La lettre juridique n°473 du 16 février 2012

La lettre juridique - Édition n°473

Éditorial

L'avocat, cet auxiliaire encombrant...

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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication

Le 27 Mars 2014


Au commencement -depuis Abel et Caïn, en fait- étaient les verbes : être avocat et avoir un avocat. Le premier état marquait l'indépendance d'une profession libérale à la déontologie exigeante ; le second auxiliaire conférait à celui qui portait le noble titre un attribut considéré par certains comme "exorbitant", presque divin, mais pourtant nécessaire à l'exercice de sa mission, le secret professionnel.

Le problème avec les auxiliaires, c'est qu'il faut composer avec eux, au passé comme au futur. Et, les avocats ne sont pas tendres, ni avec leur état, ni avec leur avoir ; et l'on sait que les auxiliaires ne se plaisent pas au conditionnel. Mais, cela n'empêche pas les pouvoirs publics de détricoter, chaque nuit, ce que les avocats défendent, chaque jour, tels Sisyphe, au côté des justiciables : l'exception déontologique française.

Certes, l'article 3 du décret du 12 juillet 2005 et l'article 1.3 du règlement intérieur national érigent l'indépendance au rang de principe essentiel de la profession d'avocat, et le nouveau Président de la Conférence des Bâtonniers, Jean-Luc Forget, clame aux oreilles du Garde des Sceaux qu'"être indépendant est une démarche de tous les instants au point d'en devenir un réflexe". Il n'en demeure pas moins que l'Arlésienne de "l'avocat en entreprise" ressort, régulièrement, de derrière les fagots, mettant intrinsèquement à mal cette indépendance consubstantielle et si chère au coeur de l'auxiliaire de justice, et ne reculant pas devant l'oxymore "salarié indépendant". La "Grande profession" du droit de Jean-Michel Darrois préconisait d'appliquer une seule déontologie aux différentes professions du droit, c'est tout l'inverse qui est débattu : une profession, deux déontologies ; une exigeante, une au rabais. Tant est si bien que le 14 septembre 2010, le juge communautaire ne s'y est pas trompé. L'indépendance ne se salarie pas. La protection de la confidentialité des communications entre l'avocat et son client ne s'applique pas aux avocats internes dans les procédures menées par la Commission en matière d'entente. Point de legal privilege à la française, le secret professionnelle est l'attribut d'une profession à la déontologie réglementaire.

Alors, si on ne peut les "salarier", pourquoi ne pas "fonctionnariser" les avocats, s'écrient les caciques gouvernementaux ? Soit, une pierre deux coups, et l'article 1635 bis Q du Code général des impôt instaure une contribution pour l'aide juridique de 35 euros perçue par instance introduite en matière civile, commerciale, prud'homale, sociale ou rurale devant une juridiction judiciaire ou par instance introduite devant une juridiction administrative, recouvrée par les avocats, désormais auxiliaire du Trésor public, pour financer l'aide juridictionnelle : "aide-toi et le ciel t'aidera". Et, le pétillant ministre de la Justice de confirmer l'aphorisme, en rappelant devant les Bâtonniers éberlués, que les avocats n'ont que la monnaie leur pièce, en forçant la réforme de la garde à vue et en exigeant, au surplus, une rétribution pour cette nouvelle mission ! Et, puisqu'on n'est pas à une contradiction près, l'article 1635 bis P du même code institue un droit d'un montant de 150 euros dû par les parties à l'instance d'appel lorsque la constitution d'avocat est obligatoire devant la cour d'appel, acquitté par l'avocat postulant, et affecté au fonds d'indemnisation de la profession d'avoués ; réforme que les avocats n'ont, eux-mêmes, pas souhaitée... Les QPC portant sur ce droit et cette contribution, transmises par le Conseil d'Etat au Conseil constitutionnel le 3 février 2012, si elles ont une raison d'être, sauront-elles restaurer, à leur humble niveau, l'état d'indépendance de l'avocat ?

Touché dans son être, encore fallait-il déposséder cet auxiliaire par trop encombrant de son attribut le plus flamboyant, le secret professionnel. La première lettre de cachet visant à exécuter ce noble et précieux attribut fut signée à deux mains : l'exécutif européen se chargea d'en adresser, le 26 octobre 2005, la Directive, pour que le Gouvernement français ordonne, le 30 janvier 2009, la basse oeuvre. Si la lutte anti-blanchiment est un noble Graal, nécessitait-elle de fossoyer le secret professionnel de l'avocat, obligeant ce dernier jusqu'à dénoncer son client ? Par un arrêt rendu le 23 juillet 2010, le Conseil d'Etat a estimé que, eu égard à l'intérêt général qui s'attache à la lutte contre le blanchiment des capitaux et à la garantie que représente l'exclusion de son champ d'application des informations reçues et obtenues par les avocats à l'occasion de leurs activités juridictionnelles, ainsi que celles reçues et obtenues dans le cadre d'une consultation juridique, la Directive litigieuse ne portait pas une atteinte excessive au secret professionnel. Ite missa est, atteinte suivante...

Comme le juge judiciaire, dans cette cabale contre son auxiliaire, ne souhaitait pas être en reste, il se pencha, lui aussi, sur cet avoir. Le 22 septembre 2011, il décida que le principe de confidentialité ne s'étendait pas aux correspondances échangées entre l'avocat et les autorités ordinales. Mieux, le 31 janvier 2012, il rejette une demande d'annulation du versement au dossier d'instruction d'enregistrements clandestins de conversations entre une personne et ses avocats. Ainsi, la chambre de l'instruction est bien fondée à rejeter une demande de nullité du versement au dossier d'enregistrements de conversations privées réalisées à l'insu des protagonistes dès lors qu'ils ne sont pas en eux-mêmes des actes ou des pièces de l'information au sens de l'article 170 du Code de procédure pénale, et comme tels, susceptibles d'être annulés, mais des moyens de preuve susceptibles d'être discutés contradictoirement et la transcription des enregistrements, ayant pour seul objet d'en matérialiser le contenu, ne peut davantage donner lieu à annulation. Cette "porte ouverte à la généralisation de toutes sortes de dérives", comme le souligne le nouveau Bâtonnier de l'Ordre des avocats de Paris, Christiane Féral-Schuhl, est une atteinte caractérisée au secret professionnel de l'avocat, réduit à une peau de chagrin, lorsque les informations couvertes par ce secret et provenant d'une collecte déloyale, voire frauduleuse, sont recevables. "La justification d'écoutes illégales" entretient "la déloyauté, la défiance, la dénonciation, la violation de l'intimité", écrit le Bâtonnier de Paris, jugeant "dangereux" qu'un avocat ne puisse "échanger avec son client en toute confidentialité". La réaction est vive, mais être le Premier auxiliaire de France oblige à défendre l'avoir du secret professionnel de l'avocat.

N'en déplaise aux fossoyeurs, non moins qu'être, avoir est agréable à l'avocat. "Être" et "avoir", deux faces d'un même sacerdoce ; si bien que l'auxiliaire de justice ne peut être considéré comme accessoire à la Justice. Encombrant, mais nécessaire, l'avocat n'a pas fini de se rebeller pour son indépendance, sa liberté de parole et son secret professionnel.

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Aide juridictionnelle

[Le point sur...] Aide juridictionnelle : rôle et obligations de l'avocat

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par Samantha Gruosso, Avocat au barreau de Paris

Le 16 Février 2012

L'aide juridique prend son origine dans la loi du 22 janvier 1851, l'idée étant alors l'esprit de charité. Une réforme intervient dans de nombreux pays après la Seconde guerre mondiale et la terminologie change pour l'expression "assistance judiciaire", puis "aide judiciaire", la solidarité remplaçant la charité. Puis, avec la loi de 1991 (loi n° 91-647 N° Lexbase : L8607BBE), l'expression "aide juridictionnelle" naît et participe pleinement à rendre effectif l'accès à la justice. Ainsi, l'AJ a 22 ans ; elle couvre les besoins d'une population qui avoisine le million de justiciables et sa réforme est souhaitée depuis dix ans maintenant comme l'a rappelé le Bâtonnier de l'Ordre des avocats du barreau de Lille, René Despieghelaere, à l'occasion de l'introduction de la journée des Etats généraux de l'aide juridictionnelle, organisée le 25 juin 2010. Et, les griefs contre le système actuel sont nombreux : un avocat sur deux fait une mission d'AJ par mois avec un tarif qui ne couvre ni les charges, ni la rémunération de l'avocat ; les moyens pour l'AJ sont insuffisants et entraînent des retards conséquents ; la pratique de l'AJ devient dévalorisante pour un avocat et la crainte d'un barreau à deux vitesses émerge progressivement. Pour autant, les conditions d'accès et le régime de l'aide juridictionnelle viennent de faire l'objet d'une nouvelle réforme par l'intermédiaire de six lois, rien qu'en 2011 ! Après avoir présenté les conditions d'accès (lire N° Lexbase : N9950BSC) et le régime de l'AJ (lire N° Lexbase : N0048BTX), Lexbase Hebdo - édition professions vous propose, cette semaine, de revenir sur le rôle et les obligations de l'avocat en cas de désignation au titre de l'aide juridictionnelle et des commissions d'office. I - Le rôle et les obligations de l'avocat

L'avocat est tenu d'une obligation à l'égard de son client qui doit être suffisamment informé de la possibilité de bénéficier de l'aide juridictionnelle "obligation de précaution". Les désignations dans le cadre de l'aide juridictionnelle ou les commissions d'office impliquent pour l'avocat qui a accepté ces missions, de se mettre au service du justiciable en étant rémunéré par la collectivité publique, en remplissant convenablement la mission, et en la menant à son terme.

L'article 1.3. du RIN (N° Lexbase : L4063IP8) dispose que les principes essentiels de la profession guident le comportement de l'avocat en toutes circonstances. L'avocat exerce ses fonctions avec dignité, conscience, indépendance, probité et humanité, dans le respect des termes de son serment. Il respecte en outre, dans cet exercice, les principes d'honneur, de loyauté, de désintéressement, de confraternité, de délicatesse, de modération et de courtoisie. Il fait preuve, à l'égard de ses clients, de compétence, de dévouement, de diligence et de prudence.

S'agissant de l'obligation de diligence incombant à chaque avocat désigné au titre de l'aide juridictionnelle, il appartient, en cas de manquements à cette obligation, au juge de surseoir à statuer en mettant l'avocat désigné en demeure d'accomplir les diligences qui lui incombaient ou en portant sa carence à la connaissance du requérant afin de le mettre en mesure de choisir un autre représentant (CE 4° et 5° s-s-r., 28 novembre 2008, n° 292772 N° Lexbase : A4466EBZ).

Certains avocats ont été sanctionnés par le conseil de discipline de l'Ordre des avocats de Paris pour violation des dispositions de l'article 1.3 du RIN. En l'espèce, un avocat avait été désigné par le bureau d'aide juridictionnelle pour assister une justiciable dans le cadre d'un contentieux prud'homal. Il lui est reproché de s'être abstenu de toutes diligences à l'exception d'un unique rendez-vous et d'avoir attendu quatre ans pour restituer à la cliente son dossier. Le conseil a considéré que l'avocat s'était rendu coupable d'un manquement aux principes essentiels de la profession et notamment ceux de confraternité, de courtoisie, et de diligence et qu'il a en conséquence violé les dispositions de l'article 1.3. du RIN (décision du conseil de discipline de l'Ordre des avocats de Paris, séance du 31 mars 2009).

L'article P.40.1 du RIBP intitulé "Désignations au titre de l'aide juridictionnelle et de l'aide à l'accès au droit" dispose que l'avocat est tenu de déférer aux désignations au titre de l'aide juridictionnelle et de l'aide à l'accès au droit qui lui sont confiées et ne peut refuser son concours qu'après avoir fait approuver les motifs d'excuse ou d'empêchement par l'autorité qui l'a désigné.

Chaque Bâtonnier apprécie si le fait de ne pas répondre à ces commissions constitue ou non un manquement à l'application dans l'exercice effectif de la profession.

Une décision rendue le 25 octobre 2011 par la première chambre de la cour d'appel d'Angers (CA Angers, 25 octobre 2011, n° 11/01782 N° Lexbase : A2163HZ7) a jugé qu'un avocat, régulièrement désigné par le Bâtonnier au titre des permanences pour l'intervention en garde à vue, est tenu d'y déférer, à moins que l'Ordre n'approuve le motif d'excuse avancé. L'invocation par l'avocat de son incompétence en droit pénal n'est pas un motif d'exonération.

L'article P.40.2 du RIBP intitulé "Commission d'office en matière pénale" énonce les règles applicables à l'avocat notamment "l'avocat commis par le Bâtonnier pour assister un déféré au débat contradictoire devant le juge d'instruction ou pour assurer la défense d'un prévenu en comparution immédiate, doit poursuivre sa mission si le débat est différé ou si l'affaire est renvoyée à une nouvelle audience".

Le décret du 15 mars 2011 prévoit, notamment, que la part contributive versée par l'Etat à l'avocat choisi ou désigné pour assister plusieurs personnes dans une procédure reposant sur les mêmes faits et comportant des prétentions ayant un objet similaire dans les autres matières, est réduite de 30 % pour la deuxième affaire, de 40 % pour la troisième, de 50 % pour la quatrième et de 60 % pour la cinquième et s'il y a lieu pour les affaires supplémentaires (décret n° 2011-272, portant diverses dispositions en matière d'aide juridictionnelle et d'aide à l'intervention de l'avocat N° Lexbase : L7533IPP).

Par quatre arrêts du 15 avril 2011, l'Assemblée plénière de la Cour de cassation a rendu immédiatement applicable le droit à l'assistance d'un avocat dès le début de la garde à vue et pendant les interrogatoires, issu de la loi du 14 avril 2011 (loi n° 2011-392 N° Lexbase : L9584IPN) (Ass. plén., 15 avril 2011, 4 arrêts, n° 10-17.049, P+B+R+I N° Lexbase : A5043HN4 ; n° 10-30.242, P+B+R+I N° Lexbase : A5044HN7 ; n° 10-30.313, P+B+R+I N° Lexbase : A5050HND et n° 10-30.316, P+B+R+I N° Lexbase : A5045HN8). Cette garantie était prévue par la loi du 14 avril 2011 qui ne devait entrer en vigueur qu'à partir du 1er juin 2011.

Les nouvelles dispositions concernent principalement le droit pour le gardé à vue d'être assisté par un avocat, de répondre aux questions ou se taire (art. 3), de demander un avocat auprès de l'aide juridictionnelle (art. 6), la possibilité pour l'avocat d'assister aux auditions et de consulter le dossier (art. 8) et la confidentialité des échanges entre l'avocat et son client (art. 7).

La réforme de la garde à vue a modifié l'organisation des barreaux et a créé d'importantes difficultés d'organisation notamment au sein des barreaux de taille petite ou moyenne comme en témoigne l'arrêt précité rendu par la cour d'appel d'Angers, le 25 octobre 2011.

Le décret du 6 juillet 2011 (décret n° 2011-810 N° Lexbase : L7032IQI) a modifié le décret du 19 décembre 1991. Il fixe les modalités de rétribution des avocats désignés d'office intervenant au cours de la garde à vue ou de la retenue douanière. Ce texte prévoit également que, lorsque l'avocat effectue plusieurs interventions dans une période de 24 heures, le montant total de la contribution due ne peut excéder un plafond de 1 200 euros. Ces nouvelles dispositions sont applicables aux demandes de règlement présentées au titre des missions accomplies à compter du 15 avril 2011.

