La lettre juridique n°795 du 19 septembre 2019

La lettre juridique - Édition n°795

Avocats

[Brèves] Création d’un nouvel article 16-1 dans le RIN sur les groupements transnationaux entre avocats français et avocats étrangers

Réf. : Décision du 26 août 2019, portant réforme du règlement intérieur national (RIN) de la profession d'avocat (art. 21-1 de la loi du 31 décembre 1971 modifiée) (N° Lexbase : Z793398S)

Lecture: 2 min

N0309BY4

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par Marie Le Guerroué

Le 18 Septembre 2019

► A été publié au Journal officiel du 12 septembre la décision du 26 août 2019, portant réforme du règlement intérieur national (RIN) (N° Lexbase : L4063IP8) de la profession d'avocat (N° Lexbase : Z793398S).

La décision à caractère normatif n° 2019-003 avait été adoptée par l’assemblée générale du Conseil national des barreaux des 5 et 6 juillet dernier. Désormais, après l'article 16 du RIN, est inséré un nouvel article 16-1 ainsi rédigé :

«Art. 16-1. - Groupements transnationaux entre avocats français et avocats étrangers.

«Tout avocat ou toute structure d'exercice de la profession d'avocat, régulièrement inscrit auprès d'un barreau français, peut conclure avec des avocats, personnes physiques ou morales, régulièrement inscrits auprès d'un barreau étranger, des conventions de groupements transnationaux. Une convention de groupement transnational a pour objet d'organiser des liens de partenariat ou de correspondance privilégiée entre différents cabinets français et étrangers.

«L'avocat qui entend conclure une convention de groupement transnational doit en faire préalablement la déclaration à l'Ordre auprès duquel il est inscrit, par lettre ou courriel adressée au Bâtonnier.

«Les avocats signataires d'une convention de groupement transnational qui ne sont pas établis en France doivent, pour toutes leurs prestations de service utilisées en France, respecter les dispositions du RIN et les règles professionnelles applicables à la profession d'avocat en France.

«Les avocats français signataires de conventions transnationales peuvent faire mention de l'existence de telles conventions sur les documents destinés à leur communication.

Les avocats qui déclarent une convention de groupement transnational prennent de ce fait l'engagement de fournir spontanément au conseil de l'Ordre du barreau auprès duquel ils sont inscrits toute information sur les modifications qui pourraient être apportées à la convention de groupement transnational.

«Sauf dispositions légales ou réglementaires contraires, la participation de capitaux extérieurs à la profession est prohibée, de même que tout contrôle direct ou indirect de l'exercice professionnel par des personnes physiques ou morales exerçant en France ou à l'étranger et n'appartenant pas à la profession d'avocat.

«Une telle convention ne peut comporter des dispositions qui permettraient de l'assimiler à une structure d'exercice, à une structure de moyens ou à la mise en place d'un bureau secondaire».

newsid:470309

Bancaire

[Brèves] Impossibilité de subordonner le paiement par prélèvement SEPA à une condition de domicile sur le territoire national

Réf. : CJUE, 5 septembre 2019, aff. C-28/18 (N° Lexbase : A3892ZM4)

Lecture: 3 min

N0244BYP

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par Vincent Téchené

Le 26 Septembre 2019

► Le Règlement sur les virements et prélèvements en euros (Règlement n° 260/2012 du 14 mars 2012 N° Lexbase : L7198ISE) s’oppose à une clause contractuelle qui exclut le paiement par le schéma de prélèvement SEPA lorsque le payeur n’a pas son domicile dans le même Etat membre que celui dans lequel le bénéficiaire a établi le siège de ses activités.

Tel est le sens d’un arrêt rendu par la CJUE le 5 septembre 2019 (CJUE, 5 septembre 2019, aff. C-28/18 N° Lexbase : A3892ZM4).

 

En l’espèce, une association autrichienne pour l’information des consommateurs, conteste devant les juridictions autrichiennes une clause insérée dans les conditions générales de transport de l’entreprise ferroviaire allemande Deutsche Bahn, selon laquelle les billets réservés sur le site internet de Deutsche Bahn ne peuvent être payés par le schéma de prélèvement SEPA qu’à la condition de disposer d’un domicile en Allemagne. L’Oberster Gerichtshof (Cour suprême autrichienne), saisi de l’affaire, a donc demandé à la Cour de justice si une telle clause contractuelle est contraire au droit de l’Union.

 

Enonçant la solution précitée, la CJUE y répond par l’affirmative. En effet, selon la Cour, les consommateurs disposant le plus souvent d’un compte de paiement dans l’Etat membre dans lequel ils ont leur domicile, l’exigence d’un domicile sur le territoire national revient indirectement à désigner l’Etat membre dans lequel le compte de paiement doit être situé, ce qui est explicitement interdit par le Règlement au bénéficiaire d’un prélèvement. Par cette interdiction, le Règlement vise à permettre aux consommateurs d’utiliser, aux fins d’un paiement par prélèvement, un seul et même compte de paiement pour toute opération effectuée au sein de l’Union, réduisant ainsi les coûts liés au maintien de plusieurs comptes de paiement.

Il est sans pertinence, à cet égard, ajoute la Cour, que le consommateur puisse utiliser des méthodes de paiement alternatives, par exemple, par carte de crédit, par PayPal ou par virement bancaire instantané. Si les bénéficiaires de paiement restent libres d’offrir ou non aux payeurs la possibilité de procéder à des paiements par le schéma de prélèvement SEPA, contrairement à ce que soutient Deutsche Bahn, lorsqu’une telle possibilité est offerte, ils ne peuvent subordonner l’utilisation de cette méthode de paiement à des conditions qui porteraient atteinte à l’effet utile de l’interdiction d’imposer que le compte du payeur soir situé dans un Etat membre déterminé. Par ailleurs, rien n’empêche un bénéficiaire de réduire les risques d’abus ou de défaut de paiement en prévoyant, par exemple, que la livraison ou l’impression des billets ne soit possible qu’après le moment où il a reçu la confirmation de l’encaissement effectif du paiement.

newsid:470244

Bancaire

[Brèves] Rupture de crédit à durée indéterminée : portée de la faute du banquier sur le régime de l’article L. 313-12 du Code monétaire et financier

Réf. : Cass. com., 11 septembre 2019, n° 17-26.594, FS-P+B (N° Lexbase : A4683ZNR)

Lecture: 5 min

N0333BYY

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par Jérôme Lasserre Capdeville

Le 18 Septembre 2019

► L’éventuel manquement de l’établissement de crédit à son obligation de vérifier que le déposant était le bénéficiaire des chèques ne le prive pas de la faculté, qu’il tient de l’article L. 313-12 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L2507IX7), de rompre sans préavis les concours accordés en cas de comportement gravement répréhensible du bénéficiaire du crédit ou au cas où la situation de ce dernier s’avérerait irrémédiablement compromise.

Tel est l’enseignement d’un arrêt de la Cour de cassation du 11 septembre 2019 (Cass. com., 11 septembre 2019, n° 17-26.594, FS-P+B N° Lexbase : A4683ZNR).

La banque A avait consenti plusieurs prêts à M. X et à son épouse, ainsi que des ouvertures de crédit. Par acte notarié du 7 juin 2010, ces derniers avaient apporté à la SCI D. un immeuble sur lequel ils avaient consenti à la banque une promesse d’hypothèque en garantie du remboursement de certains prêts. Par une lettre du 24 avril 2012, la banque leur avait notifié l’interruption de tous ses concours en invoquant le comportement gravement répréhensible de M. X, puis les avait assignés en paiement. Elle avait également demandé que l’apport immobilier lui soit déclaré inopposable pour fraude paulienne. M. et Mme X avaient, quant à eux, recherché la responsabilité de la banque.

Or, la cour d’appel de Colmar ne leur ayant pas donné raison, les époux avaient formé un pourvoi en cassation. Leur premier moyen présente un intérêt pour le droit bancaire.

Ils rappelaient qu’en vertu de l’article L. 313-12 du Code monétaire et financier tout concours à durée indéterminée autre qu’occasionnel qu’un établissement de crédit consent à une entreprise ne peut être réduit ou interrompu que sur notification écrite à l’expiration d’un délai de préavis qui ne peut sous peine de nullité de la rupture du concours être inférieur à soixante jours. Ils estimaient, en outre, que si, pour le même article, la banque est dispensée de respecter ce délai de préavis en cas de comportement gravement répréhensible imputable au bénéficiaire du crédit, «un tel comportement doit s’apprécier au regard du propre comportement de la banque». Or, la banque présentatrice chargée d’encaisser un chèque doit s’assurer de l’identité du déposant et vérifier qu’il en est bien le bénéficiaire. Dès lors, en imputant, en l’occurrence, à M. X un comportement gravement répréhensible pour avoir encaissé sur ses comptes des chèques dont les bénéficiaires étaient ses clients, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la banque n’avait pas elle-même manquée à ses obligations en s’abstenant de vérifier que le déposant était bien le bénéficiaire des chèques litigieux, la cour d’appel aurait privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 313-12 précité.

Ce moyen n’est cependant pas partagé par la Haute juridiction. Selon cette dernière, en effet, l’éventuel manquement de l’établissement de crédit à son obligation de vérifier que le déposant était le bénéficiaire des chèques «ne le prive pas de la faculté, qu’il tient de l’article L. 313-12 du Code monétaire et financier, de rompre sans préavis les concours accordés en cas de comportement gravement répréhensible du bénéficiaire du crédit ou au cas où la situation de ce dernier s’avérerait irrémédiablement compromise».

Cette solution emporte notre conviction. La faute du banquier teneur de compte ne saurait «neutraliser» la rupture de crédit permise par l’article L. 313-12 du code, du moment que le formalisme envisagé par ce dernier (notification de la rupture et respect d’un délai de préavis d’au moins 60 jours) a bien été respecté.

Or, tel était le cas en l’espèce : la présence d’un comportement gravement répréhensible de M. X permettait effectivement à la banque, en vertu de l’article précité, de se passer de la formalité relative au préavis (v. par ex., Cass. com., 13 décembre 2016, n° 14-17.410, F-D N° Lexbase : A2156SX7).

Pour autant, la décision des juges du fond n’échappait pas à la cassation.

D’une part, pour condamner M. et Mme X à payer à la banque une certaine somme au titre du solde débiteur d’un compte, les juges du fond avaient estimé que le couple n’avait pas soulevé de moyen de nature à remettre en cause les sommes réclamées par la banque à la suite de l’interruption de ses concours. Or, pour la Cour de cassation, en statuant de la sorte, sans répondre aux conclusions des époux X qui faisaient valoir que la banque ne produisait aucun document contractuel justifiant de l'existence de ce compte, la cour d'appel n’avait pas satisfait aux exigences de l’article 455 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L6565H7B).

D’autre part, pour déclarer irrecevable comme nouvelle en appel la demande de M. et Mme X tendant à la déchéance du droit aux intérêts des crédits aux consommateurs accordés, la cour d’appel avait retenu que les intéressés n’avaient jamais contesté la créance de la banque. Toutefois, pour la Haute juridiction, en statuant de la sorte, sans rechercher, comme elle y était invitée, si cette demande ne tendait pas à faire écarter, en les restreignant, les prétentions adverses, la cour d'appel avait privé sa décision de base légale (cf. l’Ouvrage «Droit bancaire» N° Lexbase : E2489AHN).

newsid:470333

Contrat de travail

[Brèves] Hypothèses de protection du travailleur temporaire conseiller du salarié

Réf. : Cass. soc., 11 septembre 2019, n° 18-12.293, FS-P+B (N° Lexbase : A4758ZNK)

Lecture: 3 min

N0361BYZ

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par Charlotte Moronval

Le 18 Septembre 2019

► Le travailleur temporaire, conseiller du salarié, est protégé en cas d'interruption ou de notification du non-renouvellement de sa mission lorsqu'un tel renouvellement est prévu au contrat de mission, ainsi que dans le cas où l'entreprise de travail temporaire lui a notifié sa décision de ne plus faire appel à lui par de nouveaux contrats de mission.

Telle est la solution dégagée par la Chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 11 septembre 2019 (Cass. soc., 11 septembre 2019, n° 18-12.293, FS-P+B N° Lexbase : A4758ZNK).

Un salarié est engagé par une entreprise de travail temporaire X et mis à disposition d’une société Y, par contrat de mission du 10 juin 2013, pour une période allant du 10 au 14 juin 2013 dans le cadre d'un accroissement temporaire d'activité. Ce salarié a, par lettre envoyée le 8 juin 2013 et reçue le 11 juin 2013, informé la société X de son statut de conseiller du salarié.

Le 12 juin 2013, la société X a demandé à l'inspecteur du travail de valider la fin de mission d'intérim et la mission d'intérim a pris fin le 14 juin 2013. Le 21 juin 2013, l'inspecteur du travail s'est déclaré incompétent pour statuer sur la demande d'autorisation, au double motif que le conseiller du salarié ne bénéficie pas du statut protecteur dans le cadre de missions de travail temporaire, et qu'en tout état de cause il n'y a pas lieu à intervention de l'inspecteur du travail pour une fin de mission. La décision de l'inspecteur du travail a été annulée sur recours hiérarchique par une décision du 18 décembre 2013, le ministre du Travail se déclarant cependant à son tour incompétent en raison de la rupture intervenue avant sa décision. Le salarié a donc saisi la juridiction prud'homale le 23 octobre 2014 en soutenant que la rupture de son contrat de mission est intervenue en violation du statut protecteur et pour obtenir paiement de dommages-intérêts à ce titre.

Pour faire droit à sa demande, la cour d’appel (CA Colmar, 19 décembre 2017, n° 16/02230 N° Lexbase : A2963W8A) retient que, sauf fraude, le conseiller du salarié travailleur temporaire est protégé non seulement en cas d'interruption ou de notification de non-renouvellement de mission mais également dans le cas où l'entreprise de travail temporaire décide de ne plus lui confier de mission. Dans le cas présent, l'intéressé avait avisé l'employeur dès le 8 juin de son statut de conseiller si bien qu'aucune fraude ne peut être caractérisée et qu'il s'ensuit que, faute d'autorisation administrative comme en l'espèce, l'absence de proposition de continuer à effectuer des missions s'analyse en une cessation du contrat de travail entachée de nullité.

Enonçant la solution susvisée, la Cour de cassation casse et annule l’arrêt de la cour d’appel. En effet, en statuant comme elle l’a fait, sans caractériser l'existence, soit d'une interruption du contrat de mission en cours, soit d'un refus de renouvellement de cette mission alors qu'un tel renouvellement avait été prévu au contrat, soit de la notification au salarié par l'entreprise de travail temporaire de sa décision de ne plus faire appel à lui par de nouveaux contrats de mission, la cour d'appel a violé les articles L. 2413-1 (N° Lexbase : L8549LGQ) et L. 2421-1 du Code du travail (sur La représentation du personnel dans l'entreprise de travail temporaire, cf. l’Ouvrage «Droit du travail» N° Lexbase : E7939EST).

newsid:470361

Copropriété

[Chronique] Chronique de droit de la copropriété - Jurisprudence des cours d’appel (juin 2019)

Réf. : CA Orléans, 3 juin 2019, n° 17/01851 (N° Lexbase : A0799ZDX) ; CA Versailles, 4ème ch., sect. 2, 5 juin 2019, n° 17/02191 (N° Lexbase : A3151ZD3) ; CA Paris, Pôle 1, 3ème ch., 5 juin 2019, n° 18/21025 (N° Lexbase : A3132ZDD) ; CA Rennes, 4ème ch., 6 juin 2019, n° 16/05307 (N° Lexbase : A5792ZDU) ; CA Paris, Pôle 4, 2ème ch., 19 juin 2019, n° 16/07824 (N° Lexbase : A4852ZKW) ; CA Rennes, 4ème ch., 27 juin 2019, n° 16/06123 (N° Lexbase : A8605ZGS)

Lecture: 23 min

N0387BYY

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par Pierre-Edouard Lagraulet, Docteur en droit

Le 18 Septembre 2019

Lexbase Hebdo - édition privée vous propose, cette semaine, de retrouver la chronique de droit de la copropriété de Pierre-Edouard Lagraulet, docteur en droit. L’auteur revient, en premier lieu, sur un arrêt rendu le 3 juin par la cour d’appel d’Orléans relatif aux travaux en copropriété et à l’obligation potentielle d’obtenir préalablement une autorisation administrative (CA Orléans, 3 juin 2019, n° 17/01851). C’est, ensuite, un arrêt de la cour d’appel de Versailles, du 5 juin 2019, qui a retenu l’attention de l’auteur sur les frais dits nécessaires en matière de recouvrement de charges de copropriété (CA Versailles, 4ème ch., sect. 2, 5 juin 2019, n° 17/02191). L’auteur s’intéresse, également, à un arrêt de la cour d’appel de Paris du même jour relatif à l’utilité de la procédure de référé d’heure à heure en matière de copropriété (CA Paris, Pôle 1, 3ème ch., 5 juin 2019, n° 18/21025) et à un arrêt de la cour d’appel de Rennes relatif à la distinction entre parties communes et privatives (CA Rennes, 4ème ch., 6 juin 2019, n° 16/05307). Enfin, il sera proposé un rappel sur la non-application des clauses réputées non écrites (CA Paris, Pôle 4, 2ème ch., 19 juin 2019, n° 16/07824) et sur l’obligation de contribuer aux charges de copropriété d’un lot transitoire (CA Rennes, 4ème ch., 27 juin 2019, n° 16/06123).

