La lettre juridique n°729 du 1 février 2018

La lettre juridique - Édition n°729

Peines

[Brèves] Conséquences du mouvement social des surveillants pénitentiaires sur les conditions de détention : pas de traitement inhumain ou dégradant en l'espèce !

Réf. : TA Clermont-Ferrand, 26 janvier 2018, n° 1800130 (N° Lexbase : A7242XBT)

Lecture: 2 min

N2484BXB

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par Marie Le Guerroué

Le 01 Février 2018

Le fait de ne pas pouvoir se doucher régulièrement ou d'être confiné 24 heures sur 24 dans sa cellule est susceptible de constituer un traitement inhumain ou dégradant au sens de la CESDH, du Code de procédure pénale et de la jurisprudence du Conseil d'Etat. Le tribunal administratif estime, toutefois, qu'en l'espèce, tel n'était pas le cas, dans une décision du 26 janvier 2018 (TA Clermont-Ferrand, 26 janvier 2018, n° 1800130 N° Lexbase : A7242XBT).

Dans cette affaire, M. D., détenu dans un centre pénitentiaire, avait saisi le juge des référés liberté au motif que, depuis le début du mouvement social des surveillants, il aurait été soumis à des traitements inhumains ou dégradants en raison de l'absence de douche, de promenade, de ramassage des déchets dans la cellule et dans les coursives ainsi qu'en raison de l'absence de cantine.

Le tribunal précise que, eu égard à la vulnérabilité des détenus et à leur situation d'entière dépendance vis-à-vis de l'administration, il appartient à celle-ci, et notamment aux directeurs des établissements pénitentiaires, en leur qualité de chefs de service, de prendre les mesures propres à protéger leur vie ainsi qu'à leur éviter tout traitement inhumain ou dégradant afin de garantir le respect effectif des exigences découlant des principes rappelés par les articles 2 (N° Lexbase : L4753AQ4) et 3 (N° Lexbase : L4764AQI) de la CESDH. Le droit au respect de la vie ainsi que le droit de ne pas être soumis à des traitements inhumains ou dégradants constituent des libertés fondamentales. Il rappelle, aussi, que lorsque la carence de l'autorité publique crée un danger caractérisé et imminent pour la vie des personnes ou les expose à être soumises, de manière caractérisée, à un traitement inhumain ou dégradant, portant ainsi une atteinte grave et manifestement illégale à ces libertés fondamentales, et que la situation permet de prendre utilement des mesures de sauvegarde dans un délai de 48 heures, le juge peut prescrire toutes les mesures de nature à faire cesser la situation résultant de cette carence. Ce serait le cas si les détenus n'avaient pas accès à la douche ou à la promenade.

Toutefois, le tribunal note que les détenus ont pu bénéficier, le 23 janvier, de la douche, de la promenade et du téléphone ; le 24 janvier, les portes des cellules ont été ouvertes 20 minutes pour permettre aux détenus d'accéder aux douches, téléphoner et sortir leurs poubelles mais sans promenade ; le 25 janvier, la promenade a été proposée au requérant qui l'a refusée et n'a pas sorti sa poubelle. Ce dernier a accédé à la douche l'après-midi. Le tribunal note, aussi, que les seuls déchets de la coursive sont ceux que M. D. a fait passer par son oeilleton et que la cantine devait être assurée le 26 janvier pour des denrées non périssables. Ainsi, M. D., qui n'a pu bénéficier d'une promenade le seul 24 janvier, ne peut sérieusement prétendre avoir été soumis à un traitement inhumain ou dégradant.

newsid:462484

Accident du travail - Maladies professionnelles (AT/MP)

[Brèves] Faute inexcusable de l'employeur : avance des frais d'expertise amiable pour l'évaluation des préjudices de la victime par la CPAM

Réf. : Cass. civ. 2, 25 janvier 2018, n° 16-25.467, F-P+B+I (N° Lexbase : A3234XBE)

Lecture: 2 min

N2456BXA

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par Laïla Bedja

Le 01 Février 2018



Au regard de l'article L. 452-3, dernier alinéa, du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L5302ADQ), les frais de l'expertise amiable réalisée en vue de l'évaluation des chefs de préjudice subis par la victime d'un accident du travail dû à la faute inexcusable de l'employeur sont avancés par la caisse qui en récupère le montant auprès de cet employeur. Telle est la solution retenue par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 25 janvier 2018 (Cass. civ. 2, 25 janvier 2018, n° 16-25.467, F-P+B+I N° Lexbase : A3234XBE).

Dans cette affaire, victime d'un accident pris en charge au titre de la législation professionnelle, M. X a saisi la juridiction de Sécurité sociale d'une demande de reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur, la société T., représentée par son liquidateur judiciaire.

Par un arrêt du 19 décembre 2014, la cour d'appel de Caen a reconnu la faute inexcusable de l'employeur, statué sur la majoration de la rente attribuée à la victime et sursis à statuer sur la demande d'expertise médicale, en ordonnant à M. X de produire des éléments permettant d'établir et de chiffrer ses préjudices. A la suite d'une expertise amiable, M. X a présenté des demandes d'indemnisation.

Par la suite, la cour d'appel, le 4 décembre 2015 (CA Caen, 4 décembre 2015, n° 12/00528 N° Lexbase : A8071NYL), a condamné l'employeur à verser à M. X, au titre des frais irrépétibles, une somme correspondant aux honoraires du médecin expert consulté par la victime et aux frais de déplacement exposés par celle-ci pour se rendre sur les lieux de l'examen médical ; l'arrêt retenant que s'agissant de frais exposés dans le cadre du litige, pour répondre aux injonctions de l'arrêt en date du 19 décembre 2014, ils doivent être considérés comme des frais exposés pour les besoins de la procédure et donc, qualifiés d'irrépétibles.

A tort pour la Haute juridiction qui, énonçant la solution susvisée, casse et annule l'arrêt rendu par les juges du fond pour violation de l'article L. 452-3 du Code de la Sécurité sociale (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E4405EXG).

newsid:462456

Autorité parentale

[Brèves] Assistance éducative et mesures provisoires : précisions concernant le délai de six mois imparti au juge des enfants pour statuer sur le fond

Réf. : Cass. civ. 1, 24 janvier 2018, n° 17-11.003, FS-P+B+I (N° Lexbase : A0820XBY)

Lecture: 2 min

N2458BXC

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par Anne-Lise Lonné-Clément

Le 01 Février 2018

Selon l'article 1185 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L8894IWC), la décision sur le fond du juge des enfants doit intervenir dans un délai de six mois à compter de la décision ordonnant les mesures provisoires, faute de quoi l'enfant est remis à ses parents, tuteur, personne ou service à qui il a été confié, sur leur demande ; le juge peut, si l'instruction n'est pas terminée dans ce délai, après avis du procureur de la République, proroger celui-ci pour une durée qui ne peut excéder six mois.
Par un arrêt rendu le 24 janvier 2018, la Cour de cassation vient préciser deux choses pour la mise en oeuvre de ces dispositions : 1°, au sens de ce texte, la décision ordonnant les mesures provisoires est la décision du juge des enfants, de sorte que c'est à compter de celle-ci que court le délai de six mois qui lui est imparti pour prendre une décision sur le fond ; 2°, il résulte de ces dispositions que le juge des enfants qui statue plus de six mois après la décision ordonnant les mesures provisoires, sans qu'aucune décision au fond ou prorogation ne soit intervenue dans ce délai, excède ses pouvoirs (Cass. civ. 1, 24 janvier 2018, n° 17-11.003, FS-P+B+I N° Lexbase : A0820XBY ; déjà en ce sens concernant le second point relatif à l'excès de pouvoir du juge des enfants statuant sur le fond après l'expiration du délai qu'il n'a pas prorogé : Cass. civ. 1, 25 février 1997, n° 96-05.045 N° Lexbase : A0983ACE).

S'agissant du premier point, il faut en effet rappeler que, en vertu de l'article 375-5 du Code civil (N° Lexbase : L4936K8C), le juge des enfants peut ordonner des mesures provisoires dans deux situations à distinguer, à savoir "en cas d'urgence" ou "hors situation d'urgence". En cas d'urgence, c'est le procureur de la République du lieu où le mineur a été trouvé qui ordonne en premier la mesure provisoire, à charge de saisir dans les huit jours le juge compétent, qui maintiendra, modifiera ou rapportera la mesure. Tel était le cas en l'espèce. C'est ainsi que la Cour de cassation a été amenée à préciser le premier point, approuvant la cour d'appel qui avait constaté que la première ordonnance de placement du juge des enfants était intervenue le 10 septembre 2015, et qui en avait déduit à bon droit que le délai de six mois expirait le 10 mars 2016, nonobstant l'ordonnance de placement provisoire prise par le procureur de la République le 25 août 2015.

Sur le second point, la Haute juridiction, rappelant la solution précitée, censure l'arrêt rendu par la cour d'appel, qui avait confirmé la décision du 30 mars 2016 ayant rejeté, comme étant prématurée, la demande de mainlevée du placement de l'enfant. En effet, en statuant ainsi, sans constater que le juge des enfants avait prorogé le délai de six mois courant à compter du 10 septembre 2015 ou qu'une décision sur le fond était intervenue, la cour d'appel avait confirmé une décision entachée d'excès de pouvoir (cf. l’Ouvrage "L'autorité parentale" N° Lexbase : E5838EYU).

newsid:462458

Bancaire

[Brèves] Responsabilité du prestataire de paiement récepteur d'un identifiant unique erroné dans l'exécution d'un ordre de virement

Réf. : Cass. com., 24 janvier 2018, n° 16-22.336, F-P+B+I (N° Lexbase : A2134XBN)

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N2451BX3

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par Fatima Khachani

Le 01 Février 2018

En vertu de l'article L. 133-21 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L5117LGM), si l'identifiant unique fourni par l'utilisateur du service de paiement est inexact, le prestataire de services de paiement n'est pas responsable de la mauvaise exécution de l'opération de paiement. Tel est le rappel de la lettre du texte fait par la Chambre commerciale de la Cour de cassation dans un arrêt du 24 janvier 2018 (Cass. com., 24 janvier 2018, n° 16-22.336, F-P+B+I N° Lexbase : A2134XBN).

En l'espèce, un utilisateur fournit un identifiant unique erroné pour l'exécution d'un ordre de virement à sa banque. Celle-ci transmet cet identifiant à la banque prestataire de service de paiement du bénéficiaire de l'ordre. Le montant est viré sur le compter d'un tiers. Il est alors reproché à la banque réceptrice de l'ordre de ne pas avoir recherché si l'identifiant unique du virement reçu coïncidait avec le numéro de compte de la société bénéficiaire de l'ordre de virement.

Ainsi, l'arrêt rendu le 27 mai 2016 entre les parties par la cour d'appel de Paris (CA Paris, Pôle 5, 6ème ch., 27 mai 2016, n° 15/02289 N° Lexbase : A8370RQ3) retient que la faute consistant à ne pas avoir recherché si l'identifiant unique du virement coïncidait avec le numéro de compte de la société bénéficiaire, est à l'origine directe et exclusive du dommage subi par la banque prestataire de paiement du payeur, tenue de rembourser le montant du virement à son client.

Saisie d'un pourvoi contre cet arrêt, la Cour de cassation, énonçant la solution précitée, censure l'arrêt d'appel au visa de l'article L. 133-21 du Code monétaire et financier (cf. l’Ouvrage "Droit bancaire" N° Lexbase : E7435EXN).

newsid:462451

Contrat de travail

[Jurisprudence] De la neutralisation des dispositions conventionnelles limitant le bénéfice de la contrepartie financière à la clause de non-concurrence

Réf. : Cass. soc., 18 janvier 2018, n° 15-24.002, FS-P+B (N° Lexbase : A8855XA9)

Lecture: 6 min

N2465BXL

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par Christophe Radé, Professeur à la Faculté de droit de Bordeaux, Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition sociale

Le 01 Février 2018

Plus de quinze ans après le revirement intervenu en matière de clauses de non-concurrence, et qui a conduit à exiger, pour toutes les clauses, actuelles comme futures, le bénéfice d'une contrepartie financière, la Cour de cassation continue de censurer des cours d'appel qui ne parviennent toujours pas à en tirer toutes les conséquences. Dans ce nouvel arrêt publié en date du 18 janvier 2018, la Chambre sociale de la Cour de cassation confirme l'illicéité des dispositions, aujourd'hui révisées, de la Convention collective nationale des experts-comptables et commissaires aux comptes (N° Lexbase : X0587AEH) (I), et tire logiquement de cette illicéité toutes les conséquences pour le texte conventionnel en question dont le domaine d'application, amputé de sa restriction réputée non écrite, s'en trouve très logiquement étendu (II).
Résumé

Le montant de la contrepartie financière à une clause de non-concurrence ne pouvant être minoré en fonction des circonstances de la rupture, il en résulte que la contrepartie prévue par la Convention collective en cas de licenciement est applicable en présence d'une rupture conventionnelle du contrat de travail.

I - L'interdiction de faire varier le montant de la contrepartie financière à la clause de non-concurrence selon les circonstances de la rupture du contrat de travail

Cadre conventionnel. L'article 8.5 de la Convention collective nationale des experts comptables et commissaires aux comptes fixe le cadre conventionnel des clauses de non-concurrence qui peuvent être inscrites dans les contrats de travail. A l'époque des faits qui nous intéresserons ici (1), cet article prévoyait une clause d'une durée maximale de trois ans, assortie d'une contrepartie financière dont le montant variait selon que le contrat de travail était rompu par un licenciement (montant d'au moins 25 % de la rémunération mensuelle perçue en moyenne au cours des vingt-quatre derniers mois) ou une démission (seulement 10 % de cette somme).

Hostilité jurisprudentielle. On sait que la Cour de cassation s'est prononcée très tôt, après le revirement intervenu en 2002 (2), contre les dispositions faisant varier le montant de la contrepartie financière, désormais de droit pour tous, en fonction d'autres variables que l'étendue de l'interdiction (3), qu'il s'agisse de prendre en compte l'ancienneté du salarié (4) ou les circonstances de la rupture du contrat de travail (5), allant même jusqu'à fonder le principe fondamental de libre activité professionnelle (6) sur l'article 6.1 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC) signé le 16 décembre 1966 pour neutraliser les dispositions du Code de commerce local applicable dans les départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle (7).