L'article P40.3 du RIBP intitulé "Aide Juridictionnelle" reprend les règles applicables énoncées à l'article 33 et suivants de la loi du 10 juillet 1991, en matière de rémunération de l'avocat dans le cadre de l'aide juridictionnelle partielle et totale.

L'article P40.5 intitulé "Charte de l'accès au droit et de l'aide juridictionnelle" dispose, quant à lui, que "tout avocat qui veut être inscrit sur les listes de l'accès au droit et de l'aide juridictionnelle tenues par les services de l'Ordre, devra préalablement signer la charte de l'avocat intervenant dans le cadre de l'accès au droit et de l'aide juridictionnelle et le livret 'pratique de l'aide juridictionnelle'.
Il s'engage à en respecter les dispositions. Pour demeurer inscrit sur les listes des volontaires, il devra suivre une formation continue dans ses domaines d'interventions et en justifier.
Il s'engage également au début de la mission qu'il remplit au titre de l'aide juridictionnelle à remettre au justiciable une charte qui lui est spécifiquement destinée".

II - Dispositions applicables en cas de succession d'avocat dans un dossier en matière d'aide juridictionnelle

Conformément à l'alinéa 3 de l'article 9.3 du RIN, l'avocat qui succède à un confrère intervenant au titre de l'aide juridictionnelle ne peut réclamer des honoraires que si son client a expressément renoncé au bénéfice de celle-ci. Il informe auparavant son client des conséquences de cette renonciation. En outre, il informe de son intervention son confrère précédemment mandaté, le bureau d'aide juridictionnelle et le Bâtonnier.

Les difficultés relatives à la rémunération de l'avocat initialement saisi ou à la restitution par ce dernier des pièces du dossier sont soumises au Bâtonnier.

Et, selon l'article 103 du décret du 19 décembre 1991, lorsqu'un avocat désigné ou choisi au titre de l'aide juridictionnelle est, en cours de procédure, remplacé au même titre pour raison légitime par un autre avocat, il n'est dû qu'une seule contribution de l'Etat. Cette contribution est versée au second avocat, à charge pour lui de la partager avec le premier dans une proportion qui, à défaut d'accord, est fixée par le Bâtonnier.

Dans le cas où les avocats n'appartiennent pas au même barreau, la décision est prise conjointement par les bâtonniers des barreaux intéressés.

Les mêmes règles sont applicables lorsque le remplacement a lieu au cours de pourparlers transactionnels.

En matière de succession d'avocat et dans le cadre de la détermination du montant de l'aide juridictionnelle, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a réaffirmé plusieurs principes issus des dispositions légales, notamment :

- le principe selon lequel le premier avocat est payé par l'aide juridictionnelle et le second par honoraires libres (Cass. civ. 2, 21 décembre 2006, n° 05-15.581, F-D N° Lexbase : A0929DTL et Cass. civ. 2, 15 février 2007, n° 05-16.244, F-D N° Lexbase : A2094DU4) ;

- l'exercice en cours de procédure de la liberté de choix de son avocat par le bénéficiaire de l'aide juridictionnelle emporte renonciation rétroactive à cette aide (Cass. civ. 2, 11 février 2010, n° 09-65.078, F-D N° Lexbase : A7877ER8).

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Affaires

[Manifestations à venir] Loyauté et impartialité en droit des affaires

Lecture: 2 min

N0281BTL

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Le 16 Février 2012

Il y a peu de temps, les concepts de loyauté et d'impartialité relevaient de la morale ou de l'éthique. Ils font désormais partie du droit positif sous l'impulsion moins du législateur français que des juges communautaires -Cour de justice de l'Union européenne et Cour européenne des droits de l'Homme- et des juges français -Cour de cassation et Conseil d'Etat-. Les applications de ces concepts concernent l'entier domaine de la pratique du droit des affaires : impartialité et indépendance des juges, des magistrats et des arbitres, statut des formations de "jugement" des autorités administratives indépendantes, devoir de loyauté dans la conduite du procès, dans l'administration de la preuve, dans la négociation et l'exécution des contrats, dans la gestion des sociétés commerciales, indépendance et loyauté dans la conduite des procédures collectives. L'association Droit et Commerce ambitionne d'approfondir ces concepts, de dégager leurs virtualités et de préciser leurs applications concrètes en organisant son trente-septième Colloque de Deauville intitulé "Loyauté et impartialité en droit des affaires", sous la direction scientifique de Dominique Schmidt, Président d'honneur de Droit et Commerce, avocat au barreau de Paris, Professeur agrégé des Facultés de droit. Le Professeur Jacques Mestre exposera un rapport introductif et le Professeur Laurent Aynès présentera la synthèse des travaux.
  • Programme :

Samedi 31 mars 2012
Accueil des participants : 8h45

Allocution de bienvenue et présentation du thème du colloque par Georges Teboul, Président de l'Association Droit & Commerce.

Matinée (9h00-12h30) sous la présidence de Dominique Schmidt, Agrégé des Facultés de droit, Avocat au Barreau de Paris, Président d'honneur de l'Association Droit & Commerce.

- Propos introductifs
Jacques Mestre, Professeur à l'Université d'Aix-Marseille, Directeur du Centre de droit économique.

- Impartialité du magistrat
Jean-Louis Nadal, Procureur général honoraire près la Cour de cassation

Pause

- Loyauté et impartialité de l'arbitre
Geneviève Augendre, Avocat au Barreau de Paris, Président de l'Association française d'arbitrage (AFA), Président d'honneur de l'Association Droit & Commerce.

- Loyauté dans le procès civil
Nathalie Fricéro, Professeur à l'Université de Nice (CERDP)

Débat

12h30 : Suspension des travaux

12h45 : Déjeuner au restaurant "Côté Royal" de l'Hôtel Royal

Après-midi (14h30-18h30) : présidence de Marc Guillaume, Secrétaire général du Conseil Constitutionnel

- Analyse économique de la loyauté
Maurice Nussenbaum, Professeur à l'Université Paris IX Dauphine, Expert judiciaire en finance agréé, par la Cour de cassation, Président de Sorgem Evaluation

- Loyauté dans l'administration de la preuve
Loraine Donnedieu de Vabre-Tranié, Professeur des Universités, Directrice du Centre de droit des affaires
Jean-Luc Mercier, Avocate associée (Jeantet Associés)

Pause

- Loyauté dans la négociation du contrat
Didier Malka, Avocat (Weil Gotshal & Manges LLP)

- Loyauté dans l'exécution du contrat
Didier Martin, Avocat à la cour (Cabinet Bredin Prat)

Débat

20h : Dîner de gala - Villa "Le Cercle" (smoking et robe longue)

Dimanche 1er avril 2012

Matinée (9h00-12h30) : présidence de Frank Gentin, Président du tribunal de commerce de Paris

- Avocat et conflit d'intérêts
Jean du Parc, ancien Bâtonnier de l'ordre, Avocat honoraire, Président d'honneur de l'Association Droit & Commerce

- Loyauté et impartialité dans le traitement des procédures collectives
Philippe Roussel-Galle, Professeur à la Faculté des affaires internationales du Havre

- Discours de synthèse
Laurent Aynès, Agrégé des facultés de droit, Professeur à l'Ecole de droit de la Sorbonne (Université Paris I)

Clôture

12h15 : Déjeuner au restaurant "Côté Royal" de l'hôtel Royal

  • Informations pratiques

Lieu :
- Travaux au CID de Deauville
- Hébergement à l'Hôtel Royal de Deauville
- Repas : restaurant de l'hôtel Royal et Casino de Deauville

Renseignements et inscriptions :
Madame Isabelle Aubard
74, avenue du Docteur Arnold Netter - 75012 Paris
Tél/Fax : 01 46 28 38 37
email : isabelle.aubard@droit-et-commerce.org
site de l'association : www.droit-et-commerce.org

Colloque validé pour 12h au titre de la formation professionnelle continue des avocats. Colloque éligible à l'obligation de formation continue des experts comptables. Une attestation de présence au titre de la formation continue sera remise aux participants à l'issue du colloque (elle sera directement adressée par nos soins, à l'Ordre, pour les avocats inscrits au barreau de Paris).

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Droit des étrangers

[Jurisprudence] Quand le demandeur d'asile peine à faire valoir son droit à un recours effectif sur le territoire français... la CEDH veille !

Réf. : CEDH, 2 février 2012, Req. 9152/09 (N° Lexbase : A9424IBN)

Lecture: 10 min

N0276BTE

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par Yann Le Foll, Rédacteur en chef de Lexbase Hebdo - édition publique

Le 18 Février 2012

"Les frontières sont une invention des hommes, la nature s'en fout" déclare l'un des personnages de La Grande Illusion, le film de Jean Renoir. Dans un même élan fraternaliste, le Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que la protection internationale doit être accordée par référence aux termes de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés et à la protection subsidiaire (N° Lexbase : L6810BHP), laquelle énonce, notamment à son article 33, qu'"aucun des Etats contractants n'expulsera ou ne refoulera, de quelque manière que ce soit, un réfugié sur les frontières des territoires où sa vie ou sa liberté serait menacée en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques [...]". Ce beau principe est pourtant parfois difficilement mis en application par les juges français puisque, dans un arrêt rendu le 2 février 2012, la Cour de Strasbourg a jugé, au sujet d'une affaire se déroulant sur le territoire hexagonal, qu'est privé de recours effectif l'étranger voyant sa première demande d'asile examinée selon la procédure prioritaire. Il s'agissait, en l'espèce, d'un ressortissant soudanais entré de manière illégale sur le territoire français, et qui alléguait que la mise à exécution de la décision des autorités françaises de l'éloigner vers le Soudan l'exposait, en tant qu'opposant politique, au risque d'être soumis à des traitements contraires à l'article 3 de la CESDH (N° Lexbase : L4764AQI) (interdiction des traitements inhumains ou dégradants). Invoquant les articles 13 de la Convention (N° Lexbase : L4746AQT) (droit à un recours effectif) et 3 combinés, il soutenait ne pas avoir disposé d'un recours effectif en France en raison de l'examen de sa demande d'asile selon la procédure prioritaire. Le seul fait que la demande d'asile du requérant ait été considérée comme étant postérieure à l'arrêté de reconduite à la frontière avait suffi aux autorités françaises pour considérer qu'elle reposait sur une "fraude délibérée" ou qu'elle constituait un "recours abusif à l'asile" (C. entr. séj. étrang. et asile, art. L. 741-4 N° Lexbase : L5127IQX). Cet unique élément a donc valu à la demande du requérant un classement en procédure prioritaire, ce qui a induit des conséquences substantielles quant au déroulement de la procédure. Ainsi, le délai imparti à l'intéressé pour présenter sa demande a été réduit de vingt-et-un à cinq jours, sous peine, en cas de non-respect, de rejet pour tardiveté. Cela a, également, abouti à un traitement extrêmement rapide de cette demande par l'OFPRA. Pour la CEDH, l'ensemble des contraintes imposées au requérant tout au long de cette procédure (brièveté des délais de recours, difficultés matérielles et procédurales), alors qu'il était privé de liberté, et qu'il s'agissait d'une première demande d'asile, ont affecté en pratique sa capacité à faire valoir le bien-fondé de ses griefs tirés de l'article 3 de la Convention. Il y a donc bien eu, selon les juges strasbourgeois, violation de l'article 13 combiné à l'article 3. Les procédures d'asile accélérées, originellement destinées à faciliter le traitement des demandes pouvant paraître abusives ou infondées, peuvent donc aboutir à mettre le demandeur en difficulté, notamment lorsque celui-ci se trouve dans la position de dépôt d'une première demande, situation constituant environ les deux tiers des procédures prioritaires, qui représentent elles-mêmes un quart de la demande globale des demandes d'asile, le nombre de demandes en procédure prioritaire ayant, par ailleurs, augmenté de 15,5 % en 2010 (1). L'occasion a donc été donnée à la Cour de Strasbourg d'examiner la conformité des procédures d'asile accélérées à la Convention (I), laquelle en a profité pour relever les insuffisances quant à l'effectivité des recours offerts par les autorités françaises (II).

I - La conformité des procédures d'asile accélérées à la CESDH

Arrêté à la frontière franco-espagnole puis placé en rétention administrative alors qu'il faisait l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière, il déposa une demande d'asile qui fut classée en procédure prioritaire, ce qui implique que l'absence de caractère suspensif du recours déposé devant la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) contre une éventuelle décision de rejet de l'OFPRA, décision qui eut lieu en l'espèce. Le requérant ne dut donc son salut qu'à l'intervention du président de la chambre à laquelle l'affaire avait été attribuée, lequel décida de ne pas procéder à son éloignement vers le Soudan pour la durée de la procédure devant la Cour. Le risque d'un éloignement vers une destination qui exposerait le requérant à des traitements contraires à l'article 3 disparaissait donc, d'autres demandeurs ont récemment brandi avec succès le risque d'une violation de l'article 3 (pour une telle violation, voir CEDH, 19 janvier 2012, Req. 39472/07 et 39474/07 N° Lexbase : A1647IBM). Restait, néanmoins, pour le demandeur, le sentiment légitime de n'avoir pu faire valoir ses droits à un recours effectif. En effet, le défaut d'effectivité des voies de recours disponibles en cas de placement en procédure prioritaire était "consommée" au moment où le risque de renvoi vers le Soudan a été levé. Or, le requérant a obtenu le statut de réfugié le 14 octobre 2010, soit bien après la dernière décision rendue par les autorités internes, la décision de l'OFPRA rejetant sa demande lui ayant été notifiée le 31 janvier 2009.

Ce sentiment a pu être exacerbé par le caractère intrinsèque de la procédure d'asile prioritaire. Elle implique que l'étranger placé en centre de rétention administrative soit informé, à son arrivée et dans une langue qu'il comprend, de son droit à demander l'asile et des conditions d'exercice de ce droit (C. entr. séj. étrang. et asile, art. L. 551-2 N° Lexbase : L5065IQN et L. 551-3 N° Lexbase : L5811G4Y). Il dispose d'un délai réduit, c'est-à-dire de cinq jours à partir de cette notification, pour présenter sa demande d'asile. En outre, le non-respect de ce délai entraîne l'irrecevabilité de la demande d'asile pendant toute la période de rétention (Cons. const., décision n° 2003-484 DC, du 20 novembre 2003 N° Lexbase : A1952DAK). La demande d'asile formulée en centre ou en local de rétention est présentée selon les mêmes modalités que celles prévues pour une demande classique : la demande est rédigée en français sur un imprimé établi par l'office. Toutefois, le demandeur ne bénéficie pas de l'assistance gratuite d'un interprète pour préparer sa demande (CE 2° et 7° s-s-r., deux arrêts, 12 octobre 2005, n° 273198 N° Lexbase : A0071DL9, et 12 juin 2006, n° 282275 N° Lexbase : A9349DPX, mentionnés aux tables du recueil Lebon), et si le dossier est incomplet et/ou envoyé hors délai, l'OFPRA refuse de procéder à son enregistrement, cette décision pouvant, alors, être contestée devant les juridictions administratives de droit commun. Lorsqu'il est saisi en application de la procédure prioritaire, l'OFPRA statue dans un délai de quinze jours sur la demande d'asile. Ce délai est ramené à quatre-vingt-seize heures lorsque le demandeur d'asile est placé en rétention administrative (C. entr. séj. étrang. et asile, art. R. 723-3 N° Lexbase : L0301IBR). L'étranger présent sur le territoire français dont la demande d'asile est examinée selon la procédure prioritaire bénéficie du droit de se maintenir en France jusqu'à la notification de la décision de l'OFPRA, lorsqu'il s'agit d'une décision de rejet. Aucune mesure d'éloignement ne peut être mise à exécution avant cette décision (C. entr. séj. étrang. et asile, art. L. 742-6 N° Lexbase : L7219IQG). En outre, lorsque l'étranger est, après l'introduction de son recours, renvoyé vers son pays d'origine, la CNDA interrompt l'instruction dudit recours, lequel doit, alors, être regardé comme temporairement sans objet. Il appartient, ensuite, à son auteur, en cas de retour en France, de s'adresser à elle afin qu'il y soit statué. Comme on le voit, cette procédure n'est pas sans conséquences pour le demandeur d'asile.