1. Les autorisations administratives en vue des travaux en copropriété (CA Orléans, 3 juin 2019, n° 17/01851 N° Lexbase : A0799ZDX)

 

Un marchand de biens cède deux lots à aménager dans un immeuble mis en copropriété. Les acquéreurs procèdent à leur aménagement en abattant des cloisons et procédant à une ouverture sur une façade de l’immeuble. Un copropriétaire les assigne en référé pour non-respect des règles d’urbanisme et du règlement de copropriété afin de voir ordonner la remise en état du plateau. La demande est rejetée par le juge des référés car la demande ne tendait pas à prévenir un risque imminent et qu’il existait des contestations sérieuses. Le copropriétaire demandeur interjette, alors, appel devant la cour d’Orléans qui rappelle, dans un premier temps, fort utilement, que l’existence d’une contestation sérieuse n’interdit pas au juge des référés d’ordonner des mesures conservatoires ou de remises en état, pour faire cesser un trouble manifestement illicite ou prévenir un dommage imminent soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite sur le fondement de l’article 809 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L0696H4K) [1]. La Cour rappelle, également, tout aussi utilement, que l’article 15 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 (N° Lexbase : L4808AHK) autorise tout copropriétaire à exercer seul les actions concernant la propriété ou la jouissance de son lot, et qu’à ce titre l’action d’un copropriétaire aux fins de la remise en état de l’immeuble est recevable [2]. La Cour relève, en outre, que les travaux, s’ils n’avaient pas été préalablement autorisés, conformément aux stipulations du règlement de copropriété, ont été valablement ratifiés par l’assemblée générale [3]. Il importait donc peu, par la suite, que la mairie se soit opposée à leur réalisation. Le copropriétaire demandeur ne justifiant pas d’un préjudice résultant de ces travaux, elle n’était pas fondée à invoquer l’absence d’autorisation administrative puisque ceux-ci, portant sur des parties communes, avaient été valablement ratifiés par l’assemblée générale.

 

Le droit de la copropriété, les syndics le rappellent souvent aux copropriétaires, est une réalité parallèle à celle du droit de l’urbanisme dès lors que le règlement de copropriété ne s’en saisit pas. Il en va ainsi, par exemple, lorsqu’un immeuble autorise l’activité de location saisonnière. Peu importe alors que la mairie ait refusé, lorsque le règlement municipal le prévoit, l’autorisation d’exercer cette activité. Aucun copropriétaire ne pourra faire interdire l’activité sur ce fondement puisque le règlement de copropriété, auquel il adhère [4] l’autorise. Si le syndicat des copropriétaires -et ses membres- souhaite bénéficier -mais aussi, peut-être se restreindre- des règles d’urbanisme, il faut alors faire procéder à l’introduction d’une clause dans le règlement de copropriété.

 

👉 Conseils pratiques

Les conseils ont tout intérêt à bien distinguer les sources sur lesquelles ils motivent les demandes et à s’interroger sur leur invocabilité par les copropriétaires. A défaut, comme en l’espèce, la demande de leurs clients sera rejetée.

En amont, les syndics, pour leur part, veilleront à bien distinguer le droit de la copropriété de l’urbanisme et à se référer au règlement de copropriété. Ils pourront également introduire, dans les résolutions autorisant ou ratifiant les travaux, proposer de recevoir l’engagement du copropriétaire demandeur de justifier des autorisations administratives avant d’engager les travaux.

 

2. Les frais nécessaires en matière de recouvrement des charges (CA Versailles, 4ème ch., sect. 2, 5 juin 2019, n° 17/02191 N° Lexbase : A3151ZD3 ; cf. l’Ouvrage «Droit de la copropriété», La charge des dépenses exposées par le syndicat des copropriétaires pour le recouvrement des charges de copropriété N° Lexbase : E8068ETY)

 

Un syndicat de copropriétaires assigne un copropriétaire débiteur en paiement des charges. Débouté en première instance, le syndicat interjette appel devant la cour d’appel de Versailles et sollicite sa condamnation, des charges impayées ainsi que des «frais nécessaires». La jurisprudence sur cette question est abondante et l’arrêt a le mérite de mettre en exergue une problématique connue des habitués du prétoire.

Si la Cour rappelle très justement que l’ensemble des charges doit être justifié, par les procès-verbaux, appels de fonds, contrat de syndic, etc., ce qui était le cas en espèce, la solution retenue est critiquable car contraire aux dispositions du décret relatif aux frais imputables au copropriété débiteur. En effet, la Cour précise que les frais nécessaires, visés par l’article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965 (N° Lexbase : L5204A37) ne le sont que lorsqu’ils résultent de «diligences efficientes qui marquent une étape indispensable dans le processus de recouvrement, comme la mise en demeure, prélude obligé à l'article 19-1 de la loi ou au cours des intérêts». En conséquence, selon la Cour, ne relèvent pas des dispositions de l'article 10-1 précité́, les frais de suivi de procédure, les honoraires du syndic pour transmission du dossier à l'huissier ou à l'avocat, qui font partie des frais d'administration courante entrant dans la mission de base de tout syndic et répartis entre tous les copropriétaires au prorata des tantièmes. Il en résulte que sur les 5 081,83 euros demandés, le copropriétaire débiteur ne sera condamné qu’au paiement de 846,40 euros correspondant pour 816,40 euros aux charges de copropriété (appels provisionnels et appels pour travaux) et 30 euros au titre de la relance qui avait été seule considérée comme nécessaire.

S’il est vrai que les relances postérieures à l’assignation sont tout à fait inutiles et que les frais en résultant méritent d’être écartés, ce raisonnement est tout à fait critiquable puisque l’article 10-1 vise «notamment» certains frais. En conséquence, la liste n’est pas limitative. Elle est d’ailleurs utilement complétée par celle inscrite au contrat de syndic, fixé par le décret n° 2015-342 du 26 mars 2015 (N° Lexbase : L2475I88), qui définit en son article 9.1 les frais de recouvrement dont le coût est «imputable au seul copropriétaire concerné et non au syndicat des copropriétaires qui ne peut être tenu d'aucune somme à ce titre». Cette liste vise l’ensemble des honoraires du syndic dont ceux de mise en demeure, mais également de constitution du dossier transmis à l’auxiliaire de justice ainsi que le suivi du dossier transmis à l’avocat. La cour a donc ici violé les dispositions légales et l’arrêt encourt, selon nous, la cassation selon ce motif.

Au contraire, la cour rappelle à juste titre que les frais d'assignation en justice, qui font l'objet des dépens de l'instance, et les frais d'avocat, qui sont arbitrés dans le cadre de l'article 700 du Code de procédure civile, n’entrent pas dans le champ des «frais nécessaires» [5]. Ces frais ne peuvent en conséquence être intégrés dans la dette du copropriétaire. Elle est celle du syndicat des copropriétaires et ne peut être recouvrée en tant que «frais nécessaires». Toutefois, mais le moyen ne semblait pas être développé, une clause d’aggravation des charges pourrait permettre de solliciter la condamnation du copropriétaire débiteur à ce titre [6], pour l’intégralité de la somme, à condition de démontrer une faute du copropriétaire et que celui-ci soit condamné à ce titre [7]. L’article 700 du Code de procédure civile en principe le permet mais, malheureusement les praticiens le savent, il est rare que les juges accordent le remboursement intégral de ces frais, selon un motif d’équité dont la justification échappe souvent à l’observateur, au créancier demandeur. L’invocation d’une clause d’aggravation des charges et la faute du copropriétaire, lorsqu’elles existent, pourraient peut-être permettre d’échapper à cet écueil et contraindre le juge à prononcer le paiement intégral. Les demandes au titre de l’article 700 ne seraient alors formulées que subsidiairement à celles qui le seraient au titre de la clause d’aggravation des charges.

👉 Conseils pratiques

Les conseils veilleront à obtenir du syndicat l’ensemble des justificatifs à présenter à la juridiction. Chaque procès-verbal, chaque appel de fonds, chaque répartition d’exercice, chaque mise en demeure, chaque commandement de payer, etc. doit être présenté à la juridiction pour justifier de la créance du syndicat. Surtout les conseils -et les syndics- seront attentifs à la ventilation des frais et éviteront, comme en l’espèce de demander au titre des frais nécessaires le paiement des frais d’avocat qui relèvent de l’article 700 du Code de procédure civile.

En outre, les conseils n’hésiteront pas à rappeler le sens des dispositions de l’article 10-1, combinés avec celles du décret n° 2015-342 du 26 mars 2015 que certaines juridictions semblent, comme ici, méconnaitre au détriment du syndicat des copropriétaires et sans doute du syndic qui aura les pires difficultés à faire accepter aux copropriétaires le paiement de ses honoraires pour le travail engagé afin de recouvrer les charges…

Enfin, les conseils vérifieront si le règlement de copropriété ne contient pas une clause d’aggravation des charges qui permettrait de demander la condamnation du copropriétaire indélicat au paiement des frais engagés par le syndicat afin recouvrer contre lui sa créance. Dans ce cas l’avocat du syndicat n’hésitera pas à produire l’ensemble de ses factures pour justifier, au même titre que les appels de fonds, la créance du syndicat (y compris pour justifier le montant demandé à l’article 700).


 

3. L’utilité toute relative de la procédure de référé heure à heure en vue de faire interdire la tenue d’une assemblée indument convoquée (CA Paris, Pôle 1, 3ème ch., 5 juin 2019, n° 18/21025 N° Lexbase : A3132ZDD)

A la suite de difficultés un syndicat des copropriétaires est administré par un administrateur provisoire chargé de prendre toutes les mesures nécessaires au rétablissement du fonctionnement normal de la copropriété. A l’issue de sa mission, le syndicat des copropriétaires désigne un syndic pour une durée commençant le 23 janvier pour se terminer le 23 septembre 2019.

Le 3 août 2018 le président du conseil syndical convoque l’ensemble des copropriétaires en vue de la tenue d’une assemblée générale avec pour ordre du jour la révocation du syndic en exercice.

Des copropriétaires l’assignent devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris, dans une procédure d’heure à heure, afin de voir dire que les convocations qu’il a adressées sont irrégulières puisqu’il est dépourvu du pouvoir de le faire n’ayant pas mis en demeure préalablement le syndic de convoquer, condition préalable à l’exercice de son pouvoir de convoquer l’assemblée générale. En conséquence, les demandeurs sollicitent la condamnation du copropriétaire convocateur à une astreinte de 3 000 euros en cas d’infraction et la désignation d’un huissier avec mission et pouvoir de se rendre à la convocation pour constater sa tenue ou non. Le syndicat des copropriétaires intervient volontairement à la procédure au soutien des demandes. Ambiance… !

Le juge des référés déclare, le 3 septembre, irrecevable la demande des copropriétaires et fait interdiction à l’assemblée générale de se réunir, rejette la demande d’astreinte, désigne un huissier et condamne le président du conseil à payer 1 000 euros au syndicat des copropriétaires, au titre de l’article 700. Cette sanction est théoriquement intéressante puisqu’elle réitère une position déjà émise et qui tend à permettre de distinguer deux actes : la convocation et le procès-verbal. Les deux actes ont effectivement une réalité juridique propre et leur validité peut être analysée séparément [8].

L’autre apport de cette procédure tient au raisonnement de la cour d’appel qui a confirmé l’ordonnance. En effet, malgré l’interdiction du 3 septembre, le même jour, le président du conseil tient l’assemblée générale qui désigne un nouveau syndic… Par la suite, le président du conseil interjette appel. Dans son analyse, bien que ce ne soit pas l’apport essentiel, il faut noter que la cour d’appel, et ce n’est pas courant, semble reconnaître une «qualité de président du conseil», bien que cet organe ne soit pas constitué en personne morale en distinguant la personne assignée du président du conseil syndical «assigné ès qualité»., comme s’il était un représentant légal. Cela laisse, peut-être, présager une préparation de la cour aux évolutions législatives à venir…

L’appel interjeté par le «président du conseil syndical» est finalement jugé irrecevable parce qu’il n’a pas régularisé l’appel auprès du nouveau syndic qu’il a fait désigner. L’analyse interroge, car si l’assemblée générale était interdite de réunion, le juge constate la production d’effets juridiques à celle-ci. Or, si la convocation était jugée nulle, qualification permettant d’imposer l’interdiction pour défaut de pouvoir de son convocateur, il est étonnant de tirer des effets de cette assemblée générale lorsqu’elle s’est illégalement réunie. Il nous semble que, dans la mesure où était, par avance, constatée l’irrégularité de la convocation, celle-ci ne pouvait produire d’effet, et qu’en conséquence l’assemblée générale ne devait pas être qualifiée comme telle. Le nouveau syndic ne l’était pas non plus, et l’appel régularisé auprès du syndic à la première procédure aurait dû être jugé recevable. A défaut, c’est priver d’intérêt la procédure de référé d’heure à heure puisqu’il ne reste plus que la voie de la contestation post-assemblée générale, dans un délai de deux mois, pour contester le procès-verbal dressé illégalement. Nul doute que l’assemblée sera annulée, mais à quoi bon engager une procédure en amont pour un tel résultat ? [9]

👉 Conseils pratiques

Le raisonnement de la cour d’appel de Paris s’inscrit dans la tendance générale de la jurisprudence protégeant l’acte unilatéral conjonctif qu’est l’assemblée générale, même lorsque la convocation est affectée d’irrégularité importante et, comme en l’espèce, a été interdite. Aussi, la pratique du référé d’heure à heure perd de son intérêt sauf à dissuader les copropriétaires velléitaires. Il faudra, donc, dès avant la procédure, informer ceux qui veulent l’engager qu’il faudra sans doute en envisager une seconde pour demander la nullité de l’assemblée générale, et peut-être aussi de s’y rendre afin d’y faire entendre sa voix… En outre, les conseils penseront à bien régulariser, en cas d’appel, la procédure auprès du syndic de copropriété, lorsque celui-ci change

4. La qualification de communes ou privatives des parties de l’immeuble (CA Rennes, 4ème ch., 6 juin 2019, n° 16/05307 N° Lexbase : A5792ZDU ; cf. l’Ouvrage «Droit de la copropriété», L'énumération des parties communes matérielles N° Lexbase : E4565ETA)

Voici un contentieux résultant d’un débat classique, à propos de la distinction entre parties communes et parties privatives [10]. En l’espèce, le litige portait sur la propriété de verrières fixées en partie basse sur des balustrades de certains balcons et en partie haute sur le mur de soubassement du balcon supérieur. Le conflit s’était noué, comme souvent, à l’occasion d’une résolution emportant la réalisation de travaux pour le remplacement des verrières. Une copropriétaire avait assigné le syndicat pour contester cette résolution, estimant qu’il s’agissait de parties privatives, et qu’en conséquence il n’appartenait pas au syndicat des copropriétaires de décider de leur remplacement. Le juge de première instance avait débouté la copropriétaire de ses demandes, qualifiant ces parties de parties communes de l’immeuble. Insatisfaite, celle-ci interjette appel. La cour d’appel rappelle, alors, les critères de distinctions fondées sur les articles 2 (N° Lexbase : L4819AHX) et 3 (N° Lexbase : L4836AHL) de la loi du 10 juillet 1965 : si une partie est à l’usage exclusif d’un copropriétaire, alors il s’agit d’une partie privative. Au contraire si l’usage est commun, alors il s’agit d’une partie commune et, dans le silence ou la contradiction des titres, est réputé commun, notamment, le gros œuvre des bâtiments. Le juge relève, en outre, que, si les balcons particuliers relèvent, d’après le règlement de copropriété, des parties privatives, aucune précision n’est faite quant aux verrières ; il faut, donc, se référer au critère légal, et ainsi procéder à une appréciation factuelle, pour définir la nature commune ou privative des verrières. Le juge de la cour d’appel retient, ainsi, que les verrières sont attachées au mur plein en béton formant balustrade et sur le mur de façade et que les verrières forment un «ensemble vertical qui s’intègre complètement à la façade». La conclusion est logique au regard de ce constat : ce sont des parties communes, quand bien même elles ne concourent pas à la solidité de l’immeuble, puisqu’elles font «corps» avec lui, et en tant qu’ensemble, sont utiles à tous.

