La lettre juridique n°580 du 24 juillet 2014 : Finances publiques

[Le point sur...] Le débat d'orientation budgétaire : de la nécessaire et de l'insuffisante délibération en matière financière

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[Le point sur...] Le débat d'orientation budgétaire : de la nécessaire et de l'insuffisante délibération en matière financière. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/18756922-cite-dans-la-rubrique-b-finances-publiques-b-titre-nbsp-i-le-debat-dorientation-budgetaire-de-la-nec
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par Lauréline Fontaine, Professeure de droit public, Université de la Sorbonne Nouvelle Paris III

le 24 Juillet 2014

L'obligation d'organiser un débat d'orientation budgétaire préalable au vote définitif du budget est à la fois une règle du droit budgétaire local et une règle de démocratie locale. Calquée sur le modèle national (dont l'institutionnalisation ne date toutefois que de la LOLF), cette obligation existe pour les départements depuis la loi n° 82-213 du 2 mars 1982, relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions (N° Lexbase : L7770AIM) (CGCT, art. L. 3312-1 N° Lexbase : L3535IZX) et, pour les communes de 3 500 habitants et plus (CGCT, art. L. 2312-1 N° Lexbase : L3534IZW) et pour les régions (CGCT, art. L. 4312-1 N° Lexbase : L3536IZY), depuis la loi d'orientation n° 92-125 du 6 février 1992, relative à l'administration territoriale de la République (N° Lexbase : L8033BB7). Il s'agit, pour les collectivités territoriales, que les orientations budgétaires de la collectivité fassent l'objet d'un débat au sein de l'assemblée délibérante, avant que ne soit présenté le budget soumis au vote. L'article L. 2312-1 du Code général des collectivités territoriales, alinéa 3, indique ainsi qu'"un débat a lieu [...] sur les orientations générales du budget de l'exercice ainsi que sur les engagements pluriannuels envisagés et sur l'évolution et les caractéristiques de l'endettement de la commune, dans un délai de deux mois précédant l'examen de celui-ci" (le délai est de 10 semaines pour les régions). Ce caractère préalable du débat implique, dans l'esprit, que les conséquences des discussions qui se tiennent sur les orientations budgétaires puissent avoir aussi des conséquences sur l'établissement du budget, pas seulement au niveau du vote des membres de l'assemblée délibérante, mais peut-être, déjà, au niveau du texte préparé et soumis par le chef de l'exécutif local. A défaut d'avoir un caractère contraignant, la délibération qui prend acte de la tenue du débat d'orientation budgétaire, devrait ainsi avoir un caractère déterminant. Au plan de la démocratie locale, le principe du débat d'orientation budgétaire préalable apparaît nécessaire pour que soit permise la prise en compte effective des opinions et analyses des membres élus de l'assemblée délibérante dans l'élaboration même de la proposition de budget, quand bien même, selon les textes, c'est bien le chef de l'exécutif local qui propose le budget, et l'assemblée délibérante qui l'adopte. On considère souvent que la tenue du débat d'orientation budgétaire permet d'associer majorité et opposition à l'élaboration du budget. Plus simplement aussi, l'introduction du débat d'orientation budgétaire dans la procédure budgétaire locale vise à créer un instrument supplémentaire de gestion financière à caractère pluriannuel.