Sanction. Cette interdiction de tenir compte de l'origine de la rupture a pour conséquence d'entraîner la neutralisation de la disposition concernée, qu'elle soit contractuelle (8) ou conventionnelle (9), et qu'il s'agisse d'exclure purement et simplement le bénéfice de la contrepartie en cas de démission (10), voire simplement de le réduire dans cette hypothèse (11), ou pour sanctionner une faute grave (12).

Plusieurs précisions ont été apportées pour bien saisir les conséquences de cette illicéité.

Comme il s'agit à la fois d'une obligation contractuelle qui pèse sur l'employeur (verser une contrepartie financière) et d'une cause de nullité relative (la contrepartie protégeant les intérêts du seul salarié, à savoir sa liberté professionnelle) (13), le salarié dispose d'un choix : soit il demande l'exécution forcée en nature de cette obligation, c'est-à-dire le bénéfice de la contrepartie financière, soit il réclame la nullité de la clause, s'il préfère recouvrer sa pleine liberté professionnelle (14) et réclamer alors la réparation du préjudice que lui aurait causé la nullité de cette clause (15).

Par ailleurs, lorsque le salarié met en cause la distinction opérée entre les différents cas de rupture du contrat de travail, le juge préfère à la nullité la technique voisine consistant à réputer la condition non écrite (16), ce qui a pour effet de ne pas entraîner l'annulation de l'ensemble de la clause (le salarié conserve donc le droit d'en réclamer l'application (17)), et conduit à ne soustraire au texte que l'élément illicite et, par conséquent, d'ouvrir le bénéfice de la disposition litigieuse s'il remplit, par ailleurs, les autres conditions (licites) posées par le texte.

Ce sont ces principes qui sont ici mis en oeuvre dans cette nouvelle affaire.

Les faits. Une salariée a été engagée en avril 2008 comme assistante juridique par un cabinet relevant de la Convention collective nationale des experts comptables et commissaires aux comptes. En janvier 2011, un protocole de rupture conventionnelle a été signé entre les parties. La salariée a alors saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes portant notamment sur le bénéfice de la contrepartie financière à une clause de non-concurrence stipulée à l'article 8-5-1 de la Convention collective nationale des experts-comptables et commissaires aux comptes.

La cour d'appel le lui avait refusé, considérant que celle-ci n'était stipulée qu'en cas de licenciement, ce qui n'était pas son cas, puisqu'elle avait conclu une rupture conventionnelle du contrat de travail. Elle avait, toutefois, accordé à la salariée une indemnité réparant le préjudice résultant de l'exécution de cette clause nulle, ce qui ne la satisfaisait pas, dans la mesure où le juge avait dû lui attribuer des dommages et intérêts d'un montant moindre à celle qu'elle espérait percevoir par application de la clause.

La cassation. Cet arrêt est ici cassé. Après avoir visé "l'article 8-5-1 de la Convention collective des cabinets d'experts-comptables et de commissaires aux comptes, dans sa rédaction alors applicable, ensemble le principe fondamental de libre exercice d'une activité professionnelle et l'article L. 1121-1 du Code du travail (N° Lexbase : L0670H9P) dans sa rédaction alors applicable", la Chambre sociale de la Cour de cassation affirme que "le montant de la contrepartie financière à une clause de non-concurrence ne pouvant être minoré en fonction des circonstances de la rupture, il en résulte que la contrepartie prévue par la Convention collective en cas de licenciement était applicable en l'espèce".

II - L'effet amplifiant de la sanction de l'illicéité des dispositions conventionnelles litigieuses

Discussion. La solution retenue par la cour d'appel pouvait semblée justifiée au regard des termes mêmes de l'article L. 1237-11, alinéa 2, du Code du travail (N° Lexbase : L8512IAI), qui dispose clairement que "la rupture conventionnelle [est] exclusive du licenciement ou de la démission [...]", ce qui semblait donc, a priori, écarter toute application d'une disposition conventionnelle fondée sur la qualification de "licenciement", ce qui était bien le cas de l'article 8.5 de la Convention collective nationale des experts-comptables

Cette analyse était, en réalité, fausse.

Bien entendu, la salariée ne réclamait pas l'application littérale du texte, mais une version débarrassée de sa condition réputée non écrite par le juge, dans le cadre des pouvoirs que ce dernier doit exercer à la demande du salarié.

Or, on sait, et cela avait été déjà été jugé pour les dispositions conventionnelles litigieuses, que l'article 8.5 de la Convention collective nationale des experts-comptables et commissaires aux comptes était, en l'état, illicite. La Chambre sociale de la Cour de cassation l'avait déjà jugé en 2015 et avait dû déterminer quels étaient les droits d'une salariée quittant un cabinet d'expertise comptable dans le cadre d'une rupture conventionnelle (18). La cour d'appel avait cru pouvoir assimiler celle-ci à une démission et avait attribué à la salariée l'indemnité contractuelle correspondant à 10 % du salaire mensuel (et conforme au minimum conventionnel). Cette décision fut cassée, au visa du "principe fondamental de libre exercice d'une activité professionnelle, ensemble l'article L. 1121-1 du Code du travail" (comme ici), la Cour de cassation considérant que "doit être réputée non écrite la minoration par les parties, dans le cas d'un mode déterminé de rupture du contrat de travail, de la contrepartie pécuniaire d'une clause de non-concurrence", avant d'en déduire que la cour d'appel aurait dû "faire application de la contrepartie de 25 %, laquelle n'est pas susceptible de réduction par le juge".

L'effet amplificateur s'attachant au constat que la condition illicite doit être réputée non écrite est une conséquence inhérente à cette technique, puisqu'en réalité, le texte conventionnel, qui n'est pas "annulé" par le juge (qui n'est pas saisi d'une action en nullité) mais statue sur la légalité par voie d'exception, conduit à interpréter le texte en faisant abstraction de la condition litigieuse. Or, en supprimant une condition d'application restrictive du texte, on lui fait produire un effet plus étendu. CQFD !

La révision conventionnelle. Les dispositions conventionnelles incriminées ont été modifiées postérieurement et toute référence aux circonstances de la rupture du contrat supprimées (19), sans que ces modifications ne puissent évidemment sauver les clauses contractuelles conclues antérieurement et qui demeurent soumises, pour l'appréciation de leur validité, à l'état du droit positif de l'époque (20).


(1) Le texte a en effet été corrigé de ses erreurs en 2014, cf. infra.
(2) Cass. soc., 10 juillet 2002, n° 00-45.135, FP-P+B+R+I (N° Lexbase : A1225AZE ; cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E8699ESY ; N° Lexbase : E8703ES7 et N° Lexbase : E5185EXC) et nos obs., La Cour de cassation prise en flagrant délit de violation du principe de la prohibition des arrêts de règlement, Lexbase, éd. soc., n° 33, 2002 (N° Lexbase : N3574AAM).
(3) La contrepartie financière a la nature d'un salaire rémunérant une inactivité : Cass. soc., 26 septembre 2002, n° 00-40.461, FS-P+B (N° Lexbase : A4899AZH ; cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E8710ESE), lire S. Koleck-Desautel, La contrepartie financière de la clause de non-concurrence a une nature salariale, Lexbase, éd. soc., n° 42, 2002 (N° Lexbase : N4172AAR) ; v., également, nos obs., Précisions sur la nature de la contrepartie pécuniaire de l'obligation de non-concurrence, Lexbase, éd. soc., n° 187, 2005 (N° Lexbase : N9995AIZ).
(4) Cass. soc., 7, mars 2007, n° 05-45.511, FP-P+B+R (N° Lexbase : A6024DUN) ; jurisprudence constante.
(5) Cass. soc., 31 mai 2006, n° 04-44.598, FS-P+B (N° Lexbase : A7486DPX) et le comm. de S. Tournaux, La nullité de la clause de non-concurrence pourvue d'une contrepartie pécuniaire conditionnée, Lexbase, éd. soc., n° 219, 2006 (N° Lexbase : N9547AKS). Les clauses excluent généralement le versement de tout ou partie de la contrepartie en cas de démission ; d'autres au contraire peuvent restreindre ce bénéfice à cette seule hypothèse : Cass. soc., 27 février 2007, n° 05-44.984, F-P (N° Lexbase : A4169DUX ; cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E5186EXD). Dernièrement, s'agissant du non-versement illicite pour le salarié partant à la retraite : Cass. soc., 27 septembre 2017, n° 16-17.516, F-D (N° Lexbase : A5767WTR ; cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E8710ESE).
(6) Ce principe a été formalisé en tant que tel à partir de l'arrêt du 10 juillet 2002, préc..
(7) Cass. soc., 16 décembre 2008, n° 05-40.876, FS-P+B (N° Lexbase : A8950EB4) ; Code de commerce local, art. 75, al. 3.
(8) Dans ce cas, le juge constate la nullité : Cass. soc., 9 avril 2015, n° 13-25.847, FS-P+B (N° Lexbase : A5250NGK ; cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : A5250NGK).
(9) Dans ce cas, le juge écarte l'application de la disposition illicite : Cass. soc., 14 avril 2016, n° 14-29.679, F-P+B (N° Lexbase : A7018RIR ; cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E8710ESE) : doit ainsi être réputée non écrite la disposition de l'article 32 de la Convention collective nationale de l'industrie textile du 1er février 1951 (N° Lexbase : X0651AET), auquel se conformait le contrat de travail, et qui prévoie une minoration de la contrepartie financière de l'obligation de non-concurrence en cas de rupture de ce contrat par le salarié, et qui est donc contraire au principe de libre exercice d'une activité professionnelle et à l'article L. 1121-1 du Code du travail (N° Lexbase : L0670H9P).
(10) Cass. soc., 31 mai 2006, n° 04-44.598, FS-P+B, préc..
(11) Cass. soc., 25 janvier 2012, n° 10-11.590, FS-P+B (N° Lexbase : A4389IB8).
(12) Cass. soc., 4 juin 2008, n° 04-40.609, FS-P+B (N° Lexbase : A9207D8I) ; Cass. soc., 8 avril 2010, n° 08-43.056, FS-P+B (N° Lexbase : A5805EUK).
(13) Cass. soc., 25 janvier 2006, n° 04-43.646, F+P (N° Lexbase : A5595DM8 ; cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E5207EX7) ; Cass. soc., 2 février 2006, n° 04-41.004, FS-P+B (N° Lexbase : A6580DMN) et les obs. de G. Auzero, Précisions quant à la portée de la nullité relative des clauses de non-concurrence irrégulières, Lexbase, éd. soc., n° 202, 2006 (N° Lexbase : N4409AKI).
(14) Cf. notes 7 et 8.
(15) Cass. soc., 25 mai 2016, n° 14-20.578, F-P+B (N° Lexbase : A0354RRK ; cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E5208EX8), comm. S. Tournaux, Nullité de la clause de non-concurrence et préjudice subi par le salarié, éd. soc., n° 658, 2016 (N° Lexbase : N3072BWP). On sait, désormais, que cette réparation n'est plus automatique, le salarié devant établir en quoi elle lui a causé un préjudice.
(16) Cass. soc., 8 avril 2010, n° 08-43.056, FS-P+B (N° Lexbase : A5805EUK ; cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E5186EXD).
(17) Cass. soc., 8 avril 2010, n° 08-43.056, FS-P+B, préc. : "la clause de non-concurrence n'était pas nulle mais devait être réputée non écrite en ses seules dispositions minorant la contrepartie en cas de faute" ; Cass. soc., 25 janvier 2012, n° 10-11.590, préc. : "le salarié lié par une clause de non-concurrence devant bénéficier d'une contrepartie financière, les parties ne pouvaient dissocier les conditions d'ouverture de l'obligation de non-concurrence de celles de son indemnisation, la cour d'appel [...] devait en déduire que la stipulation minorant en cas de démission la contrepartie financière était réputée non écrite".
(18) Cass. soc., 9 avril 2015, n° 13-25.847, FS-P+B (N° Lexbase : A5250NGK ; cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E8710ESE), comm. S. Tournaux, Modulation de la contrepartie financière en fonction du cas de rupture du contrat de travail, Lexbase, éd. soc., n° 610, 2015 (N° Lexbase : N7069BUD).
(19) A l'article 8.5.1, alinéa 2 de la Convention collective nationale des experts-comptables et commissaires aux comptes (N° Lexbase : X0587AEH), les termes "en cas de licenciement et 10 % en cas de démission" sont supprimés.
(20) Cass. soc., 28 septembre 2011, n° 09-68.537, FS-P+B (N° Lexbase : A1299HYR ; cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E8700ESZ) et nos obs., Contrepartie de la clause de non-concurrence : nouvelles précisions, Lexbase, éd. soc., n° 457, 2011 (N° Lexbase : N8105BSY) ; Cass. soc., 27 mars 2013, n° 12-12.892, FS-P+B (N° Lexbase : A2627KBW) : "la validité d'une telle clause doit être appréciée à la date de sa conclusion". Sur la non-rétroactivité de la révision de la Convention collective nationale des avocats salariés dans ses dispositions (insuffisantes) en matière de forfaits en jours sur l'année : Cass. soc., 8 novembre 2017, n° 15-22.758, FS-P+B (N° Lexbase : A8325WYY ; cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E0430GA8 et N° Lexbase : E0722ETW) et nos obs., Insuffisance des anciennes dispositions de la CCN des avocats salariés relatives aux conventions de forfait en jours, Lexbase, éd. soc., n° 720, 2017 (N° Lexbase : N1304BXL).

Décision

Cass. soc., 18 janvier 2018, n° 15-24.002, n° 71 FS-P+B (N° Lexbase : A8855XA9)

Cassation partielle (CA Rennes, 19 juin 2015, n° 13/00987 N° Lexbase : A5650NLT)

Textes : Convention collective nationale des experts-comptables et commissaires aux comptes (N° Lexbase : X0587AEH), art 8.5 ; principe fondamental de libre exercice d'une activité professionnelle ; C. trav., art. L. 1121-1 (N° Lexbase : L0670H9P), dans sa rédaction alors applicable.

Mots clef : clause de non-concurrence ; contrepartie financière.

Lien base : (N° Lexbase : E8710ESE).

