Réf. : CE, 5 février 2016, n° 393540, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A5083PKH)
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par Aurélie Bretonneau, Rapporteur public au Conseil d'Etat
le 25 Février 2016
Il faut dire que le "sommeil cataleptique" -nous citons toujours le Président Chauvaux- dans lequel était plongée cette "belle endormie" en préserva les traits inchangés pendant de si nombreuses années qu'elle se trouva, lorsque la loi n° 2000-597 du 30 juin 2000, relative au référé devant les juridictions administratives (N° Lexbase : L0703AIU), et votre jurisprudence l'en tirèrent, désorientée dans son nouvel environnement juridique. Dans le conte de Perrault, la bonne fée qui transforme en sommeil la mort de la Belle au bois dormant prend soin d'assoupir tout le Palais avec elle afin qu'à son réveil, elle retrouve à sa cour un environnement familier. Aucune précaution similaire n'a été prise pour le référé conservatoire, autrement appelé "mesures utiles", ranimé à l'aube du vingt-et-unième siècle dans ses habits de 1955 à peine réajustés alors que tout, autour de lui, avait sensiblement changé.
L'un des avantages à ce que votre Section du contentieux se soit si régulièrement penchée sur le référé mesures utiles est que nous nous croyons dispensée d'en reprendre intégralement l'historique, remarquablement brossé dans son dernier état il y a moins d'un an par notre collègue Edouard Crépey dans ses conclusions sur l'affaire "Section française de l'Observatoire international des prisons" (3). Nous n'insisterons, au sein de cette histoire, que sur les événements susceptibles d'expliquer deux étrangetés consubstantielles à l'article L. 521-3 du Code de justice administrative auxquelles, dans les affaires qui vous sont soumises, nous nous trouvons confrontée.
La première tient à l'absence de précision donnée par le texte sur l'utilité des mesures susceptibles d'être prises dans ce cadre par le juge des référés ; la seconde, à l'indétermination de la condition selon laquelle ces mesures ne doivent faire obstacle à l'exécution d'aucune décision administrative.
S'agissant de l'utilité, l'imprécision est presque d'origine, mais ses conséquences se sont amplifiées au fil des évolutions législatives et jurisprudentielles.
Lorsqu'il a été envisagé d'introduire, après quelques péripéties (4), par la loi n° 55-1557 du 28 novembre 1955 à l'article 24 de la loi du 22 juillet 1889, sur la procédure à suivre devant les conseils de préfecture), ce qu'on appelait alors le "référé administratif", il s'agissait de doter les tribunaux administratifs, fraîchement institués par le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953, d'un outil dont le Conseil d'Etat disposait déjà depuis dix ans. Pour ce dernier, l'ordonnance du 31 juillet 1945, sur le Conseil d'Etat (N° Lexbase : L4723AGZ), prévoyait en son article 34 que : "sur simple requête, le président de la section du contentieux peut, dans les cas d'urgence, ordonner toutes mesures utiles en vue de la solution d'un litige". C'est ainsi le prononcé de mesures utiles "en vue de la solution d'un litige" que la proposition de loi présentée le 9 juin 1954 envisageait de confier au président du tribunal administratif dans les cas d'urgence. Cette procédure devait permettre de pallier les lacunes d'une part, du constat d'urgence, figurant lui-même à l'article 24 de la loi du 22 juillet 1889, qui permettait de constater rapidement certains faits, mais pas d'ordonner une expertise, d'autre part du dispositif prévu à l'article 17 du décret du 26 septembre 1926 qui lui le permettait, mais pas dans tous les contentieux (étaient exclues les matières fiscale et électorale) et à la condition très limitative que toutes les parties en soient d'accord. Bref, la proposition de loi tirait plutôt le référé administratif du côté des référés instruction.
La qualification de l'utilité s'est rapidement perdue dans les débats parlementaires, sans que cette modification s'y trouve expliquée. Peut-être faut-il y lire la trace de ce que, dans ces débats agités, les promoteurs du référé administratif, qui y voyaient une opportunité propre à doter les tribunaux de l'efficacité qu'ils prêtaient par contraste aux juges des référés civil et commercial, espéraient permettre à leurs présidents de s'en saisir pour ordonner des mesures conservatoires plus audacieuses. Les opposants au référé administratif ne se battirent pas sur le terrain de l'utilité et eurent plutôt à coeur d'enserrer les pouvoirs du juge dans un carcan le plus serré possible, lui fermant le champ des litiges intéressant l'ordre et la sécurité publique (cette condition sautera par l'effet du décret n° 69-86 du 28 janvier 1969) et ne lui permettant ni de "faire préjudice au principal", ni de "faire obstacle à l'exécution d'aucune décision administrative". Ces deux derniers verrous, qui restèrent en l'état lors des codifications successives (5), devaient interdire au juge des référés de prescrire des mesures autres que provisoires, de trancher des questions juridiques délicates (6) et d'empiéter le moins du monde sur le domaine réservé au sursis à exécution (7) qui régnait sans partage sur le contentieux des actes en excès de pouvoir. A cela s'ajoutait qu'il était interdit au juge, fût-ce sous sa casquette de juge des référés, d'adresser des injonctions de faire à l'administration (8).
Prenant acte de ces verrous et y ajoutant l'exigence que la mesure sollicitée ne soit l'objet d'aucune contestation sérieuse, ce que nous interprétons comme l'exigence que le juge du référé administratif restât un juge de l'évidence, votre jurisprudence ne s'est pas attachée à préciser ce qu'il fallait entendre par utile. Elle n'avait toujours rien dit de l'utilité des mesures utiles lorsque le décret n° 88-907 du 2 septembre 1988 institua un référé expertise ou instruction autonome (9), vidant le référé mesures utiles du versant le plus identifiable de sa substance initiale et le transfigurant en référé destiné à la prescription de mesures conservatoires dont nul n'avait jamais défini la portée. Elle ne s'est pas non plus aventurée à théoriser l'utilité après cette transformation. S'agissant du référé instruction, vous vous laissiez aller, guidés par le texte réglementaire, à préciser que : "l'utilité d'une mesure [...] demandé[e] au juge des référés [...] doit être appréciée, bien qu'il ne soit pas saisi du principal, dans la perspective d'un litige principal, actuel ou éventuel, auquel elle se rattache" (10). Mais vous vous êtes contentés, s'agissant du référé mesures utiles, de préciser que n'est pas utile ce qui est superflu, c'est-à-dire qui peut être obtenu d'une autre façon (11). La question "utile à quoi ?" est, en revanche, toujours restée sans réponse de principe.