Les "enjeux" de l'obligation de tenue d'un débat d'orientation budgétaire ne se résument donc pas à des questions formelles : ils sont véritablement politiques et traduisent une philosophie de l'action publique et de ses modalités. A sa manière, le juge administratif a traduit ces enjeux en explicitant à la fois le contenu de cette obligation, ses modalités et ses conséquences. Toutefois, si l'organisation d'un débat d'orientation budgétaire préalable est bien une règle, il ne semble pas encore que l'on puisse dire qu'il soit devenu un élément traditionnel de la procédure budgétaire locale. Dans bien des cas, non soumis à contentieux, ce débat est quasi inexistant. Dans d'autres cas, ce débat, s'il existe, s'avère cependant, au regard des ambitions portées par son institutionnalisation, très insuffisant. Les textes d'ailleurs ne permettent pas vraiment d'obliger les collectivités à en faire beaucoup plus. De manière périodique, les chambres régionales des comptes relèvent les insuffisances des débats d'orientation budgétaires locaux, sans pour autant qu'un recours contentieux en annulation puisse être exercé sur ce fondement. Les chambres peuvent ainsi souligner l'absence de projection budgétaire pluriannuelle, l'absence de mention d'objectifs relatifs à l'épargne de gestion, l'absence d'actualisation de prévisions budgétaires ou l'absence d'un plan de financement. Elles peuvent aussi, très simplement, souligner le caractère succinct du débat, sans que, pour l'heure, cela n'ait d'incidence sur la légalité de la procédure. Pourtant, la tenue d'un débat d'orientation budgétaire préalable au vote du budget constitue une formalité substantielle dont le non respect entache le vote définitif du budget d'irrégularité (I). Bien que le Conseil d'Etat n'ait pas encore rendu de décision importante sur cette question, on peut, sur la base des décisions rendues par des juridictions inférieures, constater que, pour être considéré avoir été tenu, un véritable débat doit avoir été au moins permis, c'est-à-dire que les éléments sur la base desquels les membres de l'assemblée délibérante discutent doivent avoir été véritablement de nature à produire une discussion féconde (II).

I - Le débat d'orientation budgétaire : une obligation substantielle pour une formalisation faible

En premier lieu, le débat d'orientation budgétaire se tient dans les conditions applicables à toute séance de l'assemblée délibérante (CGCT, art. L. 2121-20 N° Lexbase : L8569AAM et L. 2121-21 N° Lexbase : L3128IQW pour les communes, art. L. 3121-14 N° Lexbase : L2264IYI et L. 3121-15 N° Lexbase : L2171IY3 pour les départements, art. L. 4132-13 N° Lexbase : L0557IGQ et L. 4132-14 N° Lexbase : L3130IQY pour les régions). En second lieu, pour les communes, il se tient par ailleurs dans les conditions fixées par leur règlement intérieur (CGCT, art. L. 2312-1). Mais, en dehors de ce cadre général et non spécial, l'organisation du débat d'orientation budgétaire ne répond que peu à des conditions particulières que le législateur aurait fixées, et, de fait, n'est, la plupart du temps, que très peu formalisé. Sont, ainsi, rarement prévues des conditions de durée du débat, peu souvent posées des conditions quant à son objet et son contenu, hormis celles dégagées par la jurisprudence pour établir que les élus ont effectivement disposé des éléments suffisants et adéquats pour permettre une discussion sur les orientations générales du budget, les engagements annuels et pluriannuels ainsi que la situation d'endettement de la collectivité, conformément aux prescriptions du Code général des collectivités territoriales. Il s'avère que, bien que formalité substantielle, les obligations découlant de l'organisation d'un débat d'orientation budgétaire tiennent plus à ses conditions d'organisation qu'à son déroulement même. Il arrive, en outre, que, bien que légalement prescrit, certaines circonstances permettent qu'il ne soit pas organisé.

Les modalités substantielles de l'obligation de tenue d'un débat d'orientation budgétaire portent plus sur ses conditions que sur son déroulement. L'organisation des collectivités territoriales en conseil et exécutif implique que ce dernier prépare et exécute la plupart des décisions. Pour permettre aux membres de l'assemblée délibérante d'adopter les décisions proposées de manière "éclairée", il existe une obligation générale d'information des élus, dans la continuité de laquelle le débat d'orientation budgétaire s'inscrit, en ne s'y substituant pas, mais en s'y ajoutant. C'est bien l'obligation d'information, dans le cadre de l'idée d'un renforcement de la démocratie locale, qui reste le fondement de l'institutionnalisation du débat d'orientation budgétaire, ce qui signifie que son statut reste informatif et préparatoire, et non décisoire.