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Droit rural

[Jurisprudence] Motivation de la décision de rétrocession de la SAFER : la réalité des objectifs poursuivis doit pouvoir être vérifiée !

Réf. : Cass. civ. 3, 18 janvier 2018, n° 16-20.937, FS-P+B (N° Lexbase : A8675XAK)

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N2563BX9

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par Christine Lebel, Maître de conférences HDR (CRJFC, EA 3225) UFR SJEPG (Université de Franche-Comté), Vice-présidente de l'Association Française de Droit Rural, Directrice scientifique de l'Encyclopédie "Droit rural"

Le 01 Février 2018

Dans l'arrêt rendu le 18 janvier 2018, la Cour de cassation exige de la SAFER que sa décision de rétrocession de parcelles qu'elle a acquises notifiée au candidat évincé, soit motivée afin de lui permettre de vérifier la réalité des objectifs poursuivis au regard des exigences légales. En l'espèce, une Société d'Aménagement Foncier et d'Etablissement Rural (SAFER) a conclu avec un couple de propriétaires une promesse amiable en vue de l'acquisition, avec faculté de substitution, d'un ensemble de bois et taillis, par acte du 15 février 2010. La SAFER a enregistré deux candidatures déposées par une personne physique et un GFA. Puis, la SAFER a décidé de rétrocéder les parcelles à l'un de ces candidats. Elle a ensuite fait afficher sa décision en mairie et informé le GFA du Moulin de I'Humeau, par lettre du 14 juin 2010, du rejet de sa candidature, aux motifs que le bien avait été attribué à l'autre candidat "dans le cadre de son projet de gestion et l'exploitation forestière, en lien avec la coopérative Coforouest". La vente a été régularisée par acte du 6 août 2010, le candidat retenu s'étant substitué à la SAFER. Par actes du 20 novembre 2010, le GFA a fait assigner la SAFER et l'acquéreur devant le tribunal de grande instance, la première en annulation de sa décision de rétrocession et le second en responsabilité et en dommages-intérêts. Le tribunal a rejeté ses demandes, jugement confirmé par la cour d'appel de Poitiers dans un arrêt du 16 octobre 2013. Sur pourvoi du GFA, la Cour de cassation, au visa des articles L. 143-3 (N° Lexbase : L3373AEN) et R. 142-1 (N° Lexbase : L4664LGT) du Code rural et de la pêche maritime, a censuré cet arrêt "faute pour la cour d'appel d'avoir contrôlé si la motivation de la décision de rétrocession permettait de vérifier la réalité des objectifs poursuivis conformément aux exigences de la loi, par un arrêt du 12 mai 2015" (1). La cour d'appel de renvoi, le 4 mai 2016, a confirmé le jugement du TGI. Le GFA a rédigé un second pourvoi, dans lequel il fait grief à l'arrêt de rejeter la demande en nullité de la décision de rétrocession. Il prétend que la SAFER doit informer les candidats à la rétrocession évincés des motifs ayant déterminé son choix et que l'information ainsi fournie doit leur permettre de vérifier la conformité du choix de la SAFER aux objectifs définis par la loi. En outre, le GFA prétend que le projet du candidat acquéreur est fictif, et que pour cette raison, la décision de rétrocession est annulable.

La troisième chambre civile de la Cour de cassation, dans son arrêt du 18 janvier 2018, au visa des articles L. 141-1 (N° Lexbase : L3591G9U) et R. 142-4 (N° Lexbase : L5008AE9) du Code rural et de la pêche maritime juge "qu'en statuant ainsi, alors que la motivation de la décision de rétrocession notifiée au candidat évincé doit permettre à celui-ci de vérifier la réalité des objectifs poursuivis au regard des exigences légales, la cour d'appel a violé les textes susvisés". Ainsi, la décision rendue le 18 janvier 2018 constitue une évolution significative par rapport aux solutions jurisprudentielles rendues depuis quelques années (I), évolution demandée significativement par la doctrine majoritaire, notamment en raison de l'élargissement de la mission conférée aux SAFER par le législateur (II).

I - Un contrôle exclusivement formel de la légalité des décisions de rétrocessions amiables critiqué

La problématique porte sur le contrôle de la motivation des décisions de rétrocession de biens acquis à l'amiable par une SAFER. En effet, les SAFER ne peuvent conserver les biens qu'elles ont acquis soit à l'amiable, comme en l'espèce, soit par voie de préemption, que pendant une durée limitée. L'effectivité de leur mission dépend de l'attribution des immeubles à des acquéreurs potentiels. En principe, la procédure de rétrocession impose au préalable des mesures de publicité par affichage en mairie (2), en application de l'article R. 142-3 alinéas 1 et 2 du Code rural et de la pêche maritime. En pratique l'appel de candidature doit être affiché pendant quinze jours. L'avis comporte une description du bien et le délai dans lequel les candidatures doivent être effectuées, et le cas échéant, l'avis indique que des compléments d'information peuvent être obtenus au siège de la SAFER. Cette procédure est destinée à mettre en concours les personnes intéressées par une attribution des biens préalablement acquis par la SAFER. Aucune forme n'est imposée pour présenter les candidatures et le délai pour les déposer doit être précisé dans l'avis affiché en mairie. Un nouvel affichage doit avoir lieu après l'attribution (3).

Ensuite, la SAFER doit procéder à l'information individuelle des candidats non retenus et à l'affichage en mairie (4). L'obligation de publicité des décisions de rétrocession de la SAFER s'impose à peine de nullité, sans que le demandeur à l'annulation ait à rapporter la preuve d'un grief (5). Par application de l'article L. 143-14 du Code rural et de la pêche maritime (N° Lexbase : L3382AEY), le candidat évincé dispose d'un délai de six mois à compter du jour où les décisions de rétrocession ont été rendues publiques. Ce délai de six mois s'applique uniquement pour la contestation de la décision de la SAFER (6). En outre, le candidat évincé peut poursuivre l'annulation de l'attribution en mettant en cause le promettant, l'attributaire et la SAFER. Il ne peut obtenir que l'annulation de la décision et non sa substitution à l'acquéreur retenu.

A propos du contrôle de la décision de rétrocession de la SAFER par les juges judiciaires, la Cour de cassation considérait jusqu'alors que les tribunaux ne peuvent procéder qu'à un contrôle de légalité (7) et non à un contrôle de l'opportunité de la rétrocession (8). En outre, lorsque le candidat évincé fait un recours, il doit préciser en quoi la rétrocession n'aurait pas respecté les objectifs légaux (9). Une telle solution pourrait se justifier en raison d'un cadre juridique plus souple pour les rétrocessions amiables par rapport aux rétrocessions consécutives à une préemption exercée par la SAFER. Toutefois, une telle jurisprudence a été formellement critiquée par une partie de la doctrine à la suite d'un arrêt du 17 mars 2016 (10), dans lequel, la Cour de cassation refuse à nouveau de contrôler la conformité de la décision de rétrocession dans une hypothèse où une seule candidature a été présentée puis écartée car la SAFER, qui a préféré les retirer de la vente pour les conserver en réserve foncière, après avoir proposé leur attribution : "[...] le refus notifié par la SAFER était motivé par le déséquilibre de l'exploitation envisagée et par le fait que le projet d'installation individuelle de Mme X, en vue d'un élevage de vaches allaitantes, reposait sur une superficie limitée et ne comportait ni droits à prime ni bâtiments d'habitation et d'exploitation, la cour d'appel, qui n'avait pas à contrôler l'opportunité du refus, fût-ce en présence d'une seule candidature, a légalement justifié sa décision" !

Avec cet arrêt, il semblait possible de considérer que la Cour de cassation retenait une conception extensive de la notion d'"opportunité de la décision" critiquable (11).

II - L'affirmation du contrôle de légalité renforcé de la rétrocession amiable

L'arrêt du 18 janvier 2018 marque une rupture par rapport au courant jurisprudentiel qui s'est développé à l'exception d'un arrêt du 16 décembre 1998 (12). Tout en tenant compte de la différence entre la rétrocession amiable, comme en l'espèce, et la rétrocession consécutive à l'exercice du droit de préemption, il semble délicat de considérer que le contrôle judiciaire ne doit pas être réalisé dans les mêmes conditions. En effet, le Conseil constitutionnel a précisé dans sa décision DC du 9 octobre 2014 (13), rendue à propos de la loi d'Avenir n° 2014-1170 du 13 octobre 2014, en émettant une réserve d'interprétation des nouvelles dispositions légales élargissant le champ d'application du droit de préemption de la SAFER, que si les missions des SAFER sont présentées en une pluralité d'objectifs, ceux-ci ne sont pas tous à mettre sur le même plan. En outre, le Conseil constitutionnel a considéré que "les dispositions de cet article L. 143-2 n'ont pas pour objet et ne sauraient, sans porter aux conditions d'exercice du droit de propriété et à la liberté contractuelle une atteinte disproportionnée au regard de l'objet des missions de ces sociétés, permettre que l'exercice du droit de préemption qui leur est confié par les dispositions de l'article L. 143-1 soit mis en oeuvre pour des motifs qui ne se rattachent pas principalement à leur mission de favoriser installation, le maintien et la consolidation d'exploitations agricoles ou forestières afin que celles-ci atteignent une dimension économique viable au regard des critères du schéma directeur régional des exploitations agricoles, ainsi que l'amélioration de la répartition parcellaire des exploitations".

A l'appui de cette décision du Conseil constitutionnel, et compte tenu de l'élargissement de la mission de la SAFER, la doctrine (14) a proposé que les juges judiciaires s'inspirent de la méthode utilisée par le juge administratif. En effet, les décisions de la SAFER sont prises dans l'exercice de prérogatives de puissance publique dans un but d'intérêt général. Cette extension des pouvoirs de la SAFER devrait logiquement entraîner un contrôle renforcé de son action, sans laisser cette mission aux seuls commissaires du Gouvernement, représentant le ministère de l'Agriculture, en raison de la mission de service public (15) qui leur est dévolue. Ainsi, la SAFER, société de droit privé, est investie d'une mission d'intérêt général et par application de l'article 15 de la DDHC (N° Lexbase : L1362A9C), incluse dans le bloc de constitutionnalité selon lequel "la société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration", toute décision prise par une SAFER, dans le cadre de l'exercice de sa mission de service public, doit pouvoir faire l'objet d'un contrôle juridictionnel y compris quant à son opportunité (16). Ainsi, même si ce contrôle peut faire courir un risque d'annulation invoqué par un auteur (17), il est à relativiser, car l'annulation ne pourra être prononcée que lorsque les conditions d'exercice de la mission d'intérêt général n'auront pas été respectées.

Ainsi, en décidant que la motivation de la décision de rétrocession notifiée au candidat évincé doit permettre à celui-ci de vérifier la réalité des objectifs poursuivis au regard des exigences légales, la Cour de cassation reconnaît la nécessité de procéder à un contrôle plus important, et ne se contente plus du seul contrôle formel. La Haute juridiction, en enfilant à nouveau le costume de gardien des libertés individuelles, exerce effectivement ce rôle en imposant aux juges judiciaires de contrôler que la réalité des objectifs poursuivis par les exigences légales soit respectée dans toute décision de rétrocession de la SAFER, décision de rétrocession à l'amiable, comme en l'espèce, et a fortiori pour les rétrocessions après préemption. Et plus généralement, les missions de la SAFER seront mieux perçues par les plaideurs et plus généralement par toutes les personnes concernées. Pour cette raison, la solution énoncée par l'arrêt du 18 janvier 2018 doit être pleinement approuvée, l'exigence d'un tel contrôle met en exergue le but d'intérêt général à propos des règles relatives à l'aménagement du foncier rural.


(1) Cass. civ. 3, 12 mai 2015, n° 14-11.231, F-D (N° Lexbase : A8849NH9).
(2) Et par voie de presse pour les biens acquis par voie de préemption et ceux acquis à l'amiable à d'un montant supérieur à un certain seuil.
(3) C. rur., art. R. 142-4 (N° Lexbase : L5008AE9), pour l'acquisition à l'amiable ; C. rur., art. R. 143-11 (N° Lexbase : L6856KDB) pour l'acquisition par voie de préemption.
(4) Cass. civ. 3, 16 décembre 1999, n° 97-12.469 (N° Lexbase : A8011CH8), Bull. civ. III, n° 255 ; Cass. civ. 3, 1er mars 2000, n° 98-16.073 (N° Lexbase : A6458CEW), Bull. civ. III, n° 49 ; Cass. civ. 3, 18 février 2009, n° 08-10.575, FS-P+B (N° Lexbase : A2690EDY), Bull. civ. III, n° 46, pour les rétrocessions à la suite d'une acquisition amiable.
(5) Cass. civ. 3, 29 septembre 2004 n° 03-12.927, F-P+B (N° Lexbase : A4843DDQ), Bull. civ. III, n° 161 ; Cass. civ. 3, 3 octobre 2007, n° 06-16.083, FS-P+B (N° Lexbase : A6559DYL), Bull. civ. III, n° 167 ; Cass. civ. 3, 19 février 2014, n° 12-18.286, FS-P+B (N° Lexbase : A7764MEB), Bull. civ. III, n° 262.
(6) Cass. civ. 3, 20 avriI 2005, n° 04-11.181, FS-P+B (N° Lexbase : A9719DHG), Bull civ. III, n° 99 ; Cass. civ. 3, 18 mai 2004, n° 03-10.450, F-D (N° Lexbase : A2034DCC).
(7) Cass. civ. 3, 7 janvier 1998, n° 95-22.139 (N° Lexbase : A8880CN9) ; Cass. civ. 3, 22 janvier 2003, n° 01-15.298, FS-P+B (N° Lexbase : A7273A47), Bull. civ. III, n° 16 ; Cass. civ. 3, 15 avril 2008, n° 07-13.282, F-D (N° Lexbase : A9708D7P), Cass. civ. 3, 18 septembre 2012, n° 11-13.257, F-D (N° Lexbase : A2430IT8).
(8) Solution également applicable pour les rétrocessions à la suite des acquisitions par voie de préemption par la SAFER.
(9) Cass. civ. 3, 7 janvier 1998, n° 95-22.139 (N° Lexbase : A8880CN9).
(10) Cass. civ. 3, 17 mars 2016, n° 14-24.601, FS-P+B (N° Lexbase : A3382QBR), et nos obs. in Lexbase, éd. priv., n° 650, 2016 (N° Lexbase : N2202BWH), RD rur., 2016, comm. 185, note H. Bosse-Platière et F. Robbe.
(11) Ch. Lebel, note sous cet arrêt, L'opportunité de la mise en réserve foncière de terres amiablement acquises par la SAFER, Lexbase, éd. priv., n° 650, 2016 (N° Lexbase : N2202BWH), précité.
(12) Cass. civ. 3, 16 décembre 1998, n° 97-12.469, publié au bulletin (N° Lexbase : A8011CH8).
(13) Cons. const., 9 octobre 2014, n° 2014-701 DC (N° Lexbase : A0030MYR), consid. 21.
(14) H. Bosse-Platière et F. Robbe, RD rur., 2016, comm. 185, précité.
(15) Cass. soc., 2 mars 1999, n° 97-40.444 (N° Lexbase : A4683AGK) ; CE, 9 novembre 2009, n° 315082 (N° Lexbase : A1575ENN), RD rur., 2010, comm. 4, obs. S. Crevel.
(16) H. Bosse-Platière et F. Robbe, précités.
(17) B. Grimonprez, Le droit de préemption de la SAFER, Droit&Professionnels, Lexisnexis 2016, p. 75.