 

👉 Conseils pratiques

Pensez à bien décrire les parties objet de la procédure ! S’il s’agit de démontrer la nature privative, alors il faut convaincre le juge que cette partie est exclusivement utile à une personne. En l’espèce, il aurait peut-être été possible de démontrer que chaque verrière, bien qu’intégrée dans un ensemble esthétique, était chacune distincte des autres, et ainsi exclusivement utile à chaque habitant pour se séparer du voisin et se protéger du vent. En matière d’appréciation de fait, les points de vue ne sont que rarement figés, et il apparaît bien souvent que, selon l’argumentaire choisi, la conviction peut être emportée dans un sens ou dans l’autre. Dans tous les cas, il faudra bien s’interroger sur la capacité à mener une démonstration convaincante en la matière avant d’engager son client dans une procédure, en première instance puis en appel

5. Petit rappel sur la non-application des clauses réputées non écrites (CA Paris, Pôle 4, 2ème ch., 19 juin 2019, n° 16/07824 N° Lexbase : A4852ZKW)

Le règlement de copropriété d’un syndicat stipule que les parties communes générales de celui-ci se limitent au sol, à l’allée centrale et au réseau d’eau sanitaire en l’absence d’autre équipement commun. Le reste est constitué de parties communes spéciales propres aux copropriétaires des différents immeubles qui composent l’ensemble immobilier institué en syndicat unique. Le règlement de copropriété, jusque-là rien d’anormal, stipule des charges propres à chaque bâtiment relatives à ces parties communes spéciales. De manière plus étrange le règlement de copropriété stipule qu’en «cas d’action judiciaire, le paiement des frais de procès, dépens, dommages intérêts, honoraires en conséquence, incombera aux copropriétaires intéressés, compte tenu de la spécialisation des charges». Or, justement, à la suite de procédures judiciaires concernant les désordres ayant affecté l’un des bâtiments, le syndic décide d’imputer les frais de procédures sur tous les copropriétaires, et non selon le mode de répartition prévu par le règlement. L’assemblée générale est sollicitée sur ce point et refuse de procéder à une régularisation de l’imputation selon le mode prévu par le règlement. Des copropriétaires saisissent alors le tribunal de grande instance de Paris, afin d’obtenir l’annulation de l’assemblée, subsidiairement l’annulation des résolutions concernées, et enfin le remboursement des sommes qui aurait été appelées à tort, selon eux. Le TGI annule l’assemblée et répute non écrite la clause et déboute pour le surplus les demandeurs. Les demandeurs interjettent appel.

La cour d’appel confirme la nullité de l’assemblée générale incriminée pour défaut de pouvoir du syndic dont le mandat s’était achevé avant l’assemblée générale.

En outre, sur la demande de remboursement de charges, la cour rappelle que les clauses contraires aux dispositions d’ordre public de la loi et du décret de 1965 sont réputées non écrites [11] et, constate que la clause prévue au règlement de copropriété est bien contraire aux dispositions d’ordre public, puisqu’elle tend à répartir une charge commune à tous, à défaut de syndicat secondaire, entre seulement quelques copropriétaires [12]. En conséquence, contrairement à ce que soutiennent les demandeurs qui critiquaient la rétroactivité de la mesure, la cour rappelle que la clause réputée non écrite, contrairement à la clause nulle [13], est censée n’avoir jamais existé [14]. Les appelants ne pouvaient donc obtenir le remboursement des charges et le syndicat était fondé à répartir les charges relatives aux frais de procédures judiciaires entre tous. Le jugement du tribunal de grande instance est en conséquence confirmé en toutes ses dispositions et les appelants condamnés à payer au syndicat des copropriétaires 3 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile…

👉 Conseils pratiques

Tout d’abord, on aura noté que les demandeurs avaient soulevé la nullité de l’intégralité de l’assemblée générale alors qu’ils ne cherchaient qu’à obtenir, réellement, celle de quelques résolutions. Nous devons attirer sur ce point l’attention des conseils dans la mesure où des demandeurs ont été condamnés pour une telle pratique. La demande d’annulation globale quand seule quelques résolutions sont véritablement l’objet de la demande peut, en effet, être analysée comme un abus du droit d’ester en justice [15].

Surtout, au regard de cet arrêt qui s’inscrit dans une jurisprudence constante, les syndics et leurs conseils chercheront à savoir, lorsqu’ils sont confrontés à une clause litigieuse du règlement de copropriété, s’il s’agit d’une clause réputée non écrite ou «simplement» annulable au regard de la différence de traitement qui découle de cette qualification.

6. Lot transitoire, charges de copropriété et procédure collective du débiteur (CA Rennes, 4ème ch., 27 juin 2019, n° 16/06123 N° Lexbase : A8605ZGS ; cf. l’Ouvrage «Droit de la copropriété», L'obligation du titulaire de lots transitoires de participer aux charges N° Lexbase : E4585ETY)

Un promoteur projette, sur un terrain, d’édifier 52 maisons individuelles. 51 le sont effectivement et un lot est conservé par le promoteur comme lot transitoire, c’est-à-dire comme un terrain à bâtir. Le promoteur est placé, en 2009, en redressement, puis en 2010, en liquidation judiciaire.  En 2013, alors que la procédure est toujours ouverte, le syndicat non payé des charges de copropriété, après avoir effectué des mises en demeures restées infructueuses, assigne en paiement le liquidateur. Le tribunal de grande instance, déboute, en 2016, le syndicat de sa demande au titre des charges de copropriété, mais condamne le liquidateur à payer au syndicat 5 000 euros à titre de dommages intérêts et, assez bizarrement, condamne le syndicat aux entiers dépens et rejette les demandes fondées sur l’article 700. Le syndicat interjette alors appel, afin d’obtenir le paiement des arriérés de charges qui s’élèvent à 25 438,92 euros pour la période de 2009 à 2010, et à 130 666,92 euros pour la période postérieure à la liquidation.

Le liquidateur conteste la dette pour défaut de déclaration dans les délais pour la créance antérieure et conteste le statut de créance postérieure des charges de copropriété, au motif que ces charges ne sont pas la contrepartie d’une prestation fournie au débiteur comme l’exige l’article 622-17 du Code de commerce (N° Lexbase : L8102IZ4). Qu’en outre, la contrepartie, si elle pouvait exister pour un lot de copropriété bâti, n’existe pas pour un lot non bâti.

La cour, dans un raisonnement exemplaire, il faut le souligner, rappelle que la créance du syndicat est bien la contrepartie d’une prestation fournie au débiteur copropriétaire du syndicat, puisque ces charges sont utiles à la conservation de l’actif du débiteur. La cour rappelle [16], également, que les lots transitoires sont tenus aux paiements des charges, en tant que véritable lot de copropriété. La cour prend, également, le soin de distinguer les charges générales des charges soumises au critère d’utilité des services ou équipements qu’elles financent [17]. Constatant que le paiement poursuivi des charges ne porte que sur des charges générales, la cour, dans un raisonnement qui nous apparaît insusceptible de critique, conclut à la validité de la créance du syndicat et au non-paiement fautif des charges du promoteur. Le syndicat aura bien fait de persévérer dans le recouvrement des charges, et il faut espérer que la solution soit largement diffusée afin d’éviter des solutions répétées par des juges de première instance rejetant les demandes en paiement de charges de lots transitoires.

 

[1] Pour la distinction entre les cas d’ouverture prévue par l’article 809 du Code de procédure civile, v° S. Guinchard (ss. la dir.), Droit et pratique de la procédure civile, Dalloz action, 2017, § 125.201 et s.. ; V° pour une application de la procédure de l’article 809 en matière de copropriété, CA Paris, pôle 1, 3ème ch., 6 mars 2019, n° 18/20978 (N° Lexbase : A5838YZA) : comm. P.-E. Lagraulet, Lexbase, éd. priv., n° 778, 2019 (N° Lexbase : N8362BXY).

[2] Sur le pouvoir partagé, entre le syndicat et les copropriétaires pris individuellement, d’agir en justice pour la remise en état de l’immeuble en copropriété, V° Cass. civ. 3, 18 décembre 2001, n° 00-17.871 (N° Lexbase : A6965AXA) ; Cass. civ. 3, 18 janvier 1972, n° 70-11.350 (N° Lexbase : A9430CHQ), Bull. civ. III, n° 39 ; V° également Ch. Atias, Copropriétaires et syndicat : des relations procédurales complexes, IRC, mai 2002, p. 22 ; Cabanac, L’évolution des actions collectives et individuelles dans le domaine de la copropriété, REDI, 1977, n° 69, p. 58 ; P.-E. Lagraulet, Les fonctions du syndic de copropriété, Thèse, Paris 2, 2018, n° 296.

[3] V° en ce sens Cass. civ. 3, 20 novembre 1985, n° 84-16.414 (N° Lexbase : A5604AAS), Bull. civ. III, n° 150, p. 114 ; V° également sur la ratification d’une assignation délivrée par le syndic non autorisé : Cass. civ. 3, 19 décembre 2006, n° 05-20.559, F-D (N° Lexbase : A1038DTM).

[4] Sur la qualification du règlement de copropriété en acte unilatéral conjonction d’adhésion, v° P.-E. Lagraulet, Thèse, précit., n° 90 ; V° également sur l’adhésion au règlement, W. Dross, Droit civil. Les choses, LGDJ, 2012, p. 426, n° 225-2.

[5] V° Cass. civ. 3, 30 novembre 2010, n° 09-17.219, F-D (N° Lexbase : A4569GM8) ; Cass. civ. 3, 21 juin 2011, n° 10-16.055, F-D (N° Lexbase : A5178HUC) ; V° Capoulade et D. Tomasin (ss. la dir.), précit., n° 242.565.

[6] Contra : Ibid. Les auteurs semblent indiquer que les frais relevant de l’article 700 ne pourraient plus pouvoir relever d’une clause d’aggravation des charges. Toutefois, à notre connaissance, aucune jurisprudence ne s’est prononcée en ce sens et l’argument devrait au contraire pouvoir être reçu favorablement dès lors que le copropriétaire n’est pas condamné à payer deux fois les mêmes frais, au titre de la clause et de l’article 700 du Code de procédure civile.

[7] CA Paris, 25 octobre 1993, n° 92/23791 ; CA Paris, 18 février 1994, n° 92/023742 ; V° Capoulade et D. Tomasin (ss. la dir.), précit., n° 242.553.

[8] V° sur cette distinction, P.-E. Lagraulet, Thèse, précit., n° 481 et s..

[9] V° sur le «principe de faveur» développé par la jurisprudence pour le maintien de la validité de l’assemblée générale : comm. sous. Cass. civ. 3, 14 mars 2019, n° 18-10.379, FS-P+B+I (N° Lexbase : A0148Y4A), P.-E. Lagraulet, Lexbase, éd. priv., n° 780, 2019 (N° Lexbase : N8570BXP).

[10] Cass. civ. 3, 17 février 1994, n° 92-17.184 (N° Lexbase : A4430CPR) ; Cass. civ. 3, 6 octobre 1993, n° 91-18.289 (N° Lexbase : A7034CNT) ; V° également sur les critères de la distinction entre parties communes et privatives, P. Capoulade et D. Tomasin (ss. la dir.), La copropriété, Dalloz action, 9ème éd., n° 112.12 et s..

[11] V° Cass. civ. 3, 22 juin 2005, n° 04-12.659, FS-P+B (N° Lexbase : A8379DI8), Bull. civ. III, n° 139 ; Cass. civ. 3, 7 juin 2011, n° 09-15.863, F-D (N° Lexbase : A4908HTX).

[12] V° en ce sens pour des charges communes générales (ici de gardiennage) : CA Paris, 21 février 1996, n° 95-23761.

[13] Dans ce cas, la clause s’applique jusqu’à son annulation judiciaire : Cass. civ. 3, 21 juin 2006, n° 05-13.607, FS-P+B (N° Lexbase : A9972DPZ), Bull. civ. III, n° 159, p. 131 ; Cass. civ. 3, 28 avril 2011, n° 10-14.298, FS-P+B (N° Lexbase : A2697HQX), Bull. civ. III, n° 61.

[14] Cass. civ. 3, 9 mars 1988, n° 86-17.869 (N° Lexbase : A7782AAH), Bull. civ. III, n° 54 ; Cass. civ. 3, 27 septembre 2005, n° 03-12.402, F-D (N° Lexbase : A5763DKN) ; Cass. civ. 3, 28 avril 2011, n° 10-20.514 (N° Lexbase : A2696HQW), Bull. civ. III, n° 62.

[15] CA Grenoble, 2ème ch. civ., 12 février 2019, n° 15/02272 (N° Lexbase : A7170YWH) : comm. P.-E. Lagraulet, Lexbase, éd. priv., n° 786, 2019 (N° Lexbase : N9351BXM).

[16] Cass. civ. 3, 20 juin 1998, n° 96-20.758 (N° Lexbase : A5555ACQ) ; V° sur l’évolution jurisprudentielle : P. Capoulade et D. Tomasin (ss. la dir.), précit., n° 111.22.

[17] V° en ce sens, Cass. civ. 3, 10 octobre 2007, n° 06-18.122, FS-P+B (N° Lexbase : A7386DY9), Bull. civ. III, n° 171.

newsid:470387

Douanes

[Brèves] Précisions sur les procès-verbaux de notification d’infractions établis par les agents des douanes

Réf. : Cass. crim., 11 septembre 2019, n° 17-86.230, F-P+B+I (N° Lexbase : A9089ZML)

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N0297BYN

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par Marie-Claire Sgarra

Le 25 Septembre 2019

► Les procès-verbaux en matière de contributions indirectes ne font foi jusqu’à preuve du contraire que pour les constatations matérielles faites par les agents des douanes, et non pour les reconstitutions et déductions auxquelles elles donnent lieu, ni pour les déclarations devant ces mêmes agents consignées dans ce même procès-verbal, qui ne valent qu’à titre de simples renseignements laissés à l’appréciation des juges du fond.

 

Telle est la solution retenue par la Chambre criminelle de la Cour de cassation dans un arrêt du 11 septembre 2019 (Cass. crim., 11 septembre 2019, n° 17-86.230, F-P+B+I N° Lexbase : A9089ZML).

 

En l’espèce, la requérante, en sa qualité de présidente, trésorière, secrétaire et membre de plusieurs associations a organisé des lotos dans une salle de la commune de Guitres. Une procédure a été établie à son encontre par les services des douanes à l’issue d’une visite domiciliaire. Poursuivie devant le tribunal correctionnel de Libourne pour ouverture sans déclaration d’une maison de jeux de hasard, la requérant a été déclarée coupable de ce délit et condamnée à une amende fiscale ainsi qu’à la confiscation des sommes saisies lors de la visite domiciliaire et à la confiscation du matériel saisi. Elle a relevé appel du jugement. La cour d’appel a confirmé le jugement du tribunal.

 

Pour la Haute juridiction, les juges ont pu sans se contredire, au regard des attestations fournies à l’audience par la prévenue, évaluer souverainement le montant des droits fraudés, la confirmation de la culpabilité étant indépendante du nombre de lotos organisés. Le pourvoi est rejeté.

newsid:470297

Filiation

[Brèves] GPA et filiation, sur fond d’escroquerie : rejet de l’action en contestation de paternité formée par le père biologique d’un enfant conçu en France sous convention illégale…

Réf. : Cass. civ. 1, 12 septembre 2019, n° 18-20.472, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A0801ZNY)

Lecture: 5 min

N0320BYI

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par Anne-Lise Lonné-Clément

Le 18 Septembre 2019

► Au regard de l’intérêt supérieur de l’enfant, il y a lieu de rejeter l’action en contestation de paternité formée par le père biologique d'un enfant conçu en France sous convention illégale de gestation pour autrui (GPA), et qui avait été confié par la mère porteuse à un autre couple avec lequel elle avait conclu une autre convention illégale de GPA.

 

C’est en ce sens que s’est prononcée la Cour de cassation, dans son arrêt rendu le 12 septembre 2019 promis à la plus large publication (Cass. civ. 1, 12 septembre 2019, n° 18-20.472, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A0801ZNY).