La loi du 30 juin 2000, qui a hissé ce référé au niveau législatif (12), a pris acte, selon les termes du groupe de travail du Conseil d'Etat sur les procédures d'urgence, de ce qu'il était susceptible de rendre quelques services. Son maintien relevait d'une forme de prudence matinée de pari, laissant donc largement à l'avenir le soin de dire à quoi les mesures L. 521-3 seraient utiles dans le nouvel état du droit des référés.
Or avec le temps, les verrous mis à l'usage du référé mesures utiles ont été partiellement levés. Le législateur l'a débarrassé de la condition tenant à ce que les mesures ordonnées ne puissent préjudicier au principal. Votre décision "M. Capellari" (13) a levé l'interdiction de prononcer des injonctions à l'égard de l'administration. Vous aviez très tôt toléré que les mesures ordonnées par le juge du référé mesures utiles revêtent un caractère si difficilement réversible qu'elles n'avaient plus grand chose de provisoire (14) ; vous l'avez explicitement admis avec votre décision "Masier" (15), relative à la possibilité d'ordonner au maire de faire dresser un procès-verbal d'infraction aux règles d'urbanisme et de le transmettre au Procureur de la République. Par votre décision "Mme Elissondo Labat" précitée, vous avez entrepris d'assouplir, nous y reviendrons, la condition tenant à ce qu'il ne soit fait obstacle à l'exécution d'aucune décision administrative. Bref, outre l'urgence, ne restait plus intacte que l'exigence tenant à l'absence de contestation sérieuse : on comprend mieux le vertige que nos prédécesseurs à ce pupitre ont, dans ces conditions, déclaré ressentir face aux pouvoirs d'un juge susceptible d'ordonner toute mesure revêtant une certaine utilité, sans autre précision, loin des sentiers balisés de la légalité.
S'agissant des décisions administratives auxquelles il s'agit de ne pas faire obstacle, la condition était claire à ses débuts, mais s'est obscurcie avec la loi du 30 juin 2000.
Lorsque cette condition fut introduite, à l'instigation du ministre de l'Intérieur (16), lors de l'examen de la loi du 28 novembre 1955, il s'agissait de faire en sorte que le juge du référé administratif ne puisse jamais être amené à prononcer une mesure réputée utile revenant à suspendre les effets d'une décision exécutoire : un tel prodige, alors très mal perçu par le pouvoir exécutif, devait être réservé aux formations collégiales statuant au titre du très restrictif sursis à exécution. N'était envisagé alors que le cas des mesures positives édictées par l'administration, totalement occulté étant celui d'une éventuelle décision négative par laquelle l'administration aurait refusé de prendre les mesures ensuite sollicitées du juge. Ce cas n'avait pas à être envisagé pour une raison juridique implacable : les décisions de refus étant dépourvues de force exécutoire, le juge du référé mesures utiles ne pouvait, par construction, faire obstacle à leur exécution. Ces décisions n'étaient pas plus susceptibles d'être saisies en principe par la voie du sursis à exécution (17).
On aurait pu alors imaginer que l'intervention d'une décision administrative de rejet ne s'opposait pas à ce que la mesure refusée par l'administration soit ensuite demandée au juge du référé mesures utiles et prescrite par lui. On l'aurait pu d'autant plus que le décret n° 59-515 du 10 avril 1959 modifiant la procédure à suivre devant les tribunaux administratifs a précisé que la demande adressée au juge du référé mesures utiles était recevable "même en l'absence de décision administrative préalable". Il semble au vrai que cette précision, introduite simultanément à l'article régissant le référé-constat, visait surtout, à une époque où le référé mesures utiles jouait encore le rôle de référé instruction, à préciser qu'il pouvait être introduit sans attendre que le litige à la solution duquel il devait contribuer soit en passe de se cristalliser. Reste qu'on pouvait l'interpréter comme envisageant, a contrario, qu'un tel référé puisse être formé y compris en présence d'une décision administrative préalable, c'est-à-dire d'une décision par laquelle l'administration aurait refusé la mesure utile, excluant ainsi ces décisions du champ de celles avec lequel le juge des référés ne pouvait légalement interférer. Le tout sans remettre en cause l'étanchéité du référé mesures utiles par rapport au sursis à exécution, impuissant à se saisir de telles situations.
La possibilité de cette construction harmonieuse s'est vu anéantie par votre décision "Ouatah" (18) et par la rédaction de la loi du 30 juin 2000 s'agissant du référé suspension. En permettant, dans le cadre de l'article L. 521-1 (N° Lexbase : L3057ALS), la suspension de l'exécution de décisions administratives "même de rejet", le législateur a fait voler en éclat l'objection du caractère non exécutoire des décisions négatives. Or il l'a fait au moment même où, insérant le référé mesures utiles à la suite des dispositions relatives aux référés suspension (CJA, art. L. 521-1) et liberté (CJA, art. L. 521-2 N° Lexbase : L3058ALT), il gravait dans le marbre des textes le caractère subsidiaire de ce référé d'urgence par rapport aux deux autres, précisant que le juge saisi sur le fondement de l'article L. 521-3 peut prescrire "toutes autres mesures utiles" que celles susceptibles d'être ordonnées sur le fondement des articles L. 521-1 et L. 521-2.
Ce faisant, le législateur a placé les exégètes face à un choix impossible : soit estimer que la décision administrative refusant la mesure n'est pas au nombre de celles à l'exécution desquelles le juge du référé mesures utiles ne saurait faire obstacle, ce qui donne un sens utile à l'incise "même en l'absence de décision préalable" maintenue par le législateur mais prive de sa portée l'expression "toutes autres mesures utiles", puisque la décision de refus peut aussi bien être déférée au juge du référé suspension ; soit traiter la décision de refus comme une décision administrative à part entière, sacrifiant l'a contrario sibyllin du début de l'article L. 521-3 à son caractère subsidiaire désormais codifié.