newsid:462563

Entreprises en difficulté

[Brèves] Procédure de sauvegarde : droit du débiteur d'exercer seul le recours contre la décision fixant la créance, après la reprise de l'instance

Réf. : Cass. com., 24 janvier 2018, n° 16-21.701, F-P+B+I (N° Lexbase : A0782XBL)

Lecture: 2 min

N2447BXW

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par Vincent Téchené

Le 01 Février 2018

En vertu de l'article L. 624-3 du Code de commerce (N° Lexbase : L3982HB4), le débiteur peut exercer seul, sans l'assistance de l'administrateur judiciaire désigné par le jugement d'ouverture de la procédure de sauvegarde, fût-il investi d'une mission d'assistance pour tous les actes de gestion, le recours contre la décision du juge-commissaire statuant en matière de vérification et d'admission des créances. Il en résulte que, lorsqu'à la date du jugement d'ouverture de la procédure de sauvegarde, une instance était en cours au sens de l'article L. 622-22 du Code de commerce (N° Lexbase : L7289IZY), le débiteur a également, dans ce cas, le droit d'exercer seul le recours prévu par la loi contre la décision fixant la créance, après la reprise de l'instance. Tel est l'enseignement d'un arrêt rendu le 24 janvier 2018 par la Chambre commerciale de la Cour de cassation (Cass. com., 24 janvier 2018, n° 16-21.701, F-P+B+I N° Lexbase : A0782XBL).

En l'espèce une société, qui a été mise en sauvegarde après avoir été assignée en paiement par un créancier, a interjeté appel du jugement ayant fixé la créance de ce dernier au passif de sa procédure. Elle a intimé l'administrateur judiciaire investi d'une mission d'assistance et le mandataire judiciaire qui avaient été mis en cause devant les premiers juges. Le conseiller de la mise en état a déclaré nulle la déclaration d'appel pour défaut de qualité à agir de la société débitrice au motif qu'elle avait été déposée sans l'assistance de son administrateur judiciaire.

La cour d'appel (CA Bordeaux, 27 mai 2016, n° 15/08095 N° Lexbase : A8965RQ4) a alors rejeté le déféré formé contre cette décision. Elle constate que le jugement d'ouverture avait désigné un administrateur judiciaire et l'avait investi d'une mission d'assistance pour tous les actes concernant la gestion. Ainsi, elle retient que la déclaration d'appel devait nécessairement être formalisée, même dans le cadre d'une procédure de sauvegarde, avec l'assistance de l'administrateur judiciaire, la débitrice n'ayant pas, dans ce cas, le pouvoir d'agir seule.

Saisie d'un pourvoi contre cet arrêt, la Cour de cassation, énonçant la solution précitée, censure l'arrêt d'appel au visa de l'article L. 624-3 du Code de commerce (cf. l’Ouvrage "Entreprises en difficulté" N° Lexbase : E5121EU9).

newsid:462447

Fiscalité internationale

[Brèves] Retenue à la source des distributions de dividendes : règles de procédure contentieuse

Réf. : CE 8° et 3° ch.-r., 26 janvier 2018, 26 janvier 2018, n° 408561, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A7202XBD)

Lecture: 2 min

N2494BXN

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par Marie-Claire Sgarra

Le 02 Février 2018

Un contribuable non résident formant une réclamation tendant à la restitution de la retenue à la source qui a été prélevée sur ses revenus tirés de produits visés par le Code général des impôts en vertu du premier alinéa du 2 de l'article 119 bis de ce code (N° Lexbase : L9363LHA) peut satisfaire aux prescriptions de l'article R. 197-3 du Livre des procédures fiscales (N° Lexbase : L6360AEB) en produisant toutes pièces établissant l'application de cette retenue, pour peu qu'elles précisent la date à laquelle elle a été opérée et l'identité de l'établissement payeur.

Telle est la solution retenue par le Conseil d'Etat dans un arrêt du 26 janvier 2018 (CE 8° et 3° ch.-r., 26 janvier 2018, 26 janvier 2018, n° 408561, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A7202XBD).

En l'espèce M. X., résident en Belgique, a perçu au cours des années 2010 à 2012 des dividendes de source française, sur lesquels a été prélevée la retenue à la source prévue par les dispositions du Code général des impôts (CGI, art. 119 bis, al. 1) au taux de 25 % en 2010 et 2011 et 30 % en 2012. M. X. demande la restitution des droits de retenue à la source pour leur quotité excédant la somme qui aurait été prélevée si le taux appliqué au montant brut des dividendes en cause lors de leur paiement avait été celui de 15 % prévu par la convention fiscale franco-belge du 10 mars 1964, tendant à éviter les doubles impositions (N° Lexbase : L6668BHG).

Le Conseil d'Etat relève, dans l'hypothèse où le contribuable justifie, en dépit de démarches en ce sens effectuées auprès tant de l'établissement auquel il a confié la tenue du compte sur lequel sont inscrits ses titres que de l'émetteur de ces titres, être dans l'impossibilité de produire cette information, une réclamation doit être regardée comme recevable si elle est assortie d'un extrait de compte ou de tout document équivalent émanant de l'établissement teneur du compte sur lequel sont inscrits les titres dont procèdent les revenus soumis à la retenue en litige, désignant ces titres avec une précision suffisante pour permettre leur identification, notamment au moyen de leur numéro international d'identification, indiquant la date de leur inscription en compte et mentionnant la date de versement ainsi que les montants nets et bruts des revenus, en vue de permettre à l'administration de rechercher l'identité de l'établissement payeur par l'exercice de ses pouvoirs de contrôle, notamment de son droit de communication auprès du débiteur des revenus sur lesquels la retenue a été opérée ou des intermédiaires successifs établis en France. Il n'en va différemment que si l'établissement qui a produit l'extrait de compte ou le document équivalent n'est pas situé dans un Etat ou un territoire ayant conclu avec la France une convention fiscale incluant une clause d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude ou l'évasion fiscale (cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E2933EU8).

newsid:462494

[Doctrine] L'avant-projet de réforme du droit des sûretés

Réf. : Avant-projet de réforme du droit des sûretés, septembre 2017

Lecture: 31 min

N2475BXX

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par Gaël Piette, Professeur à la Faculté de droit de Bordeaux, Directeur scientifique des Encyclopédies "Droit des sûretés" et "Droit des contrats spéciaux" et Dimitri Nemtchenko, Docteur en Droit, Université de Bordeaux

Le 01 Février 2018

En septembre 2017, un groupe constitué sous l'égide de l'Association Henri Capitant a publié un avant-projet de réforme du droit des sûretés (1). Outre que la discipline génère un contentieux foisonnant, elle avait déjà fait l'objet d'une refonte complète à l'occasion de l'ordonnance n° 2006-346 du 23 mars 2006 (N° Lexbase : L8127HHH). Malgré cette première modernisation, il semblerait que les intentions du législateur soient au parachèvement de cette réforme.

Plus de dix ans se sont ainsi écoulés depuis la création du livre IV du Code civil consacré aux sûretés. L'ordonnance n'avait cependant pas, ou très peu, modifié les sûretés personnelles, faute d'habilitation donnée au Gouvernement pour légiférer par voie d'ordonnance en matière de cautionnement. De plus, les retombées de la réforme de 2006 ont pu être éprouvées et ont mis en évidence l'opportunité, sinon le besoin, d'une nouvelle actualisation. En effet, l'effectivité des nouvelles techniques consacrées en 2006, leur adéquation aux besoins de la pratique et, plus encore, l'articulation du droit des sûretés avec d'autres disciplines qui connaissent une effervescence similaire, le droit des entreprises en difficulté en tête, sont autant de motifs qui justifient une nouvelle réforme.

Il convient ainsi de formuler quelques observations au sujet des propositions de la commission, réunie une nouvelle fois sous la direction de M. Grimaldi. Suivant la summa divisio propre à la discipline, les observations porteront tour à tour sur les sûretés personnelles (II), les sûretés réelles (III) et, avant elles, sur les dispositions générales qui formeraient un droit commun des sûretés (I) (2). I - Dispositions générales

En 2006 déjà, la commission Grimaldi proposait que les dispositions relatives au droit des sûretés soient introduites par un ensemble de règles générales, communes à la matière. Cette proposition est renouvelée dans l'avant-projet de septembre 2017 : huit articles viendraient ainsi fonder un socle, un tronc commun aux sûretés. Au vu du pullulement des sûretés et de la balkanisation dont souffre la discipline, la consécration d'un droit commun serait pour le moins heureuse. Ces articles sont certes, souvent, des définitions, ou des règles très générales qui sont admises de longue date sans jamais avoir été consacrées légalement, mais leur intérêt ne se limite pas à un effort d'abstraction de la part des auteurs : elles conservent un intérêt pratique certain. Quelques définitions (A) laissent ensuite place aux éléments d'un régime commun (B).

A - Définitions

En témoigne l'article 2286 du projet d'après lequel "La sûreté garantit l'exécution d'une ou plusieurs obligations, présentes ou futures". Classique, cette définition fonctionnelle permettrait d'ajuster le champ d'application de nombreux articles qui renvoient à la sûreté, ou aux sûretés, sans jamais préciser ce qui doit être compris sous ce terme (3). Aussi, une définition serait l'occasion d'autonomiser la notion de sûreté par rapport à celle de garantie : dès lors qu'une garantie est plus large que la sûreté, la seconde serait consacrée comme un genre de la première. Enfin, le lien établi entre la sûreté et l'obligation est à approuver : quand bien même les sûretés sont majoritairement d'origine conventionnelle, certaines sont issues de la loi ou du jugement et ne concernent pas le paiement d'une dette contractuelle. En définitive, l'obligation est bien le dénominateur commun à toute sûreté.

L'article 2286-1 du projet poursuit l'oeuvre de définition (4), distinguant sûretés personnelles et sûretés réelles. Tout aussi classiques que la première, ces définitions n'en sont pas moins convaincantes. Les sûretés personnelles procèdent de l'adjonction d'un second débiteur qui, à la différence du premier, ne contribue pas à la dette. Une fois encore, l'intérêt d'une telle définition n'est pas strictement théorique, ne serait-ce qu'à propos des exceptions qu'une caution peut soulever contre un créancier qui l'appelle en paiement. Sans préjuger du contenu de l'article 2299 du projet, le critère consacré de l'absence de contribution à la dette pourrait permettre de rationaliser et d'unifier le contentieux des exceptions opposables par la caution : dès lors qu'elle n'est pas tenue à la dette, elle devrait être en mesure de soulever toute exception tirée du rapport principal.

Quant aux sûretés réelles, l'affectation est le critère catégoriel retenu, ce qui est tout aussi judicieux. L'affectation est en effet la seule technique qui fédère sans exception la grande variété des sûretés réelles, qu'elles soient préférentielles ou exclusives. Il est simplement permis de relever la répétition des adjectifs "préférentiel" et "exclusif", qualifiant l'affectation et le paiement. Il semblerait possible de réduire ces effets au seul paiement.

B - Eléments d'un régime commun

Sont ensuite consacrés le caractère accessoire de la sûreté et l'exigence de neutralité économique du droit des sûretés, aux articles 2286-2 et 2286-3. Ces principes ont été progressivement dégagés par les efforts combinés de la doctrine et de la jurisprudence et caractérisent toutes les sûretés. Il est d'ailleurs ingénieux de ne pas avoir reconduit la terminologie habituelle renvoyant au critère de l'accessoire, qui parfois prête à confusion. L'accessoire n'a, en effet, pas le même sens selon qu'il relève du droit des obligations ou du droit des biens (5).

Quant à l'exigence de neutralité économique, elle est essentielle pour déterminer le fonctionnement d'une sûreté et limiter les occasions d'enrichissements injustifiés du créancier. L'agencement des deux dispositions est également fondé : puisque la sûreté ne fait que suivre la créance garantie, elle lui est soumise et ne tire son existence que de cette même créance. Elle ne peut donc aboutir, par sa seule mise en oeuvre, à un enrichissement du créancier.

L'article 2286-4 prévoit quant à lui la liberté du créancier dans la réalisation de sa sûreté. Cette liberté lui est offerte tant dans les modalités de réalisation de sa sûreté que dans l'ordre de réalisation, s'il est titulaire d'une pluralité de sûretés. Ces dispositions semblent indispensables à l'efficience économique du droit des sûretés. Puisque les sûretés ont pour vocation première d'assurer au créancier une chance supplémentaire de paiement, ce serait travestir leur finalité que d'imposer à ce créancier une attitude de principe lorsque son débiteur est défaillant. Ce n'est pas à dire que le créancier ne puisse jamais commettre d'abus ce faisant (6). Quelques exemples jurisprudentiels illustrent, malgré leur isolement, les abus de créanciers dans le recouvrement de leur créance (7). Ces hypothèses ne seraient pas évacuées par cette disposition puisque, précisément, sa rédaction autorise un infléchissement, une interprétation praeter legem : elle n'est pas d'ordre public, ce dont il faut se réjouir également.