Après que la Cour de justice de l'Union européenne ait validé la réduction à quinze jours du délai de recours contre une décision de refus d'asile dans le cadre des procédures d'asile accélérées, énonçant que, "s'agissant de procédures abrégées, un délai de recours de quinze jours ne semble pas, en principe, matériellement insuffisant pour préparer et former un recours effectif, et apparaît comme étant raisonnable et proportionné par rapport aux droits et aux intérêts en présence" (CJUE, 28 juillet 2011, aff. C-69/10 N° Lexbase : A8898HWH), c'était donc au tour des juges strasbourgeois de préciser leur position sur la question. Pourtant, l'examen de leur décision ne permet pas de dégager une position précise. La CEDH commence par observer que le requérant, gardé à vue puis détenu, n'a pas pu se rendre en personne à la préfecture pour introduire une demande d'asile, comme l'exige le droit français. Elle note, ensuite, que les procès-verbaux de garde à vue du requérant paraissent fournir des éléments, même partiels, quant aux tentatives de demandes d'asile que le requérant allègue avoir faites dès son arrivée en France (§ 21 et 22). Surtout, la Cour constate que le seul fait que la demande d'asile du requérant ait été considérée comme étant postérieure à l'arrêté de reconduite à la frontière a suffi aux autorités pour considérer qu'elle reposait sur une "fraude délibérée" ou constituait un "recours abusif à l'asile" sur la base du 4° de l'article L. 741-4 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (N° Lexbase : L5127IQX) (§ 141).

Pour la Cour, l'ensemble des contraintes imposées au requérant tout au long de cette procédure, alors qu'il était privé de liberté et qu'il s'agissait d'une première demande d'asile, ont affecté en pratique la capacité du requérant à faire valoir le bien-fondé de ses griefs tirés de l'article 3 de la Convention (§ 148). Ainsi, quant à l'effectivité du système de droit interne pris dans son ensemble, la Cour constate que, si les recours exercés par le requérant étaient théoriquement disponibles, leur accessibilité en pratique a été limitée par plusieurs facteurs, liés, pour l'essentiel, au classement automatique de sa demande en procédure prioritaire, à la brièveté des délais de recours à sa disposition et aux difficultés matérielles et procédurales d'apporter des preuves alors que le requérant se trouvait en détention ou en rétention (§ 154). Si elle fait donc preuve d'une certaine clémence vis-à-vis des Etats confrontés à l'afflux massif de demande d'asile, en reconnaissant la nécessité pour ceux-ci de disposer des moyens nécessaires pour faire face à un tel contentieux, elle précise que la rapidité des recours ne devrait pas être privilégiée aux dépens de l'effectivité de garanties procédurales essentielles visant à protéger le requérant contre un refoulement arbitraire vers le Soudan (§ 147). L'une des principales critiques que l'on pourrait formuler à l'égard de cette décision est que, une fois le principe du délai de cinq jours pour préparer le recours sans assistance adéquate jugé insuffisant, la Cour n'apporte pas davantage de précisions, laissant ainsi, le législateur français en charge d'apporter des améliorations au système, dans la plus grande expectative (2).

II - Les insuffisances relevées par la Cour quant à l'effectivité des recours des demandes d'asile en procédure prioritaire

Les juges strasbourgeois précisent, par ailleurs, que le manque d'effectivité des recours exercés par le requérant n'a pu être compensé en appel. Sa demande ayant été traitée en procédure prioritaire, le requérant ne disposait, en effet, d'aucun recours en appel ou en cassation suspensifs, que ce soit devant la CNDA, la cour administrative d'appel ou le Conseil d'Etat, la simple possibilité d'un recours de plein droit suspensif devant le tribunal administratif pouvant, cependant, suffire à estimer que les exigences de l'article 13 sont satisfaites (CEDH, 22 septembre 2011, Req. 64780/09 N° Lexbase : A9480HXE). Ici, seule l'application de l'article 39 du règlement de la CEDH a pu suspendre l'éloignement du requérant, pour lequel un laissez-passer avait déjà été émis par les autorités soudanaises. En effet, à l'issue des procédures devant l'OFPRA et le juge administratif, rien n'aurait pu empêcher cet éloignement du requérant, ni, par conséquent, la décision de non-lieu à statuer de la CNDA. L'effectivité des recours au sens de l'article 13 de la Convention ne dépend évidemment pas de la certitude d'une issue favorable pour le requérant. Toutefois, sans son intervention, le requérant aurait fait l'objet d'un refoulement vers le Soudan, sans que ses demandes aient fait l'objet d'un examen aussi rigoureux que possible, l'accessibilité en "pratique d'un recours étant déterminante pour évaluer son effectivité" (CEDH, 21 janvier 2011, Req. 30696/09 N° Lexbase : A4543GQC).

Par ailleurs, l'effectivité implique des exigences de qualité et de rapidité même si les Etats doivent conserver une certaine marge d'appréciation quant à la manière de se conformer à leurs obligations en la matière (CEDH, 11 juillet 2000, Req. 40035/98 N° Lexbase : A3850ICL), la durée excessive d'un recours pouvant le rendre inadéquat (CEDH, 31 juillet 2003, Req. 50389/99 N° Lexbase : A3851ICM). Elle demande aussi impérativement un contrôle attentif par une autorité nationale (CEDH, 12 avril 2005, Req. 36378/02 N° Lexbase : A9432DHS), un examen indépendant et rigoureux de tout grief aux termes duquel il existe des motifs de croire à un risque de traitement contraire à l'article 3, ainsi qu'une célérité particulière (CEDH, 3 juin 2004, Req. 33097/96 N° Lexbase : A3719DCQ). La Cour estime donc que le requérant n'ayant pas disposé en pratique de recours effectifs lui permettant de faire valoir le bien-fondé du grief tiré de l'article 3 de la Convention, alors que son éloignement vers le Soudan était en cours, elle conclut à la violation de l'article 13 combiné à l'article 3.

Toutefois, plusieurs décisions rendues par les juridictions françaises récemment n'inclinent pas à penser que ces points feront l'objet d'une amélioration concrète dans un futur proche. Dans une décision rendue le 8 avril 2011 (Cons. const., décision n° 2011-120 QPC, du 8 avril 2011 N° Lexbase : A5889HM3), les Sages relèvent que les articles L. 551-1 (N° Lexbase : L1317HPH), L. 552-1 (N° Lexbase : L5110IPX), L. 741-4 (N° Lexbase : L5929G4D) et L. 742-6 (N° Lexbase : L5935G4L) du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui sont relatifs au placement en rétention administrative des étrangers et aux conditions dans lesquelles l'admission en France d'un étranger demandant à bénéficier de l'asile peut être refusée, ont déjà été jugés conformes à la Constitution dans trois décisions datant de 1993 (Cons. const., décision n° 93-325 DC N° Lexbase : A8285ACT) et 2003 (Cons. const., décision n° 2003-484 DC, du 20 novembre 2003 N° Lexbase : A1952DAK) et décision n° 2003-485 DC, du 4 décembre 2003 N° Lexbase : A0372DIM). Les modifications dont ces articles ont fait l'objet depuis ces décisions n'étant pas, elles-mêmes, contraires à la Constitution, ces articles demeurent donc conformes à la Constitution.

En outre, dans deux décisions rendues le 21 mars 2011 (CE 9° et 10° s-s-r., 21 mars 2011, deux arrêts, n° 346164 N° Lexbase : A5811HI3 et CE référé, 21 mars 2011, n° 347232 N° Lexbase : A5815HI9, mentionné aux tables du recueil Lebon), le Conseil d'Etat a jugé que a circonstance qu'il existe actuellement un risque que certaines demandes d'asile ne soient pas traitées dans l'un des pays de l'Union européenne, dans des conditions propres à garantir le droit d'asile et le droit de toute personne à ne pas subir de traitements inhumains et dégradants, ne justifie pas le renvoi au Conseil constitutionnel des dispositions codifiées au premier alinéa de l'article L. 531-2 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (N° Lexbase : L1313HPC), relatives aux mesures d'éloignement prises dans le cadre de l'Union européenne. Enfin, une nouvelle et récente condamnation de la France (CEDH, 19 janvier 2012, Req. 39472/07 et 39474/07, préc..) peut aussi causer une certaine inquiétude en la matière. "Les frontières sont une invention des hommes [...]", disait l'autre.


(1) OFPRA, Rapport annuel 2010.
(2) Lire Nicolas Hervieu, Le droit français de l'asile et la procédure prioritaire à l'épreuve des exigences conventionnelles, in Lettre "Actualités Droits-Libertés" du CREDOF, 3 février 2012.

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Entreprises en difficulté

[Chronique] Chronique mensuelle de droit des entreprises en difficulté - Février 2012

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N0220BTC

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par Pierre-Michel Le Corre, Professeur à l'Université de Nice Sophia Antipolis et Emmanuelle Le Corre-Broly, Maître de conférences à l'Université du Sud-Toulon-Var

Le 26 Mai 2016

Lexbase Hebdo - édition affaires vous propose de retrouver, cette semaine, la chronique de Pierre-Michel Le Corre, Professeur à l'Université de Nice Sophia Antipolis, Directeur du Master 2 Droit des difficultés d'entreprises et Emmanuelle Le Corre-Broly, Maître de conférences à l'Université du Sud-Toulon-Var, Directrice du Master 2 Droit de la banque et de la société financière de la Faculté de droit de Toulon, retraçant l'essentiel de l'actualité juridique rendue en matière de procédures collectives. Ce mois-ci, les auteurs ont choisi de s'arrêter sur deux arrêts rendus par la Chambre commerciale de la Cour de cassation, tous deux promis aux honneurs du Bulletin. Le premier arrêt en date du 31 janvier 2012, commenté par Emmanuelle Le Corre-Broly, donne l'occasion à la Cour de cassation de s'intéresser, d'abord, à la notion de créancier lié au débiteur au titre d'un contrat publié et, ensuite, à l'incidence du caractère erroné d'une mention figurant dans la publicité du jugement d'ouverture au BODACC. Enfin, dans le second arrêt sélectionné, en date du 7 février 2012, et commenté par le Professeur Le Corre, la Chambre commerciale, revenant sur le recours sur les jugements statuant sur recours contre les ordonnances du juge-commissaire depuis l'ordonnance du 18 décembre 2008, pose en principe que ces jugements, qui ne sont pas visés par les dispositions spéciales de la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises réglementant les voies de recours, sont susceptibles de recours dans les termes du droit commun. Dès lors, le jugement attaqué, bien qu'inexactement qualifié en dernier ressort, est susceptible d'appel et ne peut donc faire l'objet d'un pourvoi en cassation.
  • Avertissement personnel, publicité irrégulière du jugement d'ouverture et délais de déclaration des créances (Cass. com., 31 janvier 2012, n° 11-11.940, F-P+B N° Lexbase : A8786IBZ)

Quel est le point de départ du délai de déclaration de créance ? En droit commun, la réponse est simple : la publication au BODACC du jugement d'ouverture. Ce principe est tenu en échec pour les créanciers titulaires de sûretés publiées ou de contrats publiés. A leur égard, le délai de déclaration de créance court à compter d'un avertissement personnel qu'ils reçoivent.

Si ces règles sont simples en leur énoncé, des difficultés pratiques peuvent se présenter pour leur application, comme en témoigne un arrêt rendu le 31 janvier 2012 par la Chambre commerciale de la Cour de cassation, au centre duquel se trouve la question du point de départ du délai de déclaration des créances.

En l'espèce, un masseur-kinésithérapeute avait fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire le 4 février 2008, publiée au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales le 28 février. La caisse de retraite (CARPIMKO), avec laquelle ce professionnel libéral était obligatoirement lié par une convention d'affiliation, n'avait cependant déclaré sa créance de cotisations impayées que le 21 janvier 2009. Après avoir contesté, en vain, devant les juges du fond, le caractère tardif de sa déclaration, la caisse de retraite s'était pourvue en cassation en arguant du fait que le délai de déclaration de créances n'avait pas couru à son égard.

Au soutien de son pourvoi, la CARPIMKO faisait valoir deux arguments, au demeurant inconciliables entre eux. A titre principal, il était soutenu que le créancier devait bénéficier d'un avertissement personnel en tant que titulaire d'un contrat publié. Si l'opinion était suivie, le deuxième argument n'aurait plus d'intérêt. Au contraire, si l'argumentation était rejetée, de façon subsidiaire, le créancier soutenait que, du fait d'une mention erronée dans la publication au BODACC du jugement d'ouverture, le délai de déclaration de créance n'avait pas couru à son encontre. Ainsi, l'occasion était-elle donnée à la Cour de cassation de s'intéresser d'abord à la notion de créancier lié au débiteur au titre d'un contrat publié (I) et, ensuite, à l'incidence du caractère erroné d'une mention figurant dans la publicité du jugement d'ouverture au BODACC (II).

I - Appréciation stricte de la notion de créancier lié au débiteur par un contrat publié

De premier chef, la caisse de retraite soutenait qu'elle devait être assimilée à un créancier lié au débiteur par un contrat publié au sens de l'article L. 622-24 du Code de commerce (N° Lexbase : L3455ICX) qui énonce, dans son premier alinéa, que "les créanciers [...] liés au débiteur par un contrat publié sont avertis personnellement ou, s'il y a lieu, à domicile élu [d'avoir à déclarer leurs créances]. A leur égard, le délai de déclaration de créances de deux mois court à compter de la notification de cet avertissement". Aux yeux de la CARPIMKO, cette assimilation devait découler de ce qu'elle était liée à son adhérent par une convention d'affiliation obligatoirement conclue en application de l'article R. 643-1 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L7874ADY) qui, s'agissant d'un texte réglementaire, avait été publié.

Cette argumentation ne convainc pas la Cour de cassation qui considère que "la cour d'appel a exactement énoncé que le caractère obligatoire, en application d'un texte légal publié, de l'affiliation, par voie de déclaration, de tout professionnel libéral à la section de la caisse nationale d'assurance vieillesse des professions libérales dont il relève, telle la CARPIMKO, n'a pas pour effet de lier les parties par un contrat publié au sens de l'article L. 622-24, alinéa 1er, du Code de commerce [...], de sorte que la CARPIMKO n'avait pas à être avertie personnellement d'avoir à déclarer sa créance".

Cette solution doit être approuvée. Elle s'avère non seulement conforme à la lettre, parfaitement claire, du texte, mais également à son esprit.

A sa lettre d'abord : d'évidence, la caisse de retraite n'est pas liée à son adhérent par un contrat publié, condition qu'exige le texte pour que le créancier soit obligatoirement averti d'avoir à déclarer sa créance. D'une part, il n'y a pas de contrat, mais seulement une affiliation. D'autre part, cette affiliation ne fait l'objet d'aucune publicité au sens du Code de commerce.