Par la décision "Mme Elissondo Labat", vous avez ouvert une brèche notable en faveur de la première option. Même si vous n'avez pas totalement cédé à l'appel de votre commissaire du gouvernement vous invitant à trancher de façon générale en faveur de cette façon de raisonner, vous avez estimé que la circonstance que le responsable d'un dommage de travaux publics, saisi par l'intéressé d'une demande tendant à la réalisation des mêmes mesures que celles demandées au juge, l'ait rejetée par une décision expresse ou implicite n'est pas à elle seule de nature à faire obstacle à la mise en oeuvre de la procédure prévue par l'article L. 521-3. Les commentateurs autorisés de cette décision y voyaient un signal prometteur et envisageaient son éventuelle extension en dehors de la sphère des dommages liés à un travail public. Toutefois, lorsque la question de cette extension s'est posée à vos 10ème et 9ème sous sections réunies il y a deux mois à peine, elles ont fermement réaffirmé une ligne de jurisprudence abondante et constante (19) selon laquelle, en matière de communication de documents administratifs, la naissance d'une décision de refus faisait obstacle à ce que le juge du référé mesures utiles ordonne la communication sur le fondement de l'article L. 521-3. Signe peut-être de ce que la réflexion d'ensemble ne semblait pas parfaitement aboutie, le choix délibéré a toutefois été fait de ne pas ficher cette solution (20) et de laisser entier le mystère de la portée sur ce point de la jurisprudence "Elissondo Labat".
Les deux questions -celles des mystères qui entourent les notions de mesure utile et de décision à l'exécution de laquelle il est interdit de faire obstacle- se posaient dans les affaires soumises par M. X au juge des référés. Celui-ci a choisi de ne se saisir que de la première. Vous pourrez, selon votre appétence, vous saisir de l'une, de l'autre ou des deux au stade de l'examen des pourvois en cassation.
M. X est détenu. Les 14 avril et 1er juin 2015, il a demandé au directeur de la maison d'arrêt de Besançon de lui permettre d'acquérir un nécessaire d'hygiène, en lui permettant de le faire passer au parloir, et de bénéficier de trois douches hebdomadaires. Celui-ci a rejeté ses demandes par deux décisions expresses des 13 mai et 4 juin 2015. Le directeur faisait valoir, s'agissant du nécessaire d'hygiène, que s'il souhaitait compléter le kit d'accueil remis lors de l'écrou, il lui appartenait de cantiner des produits d'hygiène, quitte à demander que l'administration prenne en charge ses dépenses s'il s'avérait indigent, la sécurité de l'établissement faisant obstacle à ce que des produits passent par le parloir ; s'agissant des douches elles-mêmes, que l'intéressé pouvait en prendre jusqu'à cinq par semaine par l'effet de son inscription aux activités de sport extérieur et de musculation et qu'il n'avait donc pas à prendre de mesure permettant à l'intéressé de se doucher plus souvent. Non convaincu, X a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Besançon, sur le fondement de l'article L. 521-3 du Code de justice administrative, de deux demandes tendant à ce que soit respectivement ordonnées les mesures refusées par le directeur d'établissement. Le juge des référés, par deux ordonnances dont la rédaction est similaire, a traité par prétérition la circonstance que des refus exprès étaient intervenus ; il a en revanche relevé que de telles mesures, "qui ne porte[nt] pas atteinte à des droits et libertés protégés du détenu ou une atteinte substantielle à la situation statutaire ou administrative de l'intéressé, constitue[nt des] mesure[s] d'ordre intérieur insusceptible[s] d'être discutées devant le juge ; que dans ces conditions, la demande présentée au juge des référés ne relève dès lors pas de l'office du juge saisi en application des dispositions de l'article L. 521-3 du Code de justice administrative".
M. X critique l'erreur de droit qui entacherait ce raisonnement. Vous avez pour votre part fait savoir aux parties que la circonstance que les décisions de refus du directeur étaient susceptibles d'interdire le prononcé de mesures contraires par le juge du référé mesures utiles. Nous traiterons successivement ces deux questions qui sont toutefois selon nous intimement liées l'une à l'autre.
La première question, celle de l'erreur de droit qu'aurait commise le juge du référé mesures utiles en convoquant la notion de mesure d'ordre intérieur, pourrait appeler une réponse brutale.
Il est clair que la notion de mesure d'ordre intérieur a été bâtie dans le cadre et pour l'usage du contentieux de la légalité. La mesure d'ordre intérieur est celle qui, ne faisant pas grief, est insusceptible de recours pour excès de pouvoir. Les conclusions tendant à son annulation devant le juge du principal sont, pour ce motif, entachées d'irrecevabilité. La même irrecevabilité existe devant le juge du référé suspension, tant parce la suspension n'est accordée que dans l'attente d'un recours au fond, et ne saurait donc intervenir quand ce recours n'est pas possible, que parce que lorsqu'une décision est dépourvue d'effets juridiques, il paraît difficile d'en suspendre l'exécution (21). On voit mal, en première analyse, comment transposer ce raisonnement au référé mesures utiles, qui ne se présente pas comme un contentieux de la légalité et où n'existe pas de condition tenant à l'existence d'un recours au fond. Ce d'autant que votre jurisprudence a déjà refusé d'exporter la catégorie des mesures d'ordre intérieur hors de la sphère de l'excès de pouvoir : par une décision "Spire" (22), aux conclusions du président Genevois, vous avez neutralisé sa portée en contentieux de la responsabilité, en jugeant que le préjudice né d'une mesure d'ordre intérieur pouvait, le cas échéant, être indemnisé.
Si vous souhaitiez vous en tenir à cette première analyse, vous pourriez, nous semble-t-il, censurer une erreur de droit.