Enfin l'article 2287 fait utilement le lien entre le droit des sûretés et le droit des entreprises en difficultés, deux disciplines étroitement liées : "les dispositions du présent livre ne font pas obstacle à l'application des règles prévues en cas d'ouverture d'une procédure d'insolvabilité ou de surendettement". Cette disposition paraît indispensable à une articulation harmonieuse des deux matières, traversées par des objectifs parfois divergents. En ce sens, le droit des entreprises en difficultés est, actuellement, à la faveur des débiteurs : le droit positif tente, autant que faire se peut, de préserver l'activité des débiteurs en difficultés plutôt que de favoriser la satisfaction des créanciers, objectif que le droit des sûretés poursuit. Du fait de ces divergences et de certaines lacunes textuelles, l'articulation des deux matières est ainsi indispensable à l'objectif de sécurité juridique.

II - Sûretés personnelles

Sans surprise, les propositions contenues dans le projet afférentes aux sûretés personnelles portent essentiellement sur le cautionnement (A). Quelques dispositions relatives aux autres sûretés personnelles méritent toutefois d'être analysées (B).

A - Cautionnement

Au titre des dispositions novatrices relatives au cautionnement figure l'article 2291, qui consacrerait utilement le cautionnement réel dans la loi. Le cautionnement réel connut un feuilleton jurisprudentiel soldé par la disqualification des règles du cautionnement puisque cette figure relève, selon la Haute juridiction, des seules sûretés réelles (8). Le choix des auteurs du projet de ramener le cautionnement réel dans le giron des règles du cautionnement doit être approuvé, car en effet, le critère déterminant de ce type d'engagement reste celui de l'absence de contribution à la dette du débiteur : peu importe, en terme de qualification, que l'action du créancier soit limitée au "bien qui en forme l'objet". L'assiette restreinte de la sûreté ne modifie en rien son espèce, son genre : il s'agit bien d'un second débiteur qui s'engage pour autrui sans être tenu à la dette. L'argument se vérifie "plus encore si ce tiers constituant paye volontairement la dette pour éviter la perte du bien affecté en garantie" (9). Il est en revanche plus curieux que la définition, pourtant incluse dans les règles du cautionnement, retienne le rattachement de cette figure aux sûretés réelles.

L'article 2292 du projet de réforme consacre la certification de caution dans un article autonome et dans des termes simplifiés. Ce mécanisme figurait parmi les "oubliés" (10) des réformes, probablement du fait de son utilisation relativement limitée : la technique de la cofidéjussion solidaire lui est souvent préférée, car plus simple et plus efficace pour le créancier. Il n'en demeure pas moins un intérêt, celui de distinguer clairement ce mécanisme du sous-cautionnement.

Ainsi le sous-cautionnement connaît-il une consécration bienvenue à l'article 2293. Cette technique offre à la caution solvens une chance supplémentaire de remboursement, puisque la sous-caution garantit son recours personnel à l'encontre du débiteur principal. Ceci limite ainsi le risque d'endettement des cautions en même temps qu'elle favorise, d'une certaine manière, le crédit. Les garants de premier rang sont en effet plus enclins à s'engager s'ils bénéficient eux-mêmes de contre-garanties.

Les articles 2292 à 2297 du projet n'apportent pas de réelle innovation, mais correspondent à un réagencement de plusieurs dispositions anciennes. Cet ordonnancement est en conséquence plus logique : toutes les dispositions portent sur l'objet du cautionnement (une obligation qui doit être valable, présente ou future, déterminée/déterminable, et que le montant du cautionnement ne saurait dépasser), son caractère exprès et accessoire, la possibilité de résiliation unilatérale reconnue au débiteur d'un cautionnement à durée indéterminée... Il n'y a donc pas, ici, de révolution, mais un agencement profitable à une rationalisation de la matière.

L'article 2298, s'il venait à être consacré, serait probablement le plus propice à la réduction d'un contentieux devenu aussi pléthorique qu'inutile. Est-il besoin de rappeler, au sujet de la mention manuscrite, les épisodes jurisprudentiels de la virgule à la place du point, ou de la majuscule trop petite qui ont permis à certains juges du fond d'annuler en conséquence des cautionnements ? Sans reproduire intégralement l'historique de la mention manuscrite, il est permis de se satisfaire de sa refonte. Par ailleurs, il n'est plus proposé de mention impérative mais des éléments qui doivent figurer dans l'instrumentum. La solution est ainsi largement préférable en ce sens (11), car il est permis de douter que le recopiage d'un texte abscons soit pour la caution le gage de sa parfaite compréhension. Sur ce point, l'article 2298 de l'avant-projet est également plus clair lorsqu'il porte sur le cautionnement solidaire : il n'évoque plus les bénéfices de discussion ou de division mais renvoie, judicieusement, à une description de leur fonctionnement (12). Enfin, la consécration de l'article supposerait l'éviction de ceux qui composent actuellement le Code de la consommation et assurerait à ce contentieux un regain de cohérence. Les textes du droit positif sont supposés s'appliquer aux seules cautions qui ont la qualité de consommateur, alors que leur formulation renvoie aux cautions "personnes physiques". Des dispositions consuméristes avaient ainsi vocation à s'appliquer, notamment, à des dirigeants qui cautionnent leur société et qui sont parfaitement rompus aux affaires (13). Réintégrer la mention dans le Code civil aurait ceci de plus logique de s'appliquer indistinctement à toute personne physique. Il est toutefois permis de se demander s'il ne serait pas plus heureux de soumettre l'application des dispositions protectrices de la caution à la dichotomie prétorienne opposant le profane à l'averti. Il serait regrettable, en effet, que des dispositions protègent des acteurs qui n'en ont absolument aucun besoin et qui, au surplus, peuvent se réfugier derrière elles pour dénoncer un engagement dont ils saisissent parfaitement les enjeux.

L'article 2299 est une autre disposition qui viendrait utilement tarir un contentieux abondant et parfois désordonné, celui des exceptions que la caution peut opposer au créancier. Une acception rigoureuse du caractère accessoire du cautionnement supposerait de reconnaître à la caution la faculté d'invoquer toutes les exceptions, sans distinguer plus avant entre les exceptions inhérentes à la dette et celles purement personnelles au débiteur. C'est le parti pris par les auteurs de l'avant-projet, abandonnant une distinction devenue poreuse. Le choix paraît opportun à plusieurs titres. La distinction elle-même est douteuse : l'appréciation de ce qui est inhérent à la dette ou personnel au débiteur est empreinte de subjectivité et n'assure pas une interprétation uniforme par les tribunaux. En outre, l'engagement singulier de la caution devrait pouvoir l'autoriser à soulever toute exception tirée du rapport principal, ce qui serait davantage conforme au caractère accessoire du cautionnement, lequel ne peut "être étendu au-delà des limites dans lesquelles il a été contracté". Enfin, elle participerait d'une rationalisation appréciable du cautionnement. Depuis la jurisprudence initiée par une Chambre mixte de la Cour de cassation en 2007, les exceptions inhérentes à la dette se réduisent de manière drastique -à commencer par la nullité pour dol de l'engagement principal- (14). A tel point que la situation de la caution devenait presque indissociable de celle d'un codébiteur. Ne serait-ce que d'un point de vue technique, la solution préconisée doit alors être approuvée sans réserve. Ce d'autant plus que l'avant-projet complète idéalement le texte ainsi proposé. Au-delà d'un alinéa relatif à la figure particulière du cautionnement d'un majeur protégé, mais dont le régime n'en est pas moins utilement rappelé, un dernier alinéa règle la question des délais et remises accordés au débiteur : "Si elle n'y est autorisée par la loi, la caution ne peut se prévaloir" de ces délais de paiement. Une fois encore, la solution est bienvenue : elle associe idéalement les impératifs du droit des sûretés et ceux des procédures d'insolvabilité. Il n'est pas impensable que la caution se prévale de la nature accessoire de son engagement pour jouir de tels délais. Or ces délais ont vocation à pérenniser la situation patrimoniale devenue délicate du débiteur : en imposant à la caution, dans cette situation, de payer "rubis sur l'ongle", les intérêts du créancier sont préservés mais également ceux du débiteur, lequel, grâce à la patience du créancier, aura plus de chances de connaître un retour à meilleure fortune. In fine, la caution en profite également, puisque ses chances de remboursement sont également préservées. Ce sont ainsi les intérêts du créancier, la protection du débiteur, la nature de l'engagement de la caution et l'esprit du cautionnement qui sont judicieusement associés.

De manière plus modeste, l'article 2300 reprend une solution certes ancienne et constante, mais il aurait le mérite d'intégrer dans le Code civil une distinction doctrinale féconde, que la jurisprudence a fait sienne : celle proposée par Mouly (15) entre l'obligation de couverture et l'obligation de règlement (16).

L'article 2301 est une autre disposition qui, à l'image de la mention manuscrite ou des exceptions opposables au créancier, serait extrêmement favorable à une amélioration du droit positif. Le texte se propose en effet de réunir dans ce seul article l'exigence de proportionnalité de l'engagement de la caution -aujourd'hui régie par le Code de la consommation-.

La proportionnalité est une exigence relativement récente dans l'histoire du cautionnement : apparue dans la loi du 31 décembre 1989, relative à la prévention et au règlement des difficultés liées au surendettement des particuliers et des familles (loi n° 89-1010 N° Lexbase : L2053A4S art. 19, VII), développée en 1997 à l'occasion de l'arrêt "Macron" (17), reprise par la loi "Dutreil" du 1er août 2003 (loi n° 2003-721 N° Lexbase : L3557BLC) (18), cette exigence est telle qu'elle absorbe une large part du contentieux afférent au cautionnement. Or le droit positif n'encadre que très imparfaitement cette exigence nouvelle. L'appréciation de la disproportion est plus malaisée qu'il n'y parait (quels biens et revenus de la caution prendre en compte ? A partir de quel seuil faut-il retenir une disproportion ? etc.), tout comme le retour à meilleure fortune de la caution. Le nouveau texte ne règle pas le problème de manière définitive, mais à la décharge de ses auteurs, est-il seulement possible de prévoir en amont toutes les hypothèses de disproportion manifeste ? Cette exigence est par essence casuistique et il parait improbable de vouloir résoudre le contentieux autrement qu'en l'abandonnant à l'appréciation souveraine des juges du fond. Il n'en reste pas moins un changement positif : alors que la disproportion est actuellement sanctionnée par l'inefficacité totale du cautionnement (le créancier "ne peut se prévaloir" (19) d'une telle sûreté), l'avant-projet suggère de consacrer la réduction du cautionnement à une juste mesure. Cette solution initialement retenue dans l'arrêt "Macron" est bien plus appropriée : elle permet de sauvegarder le cautionnement, donc les intérêts respectifs du créancier et débiteur garanti, tout en ménageant la protection de la caution (20).

Au-delà, il est permis de se demander s'il ne serait pas plus efficace encore que d'évacuer littéralement l'exigence de proportionnalité du droit positif. Non pas que les cautions ne méritent pas ce type de protection, mais elle est en réalité déjà assurée par un autre texte de droit commun. Il s'agit de l'actuel article 2301 du Code civil (N° Lexbase : L1130HIP) selon lequel "le montant des dettes résultant du cautionnement ne peut avoir pour effet de priver la personne physique qui s'est portée caution d'un minimum de ressources fixé à l'article L. 331-2 du Code de la consommation (N° Lexbase : L6182IXA ; cf. C. consom., art. L. 731-1 N° Lexbase : L2656LBY et L. 731-2 N° Lexbase : L0727K73 depuis la recodification du Code de la consommation])". Dès lors que la ratio legis de l'exigence de proportionnalité est la protection de la caution contre le risque d'endettement, ce texte n'est-il pas suffisant ? En d'autres termes, une disposition spécifique à l'exigence de proportionnalité ne fait-elle pas double emploi avec une autre disposition qui empêche qu'un cautionnement n'amène son débiteur à la ruine ? La conservation du seul article 2301 du Code civil -ou 2310 selon l'avant-projet- semble, en effet, suffisante pour préserver les cautions du risque d'endettement. Elle serait peut-être même plus appropriée encore puisqu'elle épargnerait aux juges les calculs parfois complexes que la disproportion implique : seul un examen, en aval, de la situation d'une caution appelée en paiement suffirait à établir, le cas échéant, son endettement. Quel que soit le choix à venir du législateur, il n'en reste pas moins que cette proposition est absolument indispensable à un droit positif du cautionnement plus cohérent et plus efficace.

L'article 2302 procède quant à lui à l'ajustement d'un aspect des cautionnements légaux et judiciaires. Puisque la volonté du créancier n'a aucune emprise sur la désignation de telles cautions, une "solvabilité suffisante" est exigée de leur part afin que la sûreté remplisse utilement son office. La nouveauté consisterait à limiter à ces types de cautionnements l'exigence faite au débiteur de remplacer la caution insolvable sous peine de déchéance du terme ou de tout "avantage subordonné à la fourniture du cautionnement". Dès lors que, dans un cautionnement conventionnel, le créancier est à même d'organiser la protection de ses intérêts, une telle exigence est logiquement restreinte aux seuls cautionnements légaux ou judiciaires.

Il est ensuite proposé de réunir dans les articles 2303 et 2304 toutes les obligations d'information qui astreignent le créancier d'un cautionnement. Le premier reprend littéralement l'actuel article L. 313-22 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L7564LBR), lequel organise la délivrance par le créancier professionnel d'une information ponctuelle au profit de la caution personne physique, relative à l'évolution de la dette garantie. Le second texte porte sur une information conjoncturelle, d'un créancier professionnel à une caution personne physique : celle relative à la défaillance du débiteur principal dès le premier incident de paiement.