A son esprit, ensuite : l'objectif du législateur a été d'"offrir" un avertissement obligatoire au propriétaire de meubles, titulaire par ailleurs d'un autre avantage sur le terrain des revendications dans la mesure où il est dispensé de faire reconnaître son droit de propriété lorsque le contrat portant sur son bien a fait l'objet d'une publicité (C. com., art. L. 624- 10 N° Lexbase : L5569HDM). Pour s'en convaincre, il suffit de s'intéresser aux dispositions de la loi du 25 janvier 1985 (loi n° 85-98 N° Lexbase : L4126BMR), dans leur rédaction issue de la loi du 10 juin 1994 (loi n° 94-475 N° Lexbase : L9127AG7). Sous l'empire de la législation antérieure à la loi de sauvegarde des entreprises, l'ancien article L. 621-43, alinéa 1er in fine (N° Lexbase : L6895AI9), obligeait à avertir les crédit-bailleurs. La loi de sauvegarde (loi n° 2005-645 du 26 juillet 2005 N° Lexbase : L5150HGT) a étendu l'obligation d'avertissement à tous les créanciers titulaires d'un contrat publié et l'on comprend bien que, dans l'esprit du législateur sont donc visés ici non plus seulement les crédit-bailleurs, mais également les loueurs financiers, les titulaires de contrats de vente avec clause de réserve de propriété ou le créancier prêteur subrogé dans leurs droits, les créanciers ayant donné en location-gérance leur fonds de commerce ou encore les titulaires de contrats portant sur les marques et brevets, c'est-à-dire tous les créanciers qui sont soumis à une publicité obligatoire ou qui, dans le cas contraire, peuvent facultativement publier leurs contrats "en l'absence de règlementation particulière, au registre mentionné à l'article R. 313-4 du Code monétaire et financier ( N° Lexbase : L5049HCY) [c'est-à-dire selon les formes de publicité du contrat de crédit-bail] ou au registre prévu au troisième alinéa de l'article R. 621- 8 (N° Lexbase : L3592IND) [registre spécial ouvert au greffe du tribunal de grande instance lorsque la personne n'est pas immatriculée au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 621-8])".

Si le premier argument avait peu de chances de convaincre les juges, le second argument paraissait plus solide.

II - Incidence de l'irrégularité de la publicité du jugement d'ouverture au BODACC

A l'appui de son pourvoi, la caisse de retraite soutenait également qu'une irrégularité dans l'insertion au BODACC de l'avis d'ouverture de la procédure avait empêché le délai de déclaration de créances de courir.

L'alinéa 4 de l'article R. 621-8 du Code de commerce (1) prévoit qu'un avis du jugement d'ouverture de la procédure collective est adressé pour insertion au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales. La date de publication au Bodacc conditionne le point de départ de certains délais, dont le délai de déclaration de créances.

Le contenu de cette publication est très précisément détaillé. Elle comporte l'avis aux créanciers d'avoir à déclarer leur créance entre les mains du mandataire judiciaire ou du liquidateur. L'insertion contient également des mentions relatives aux organes de la procédure : nom et adresse du mandataire judiciaire ou du liquidateur et de l'administrateur judiciaire, s'il en a été nommé un, et l'indication de ses pouvoirs. Doivent en outre être indiquées, la date du jugement d'ouverture, ainsi que diverses mentions relatives à l'identification du débiteur, telle que l'indication de son nom, du siège de l'entreprise, de son numéro d'immatriculation au registre ou répertoire (registre du commerce et des sociétés, répertoire des métiers ou des entreprises, registre spécial ouvert au greffe du tribunal de grande instance, selon le cas), de son activité. C'est précisément sur ce dernier élément qu'une irrégularité s'était glissée dans la publicité. L'insertion au BODACC indiquait que le débiteur exerçait une activité d'ostéopathe alors que ce dernier était masseur-kinésithérapeute.

La caisse de retraite soutenait que cette erreur rendait la publication irrégulière et, partant, impropre à faire courir le délai de déclaration de créances et ce, peu important l'absence de grief (2) que cette irrégularité avait pu lui causer.

La Chambre commerciale rejette le pourvoi dans les termes suivants : "attendu que l'arrêt [d'appel] relève que figurent sur l'extrait du BODACC tous les renseignements personnels relatifs [...au débiteur], l'erreur portant seulement sur l'indication de son activité ; que par ces seuls motifs, dont il résultait que tout créancier, quelle que soit sa qualité, pouvait, au vu de la publicité du jugement d'ouverture du redressement judiciaire, identifier le débiteur par des éléments essentiels, la cour d'appel, par une appréciation objective du vice invoqué et constaté, a pu décider que ce vice n'était pas de nature à entraîner la nullité de la publication".

A première vue, cet arrêt ne semble pas parfaitement conforme à la position qui avait antérieurement été adoptée par arrêt du 12 avril 2005 (3), dans lequel la Chambre commerciale avait jugé que "qu'une erreur sur la date du jugement d'ouverture, ne serait-ce que d'une journée, est une irrégularité concernant un élément essentiel de la publication, dès lors que cette mention obligatoire [...], qui détermine les créances soumises à l'obligation de déclaration, permet également aux créanciers d'arrêter le montant des créances qu'ils déclarent ; qu'ainsi, la cour d'appel, qui n'avait pas à prendre en considération l'existence ou non d'un grief causé à la banque par l'irrégularité de la publication dès lors qu'il lui était demandé, non de relever le créancier de la forclusion, mais de dire que l'insertion litigieuse n'avait pu, en raison du vice dont elle était atteinte et dont l'existence devait s'apprécier objectivement, faire courir le délai de déclaration des créances applicable à tous les créanciers du débiteur soumis à la procédure collective".

L'arrêt du 31 janvier 2012 constitue-t-il un revirement de jurisprudence ? A notre avis, il n'en est rien. Ces deux arrêts constituent, au contraire, deux pièces d'un puzzle qui s'assemblent et leur lecture permet d'affirmer que :

- l'irrégularité dans la publicité pourra conduire à son inefficacité en dehors même de tout grief causé au créancier qui s'en prévaut ;
- cependant, pour quel tel soit le cas, encore faut-il que cette irrégularité porte sur un élément essentiel de la publicité.
Cette irrégularité doit être appréciée objectivement par le juge et à l'égard de tous les créanciers concernés par cette publicité, raison pour laquelle l'existence ou non d'un grief à l'égard du créancier qui se prévaut de l'irrégularité est indifférent.

La date du jugement d'ouverture est considérée comme un élément essentiel, puisque cette mention obligatoire détermine les créances soumises à l'obligation de déclaration et permet également aux créanciers d'arrêter le montant des créances à déclarer. C'est pourquoi une erreur sur cette date a pour effet d'invalider la publicité et d'empêcher, en conséquence, le cours du délai de déclaration de créance (4). Il en est de même de l'erreur empêchant l'identification du débiteur (5), qu'il s'agisse d'une erreur portant sur le nom du débiteur, de l'omission ou de l'erreur portant sur le numéro d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés (6). Empêche encore le cours du délai de déclaration de créance, l'absence d'indication, dans la publication au Bodacc, du devoir imparti au créancier de déclarer sa créance (7).

En revanche, à l'égard des créanciers, la mention de l'activité exercée n'apparaît pas un élément essentiel de la publicité, le débiteur étant parfaitement identifiable au moyen des autres mentions. En conséquence, cette irrégularité n'empêche pas le délai de déclaration de courir.

Symétriquement, il serait logique que les mêmes solutions soient applicables en matière de contenu du courrier d'avertissement obligatoire adressé aux créanciers titulaires de sûreté publiée ou liés avec le débiteur par un contrat publié imposé par l'article L. 622-24. Cet avertissement a, lui aussi, pour effet de marquer le point de départ du délai de déclaration des créanciers concernés. Cet avertissement doit être effectué en la forme recommandée (C. com., art. R. 622-21 N° Lexbase : L9260ICX). La jurisprudence considère qu'une inobservation de la forme recommandée rendait, sous l'empire de la législation ancienne, inopposable aux créanciers la forclusion éditée par le Code de commerce (8), peu important l'absence de grief causé par cette inobservation. Elle doit désormais, au regard de la modification législative issue de la loi du 26 juillet 2005, faire obstacle au cours du délai de déclaration, même si le créancier, averti par courrier simple, ne conteste pas avoir reçu l'avertissement (9) ou ne nie pas avoir eu connaissance du jugement d'ouverture (10).

En revanche, si une irrégularité est contenue dans les mentions portées dans l'avertissement, celui-ci ne devrait être tenu pour inexistant que si cette irrégularité porte sur un élément essentiel de la publicité (11).

Emmanuelle Le Corre-Broly, Maître de conférences à l'Université du Sud-Toulon-Var, Directrice du Master 2 Droit de la banque et de la société financière de la Faculté de droit de Toulon

  • Le recours sur les jugements statuant sur recours contre les ordonnances du juge-commissaire depuis l'ordonnance du 18 décembre 2008 (Cass. com., 7 février 2012, n° 10-16.164, F-P+B+I N° Lexbase : A2213ICX)

Sous l'empire de la loi du 25 janvier 1985, aux termes de l'article L. 623-4 du Code de commerce (N° Lexbase : L7033AIC, anciennement loi du 25 janvier 1985, art. 173), "ne sont susceptibles ni d'opposition ni de tierce opposition, ni d'appel ni de recours en cassation [...] deuxièmement les jugements sur lesquels le tribunal statue sur le recours formé contre les ordonnances rendues par le juge-commissaire dans la limite de ses attributions, à l'exception de ceux statuant sur les revendications".

Le principe était donc extrêmement simple. Les jugements statuant sur opposition aux ordonnances du juge-commissaire n'étaient pas susceptibles de recours réformation (12), fut-ce le pourvoi en cassation (13). A cet égard, auraient été sans incidence, les précisions erronées contenues dans le jugement aux termes desquelles ce dernier serait rendu en premier ressort (14). Le tribunal statuant sur opposition aux ordonnances du juge-commissaire était ainsi considéré comme la juridiction d'appel.

La loi du 25 janvier 1985 réservait cependant une exception. Après avoir posé le principe de fermeture des recours sur les jugements statuant sur opposition aux ordonnances du juge-commissaire, l'article L. 623-4 du Code de commerce (anciennement loi du 25 janvier 1985, art. 173, 2°) admettait, en effet, la recevabilité de l'appel de pareilles décisions, en matière de revendication. La justification de cet appel devait être trouvée dans l'idée que l'inopposabilité d'un droit de propriété, question posée par l'action en revendication, était chose grave et qu'il fallait autoriser une reconsidération de la question par une juridiction autre que celle à laquelle appartenait le juge-commissaire (15).

L'action en revendication, dont il était ici question, était celle régie par les articles L. 621-115 (N° Lexbase : L6967AIU) et suivants du Code de commerce. Ne rentrait pas dans l'exception, l'action en restitution d'une somme d'argent née de l'existence d'un dépôt de garantie (16).

Une difficulté s'était toutefois présentée, qui résultait de la modification introduite par la loi du 10 juin 1994 et de l'instauration des demandes en restitution. Le législateur de 1994 n'avait pas réglementé, sur le terrain procédural de l'article L. 623-4, 2°, les demandes en restitution. L'interprétation par analogie a conduit la Cour de cassation à admettre la recevabilité de l'appel à l'encontre des jugements statuant sur les recours contre les ordonnances du juge-commissaire statuant en matière de restitution (17).

Logiquement, il avait été jugé que l'ouverture de l'appel à l'encontre du jugement statuant sur le recours formé contre l'ordonnance du juge-commissaire statuant en matière de revendication ou de restitution entraîne l'irrecevabilité du pourvoi en cassation directement formé à l'encontre du jugement (18).

Sous l'empire de la loi du 25 janvier 1985, il faut encore faire état de l'article L. 623-5 du Code de commerce (N° Lexbase : L7034AID, anciennement loi du 25 janvier 1985, art. 173-1), qui énonçait que "ne sont susceptibles que d'un appel ou d'un pourvoi en cassation, de la part du ministère public, les jugements statuant sur les recours formés contre les ordonnances du juge-commissaire rendues en application des articles L. 622-16(N° Lexbase : L7011AII), L. 622-17 (N° Lexbase : L7012AIK) et L. 622-18 (N° Lexbase : L7013AIL) [anciennement loi du 25 janvier 1985, art. 154, 155 et 156]". Ainsi, les jugements statuant sur opposition aux ordonnances du juge-commissaire rendues en matière d'autorisation de réalisation d'actifs immobiliers (C. com., art. L. 622-16), d'unité de production (C. com., art. L. 622-17) ou d'actifs mobiliers (C. com., art. L. 622-18), n'étaient susceptibles d'appel que de la part du ministère public.

Mais, l'appel, dont il est ici question, est l'appel réformation. La fermeture de l'appel réformation conduit à admettre la recevabilité de l'appel nullité, mais à la condition que le juge-commissaire ait commis un excès de pouvoir, confirmé par le tribunal statuant sur recours, ou que le tribunal ait commis directement un excès de pouvoir.

Sous l'empire de la loi du 25 janvier 1985, le terrain d'élection du recours nullité a précisément été celui de l'appel formé à l'encontre des jugements statuant sur les recours à l'encontre des ordonnances du juge-commissaire.

La loi de sauvegarde des entreprises a bouleversé la donne, en supprimant la règle de l'irrecevabilité du recours contre les jugements statuant sur recours contre les ordonnances du juge-commissaire. Faute de restriction, le principe est donc inverse : celui de la recevabilité de l'appel des jugements statuant sur recours à l'encontre des ordonnances du juge-commissaire. La solution résulte d'un amendement présenté à l'Assemblée nationale (19). La commission des lois du Sénat s'est montrée favorable à la rédaction du texte adopté à l'Assemblée nationale. Elle a estimé inopportune la multiplication des exceptions au principe selon lequel les jugements rendus contre les ordonnances du juge-commissaire ne sont pas susceptibles de recours. Elle a aussi observé que le droit à un procès équitable justifiait la solution (20). Il peut à l'inverse être observé qu'il y a là trois degrés de juridiction (21), outre le pourvoi, contrairement au droit commun de la procédure civile (22). C'est donc un droit au procès "très équitable" qui est ici offert et qui aboutit inéluctablement à ralentir les procédures. Peut-être, de lege ferenda, serait-il souhaitable de réserver le recours devant le tribunal aux litiges inférieurs à un certain montant et d'ouvrir directement, sur l'ordonnance, la voie de l'appel, au-delà d'un certain montant, ainsi que pour les demandes d'un montant indéterminé.

Par exception au principe de recevabilité de l'appel et du pourvoi en cassation sur le jugement rendu sur recours formé à l'encontre d'une ordonnance du juge-commissaire, les jugements statuant sur le recours formé à l'encontre d'une ordonnance du juge-commissaire en matière de réalisation d'actifs du débiteur en liquidation judiciaire ne sont pas susceptibles d'appel.

Pour être exhaustif, précisons que le décret du 12 février 2009 (décret n° 2009-160 N° Lexbase : L9187ICA) a, une nouvelle fois, modifié la matière des voies de recours, non sur les jugements statuant sur recours à l'encontre des ordonnances du juge-commissaire, mais sur les ordonnances elles-mêmes, en prévoyant, dans la matière des réalisation d'actifs isolés du débiteur, en liquidation judiciaire -ce qui n'englobe donc pas la cession d'entreprise-, un appel direct à l'encontre de l'ordonnance du juge-commissaire. En ce qui concerne la réalisation des immeubles, la solution résulte de l'article R. 642-37-1 du Code de commerce (N° Lexbase : L0334INP). En ce qui concerne, les meubles, il s'agit de l'article R. 642-37-3, alinéa 2 (N° Lexbase : L9406ICD).

C'est cette évolution de la matière des voies de recours sur les jugements statuant sur les recours formés à l'encontre des ordonnances du juge-commissaire, qui est au centre de l'arrêt rendu par la Chambre commerciale, le 7 février 2012.