Il nous paraît, ce néanmoins, que par-delà quelques maladresses d'étiquetage, le juge des référés, dont vous ne censurez en cassation que les erreurs de droit manifestes, a formulé une intuition pas totalement hétérodoxe. Il a, en quelque sorte, entendu arrimer l'utilité des mesures utiles à des droits, libertés et intérêts du requérant juridiquement protégés. Il a estimé que lorsqu'au regard d'un tel arrimage, l'utilité alléguée ne franchissait pas le seuil de la justiciabilité, alors il n'était pas possible de solliciter une intervention du juge.
La volonté de dresser un pont entre utilité et droit nous paraît sur le fond être une démarche salutaire. S'il peut ordonner toutes mesures utiles, le juge du référé conservatoire n'en reste pas moins...un juge. De sorte que mesurer l'utilité des mesures à l'aune de critères de droit ne nous semble pas procéder d'un trop mauvais réflexe.
Si vous n'avez jamais précisé à quoi les mesures du référé L. 521-3 devaient être utiles, toutes les illustrations jurisprudentielles de cette voie de recours impliquent la mobilisation d'un critère de droit.
Commençons par les hypothèses les plus fréquentes, dans lesquelles le référé est formé par une personne publique. On sait que la particularité du référé mesures utiles est de servir de bras séculier à l'autorité administrative pour obtenir de lui ce que le privilège du préalable ne lui permet pas d'obtenir seule. En ce cas, les mesures utiles sont en premier lieu celles qui servent à la poursuite de l'intérêt général, lui-même au frontispice de votre mission juridictionnelle. Il en va ainsi des injonctions adressées à des personnes privées afin de garantir la bonne exécution de travaux publics ou, de manière plus générale, le fonctionnement correct et continu des services publics (23). Il en va de même du prononcé, au nom de la protection du domaine public, de mesures d'expulsion d'occupants sans titre de ce domaine (24) et, symétriquement, d'injonctions d'interrompre des travaux irrégulièrement entrepris sur ce dernier (25). Dans ces cas, est également en cause le droit de propriété des personnes publiques, ainsi que l'a formalisé une récente ordonnance du juge des référés du Conseil d'Etat à propos de la possibilité de demander sur le fondement de l'article L. 521-3 du Code de justice administrative le déplacement d'une jardinière irrégulièrement installée sur le domaine public (26). Les autres mesures utiles sont celles qui permettent l'exercice par l'administration ou une personne agissant en son nom d'une prérogative de puissance publique lorsque ses décisions ne sont pas exécutoires de plein droit (27).
Dans l'hypothèse symétrique, où c'est une personne privée qui demande au juge des référés d'intervenir à l'égard de l'administration, l'existence d'un droit lésé ou susceptible de l'être surplombe toujours l'utilité des mesures prononcées. Dans le cas le plus courant, où la mesure consiste à ordonner la production d'un document administratif, c'est toujours l'exercice du droit au recours, ou à tout le moins des droits de la défense, qui est en ligne de mire (28), sachant que l'accès aux documents est de toute façon en lui-même une garantie fondamentales pour l'exercice des libertés publiques (29). Dans le domaine des travaux publics, où s'est épanoui ce référé depuis son renouveau, la mesure utile l'est à la préservation du droit à la sécurité (30), voire à la vie du requérant (31), ou à tout le moins à son droit de propriété lorsque c'est son bien que menacent les dommages (32). Dans les domaines plus atypiques, les mesures regardées comme utiles nous semblent toujours l'être à l'exercice ou à la préservation d'une liberté ou d'un droit : vous avez par exemple, en matière pénitentiaire, admis l'utilité de la mesure, ordonnée par le juge des référés du tribunal administratif, consistant à faire cloisonner les cabines téléphoniques mises à la disposition des détenus en convoquant à son soutien le droit au respect de la vie privée, impliquant la confidentialité des conversations avec les avocats (33) ; lorsque vous avez indiqué à l'auteur d'un référé liberté placé sous surveillance électronique qu'il pouvait, s'il s'y estimait fondé, former un référé mesures utiles pour obtenir la réparation du système de surveillance, c'est après avoir relevé que ses dysfonctionnements, et la carence de l'administration à y mettre fin, portait atteinte à sa dignité, à son intégrité et à sa vie privée (34) ; lorsque vous avez, dans un autre domaine, admis que le juge du référé mesures utiles puisse enjoindre à l'Ofpra d'examiner une demande d'asile, c'est naturellement parce que l'exercice du droit d'asile était en jeu (35).
De ce panorama, il ressort que la mesure utile l'est toujours, côté administration, à la préservation d'un droit d'une personne publique et/ou de l'intérêt général ; côté administrés, à l'exercice ou à la sauvegarde d'un droit ou d'une liberté. De sorte que le juge des référés ne nous semble pas avoir erré en relevant, pour refuser d'intervenir sur saisine d'un administré à l'égard de l'administration, que n'était en cause ni les droits et libertés protégés de l'intéressé, ni aucune atteinte substantielle à sa situation juridique.
Quant à l'idée d'un seuil, elle ne nous choque pas non plus.
Le référé mesures utiles pourrait passer pour celui des petites choses, trop petites pour relever des autres référés d'urgence. C'est l'idée qui semble se dégager de votre décision de Section "Section française de l'Observatoire international des prisons" du 27 mars 2015 (36) qui insiste sur le caractère subsidiaire du référé mesures utiles, en rappelant que le juge ne peut ordonner sur son fondement que des mesures autres que celles régies par les articles L. 521-1 et L. 521-2 du Code de justice administrative, et qui lui interdit de se préoccuper de grandes choses, comme l'édiction d'actes réglementaires, parce qu'elle peut être obtenue autrement et qu'elle est trop importante pour lui (37). Cette idée, le requérant la traduit en procédant au recensement des mesures ordonnées au titre de l'article L. 521-3, en relevant que certaines -cloisonnement d'une cabine téléphonique, réparation d'un bracelet électronique- semblent si bassement matérielles qu'elles semblent bien relever de la catégorie des mesures d'ordre intérieur.