 

L’affaire. Un couple d’hommes a contracté, avec une femme, une convention de gestation pour autrui, aux termes de laquelle celle-ci devait porter, contre rémunération, l’enfant qu’elle concevrait à l’aide du sperme de l’un ou de l’autre ; au cours de la grossesse, M. X, le père biologique, a reconnu l’enfant ; en mars 2013, Mme C, la mère, a indiqué au couple que celui-ci était décédé à la naissance ; ayant appris qu’il était vivant et avait été reconnu par M. Y, au foyer duquel il demeurait depuis sa naissance, M. X a déposé plainte à l’encontre de la mère porteuse pour escroquerie ; tant la mère porteuse, que les deux couples ayant conclu une convention de GPA illégale, ont été condamnés pénalement ; il a été établi, au cours de l’enquête pénale, d’une part, que M. X était le père biologique de l’enfant, d’autre part, que la mère avait décidé de confier l’enfant à naître à M. et Mme Y, contre rémunération, sans faire état de l’existence de «l’insémination artisanale» à l’origine de sa grossesse et du couple initial ; selon son acte de naissance, l’enfant est né le 8 mars 2013 à La Chaussée-Saint-Victor (Loir-et-Cher) de Mme C et de M. Y, qui l’a reconnu ; le 19 juillet 2013, M. X a assigné M. Y et Mme C en contestation de la paternité du premier et en établissement de sa propre paternité sur l’enfant ; il a demandé le changement de nom du mineur, l’exercice exclusif de l’autorité parentale et la fixation de sa résidence chez lui. Il n’obtiendra pas gain de cause.

 

La décision de la Cour de cassation. La Cour suprême approuve la décision rendue par la cour d’appel de Rouen (CA Rouen, 31 mai 2018, n° 17/02084 N° Lexbase : A1004ZNI) ayant déclaré irrecevables ses demandes en contestation de la paternité de M. Y et en établissement de sa propre paternité sur l’enfant.

- D’abord, la Haute juridiction fonde sa décision sur le principe d’ordre public d’interdiction de la GPA, posé par les articles 16-7 (N° Lexbase : L1695ABE «toute convention portant sur la procréation ou la gestation pour le compte d’autrui est nulle») et 16-9 (N° Lexbase : L1697ABH «ces dispositions sont d’ordre public») du Code civil. Elle approuve alors la cour d’appel qui, ayant relevé que l’action de M. X en contestation de la reconnaissance de paternité de M. Y, destinée à lui permettre d’établir sa propre filiation sur l’enfant, reposait sur la convention de gestation pour autrui qu’il avait conclue avec Mme C, en a exactement déduit que la demande était irrecevable comme reposant sur un contrat prohibé par la loi (cf. l’Ouvrage «La filiation», La gestation ou maternité pour autrui N° Lexbase : E4415EY8).

- Elle exerce, ensuite, un contrôle de proportionnalité, le requérant soutenant que l’impossibilité d’établir un lien de filiation paternelle constituait une ingérence dans l’exercice du droit au respect de la vie privée de l’enfant, et qu’il appartenait au juge d’apprécier si, concrètement, elle ne portait pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée de l’intéressé, au regard du but légitime poursuivi, et en particulier, si un juste équilibre était ménagé entre les intérêts publics et concurrents en jeu.

L’argument est écarté par la Haute juridiction, qui relève que l’arrêt attaqué énonce que la réalité biologique n’apparaît pas une raison suffisante pour accueillir la demande de M. X, au regard du vécu de l’enfant ; il relève que celui-ci vit depuis sa naissance chez M. Y, qui l’élève avec son épouse dans d’excellentes conditions, de sorte qu’il n’est pas de son intérêt supérieur de voir remettre en cause le lien de filiation avec celui-ci, ce qui ne préjudicie pas au droit de l’enfant de connaître la vérité sur ses origines ; l’arrêt observe qu’il en est ainsi même si la façon dont ce lien de filiation a été établi par une fraude à la loi sur l’adoption n’est pas approuvée, et précise que le procureur de la République, seul habilité désormais à contester la reconnaissance de M. Y, a fait savoir qu’il n’entendait pas agir à cette fin. Aussi, selon la Cour suprême, ayant ainsi mis en balance les intérêts en présence, dont celui de l’enfant, qu’elle a fait prévaloir, la cour d’appel n’a pas méconnu les exigences conventionnelles résultant de l’article 8 de la CESDH (N° Lexbase : L4798AQR).

newsid:470320

Justice

[Le point sur...] Pour une démystification de la «justice prédictive» à lumière des principes méthodologiques du droit économique

Lecture: 11 min

N0311BY8

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par Pierre Doitrand, Avocat et Isabelle Amy, Ingénieur financier

Le 18 Septembre 2019


Mots-clefs : Justice prédictive • Droit économique • Avocats


 

La saturation de communication sur la justice prédictive appelle une tentative de clarification. Rares sont en effet les auteurs s’exprimant sur cette question sans un biais commercial, politique, éthique voire corporatiste. On aboutit ainsi à un curieux paradoxe selon lequel une technologie censée augmenter la fiabilité des analyses juridiques les plus fines, fait l’objet d’un discours manquant le plus souvent cruellement de rigueur scientifique.

Il nous est apparu que les principes méthodologiques du droit économique, au premier rang desquels l’analyse en termes de risque, pourraient sans doute permettre d’y voir plus clair.

Ainsi, au-delà des nombreuses interrogations récurrentes suscitées par la justice prédictive, la question principale n’est-elle pas la qualité des outils proposés, autrement dit leur fiabilité ?

Ces technologies visant à «augmenter» la pertinence et la précision des prévisions du juriste, leur intérêt ne doit-il pas être mesuré à l’aune de leur apport marginal ?

Pour pouvoir mesurer cet apport, n’est-il pas nécessaire de faire préalablement un bilan de la situation au moment de leur apparition ?

 

L’état de l’art de la science juridique (I) montre que la loi, la jurisprudence, la doctrine et les analyses des meilleurs praticiens (A), grâce à l’étude en termes de risque et autres principes méthodologiques du droit économique (B), ont toujours offert une prévisibilité extrêmement fine de l’issue des dossiers.

 

On doit donc s’interroger sur l’apport marginal de la justice prédictive (II) en osant aborder son éventuelle dimension négative résidant dans un risque de baisse de qualité des prévisions (A), avant de rechercher les conditions de son apport positif visant à en augmenter la fiabilité et la précision (B).

 

I - L’état de l’art avant la «justice predictive»

 

A - La consultation juridique

Le juriste manie depuis toujours l’art de la consultation juridique, qui repose notamment sur le concept de «la question de droit». La question de droit posée par «le cas d’espèce» est celle dont la réponse permet de prévoir dans quel sens tranchera le juge.

Souvent, la loi apporte la réponse. Lorsque la loi ne tranche pas la question posée, la jurisprudence de la Cour de cassation permet le plus souvent de savoir comment répondra le Juge. Lorsque ladite question n’a jamais été tranchée en jurisprudence, la «doctrine la plus autorisée [1]» apporte alors le plus souvent la réponse que devrait probablement adopter le Juge, en se fondant sur l’articulation des différents principes et règles applicables, avec une grande fiabilité proportionnelle à son degré d’expertise.

Enfin, les meilleurs praticiens, fins connaisseurs de la loi, de la jurisprudence et de la doctrine propres à un type de contentieux, savent, grâce à leurs connaissances associées au besoin à des recherches approfondies et un examen des éléments d’un dossier, prévoir au plus près ce que dirait le juge s’il en était saisi.

Tel est précisément depuis toujours l’objet de la consultation juridique qui est au cœur du métier du juriste, parfaitement illustré par la formule consacrée suivante : «Law is the prophecies of what the Courts will do in fact».

 

B - Affinée par les principes méthodologiques du droit économique

Le concept d’école de Droit Economique est né en France dans les années 70 sous l’impulsion du Professeur Farjat, caractérisé notamment par les trois principes méthodologiques suivants, particulièrement adaptés au droit des affaires :

L’analyse en termes de risques vise à traduire toute situation juridique par une probabilité de réalisation du risque associée à ses conséquences de réalisation. Pour ce qui nous intéresse, il s’agit pour un dossier donné de se prononcer sur le risque de condamnation ou les chances de succès d’une part, et sur le quantum prévisible d’autre part.

Au-delà de sa puissance méthodologique, cette approche est celle dictée depuis longtemps par le marché en droit des affaires, l’entreprise étant une entité économique dans laquelle les décisions sont prises en considération de balances coûts/avantages nécessitant une telle approche.

L’analyse substantielle s’oppose à l’analyse formelle, laquelle désigne le syllogisme juridique le plus rigide, qui tire conséquence de l’appartenance de faits à une catégorie juridique en excluant toute considération factuelle «qui ne rentre pas dans les cases». L’analyse substantielle est au contraire une démarche intellectuelle résolument critique qui privilégie la réalité sur les apparences formelles. Elle procède à une recherche pluridisciplinaire des faits pour en extraire les éléments déterminants.

L’analyse substantielle permet ainsi de tenir compte de paramètres qui dépassent l’analyse formelle. L’exemple pour notre sujet est celui de la prise en considération par le juge de paramètres non expressément visés dans les motifs de sa décision, pour trancher dans tel sens ou fixer tel quantum [2]. L’analyse substantielle autorise ainsi le juriste qui tente de prévoir ce que dira le juge, à prendre en considération l’ensemble des paramètres pertinents, y compris ceux qui pourraient paraître non juridiques.   

L’approche pluridisciplinaire est enfin le corolaire de l’analyse en termes de risques et de l’analyse substantielle : en droit des affaires, la recherche de la substance des faits et de leurs éléments déterminants exige naturellement une bonne connaissance de l’économie et de l’entreprise. Par ailleurs, l’analyse en termes de risques qui ramène toute réalité à sa dimension financière ou mathématique, exige une aisance avec la pratique des probabilités et des statistiques, et conduit naturellement à leur utilisation à des fins prédictives [3].

 

Il apparaît ainsi que l’art de la consultation propre au juriste, associée aux principes méthodologiques du droit économique, permettent depuis longtemps aux meilleurs praticiens du droit des affaires, de se prononcer avec une extrême finesse sur les risques ou chances de succès d’un dossier [4], poussés en ce sens par les exigences de leurs clients.

      

Voici donc posé le socle initial à l’aune duquel doit être mesuré l’apport marginal de la justice prédictive [5].

 

II - L’apport marginal de la «justice predictive»

 

Depuis début 2019, les termes de «justice prédictive» sont de plus en plus décriés par les initiés, relevant à juste titre qu’ils proviennent d’une mauvaise traduction de l’anglais «to predict», qui ne signifie pas prédire mais prévoir. Sans doute est-il ainsi préférable de parler de «justice prévisible».

On peut tout autant s’interroger sur la pertinence du premier terme «justice», laissant entendre que prévaudrait la fonction juridictionnelle, qui servirait à aider ou remplacer le juge. Or, dans l’acception qui intéresse le juriste de droit des affaires et qui semble aujourd’hui s’imposer, sa fonction est plutôt celle d’une aide à la décision pour les conseils, aux fins d’une augmentation de la fiabilité et de la précision des prévisions.

Aujourd’hui, les principaux outils proposés sur le marché français sont Case Law Analytics, Legalmetrics, Predictice et Jurisdata Analytics. Ils ont pour point commun de faire analyser un très grand nombre de décisions de justice par des algorithmes, pour en tirer des statistiques ou des hypothèses probabilistes par types de contentieux, avec certaines différences méthodologiques, techniques ou éthiques.

 

Fort du constat réalisé sur l’état de l’art hors justice prédictive, on doit s’interroger sur le risque de baisse de la qualité des prévisions (A) et sur les conditions de son amélioration (B).

 

A - Risque d’apport négatif : confusion avec la prévisibilité «du dossier»

La prévisibilité «du dossier» résulte non seulement d’une analyse très fine des questions de droit posées, mais surtout des faits ou plus précisément des pièces [6].

Elle résulte encore de l’imagination des différentes stratégies possibles pour prévoir les différentes hypothèses de dénouement, et leur associer différentes probabilités de réalisation.

La prévisibilité du dossier dépend encore de la façon dont l’avocat évaluateur et son futur contradicteur "joueront la partie" ou mieux encore, de la façon dont l’avocat participe lui-même à la formation du dossier lorsqu’il est consulté suffisamment en amont et en rédige ainsi certaines futures pièces essentielles du dossier.

On l’aura ainsi compris, la prévisibilité «du dossier», qui seule intéresse le client, ne peut être confondue avec la prévisibilité d’un type de contentieux, au risque d’une grande méprise. La prévisibilité d’un type de contentieux ne peut être tout au plus qu’un paramètre mineur de la prévisibilité «d’un dossier donné».

Le taux de succès de tel type de contentieux n’a strictement aucun lien mathématique avec les chances de succès de «tel dossier» traité et analysé le plus finement au regard du droit positif et des pièces par tel avocat expert.

Il apparaît donc que la justice prédictive peut présenter un risque de baisse de la qualité des prévisions, en laissant croire aux praticiens ou aux justiciables qu’ils pourraient faire l’économie des plus fines analyses, en confondant les chances de succès de tel type de contentieux avec les chances de succès «du dossier».

Il s’agirait paradoxalement d’un recul par rapport aux pratiques actuelles les plus exigeantes des meilleurs experts.

Ainsi, dans la mesure où en l’état, la justice prédictive fait l’économie de l’étude des pièces et autres paramètres tactiques, il nous apparaît qu’elle ne peut qu’être en deçà de la performance du «bon praticien» pour prévoir les chances de succès d’un dossier, et risque même de polluer son analyse.         

Reste à examiner la question du quantum, où les mathématiques doivent par nature pouvoir apporter une valeur marginale.

 

B - L’apport positif : une meilleure prévisibilité du quantum

Il convient de revenir ici à l’idée essentielle selon laquelle l’apport doit être mesuré au regard de l’état de l’art au moment de l’introduction de l’innovation.

Or, en matière de prévisibilité du quantum, le niveau initial est certes moins élevé qu’en matière d’évaluation des chances de succès, notamment pour les rasions suivantes :

  • le juriste, traditionnellement un homme de lettres, s’intéresse plus volontiers aux principes qu’aux chiffres, même si ce constat doit être nuancé par l’arrivée d’avocats dotés d’une double formation économique depuis une vingtaine d’années ;
  • surtout, les décisions de la Cour de cassation, qui font l’objet de toutes les attentions de la Doctrine, ne s’intéressent pas au quantum, laissé à l’appréciation du juge du fond.

C’est ainsi sur la prévisibilité du quantum, par l’analyse en masse de décisions du juge du fond, que les mathématiques, statistiques et probabilités peuvent sans doute jouer tout leur rôle, en nous donnant des informations sur des moyennes, des tendances, ou plus finement, des distributions en fonction de critères précis identifiés par des experts.

Parions que c’est ici que la justice prédictive sera vraiment efficiente, non pour nous permettre de calculer les chances de succès «du dossier», mais pour nous aider à «pricer» la deuxième composante de la valeur d’une action de la façon suivante :

En modélisant d’abord la fixation du quantum le plus probable en fonction des paramètres déterminants et leur poids, qu’il conviendrait d’affiner ensuite par la loi probabilitaire de distribution qui lui serait associé.

*****

 

La notion d’avocat augmenté traduit bien l’idée selon laquelle la justice prédictive doit permettre d’être encore plus clairvoyant pour se prononcer sur la prévisibilité d’un dossier.

Si l’on part de l’hypothèse d’un haut niveau initial qui doit être ici retenue, la justice prédictive doit donner les garanties de la plus grande rigueur scientifique pour réellement élever le niveau des prévisions.

A défaut, elle risque de faire illusion et paradoxalement détériorer leur qualité.

Or, lorsqu’on teste les outils souvent inachevés et que l’on connaît le modèle économique de nombre de start-up dont l’objectif principal est d’acquérir le plus rapidement une notoriété pour se positionner sur le marché et lever des fonds [7], il convient de rester critique et vigilant.

Fidèles à l’analyse en termes de risques, les avocats en droit des affaires doivent donc aujourd’hui s’emparer de la conception des outils en apportant leur rigueur juridique et leur expertise, pour permettre d’augmenter réellement la prévisibilité des dossiers, essentiellement dans leur quantum.     

 

[1] Cette formule consacrée désigne généralement les meilleurs auteurs qui font autorité dans un domaine du droit donné.

[2] Laissons parler C. Atias : «Les arrêts ne deviennent généralement de principe que parce que leurs lecteurs font abstraction des multiples nuances qui les sous-tendent… La motivation généralement réduite masque les considérations de faits qui ont pu influencer le magistrat. Le juriste doit réintroduire… toutes les précisions de circonstance qui donne au principe sa véritable signification et ses limites» C. Atias, L’ambiguïté des arrêts de principe, JCP, éd. G, 1984, I. 3145.   

[3] Nous écrivions en 1998 en conclusion d’une thèse sur les montages LBO, «qu’une parfaite maitrise des risques… nécessiterait des analyses… prospectives qui dépassent les possibilités humaines en matière de connaissance des évènements futurs», et que «l’utilisation des Loi Binomiale, Loi de GAUSS, et Loi de POISSON, devrait permettre à une équipe composée d’informaticiens, de mathématiciens, financiers et juristes spécialisés… de concevoir un logiciel permettant…» d’optimiser les montages. P. Doitrand, Les mécanismes de levier juridico-financier dans les montages LBO, CREDECO, p. 318.     