En l'espèce, dans le cadre d'une procédure de redressement judiciaire ouverte le 20 mai 2009, le juge-commissaire est amené à constater la résiliation de plein droit du bail consenti à la société débitrice. Un recours est formé, devant le tribunal, à l'encontre de l'ordonnance du juge-commissaire. Cette décision, rendue par le tribunal, est frappée d'un pourvoi. Celui-ci était-il recevable ? Non, répond, sans surprise, la Cour de cassation.

Mais là n'est pas l'intérêt de la décision. La Cour de cassation, à la manière d'un arrêt de principe, énonce que "les jugements statuant sur les recours formés contre les ordonnances rendues par le juge-commissaire, qui ne sont pas visés par les dispositions spéciales de la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises réglementant les voies de recours, sont susceptibles de recours dans les termes du droit commun ; qu'il s'ensuit que le jugement attaqué, bien qu'inexactement qualifié en dernier ressort, était susceptible d'appel, ne peut faire l'objet d'un pourvoi en cassation".

La procédure collective, ouverte en mai 2009, était soumise à la loi de sauvegarde des entreprises, telle que modifiée par l'ordonnance du 18 décembre 2008 (ordonnance n° 2008-1345 N° Lexbase : L2777ICT) et son décret d'application du 12 février 2009.

Or, comme nous l'avons rappelé, depuis la loi de sauvegarde des entreprises, dans sa rédaction d'origine du 26 juillet 2005 et du décret d'application du 28 décembre 2005 (décret n° 2005-1677 N° Lexbase : L3297HET), dont les solutions n'ont pas, sur ce point, été modifiées par la réforme de 2008, la règle de l'irrecevabilité du recours contre les jugements statuant sur recours contre les ordonnances du juge-commissaire, qui était posée par l'article L. 623-4 du Code de commerce, sous l'empire de la loi du 25 janvier 1985, a été supprimée par la loi de sauvegarde. Faute de fermeture explicite, le principe est donc inverse : celui de la recevabilité de l'appel des jugements statuant sur recours à l'encontre des ordonnances du juge-commissaire. C'est la solution qu'affirme avec force l'arrêt du 7 février 2012. Ce n'est là que l'affirmation d'un principe général de procédure civile : celui de la recevabilité de l'appel à l'encontre d'un jugement, et c'est ce qui explique le visa par la Cour de cassation de l'article 543 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L6694H73), selon lequel "la voie de l'appel est ouverte en toutes matières, même gracieuses, contre les jugements de première instance s'il n'en est autrement disposé".

L'ouverture de l'appel entraîne, par principe, celle du pourvoi en cassation sur l'arrêt rendu par la cour d'appel. En revanche, l'ouverture de l'appel entraîne l'irrecevabilité du pourvoi directement formé contre le jugement, ce qui justifie le visa, par l'arrêt commenté, de l'article 605 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L6762H7L), selon lequel "le pourvoi en cassation n'est ouvert qu'à l'encontre de jugements rendus en dernier ressort".

Le principe de recevabilité de l'appel à l'encontre du jugement statuant sur le recours formé contre une ordonnance du juge-commissaire ne peut être écarté que par un texte spécial du droit des entreprises en difficulté. Il en est ainsi, par exemple, des jugements statuant sur le recours contre les ordonnances du juge-commissaire par lesquelles il est statué sur la demande de nomination des contrôleurs. Le recours est fermé, sauf de la part du ministère public, en application de l'article L. 661-6, I, 1° du Code de commerce (N° Lexbase : L3486IC4). Le candidat au poste de contrôleur est donc, sauf démonstration d'un excès de pouvoir, irrecevable à exercer une voie de recours sur le jugement statuant sur recours à l'encontre de l'ordonnance du juge-commissaire ayant refusé sa nomination (23).

Dans la présente affaire, il restera au plaideur, le cas échéant, à se prévaloir de la notification irrégulière effectuée par le greffe de la décision du tribunal, qualifiée à tort de décision rendue en dernier ressort. Si cela ne suffit pas, comme le rappelle ici la Cour de cassation, à rendre recevable le pourvoi en cassation, en revanche, la partie victime de cette notification irrégulière peut se prévaloir de cette dernière, pour considérer que la décision n'a pas été correctement notifiée. Dès lors, le délai de la voie de recours adéquate n'a pas commencé à courir, et rien ne semble interdire à notre plaideur de former un appel à l'encontre de la décision du tribunal, si ce dernier présente encore un intérêt. Mais c'est là une autre histoire...

Pierre-Michel Le Corre, Professeur à l'Université de Nice Sophia Antipolis, Directeur du Master 2 Droit des difficultés d'entreprises


(1) Disposition applicable en sauvegarde et, par renvoi, en redressement (C. com., art. R. 631-7 N° Lexbase : L0990HZP) et en liquidation judiciaire (C. com., art. R. 641-7 N° Lexbase : L9285ICU).
(2) A l'évidence, la caisse de retraite avait pu parfaitement identifier le débiteur au regard des autres mentions portées dans l'insertion.
(3) Cass. com., 12 avril 2005, n° 03-20.691, F-P+B (N° Lexbase : A8727DHP), Bull. civ. IV, n° 84, D., 2005, AJ 1227, obs. A. Lienhard, RTDCom., 2005/3, p. 601, n° 12, obs. A. Martin-Serf.
(4) Cass. com., 5 février 2002, n° 99-12.863, F-D (N° Lexbase : A9182AXD), Act. proc. coll., 2002/7, n° 84 ; RD banc. et fin., 2002/3, p. 134, n° 103, obs. F.-X. Lucas ; Rev. proc. coll., 2003/1, p. 25, n° 7, obs. F. Legrand ; Cass. com. 12 avril 2005, n° 03-20.691, préc. et les obs. préc...
(5) Cass. com. 14 février 1995, n° 93-10.151, publié (N° Lexbase : A8208ABM), Bull. civ. IV, n° 47, D., 1996. Somm. 85, obs. A. Honorat, Rev. proc. coll., 1995, 309, n° 5, obs. B. Dureuil ; Cass. com., 9 novembre 2004, n° 02-13.015, F-D (N° Lexbase : A9292DDI).
(6) Cass. com., 5 février 2002, préc. et les obs. préc..
(7) Cass. com., 6 juillet 1993, n° 91-12.636 (N° Lexbase : A7944AHP), Rev. proc. coll., 1994, p. 51, n° 6, obs. B. Dureuil.
(8) Cass. com. 14 mars 2000, n° 97-14.912, publié (N° Lexbase : A8160AGC), Bull. civ. IV, n° 57, D., 2000, AJ 169, obs. A. Lienhard, Act. proc. coll., 2000/8, n° 88, JCP éd. E, 2000, chron. 1563, n° 3-b-6, obs. Ph. Pétel, RTDCom., 2000. 716, obs. A. Martin-Serf, RD banc. et fin., 2000/2, n° 69, obs. F.-X. Lucas ; Cass. com., 2 mai 2001, n° 98-13.131, F-D (N° Lexbase : A3406ATC), Act. proc. coll., 2001/11, n° 136 ; Cass. com., 17 juillet 2001, n° 98-18.310, F-D (N° Lexbase : A2122AU7), Act. proc. coll., 2001/18, n° 234, Rev. proc. coll., 2002, p. 97, n° 13, obs. F. Legrand ; Cass. com., 16 octobre 2001, n° 98-20.551, F-D (N° Lexbase : A4781AWY), Rev. proc. coll., 2002, p. 97, n° 13, obs. F. Legrand ; Cass. com., 24 juin 2003, n° 00-16.658, F-D (N° Lexbase : A9649C8U).
(9) Cass. com., 14 mars 2000, n° 97-14.912, préc et les obs. préc ; Cass. com. 2 mai 2001, n° 98-13.131, préc. et les obs. préc. ; Cass. com., 17 juillet 2001, n° 98-18.310, préc et les obs. préc. ; Cass com., 24 juin 2003, n° 00-16.658, préc. ; adde CA Paris, 3ème ch., sect. A, 14 septembre 2004, n° 04/1177 (N° Lexbase : A7888DEU).
(10) Cass. com., 16 octobre 2001, n° 98-20.551, préc., Rev. proc. coll., 2002, préc..
(11) Il ne semble donc pas que s'applique ici le régime des nullités de fond. Contra P.-M. Le Corre, Droit et pratique des procédures collectives, Dalloz action, 2012/2013, 6ème éd, n° 665.84.
(12) Cass. com., 26 octobre 1999, n° 96-13.186, publié (N° Lexbase : A1214CK8), Bull. civ. IV, n° 191, D., 2000., Somm. 330, obs. A. Honorat ; Cass. com., 9 janvier 2001, 97-18.857, inédit (N° Lexbase : A4110ARN), Act. proc. coll., 2001/5, n° 70 ; Cass. com., 2 juin 2004, n° 03-11.559, F-D (N° Lexbase : A5222DCE).
(13) Cass. com., 26 juin 2001, deux arrêts, n° 98-14.017, inédit (N° Lexbase : A7783ATG), n° 98-14.247, inédit (N° Lexbase : A7805ATA), JCP éd. E, 2002, jur. 1081, note A. Perdriau ; Cass. com., 7 janvier 2003, n° 99-15.660, F-D (N° Lexbase : A6032A48) ; Cass. com., 2 juin 2004, n° 03-11.559, F-D (N° Lexbase : A5222DCE) ; Cass. com., 12 juillet 2004, n° 03-12.913, F-D (N° Lexbase : A1141DDM) ; Cass. com., 29 novembre 2005, n° 04-16.699, FD (N° Lexbase : A8497DLB) ; Cass. com., 12 juillet 2011, n° 10-17.395, F-D (N° Lexbase : A0467HW9).
(14) CA Paris, 3ème ch., sect. A, 25 juin 1996, Rev. proc. coll., 1996, p. 329, n° 8, obs. B. Soinne.
(15) Cass. com. 20 mars 2001, n° 98-14.125, inédit (N° Lexbase : A1238ATZ), RJDA, 2001, n° 794.
(16) CA Versailles, 12ème ch., sect. B, 20 janvier 2005, n° 2003/05810 (N° Lexbase : A7165DGH).
(17) Cass. com., 3 février 2009, n° 07-18.931, FS-P+B (N° Lexbase : A9478ECZ), Bull. civ. IV, n° 14 ; Act. proc. coll. 2009/6, n° 102, note F. Petit.
(18) Cass. com., 8 janvier 2008, n° 06-15.462, F-D (N° Lexbase : A2624D3L).
(19) Amendement n° 330 d'Arlette Grosskost, JOAN CR, 8 mars 2005, p. 1803.
(20) Rapport de J.-J. Hyest, n° 335, p. 504.
(21) Aussi Ph. Gerbay, La procédure d'appel dans le tourbillon des réformes, RJ com., 2007, 9 et s., sp. p. 14, n° 13.
(22) P. Cagnoli, La qualité pour agir, questions procédurales, Rev. proc. coll., 2006/2, p. 209 et s., sp. p. 211 et 212.
(23) Cass. com., 16 mars 2010, n° 09-13.578, F-P+B (N° Lexbase : A8240ETD), Bull. civ. IV, n° 57 ; D., 2010, chron. 1113, obs. M.-L. Bélaval ; Gaz. Pal., éd. sp. droit des entreprises en difficulté, 2 et 3 juillet 2010, n° 183 et 184, p. 22, note N. Fricéro; RTDCom., 2010, 430, n° 10, note J.-L. Vallens ; Procédures, 2010, comm. 190, obs. B. Rolland ; LEDEN, 2010/5, p. 4, obs. O. Staës ; Rev. sociétés, 2010, 195, note Ph. Roussel Galle ; Rev. proc. coll., mars/avril 2011, comm. 26, p. 34, note P. Cagnoli.

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Procédures fiscales

[Chronique] Chronique de procédures fiscales - Février 2012

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par Thierry Lambert, Professeur à l'Université Paul Cézanne Aix-Marseille III

Le 16 Février 2012

Lexbase Hebdo - édition fiscale vous propose de retrouver la chronique d'actualités en procédures fiscales réalisée par Thierry Lambert, Professeur à l'Université Paul Cézanne Aix-Marseille III. Dans le cadre de cette chronique, notre auteur revient sur trois arrêts. La première décision commentée émane du Tribunal des conflits, qui a eu à trancher un conflit de compétence négatif, portant sur l'appréciation de l'expiration ou non du délai de prescription de l'inscription, par l'administration, d'une créance du Trésor à la procédure collective d'une SARL. Le Tribunal fait application de la règle générale qui donne compétence au tribunal de la procédure collective, tribunal de l'ordre judiciaire, pour régler toutes les contestations relatives aux créances déclarées dans le cadre d'une procédure collective, fut-ce t-elle fiscale (T. conf., 12 décembre 2011, n° 3815). Le deuxième arrêt est rendu par la Chambre commerciale de la Cour de cassation. Il porte sur les spécificités d'une procédure de visite et de saisies mise en oeuvre contre une personne déclarant être diplomate. En effet, lorsqu'un particulier présente un passeport diplomatique à l'administration, celle-ci vérifie auprès du ministère des Affaires étrangères le statut de la personne en question (Cass. com. 13 décembre 2011, n° 10-28.028, F-D). Enfin, notre auteur revient sur un arrêt rendu par la cour administrative d'appel de Nancy, qui rappelle à l'administration qu'elle est tenue de fournir au contribuable les documents sur lesquels elle s'appuie pour opérer un redressement et dont il fait la demande. Cette règle s'applique même si le couple de contribuables en question a fait la même demande au mandataire judiciaire chargé de procéder à la liquidation de la société dont l'époux était le gérant (CAA Nancy, 2ème ch., 12 janvier 2012, n° 10NC01576, inédit au recueil Lebon).
  • Toute contestation relative à une créance fiscale, soulevée avant la clôture d'une procédure collective, est traitée par le juge judiciaire (T. conf., 12 décembre 2011, n° 3815 N° Lexbase : A5034H8X)

La France pratique la dualité de juridictions : ordre administratif et ordre judiciaire. Des conflits de compétence peuvent surgir, qui sont dits "négatifs" si les deux ordres de juridictions s'estiment incompétents, et "positifs" si, au contraire, les deux revendiquent le droit de trancher une même affaire. Pour régler cette question, un arbitre paritaire, composé pour moitié de conseillers d'Etat et pour moitié de conseillers à la Cour de cassation, est indispensable. Il s'agit du Tribunal des conflits (Thierry Lambert, Contentieux fiscal, Hachette, coll : Les fondamentaux, 2011, p. 14).

Dans l'affaire qui nous occupe, le tribunal de commerce de Paris a prononcé l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire à l'égard d'une SARL. A cette occasion, l'administration a déclaré, à titre définitif, une créance privilégiée. La mandataire ad hoc de la société a fait valoir que celle-ci serait prescrite.

La cour d'appel de Paris a décliné la compétence du tribunal de la procédure collective pour connaître de cette contestation. Elle a imparti à l'intéressé un délai de deux mois pour saisir la juridiction administrative compétente. En conséquence, le tribunal administratif a été saisi d'une demande tendant à ce que la créance fiscale en cause soit déclarée prescrite.

Le tribunal administratif a jugé que la procédure de liquidation judiciaire, clôturée par jugement du tribunal de commerce de Paris, était toujours en cours. Il a décliné la compétence de la juridiction administrative pour connaître de la contestation soulevée par le mandataire et a saisi le Tribunal des conflits.

Rappelons que l'article L. 281 du LPF (N° Lexbase : L8541AE3) prévoit que les contestations relatives aux poursuites concernant les impositions dont le contentieux relève de la compétence du juge administratif sont soumises au tribunal administratif lorsqu'elles portent sur l'existence de l'obligation de payer, sur la quotité ou sur l'exigibilité de l'impôt.