Ce dernier argument nous paraît reposer sur une compréhension imparfaite de cette notion depuis qu'elle a été clarifiée par vos décisions d'Assemblée "Garde des sceaux c/ Boussouar" (38). Aux termes de ces jurisprudences, vous vérifiez, pour qualifier une décision de mesure d'ordre intérieur non seulement qu'elle n'appartient pas à une catégorie de mesures qui, par leurs nature ou leurs effets, font grief, mais également si, alors qu'elle n'appartient pas à une telle catégorie, elle ne met pas en cause les libertés et droits fondamentaux de l'intéressé en l'espèce. Le maniement de cette soupape a pour conséquence que le refus de cloisonner une cabine pour permettre le respect de la vie privée, ou de réparer un bracelet électronique pour préserver la dignité de son porteur, ne pourraient pas être qualifiés de mesure d'ordre intérieur. Le même raisonnement vaut à propos de mesures d'apparences mineures ordonnées par le juge du référé liberté, mais qui précisément ne le sont que parce qu'est en cause, du fait de leur absence, une liberté fondamentale (39).
L'absence de règle de minimis devant le juge indemnitaire ne suffit pas non plus à nous convaincre que cette règle soit réservée au juge de l'excès de pouvoir. Une chose est en effet de permettre que le juge indemnitaire, statuant après coup sur les conséquences d'un acte fautif de l'administration, puisse réparer tout préjudice sans plancher d'indemnisation. Une autre est de permettre qu'on puisse au moindre dérangement demander au juge, qui plus est statuant en urgence, de mobiliser ses pouvoirs de suspension ou d'injonction.
Bref, nous ne pensons pas que le caractère subsidiaire du référé mesures utiles en fasse une voie de droit totalement supplétive, qui demeurerait ouverte chaque fois que les autres sont fermées, y compris en-deçà d'un certain seuil de justiciabilité. Nous croyons que c'est ce qu'a voulu dire, au prix d'un maladroit effort de théorisation, le juge des référés saisi dans notre espèce. Dès lors, il nous semble que vous avez le choix, soit, en vous attachant à la rédaction de son ordonnance, de censurer l'erreur consistant à subordonner, par le truchement de la notion de mesure d'ordre intérieur qui doit sous ce vocable connoté être cantonné à cet usage, l'action du juge du référé mesures utiles à la recevabilité d'un hypothétique recours pour excès de pouvoir ; soit, en vous abstrayant de la formulation retenue, d'estimer que le juge des référés n'a pas eu tort d'énoncer qu'à défaut de droit lésé, en raison du faible impact de la mesure, la condition d'utilité, qui préside à son office, ne pouvait être remplie.
Nous ne sommes pas choquée par cette dernière formule, ce qui nous conduirait, en l'absence d'erreur sur la question d'un droit lésé en l'espèce, à rejeter les pourvois. Mais même si vous reteniez une position plus sévère, nous vous proposerions d'aboutir au même dispositif sur un autre terrain.
Cela nous amène à la seconde question, celle de savoir si une décision de refus de prendre des mesures est au nombre des décisions administratives à l'exécution desquelles le juge du référé conservatoire ne saurait faire obstacle.
Sur ce point, la jurisprudence "Mme Elissondo Labat" n'a fait qu'entrouvrir une porte dans laquelle votre jurisprudence a hésité à s'engouffrer. Postérieurement, et indépendamment des deux décisions "Section française de l'OIP" dont nous vous entretenions tout à l'heure, plusieurs de vos décisions continuent de porter la trace de ce qu'une décision de refus empêcherait le juge du référé mesures utiles d'exercer son office. Dans l'affaire "Beaumont" précitée (40), vous avez relevé que le requérant pourrait saisir le juge du référé mesures utiles "en l'absence de décision administrative refusant de faire droit à la demande". Par une décision récente, votre 7ème sous-section jugeant seule a estimé que l'existence d'un refus de communiquer une liste de marchés faisait obstacle à ce que cette communication soit ordonnée sur le fondement de l'article L. 521-3 (41). On trouve également trace de ce raisonnement en présence de refus, explicites ou implicites, d'autorisations administratives dont la délivrance par le juge du référé mesures utiles est demandée (42).
Plusieurs motifs solides sous-tendent cette position de cantonnement.
En premier lieu, la solution "Elissondo Labat" ne saurait valoir pour toutes les décisions de refus. Le Président Chauvaux indiquait clairement dans ses conclusions que "certaines décisions négatives s'imposeraient certainement au juge des référés", par exemple quand la réalisation de la mesure "exige à un titre quelconque une autorisation administrative qui aurait été refusée". Il n'est pas évident de distinguer entre différents types de refus. Même la distinction entre refus explicites et implicites n'est pas pleinement opérante : que ce soit dans un sens ("Mme Elissondo Labat") ou dans l'autre ("Section française de l'OIP"), vous vous êtes toujours refusés à en distinguer le régime au regard de l'article L. 521-3.
En deuxième lieu, la généralisation de cette solution miroiterait avec le caractère subsidiaire du référé conservatoire par rapport, en particulier, au référé suspension. Dès lors que vous admettez sans restriction que le juge de la légalité soit saisi de refus de faire, alors de tels refus sont toujours susceptibles de référé suspension. Permettre au requérant de contourner cette voie de droit commun en demandant au juge du référé conservatoire de priver la décision de refus d'effet nous semblerait aller à rebours de l'articulation législative des référés d'urgence telle qu'explicitée il y a moins d'un an par une décision de Section.