La fusion des diverses obligations d'information dans deux textes génériques est à l'évidence salutaire. Plusieurs textes, parfois strictement identiques, sont dispersés entre différents codes et complexifient inutilement la tâche des juges et des avocats. Leur synthèse assurera une clarification du droit positif et évincera les problèmes d'articulation des textes. Il est, en revanche, permis d'être plus circonspect quant au champ d'application ratione personae des textes proposés. Si leur "place est dans le Code civil" (21), pourquoi limiter leur étendue aux créanciers professionnels et aux cautions personnes physiques ? D'une part, le professionnel est habituellement opposé au consommateur, si bien que le maintien de la référence aux personnes physiques ne se justifie guère. D'ailleurs n'y a-t-il que les cautions personnes physiques qui méritent une telle protection ? L'endettement d'une personne morale débitrice d'un cautionnement ne justifierait-il pas l'extension de la protection ainsi accordée ? Les qualités retenues ne convainquent pas entièrement. D'autre part, la personne physique qu'est le dirigeant social, parfaitement au fait de l'activité de la société dont il garantit les engagements a-t-il réellement besoin de ces informations ? L'obligation d'information met en exergue la nécessité de soumettre le contentieux de la protection de la caution à la distinction entre le profane et l'averti. En dehors de cette dichotomie, les nouvelles dispositions encourent certains griefs que l'on peut déjà adresser aux textes existants. Il n'en reste pas moins que ces articles, s'ils venaient à être consacrés, simplifieraient grandement le contentieux.

L'article 2310 se résume à un déplacement : le "reste à vivre" dont la caution doit jouir malgré la mise en oeuvre du cautionnement est maintenu, mais déplacé dans une partie plus appropriée. Le spectre, pourtant bien réel, de l'endettement de la caution explique une telle disposition. Il sera simplement renvoyé, ici, à l'exigence de proportionnalité avec laquelle ce reste à vivre est étroitement lié : il est en effet impératif que de préserver autant que possible les cautions d'un endettement grave et durable.

L'article 2314 propose de consacrer des situations dans lesquelles le comportement de la caution peut aboutir à la priver de recours contre le débiteur principal. Il illustre idéalement les exigences comportementales qui astreignent tous les acteurs des sûretés. En l'occurrence, il s'agit de l'hypothèse où une caution paye le créancier alors que le débiteur principal disposait d'exceptions pour faire déclarer sa dette éteinte : sauf à exercer une action récursoire contre le créancier en faisant valoir cette exception, la caution est privée de son recours contre le débiteur. La même sanction frappe la caution qui paye le créancier sans avertir le débiteur par la suite. La caution ne peut invoquer la bienfaisance de son engagement pour s'absoudre de comportements répréhensibles qu'elle aurait adoptés : la sûreté doit protéger le débiteur et non pas l'entraver dans le règlement de sa dette.

Les articles 2317 et 2318 ouvrent une section relative à l'extinction du cautionnement. Le premier est une reprise de règles classiques : le cautionnement s'éteint "par les mêmes causes que les autres obligations" mais également, du fait de son caractère accessoire que l'avant-projet vise à renforcer, "par suite de l'extinction de l'obligation principale". Le second de ces textes est une autre consécration de la distinction entre l'obligation de couverture et l'obligation de règlement. Un cautionnement "omnibus", par nature indéterminé, engendre une obligation de règlement pour toutes les dettes qui précèdent son extinction. Au-delà, l'obligation de couverture s'arrête : la caution doit payer toutes les dettes nées avant cette extinction et seulement ces dettes.

L'article 2319 propose une reformulation du bénéfice de subrogation, actuellement prévu par l'article 2314 du Code civil (N° Lexbase : L1373HIP). Sa rédaction inchangée, ou presque, depuis 1804 a été compensée par une jurisprudence ingénieuse. Sans rentrer dans les détails nourris de ce contentieux, il est permis d'observer que l'avant-projet propose d'intégrer les améliorations jurisprudentielles du texte. Par exemple, la sanction de la réduction à hauteur de la valeur du droit perdu par le créancier, est retenue. A l'image de l'exigence de proportionnalité, la réduction est une sanction idoine qui épargne aux acteurs de la sûreté une inefficacité aussi excessive qu'injustifiée. Le caractère d'ordre public du texte est heureusement préservé. Il serait difficilement justifiable qu'un créancier puisse exiger un cautionnement sans tenir compte, a minima, des intérêts de la caution, ce que le bénéfice de subrogation vise justement à préserver.

Cependant, deux exceptions au jeu de ce bénéfice sont proposées. Ainsi "La caution ne peut se prévaloir du défaut d'inscription d'une sûreté légale, non plus que du choix, par le créancier, du mode de réalisation d'une sûreté". Cet alinéa "limite l'empire de la règle de manière à ce que le créancier ne se voit pas reproché d'avoir délaissé une sûreté réelle légale à laquelle il avait, au su de la caution, préféré substituer un cautionnement" (22). Ce texte vise à combattre une position jurisprudentielle selon laquelle "le prêteur de deniers, bénéficiaire du privilège institué par l'article 2374 du Code civil, qui se garantit par un cautionnement, s'oblige envers la caution à inscrire son privilège" (23). La Cour semblait considérer que la nature légale de la sûreté, la rendant prévisible par la caution et relativement simple à constituer, imposait au créancier de l'inscrire. Il en résultait qu'un établissement dispensateur d'un crédit immobilier destiné à une acquisition se voyait contraint d'inscrire le privilège en présence d'une caution. Très clairement, la rédaction proposée de l'article 2319 cherche à mettre un terme à cette jurisprudence, en laissant à la discrétion du créancier l'inscription du privilège de deniers. Cette solution ne peut être qu'approuvée (24).

De la même manière, la liberté du créancier dans le mode de réalisation de ses sûretés est directement rappelée ici. Cette liberté, nécessaire à l'efficacité du cautionnement, ne s'assimile pas à une licence. Le créancier n'a pas le "droit" d'asservir la caution à la satisfaction exclusive de ses intérêts et il peut parfaitement se rendre fautif de ne pas avoir ménagé ceux de la caution -c'est là tout l'intérêt du bénéfice de subrogation-. Cependant, la formulation du texte autorise un infléchissement, de la même manière que pour l'article 2286-4, ce qui semble nécessaire d'être rappelé. Le créancier est par principe libre dans la réalisation de ses sûretés, mais un abus de sa part n'est pas inconcevable.

B - Autres dispositions relatives aux sûretés personnelles

L'article 2321 contient une modification du texte relatif à la garantie autonome. La proposition consiste à clarifier l'hypothèse de l'abus manifeste, la seule qui puisse paralyser la mise en oeuvre de la garantie autonome. Dans sa rédaction actuelle, une lecture littérale invite à écarter la collusion de l'adjectif "manifestes", alors que, selon une interprétation unanime du texte, cet adjectif concerne les trois types de fautes : l'abus, la fraude ou la collusion. Aussi, "la formule malencontreuse car dépourvue de sens" (25) relative à la collusion entre le bénéficiaire et le donneur d'ordre est écartée. En effet, une telle collusion a bien plus souvent lieu entre le bénéficiaire et le garant (26). Au surplus, il est assez délicat de dissocier nettement l'abus, la fraude et la collusion. Les praticiens, aux voeux desquels la consécration légale de la garantie autonome répondait, se satisferont probablement d'une amélioration notable du régime de cette sûreté.

Enfin, l'article 1844-4-1 propose de clarifier le droit positif des effets de la dissolution d'une société créancière ou débitrice d'un cautionnement. Reprenant une nouvelle fois la distinction entre obligation de couverture et obligation de règlement, le texte retient que "la caution demeure tenue pour les dettes nées avant que l'opération ne soit devenue opposable aux tiers ; elle ne garantit celles qui sont nées postérieurement que si elle y a consenti, par avance ou à l'occasion de cette opération". La disposition, si elle ne s'écarte pas des solutions prétoriennes, assurerait davantage d'homogénéité dans le traitement de ce contentieux, dont les enjeux sont souvent de taille. Le deuxième alinéa assure, en cohérence avec l'article 2286-2, la transmission des obligations de la société caution qui a été dissoute.

Cette partie de l'avant-projet relative au droit commun des sûretés et aux sûretés personnelles, si elle ne bouleverse pas le schéma actuel de la discipline, n'en présente pas moins de nombreux avantages en termes de clarification, d'homogénéisation et d'amélioration. Il reste alors à espérer que le législateur s'inspire de ces propositions pour modifier l'un des titres les plus archaïques du Code civil.

III - Les sûretés réelles

En ce qui concerne les sûretés et garanties réelles, les textes proposés par l'avant-projet de réforme innovent (A), précisent (B) et simplifient (C).

A Les innovations

Une innovation d'ordre général serait celle qui résulterait d'un nouvel alinéa dans l'article L. 643-1 du Code de commerce (N° Lexbase : L3504ICR). A compter du jugement de liquidation judiciaire, tout créancier titulaire d'une sûreté réelle aurait en effet la faculté de se prévaloir du pacte commissoire stipulé dans le contrat constitutif ou, à défaut, de demander l'attribution judiciaire du bien grevé. Cette faculté, aujourd'hui réservée au créancier gagiste (C. com., art. L. 642-20-1 N° Lexbase : L3466ICD), serait ainsi considérablement étendue.

Les autres innovations concernent le gage (1°), l'hypothèque (2°) et l'intégration dans le Code civil de deux sûretés qui en sont, pour l'instant, absentes (3°).

1°) Les innovations en matière de gage

La première innovation, importante sur le plan des principes, concernerait l'assiette de cette sûreté, puisqu'il serait possible de constituer un gage sur des immeubles par destination (C. civ., art. 2333-1). Cette solution permettrait également le maintien d'un gage dont le bien grevé serait immobilisé par destination postérieurement à sa constitution. La conséquence immédiate en est tirée par la proposition d'article L. 112-3 du Code des procédures civiles d'exécution : par exception au principe, l'immeuble par destination mis en gage pourrait évidemment être saisi indépendamment de l'immeuble auquel il est rattaché. Cette possibilité de constitution d'un gage sur des immeubles par destination est réaliste, puisque ces biens sont des meubles, qualifiés d'immeubles au prix d'une fiction juridique. L'immeuble par destination sera donc susceptible de gage, à titre principal, ou d'hypothèque, par voie accessoire, lorsque l'immeuble par nature auquel il est rattaché est lui-même hypothéqué (accessorium sequitur principale).

La seconde innovation est double et concerne la faculté d'aliénation de choses fongibles gagées. D'une part, cette faculté deviendrait le principe, ce qui revient à dire que l'interdiction d'aliéner la chose fongible gagée devrait être expressément prévue par le contrat. D'autre part, cette faculté, qui jusqu'à présent n'est possible que lorsque le gage a été conclu sans dépossession, serait ouverte aux gages conclus avec dépossession (C. civ., art. 2342).

2°) Les innovations en matière d'hypothèque

En matière hypothécaire, il convient de noter la création d'une hypothèse supplémentaire dans laquelle la sûreté peut grever un immeuble à venir : le bénéficiaire d'une promesse de vente peut hypothéquer l'immeuble concerné (C. civ., art. 2426, 4°). Il y a lieu de penser que si le bénéficiaire ne lève pas l'option, l'hypothèque disparaît d'elle-même. Il conviendra néanmoins de songer à procéder à la radiation de l'inscription au service de publicité foncière.

L'autre innovation en matière d'hypothèque n'en est pas vraiment une : elle gravite quelque part entre "Retour vers le futur" et le TARDIS de Doctor Who. Il est proposé par le groupe de travail de rétablir la généralité de l'hypothèque rechargeable (C. civ., art. 2428). Le lecteur se souvient que créée par l'ordonnance du 23 mars 2006, elle avait été supprimée pour des raisons fallacieuses par la loi du 17 mars 2014 (loi n° 214-344 N° Lexbase : L7504IZX), avant d'être "ressuscitée" par une loi du 20 décembre 2014 (loi n° 2014-1545 N° Lexbase : L0720I7S). Mais ce dernier texte avait choisi de la limiter aux hypothèques constituées à des fins professionnelles pour garantir des créances professionnelles. C'est cette limite à la sphère professionnelle que l'avant-projet se propose d'écarter.

3°) L'intégration de deux sûretés dans le Code civil

L'avant-projet propose d'intégrer dans le Code civil des textes relatifs au nantissement de monnaie scripturale et à la cession de créance à titre de garantie.

Des dispositions relatives au nantissement de monnaie scripturale avait déjà été proposées en 2005 par le rapport "Grimaldi ", mais sans succès. L'avant-projet de 2017 fait donc une nouvelle tentative. Il est vrai qu'il existe un vide entre le gage sur de la monnaie (généralement désigné par l'appellation de "gage-espèces"), et le nantissement du solde d'un compte (qui est un nantissement de créance). Le nantissement de monnaie scripturale prendrait la forme de l'affectation, en garantie d'une obligation, de fonds inscrits sur un compte bloqué ouvert au nom du constituant par un établissement habilité (C. civ., art. 2366-1). Les textes proposés posent des règles relatives à la forme (un écrit est exigé, qui doit déterminer la créance garantie, le montant des fonds nantis et identifier le compte bloqué : C. civ., art. 2366-2), à l'information de l'établissement teneur de compte lorsqu'il n'est pas le créancier nanti (par notification : C. civ., art. 2366-3), à l'opposabilité du nantissement (à la date de la notification : C. civ., art. 2366-4), au régime des éventuels intérêts (qui sont portés au crédit du compte : C. civ., art. 2366-5), à la réalisation de la sûreté (remise des fonds au créancier huit jours après une mise en demeure infructueuse : C. civ., art. 2366-7) et à l'absence de conséquence de l'ouverture d'une procédure d'insolvabilité à l'encontre du constituant ou du débiteur (C. civ., art. 2366-8).

La cession de créance à titre de garantie constituerait une forme particulière de fiducie, mais elle ne relèverait pas du droit commun de la fiducie-sûreté. Il s'agirait, ce que refuse à l'heure actuelle la Cour de cassation, de pouvoir céder, à titre de garantie, la propriété d'une ou plusieurs créances, présentes ou futures (C. civ., art. 2373 et s.). Ce mécanisme serait fondé sur les articles 1321 (N° Lexbase : L0976KZ8) et suivants du Code civil, sièges du droit commun de la cession de créance.

B - Les précisions

L'avant-projet contient de nombreuses dispositions qui viendraient, si elles sont adoptées, apporter des précisions sur un grand nombre de points.

Le titre II s'ouvrirait sur des articles (C. civ., 2323 et s.) qui définissent les sûretés légales, judiciaires et conventionnelles, les sûretés mobilières et immobilières et les sûretés générales et spéciales et qui, surtout, posent deux principes, guère discutés, du droit des sûretés réelles. D'une part, une telle sûreté ne rend pas indisponible le bien grevé (une sûreté n'est pas une saisie), sauf si les parties en décident autrement (C. civ., art. 2325). D'autre part, les sûretés réelles sont indivisibles, c'est-à-dire qu'elles subsistent en intégralité sur les biens grevés, jusqu'au complet paiement par le débiteur (C. civ., art. 2326).