La cour administrative d'appel de Bordeaux a jugé que les tribunaux de l'ordre judiciaire étaient seuls compétents pour connaître des contestations relatives au droit de l'administration de mettre en oeuvre le privilège du Trésor (CAA Bordeaux, 5ème ch., 29 mars 2005, n° 01BX00918, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A9854DHG).

Le fait que la liquidation des biens d'une société exerce une influence sur l'action en contestation de la mise en oeuvre de la solidarité pour paiement d'impôts n'entraîne pas systématiquement la compétence du tribunal de la procédure collective (Cass. com., 28 juin 2005, n° 03-14.767, F-D N° Lexbase : A8454DIX).

Dans le cas général où une procédure collective suit son cours, le tribunal de la procédure collective est seul compétent pour connaître des contestations nées du redressement ou de la liquidation judiciaire, même si les créances contestées sont fiscales et concernent un impôt dont le contentieux appartient à la compétence du juge administratif (T. conf., 26 mai 2003, n° 3354 N° Lexbase : A1558DQR ; RJF, 2003, 8-9, comm. 1025). Mais quand la contestation est relative à l'exigibilité d'une créance fiscale afférente à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu qui ne se rattache à aucune procédure collective en cours, elle relève de la compétence du juge administratif (T. conf., 17 décembre 2007, n° 3643 N° Lexbase : A1582D3Y ; RJF, 2008, 5, comm. 590).

Le Tribunal des conflits n'a d'autre solution que de déclarer compétente la juridiction administrative pour un litige relatif à un avis à tiers détenteur émis après la clôture d'une procédure collective pour insuffisance d'actifs, quand bien même la dette fiscale litigieuse est née au cours de la période écoulée entre l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire et la liquidation de l'entreprise (T. conf., 10 octobre 2009, n° 3694 N° Lexbase : A2509EMU ; Procédures, 2009, 12, comm. 432, note Ayrault).

A suivre la cour administrative d'appel de Nancy, le tribunal de la procédure collective est seul compétent pour connaître de la contestation relative à la déclaration provisionnelle d'une créance fiscale au représentant des créanciers lors d'une procédure collective (CAA Nancy, 1ère ch., 17 janvier 2008, n° 06NC01078, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A1405D4S).

Le Tribunal des conflits observe que la contestation portée devant la juridiction administrative est relative à une créance déclarée par le comptable public lors de l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire. Cette procédure a, ensuite, été irrévocablement clôturée postérieurement à la saisine de la juridiction administrative. En conséquence, Le Tribunal affirme que toute contestation relative à une créance fiscale, soulevée avant la clôture d'une procédure collective, doit être traitée par le juge de la procédure collective. Autrement dit, alors même que la contestation portait sur l'exigibilité d'une créance fiscale, il n'appartenait qu'au tribunal de la procédure collective d'en connaître.

La conclusion s'impose : la juridiction judiciaire est seule compétente pour connaître du litige qui oppose le mandataire de la société à l'administration fiscale. Le juge de la procédure collective n'est compétent que tant que la procédure de cette nature n'est pas épuisée.

  • Lorsqu'un contribuable n'est pas reconnu par le ministère des Affaires étrangères comme diplomate accrédité par la France, l'administration n'a pas à indiquer les arguments contraires du contribuable pour obtenir une autorisation de visite (Cass. com. 13 décembre 2011, n° 10-28.028, F-D N° Lexbase : A4844H8W)

Dans cette affaire, le juge délégué par le président du tribunal de grande instance a autorisé des agents de l'administration fiscale, le 21 avril 1999, à effectuer une visite et une saisie de documents dans des locaux occupés par le contribuable et son épouse mais aussi dans une banque, en vue de rechercher la preuve d'une fraude fiscale au titre de l'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, ou des bénéfices non commerciaux, et de la TVA.

Il était fait application de l'article L. 16 B du LPF (N° Lexbase : L2813IPU).

Le contribuable était soupçonné de fraude fiscale, au motif que, lors d'une perquisition chez un tiers, exerçant dans le négoce de produits agro-alimentaires, sa carte de visite professionnelle a été découverte. Il était, en outre, titulaire de plusieurs comptes bancaires, disposait de trois lignes téléphoniques et deux abonnements de téléphone portable révélant d'importantes consommations, de deux véhicules et d'un appartement dont il était propriétaire. Ce contribuable n'avait pas souscrit de déclarations de revenus, ce qui sans doute avait suscité l'intérêt de l'administration.

Le décret du 10 septembre 1990, portant incorporation au Livre des procédures fiscales de diverses dispositions (décret n° 90-799 du 10 septembre 1990, portant incorporation au LPF de divers textes modifiant et complétant certaines dispositions de ce livre N° Lexbase : L1755ISS), fixe pour principe que "le juge motive sa décision par des indications des éléments de fait et de droit qu'il retient et qui lui laissent présumer, en l'espèce, l'existence des infractions dont la preuve est recherchée". Pour la Cour de cassation, de simples présomptions justifient l'autorisation de visites domiciliaires (Cass. com., 2 février 2010, n° 09-13.741, F-PB N° Lexbase : A6172ERZ ; RJF, 2010, 5, comm. 497). Ajoutons que, si le juge doit vérifier que l'administration a réuni des éléments d'information laissant présumer l'existence d'une fraude, il n'exige pas, pour autoriser la visite, qu'elle prouve la fraude (Cass. com., 4 octobre 1994, n° 93-12.949, publié au Bulletin N° Lexbase : A4953ACG).

Reconnaissons que, dans l'affaire qui nous occupe, beaucoup d'éléments peuvent laisser penser que le contribuable disposait de revenus, alors que le contribuable n'avait rien déclaré.

Si le juge autorise, par une ordonnance complémentaire, une visite chez une personne qui n'était pas destinataire de l'ordonnance principale, les mentions exigées doivent être reportées sur cette ordonnance complémentaire (Cass. com., 4 octobre 1994, n° 93-12.956, publié au Bulletin N° Lexbase : A4954ACH).

Le contribuable a contesté cette procédure devant le premier président de la cour d'appel de Paris qui, le 12 octobre 2010, a validé la procédure. Selon une formule consacrée, le premier président justifie sa décision en relevant, par des motifs propres et adaptés, les faits à partir desquels il apprécie souverainement l'existence d'une présomption de fraude fiscale et retient, sans inverser la charge de la preuve, que les griefs à l'encontre de l'ordonnance contestée ne sont pas établis (Cass. com., 14 septembre 2010, n° 09-67.404, F-P+B N° Lexbase : A5877E9K ; RJF, 2011, 1, comm. 54).

L'intéressé faisait valoir que, devant le premier juge, il n'avait pas bénéficié d'une procédure contradictoire, reprochant à l'administration de ne pas avoir fait valoir tous les éléments à décharge qui étaient en sa possession. Il souhaite tirer argument du fait qu'il avait répondu à l'administration quand celle-ci lui demandait de souscrire des déclarations de revenus, considérant que résident étranger il n'avait pas à satisfaire à cette exigence. Enfin, le contribuable avait excipé de sa qualité de diplomate, en produisant un passeport diplomatique dès le début de la visite. Sur ce point, le premier juge avait pris la précaution d'informer le ministère des Affaires étrangères.

Celui-ci n'a pas reconnu le contribuable comme diplomate accrédité par la France.

Le contribuable concluait de ses éléments que le premier président de la cour d'appel avait violé à la fois l'article L. 16 B du LPF mais aussi l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales (N° Lexbase : L7558AIR).

L'inexécution des obligations déclaratives, qui est sanctionnée par des pénalités, est sans incidence sur la mise en oeuvre de l'article L. 16 B du LPF (Cass. com., 12 janvier 1999, n° 97-30.033, inédit N° Lexbase : A7899CRY, RJF, 1999, 4, comm. 431).

Il a été jugé que l'administration n'a pas l'obligation de fournir au juge des éléments en sa possession qui n'ont pas d'incidence sur l'appréciation du juge, ou qui constituent des éléments à décharge (Cass. com., 29 juin 1999, n° 97-30.288, inédit au Bulletin N° Lexbase : A8225AH4).

La Cour de cassation a donné acte au contribuable, qui n'avait à souscrire de déclarations de revenus, étant résident au Niger. Ceci est sans incidence, pas plus que la possession d'un passeport diplomatique, sur la mise en oeuvre de l'article L. 16 B du LPF. En effet, la Cour retient, sans nous en dire plus, que l'autorisation administrative "était fondée sur une présomption de fraude résultant d'autres éléments". Si le contribuable avait été un diplomate accrédité par la France la solution aurait-elle été autre? Rien n'est moins certain.

  • L'administration est tenue de fournir au contribuable faisant l'objet d'un ESFP les documents qu'elle a obtenus de tiers, peu importe qu'il ait pu en avoir connaissance par une autre personne (CAA Nancy, 2ème ch., 12 janvier 2012, n° 10NC01576, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A5144IAR)

Un couple de contribuables a fait l'objet d'un examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle (ESFP). A la suite de la proposition de rectification que leur a adressée l'administration, ils ont demandé à cette dernière de bien vouloir leur communiquer une copie des documents qu'elle s'était procurée auprès de la société dont l'époux avait été le gérant jusqu'à la date de la liquidation judiciaire et de la désignation d'un mandataire judiciaire. La demande était restée vaine. Il appartient au contribuable d'administrer la preuve qu'il a demandé à l'administration la communication des documents avant la mise en recouvrement (CE 8° et 3° s-s-r., 1er mars 2000, n° 181665, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A9255AGU ; Revue de jurisprudence fiscale, 2000, 4, comm. 524).

L'article L. 76 B du LPF (N° Lexbase : L7606HEG) expose clairement que "l'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet d'une proposition" de rectification. Le contribuable doit recevoir cette information dans la proposition de rectification ou, éventuellement, dans la réponse aux observations du contribuable (CE 10° s-s., 12 octobre 2001, n° 217378, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A1808AXA ; RJF, 4, comm. 423). En l'espèce, le juge rappelle à l'administration ce principe. Celle-ci n'est tenue de mettre à la disposition des contribuables qui le demandent que les documents qui contiennent des renseignements qui lui ont été utiles pour rédiger une proposition de rectification (CE 10° et 9° s-s-r., 15 février 2002, n° 217394, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A1689AY9 ; Droit fiscal, 2002, comm. 623, concl. Mitjavile).

En revanche, il appartient à l'administration de répondre à la demande de communication en proposant au contribuable des modalités pratiques de communication destinées à tenir compte de la nature et du volume des documents demandés, faute de quoi la procédure est irrégulière (CE 8° et 9° s-s-r., 19 janvier 1998, n° 169132, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A6091ASE ; Droit fiscal, 1998, comm. 309, concl. Arrighi de Casanova).

L'administration ne peut pas régulariser la situation devant le juge. En effet, il a été jugé que les impositions doivent être annulées bien que les documents concernés aient été communiqués devant le tribunal administratif, au motif que le caractère contradictoire de la procédure visée par l'article L. 57 du LPF (N° Lexbase : L0638IH4) n'a pas été respecté, cette irrégularité constituant une atteinte aux droits de la défense (CAA Paris, 2ème ch., 15 décembre 2004, n° 01PA03912, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A1148DID ; RJF, 2005, 2, comm. 137).

L'administration qui entend faire référence aux documents ainsi obtenus doit le faire avec une précision suffisante pour permettre au contribuable de demander que les documents qui contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition, avant la mise en recouvrement des impositions.

Il est incontestable que, lorsque le contribuable en fait la demande, l'administration est tenue de lui communiquer les documents, ou copies, contenant les renseignements obtenus auprès de tiers et qui lui sont opposés. Ajoutons que ce principe s'applique alors même que le contribuable a pu avoir connaissance de ces renseignements ou de certains d'entre eux (CE 8° et 3° s-s-r., 13 avril 2005, n° 252165, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A8416DH8 ; RJF, 2005, 7, comm. 720). Ceci permet au contribuable de discuter, éventuellement, l'authenticité des documents et la teneur des informations exploitées par l'administration.

Dans cette affaire, l'administration s'est abstenue de communiquer les documents à partir desquels elle a proposé une rectification, au motif que le couple avait également saisi d'une demande analogue le mandataire judiciaire.

La cour administrative d'appel de Nancy a jugé que l'abstention de l'administration entache la procédure d'irrégularité. Cette solution s'inscrit dans la droite ligne de la jurisprudence du Conseil d'Etat, selon laquelle sont entachées de nullité les rectifications fondées sur des documents dont le contribuable a demandé la communication, mais que l'administration lui a refusée avant la mise en recouvrement des impositions (CE 9° et 8° s-s-r., 9 juillet 1986, n° 30770, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A3898AMC ; Droit fiscal, 1986, comm. 2393, concl. Racine).

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Temps de travail

[Jurisprudence] Conventions de forfait en jours : de l'importance du contenu des accords collectifs

Réf. : Cass. soc., 31 janvier 2012, n° 10-19.807, FS-P+B+R (N° Lexbase : A8942IBS)

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par Sébastien Tournaux, Professeur à l'Université des Antilles et de la Guyane

Le 16 Février 2012

L'année 2011 aura vu le régime juridique français des conventions de forfait en jours subir d'importants changements. Ainsi, la Chambre sociale de la Cour de cassation, par un arrêt rendu le 29 juin 2011 (1), a validé ce régime juridique pourtant mis sur la sellette par le Comité européen des droits sociaux. Cette validation n'avait pas pour autant la valeur d'un blanc-seing ! Les employeurs doivent respecter les conditions prévues par l'accord collectif encadrant le forfait-jours sous peine de voir les conventions individuelles de forfait être privées d'effets. Cette décision posait également l'exigence que les accords collectifs en question assurent une protection effective de la santé des salariés soumis à ces forfaits, en particulier par le respect des durées maximales de travail et des durées minimales de repos. L'année 2012 ne marquera pas de rupture en la matière. En effet, par un arrêt rendu le 31 janvier 2012, la Chambre sociale fait à nouveau application de ces règles pour rendre inefficace une convention de forfait conclue en application d'un accord collectif dont le contenu protecteur était insuffisant (I). Cette décision, dans le droit fil du contrôle étroit introduit par la Chambre sociale, peut tout de même surprendre s'agissant de la sanction d'inefficacité infligée à une convention pourtant irrégulière (II).
Résumé

Le droit à la santé et au repos est au nombre des exigences constitutionnelles.

Les Etats membres ne peuvent déroger aux dispositions relatives à la durée du temps de travail que dans le respect des principes généraux de la protection de la sécurité et de la santé du travailleur.

Toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect des durées maximales de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires.

Commentaire

I - Conventions de forfait, accord collectif et protection des droits au repos et à la santé du salarié

  • Le contrôle du régime des conventions de forfait en jours

Par un arrêt remarqué, rendu le 29 juin 2011, la Chambre sociale de la Cour de cassation a pris position sur le régime français des conventions de forfait en jours dont on savait, depuis quelques années déjà, qu'il était menacé pour être potentiellement attentatoire au droit au repos imposé tant sur le plan constitutionnel (2), européen (3) qu'unioniste (4). Cette décision avait implicitement refusé de juger les dispositions françaises comme contraire au droit de l'Union européenne et, surtout, de la Charte sociale européenne. Cependant, par une sorte de compromis subtilement posé, de "point d'équilibre" (5), la Chambre sociale avait encadré très strictement le régime de ces conventions en jugeant que le non respect, par un employeur, des dispositions conventionnelles destinées à garantir le droit au repos et à la santé du salarié privait la convention de forfait d'effets.