[4] Il convient de relever que le juriste, souvent homme de lettres, est conduit par sa déontologie et la prudence qui s’imposent, à se prononcer sur les chances de succès d’un dossier avec des mots plutôt qu’avec des chiffres exprimant une probabilité. Concernant le quantum, les plus audacieux osent évoquer des fourchettes ou mieux encore, différentes options auxquelles sont associés différents coefficients.

[5] Cette approche nécessaire à toute évaluation d’une innovation est ici particulièrement importante en raison des politiques de communication de certains acteurs de la justice prédictive qui, pour survaloriser l’intérêt de leurs outils, n’hésitent pas à dresser un tableau extrêmement dévalorisant de la capacité des avocats à prévoir l’issue d’un dossier, niant ainsi leur aptitude à assumer l’essence de leur métier.

[6] Il convient de noter qu’au moment de l’évaluation, certaines d’entre elles sont souvent inconnues car détenues exclusivement par l’autre partie.  

[7] Ce modèle économique, en contradiction avec la promesse de sécurité juridique chère aux juristes de droit des affaires, s’illustre par la maxime suivante en vogue dans le milieu des start-up : «si tu es satisfait de ta solution au moment de sa mise sur le marché, c’est que tu l’as lancée trop tard»…

newsid:470311

Mineurs

[Brèves] Publication de l’ordonnance portant partie législative du Code de la justice pénale des mineurs

Réf. : Ordonnance n° 2019-950 du 11 septembre 2019, portant partie législative du Code de la justice pénale des mineurs (N° Lexbase : L2043LSH)

Lecture: 3 min

N0318BYG

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par June Perot

Le 18 Septembre 2019

Présentée en conseil des ministres le mercredi 11 septembre 2019, l’ordonnance portant partie législative du Code de la justice pénale des mineurs a été publiée au Journal officiel du 13 septembre 2019 (ordonnance n° 2019-950 du 11 septembre 2019, portant partie législative du Code de la justice pénale des mineurs N° Lexbase : L2043LSH).

Cette ordonnance est prise sur le fondement de l’article 93 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice (N° Lexbase : L6740LPC). Le Code de la justice pénale des mineurs rappelle les principes généraux applicables à la justice des mineurs, en application notamment de la jurisprudence du Conseil constitutionnel et des conventions internationales, à savoir :

  • la primauté de l’éducatif sur le répressif, qui impose de rechercher le relèvement éducatif et moral des mineurs par des mesures adaptées à leur âge et à leur personnalité ;
  • la spécialisation de la justice des mineurs, qui impose que des mineurs soient jugés par une juridiction spécialisée ou selon des procédures appropriées ;
  • l’atténuation de la responsabilité en fonction de l’âge, l’âge de la majorité pénale restant fixé à 18 ans.

L’introduction d’une présomption de non-discernement en dessous de 13 ans s’inscrit dans le cadre de la Convention internationale des droits de l’enfant (N° Lexbase : L6807BHL), trente ans après son adoption par l’assemblée générale des Nations-Unies. La procédure est codifiée et simplifiée, pour une justice pénale des mineurs plus lisible et efficace.

Le mineur sera jugé sur sa culpabilité dans les trois mois suivant la commission des faits. Lors de cette audience, il sera statué sur l’indemnisation du préjudice des victimes. Une nouvelle mesure unique, dite de mise à l’épreuve éducative, remplaçant les dispositifs multiples existants, est créée : après avoir été déclaré coupable, le mineur sera suivi par un éducateur, sous le contrôle du juge, pendant une durée de six à neuf mois. Cette mesure est évolutive et peut être assortie de modules cadrant le travail éducatif : placement, insertion, prise en charge en matière de santé ou réparation de l’infraction.

La détention provisoire est limitée : elle reste possible pour les faits les plus graves, mais les conditions de révocation du contrôle judiciaire sont mieux encadrées. Le placement en centre éducatif fermé doit être la mesure de sûreté privilégiée.

La sanction sera prononcée à l’issue de ce délai, en prenant en compte les faits commis mais également les progrès accomplis ou la commission de nouvelles infractions.

Les prérogatives du juge des enfants sont élargies au prononcé de peines à vocation éducative : travail d’intérêt général, confiscation de l’objet utilisé ou obtenu à l’occasion de l’infraction, stages.

Le Code de la justice pénale des mineurs entrera en vigueur le 1er octobre 2020.

Un projet de loi de ratification sera déposé à bref délai pour permettre un débat parlementaire conformément à l’engagement pris par la ministre de la Justice lors du vote de l’habilitation. Les dispositions plus favorables relatives aux mesures de sûreté seront applicables aux procédures en cours à cette date.

♦ Cette réforme fera l’objet d’un numéro spécial de la revue Lexbase Pénal qui paraîtra au mois de novembre. Les lecteurs pourront y retrouver les analyses de plusieurs experts sur le sujet : Philippe Bonfils, Christine Lazerges, Catherine Marie, Eudoxie Gallardo, Leïla Hebbadj…

 

newsid:470318

Procédure

[Brèves] Comptage du nombre de soutiens au «RIP» concernant ADP : rejet d’une requête tendant à la publication du dénombrage déjà imposé au ministère de l’Intérieur

Réf. : Cons. const., décision n° 2019-1-1 RIP du 10 septembre 2019 (N° Lexbase : A7938ZMX)

Lecture: 2 min

N0303BYU

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par Yann Le Foll

Le 26 Septembre 2019

Une requête tendant à ce que le Conseil constitutionnel enjoigne au ministère de l’Intérieur d’informer régulièrement les électeurs du nombre des soutiens réputés valides à la proposition de loi, déposée en application du troisième alinéa de l’article 11 de la Constitution (N° Lexbase : L0837AHH), visant à affirmer le caractère de service public national de l’exploitation des aérodromes de Paris doit être rejetée.

 

Telle est la solution d’une décision rendue le 10 septembre 2019 par les Sages (Cons. const., décision n° 2019-1-1 RIP du 10 septembre 2019 N° Lexbase : A7938ZMX).

 

Il résulte des alinéas 1, 3 et 4 de l'article 45-4 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, portant loi organique sur le Conseil constitutionnel (N° Lexbase : L0276AI3), qu'il appartient au Conseil constitutionnel de constater, le cas échéant, l'existence d'irrégularités dans le déroulement des opérations de recueil des soutiens à une proposition de loi déposée en application du troisième alinéa de l'article 11 de la Constitution.

 

A ce titre, il lui incombe de statuer sur la réclamation tendant à une publication régulière du nombre des soutiens à la proposition de loi visant à affirmer le caractère de service public national de l'exploitation des aérodromes de Paris recueillis sur le site internet du ministère de l'intérieur consacré à cette procédure.

 

Le Conseil constitutionnel a décidé de rendre public tous les quinze jours le nombre de soutiens enregistrés sur le site internet du ministère de l'Intérieur consacré à cette procédure, en précisant la part de ces soutiens ayant franchi avec succès le stade des vérifications administratives auxquelles il incombe au ministère de procéder.

 

Il a fait état de cette décision dans les communiqués qu'il a publiés les 30 juillet et 29 août 2019.

 

Dans ces conditions, la présente réclamation, qui tend aux mêmes fins, est devenue sans objet.

newsid:470303

Procédure administrative

[Doctrine administrative] Le juge administratif et le dialogue des juges

Lecture: 24 min

N0310BY7

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par Christophe De Bernardinis, Maître de conférences à l'Université de Lorraine et Directeur scientifique de l'Encyclopédie "Procédure administrative"

Le 18 Septembre 2019

principe non bis in idem - juge administratif - actes de Gouvernement - principe d’impartialité

La multiplicité et l’enchevêtrement des normes appellent aujourd’hui le juge administratif à un dialogue avec les autres juridictions pour ordonner le pluralisme [1] et éviter les conflits entre les juges et les différents niveaux de norme. L’objectif est d’éviter des jurisprudences discordantes ou contradictoires dans un souci de bonne administration de la justice et de garantie de la sécurité juridique pour tous les justiciables. La procédure administrative n’échappe pas à cette obligation de dialogue dans l’application des différentes normes.

Parmi les décisions les plus importantes rendues récemment, il faut citer, au sommaire de cette chronique, celles intéressant un thème désormais récurrent qui est celui de l’application du principe non bis in idem. Des décisions prises par le juge constitutionnel (Cons. const., décision n° 2019-783 QPC du 17 mai 2019 N° Lexbase : A4767ZB8) comme par le juge européen (CEDH, 8 juillet 2019, Req. 54012/10 N° Lexbase : A4325ZIZ ; CEDH, 6 juin 2019, Req. 47342/14 N° Lexbase : A3061ZDQ) donnent un nouvel éclairage dans l’appréhension du principe et la perception que doit s’en faire le juge administratif.

Autre thème toujours soumis à débat et tout aussi récurrent, celui des « actes de gouvernement » toujours insusceptibles de recours en contentieux administratif. La pression se fait de plus en plus forte pour une approche différente du juge. En témoigne les commentaires sur une décision qui a fait beaucoup parler concernant l’affaire du rapatriement des femmes et enfants dans les camps en Syrie (CE, 23 avril 2019, n° 429668, 429669, 429674 et 429701 N° Lexbase : A6824Y9M).

Enfin pour rester sur le thème de la récurrence, autre matière toujours en perpétuelle discussion, celle de la soumission du juge administratif aux règles du procès équitable et plus particulièrement au principe d’impartialité. Trois affaires sont intéressantes à relever. La première affaire concerne le cas particulier d’un président de formation de jugement dont les propos racistes, tenus publiquement, en matière de droit des réfugiés, ont fait naitre un doute légitime sur l’impartialité de la juridiction (CE, 14 juin 2019, n° 427510 N° Lexbase : A2667ZIM). La seconde affaire concerne une décision rendue par le juge européen qui légitime le Conseil d’Etat dans le traitement de l’affaire «Bonnemaison», du nom de cet urgentiste Bayonnais qui avait été radié de l’ordre des médecins pour actes d’euthanasie. Aucun manquement au procès équitable ni aucun défaut d’impartialité n’a été relevé par la CEDH (CEDH, 11 avril 2019, Req. 32216/15 N° Lexbase : A0799ZNW). La troisième, pour terminer, concerne une décision rendue le 8 avril 2019 par laquelle le Conseil d’Etat juge que le principe d’impartialité ne s’oppose pas à ce qu’un magistrat qui a rejeté une demande d’annulation se prononce à nouveau, après cassation, sur un référé visant à suspendre la même décision (CE, 8 avril 2019, n° 426820 N° Lexbase : A888YH8H).

I - Le juge administratif et le principe non bis in idem

Ce sont des décisions du juge constitutionnel (Cons. const., décision n° 2019-783 QPC du 17 mai 2019) (A) et du juge européen (CEDH, 8 juillet 2019, Req. 54012/10 ; CEDH, 6 juin 2019, Req. 47342/14) (B) qui viennent apporter des précisions au juge administratif quant au mode d’emploi ou quant à la grille d’analyse des différentes normes régissant le principe non bis in idem.   

A - Juge administratif et juge constitutionnel

Le principe non bis in idem ou ne bis in idempas deux fois pour la même chose») désigne l’interdiction d’engager des poursuites envers une personne qui a déjà fait l’objet d’une décision définitive à propos des mêmes faits. Il découle aujourd’hui de plusieurs sources internes (par ex., les articles 8 de la DDHC N° Lexbase : L1372A9P et 368 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L4375AZ3) ou européennes (articles 4 du Protocole n° 7 à la CESDH ou 50 de la Charte des droits Fondamentaux de l’Union européenne (CDFUE)) qui débouchent sur des nombreux cas de jurisprudence qui évoluent au gré des affaires, des sources invoquées ou des juges saisis. La jurisprudence civile, pénale ou administrative s’est toujours refusée à lui reconnaître une portée générale lorsqu’un même fait peut donner lieu, selon la loi, à plusieurs sanctions de nature différente (pénale, civile, administrative ou disciplinaire). Le Conseil constitutionnel jugeait de même en affirmant que le cumul d’une sanction pénale et d’une sanction administrative, même si celle-ci présentait en réalité un caractère répressif, n’était pas, par principe, contraire à la Constitution sous réserve que le montant global des sanctions ne dépasse pas le montant le plus élevé de l’une des sanctions encourues [2].

Des arrêts des juges européens et du juge constitutionnel ont cependant entamé une période plus libérale dans l’appréhension et la reconnaissance du principe. La CEDH a ainsi admis, dans l’affaire «Grande Stevens», que des mêmes faits ne pouvaient donner lieu à deux décisions définitives infligeant une sanction présentant un «caractère pénal» au sens de la CESDH, c’est-à-dire un caractère répressif indépendamment de sa qualification en droit interne [3]. La CJUE, interprétant les principes posés par la CDFUE à l’aune de la jurisprudence de la CESDH, estimait de même que le principe pouvait avoir des dérogations lorsqu'était en jeu l’effectivité du droit de l'Union [4]. Le juge constitutionnel a emboité le pas en jugeant, dans l’affaire «EADS», que dans le cas où deux sanctions distinctes (pénale et administrative) visaient à réprimer les mêmes faits, qu’elles avaient pour finalité de protéger les mêmes intérêts sociaux, et qu’elles aboutissaient à une répression de même nature reposant sur le même corpus de règles, il y aurait alors violation du principe non bis in idem [5].

Mais comme peut le noter Véronique Tellier-Cayrol, si «les délinquants économiques et financiers se sont pris à rêver d’une soustraction au juge pénal par le jeu combiné de la plus grande rapidité d’action des administrations ou autres AAI et du principe non bis in idem» [6], il y a eu, depuis, un nouveau revirement de jurisprudence. D’abord de la part du juge européen dans l’affaire «A. et B. contre Norvège» [7] puis, ensuite, du Conseil constitutionnel [8]. Les deux juges s’employant «à corriger ce ‘moment libéral’ pour restaurer la puissance répressive conjuguée des autorités administratives et pénales» [9]. Dans trois arrêts de principe, rendu en Grande chambre, le 20 mars 2018 [10], la CJUE juge qu’il peut exister des limitations au principe non bis in idem et qu’en pratique, les législations nationales peuvent prévoir un cumul de sanctions à finalité répressive, dès lors qu’il existe un motif d’intérêt général et que les sanctions ont des objectifs complémentaires.

Si on peut parler ainsi d’un retour à l’orthodoxie, l’approche des juges s’opère plutôt aujourd’hui dans une démarche plus concrète par rapport au cas donné, démarche qui est moins formaliste que par le passé et déterminée davantage au cas par cas sur l’application du principe non bis idem. La décision du juge constitutionnel du 17 mai 2019 s’inscrit dans cette logique mais alors que le juge constitutionnel s’était jusqu’alors prononcé essentiellement en matière boursière, disciplinaire ou fiscale, c’est la première fois qu’il se prononce dans le domaine électoral et plus précisément sur la question délicate du cumul répressif en cas de dépassement du plafond de dépenses par un candidat à l'élection présidentielle [11]. Le Conseil a rejeté les arguments invoqués, conformément à ce qu’il avait déjà jugé auparavant, en considérant que le cumul de sanctions administratives, prononcées par la CNCCFP puis par le Conseil constitutionnel, et de sanctions pénales, prononcées par le juge judiciaire, était possible car «les deux répressions prévues par les dispositions contestées relèvent de corps de règles qui protègent des intérêts sociaux distincts aux fins de sanctions de nature différente» (cons. n° 14).

En l'espèce, ces procédures ne sont pas considérées comme étant «complémentaires» [12] ce qui permet plus facilement d’autoriser le cumul. Pour le reste, le juge applique sa jurisprudence classique et notamment les trois critères [13] pour déterminer si le cumul est dans ce cas conforme ou non à la Constitution : la répression des mêmes faits qualifiés de manière identique, la protection des mêmes intérêts sociaux et le prononcé de sanctions de même nature. Deux des trois conditions ont été jugées comme satisfaites en l’espèce. Sur la 3ème condition, le Conseil a jugé que l’intérêt social défendu par les sanctions pénales se distinguait à la fois par sa généralité et par sa finalité. Ce faisant, il utilise, pour la première fois, de façon explicite, le critère relatif aux intérêts sociaux protégés pour établir la différence entre deux dispositifs de poursuite (cf. commentaire officiel de la décision).

Comme peuvent le relever Clément Malverti et Cyrille Beaufils, «le Conseil d'Etat a pleinement et rapidement intégré la nouvelle grille d'analyse développée par le Conseil constitutionnel pour distinguer les poursuites différentes des poursuites similaires», [14] ce qui ne semble pas le cas, toujours selon leur dire, de  la jurisprudence relative aux poursuites complémentaires. Les chroniqueurs du Conseil d’Etat souligne néanmoins la possibilité que le juge administratif soit saisi un jour de la question en matière de cumul de sanctions administratives et pénales en matière fiscale ou boursière, en matière de droit de l'environnement [15] ou en matière de responsabilité des ordonnateurs [16].