Ces dispositions préliminaires mises à part, les précisions concernent principalement les privilèges (1°), le gage (2°), le nantissement de créance (3°), la réserve de propriété (4°) et l'hypothèque légale attachée aux jugements de condamnation (5°).

1°) Les privilèges

Outre une définition plus simple des privilèges généraux des frais de dernière maladie (C. civ., art. 2331, 3°) et des salariés (C. civ., art. 2331, 4°), les nouveaux textes apporteraient deux précisions.

En premier lieu, il serait précisé que les privilèges mobiliers ne confèrent pas de droit de suite au créancier (C. civ., art. 2330, al. 4). Ce dernier n'a donc pas le droit de suivre le bien en quelque patrimoine qu'il passe, c'est-à-dire de saisir le bien entre les mains d'un tiers acquéreur. La question d'un tel droit de suite est jusqu'à présent controversée, car il se heurte à l'article 2276 du Code civil (N° Lexbase : L7197IAS).

En second lieu, l'article 2331, 1° énoncerait que le privilège des frais de justice suppose que ceux-ci aient profité aux créanciers auxquels le privilège est opposé. La solution est loin d'être nouvelle (28), mais serait désormais expressément affirmée.

2°) Le gage

Les précisions relatives au gage sont des codifications de solutions jurisprudentielles. Ainsi, l'article 2335 disposerait que l'action en nullité du gage grevant une chose n'appartenant pas au constituant ne peut être exercée que par le créancier (à condition qu'il soit de bonne foi, c'est-à-dire qu'il ignorait l'absence de droit de propriété du constituant) (29).

La seconde codification de solution jurisprudentielle résulterait de l'article 2342-1, qui préciserait que le gage avec dépossession fait peser sur le gagiste une obligation de conservation de la chose grevée, et l'interdiction d'en user, sauf si le contrat l'y autorise.

3°) Le nantissement de créance

Si l'obligation de conservation pèse sur le créancier lorsqu'il y a dépossession, elle incombe au constituant lorsqu'il n'y a pas de dépossession. C'est le cas dans le nantissement de créance, et cette obligation de conservation serait affirmée par l'article 2359-1. Ce texte dispose que, sans l'accord du créancier nanti, le constituant ne peut modifier l'étendue des droits attachés à la créance nantie.

Les nouveaux textes préciseraient également trois points importants relativement au nantissement de créance. D'abord, l'article 2361-1 confirme la possibilité de conclure plusieurs nantissements sur une même créance, et règle alors l'ordre des créanciers : le classement se fera en fonction de la date de l'acte constitutif de chacun. Le texte précise aussi que si l'un des créanciers a reçu paiement, un créancier mieux classé peut exercer un recours contre cet accipiens.

Ensuite, l'article 2362 complète le régime du nantissement de créance qui n'a pas été notifié au débiteur de la créance nantie. L'actuel alinéa 2 de ce texte se contente de préciser qu'en cette hypothèse, le constituant reçoit valablement paiement de la créance. Fort opportunément, l'avant-projet retient l'indisponibilité de ces sommes : le constituant devra les conserver sur un compte bloqué ou les remettre au créancier nanti s'il en fait la demande. La solution renforce assurément la sécurité du créancier.

Enfin, l'article 2363-1 règle la question de l'opposabilité au créancier des exceptions affectant la créance grevée. Le débiteur de la créance nantie peut opposer au créancier les exceptions inhérentes à la dette et celles nées de ses rapports avec le constituant avant que le nantissement ne lui soit devenu opposable. Ces solutions s'inspirent de l'article 1324, alinéa 2, du Code civil (N° Lexbase : L0973KZ3) relatif à l'opposabilité des exceptions dans la cession de créance. Le risque est évidemment de voir apparaître le même contentieux qu'en matière d'opposabilité des exceptions dans le cautionnement (C. civ., art. 2313) (30), sur le point de savoir ce qu'est une exception inhérente à la dette (l'article 1324 ne fournissant que des exemples, non exhaustifs).

4°) La réserve de propriété

Au sujet de la réserve de propriété, une première précision utile serait apportée: la réserve de propriété prend fin par l'extinction de la créance garantie, "quelle qu'en soit la cause" (C. civ., art. 2367, al. 2). Ce texte vise à mettre fin à la position de la Cour de cassation, selon laquelle la réserve de propriété survit à l'effacement de la créance garantie en cas de rétablissement personnel (31).

Des précisions importantes sont également fournies, par l'article 2372, en cas de revente du bien faisant l'objet de la réserve de propriété. D'une part, le droit de revente est reconnu au débiteur à titre général. D'autre part, l'avant-projet entend mettre fin à la jurisprudence de la Cour de cassation relative à l'opposabilité des exceptions par le sous-acquéreur. Rappelons que la Cour estime que le sous-acquéreur d'un bien acquis avec réserve de propriété ne peut opposer au vendeur réservataire les exceptions dont il aurait pu se prévaloir contre son propre vendeur (32). L'article 2372, alinéa 3, autoriserait le sous-acquéreur à opposer au créancier réservataire les exceptions inhérentes à la dette et celles nées de ses rapports avec le débiteur avant qu'il ait eu connaissance du report de la réserve sur la créance du prix de revente du bien.

5°) L'hypothèque légale attachée aux jugements de condamnation

Enfin, il est permis d'approuver pleinement la proposition d'article 2417, qui traite de l'hypothèque légale attachée aux jugements de condamnation, sans la qualifier, comme c'est le cas aujourd'hui, d'hypothèque judiciaire. Il s'agit, en effet, d'une véritable hypothèque légale, puisqu'elle est accordée par la loi, sans que le jugement n'ait à la prévoir, et sans que le juge ne puisse la refuser. L'appellation trompeuse retenue par l'actuel article 2412 du Code civil (N° Lexbase : L2432LBP) a induit en erreur certaines cours d'appel, qui ont appliqué le régime de l'hypothèque judiciaire conservatoire à l'hypothèque légale (33).

C - Les simplifications

L'avant-projet de réforme vise enfin à simplifier le droit des sûretés, soit en modifiant certaines règles, soit par suppression.

1°) Simplification par modification

Une première mesure de simplification serait l'insertion d'un alinéa relatif au gage automobile dans l'article 2338 du Code civil (N° Lexbase : L1165HIY). Ce texte, sis dans le droit commun du gage, contiendrait la seule spécificité du gage automobile, à savoir son opposabilité par la déclaration en préfecture. Ainsi, les textes spécifiques (C. civ., art. 2351 N° Lexbase : L1178HIH à 2353) n'auraient plus de raison d'être, et pourraient être abrogés. Evidemment, une telle solution ferait disparaître l'article 2352 (N° Lexbase : L1179HII), qui prévoit la détention fictive du véhicule par le créancier, fondement de son droit de rétention dématérialisé. Ceci n'est cependant guère gênant, puisque tout créancier gagiste sans dépossession dispose d'un droit de rétention (C. civ., art. 2286, 4°, actuel N° Lexbase : L2439IBX et C. civ., art. 2327, 4° de l'avant-projet).

En ce qui concerne les privilèges spéciaux immobiliers, la volonté de simplification est la même qu'en 2005. A l'époque, la solution proposée n'avait pu être reprise par l'ordonnance du 23 mars 2006, faute d'habilitation législative sur ce point. L'avant-projet soumet donc, à nouveau, la proposition. Il s'agit de transformer les privilèges spéciaux immobiliers en de simples hypothèques légales. La conséquence notable serait que ces sûretés ne prendraient plus rang avant leur inscription (cette rétroactivité de la prise de rang créant une insécurité difficilement justifiable), mais à la date de leur inscription, comme une hypothèque ordinaire (à l'exception de l'hypothèque légale du syndicat des copropriétaires et de celle de l'opérateur mentionne' a? l'article L. 615-10 du Code de la construction et de l'habitation N° Lexbase : L8206I4P, qui demeureraient occultes).

Par ailleurs, l'avant-projet émet l'idée de centraliser l'inscription de diverses sûretés mobilières (warrant agricole, warrant pétrolier, gage des stocks, nantissement de parts de société civile, nantissement de matériel et d'outillage) au registre de publicité du gage sans dépossession tenu par le greffe du tribunal de commerce. Une telle mesure, incontestablement, rationaliserait les règles d'opposabilité de ces sûretés réelles.

L'avant-projet a aussi songé à simplifier la réalisation de certaines sûretés. Ainsi, le mode de réalisation du gage commercial, plus simple que celui du gage de droit commun (puisqu'il suffit pour le créancier de faire procéder à la vente publique, par un notaire, un huissier, un commissaire-priseur judiciaire ou un courtier de marchandises assermenté, des objets donnés en gage, huit jours après une simple signification faite au débiteur) serait étendu à tous les gages constitués à des fins professionnelles (C. civ., art. 2346).

La réalisation de la fiducie-sûreté serait elle aussi assouplie lorsqu'elle prend la forme d'une mise en vente des biens par le fiduciaire (C. civ., art. 2378). Actuellement, le fiduciaire qui choisit de réaliser la sûreté par vente des biens grevés doit commencer par faire procéder à une détermination de la valeur de ceux-ci par expertise. Le texte proposé permettrait au contrat de fiducie de prévoir que le fiduciaire peut vendre les biens sans avoir à faire expertiser ceux-ci, au prix qu'il estime correspondre à leur valeur. Afin de protéger le constituant de la fiducie, le texte énonce que le fiduciaire devra être en mesure de justifier, en cas de contestation, que le prix de cession correspond à la valeur du bien, et qu'il peut, à défaut, engager sa responsabilité.

Enfin, qu'il nous soit permis de signaler une mesure de simplification qui, si elle est adoptée, nous ferait particulièrement plaisir : l'avant-projet de réforme du droit des sûretés propose d'abandonner l'appellation fallacieuse de "gage immobilier", pour revenir à la juste dénomination de cette sûreté, à savoir "antichrèse" (C. civ., art. 2392 et s.).

2°) Simplification par suppression

Est, par ailleurs, proposée une simplification par suppression de certaines sûretés, qui ne sont plus utilisées par la pratique, ou qui ont été fondues dans un régime plus large. C'est ainsi que seraient supprimés, au titre des sûretés conventionnelles, le warrant de stocks de guerre, le warrant industriel et le warrant hôtelier.

La catégorie des privilèges, qui est devenue avec le temps insupportablement touffue, est (un peu) allégée. Sont supprimés les privilèges prévus par les 6°, 7° et 8° de l'article 2331 du Code civil (N° Lexbase : L3153IMQ), devenus inutiles du fait de la création de la Sécurité sociale (qui ne date pourtant pas d'hier...) : privilège de la créance de la victime d'un accident, privilège garantissant les allocations dues aux ouvriers, privilège des créances des caisses de compensation. Sont aussi supprimés des privilèges obsolètes : le privilège de l'aubergiste sur les effets du voyageur amenés dans l'auberge (actuel 5° de l'article 2332 N° Lexbase : L1156HIN), le privilège des créances résultant d'abus et prévarications commis par les fonctionnaires publics (actuel 7° de ce même texte), et le privilège sur l'indemnité d'assurance de la créance née d'un accident (actuel 8°). Est également supprimé un privilège totalement inutile, à savoir le privilège du gagiste sur le bien grevé par sa sûreté (actuel 2° de l'article 2332).

Enfin, les textes du Code de commerce relatifs au gage commercial (C. com., art. L. 521-1 N° Lexbase : L1394HIH et L. 521-3 N° Lexbase : L7990IQY) seraient également abrogés, ce qui s'explique par l'intégration de leur seule véritable spécificité (la réalisation simplifiée) dans l'article 2346 du Code civil relatif au gage professionnel.