Obligation générale d'information des élus et débat d'orientation budgétaire. L'obligation prend la forme concrète d'une note explicative de synthèse -ou tout document équivalent- comprenant les éléments indispensables à la délibération envoyée avec la convocation (1) précédant la délibération. Le fait que les élus aient, par ailleurs, la possibilité de consulter les documents relatifs aux questions inscrites à l'ordre du jour de la séance est indifférent à la satisfaction de l'obligation d'information (2). Avant l'institution de l'obligation de tenue d'un débat d'orientation budgétaire, le vote du budget obéissait aussi à cette obligation d'information des élus, qui oblige l'exécutif à fournir, avec la convocation à la séance au cours de laquelle le vote doit avoir lieu, les informations nécessaires. Cette obligation est maintenue. Mais, l'obligation, depuis 1992, de tenir un débat sur les orientations générales du budget, dans un délai de deux mois -ou dix semaines- précédant l'examen de celui-ci, ne se substitue pas à l'information nécessaire des élus. Non seulement l'obligation subsiste pour le vote du budget lui-même, mais s'applique aussi au débat sur les orientations budgétaires. Comme pour toute autre convocation à une séance de l'assemblée délibérante, sur la prescription de principe de l'article L. 2121-12 du Code général des collectivités territoriales (N° Lexbase : L8561AAC), "une note explicative de synthèse sur les affaires soumises à délibération doit être adressée avec la convocation aux membres du conseil municipal" (il s'agit d'un "rapport" pour les départements et les régions, comme énoncé aux articles L. 3121-19 N° Lexbase : L1859IYI et L. 4132-18 N° Lexbase : L7930IMN du même code).

Le débat d'orientation budgétaire doit donc lui-même être précédé de la communication des éléments nécessaires à sa tenue régulière (3), ce qui signifie que la convocation des membres du conseil à la séance au cours de laquelle le débat doit se tenir sur les orientations générales du budget doit être accompagnée d'une note explicative de synthèse relative à ces orientations générales. Un simple "rapport" comportant quelques indications générales sur les nouvelles charges imposées aux communes par des mesures gouvernementales et sur la volonté de la commune de ne pas augmenter la pression fiscale est insuffisant à satisfaire l'obligation d'information (4). Ces conditions, formelles, sont censées entraîner la tenue d'un débat dont le contenu sera en adéquation avec l'objectif du débat, à savoir permettre une meilleure association des élus, y compris de l'opposition, à l'élaboration du budget. Pour autant, le contenu du débat, on le verra, ne fait pas l'objet d'un contrôle, mais seulement son existence. Et pour cause, la délibération qui le sanctionne n'a pas un caractère décisoire mais constitue seulement une formalité substantielle préalable au vote du budget.

Le caractère non décisoire du débat d'orientation budgétaire. Si une délibération spécifique doit être prise pour sanctionner la tenue du débat, et que les termes du débat doivent être rapportés dans le compte-rendu de la séance au cours de laquelle est voté le budget (5), en revanche, la délibération n'a pas de caractère décisoire en elle-même et ne constitue qu'un acte préparatoire, quand bien même il est impératif. La délibération se bornant ainsi à constater l'existence d'un débat (6), le recours en annulation n'est possible que contre la délibération finale sur le budget lui-même (7). On peut considérer que cet état du droit ne permet pas de donner au débat d'orientation budgétaire sa véritable portée, dans la mesure où il s'agit de pallier ce fait que, pour l'essentiel, c'est l'exécutif qui élabore le budget. Et c'est bien le budget tel qu'il est préparé et proposé qui est finalement voté : les membres élus du conseil n'ont la plupart du temps pas d'influence réelle et technique sur ces questions. L'implication attendue des élus par l'organisation du débat d'orientation budgétaire préalablement à la discussion et au vote du budget doit donc, dans l'esprit des textes, pallier ce constat de l'inefficacité de la discussion budgétaire elle-même. Mais, pour cela, il faudrait permettre que les collectivités territoriales n'assimilent pas l'organisation du débat d'orientation budgétaire à une simple formalité administrative. Hélas, à l'absence de portée du débat, il faut même ajouter le cas où, parfois, il est possible à une collectivité tenue de l'organiser... de ne pas l'organiser.