B - Juge administratif et juge européen

L'arrêt «Nodet» [17] est une nouvelle illustration des soucis persistants dans l’application commune, entre les juges, des règles touchant au principe non bis in idem. Il ressort des faits de l’espèce que le requérant s'était vu infliger une double sanction pour des faits de manipulation de marché, une sanction financière par l’Autorité des marchés financiers (AMF) puis, au pénal, une peine d'emprisonnement avec sursis. Il invoquait une violation de l'article 4 du Protocole n° 7 de la CESDH. Dans une réponse logique, le juge européen, après avoir constaté la nature pénale des sanctions en question et l'identité des faits poursuivis, applique le critère de la complémentarité des procédures tel que précisé dans son arrêt «A. et B.» [18] et par le juge constitutionnel dans les  décisions précitées de 2015 et 2016. Il conclut, sans réelle surprise, à la violation de l'article 4 du Protocole n° 7 de la CESDH du fait de l'absence de lien matériel entre les deux procédures compte tenu des buts visés par elles et surtout de leur absence de lien temporel suffisamment étroit pour pouvoir les considérer comme s'inscrivant dans le mécanisme intégré de sanctions prévu par le droit français.

En apparence, la décision est aussi conforme à la jurisprudence de la CJUE dans la mesure où cette dernière pose, dans les dernières décisions mentionnées, des principes applicables à tout cumul répressif pénal/administratif, même en matière fiscale en se fondant sur «des objectifs d'intérêt général reconnus par l'Union» et sur la complémentarité de but des procédures répressives permettant d'assurer la réalisation desdits objectifs [19]. Mais comme le note Frédéric Stasiak, «cette convergence semble plus apparente que patente car, si cette notion (notion de complémentarité, c’est nous qui ajoutons) est mise en avant par la CJUE, elle ne constitue qu'un critère parmi d'autres pour la CEDH afin d'apprécier le lien matériel permettant d'établir l'intégration dans un tout cohérent des procédures mixtes. Ces critères permettent à la Cour de Strasbourg de disposer d'une large marge d'appréciation, peu compatible avec les principes de prévisibilité et de sécurité juridique» [20]. Il y a ainsi une certaine contradiction entre juge européen et juge de l’Union dans la décision ainsi prise par la CEDH. Contradiction cependant à relativiser dans la mesure où les faits de l’espèce étaient antérieurs à la loi du 21 juin 2016 réformant le système de répression des abus de marché [21] qui prévoit désormais une obligation de concertation entre le parquet national financier et l’AMF, lors du choix du type de répression à adopter avant les premières poursuites sachant que si les abus de marché sont intentionnels, ils doivent relever du juge pénal, tandis que ceux de simple imprudence devraient rester dans le domaine de l'autorité de régulation.

A noter une dernière jurisprudence du juge européen : l’arrêt «Mihalache» [22] concernant le principe non bis in idem où la Cour estime que la réouverture d’une procédure pénale, à la suite de l’annulation d’une amende administrative prononcée par le parquet, constitue une violation du principe [23]. Le juge européen y détaille les conditions d’application l’article 4 du Protocole n° 7. Selon la CEDH, le jeu du principe non bis in idem suppose que trois conditions soient remplies : les deux procédures doivent être de nature «pénale», elles doivent viser les mêmes faits («idem») et, il faut, enfin, une «répétition de poursuites». Sur la troisième condition, le juge rappelle sa jurisprudence antérieure selon laquelle, il n’y a pas «répétition de poursuites», mais seulement une «combinaison de procédures » lorsqu’il existe un « lien matériel et temporel suffisamment étroit» entre les procédures, il faut considérer que les deux procédures s’inscrivent dans un mécanisme intégré de sanctions prévu par le droit national en cause. Seule la «combinaison de procédures» est compatible avec l’article 4 du Protocole n° 7.

En l’espèce c’est une «répétition de poursuites» qui est retenue incompatible avec l’article 4 du Protocole n° 7. Le juge examine ensuite si la première décision [24] constitue un «jugement définitif» portant «acquittement ou condamnation» du requérant. Ce faisant, la Cour définit pour la première fois la portée de l’expression «acquitté ou condamné», en indiquant, notamment, que l’intervention d’une juridiction n’est pas forcément nécessaire, c'est le contenu même de la décision et ses effets sur la situation de l'intéressé qui sont déterminants [25].

Pour finir la jurisprudence reste difficilement lisible pour le juge administratif qui face à la jurisprudence européenne et constitutionnelle, ne peut que constater l’inexistence d’un critère clair et commun d’application du principe non bis in idem. Comme peuvent le relever encore Clément Malverti et Cyrille Beaufils, «le système solaire des jurisprudences relatives au ne bis in idem nous paraît n'avoir encore atteint qu'un état instable, dont les observateurs des cieux constitutionnels et européens n'ont sans doute pas fini de découvrir toutes les étoiles. Le juge administratif y fait figure d'astrologue, à qui il revient d'interpréter les mouvements des corps célestes pour dessiner le sort des justiciables soumis à son contrôle» [26].

II - Le juge administratif et les actes de Gouvernement

La pression est de plus en plus forte quant à la mise en place d’un contentieux subjectif dans l’approche du juge administratif dans le contentieux des actes de gouvernement. Cette dernière reste aujourd’hui pourtant essentiellement objective. L’analyse repose toujours sur l’objet particulier des actes de gouvernement. Comme ils sont relatifs qu’à la conduite des relations internationales ou qu’aux rapports entretenus par les pouvoirs publics, ils ne peuvent être de nature à porter atteinte aux droits des requérants. L’approche constitutionnelle et européenne concernant la protection des droits et libertés appelle pourtant à une approche plus subjective du juge dans ce domaine, une approche qui tient davantage compte des circonstances particulières propres à chaque cas d’espèce. Le but étant de limiter les actes du gouvernement à une sorte de «noyau dur» et de mettre en adéquation la notion d'actes non détachables des relations diplomatiques avec les critères d'application du droit européen des droits de l'Homme et, le cas échéant, du droit de l'Union, afin de garantir aux personnes un droit au recours effectif en cas d'atteinte aux droits et libertés fondamentaux.

Préconisée il y a quelque temps déjà par la doctrine [27], cette approche continue à être mise en avant aujourd’hui [28]. La pression est de plus en plus forte en témoigne l’affaire  Mme B. C. et autres contre Ministre de l’Europe et des affaires étrangères» précitée concernant les femmes et enfants dans les camps en Syrie [29]. Le juge des référés, pour ne pas évoquer la situation particulière des requérants quant à la violation des droits et libertés, qu’ils soient constitutionnels comme l’intérêt supérieur des enfants [30] ou européens comme la garantie du droit à ne pas subir des traitements inhumains et dégradants (CESDH, art. 3 N° Lexbase : L7558AIR), du droit à la liberté et de la sûreté (CESDH, art. 5 N° Lexbase : L4786AQC), du droit au procès équitable (CESDH, art. 6 N° Lexbase : L7558AIR) ou  du droit au recours effectif (CESDH, art. 13 N° Lexbase : L4746AQT),  a retenu l’absence d’autorité de l’Etat français sur les individus placés dans les camps en Syrie, les camps syriens ne se trouvant pas sous la juridiction de l’Etat français.

Si l’argument prête à discussion [31], la décision ainsi que l’attitude des autorités françaises ont été assez unanimement critiquées que ce soit par le défenseur des droits [32], la haute-commissaire aux droits de l’homme de l’ONU [33], la commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe [34]. A noter aussi une tribune commune de la Fédération internationale des droits de l'Homme, la Ligue des droits de l'Homme, le syndicat des Avocats de France, le syndicat de la magistrature et de plusieurs universitaires et avocats [35]. A noter cependant, quant aux enfants djihadistes, qu’il y a eu des rapatriements et que les autorités françaises ont engagé des négociations et n'ont pas adopté une position de refus systématique.

III – Le juge administratif et le principe d’impartialité

Trois affaires sont révélatrices du dialogue des juges dans la perception de la question de l’impartialité du juge administratif. Une affaire, tout d’abord, interne à propos d’un magistrat spécialiste en droit des étrangers ayant tenu publiquement des propos racistes qui permet au juge de se prononcer sur la question très rare de l’impartialité subjective d’un magistrat (CE, 14 juin 2019, n° 427510 N° Lexbase : A2667ZIM). Une autre affaire, devant le juge européen cette fois-ci, vient clôturer le long contentieux touchant le docteur Bonnemaison où la CEDH valide la procédure suivie devant le juge administratif dans le traitement de l’affaire (CEDH, 11 avril 2019, Req. 32216/15). Enfin, une dernière affaire traite de la question de la partialité des magistrats lorsqu’ils sont susceptibles d’intervenir sur une même décision dans des formations de jugement différentes et à des niveaux divers de la procédure (CE, 8 avril 2019, n° 426820 N° Lexbase : A8882Y8H).

A - La décision «Sauvannet» et la question, rare, du traitement de l’impartialité subjective

Longtemps traité de manière conjointe avec le principe d’indépendance [36], le principe d’impartialité jouit aujourd’hui d’une certaine autonomie. Les critères d’appréciation utilisés ont été fixés par le juge constitutionnel [37] et le juge européen [38]. Les juges traitent le plus souvent de la question de «l’impartialité objective», celle qui vise à contrôler l'organisation même de l'institution judiciaire qui doit inspirer confiance au justiciable. Dans l'arrêt d’espèce, c’est l’autre type d’impartialité qui est invoquée, «l’impartialité subjective» qui oblige le juge à pénétrer dans la psychologie de la personne mise en cause et à rechercher s'il désirait favoriser un plaideur ou nuire à un justiciable. Les cas sont beaucoup plus rares et les affaires à traiter forcément plus délicates dans l’appréciation des critères retenus. Pour cette raison, l'impartialité est toujours présumée, jusqu'à preuve du contraire [39] et la preuve apportée doit être flagrante [40]. C’est le cas dans l’arrêt d’espèce même si le Conseil d’Etat se contente d’affirmer timidement que «la teneur de certains des propos tenus publiquement par le président de la formation de jugement est de nature à faire naître un doute légitime sur l'impartialité de la juridiction» [41].

La mise en cause au titre de l’impartialité subjective doit être utilisée avec parcimonie. Les cas sont très rares, y compris au niveau disciplinaire, là où les questions de partialité reviennent le plus souvent. Ne sont généralement condamnés sur le terrain de la partialité que des conflits d’intérêts, des collusions entre le juge et une partie, et jamais la subjectivité du juge [42]. La jurisprudence, quel soit interne ou européenne a su, à de très rares exceptions près, préserver la subjectivité du juge et fonder l’impartialité presque uniquement sur l’existence de conflits d’intérêts entre le juge et une partie. Même si la subjectivité du juge peut parfois être mise en avant comme dans le cas d’espèce, il faut éviter d’assimiler impartialité et subjectivité parce que la jurisprudence sur ce thème pourrait générer «une attente infinie du corps social (attente proportionnelle à la légitime terreur d’être jugé par un juge injuste)» [43] et pourrait «devenir le réceptacle des scories de l’époque -le complotisme, la désidéologisation, le discrédit des institutions- et des illusions aporétiques d’une impartialité conçue comme le contraire de la subjectivité du juge» [44].

B - Le défaut de partialité du Conseil d’Etat dans l’affaire «Bonnemaison»

Le juge européen a rendu son verdict dans l’affaire «Bonnemaison», celle, on le rappelle de ce médecin généraliste qui exerçait les fonctions de responsable urgentiste au sein d’une unité d’un centre hospitalier de Bayonne et qui avait été radié pour avoir délibérément provoqué la mort de patients hospitalisés. L’affaire avait donné lieu à deux procédures, l’une criminelle par laquelle il avait été initialement acquitté [45], l’autre disciplinaire. Dans cette seconde procédure, la chambre disciplinaire nationale de l'Ordre des médecins avait rejeté ses recours en arguant de la régularité des poursuites disciplinaires et de l'indépendance des poursuites pénales et disciplinaires. Le Conseil d'Etat avait fait de même en rejetant le pourvoi par un arrêt qui avait fait beaucoup de bruit [46]. Le docteur Bonnemaison a alors saisi le juge européen pour se plaindre notamment de la partialité du Conseil d'État tout en estimant que l'acquittement prononcé en première instance justifiait qu'il ne soit pas sanctionné disciplinairement.

La CEDH [47] ne relève aucun élément de nature à démontrer un quelconque défaut d’impartialité du Conseil d’Etat. Le requérant faisait valoir le fait que le Conseil d’Etat s’était bornée à reprendre à son compte les accusations des chambres disciplinaires. La Cour rejette cette analyse en notant «tout d’abord que les décisions des chambres disciplinaires contiennent non pas des ‘accusations’, comme le prétend le requérant, mais des motifs retenus pour conclure à des manquements déontologiques et prononcer une sanction disciplinaire, à l’issue d’un débat contradictoire au cours duquel le requérant, assisté de son avocat, a pu faire valoir tous ses arguments» (§ 25) puis en constant ensuite «d’une part, qu’il entre précisément dans les attributions du Conseil d’État de reprendre les constats des juridictions du fond pour en apprécier la légalité et, d’autre part, que l’arrêt du Conseil d’Etat ne se borne pas, comme le prétend le requérant, à réitérer les motifs des juges disciplinaires, mais qu’il est au contraire longuement motivé, répondant précisément à chacun des moyens soulevés» (§ 25).

C - La décision «Association ‘Koenigshoffen Demain’» et l’impartialité du magistrat qui se prononce en référé, après cassation, sur la même décision dont il a rejeté la demande d’annulation

Par une décision rendue le 8 avril 2019, le Conseil d’Etat juge que le principe d’impartialité ne s’oppose pas à ce qu’un magistrat qui a rejeté une demande d’annulation se prononce à nouveau, après cassation, sur un référé visant à suspendre la même décision [48]. Le juge administratif reste ainsi constant sur son interprétation du principe d’impartialité et applique une jurisprudence assez tolérante en ne sanctionnant les magistrats que dans la mesure où ils ont concrètement pris position sur une affaire [49]. Le magistrat est seulement susceptible de partialité chaque fois qu’en qualité de juge d'appel il a à connaître d'une affaire qu'il avait jugée en première instance puisqu’il est susceptible d’avoir préjugé l’affaire sur laquelle il a à nouveau se prononcer [50]. Rien de comparable en l’espèce dans la mesure où la juridiction est à nouveau saisie d'une affaire après que sa décision initiale ait été infirmée [51].

Dans ce cas, aucune règle générale de procédure ne s'oppose à ce que les juges dont une décision a été annulée pour violation de la loi soient appelés à délibérer à nouveau sur la même affaire [52]. Le juge européen va dans le même sens puisqu’il n’y voit aucun motif de suspicion légitime notamment quand il y a, d’un côté, un jugement sur un vice de fond et, de l’autre côté, un jugement sur un vice de forme [53]. En l’absence de dispositions législatives et réglementaires, un juge de première instance peut être amené à procéder à un second examen en tant que juge des référés tant qu’il n’a pas pris parti lors du premier recours [54].

En l’espèce, aucune prise de partie ne pouvait être retenue dans la mesure où le premier jugement a été annulé pour irrégularité sur le fondement d’une omission à statuer, soit sur l’absence de réponse à un moyen. Le magistrat visé par les critiques ne pouvait avoir pris parti sur un moyen qui n’avait pas été jugé. Il est somme tout logique, en ce sens, qu’en l’espèce, un juge des référés puisse connaître d'une demande de suspension dans une affaire dont il a déjà eu à connaître au fond dans le cadre d'un jugement qui a fait l'objet d'une cassation et d'un renvoi devant la juridiction du fond.

 

[1] Selon l’expression employée par M. Delmas-Marty, Les Forces imaginantes du droit. Le Pluralisme ordonné, Paris, Seuil, tome 2, 2006.

[2] Cons. const., décision n° 2014-418 QPC du 8 octobre 2014 (N° Lexbase : A9167MXS), JO, 10 octobre 2014, p. 16484.

[3] CEDH, 4 mars 2014, Req. 18640/10 (N° Lexbase : A1275MGC), RTDE, 2015, p. 235, obs. L. d'Ambrosio et D. Vozza.

[4] CJUE, 26 février 2013, aff. C-617/10, § 37 (N° Lexbase : A6106I8N) où la CJUE, juge, conformément à l’interprétation de la CESDH, que le «principe ne bis in idem énoncé à l’article 50 de la Charte ne s’oppose pas à ce qu’un Etat membre impose, pour les mêmes faits de non-respect d’obligations déclaratives dans le domaine de la TVA, successivement une sanction fiscale et une sanction pénale dans la mesure où la première sanction ne revêt pas un caractère pénale».