(1) D., 2017, p. 1717.
(2) Seuls les articles qui entraînent une modification substantielle du droit positif seront ici étudiés. Ne seront donc pas traités les dispositions qui ne connaîtraient qu'une renumérotation, ou dont les changements ne concernent que la lettre et non l'esprit du texte.
(3) Ainsi, le Code civil contient de multiples renvois à la notion de sûreté. Une définition légale de la sûreté permettrait alors de préciser le champ d'application de ces articles, lesquels sont notamment les articles : 1305-4 (N° Lexbase : L0660KZH), 1328-1 (N° Lexbase : L0670KZT), 1334 (N° Lexbase : L0986KZK), 1352-9 (N° Lexbase : L0743KZK), 1752 (N° Lexbase : L1885ABG), 1912 (N° Lexbase : L1532IPG), 1977 (N° Lexbase : L2200AB4) et 2011 (N° Lexbase : L6507HWW).
(4) "La sûreté personnelle est l'engagement pris envers le créancier par un tiers non tenu à la dette qui dispose d'un recours contre le débiteur principal.
La sûreté réelle est l'affectation préférentielle ou exclusive d'un bien ou d'un ensemble de biens, présents ou futurs au paiement préférentiel ou exclusif du créancier
".
(5) Sur la théorie de l'accessoire en général, v. M. Cottet, Essai critique sur la théorie de l'accessoire en droit privé, thèse, LGDJ, coll. "Bibliothèque de droit privé", t. 544, 2013. A propos de la "contamination de la notion [d'accessoire] par les concepts du droit des sûretés réelles", v. J.-D. Pellier, Essai d'une théorie des sûretés personnelles à la lumière de la notion d'obligation : contribution à l'étude du concept de coobligation, thèse, LGDJ, coll. "Bibliothèque de droit privé", t. 539, 2012.
(6) Plus largement, v. D. Nemtchenko, Le droit des sûretés au prisme de la faute. Contribution à l'analyse de la notion de sûreté, thèse Bordeaux, 2017.
(7) v. not. J. Mestre, Réflexions sur l'abus du droit de recouvrer sa créance, in Mélanges Raynaud, Dalloz, 1985, p. 439. La possibilité d'un tel abus est d'ailleurs légalement reconnue, dans deux dispositions qu'il s'agira de concilier avec celle qui est ici commentée. Ainsi, selon l'article L. 111-7 du Code des procédures civiles d'exécution (N° Lexbase : L5795IR3), "le créancier a le choix des mesures propres à assurer l'exécution ou la conservation de sa créance. L'exécution de ces mesures ne peut excéder ce qui se révèle nécessaire pour obtenir le paiement de l'obligation". Aussi, d'après l'article L. 121-2 du même code (N° Lexbase : L5805IRG), "le juge de l'exécution a le pouvoir d'ordonner la mainlevée de toute mesure inutile ou abusive et de condamner le créancier à des dommages et intérêts en cas d'abus de saisie".
(8) Cass. mixte, 2 décembre 2005, n° 03-18.210, P (N° Lexbase : A9389DLC), Bull. Ch. mixte n° 7 ; JCP éd. G, 2005, II, 10183 et JCP éd. N, 2006, 1009, note Ph. Simler ; JCP éd. E, 2006, 1056, note S. Piedelièvre ; D., 2006, act. p. 61, obs. V. Avena-Robardet et jurispr. p. 729, avis J. Sainte-Rose et note L. Aynès ; Banque et droit, janvier-février 2006, p. 55, obs. F. Jacob ; Contrats conc. consom., 2006, comm. 62, obs. L. Leveneur ; Defrénois, 2006, art. 38469, obs. G. Champenois ; RDC, 2006, p. 454, obs. M. Grimaldi et p. 458, obs. D. Houtcieff.
(9) V. avant-projet, p. 52.
(10) V. B. Saintourens, Certificateurs de cautions et sous-cautions : les oubliés des réformes du droit du cautionnement, in Mélanges M. Cabrillac, Dalloz-Litec, 1999, p. 397.
(11) G. Piette, Solutions pour mettre un terme au contentieux relatif aux mentions manuscrites dans le cautionnement, D., 2017, p. 1064.
(12) "En cas de cautionnement solidaire, la caution reconnaît dans ladite mention être tenue solidairement et ne pouvoir exiger du créancier ni qu'il poursuive d'abord le débiteur, ni, le cas échéant, qu'il divise ses poursuites entre les cautions".
(13) Cass. com., 10 janvier 2012, n° 10-26.630, FS-P+B (N° Lexbase : A5284IAX), RTDCom., 2012, p. 177, obs. D. Legeais ; RD bancaire et fin., mars 2012, p. 45, obs. A. Cerles ; Rev. sociétés, mai 2012, p. 286, obs. I. Riassetto.
(14) Cass. mixte, 8 juin 2007, n° 03-15.602, P+B+R+I (N° Lexbase : A5464DWB), Bull. Ch. mixte n° 5 ; RDC, 2007/4, p. 1226, note D. Houtcieff ; JCP éd. E, 2008, n° 2, p. 16, obs. Ph. Simler ; RTDCom., 2007. 585, note D. Legeais ; RLDA, 2007, n° 19, p. 35, note P. Bouteiller ; RD bancaire et fin., 2007, n° 4, p. 16, note A. Cerles.
(15) Ch. Mouly, Les causes d'extinction du cautionnement, Litec 1979.
(16) "Les héritiers de la caution ne sont tenus que des dettes nées avant le décès. Toute clause contraire est réputée non écrite".
(17) Cass. com., 17 juin 1997, 95-14.105, publié (N° Lexbase : A1835ACX), Bull. civ. IV, n° 188 ; JCP éd. E, 1997, II, 1007, note D. Legeais ; RTDCom., 1997. 662, obs. M. Cabrillac ; Defrénois, 1997, art. 36703, obs. L. Aynès ; D., 1998, 208, note J. Casey ; RTDCiv., 1998. 157, obs. P. Crocq.
(18) v. C. consom., art. L. 314-18 (N° Lexbase : L1201K7M)
(19) Ibid..
(20) V. déjà G. Piette, La sanction du cautionnement disproportionné, Droit & Pat., juin 2004, p. 44.
(21) V. avant-projet, p. 57.
(22) Avant-projet, obs. sous l'art. 2319, p. 61.
(23) Cass. civ. 1, 3 avril 2007, n° 06-12.531, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A8313DUG), D., 2007, p. 1136, obs. V. Avena-Robardet ; D., 2007, p. 1572, note D. Houtcieff ; JCP éd. G 2007, I, 158, n°13, obs. Ph. Simler ; RTDCiv. 2007, p.595, obs. P. Crocq.
(24) Il est toutefois permis de relever un décalage entre le texte et les explications que ses auteurs en donnent. Selon ces derniers, l'absence d'inscription de la sûreté réelle légale par le créancier cautionné est tolérée lorsqu'elle se fait "au su" de la caution. Or cette condition n'apparaît aucunement dans le texte de l'article 2319, alors pourtant qu'elle semble conditionner sa mise en oeuvre. Une précision sur ce point ne serait alors peut-être pas superflue, afin de préciser la portée de cette restriction au bénéfice de subrogation.
(25) V. avant-projet, p. 62.
(26) V. en ce sens Ph. Simler et Ph. Delebecque, Droit des sûretés, Dalloz, Précis, 2016, n° 314 ; C. Hannoun, Réflexions sur la distinction de la fraude et de l'abus dans les garanties à première demande, RD bancaire et fin. 1988, p. 187.
(27) G. Piette, La résurrection de l'hypothèque rechargeable, Rev. Lamy, Dr. Aff., février 2015, p. 29 ; F. Julienne, La réintégration de l'hypothèque rechargeable, Lexbase, éd. aff., 2015, n° 411 (N° Lexbase : N5774BUE).
(28) Cass. civ., 5 février 1900, DP 1900. 1. 219.
(29) CA Paris, 2 octobre 1987, Banque, 1987, 1208, obs. J.-L. Rives-Lange ; CA Poitiers, 11 janvier 2011, Act. proc. coll. 2011, n° 305.
(30) Cass. mixte, 8 juin 2007, n° 03-15.602, P+B+R+I, préc., JCP éd. G 2007, II, 10138, note Ph. Simler ; D., 2007, p. 2201, note D. Houtcieff.
(31) Cass. civ. 2, 27 février 2014, n° 13-10.891, F+P+B (N° Lexbase : A0985MGL), RDC, septembre 2014, p. 393, note J. Klein. La solution retenue par la Cour de cassation était la même en cas de défaut de déclaration de créance, avant l'entrée en vigueur de la loi de sauvegarde des entreprises du 26 juillet 2005 (loi n° 2005-845 N° Lexbase : L5150HGT).
(32) Cass. com., 5 juin 2007, n° 05-21.349, FS-P+B (N° Lexbase : A5511DWZ), D., 2007, AJ 1729, obs. A. Lienhard.
(33) V. par exemple Cass. civ. 3, 17 juin 2009, n° 08-17.065, FS-P+B (N° Lexbase : A3065EID) ; Cass. civ. 1, 14 mars 2012, n° 10-28.143, F-P+B+I (N° Lexbase : A8828IEP), RTDCiv., 2012, p. 345, obs. P. Crocq.

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Licenciement

[Brèves] De l'absence d'obligation pour l'employeur de mettre en oeuvre un PSE à la suite du refus de vingt et un salariés de voir modifier leur contrat de travail pour motif économique

Réf. : Cass. soc., 24 janvier 2018, n° 16-22.940, FS-P+B (N° Lexbase : A8496XBB)

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par Blanche Chaumet

Le 02 Février 2018



L'employeur n'est pas tenu de mettre en oeuvre un plan de sauvegarde de l'emploi lorsqu'à la suite du refus de vingt et un salariés de voir modifier leur contrat de travail et d'être mutés, la société a modifié son projet de réorganisation pour maintenir une partie de son activité et des emplois sur site, et a procédé à une nouvelle consultation des représentants du personnel sur un projet de licenciement collectif concernant moins de dix salariés. Telle est la solution dégagée dans un arrêt rendu le 24 janvier 2018 par la Chambre sociale de la Cour de cassation (Cass. soc., 24 janvier 2018, n° 16-22.940, FS-P+B N° Lexbase : A8496XBB).

En l'espèce, un salarié a été engagé le 1er octobre 2002 par la société X en qualité d'ouvrier. Il exerçait en dernier lieu les fonctions de chef de quai. Dans le cadre d'un projet de restructuration, et après consultation des institutions représentatives du personnel, la société a proposé à trente-six salariés la modification de leur contrat de travail pour motif économique, modification que le salarié et vingt autres ont refusée. L'employeur n'a, en définitive, engagé une procédure de licenciement économique qu'à l'égard de neuf salariés.

La cour d'appel (CA Aix-en-Provence, 30 juin 2016, n° 14/09776 N° Lexbase : A4968RXB) ayant dit que le licenciement du salarié n'est pas nul ou, à tout le moins, dénué de cause réelle et sérieuse et l'ayant, en conséquence, débouté de sa demande de condamnation de la société au paiement de dommages-intérêts, ce dernier s'est pourvu en cassation.

Cependant, en énonçant la règle susvisée, la Haute juridiction rejette le pourvoi après avoir rappelé que l'article L. 1233-25 du Code du travail (N° Lexbase : L1152H9K) ne fait obligation à l'employeur de mettre en oeuvre un plan de sauvegarde de l'emploi que lorsque dix salariés au moins ont refusé la modification d'un élément essentiel de leur contrat de travail pour l'un des motifs économiques énoncés à l'article L. 1233-3 (N° Lexbase : L7299LHS) et que leur licenciement est envisagé (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E8967ESW et N° Lexbase : E8955ESH).

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Peines

[Brèves] Conséquences du mouvement social des surveillants pénitentiaires sur les conditions de détention : pas de traitement inhumain ou dégradant en l'espèce !

Réf. : TA Clermont-Ferrand, 26 janvier 2018, n° 1800130 (N° Lexbase : A7242XBT)

Lecture: 2 min

N2484BXB

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par Marie Le Guerroué

Le 01 Février 2018

Le fait de ne pas pouvoir se doucher régulièrement ou d'être confiné 24 heures sur 24 dans sa cellule est susceptible de constituer un traitement inhumain ou dégradant au sens de la CESDH, du Code de procédure pénale et de la jurisprudence du Conseil d'Etat. Le tribunal administratif estime, toutefois, qu'en l'espèce, tel n'était pas le cas, dans une décision du 26 janvier 2018 (TA Clermont-Ferrand, 26 janvier 2018, n° 1800130 N° Lexbase : A7242XBT).

Dans cette affaire, M. D., détenu dans un centre pénitentiaire, avait saisi le juge des référés liberté au motif que, depuis le début du mouvement social des surveillants, il aurait été soumis à des traitements inhumains ou dégradants en raison de l'absence de douche, de promenade, de ramassage des déchets dans la cellule et dans les coursives ainsi qu'en raison de l'absence de cantine.

Le tribunal précise que, eu égard à la vulnérabilité des détenus et à leur situation d'entière dépendance vis-à-vis de l'administration, il appartient à celle-ci, et notamment aux directeurs des établissements pénitentiaires, en leur qualité de chefs de service, de prendre les mesures propres à protéger leur vie ainsi qu'à leur éviter tout traitement inhumain ou dégradant afin de garantir le respect effectif des exigences découlant des principes rappelés par les articles 2 (N° Lexbase : L4753AQ4) et 3 (N° Lexbase : L4764AQI) de la CESDH. Le droit au respect de la vie ainsi que le droit de ne pas être soumis à des traitements inhumains ou dégradants constituent des libertés fondamentales. Il rappelle, aussi, que lorsque la carence de l'autorité publique crée un danger caractérisé et imminent pour la vie des personnes ou les expose à être soumises, de manière caractérisée, à un traitement inhumain ou dégradant, portant ainsi une atteinte grave et manifestement illégale à ces libertés fondamentales, et que la situation permet de prendre utilement des mesures de sauvegarde dans un délai de 48 heures, le juge peut prescrire toutes les mesures de nature à faire cesser la situation résultant de cette carence. Ce serait le cas si les détenus n'avaient pas accès à la douche ou à la promenade.

Toutefois, le tribunal note que les détenus ont pu bénéficier, le 23 janvier, de la douche, de la promenade et du téléphone ; le 24 janvier, les portes des cellules ont été ouvertes 20 minutes pour permettre aux détenus d'accéder aux douches, téléphoner et sortir leurs poubelles mais sans promenade ; le 25 janvier, la promenade a été proposée au requérant qui l'a refusée et n'a pas sorti sa poubelle. Ce dernier a accédé à la douche l'après-midi. Le tribunal note, aussi, que les seuls déchets de la coursive sont ceux que M. D. a fait passer par son oeilleton et que la cantine devait être assurée le 26 janvier pour des denrées non périssables. Ainsi, M. D., qui n'a pu bénéficier d'une promenade le seul 24 janvier, ne peut sérieusement prétendre avoir été soumis à un traitement inhumain ou dégradant.

newsid:462484

Procédure

[Brèves] Recours dirigé contre une décision de refus de publication d'un projet de révision d'une norme prise par un comité stratégique de l'AFNOR : compétence de la juridiction administrative

Réf. : CE 9° et 10° ch.-r., 24 janvier 2018, n° 410996, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A2116XBY)

Lecture: 1 min

N2469BXQ

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par Yann Le Foll

Le 01 Février 2018

La juridiction administrative est compétente pour connaître d'un recours dirigé contre une décision de refus de publication d'un projet de révision d'une norme prise par un comité stratégique de l'AFNOR. Telle est la solution dégagée par le Conseil d'Etat dans un arrêt rendu le 24 janvier 2018 (CE 9° et 10° ch.-r., 24 janvier 2018, n° 410996, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A2116XBY).

La Haute juridiction ajoute qu'il ressort des termes de la résolution du 3 avril 2015 que le comité stratégique a fondé sa décision de ne pas poursuivre la procédure de révision de la norme "NF Z 40-350" sur l'absence de consensus entre les membres de la commission de normalisation, tant sur la version du projet examinée au cours de la séance du 15 janvier 2014, que sur la version proposée par le facilitateur et examinée au cours de la séance du 19 mars 2015.

Dès lors, le moyen tiré de ce que le comité stratégique de l'AFNOR aurait entaché sa décision d'erreur de droit en subordonnant la publication du projet de norme révisée "NF Z 40-350" à l'unanimité des membres de la commission de normalisation doit être écarté.

newsid:462469

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