L'exception à l'obligation de tenue d'un débat d'orientation budgétaire préalable : sa liaison avec le règlement intérieur de l'assemblée municipale. Pour les communes de plus de 3 500 habitants, l'article L. 2312-1 du Code général des collectivités territoriales indique que le débat a lieu "dans les conditions fixées par le règlement intérieur" de l'assemblée délibérante. Le fait d'adopter un règlement intérieur est précisément obligatoire pour les communes de 3 500 habitants et plus. Si chaque commune concernée adopte librement son propre règlement intérieur, la loi et la jurisprudence sont venus fixer certains éléments de contenu, qui sont obligatoires et conditionnent donc la légalité du règlement intérieur. D'abord, le règlement intérieur ne porte que sur que sur le fonctionnement du conseil municipal (8). Ensuite, la loi du 6 février 1992 impose qu'y soient inscrites les conditions de consultation des projets de contrats ou de marchés prévues à l'article prévus à l'article L. 2121-12, les règles de présentation, d'examen et de fréquence des questions orales, et enfin les conditions d'organisation du débat d'orientation budgétaire. La tenue régulière du débat d'orientation budgétaire est donc conditionnée par ce qui est inscrit dans le règlement intérieur de la collectivité. Mais la question pouvait se poser de savoir si le débat d'orientation budgétaire est lui-même lié à l'existence du règlement intérieur.

Autrement dit, en l'absence de règlement intérieur, le débat d'orientation budgétaire doit-il obligatoirement être organisé ? Sur le modèle de la célèbre jurisprudence "Dehaene" du Conseil d'Etat (9), on aurait pu penser qu'en dépit de l'absence de règlement intérieur, il incombait quand même aux autorités locales d'organiser le débat d'orientation budgétaire. C'est pourtant une autre solution qui a été retenue par le Conseil d'Etat, dans l'hypothèse où une collectivité se trouve précisément dans la période où elle peut ne pas avoir adopté de règlement intérieur. En effet, en vertu de l'article L. 2121-8, la commune dispose d'un délai de six mois suivant son installation pour adopter son règlement intérieur. S'il se trouve que c'est dans cette période qu'un débat d'orientation budgétaire doit être tenu, le Conseil d'Etat considère, en l'absence d'obligation d'avoir adopté un règlement intérieur, que la collectivité n'est pas tenue d'organiser en son sein un débat sur les orientations générales du budget (10). A fortiori, cette jurisprudence s'applique aux communes de moins de 3 500 habitants qui n'ont pas l'obligation d'adopter un règlement intérieur, ni celle de tenir un débat d'orientation budgétaire.

II - Les conséquences réelles de l'organisation du débat d'orientation budgétaire : un faible contentieux et une "petite" réforme envisagée

Il faut d'emblée noter que, si l'absence de tenue d'un débat d'orientation budgétaire est de nature à entraîner l'illégalité de la délibération approuvant le budget, le juge administratif n'exerce son contrôle que sur l'existence du débat, et non sur son contenu à proprement parler (11). Il suffit donc que le débat ait eu lieu et qu'il se soit tenu régulièrement, quel que soit son contenu et les membres qui y ont effectivement participé (sous réserve du respect des règles de quorum). En revanche, le débat doit être suffisamment préparé, en ce sens que les membres de l'assemblée délibérante aient bénéficié de toutes les informations nécessaires à la discussion. Si les règles actuelles permettent déjà, en cas de contentieux, de sanctionner une préparation insuffisante du débat d'orientation budgétaire, ou sa tenue dans des conditions irrégulières, une réforme actuellement soumise au Parlement propose quelques améliorations, dans le sens d'une meilleure formalisation du débat, sans que l'on puisse toutefois dire que de vraies améliorations s'ensuivront.

La conséquence du non-respect de l'obligation de la tenue d'un débat d'orientation budgétaire préalable et véritable : l'annulation possible du vote du budget primitif. Plusieurs éléments sont susceptibles de produire le non respect de l'obligation : de l'absence pure et simple de débat (12) au non-respect du délai, des conditions d'organisation du débat prévues dans le règlement intérieur de la commune, ou de l'obligation de mettre les éléments "adéquats" à la disposition des élus. Dans tous les cas, il est nécessaire que l'irrégularité affecte de manière substantielle le vote du budget. Cela signifie que, lorsque le respect des règles qui sont posées a pour conséquence de permettre que se réalise l'ambition première de leur raison d'être -la démocratie financière locale-, leur non-respect implique au contraire l'absence de réalisation de cette ambition, et justifie donc une annulation du vote final.