Rappelons que le régime français des conventions de forfait s'appuie principalement sur deux sources. En effet, le Code du travail impose que chaque salarié concerné donne son acceptation expresse à la soumission à une convention de forfait (6). En outre, des conventions de forfait ne peuvent être conclues entre l'employeur et ses salariés qu'à la condition que des dispositions conventionnelles applicables à l'entreprise en envisagent les modalités d'application. Ainsi, l'ancien article L. 212-15-3 du Code du travail (N° Lexbase : L7755HBT), applicable à l'espèce sous examen, prévoyait que "la conclusion de ces conventions de forfait doit être prévue par une convention ou un accord collectif étendu ou par une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement qui détermine les catégories de cadres susceptibles de bénéficier de ces conventions individuelles de forfait ainsi que les modalités et les caractéristiques principales des conventions de forfait susceptibles d'être conclues" (7).

Dans l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt rendu au mois de juin 2011, l'accord collectif d'entreprise encadrant les conventions de forfait comportait des mesures précises "dont le respect [était] de nature à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié soumis au régime du forfait en jours" (8). En revanche, la cour d'appel qui avait refusé le paiement d'heures supplémentaires au salarié était censurée parce que l'employeur n'avait pas fait application de ces mesures conventionnelles de protection. La norme conventionnelle était donc conforme au droit au respect du repos et de la santé des salariés, seule l'application qui en était faite était défectueuse et imposait que la convention individuelle de forfait soit privée d'effets. La Chambre sociale permettait, dans ce cas de figure, au salarié d'obtenir le paiement des heures de travail effectuées au-delà de la durée légale ou conventionnelle de travail et non plus, comme auparavant, de seulement bénéficier d'une indemnisation du fait de la mauvaise application des règles conventionnelles applicables aux conventions de forfait (9). A la suite de cette décision, on pouvait se demander quel serait le sort des conventions individuelles de forfait en jours conclues alors que l'accord collectif ne comporterait pas de mesures suffisantes pour garantir les droits au repos et à la santé du salarié (10). C'est sur cette question que la Chambre sociale se prononçait le 31 janvier 2012.

  • L'espèce

Un salarié avait été engagé par contrat à durée déterminée en qualité de cadre à la direction financière d'une entreprise relevant du secteur et de la convention collective nationale des industries chimiques, afin d'animer une équipe en vue de la mise en place de nouvelles normes comptables. En application d'un accord collectif de réduction du temps de travail, le contrat de travail du salarié comportait une convention de forfait en jours. Le salarié saisit la juridiction prud'homale d'une demande de paiement d'heures supplémentaires du fait du dépassement des durées maximales quotidiennes de travail.

La cour d'appel de Chambéry refusa de faire droit à cette demande en jugeant que, même si le salarié dépassait effectivement les durées légales maximales de travail, ce dépassement était conforme à son contrat de travail et aux conventions et accords collectifs applicables à la relation de travail, un paiement d'heures supplémentaires ne pouvant être imposé en raison de l'existence d'une convention de forfait en jours.

Par un arrêt important rendu le 31 janvier 2012, la Chambre sociale de la Cour de cassation casse cette décision par un long visa accompagnant l'argumentation suivante (11). La Chambre sociale note, d'abord, "que le droit à la santé et au repos est au nombre des exigences constitutionnelle" (12). Elle poursuit sa motivation en indiquant que, sur le plan du droit de l'Union européenne, "les Etats membres ne peuvent déroger aux dispositions relatives à la durée du temps de travail que dans le respect des principes généraux de la protection de la sécurité et de la santé du travailleur". La Cour ajoute, enfin, que "toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect des durées maximales de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires".

De cette substantielle motivation, la Chambre sociale conclut que les clauses de l'accord cadre sur l'organisation et la durée de travail dans l'industrie chimique et de l'accord d'entreprise relatif à la réduction du temps de travail comportent effectivement la possibilité de conclure des conventions de forfait en jours mais que, cependant, ces stipulations "ne sont de nature à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié soumis au régime du forfait en jours" si bien que la convention de forfait du salarié aurait dû être "privée d'effet" et que le salarié était en droit de prétendre au paiement d'heures supplémentaires.

Plusieurs indices permettent d'identifier l'importance de la solution dégagée. Outre l'imposant visa et la motivation sous forme de chapeau à trois tête, on peut en effet noter que l'arrêt fera l'objet d'une publication au rapport annuel de la Cour de cassation. Surtout, il convient de remarquer que le moyen tiré de l'incompatibilité des règles conventionnelles et contractuelles au droit au repos et à la protection de la santé a été soulevé d'office par la Chambre sociale, c'est-à-dire sans que les parties n'aient invoqué un tel argument. C'est dire, surtout, à quel point la question soulevée est importante aux yeux des juges du Quai de l'Horloge. Si l'arrêt est donc important, que peut-on en penser ?

II - Un paradoxe : un contrôle étroit, une sanction inadaptée

  • La confirmation du contrôle étroit du régime des conventions de forfait en jours

On pourra d'abord remarquer que la Chambre sociale maintient résolument le cap s'agissant du compromis adopté en juin 2011. Comme nous le relevions, la Chambre sociale n'avait, à ce moment-là, pas saisi l'occasion de juger le régime français des conventions de forfait contraire à la Charte sociale européenne, ce qu'elle aurait pu faire, si elle l'avait souhaité, en soulevant d'office le moyen tiré de la contrariété du droit français à ce texte international (13).

Dans l'espèce ici commentée, le moyen permettant de censurer la décision des juges du fond a précisément été soulevé d'office. Ce moyen est accompagné d'une référence, certes secondaire, à la Charte sociale européenne à laquelle le Traité sur le fonctionnement de l'Union renvoie. La Chambre sociale montre donc très clairement qu'elle n'entend toujours pas, fut-ce par des moyens exorbitants de procédure civile, censurer le régime français des conventions de forfait en jours.

Il peut encore être relevé que la Chambre sociale conserve, comme pour équilibrer l'acceptation de principe du régime des conventions de forfait, une approche désormais très restrictives de l'application de ce régime juridique. Nous l'avons vu, l'employeur doit respecter les mesures conventionnelles destinées à garantir le repos et la santé des salariés concernés, faute de quoi la convention individuelle sera privée d'effet (14). Dans la même ligne, la Chambre sociale a jugé, quelques mois plus tard, que les dispositions conventionnelles permettant le recours aux conventions de forfait en jours devaient être interprétées strictement et, par conséquent, ne pas permettre qu'un salarié soit surclassé pour entrer dans les catégories conventionnelles permettant la conclusion de telles conventions (15).

L'affaire, sous examen, confirme cette approche stricte : l'accord collectif source primitive des conventions de forfait en jours doit "être de nature à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié" et assurer "la garantie du respect des durées maximales de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires". Ces exigences demeurent cependant relativement imprécises (16). On sait, à la suite de cet arrêt, que l'accord qui se contente d'imposer à l'employeur de respecter les durées minimales de repos quotidien et hebdomadaire est insuffisant, ce qui, finalement, n'est que pure application du Code du travail. Quant au respect des durées maximales de travail, la formule a de quoi surprendre puisque c'est précisément l'objet des conventions de forfait en jours que de les abolir. Certains auteurs proposent d'aménager des durées maximales spécifiques aux conventions de forfait (17). Il est également possible d'imaginer que le droit au repos soit assuré par des périodes de récupération aménagées pour compenser des phases d'activité intense. Quoiqu'il en soit, le respect des durées maximales de travail prévues par le Code du travail paraît inadapté. En effet, une telle exigence aurait nettement tendance à ramener le temps de travail des salariés au forfait en jours dans le giron d'un temps de travail décompté et limité. On peut se demander si, à ce compte, il n'aurait pas été plus simple d'avaliser la jurisprudence du CEDS !

  • Sanction : inefficacité ou nullité de la convention individuelle de forfait ?

Une troisième observation, plus théorique peut-être, pouvait mener à se demander si une sanction identique à celle prévue en juin 2011 -l'inefficacité de la convention de forfait- s'appliquerait à l'hypothèse dans laquelle d'insuffisantes protections du salariée ne seraient pas imputables à un employeur négligeant mais à des conventions ou accords collectifs de travail lacunaires. Dans l'affaire jugée l'an passé, l'inefficacité des conventions individuelles de forfait pouvait sembler parfaitement logique. Comme le relevaient Mme Mazars et M. Flores, "sans remettre en question la validité même de la convention de forfait en jours, dès lors que les conditions étaient réunies lors de sa conclusion, la Cour de cassation a décidé que le défaut de respect du dispositif de suivi privait celle-ci d'effet" (18). Ce n'était qu'ultérieurement, dans son application, que le régime juridique imposé à ces conventions n'était pas respecté. En d'autres termes, l'exécution de la convention de forfait pouvait être paralysée sans que sa validité originelle ne soit remise en cause. Un tel raisonnement paraissait ne pouvoir être transposé à l'hypothèse d'une insuffisance des dispositions conventionnelles.

En effet, dans ce cas de figure, c'est la validité même des conventions individuelles de forfait qui paraît atteinte : l'une des conditions initiales, consistant à l'existence d'un accord collectif garantissant la protection du droit au repos et à la santé faisant défaut, c'est la nullité de la convention de forfait subséquemment conclue qui semblait s'imposer (19). Depuis longtemps déjà, la Chambre sociale contrôle strictement le contenu des conventions et accords collectifs prévoyant la possibilité de conclure une convention de forfait en jours (20). Elle n'a, malgré tout, jamais affirmé très précisément quelle sanction encourraient les conventions individuelles conclues en application d'un accord collectif insuffisant. Quoiqu'il soit probable qu'en pratique, les conséquences ne divergent pas trop, il nous semble qu'il aurait été plus rigoureux de préférer la nullité à l'inefficacité d'une convention qui, par hypothèse, n'aurait même pas dû être conclue faute qu'une condition de validité soit réunie.


(1) Cass. soc., 29 juin 2011, n° 09-71.107, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A5499HU9) et nos obs., Forfaits-jours : compromis à la française !, Lexbase Hebdo n° 447 du 7 juillet 2011 - édition sociale (N° Lexbase : N6810BSZ) ; D. act., 19 juillet 2011, obs. L. Perrin ; RDT, 2011, p. 474, B. Van Craeynest et P. Masson ; ibid., p. 481, chr. M.-F. Mazars, S. Laulom et C. Dejours ; JCP éd. S, 2011, 1332, J.-F. Akandji-Kombé ; ibid., 1333, note M. Morand ; RJS, 2011, p. 587, chron. F. Favennec-Héry ; SSL, 2011, n° 1499, p. 11, note M.-F. Mazars et Ph. Flores.
(2) Alinéa 11 du Préambule de la Constitution de 1946 (N° Lexbase : L1356A94) et, surtout, Cons. const., décision n° 2005-523 DC du 29 juillet 2005, Loi en faveur des petites et moyennes entreprise (N° Lexbase : A1644DK4), cons. 6.
(3) CEDS, 12 octobre 2004, RJS, 2005, p. 512, obs. J.-Ph. Lhernould ; CEDS, 23 juin 2010, Réclamation n° 55/2009. Pour un bilan de la question, v. J.-F. Akandji-Kombé, Réflexions sur l'efficacité de la Charte sociale européenne : à propos de la décision du Comité européen des droits sociaux du 23 juin 2010, RDT, 2011, p. 233 ; S. Laulom, L'enchevêtrement des sources internationales du droit du travail : à propos des décisions du Comité européen des droits sociaux du 23 juin 2010, RDT, 2011 p. 298 ; M. Miné, Le droit du temps de travail à la lumière de la Charte sociale européenne, SSL, 2011, n° 1475, p. 7.
(4) V. en part. les articles 151 (N° Lexbase : L2453IPK) et 153 (N° Lexbase : L2455IPM) du Traité sur le fonctionnement de l'UE, l'article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'UE (N° Lexbase : L8117ANX] ainsi que les Directives 93/104 (Directive (CE) 93/104 du 23 novembre 1993, concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail N° Lexbase : L7793AU8) et 2003/88 (Directive (CE) n° 2003/88 du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail N° Lexbase : L5806DLM) visées par l'arrêt sous examen.
(5) M.-F. Mazars, Ph. Flores, préc..
(6) C. trav., art. L. 3121-38 (N° Lexbase : L3861IBM) et L. 3121-40 (N° Lexbase : L3883IBG). Adde, rendu le même jour que l'affaire sous examen, Cass. soc., 31 janvier 2012, n° 10-17.593, FS-P+B (N° Lexbase : A8793IBB).
(7) Ces dispositions figurent désormais, dans une formulation légèrement différente, à l'article L. 3121-39 du Code du travail (N° Lexbase : L3942IBM) qui dispose que "cet accord collectif préalable détermine les catégories de salariés susceptibles de conclure une convention individuelle de forfait, ainsi que la durée annuelle du travail à partir de laquelle le forfait est établi, et fixe les caractéristiques principales de ces conventions". Sous l'empire de la loi applicable à l'espèce, v. également Cass. soc., n° 05-14.685, FS-P+B (N° Lexbase : A9034DSE).
(8) Même si certains auteurs considéraient que le contenu de l'accord collectif pouvait être attaqué devant la juridiction de renvoi, v. J.-F. Akandji-Kombé, préc..
(9) Cass. soc., 13 janvier 2010, n° 08-43.201, FS-P+B (N° Lexbase : A3058EQC) ; JCP éd. S, 2010, 1101, note F. Dumont.
(10) L'hypothèse que cette question soit rapidement présentée à la chambre sociale avait déjà été soulevée par un observateur de l'arrêt du 29 juin 2011, v. J.-F. Akandji-Kombé, préc..
(11) Visa des articles 151 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne se référant à la Charte sociale européenne et à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs et L. 212-15-3 ancien du Code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, interprété à la lumière de l'article 17, paragraphes 1 et 4 de la Directive 93/104 CE du Conseil du 23 novembre 1993, des articles 17, paragraphe 1, et 19 de la Directive 2003/88 CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 et de l'article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.
(12) Contrairement à l'arrêt du 29 juin 2011, l'alinéa 11 du Préambule de la Constitution de 1946 n'a pas été visé au soutien de cette exigence constitutionnelle.
(13) V. nos obs., Forfait-jours : compromis à la française !, préc.. Pour une justification du refus de soulever ce moyen d'office, fondée principalement sur l'absence d'invocabilité directe de la Charte sociale européenne, v. M.-F. Mazars, Ph. Flores, préc..
(14) Cass. soc., 29 juin 2011, préc..
(15) Cass. soc., 3 novembre 2011, n° 10-14.637, FS-P+B+R (N° Lexbase : A5251HZI) et nos obs., L'impossible mariage entre forfaits-jours et surclassement du salarié, Lexbase Hebdo n° 462 du 17 novembre 2011 - édition sociale ([LXB=N8738BS]) ; RDT, 2012, p. 42, obs. M. Véricel.
(16) V. les nombreuses propositions de la CGC qui pourraient, à l'avenir, garnir les conventions et accords collectifs permettant la conclusion de convention de forfait, B. Van Craeynest et Ph. Masson, préc..
(17) J.-F. Akandji-Kombé, préc..
(18) M.-F. Mazars, Ph. Flores, préc..
(19) En faveur de l'annulation, v. S. Laulom, préc..
(20) Cass. soc., 31 octobre 2007, n° 06-43.876, FS-P+B+R (N° Lexbase : A2447DZN) et les obs. de G. Auzero, Le forfait jours sous la surveillance de la Cour de cassation, Lexbase Hebdo n° 281 du 15 novembre 2007 - édition sociale (N° Lexbase : N0155BD4). Adde. H. Gosselin, Le contrôle du juge sur le forfait-jours, SSL, 2007, n° 1327 ; D., 2007, AJ, p. 2876, obs. L. Perrin ; RDT, 2008, p. 110, obs. M. Véricel.