Le contournement est d'autant plus à craindre que l'intervention du juge du référé mesures utiles semble plus facile à obtenir que celle du référé suspension. Sa saisine, d'abord, n'est enserrée dans aucune condition de délai, tandis que le bien-fondé d'un référé suspension est subordonné à l'existence d'un recours au fond recevable, c'est-à-dire formé dans le délai de recours contre la décision de refus (43). Soustraire les décisions de refus de celles visées par l'article L. 521-3 permettrait leur remise en cause, passé ce délai (44). L'argument est plus sensible lorsque la saisine du juge de l'excès de pouvoir est soumise à l'exercice d'un recours préalable obligatoire, que le référé conservatoire permettrait de court-circuiter (45). Son office, ensuite, est moins encadré que celui du référé suspension : vous avez récemment jugé que ce dernier, suspendant l'exécution du refus de faire procéder à une enquête prévue par la législation du travail, peut enjoindre au réexamen, mais pas ordonner que cette enquête se tienne sous huit jours, au motif que l'injonction aurait les mêmes effets qu'une annulation au fond. Le juge du référé mesures utiles pourrait formuler une telle injonction, comme le relevait d'ailleurs le rapporteur public Jean Lessi dans ses conclusions contraires, relevant le paradoxe qu'il y a à permettre à un juge subsidiaire statuant sans audience publique (46) de faire plus que le juge de droit commun des procédures d'urgence.
Nous ne prêtons le risque de marginalisation du référé suspension au profit du référé mesures utiles qu'à la généralisation de la solution "Mme Elissondo Labat". Dans le domaine où cette décision a été rendue, celui des travaux publics, la décision préalable n'a en principe pas sa place, la saisine du juge n'est enserrée dans aucune condition de délai et les mesures susceptibles d'être prises n'ont pas grand-chose à voir avec des suspensions, s'agissant de freiner des dommages par nature évolutifs. Une concurrence avec le référé suspension n'a donc pas vraiment lieu d'être, le seul recoupement possible étant avec le référé liberté, dont la frontière avec le référés mesure utiles épouse les contours de l'urgence à quarante-huit heures (47). Ce motif n'apparaît pas explicitement dans votre décision "Mme Elissondo Labat", mais c'est ainsi que, par la suite, elle a été expliquée, y compris dans les notes de rapprochement de vos propres fichages (48).
Hors de la matière des travaux publics où il nous semble éminemment logique de tenir pour inopérante l'existence ou non d'une décision de refus, nous pensons, pour les raisons que nous vous avons dites, qu'une telle décision doit faire obstacle à l'intervention du juge du référé mesures utiles. Et nous pensons, comme le jugent les décisions non fichées du 18 novembre 2015, qu'une telle décision de refus doit s'entendre des refus explicites ou implicites, né avant la saisine du juge du référé mesures utiles ou en cours d'instance, pour peu bien sûr qu'ils interviennent sur demande de l'intéressé préalable à la saisine du juge. Ce paramétrage permet de laisser toute sa place au référé suspension. Mais il interdit que l'administration fasse en cours d'instance volontairement échec au référé mesures utiles en édictant spontanément une décision de refus qui n'aurait pas été sollicitée.
Disant cela, nous courons le risque de bâtir un remède pire que le mal. Fermer la voie séduisante du référé conservatoire en cas de décision de refus pourrait dissuader le justiciable de faire naître cette décision. Le contournement se ferait au détriment non plus seulement du juge du référé suspension, mais de l'administration elle-même, ce qui n'est pas notre propos.
Cette objection nous conduit à insérer notre proposition dans un tableau plus global de l'office du juge saisi sur le fondement de l'article L. 521-3. Nous pensons que chaque fois qu'une demande préalable est possible et pertinente (c'est-à-dire hors travaux publics et hors des cas où c'est l'administration qui saisit le juge des référés), la voie normale pour obtenir une mesure est de saisir l'administration d'une telle demande et de former le cas échéant à son encontre une demande d'annulation assortie d'un référé suspension. Le référé mesures utiles ne permettrait de court-circuiter cette voie normale que dans deux types d'hypothèses. La première hypothèse elle celle où l'urgence de la situation ne permet pas d'attendre la naissance d'une décision de refus sans que se cristallise une atteinte au droit certaine et irréversible : c'était le cas, par exemple, dans l'affaire "Masier" ; ça l'est également lorsqu'un justiciable souhaite obtenir un document lui permettant de former un recours dans un délai contraint, ou de faire valoir ses droits dans une procédure en cours, notamment disciplinaire. Le détour par la saisine de l'administration, puis de la commission d'accès aux documents administratifs étant en ce cas impossible, et l'exercice de ses droits par l'intéressé étant en jeu sans que sa situation relève nécessairement d'une urgence à quarante-huit heures, le juge du référé conservatoire apparaît indiqué pour intervenir. L'autre hypothèse, plus marginale, concerne les cas où l'intéressé est mis dans l'incapacité de faire naître une décision susceptible d'être déférée au juge : c'est notamment le cas lorsque l'administration refuse de répondre à une demande, et que des règles particulières empêche la naissance d'une décision implicite de rejet. Vous avez abordé de front ce cas de figure dans une décision CE, 18 juillet 2011, M. Fathi, précitée (49), relative à la carence de l'Ofpra à examiner une demande d'asile, alors que l'article L. 723-3-1 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (N° Lexbase : L9212H3L) prévoyait qu'"aucune décision ne peut naître du silence gardé par l'office". Vous avez jugé que "la mesure consistant à ordonner à l'Office de statuer, dans un délai prescrit par le juge et sous astreinte, sur une demande d'asile, ne fait en principe obstacle à l'exécution d'aucune décision administrative, et peut être regardée comme utile, dans la mesure où le silence gardé par l'administration ne peut faire naître aucune décision administrative dont en cas d'urgence le juge des référés pourrait être saisi en application de l'article L. 521-1 du CJA. En l'absence d'autres voies de droit permettant au demandeur d'asile d'obtenir qu'il soit remédié à cette situation, cette mesure relève en conséquence de celles qu'il appartient au juge des référés statuant par application de l'article L. 521-3 de prononcer, si l'urgence le justifie" (50).