La question du délai. Il en va d'abord de la condition de délai posée pour la tenue du débat : celui-ci doit intervenir pendant la phase préparatoire du budget. Le délai de "deux mois précédant l'examen" du budget (pour les communes et les départements), ou de dix semaines (pour les régions), dans lequel le débat d'orientation budgétaire doit se tenir, est un délai substantiel dont le non-respect entraîne l'irrégularité du vote du budget (13). Toutefois, le délai légal doit n'être considéré que comme un délai maximum, mais pas, hélas, comme un délai minimum. Dans une décision du 16 mars 2001 (14), le tribunal administratif de Versailles a, certes, considéré que la tenue du débat le soir même du vote du budget n'était pas conforme au principe du caractère préalable de la tenue du débat d'orientation budgétaire. Mais au-delà de ce constat, il est bien difficile de considérer qu'un débat ne se serait pas régulièrement tenu au motif qu'il serait intervenu de manière trop rapprochée par rapport au débat sur le vote du budget. Peut-on ainsi considérer qu'un débat d'orientation budgétaire organisé une semaine avant la séance de vote du budget se tiendrait ainsi irrégulièrement ? La phase préparatoire du budget, comprenant le débat d'orientation, est destinée à éclairer le vote des élus, ce qui explique qu'elle soit, dans ses éléments qui y contribuent, une formalité substantielle.

On doit sans doute considérer que l'éclairage des élus passe par une phase d'assimilation d'un certain nombre d'informations qui ne peuvent conduire à formuler un vote "immédiat" certes, mais qu'au surplus, les élus devraient pouvoir être en mesure de formuler eux-mêmes des orientations pertinentes, destinées à être prises en compte pour l'élaboration du budget par le maire. Le débat doit ainsi avoir lieu "en temps utile eu égard à l'importance de ce dernier et à sa consistance", les informations nécessaires mettant les élus "à même d'exercer leur pouvoir décisionnel au moment du vote" du budget (15). Il était indiqué dans une réponse ministérielle de 1999 que le débat d'orientation budgétaire "doit se situer dans des délais tels que le maire, ou le président du conseil général ou régional, puisse tenir compte de ces orientations lors de l'élaboration du budget, mais suffisamment rapprochés du vote du budget pour que ces orientations ne se trouvent pas remises en cause par des événements ou évolutions récentes, apparues à l'approche du vote du budget" (16). Pour autant, rien n'indique qu'un débat sur les orientations budgétaires organisé quelques jours seulement avant le vote du budget, et alors donc que celui-ci a, dans sa très large part, déjà été préparé par l'exécutif, se tiendrait irrégulièrement. L'absence de délai minimum conduit donc la plupart des collectivités à ignorer la portée véritable que devrait avoir le débat d'orientation budgétaire.

L'envoi régulier d'une note suffisamment détaillée. Dans la même logique, il en va également du non-respect de l'obligation de mettre les éléments "adéquats" à la disposition des élus. Cela signifie d'abord que les éléments d'information relatifs au projet de budget adressés aux membres de l'assemblée délibérante avec la convocation pour la séance consacrée, notamment, au vote du budget primitif, ne suffisent pas à pallier l'absence de communication à ces membres des données essentielles sur lesquelles doit porter le débat d'orientation budgétaire (17). L'objet du débat d'orientation budgétaire doit être considéré comme distinct de l'objet du débat sur le vote du budget primitif, même si celui-là précède celui-ci. Ce sont donc des éléments distincts qui doivent être envoyés aux élus avec la convocation à la séance de l'assemblée délibérante. La note explicative de synthèse qui doit être envoyée aux élus avec la convocation à la séance au cours de laquelle se déroule le débat d'orientation budgétaire doit comprendre les éléments nécessaires à la tenue du débat : ce défaut d'informations nécessaires et adéquates, qui implique aussi que la note explicative doit être suffisamment détaillée, entraîne l'irrégularité de la délibération procédant au vote du budget primitif (18). La note de synthèse ne doit donc pas se limiter à des considérations générales sur la conjoncture et la politique économique de la collectivité (19).