[5] Cons. const., décision n° 2014-453/454 QPC et n° 2015-462 QPC du 18 mars 2015 (N° Lexbase : A7983NDZ), JO, 20 mars 2015, p. 5183.

[6] V. Tellier-Cayrol, Chronique de QPC (juillet – décembre 2018) (Suite et fin), LPA, 2019, 8 Août, n° 147, p. 9 et suiv.

[7] CEDH, 15 novembre 2016, Req. 24130/11 et 29758/11 (N° Lexbase : A9900SGR) où si le droit européen n'exclut pas la conduite de procédures administratives et pénales parallèles pour les mêmes faits, l'une et l'autre doivent être unies par un lien matériel et temporel suffisant pour qu'il n'y ait pas répétition ; CEDH, 18 mai 2017, Req. 22007/11 où, dans la logique du précédent arrêt, deux procédures fiscales de nature «pénale» pour les mêmes infractions ne sont pas complémentaires et le cumul est contraire au droit à ne pas être jugé ou puni deux fois ; CEDH, 6 avril 2019, Req. 72098/14, où, examinant le lien matériel entre les procédures fiscale et pénale, le juge admet qu’elles étaient complémentaires, le cumul ne violant pas le principe non bis in idem.

[8] Cons. const., décision n° 2016-545 QPC du 24 juin 2016 (N° Lexbase : A0909RU9), JO, 30 juin 2016, texte n° 110 ; Cons. const., décision n° 2016-546 QPC du 24 juin 2016 (N° Lexbase : A0910RUA), JO, 30 juin 2016, texte n° 11 ; Cons. const., décision n° 2018-745 QPC du 23 novembre 2018 (N° Lexbase : A3978YMB), JO, 24 novembre 2018, texte n° 70.

[9] Ibid.

[10] CJUE, 20 mars 2018, aff. C-537/16 (N° Lexbase : A2863XHI) ; CJUE, 20 mars 2018, aff. C-524/15 (N° Lexbase : A3533WRB) ; CJUE, 20 mars 2018, aff. C-596/16 et C-597/16 (N° Lexbase : A3864XHK). 

[11] Le Conseil était saisi des dispositions applicables à l’élection présidentielle en vertu desquelles le candidat ayant dépassé le plafond des dépenses électorales encourt une amende de 3 750 euros et une peine d'emprisonnement d’un an, et en outre est tenu de verser au Trésor public une somme égale au montant du dépassement.

 [12] A la différence des décisions Cons. const., décisions n° 2016-545 QPC (N° Lexbase : A0909RU9) et n° 2016-546 QPC (N° Lexbase : A0910RUA) du 24 juin 2016 ; Cons. const., décision n° 2018-745 QPC du 23 novembre 2018, préc.

[13] Le quatrième critère qui était celui de «l'identité d'ordre de juridiction», qui existait au départ (voir, par ex., Cons. const., décision n° 2014-453/454 QPC du 18 mars 2015 (N° Lexbase : A7983NDZ), JO, 20 mars 2015, p. 5183) a été abandonné (voir, par ex., Cons. const., décision n° 2016-570 QPC du 29 septembre 2016 N° Lexbase : A7361R4E), JO, 1er octobre 2016, texte n° 57).

[14] C. Malverti et C. Beaufils, Sous des étoiles contraires : le juge administratif face au ne bis in idem, AJDA, 2019, p. 1150 et suiv. Par ex., récemment, un cas de triple cumul (contentieux ordinal, contrôle technique de la sécurité sociale et pénal) : CE, 18 mars 2019, n° 424610 (N° Lexbase : A1785Y4U) (jurisprudence citée par les chroniqueurs du Conseil d’Etat).

[15] Cf. C. env., art. L. 171-7 (N° Lexbase : L5240LRI) et L. 171-8 (N° Lexbase : L5235LRC) sur l'indépendance des procédures pénales et administratives.

[16] C. jur. fin., art. L. 314-18 (N° Lexbase : L1673ADC) à propos des poursuites devant la CDBF qui ne font pas obstacle à l'exercice de l'action pénale et de l'action disciplinaire.

[17] CEDH, 6 juin 2019, Req. 47342/14 (N° Lexbase : A3061ZDQ).

[18] CEDH, 15 novembre 2016, Req. 24130/11 et 29758/11, préc..

[19] CJUE, GC, 20 mars 2018, aff. C-537/16, préc. ; CJUE, 20 mars 2018, aff. C-524/15, préc. ; CJUE, 20 mars 2018, aff. C-596/16 et C-597/16, préc.

[20] F. Stasiak, Démêlage de «nœuds» bis in idem ?  (CEDH, 6 juin 2019, Req. 47342/14, préc.)», RSC, 2019, p. 383 et suiv.

[21] Loi n° 2016-819 du 21 juin 2016, réformant le système de répression des abus de marché (N° Lexbase : L7614K8I) (JO, 22 juin 2016, texte n° 1). Les modalités de la procédure de concertation ont été précisées par le décret n° 2016-1121 du 11 août 2016, portant application de l'article L. 465-3-6 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L7568K98) (JO, 14 août 2016, texte n° 22).

[22] CEDH, 8 juillet 2019, Req. 54012/10 (N° Lexbase : A4325ZIZ).

[23] L'affaire concernait un conducteur qui soutenait avoir été poursuivi deux fois pour avoir refusé de se soumettre à un prélèvement de preuves biologiques lors d'un contrôle de police en vue de déterminer son taux d'alcoolémie. L'intéressé a fait l'objet de deux procédures, l'une ayant abouti à l’arrêt des poursuites pénales mais à l’application d’une sanction à caractère administratif et l'autre à une condamnation pénale à un an d'emprisonnement avec sursis par un tribunal hiérarchiquement supérieur.

[24] Soit l’ordonnance du parquet prescrivant l’arrêt des poursuites pénales contre le suspect et l’application d’une sanction à caractère administratif.

[25] L'autorité appelée à rendre la décision doit avoir apprécier le fond de l'affaire (§ 97). Tel était le cas, en l'espèce, du parquet lorsqu'il a clôturé les poursuites pénales et infligé une amende au requérant. La décision étant définitive après l’épuisement des recours «ordinaires» ou après l’expiration du délai prévu par la loi interne pour exercer un tel recours (§ 103). Les recours qualifiés d’«extraordinaires» n’ont pas à être pris en compte (§ 103). Peu importe le droit interne. L’appréciation se faisant sur la base de critères subjectifs et non pas objectifs (§ 116).

[26] C. Malverti et C. Beaufils, Sous des étoiles contraires : le juge administratif face au ne bis in idem, préc.

[27] Voir, par ex., F. Melleray, L’immunité juridictionnelle des actes de Gouvernement en question. Le droit français confronté aux développements récents du droit espagnol, RFDA, 2001, p. 1097 et suiv.

[28] Par ex., S. Roussel et C. Nicolas, De l'injusticiabilité des actes de gGouvernement, AJDA, 2018, p. 491 et suiv. ; C. Saunier, La théorie des actes de gouvernement face aux droits fondamentaux, DA, 2019, n° 7, comm. n° 38.

[29] CE, 23 avril 2019, n° 429668, 429669, 429674 et 429701 (N° Lexbase : A6824Y9M).

[30] Cons. const., décision n° 2018-768 QPC du 21 mars 2019 (N° Lexbase : A3247XYW), JO, 22 mars 2019, texte n° 82.

[31] Il semble aujourd’hui établi que le critère territorial n'est pas suffisant en soi pour apprécier la juridiction d’un Etat concernant les obligations liées au respect des droits et libertés, celles-ci s’imposant à l’Etat français que les ressortissants se trouvent sur le territoire national ou à l’étranger.

[32] Défenseur des droits, n° 2019-129, 22 mai 2019, voir l'espace juridique du site.

[33] Cf. par ex. J. Hourdeaux, Rapatriement des familles de djihadistes : le rappel à l’ordre de Michelle Bachelet, Mediapart, 29 juin 2019.

[34] D. Mijatović, Les Etats membres du Conseil de l’Europe devraient rapatrier d’urgence leurs ressortissants mineurs bloqués dans le nord de la Syrie, site du Conseil de l'Europe.

[35] Google Drive, 2 juillet 2019.

Voir S. Slama, L'acte de gouvernement à l'épreuve du droit européen. Non-rapatriement des femmes françaises et de leurs enfants des camps du Kurdistan syrien, AJDA, 2019, p. 1644 et suiv.

[36] Notamment par le Conseil constitutionnel : Cons. const., décision n° 2002-461 DC du 29 août 2002 (N° Lexbase : A2314AZQ), JO, 10 septembre 2002, p. 14953, Rec. CC, p. 204 ou Cons. const., décision n° 2003-466 DC du 20 février 2003 (N° Lexbase : A0567A77), JO, 27 février 2003, p. 3480, Rec. CC, p. 156.

[37] Par exemple Cons. const., décision n° 2011-147 QPC du 8 juillet 2011 (N° Lexbase : A9354HUY), JO, 9 juillet 2011, p. 11979, Rec. CC, p. 343, où le Conseil constitutionnel déclare non conforme à l'article 16 de la DDHC (N° Lexbase : L1363A9D) et au principe d’impartialité le principe traditionnel gouvernant la justice des mineurs selon lequel le juge chargé de l'instruction est également l'instance de jugement.

[38] La CEDH trouve le fondement juridique du principe d'impartialité dans le droit au procès équitable (CESDH, art. 6 § 1 : par ex., CEDH, 1er octobre 1982, Req. 8692/79 (N° Lexbase : A5322AZ7) ; CEDH, 10 juin 1996, Req. 22399/93 (N° Lexbase : A8413AWI) ; CEDH, 7 août 1996, Req. 19874/92 (N° Lexbase : A8415AWL) ; CEDH, 23 avril 2015, Req. 29369/10 (N° Lexbase : A0406NHI).

[39] Cf. par ex., CEDH, 1er octobre 1982, Req. 8692/79, préc..

[40] Tel est le cas, dans l'arrêt CEDH, 23 avril 1996, Req. 16839/90 (N° Lexbase : A8400AWZ) où, à l’occasion d’un jury de cour d'assises jugeant un Français d'origine algérienne, l'un des jurés a tenu, hors de la salle d'audience mais devant la presse, des propos racistes.

[41] En réalité, il s’agissait, comme a pu le relever la presse généraliste, de «tweets ouvertement racistes» témoignant d'une xénophobie décomplexée. On peut citer parmi ses messages : «Je vire tout ce qui est tchétchène, je limite la casse pour mon pays», «Je m'occupe des OQTF (obligations de quitter le territoire). Avec moi, ça dégage fissa».

[42] Voir, en ce sens, B. Hurel, Impartialité et subjectivité, délibérée 2018, n° 5, p. 12 et suiv.

[43] Ibid.

[44] Ibid.

[45] Après avoir été mis en examen par un juge d'instruction, il fut acquitté par une cour d'assises en 2014 puis, finalement, condamné, en 2015, à deux ans de prison avec sursis pour un seul décès.

[46] CE, 30 décembre 2014, n° 381245 (N° Lexbase : A8359M84), AJDA, 2015, p. 749, chron. J. Lessi et L. Dutheillet de Lamothe, RFDA, 2015, p. 67, concl. R. Keller.

[47] CEDH, 11 avril 2019, Req. 32216/15, préc.

[48] CE, 8 avril 2019, n° 426820, préc. Il ressort des faits de l’espèce que le tribunal administratif de Strasbourg avait été saisi une première fois, par une association, d’une annulation d’un permis de construire et qu’il avait rejeté les demandes. A la suite d’un pourvoi en cassation, le Conseil d’Etat annule le jugement pour irrégularité. Le tribunal administratif de Strasbourg est alors saisi, une seconde fois par la même association, d’un référé visant à suspendre l’exécution du permis litigieux. Le tribunal rejette à nouveau. L’association forme alors un pourvoi contre cette dernière ordonnance en arguant qu’elle a été rendue en méconnaissance du principe d’impartialité car un magistrat était présent dans les deux litiges.

[49] Voir dans le même sens CE, 13 mars 2019, n° 420514 (N° Lexbase : A6916Y3K) où la circonstance qu'un juge des référés libertés rejette une demande sur le fondement de l’article L. 521-2 du Code de justice administrative (N° Lexbase : L3058ALT) ne fait pas, à elle seule, obstacle à ce que le même juge des référés statue ultérieurement sur la demande présentée par le même requérant sur le fondement de l'article L. 521-1 (N° Lexbase : L3057ALS) visant à suspendre l’exécution d'une décision prise par la même autorité administrative dans le cadre du même différend.

[50] CE, 30 novembre 1994, n° 123452 (N° Lexbase : A3535ASQ) ; CE, 5 mars 2003, n° 241763 (N° Lexbase : A5093A7R), Rec. CE, p. 112.

[51] Voir, en ce sens, P. Soler-Couteaux, Un juge qui a participé au prononcé d'un jugement annulé en cassation peut statuer en référé dans le cadre du renvoi de l'affaire devant la juridiction du fond, RDI, 2019, p. 356 et suiv.

[52] CE, 25 juillet 1980, n° 24189 (N° Lexbase : A9170AIH), Rec. CE, p. 323.

[53] CEDH, 26 septembre 1995, Req. 18160/91 (N° Lexbase : A9542NNQ), § 36 et suiv. ; CEDH, 18 décembre 2008, Req. 30609/04 (N° Lexbase : A0798ZNU), § 33.

[54] CE Sect., 11 février 2005, n° 258102 (N° Lexbase : A6735DGK), Rec. CE, p. 55, AJDA, 2005, p. 660, chron. C. Landais et F. Lenica, RFDA, 2005, p. 760, concl. I. de Silva.

newsid:470310

Procédure pénale

[Jurisprudence] Séisme de la garde à vue en France : les répliques huit ans plus tard… !

Réf. : CEDH, 11 juillet 2019, deux arrêts, Req. 62313/12, Olivieri c/ France (N° Lexbase : A5429ZIW) et Req. 30828/13, Bloise c/ France (N° Lexbase : A5427ZIT)

Lecture: 9 min

N0235BYD

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par Anaïs Danet, Professeure de droit privé et de sciences criminelles à l’Université de Reims- Champagne Ardenne - CEJESCO (EA 4693)

Le 18 Septembre 2019

 


Mots-clés : garde à vue • procès équitable • droit à l’assistance d’un avocat • droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination

Résumé : la Cour européenne des droits de l’Homme confirme le mouvement de recul quant à la protection accordée au droit à l’assistance d’un avocat au cours de la garde à vue, en mettant en avant le critère de l’équité globale du procès.


 

Le 11 juillet 2019, la Cour européenne des droits de l’Homme annonçait par un communiqué de presse la publication de deux arrêts de chambre rendus le même jour, relatifs au droit à l’assistance d’un avocat et au droit au silence durant la garde à vue. Intitulé «Gardes à vue antérieures à la réforme législative : rappel de l’importance du droit au silence et de l’assistance d’un avocat» [1], ce communiqué pourrait induire en erreur le lecteur distrait qui, se laissant leurrer par l’annonce molle d’un simple rappel de l’importance de ces garanties du procès équitable formulé à l’occasion d’affaires régies par un droit enterré, se dispenserait d’une lecture plus attentive de ces deux arrêts. Il serait pourtant dommage de se priver d’une telle lecture car ces deux décisions de la Cour de Strasbourg sont intéressantes à plus d’un titre.

Dans la première affaire, le requérant, gérant d’une société, avait été poursuivi du chef de banqueroute. Placé en garde à vue le 27 novembre 2007 à 10 heures, ses droits lui furent notifiés, conformément au droit en vigueur à l’époque, qui n’imposait pas de notifier le droit au silence, ni ne prévoyait l’assistance d’un avocat tout au long de la garde à vue. A l’issue de dix heures d’interrogatoire sans avocat, il reconnut les faits. Attrait devant le tribunal correctionnel par citation directe, le requérant souleva la nullité de la citation, de la garde à vue, ainsi que de la procédure subséquente. Accueillie par le tribunal correctionnel, l’exception de nullité de la garde à vue fut cependant rejetée par la cour d’appel le 30 mai 2011, soit un mois et demi après les fameux arrêts rendus par l’Assemblée plénière de la Cour de cassation faisant produire immédiatement effet à la déclaration de non-conventionnalité de la garde à vue française [2]. La Cour de cassation rejeta par la suite le pourvoi formé par le requérant au motif que, pour entrer en voie de condamnation, les juges ne s’étaient pas exclusivement et essentiellement fondés sur les déclarations du requérant recueillies au cours de la garde à vue.