Cette approche, dont la rusticité ne messied pas à la matière des référés, nous semble concilier le caractère subsidiaire de ce dernier par rapport aux autres procédures d'urgence avec l'utilité que vous avez su lui donner depuis sa consécration législative, sans faire ombrage au privilège du préalable dont le législateur a toujours pris soin qu'il ne puisse le tenir en échec. Nous ne lui avons trouvé comme véritables angles morts que les cas dont, précisément, nous ne croyons pas que le juge du référé mesures utiles doive connaître : ceux où le référé suspension ne pourra pas aboutir, parce les voies de recours seront expirées, ou parce que la mesure litigieuse n'atteindra pas le seuil critique de la justiciabilité, ce qui nous semble exclure -c'est en cela que els deux questions sont liées- qu'elle puisse revêtir un caractère d'utilité. Quant à des faiblesses plus structurelles du référé suspension, à supposer qu'elles existent et que le référé liberté ne suffise pas à les pallier, ce dont nous doutons, nous pensons en tout état de cause qu'on ne saurait renvoyer le soin de les résoudre à une voie de droit subsidiaire entourée de garanties procédurales plus limitées.
Dans ces conditions, nous ne voyons pas d'inconvénient à opposer les décisions de refus à l'intervention du juge du référé conservatoire chaque fois que ce qui lui est demandé revient à paralyser les effets de ce refus. Il est constant que de tels refus existent dans nos espèces, de sorte que vous pourriez substituer ce motif, d'ordre public et dont l'examen n'implique l'appréciation d'aucune circonstance de fait, à celui, si vous l'estimez erroné, retenu par le juge des référés (51).
Nous avons conscience, en suggérant cette architecture, de nous inscrire dans la lignée plutôt restrictive, vis-à-vis du référé conservatoire, dont témoignent vos récentes décisions "Section française de l'Observatoire des prisons" (de Section et de réunies) et "SELARL Docteur Dominique Debray" et "M. Mazer", plutôt que dans l'élan, plus galvanisant, initié par vos décisions "Masier" et "Elissondo Labat". Nous adhérons pourtant pleinement tant à leur lettre qu'à leur esprit. Nous pensons simplement que grâce à ces jurisprudences, et à d'autres qui ont permis aux référés d'urgence, et singulièrement au référé liberté, de remplir leurs promesses au-delà même sans doute de ce qu'avaient imaginé leurs instigateurs, le référé mesures utiles a trouvé une place, que nous ne remettons pas en cause, mais que nous ne trouvons pas nécessaire d'élargir au point d'en faire, plus qu'un juge, un quasi-administrateur.
Par l'ensemble de ces motifs, nous concluons au rejet des pourvois.
(1) C. Landais et F. Lenica, Le réveil du juge du référé conservatoire, in AJDA, 2006, p. 1839.
(2) CE, Sect., 18 juillet 2006, n° 283474 (N° Lexbase : A6569DQD), p. 369.
(3) CE, Sect., 27 mars 2015, n° 385332 (N° Lexbase : A6873NEB), à publier au Recueil.
(4) Le "référé administratif" comptait par les mesures adoptées par l'Assemblée nationale le 26 mars 1953 avant qu'elle ne décide, par l'article 7 de la loi n° 53-611 du 11 juillet 1953, de laisser au pouvoir réglementaire le soin de réformer, par le décret du 30 septembre 1953, le contentieux administratif.
(5) Le texte fut successivement transféré aux articles R. 102 puis, à compter du décret du 2 septembre 1988, R. 102-2 du Code des tribunaux administratifs, avant de figurer, à compter du décret du 7 septembre 1989, à l'article R. 130 du Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
(6) CE, Ass., 3 mars 1978, n° 94827 (N° Lexbase : A5042AIL), p. 116.
(7) Créé par l'article 9 du décret du 30 septembre 1953, lui-même inspiré de l'article 48 de l'ordonnance du 31 juillet 1945.
(8) Voir, pour l'application de ce principe au référé conservatoire, CE, 14 février 1964, Société anonyme produits chimiques Péchiney Saint Gobain, p. 113 ; CE, 27 février 1974, n° 92403 (N° Lexbase : A8333B87), p. 154 ; CE, 25 octobre 1978, n° 10162 (N° Lexbase : A3155AIP), p. 391.
(9) Appelé à figurer successivement aux articles R. 102 du Code des tribunaux administratifs, R. 128 du Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, puis R. 532-1 du Code de justice administrative (N° Lexbase : L3075ALH).
(10) CE, Section, 11 février 2005, n° 259290 (N° Lexbase : A6746DGX), p. 65.
(11) Voir, pour un document pouvant être obtenu dans le cadre de l'instruction d'un litige déjà engagée, CE, 3 mars 2008, n° 308275 (N° Lexbase : A3461D7C), T. p. 862.
(12) "Sans doute au-delà de ce qu'exigeait le strict partage des compétences entre le législateur et le pouvoir réglementaire", ainsi que le relevait le Président Stahl, l'un des rédacteurs du rapport du groupe de travail du Conseil d'Etat sur les procédures d'urgence ayant inspiré la loi du 30 juin 2000 (RFDA, 2000.941), dans ses conclusions sur l'affaire "Masier" (CE, Section, 6 février 2004, n° 256719 N° Lexbase : A3537DBM).
(13) CE, 29 avril 2002, n° 240322 (N° Lexbase : A6452AYM), T. p. 876.
(14) Voir, notamment, s'agissant de la communication d'un document, CE, 11 mai 1979, n° 11551 (N° Lexbase : A0017AKT), p. 214 ; s'agissant d'expulsion, CE, Ass., 3 mars 1978, n° 06079, préc.. Voir, sur la notion de mesures provisoires en référé, J. Gourdou et A. Bourrel, Les référés d'urgence devant le juge administratif, L'Harmattan, p. 86 ; P. Cassia, Champ des mesures ordonnées en référé : Provisoires, sauf si...'', in Les référés administratifs d'urgence, LGDJ, p. 142 ; F. Lenica et C. Landais, AJDA, 2007, p. 1237.
(15) CE, Section, 6 février 2004, n° 256719, préc..
(16) M. Maurice Bourgès-Maunoury, intervention devant le Conseil de la République lors de la séance du 28 juin 1955.
(17) CE, Assemblée, 23 janvier 1970, n° 77861 (N° Lexbase : A0341AU8), p. 51)
(18) CE, Sect., 20 décembre 2000, n° 206745 (N° Lexbase : A2049AIQ), p. 64.