Si, par exemple, le document envoyé comprend uniquement "quelques considérations générales sur les nouvelles charges imposées aux communes par des mesures gouvernementales et sur la volonté de la commune de ne pas augmenter la pression fiscale", le juge considère alors que "n'ont pas été communiquées aux conseillers municipaux les données essentielles sur lesquelles devait porter le débat sur les orientations budgétaires, et que cette circonstance constitue une irrégularité formelle de nature à entacher d'irrégularité la procédure" (20). La note explicative de synthèse doit ainsi comporter des éléments d'analyse prospective (formellement et légalement, le débat ne porte que sur les engagements futurs et pas sur les engagements passés -on rappelle qu'il n'y a pas de régime de responsabilité de l'exécutif devant l'assemblée délibérante au niveau local-), des indications sur la masse globale et la répartition en fonctionnement et en investissement (avec indication des principaux postes), des informations sur les principaux investissements projetés (dépenses et affectations des dépenses d'investissement), sur le niveau d'endettement et la progression envisagée (par exemple des informations sur l'éventuel recours à un nouvel emprunt) et sur les propositions d'imposition des taxes locales (indication des taux, notamment).

En dépit de ces éléments, le débat d'orientation budgétaire apparaît cependant encore trop souvent négligé, par les élus eux-mêmes, qui considèrent facilement qu'il ne s'agit que d'une obligation formelle n'ayant aucune incidence sur leur rôle réelle dans la maîtrise des finances locales. Alors que la Cour des comptes et les chambres régionales des comptes soulignent régulièrement les insuffisances des débats d'orientations budgétaires locaux, une "petite" réforme est envisagée, dont les effets s'annoncent certainement assez faibles.

Les perspectives de réforme du débat d'orientation budgétaire : formaliser pour améliorer ?

Un rapport de la Cour des comptes sur les finances locales rendu public en octobre 2013 soulignait les insuffisances du débat d'orientation budgétaire local, notamment l'absence de prospective et l'insincérité budgétaire qui pouvait s'ensuivre, tandis qu'un projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, longtemps resté dans les cartons et renommé, a été déposé devant le bureau du Sénat le 18 juin 2014 et envoyé à la commission des lois. Dans l'exposé des motifs, le projet de loi indique qu'il est proposé que le débat d'orientation budgétaire s'appuie désormais, "dans les plus grandes collectivités (régions, départements et communes de 3 500 habitants et plus), sur un rapport d'orientation budgétaire, reprenant de manière synthétique certaines informations contenues dans les documents comptables et budgétaires afin de faire apparaître les orientations majeures en ce domaine". Il est notamment précisé que, "dans le contexte de l'utilisation par certaines collectivités territoriales de produits financiers sophistiqués, il apparait nécessaire que ce rapport porte également sur la gestion de l'endettement et la structure de la dette. Ce rapport contribuera ainsi à améliorer l'information des organes délibérants et des citoyens sur la nature et la portée des engagements pris en matière d'endettement. Enfin, dans les communes de plus de 10 000 habitants, les départements et les régions, il portera également sur la structure et l'évolution des effectifs et des principaux postes de dépenses".

Ainsi, dans le titre IV du dispositif du projet de loi, consacré à la transparence et aux responsabilités financières des collectivités territoriales, un article 30 modifie le Code général des collectivités territoriales en mentionnant désormais le rapport "sur les orientations budgétaires, les engagements pluriannuels envisagés ainsi que la gestion de la dette" qui doit être transmis au conseil dans le délai de deux mois (ou dix semaines pour les régions) précédant l'examen du budget. Il est ajouté aussi que "dans les communes de plus de 10 000 habitants, le rapport [...] comporte en outre une présentation de la structure et de l'évolution des dépenses et des effectifs. Ce rapport précise notamment l'évolution prévisionnelle et l'exécution des dépenses de personnel, des rémunérations, des avantages en nature et du temps de travail. Il est transmis au représentant de l'Etat dans le département et fait l'objet d'une publication. Le contenu du rapport et les modalités de sa publication sont fixés par décret". Ces dispositions, qui affectent les dispositions relatives aux communes, sont prévues de manière analogue s'agissant des départements et des régions.

