moins adapté à ses besoins.

La contribuable a alors inscrit en charges la somme de 700 000 francs (106 714 euros) au titre des dépenses de fonctionnement d'une opération de recherche scientifique et technique. L'administration fiscale a réintégré au résultat imposable de l'exercice 1997 les charges en question -ce qui a entraîné des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés- car, selon le service, elles devaient s'analyser comme une acquisition d'un élément d'actif immobilisé pouvant donner lieu à amortissement. Puis, l'administration en a tiré les conséquences en matière de taxe professionnelle en rehaussant les bases d'imposition à raison de la valeur de l'immobilisation corporelle (6).

En appel (CAA Nantes, 1ère ch., 12 novembre 2007, n° 06NT00217 N° Lexbase : A4920D3M), les juges du fond ont fait droit à la demande de la contribuable en décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de taxe professionnelle : ils ont considéré que les travaux de recherche menés par un organisme agréé à la demande de la contribuable avaient eu pour objet et pour résultat d'apporter une amélioration substantielle des produits et des systèmes existants. Cet arrêt a été rendu sur les conclusions contraires du commissaire du Gouvernement qui considérait, notamment, que les dépenses en question étaient bien constitutives d'une immobilisation dès lors que l'unité de commande remplaçait une partie d'une immobilisation déjà existante et s'intégrait complètement à elle.

Le ministre s'étant pourvu en cassation, le Haut conseil règle l'affaire au fond et dit pour droit que les dispositions de l'article 236 du CGI concernent l'ensemble des dépenses exposées par l'entreprise pour l'exécution des travaux de recherche menés par elle ou à son instigation dès lors qu'elles présentent le caractère de dépenses de fonctionnement même si elles auraient pour objet ou pour effet, par les résultats auxquelles elles aboutiraient, de servir de manière durable l'activité de l'entreprise et d'augmenter la valeur de l'actif immobilisé de celle-ci. Toutefois, le Conseil d'Etat indique que l'article 236 du CGI ne peut être appliqué aux frais d'acquisition ou de construction d'immobilisations exposés dans le cadre d'opérations de recherche scientifique ou technique. Concernant les faits de l'espèce, le Conseil d'Etat s'est appuyé sur un rapport d'expertise commandé par le ministère de l'Education nationale, de la Recherche et de la Technologie permettant de conclure en l'existence d'une opération de développement expérimental. Il est intéressant de noter que la Haute juridiction administrative relève que l'administration fiscale avait reconnu cet état de fait dès lors qu'elle avait alloué le bénéfice du crédit d'impôt recherche pour l'intégralité de la dépense (comp. : CAA Nantes, 1ère ch., 26 octobre 2005, n° 02NT01575 N° Lexbase : A7123DLE (7)). Même si ces travaux ont été effectués par un tiers, ils ont été entrepris sur l'initiative de la contribuable et ils présentaient un caractère unique et spécifique à l'unité industrielle et aux activités de la société. Le Conseil d'Etat estime que les frais payés par la société H. ne l'ont pas été pour l'acquisition de droits sur les résultats de recherches déjà menées à leur terme par un tiers. On retrouve une telle formulation dans la jurisprudence (CE Contentieux, 26 novembre 1982, n° 24360 N° Lexbase : A8159AKE) et dans la doctrine administrative (8) (QE n° 4274 de M. Hervé Morin, réponse publiée au JOAN du 17 février 2003, p. 1216 N° Lexbase : L4843HGH), lorsque le ministre s'était exprimé concernant la déduction de frais liés à la mise sur le marché de médicaments génériques. Enfin, malgré l'augmentation de la valeur de l'unité industrielle du fait de l'amélioration substantielle de son fonctionnement, les travaux en question ne peuvent être perçus comme une dépense d'acquisition mais comme une dépense d'amélioration de nature expérimentale. Par conséquent, la contribuable était fondée à se prévaloir des dispositions de l'article 236 du CGI et à inscrire en charges les dépenses querellées.


(1) CGI, art. 151-0 octies (N° Lexbase : L2335IGL) : "Les reports d'imposition mentionnés aux articles 151 octies à 151 nonies sont maintenus en cas de report ou de sursis d'imposition des plus-values constatées à l'occasion d'événements censés y mettre fin, jusqu'à ce que ces dernières deviennent imposables, qu'elles soient imposées ou exonérées, ou que surviennent d'autres événements y mettant fin à l'occasion desquels les plus-values constatées ne bénéficient pas d'un report ou d'un sursis d'imposition". Ainsi, selon la rédaction Francis Lefebvre (Mémento Fiscal, 2010, § 19755) : "le report d'imposition de l'article 151 octies du CGI sera maintenu si les titres reçus en rémunération de l'apport en société font l'objet d'un nouvel apport en société placé sous le régime du report d'imposition de l'article 151 nonies IV bis du CGI".
(2) Dispositions concernant le droit de contrôle de l'administration sur place.
(3) Dispositions relatives à l'information préalable du contribuable envers lequel l'administration diligente un ESFP ou une vérification de comptabilité.
(4) Dispositions ayant trait à la motivation de la proposition de rectification.
(5) "La SA A. ne saurait se prévaloir d'une décision de gestion pour justifier de la déduction en charge d'une partie des dépenses de fonctionnement alors que la société a choisi d'immobiliser les autres dépenses de fonctionnement telles les salaires et charges sociales des chercheurs".
(6) Elle a, toutefois, abandonné le redressement portant sur le crédit d'impôt recherche.
(7) "Considérant que la circonstance que des dépenses soient qualifiées par l'article 244 quater B du CGI de dépenses de recherche ouvrant droit au crédit d'impôt recherche' ne suffit pas à établir qu'elles constituent des 'dépenses de fonctionnement exposées dans des opérations de recherche scientifique ou technique' au sens du I de l'article 236 dont le champ d'application est distinct de celui du premier article ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que les dépenses litigieuses, exposées en vue de l'adaptation des modèles de chaussures aux changements de la mode, puissent être regardées comme se rattachant à des opérations de recherche scientifique ou technique ; qu'il suit de là que la SARL E. ne peut faire obstacle au redressement en invoquant les dispositions du I de l'article 236 du Code général des impôts".
(8) "La déduction immédiate de dépenses correspondant à l'exécution de travaux de recherche menés par un laboratoire où à son instigation est néanmoins permise en application du 1 de l'article 236 du code déjà cité. Cette faculté n'est en revanche pas reconnue aux dépenses engagées pour l'acquisition de dossiers techniques correspondant aux résultats de recherches déjà menées à leur terme par des tiers".

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