(19) V. not., CE, 25 octobre 1978, n° 10162, préc., p. 391 ; CE, 10 mars 1995, n° 158582 (N° Lexbase : A3225ANR), T. pp. 819-967.
(20) Voir les deux décisions très explicites, CE, 18 novembre 2015, n°s 381998 (N° Lexbase : A5627NXP) et 383189 (N° Lexbase : A5629NXR), inédites au Recueil.
(21) CE, 23 février 2011, n° 339826 (N° Lexbase : A7034GZK), T., p. 1077.
(22) CE, Sect., 9 juin 1978, n° 08397 (N° Lexbase : A6580B7T), p. 237.
(23) CE, Sect., 13 juillet 1956, OPHLM du département de la Seine, p. 343 ; CE, 30 octobre 1963, SARL Sonetra représentée par les sieurs Enault et Giraudet, p. 520 ; CE, 29 juillet 2002, n° 243500 (N° Lexbase : A2996AZY), p. 307.
(24) CE, 2 mars 1977, n° 00047 (N° Lexbase : A1584B7S), T. p. 926 ; CE, 22 juin 1977, n° 04799 (N° Lexbase : A5248B8U), p. 288 ; CE, Ass., 3 mars 1978, Lecoq, préc. ; CE Sect., 28 novembre 1980, n° 17732 (N° Lexbase : A6614AIS), p. 453 ; CE, Sect., 2 mars 1990, n° 91687 (N° Lexbase : A5555AQS), p. 59 ; CE Sect., 16 mai 2003, n° 249880 (N° Lexbase : A7833C8M).
(25) CE, Section, 25 janvier 1980, n° 11514 (N° Lexbase : A7541AI7), p. 49 ; CE, 26 mai 1989, n° 96673 (N° Lexbase : A3304AQG).
(26) CE, 9 octobre 2015, n° 393895 (N° Lexbase : A1212NT3), à publier au Recueil.
(27) CE, Ass., 1er mars 1991, n° 118382 (N° Lexbase : A1130B7Y), p. 78 ; CE, Sect., 9 juillet 1997, n° 163099 (N° Lexbase : A0898AEY), p. 298 ; CE, 10 mars 2005, n° 278035 (N° Lexbase : A2873DHU), p. 99.
(28) CE, 11 mai 1979, n° 11551, préc., p. 214 ; CE, 6 juin 1980, n° 17547 (N° Lexbase : A8453AIW), T. p. 835 ; CE, 26 mars 1982, n° 34200 (N° Lexbase : A7872AKR), p. 137 ; CE, 28 mai 1984, n° 49098 (N° Lexbase : A7005ALZ), p. 191 ; CE, 9 avril 1998, n° 195453 (N° Lexbase : A9783AYY), p. 176.
(29) CE, 29 avril 2002, n° 228830 (N° Lexbase : A6368AYI), p. 157.
(30) CE, Sect., 18 juillet 2006, n° 283474, préc., s'agissant de l'injonction au responsable du dommage de prendre des mesures conservatoires destinées à faire échec ou mettre un terme aux dangers immédiats présentés par l'état d'un l'immeuble.
(31) CE, Sect., 16 novembre 2011, n°s 353172, 353173 (N° Lexbase : A9195HZL), p. 552.
(32) CE, 8 mars 2010, n° 331115 (N° Lexbase : A1658ETL), p. 68.
(33) CE, 23 juillet 2014, n° 379875 (N° Lexbase : A7358MU3).
(34) CE, 26 octobre 2011, n° 350081 (N° Lexbase : A0840HZ7), T. pp. 838-999-1079-1082.
(35) CE, 18 juillet 2011, n° 343901 (N° Lexbase : A3199HWE), p. 366.
(36) CE, Sect., 27 mars 2015, n° 385332, préc..
(37) Voir aussi, pour l'adoption de mesures de contrôle de la mise en oeuvre d'une réglementation, CE, 23 octobre 2015, n° 383938 (N° Lexbase : A0332NUT), à mentionner aux Tables.
(38) CE, 14 décembre 2007, n° 290730 (N° Lexbase : A0918D3E), p. 495 et CE, 14 décembre 2007, n° 290420 (N° Lexbase : A0917D3D), p. 474.
(39) Voir les mesures prescrites pour assurer la dignité des personnes détenues à la prison des Baumettes par l'ordonnance, CE, 22 décembre 2012, n°s364584 364620 364621 364647 (N° Lexbase : A6320IZ4), p. 496.
(40) CE, 26 octobre 2011, n° 350081, préc..
(41) CE, 9 octobre 2015, n° 391425 (N° Lexbase : A1194NTE).
(42) CE, 16 décembre 2008, n° 316027 (N° Lexbase : A8903EBD), inédite pour un refus d'octroi d'une licence ; voir parmi d'autres, CE, 12 décembre 2008, n° 322349 (N° Lexbase : A8934EBI), inédite pour un refus de visa ; CE, 5 février 2009, n° 324589 (N° Lexbase : A1177EDX), inédite, pour un refus d'admission à concourir.
(43) CE, 11 mai 2001, n° 231802 (N° Lexbase : A7155AT8), T. p. 1099.
(44) Voir, sur ce point, les conclusions d'Emmanuel Glaser sur CE, 26 octobre 2005, n° 279441 (N° Lexbase : A1432DLM), p. 447.
(45) Voir cette fois les conclusions d'Edouard Crépey sur les affaires Section française de l'OIP précitée.
(46) Sauf, dans certains cas, en matière d'expulsion, CE, 24 novembre 2006, n° 291294 (N° Lexbase : A7652DS9), p. 494.
(47) Voir, sur cette articulation en matière de travaux publics, CE Sect., 16 novembre 2011, préc..
(48) CE, 8 mars 2010, n° 331115 (N° Lexbase : A1658ETL), p. 68.
(49) CE, 18 juillet 2011, n° 343901, préc..
(50) Voir également en ce sens la rédaction de votre récente décision CE, 23 octobre 2015, n° 383938, préc..
(51) Voir, pour une substitution de motifs identique, CE, 16 décembre 2008, n° 316027 (N° Lexbase : A8903EBD).
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