La réforme envisagée impose donc des obligations fermes de contenu quant à l'information qui doit être envoyée aux élus, mais ne considère pas les deux lacunes majeures de l'actuelle obligation : l'absence de délai minimum entre la tenue du débat d'orientation budgétaire et le vote du budget, d'une part, l'absence d'obligations concrètes quant au déroulement et au contenu du débat, d'autre part.

Pourtant, l'obligation de la tenue d'un débat d'orientation budgétaire participe de la volonté d'assainissement des finances locales, par l'obligation d'impliquer l'ensemble des élus et celle pour l'exécutif de "rendre compte", en quelque sorte par avance, des choix opérés en matière budgétaire. De la même manière, cette volonté, au moins sur le plan de l'affichage, s'est aussi récemment traduite par la mise en place en 2010 (loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010, portant engagement national pour l'environnement N° Lexbase : L7066IMN), dans les communes et EPCI de plus de 50 000 habitants, les départements et les régions, d'une obligation pour l'exécutif, "préalablement aux débats sur le projet de budget", de présenter "un rapport sur la situation en matière de développement durable intéressant le fonctionnement de la collectivité, les politiques qu'elle mène sur son territoire et les orientations et programmes de nature à améliorer cette situation" (CGCT, art. L. 2311-1-1 N° Lexbase : L7582IMR, L. 3311-2 N° Lexbase : L2189IYQ et L. 4310-1 N° Lexbase : L7580IMP). Comme s'agissant du débat d'orientation budgétaire, le rapport sur la situation en matière de développement durable constitue une formalité substantielle susceptible d'entraîner, en son absence, l'annulation de la délibération d'adoption du budget primitif. Mais là encore, son statut et les conditions de son organisation ne permettent pas encore de conclure à la mise en place d'un système efficace qui ferait véritablement évoluer la pratique de la démocratie locale, principalement en matière financière.


(1) Ou en même temps que la convocation, voir CAA Bordeaux, 2ème ch., 27 avril 2004, n° 00BX01715 (N° Lexbase : A2523DCG).
(2) CE 3° et 5° s-s-r., 30 avril 1997, n° 158730, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A9386ADY).
(3) Une décision contra cependant, voir CAA Marseille, 5ème ch., 22 mars 2012, n° 10MA03053 (N° Lexbase : A3612ILD).
(4) TA Nice, 10 novembre 2006, n° 0202069 (N° Lexbase : A0398DWN).
(5) TA Montpellier, 11 octobre 1995, Bard c/ Commune de Bédarieux.
(6) TA Paris, 12 juin 1998, Deprez.
(7) TA Nice, 19 janvier 2007, Lang c/ Commune de Mouans Sartoux.
(8) CE 3° s-s., 28 janvier 1987, n° 83097, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A4252AP8).
(9) CE, Ass., 7 juillet 1950, n° 016945, publié au recueil Lebon ([LXB=A5106B7A)]).
(10) CE 8° et 9° s-s-r., 12 juillet 1995, n° 157092, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A5202ANY).
(11) TA Nice, 10 novembre 2006, n° 0202069, préc..
(12) TA Nice, 10 novembre 2006, n° 0202069, préc..
(13) TA Montpellier, 5 novembre 1997, Syndicat de gestion du collège de Florensac.
(14) TA Versailles, 16 mars 2001, n° 003183 (N° Lexbase : A1318BTY).
(15) CAA Marseille, 5ème ch., 22 mars 2012, n° 10MA03053, préc..
(16) Réponse ministérielle n° 05825, JO Sénat, 2 septembre 1999, p. 2939.
(17) TA Lyon, 9 décembre 2004, Nardone.
(18) TA Nice, 10 novembre 2006, n° 0202069, préc.; TA Nice, 19 janvier 2007, Lang c/ Commune de Mouans Sartoux.
(19) CAA Douai, 2ème ch., 14 juin 2005, n° 02DA00016 (N° Lexbase : A2329DKH).
(20) TA Nice, 10 novembre 2006, n° 0202069, préc..

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