Dans la seconde affaire, le requérant fut placé en garde à vue le 19 février 2007, pour des faits d’abus de biens sociaux. Mis en examen le 12 avril 2007 puis renvoyé devant le tribunal correctionnel, il souleva la nullité de sa garde à vue pour violation du droit à l’assistance d’un avocat et du droit de se taire. Le tribunal correctionnel jugea cependant le 2 novembre 2010 que l’intéressé n’était plus recevable à contester sa garde à vue, compte tenu du délai de forclusion alors applicable [3]. La cour d’appel rejeta à son tour les exceptions de nullité soulevées par le requérant. Le pourvoi en cassation de ce dernier fut également rejeté, la Cour de cassation estimant que les juges du fond ne s’étaient pas exclusivement et essentiellement fondés sur les déclarations recueillies au cours de la garde à vue pour entrer en voie de condamnation.

La Cour européenne des droits de l’Homme devait donc, une fois de plus, se prononcer sur le point de savoir si l’atteinte portée au droit à l’assistance d’un avocat dès le début de la garde à vue ainsi que l’absence de notification du droit au silence entraînent une violation du droit au procès équitable prévu par l’article 6 de la Convention de sauvegarde.

De prime abord, la question peut paraître rebattue et la réponse peu surprenante : dans la première affaire, la Cour de Strasbourg conclut à la violation de l’article 6 car les déclarations du requérant lors de sa garde à vue ont été déterminantes dans la décision de condamnation ; dans la seconde affaire, en revanche, les jugements rendus en première instance comme en appel ne faisaient aucune référence aux déclarations faites en garde à vue, de telle sorte que, pour la Cour, la condamnation était fondée sur des éléments extérieurs, préservant ainsi à ses yeux l’équité globale de la procédure, permettant de conclure à l’absence de violation de l’article 6 (N° Lexbase : L7558AIR).

A en croire le communiqué de presse, il ne s’agirait là que de l’application d’une jurisprudence «linéaire» [4] depuis les fameux arrêts "Salduz" [5] et "Dayanan" [6] rendus contre la Turquie. Cela n’est pourtant pas tout à fait exact, ce qui rend les arrêts «Olivieri et Bloise» d’autant plus intéressants.

Intéressants, ces arrêts le sont pour au moins deux raisons :

D’une part, toutes les difficultés engendrées par les gardes à vues antérieures à la réforme du 14 avril 2011 sont loin d’être soldées. Dans les deux arrêts soumis à notre commentaire, les faits dataient de 2007. Plus encore, des gardes à vue réalisées dans le cadre de la retentissante affaire «Grégory» datant d’il y a plus de 30 ans ont elles-mêmes été remises en cause ces derniers mois devant la Cour de cassation [7] ! C’est dire que les gardes à vue du passé n’ont pas fini d’interroger les juristes contemporains. La portée de la jurisprudence française comme européenne sur cette question est loin de pouvoir être appréciée de façon simple : la lecture des arrêts «Olivieri et Bloise» révèle de façon incidente combien la question soulève de difficultés relatives à l’application dans le temps, non de la loi, mais de la jurisprudence. Dans son arrêt «Olivieri», la Cour de Strasbourg déclare être «consciente des difficultés que le passage du temps et l’évolution de sa jurisprudence peuvent entraîner pour les juridictions» [8], mais il a surtout fallu, en la matière, combiner cette jurisprudence avec les décisions des juridictions internes ayant modulé les effets dans le temps de leur jurisprudence, Cour de cassation [9] comme Conseil constitutionnel [10].

Si ces éléments ne sont pas déterminants pour l’appréciation au fond de la Cour, puisque celle-ci vérifie la conformité aux droits fondamentaux d’une situation concrète telle qu’elle se présentait en son temps, ils sont néanmoins pris en compte au stade de l’examen de la recevabilité de la requête au regard de l’exigence d’épuisement des voies de recours internes [11].

D’autre part et surtout, derrière cet apparent rappel de l’importance du droit au silence et de l’assistance d’un avocat se cache une réplique bien timide du séisme qu’a connu le droit de la garde à vue française au tournant de la décennie 2010.

Alors que les juges de Strasbourg affirment sans ambages que «l’évolution [de sa jurisprudence] a été linéaire depuis l’arrêt Salduz» [12], la réalité est quelque peu différente. En effet, dans la jurisprudence «Salduz», le raisonnement de la Cour européenne des droits de l’Homme pouvait se décomposer en trois temps. Dans un premier temps, il s’agissait de savoir si la privation du droit à un avocat découlait d’une règle générale ou de circonstances particulières. Dans la première hypothèse, la violation du droit à un procès équitable paraissait en être la conséquence inéluctable [13]. Dans la seconde, s’ouvrait le deuxième temps de la réflexion, consistant à interroger les circonstances particulières ayant conduit au défaut d’assistance d’un avocat. Il s’agissait alors de se demander s’il existait des raisons impérieuses de priver le requérant de ses droits. Venait enfin le troisième et dernier temps de la réflexion consistant à interroger l’équité globale de la procédure, c’est-à-dire à se demander si, en présence de raisons impérieuses de priver le requérant de ses droits, celui-ci avait néanmoins pu bénéficier de garanties compensatrices.

Or, depuis l’arrêt «Beuze» rendu contre la Belgique fin 2018 [14], dont l’arrêt «Ibrahim c/ Royaume-Uni» [15] constituait les prémices, la Cour semble avoir supprimé de son raisonnement la première étape consistant à vérifier que la restriction du droit à l’assistance d’un avocat n’est pas le fruit d’une règle générale, ce qui dev(r)ait conduire à reconnaître systématiquement une violation de l’article 6 de la Convention.

C’est donc à une véritable régression du droit à l’avocat que l’on assiste depuis ces arrêts, régression qui est bel et bien confirmée par les arrêts «Olivieri et Bloise» ici commentés.

Certes, l’appréciation de l’équité globale du procès est censée compenser la privation du droit à un avocat et maintenir un niveau de protection équivalent [16]. En réalité, le niveau de protection offert aux justiciables paraît au contraire affaibli.

D’abord, cette nouvelle ligne jurisprudentielle adoucit considérablement le contrôle européen.  Désormais, le critère majeur du contrôle de conventionalité réside dans la règle de l’exclusion consistant à exiger que les propos tenus en l’absence de l’avocat n’aient été le fondement ni exclusif ni essentiel de la condamnation. Or, le risque est réel que des éléments obtenus au cours de gardes à vue annulées puissent tout de même influencer la suite de la procédure et donc la décision, sans que cela n’apparaisse expressément dans la motivation, et ce d’autant plus que la Cour de cassation est relativement stricte dans l’application de la théorie des actes subséquents [17]. Il paraît donc difficile d’affirmer que la vérification du respect de l’équité globale du procès assure un niveau de protection équivalent à l’exigence d’une assistance de principe de l’avocat…

Ensuite, cette nouvelle ligne jurisprudentielle de la Cour de Strasbourg, envoie un mauvais message. Il n’est sans doute pas très prudent de laisser entendre que le droit à un avocat au cours de la garde à vue n’est ni absolu, ni même nécessaire pour garantir l’équité de la procédure, alors qu’il n’est pas rare que les droits de la défense soient malmenés en pratique [18].

Ce message pourrait surtout être mal perçu par le législateur. Il ne s’agit pas de jouer les Cassandre, et l’on peut bien sûr espérer que le législateur résistera aux sirènes européennes semblant permettre un recul des garanties associées aux droits de la défense, mais la succession, ces dernières années, de lois de procédure toujours plus répressives peut cependant alimenter quelques craintes…

 

[1] Gardes à vue antérieures à la réforme législative : rappel de l’importance du droit au silence et de l’assistance d’un avocat, Communiqué de presse du greffier de la Cour européenne des droits de l’Homme du 11 juillet 2019, à propos des arrêts CEDH, 11 juillet 2019, Req. 62313/12, Olivieri c/ France et Req. 30828/13, Bloise c/ France.

[2] Ass. plén., 15 avril 2011, n° 10-17.049, FP-P+B+R+I (N° Lexbase : A5043HN4), D., 2011, p. 1128, entretien G. Roujou de Boubée ; D., 2011, p. 1713, obs. V. Bernaud et L. Gay ; D., 2012. p. 390, obs. O. Boskovic, S. Corneloup, F. Jault-Seseke, N. Joubert et K. Parrot ; AJ Pénal, 2011, p. 311, obs. C. Mauro ; Constitutions, 2011. 326, obs. A. Levade ; RSC, 2011.p. 410, obs. A. Giudicelli ; RTDCiv., 2011, p. 725, obs. J.-P. Marguénaud ; Gaz. Pal., 17-19 avril 2011, jurispr. p. 10, note Bachelet ; Dr. Pénal, 2011, comm. 84, obs. Maron et Haas ; J. Pradel, Un regard très européen sur les gardes à vue antérieures à l'application de la loi du 14 avril 2011, JCP éd. G, 2011. p. 756.

[3] C. pr. pén., art. 175, dans sa version alors applicable (N° Lexbase : L7482LPS).

[4] Selon les propres termes de la Cour européenne des droits de l’Homme : CEDH, 11 juillet 2019, Req. 62313/12, Olivieri c/ France, §. 36.

[5] CEDH, 27 novembre 2008, Req. 36391/02, Salduz c/ Turquie (N° Lexbase : A3220EPX), AJDA, 2009, p. 872, chron. J.-F. Flauss.

[6] CEDH, 13 octobre 2009, Req. 7377/03, Dayanan c/ Turquie (N° Lexbase : A3221EPY), D., 2009, p. 2897, note J.-F. Renucci ; AJ Pénal, 2010, p. 27, ét. C. Saas ; RSC, 2010, p. 231, obs. D. Roets.

[7] Cass. crim., 19 février 2019, n° 18-83.360, FS-P+B+I (N° Lexbase : A4969YXC), D., 2019, p. 868, note S. Pellé.

[8] § 36.

[9] Cass. crim., 19 octobre 2010, n° 10-82.306, FP-P+B+I+R (N° Lexbase : A0916GCW).

[10] Cons. const., décision n° 2010-14/22 QPC, du 30 juillet 2010 (N° Lexbase : A4551E7P).

[11] En effet, l’absence d’exception de nullité soulevée par le requérant devant la chambre de l’instruction, qui pourrait dans le contexte actuel, conduire à conclure à l’absence d’épuisement des voies de recours internes -et donc à l’irrecevabilité de la requête formée devant la Cour, n’emporte pas la même conséquence si l’on se replace à l’époque où le droit positif ne permettait pas encore de contester la nullité des gardes à vue au motif que le droit à l’assistance d’un avocat tel que prévu par la Convention de sauvegarde n’avait pas été respecté (CEDH, 11 juillet 2019, Req. 30828/13, Bloise c/ France, § 35).

[12] CEDH, 11 juillet 2019, Olivieri c/ France, Req. 62313/12, préc., § 36.

[13] CEDH, 27 novembre 2008, précité, § 56.

[14] CEDH, 9 novembre 2018, Req. 71409/10, Beuze c/ Belgique (N° Lexbase : A6428YKB), AJ Pénal, 2019, p. 30, comm. E. Clément ; JCP éd. G, 2018.1249, obs. F. Sudre ; RDP, 2019, p. 859, obs. L. MIlano, H. Surrel, K. Blay-Grabarczyl, J.-M. Larralde ; RSC, 2019, p. 174, note D. Roets ; RTDH, 2019, p. 519, obs. M.-A. Beernaert ; O. Bachelet, L’inquiétant étiolement du droit du mis en cause d’accéder à un avocat, Lexbase Pénal, décembre 2018 (N° Lexbase : N6841BXN).

[15] CEDH, 13 septembre 2016, Req. 50541/08, Ibrahim et autres c/ Royaume-Uni (N° Lexbase : A7910RZY), JCP éd. G, 2016.1010, obs. L. Milano.

[16] En ce sens, v. E. Clément, Droit à l’avocat : d’avancées en dérobades, l’étrange valse de la CEDH, note sous CEDH, 9 novembre 2018, préc., AJ Pénal, 2019, p. 30.

[17] La Cour de cassation estime en effet qu’ «il résulte des dispositions combinées des articles 174 et 802 du Code de procédure pénale que, lorsqu'une irrégularité constitue une cause de nullité de la procédure, seuls doivent être annulés les actes affectés par cette irrégularité et ceux dont ils sont le support nécessaire» : Cass. crim., 27 mai 2014, n° 13-87.095, F-P+B (N° Lexbase : A6151MPI), Bull. crim. n° 140.

[18] V. récemment les plaintes de quatre avocats nancéens, relayées par la presse locale : E. Nicolas, Du rififi dans l’air entre policiers et avocats, L’Est Républicain, édition du 24 juillet 2019.  

newsid:470235

Rel. collectives de travail

[Brèves] Incompatibilité entre le mandat de membre élu au CSE et celui de représentant syndical auprès du CSE

Réf. : Cass. soc., 11 septembre 2019, n° 18-23.764, FS-P+B (N° Lexbase : A4725ZNC)

Lecture: 2 min

N0335BY3

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par Charlotte Moronval

Le 18 Septembre 2019

► Un salarié ne peut siéger simultanément dans le même comité social et économique en qualité à la fois de membre élu, titulaire ou suppléant et de représentant syndical auprès de celui-ci, dès lors qu’il ne peut, au sein d’une même instance et dans le même temps, exercer les fonctions délibératives qui sont les siennes en sa qualité d’élu, et les fonctions consultatives liées à son mandat de représentant syndical lorsqu’il est désigné par une organisation syndicale.

Telle est la solution dégagée par la Chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 11 septembre 2019 (Cass. soc., 11 septembre 2019, n° 18-23.764, FS-P+B N° Lexbase : A4725ZNC).

Une salariée, élue membre suppléant du comité social et économique d’une société lors d’élections du 30 mai 2018, a été désignée en qualité de représentante syndicale auprès du même comité par un syndicat le 25 juin 2018. L’employeur conteste cette décision en invoquant l’incompatibilité entre les deux mandats.

Le tribunal d’instance de La Roche-sur-Yon du 12 octobre 2018 invite la salariée à opter pour la fonction de membre du comité social et économique ou celle de représentant syndical au comité social et économique dans un délai d’un mois à compter de sa signification et, à défaut, ordonne l’annulation de la désignation de la salariée en qualité de représentant syndical au comité social et économique. Le syndicat et la salariée forment un pourvoi en cassation contre ce jugement.

Enonçant la solution susvisée, la Cour de cassation rejette le pourvoi. En enjoignant à la salariée, élue membre suppléant du comité social et économique, d’opter entre cette fonction et celle de représentant syndical à ce même comité, et à défaut, en déclarant nulle cette désignation, le tribunal d’instance a statué à bon droit (sur Les représentants syndicaux au comité social et économique, cf. l'Ouvrage «Droit du travail» N° Lexbase : E1932GAS).

newsid:470335

Transport

[Brèves] Transport aérien : incompétence du juge pénal pour connaître de l’action en réparation d’un accident causé dans le cadre d’une promenade aérienne effectuée par un particulier

Réf. : Cass. crim., 10 septembre 2019, n° 18-83.858, F-P+B+I (N° Lexbase : A7911ZMX)

Lecture: 2 min

N0306BYY

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par Vincent Téchené

Le 26 Septembre 2019

► Une promenade aérienne, fût-elle effectuée par un particulier, à titre gratuit, avec un point de départ et d’arrivée identique, constitue un transport aérien soumis à la Convention de Varsovie du 12 octobre 1929, de sorte que l’action en réparation d’un tel accident aérien échappe à la compétence matérielle des juridictions répressives.

Tel est l’enseignement d’un arrêt rendu par la Chambre criminelle de la Cour de cassation le 10 septembre 2019 (Cass. crim., 10 septembre 2019, n° 18-83.858, F-P+B+I N° Lexbase : A7911ZMX).

En l’espèce, un avion d’aéroclub piloté par un pilote privé est parti en vue d’effectuer une promenade aérienne au-dessus du bassin d’Arcachon avec trois passagers emmenés à titre gratuit. L’avion s’est écrasé peu après le décollage, occasionnant des blessures aux quatre occupants de l’appareil. Poursuivi du chef de blessures involontaires, le pilote a été déclaré coupable. Le tribunal, après avoir ordonné le versement de provisions aux parties civiles, a renvoyé sur les intérêts civils. Les parties civiles, le prévenu et le procureur de la République ont relevé appel de cette décision, soulevant une exception d’incompétence du juge pénal. L’arrêt d’appel rejette cette exception d’incompétence du juge pénal pour connaître de la responsabilité civile, énonçant que le vol a été entrepris par un particulier, qui n’est pas une entreprise de transport, et que la Convention de Varsovie n’est dès lors pas applicable.

Saisie d’un pourvoi, la Cour de cassation, énonçant la solution précitée, censure l’arrêt d’appel au visa de l’article L. 322-3 du Code de l’aviation civile devenu L. 6421-4 du Code des transports (N° Lexbase : L6160INH).

newsid:470306

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