Décision

Cass. soc., 31 janvier 2012, n° 10-19.807, FS-P+B+R (N° Lexbase : A8942IBS)

Cassation partielle, CA Chambéry, ch. soc., 30 septembre 2008

Textes visés : Traité sur le fonctionnement de l'UE, art. 151 (N° Lexbase : L3625IEY) se référant à la Charte sociale européenne et à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs ; C. trav., art. L. 212-15-3 ancien (N° Lexbase : L7755HBT) interprété à la lumière de la Directive 93/104 CE du Conseil du 23 novembre 1993, art. 17 §1 et 4 (N° Lexbase : L7793AU8), de la Directive 2003/88 CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003, art. 17§1 et 19 (N° Lexbase : L5806DLM) et de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, art. 31 (N° Lexbase : L8117ANX).

Mots-clés : conventions de forfait en jours, convention collective, droit à la protection de la santé et de la sécurité des salariés, sanction, inefficacité

Liens base : (N° Lexbase : E0542ETA)

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Voies d'exécution

[Jurisprudence] Conséquences en France de l'altération du caractère exécutoire d'une décision de justice allemande certifiée en tant que titre exécutoire européen

Réf. : Cass. civ. 2, 6 janvier 2012, n° 10-23.518, F-P+B (N° Lexbase : A0300H9Y)

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N0282BTM

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par Guillaume Payan, Maître de conférences à l'Université du Maine

Le 16 Février 2012

Le certificat de titre exécutoire européen, visé dans le Règlement européen (CE) n° 805/2004 du 21 avril 2004 (N° Lexbase : L1994DYI), ne produit ses effets que dans les limites de la force exécutoire de la décision de justice certifiée. En cas d'altération de cette force exécutoire, la mesure d'exécution forcée pratiquée sur la base de cette décision de justice n'a plus de fondement juridique et sa mainlevée peut être ordonnée. Telle est la solution qui se dégage d'un arrêt rendu le 6 janvier 2012 par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation. A l'instar du Règlement (CE) n° 44/2001 du 22 décembre 2000 dit "Bruxelles I" (N° Lexbase : L7541A8S) (1), le Règlement (CE) n° 805/2004 du 21 avril 2004, portant création d'un titre exécutoire européen pour les créances incontestées (2), permet l'exécution d'un titre exécutoire dans un Etat membre différent de celui dans lequel il a été obtenu. En somme, il organise la circulation des titres exécutoires -décisions de justice, transactions judiciaires et actes authentiques- entre les Etats membres de l'Union européenne. Ce règlement se distingue toutefois du Règlement "Bruxelles I" en supprimant toutes "mesures intermédiaires", dans l'Etat membre d'exécution, préalables à la reconnaissance et à l'exécution desdits titres exécutoires. En effet, de façon assez originale, ce règlement subordonne la circulation transfrontière d'un titre à la délivrance, dans l'Etat membre d'origine, par la "juridiction d'origine" (3), d'un certificat de titre exécutoire européen. La délivrance de ce certificat est alors soumise à différentes conditions énumérées dans le règlement (4). Ainsi, par exemple, pour être certifiée en tant que titre exécutoire européen, une décision de justice relative à une créance "incontestée" -telle que définie à l'article 3, § 1, point b) ou c) du Règlement (5) - doit être exécutoire dans l'Etat membre d'origine. Elle doit également avoir été obtenue à l'issue d'une procédure judiciaire respectant les "normes minimales" visées dans le chapitre III de ce Règlement (6) et ne pas être incompatible avec certaines règles de compétence (7) définies par le Règlement (CE) n° 44/2001. Il est, en outre, exigé que la décision ait été rendue dans l'Etat membre du domicile du débiteur, si la créance se rapporte à un contrat conclu par un consommateur et si le débiteur est consommateur.

Le Règlement (CE) n° 805/2004 a abondamment été commenté (8) et constitue sans doute l'un des instruments européens, adoptés dans le domaine de la coopération judiciaire civile (9), qui a été le plus critiqués par la doctrine européenne (10). On lui reproche principalement sa complexité ainsi que le caractère peu protecteur des "normes minimales de procédure" au respect desquelles la -libre- circulation transfrontière des décisions de justice est subordonnée. Par ailleurs, souffrant sans doute de la "concurrence" d'autres Règlements européens ayant un objet similaire (11), ce Règlement demeure peu utilisé en France. En conséquence, la jurisprudence le concernant est, à ce jour, peu abondante. C'est donc avec grand intérêt que l'on peut se pencher sur l'une des premières affaires, relatives à la mise en oeuvre de ce règlement, soumises à la Cour de cassation.

L'affaire qui a donné lieu à l'arrêt -de rejet- de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, en date du 6 janvier 2012, est somme toute assez banale. Il s'agit d'un litige entre deux ex-époux, respectivement domiciliés en Allemagne et en France, relatif au paiement d'arriérés de pensions alimentaires. Ce litige, qui s'est déroulé parallèlement dans ces deux Etats membres, a néanmoins engendré, pour sa résolution, l'intervention de six juridictions différentes.

En octobre 2005, le tribunal d'instance de Stuttgart prononce, à la demande de l'ex-épouse (ci-après, la requérante), une ordonnance d'injonction de payer à l'encontre de son ex-mari. Le patrimoine de ce dernier se situant en France, la requérante demande à cette même juridiction -et obtient en janvier 2006- la certification de cette décision de justice exécutoire en titre exécutoire européen. Sur le fondement de ce titre exécutoire européen, elle fait pratiquer, en France, en décembre 2006, une saisie-attribution sur les comptes ouverts au nom de son ex-époux et fait procéder à l'inscription d'une hypothèque judiciaire sur un bien immobilier lui appartenant. En réaction, ce dernier va organiser sa défense en Allemagne, comme en France.

En Allemagne, il fait opposition à l'injonction de payer servant de base au titre exécutoire européen et obtient, du tribunal de première instance de Konstanz, en octobre 2007, la remise en cause de l'ordonnance d'injonction de payer. Cette solution passe en force de chose jugée en août 2008, la requérante ayant, entre temps, sans succès, interjeté appel de cette décision auprès de la cour d'appel de Karlsruhe (12).

Parallèlement, en France, il saisit un juge de l'exécution d'une demande de mainlevée des mesures prises à son encontre. Après avoir, dans un premier temps, sursis à statuer de ces demandes dans l'attente de l'issue de la procédure introduite -par l'ex-mari- devant la Cour d'appel de Karlsruhe, le juge de l'exécution saisi a, dans un second temps, ordonné notamment la mainlevée de la saisie-attribution et condamné la requérante à restituer à son ex-mari une somme d'argent au titre des intérêts au taux légal sur les sommes ayant fait l'objet de ladite saisie-attribution. La requérante a alors interjeté appel de cette décision devant la cour d'appel de Caen et a été déboutée dans un arrêt du 23 mars 2010. Elle s'est alors pourvue en cassation en développant trois moyens.

A vrai dire, les trois moyens développés par la requérante à l'encontre de l'arrêt attaqué sont d'inégale importance au regard de l'application du Règlement (CE) n° 805/2004. C'est la raison pour laquelle seul le premier moyen sera évoqué ici (13). Ce moyen concerne les effets du certificat de titre exécutoire européen au regard de l'"actualité exécutoire" (14) de la décision de justice certifiée.

La requérante fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir ordonné -selon elle, en violation des articles 6 et 10 du Règlement (CE) n° 805/2004 (15)- la mainlevée de la saisie-attribution pratiquée, en France, sur les comptes ouverts au nom de son ex-époux. Elle estime, en effet, que le juge de l'exécution n'était pas compétent pour connaître des contestations relatives au titre exécutoire européen litigieux. Plus précisément, elle prend appui sur l'article 6, § 2 du Règlement (CE) n° 805/2004, selon lequel "lorsqu'une décision certifiée en tant que titre exécutoire européen a cessé d'être exécutoire ou que son caractère exécutoire a été suspendu ou limité, un certificat indiquant la suspension ou la limitation de la force exécutoire est délivré, sur demande adressée à tout moment à la juridiction d'origine, au moyen d'un formulaire type figurant [en annexe du Règlement]" (16) et constate que cela n'a pas été le cas en l'espèce, le tribunal d'instance de Stuttgart n'ayant pas délivré un tel certificat mentionnant la suspension ou la limitation de la force exécutoire de l'ordonnance portant injonction de payer qu'il avait prononcé en octobre 2005. Après avoir repris à son compte la règle posée dans l'article 11 du Règlement (CE) n° 805/2004 suivant laquelle le "certificat de titre exécutoire européen ne produit ses effets que dans la limite de la force exécutoire de la décision", elle en déduit que le titre exécutoire européen litigieux a continué à produire ses effets.

La Cour de cassation rappelle, à son tour, la règle posée dans l'article 11 du Règlement (CE) n° 805/2004, mais pour parvenir à la solution opposée et rejeter le pourvoi. Selon la Cour de cassation, en effet, la cour d'appel de Caen a ordonné, à bon droit, la mainlevée de la saisie-attribution, dès lors qu'elle a relevé qu'une décision passée en force de chose jugée du tribunal de première instance de Konstanz d'octobre 2007 "avait annulé le mandat d'exécution européen du tribunal d'instance de Stuttgart homologué en titre exécutoire européen le 24 janvier 2006 par ce même tribunal" et "retenu exactement que, conformément à l'article 11 du Règlement européen n° 805/2004, le certificat de titre exécutoire européen ne produisait ses effets que dans la limite de la force exécutoire de la décision dont la cour d'appel de Karlsruhe avait certifié dans son arrêt du 12 août 2008 qu'elle n'était plus exécutoire, de sorte que la saisie-attribution n'avait plus de fondement juridique".

On le voit, dans cette décision, la Cour de cassation paraît retenir une interprétation extensive de la notion de "juridiction d'origine" visée dans l'article 6, § 2, du Règlement (CE) n° 805/2004, en admettant que la cour d'appel de Karlsruhe -et non le tribunal de première instance de Konstanz- avait rempli la formalité prévue par cet article. L'essentiel était-il sans doute d'éviter qu'une mesure d'exécution forcée, qui n'a plus de fondement juridique, puisse continuer à produire ses effets.


(1) JOUE n° L 12, 16 janvier 2001. Ce Règlement, on le sait, est sur le point d'être refondu. Sur ce point, voir notamment, la proposition de Règlement du Parlement européen et du Conseil concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale (Refonte), COM(2010) 748 final, du 14 décembre 2010.
(2) JOUE n° L 143, 30 avril 2004, p. 15.
(3) Règlement (CE) n° 805/2004, spéc. art. 6.
(4) Voir spéc. les articles 6 (pour les décisions judiciaires), 24 (pour les transactions judiciaires) et 25 (pour les actes authentiques) de ce Règlement.
(5) Selon ces dispositions, une créance est réputée incontestée "si le débiteur ne s'y est jamais opposé, conformément aux règles de procédure de l'Etat membre d'origine, au cours de la procédure judiciaire" ou "si le débiteur n'a pas comparu ou ne s'est pas fait représenter lors d'une audience relative à cette créance après l'avoir initialement contestée au cours de la procédure judiciaire, pour autant que sa conduite soit assimilable à une reconnaissance tacite de la créance ou des faits invoqués par le créancier en vertu du droit de l'Etat membre d'origine".
(6) Règlement (CE) n° 805/2004, spéc. art. 12 à 19. Ces normes minimales ont trait à la notification et au contenu de l'acte introductif d'instance.
(7) Il s'agit des règles incluses dans les sections 3 et 6 du chapitre II du Règlement (CE) n° 44/2001, consacrées à la compétence en matière d'assurances et aux compétences exclusives.
(8) Voir par ex. J.-F. van Drooghenbroeck et S. Brijs, Un titre exécutoire européen, Larcier, Les dossiers du journal des tribunaux n° 53, 2006, p. 360.
(9) Domaine aujourd'hui défini par l'article 81 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (N° Lexbase : L2733IPW).
(10) Voir, par ex., Union internationale des huissiers de justice, Le titre exécutoire européen, Institut de droit international judiciaire privé et de droit de l'exécution (IDJPEX), Juris-Union n°1, novembre 2007, 70 p. ou encore F. Ferrand, Le titre exécutoire européen ou les possibles tensions entre jugement sans frontières et procès équitable, in Mélanges en l'honneur de Mariel Revillard, Defrénois, 2007, p. 107.
(11) Il s'agit principalement du Règlement (CE) n° 44/2001 précité du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions de justice en matière civile et commerciale ; du Règlement (CE) n° 1896/2006 du 12 décembre 2006 instituant une procédure européenne d'injonction de payer (N° Lexbase : L1426IRA ; JOUE n° L 399, 30 décembre 2006, p. 1) et du Règlement (CE) n° 861/2007 du 11 juillet 2007 instituant une procédure européenne pour le règlement des petits litiges (N° Lexbase : L1110HYR, JOUE n° L 199, 31 juillet 2007, p. 1).
(12) Notons que cette cour d'appel est intervenue à deux reprises dans cette affaire. Tout d'abord, en juin 2008, pour rejeter l'appel formé, par l'ex-épouse, à l'encontre du jugement du tribunal de Konstanz du 25 octobre 2007 et, ensuite, en août 2008, pour rejeter l'opposition formée par cette même personne à l'encontre de son arrêt de juin 2008 pour un prétendu non-respect du droit d'être entendu par le juge.
(13) Dans le deuxième moyen, la requérante arguait de l'existence d'un "mandat apparent" (entre l'ex-époux et son notaire, à propos de la demande faite à la requérante de donner mainlevée de l'inscription d'hypothèque judiciaire contre paiement du solde du prix de vente de la propriété concernée) afin de conserver certaines sommes d'argent remises par son ex-mari. Dans le troisième moyen, la requérante contestait l'existence d'un abus de droit d'agir en justice et, partant, contestait le paiement de dommages et intérêts au profit de son ex-époux. Néanmoins, aucun des arguments avancés par la requérante ne sera couronné de succès. S'agissant de l'abus du droit d'agir en justice, la Cour de cassation indique que la cour d'appel de Caen a "suffisamment caractérisé le comportement fautif" de la requérante, justifiant sa condamnation à des dommages-intérêts, en relevant qu'elle "avait maintenu sa procédure d'appel alors même qu'elle savait [...] qu'elle ne disposait plus d'un titre exécutoire définitif justifiant la mesure de saisie-attribution et qu'elle ne pouvait raisonnablement croire que le versement opéré entre les mains de l'huissier de justice qu'elle avait mandaté pour inscrire une hypothèque judiciaire constituait, en l'état des contestations de sa dette soulevées par [son ex-époux] devant les juridictions allemandes, un paiement volontaire".
(14) Expression empruntée à J.-F. van Drooghenbroeck et S. Brijs, Un titre exécutoire européen, préc., p. 117.
(15) L'article 6 du Règlement précise les conditions de la certification en tant que titre exécutoire européen, alors que l'article 10 de ce même Règlement concerne la rectification ou le retrait du certificat de titre exécutoire européen.
(16) Par hypothèse, ce certificat devant ensuite être présenté aux juridictions compétentes de l'Etat membre d'exécution afin que ces dernières en tirent les conséquences quant aux mesures d'exécution d'ores et déjà pratiquées ou en cours sur le fondement de la décision de justice qui avait été certifiée en tant que titre exécutoire européen.

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