Jurisprudence : Cass. civ. 3, 12-05-2015, n° 14-11.231, F-D, Cassation

Cass. civ. 3, 12-05-2015, n° 14-11.231, F-D, Cassation

A8849NH9

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Cass. civ. 3, 12-05-2015, n° 14-11.231, F-D, Cassation. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/24438678-cass-civ-3-12052015-n-1411231-fd-cassation
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CIV.3 CGA
COUR DE CASSATION
Audience publique du 12 mai 2015
Cassation
M. TERRIER, président
Arrêt no 516 F-D
Pourvoi no X 14-11.231
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant

Statuant sur le pourvoi formé par le groupement du Moulin de l'Humeau, groupement foncier agricole, dont le siège est Bournand,
contre l'arrêt rendu le 16 octobre 2013 par la cour d'appel de Poitiers (3e chambre civile), dans le litige l'opposant
1o/ à M. Z Z, domicilié Loudun,
2o/ à la société d'aménagement foncier et d'établissement rural (SAFER) Poitou-Charentes, dont le siège est Niort cedex,
défendeurs à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l'audience publique du 24 mars 2015, où étaient présents M. Terrier, président, Mme Dagneaux, conseiller rapporteur, Mme Fossaert, conseiller, Mme Bordeaux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Dagneaux, conseiller, les observations de la SCP Odent et Poulet, avocat du GFA du Moulin de l'Humeau, de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de M. Z et de la SAFER Poitou-Charentes, l'avis de M. Sturlèse, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le premier moyen
Vu l'article L. 143-3 du code rural et de la pêche maritime, ensemble l'article R. 142-1 du même code ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 16 octobre 2013), que la SAFER Poitou Charentes (la SAFER) a acquis à l'amiable des terrains plantés de bois ; qu'elle a, après appel à candidature, rétrocédé ces terres à M. Z ; que le GFA du Moulin de l'Humeau (le GFA), qui s'était également porté candidat, a sollicité l'annulation de la décision de la SAFER ;

Attendu que pour débouter le GFA de cette demande, l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que la SAFER a justifié son choix par une motivation conforme aux exigences légales et que la demande du GFA tend en réalité à un contrôle de l'opportunité de ce choix ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il lui appartenait de contrôler si la motivation de la SAFER permettait de vérifier la réalité des objectifs poursuivis conformément aux exigences de la loi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS et sans qu' il y ait lieu statuer sur le second moyen
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 16 octobre 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Limoges ;
Condamne la SAFER Poitou Charentes et M. Z aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la SAFER Poitou Charentes et de M. Z ; les condamne in solidum à payer au GFA du Moulin de l'Humeau la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze mai deux mille quinze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Odent et Poulet, avocat aux Conseils, pour le GFA du Moulin de l'Humeau
PREMIER MOYEN DE CASSATION
II est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR confirmé en toutes ses dispositions le jugement rendu le 10 septembre 2012 par le tribunal de grande instance de Poitiers qui avait débouté le GFA de l'ensemble de ses demandes ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE le GFA reproche au tribunal de ne pas avoir contrôlé le bien-fondé de la motivation de la décision de la SAFER et de ne pas avoir vérifié la véracité des faits et motifs de la décision, au regard du caractère fictif évoqué du projet de M. Z ; que, s'agissant d'une décision de rétrocession après acquisition amiable, les dispositions de l'article R. 142-4 du code rural s'appliquent, de sorte que la SAFER est simplement tenue d'informer les candidats évincés des motifs qui ont déterminé son choix, la notification désignant l'attributaire, le prix et les parcelles étant suffisante, ce qui est le cas en l'espèce, ces mentions figurant sur la décision de rétrocession du 14 juin 2010 ; que la SAFER n'avait pas à contrôler plus avant, la motivation étant conforme aux exigences légales ; que la demande de nullité de la décision de rétrocession formée par le GFA doit donc être écartée ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE l'ensemble des pièces communiquées par la SAFER démontrent que la procédure a été respectée ; que le GFA fait valoir que le projet de gestion et d'exploitation du bois soumis par M. Z est purement fictif dans la mesure où la société Z n'exerce aucune activité de gestion et d'exploitation forestière mais uniquement des activités de transport routier et de fret et ne dispose d'aucun agrément d'exploitation forestière ; que la SAFER a justifié son choix et la demande tendant à l'annulation de la rétrocession fondée sur le dol et résultant de M. Z de déclarations mensongères est un contrôle de l'opportunité du choix opéré par la SAFER, ce choix ayant une motivation conforme aux exigences légales ;
1o ALORS QUE le juge judiciaire, s'il ne peut apprécier l'opportunité d'une décision prise par une SAFER, peut et doit en revanche juger de sa régularité et de sa légalité, en vérifiant notamment la conformité du choix opéré avec les objectifs définis par la loi ; que, pour écarter la demande de nullité de la décision de rétrocession litigieuse présentée par le GFA, qui faisait valoir le caractère fictif du projet de gestion et d'exploitation forestière en lien avec la coopérative COFOROUEST, dès lors que le candidat retenu, M. Z, n'avait aucun projet d'exploitation forestière en lien avec cette coopérative et que la SAFER s'était déterminée sur le fondement d'un dossier présenté par la société de fret Z, qui n'avait elle-même aucun projet d'exploitation forestière en lien avec la coopérative COFOROUEST, ni vocation, ni capacité à poursuivre un tel projet, la cour, par motifs adoptés, a jugé que dès lors que la SAFER avait justifié son choix, cette demande conduisait à opérer un contrôle de l'opportunité de ce choix ; qu'en se déterminant ainsi, quand un tel examen portait sur la conformité de la décision prise aux objectifs de la loi, c'est-à-dire sur sa légalité, la cour a violé l'article L. 141-1 du code rural et de la pêche maritime ;
2o ALORS QUE les SAFER ont en particulier pour mission légale " d'améliorer les structures foncières par l'installation ou le maintien d'exploitants agricoles ou forestiers " ; que le GFA avait soutenu que la décision de rétrocession de la SAFER qui lui a été communiquée le 14 juin 2010, et qui indiquait en particulier que le " lot de bois est attribué à M. Z Z dans le cadre de son projet de gestion et d'exploitation forestière, en lien avec la coopérative COFOROUEST" était illégale à un double point de vue ; qu'en premier lieu, cette décision avait été rendue au bénéfice de M. Z alors que ni ce dernier, ni la société Z, société de fret ayant présenté son projet, et dont il était président, n'avaient le propos ou la capacité d'entreprendre l'exploitation forestière en question, aucune collaboration n'existant d'ailleurs avec la coopérative COFOROUEST pour cette exploitation pour le moins hypothétique ; qu'en second lieu, la rétrocession était intervenue, selon le cahier des charges, afin notamment de "garantir en ressources l'activité de combustible renouvelable de l'entreprise SAS Z ", objectif étranger aux objectifs assignés par la loi aux SAFER ; qu'en se bornant dès lors, pour écarter la demande de nullité du GFA, à retenir que la SAFER lui avait notifié le 14 juin 2010 rinformation susvisée portant sur l'attributaire, le prix et la superficie des parcelles concernées, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la décision contestée ne reposait pas, comme les éléments de preuve apportés l'établissaient, sur des informations erronées et sur la poursuite d'objectifs qui n'étaient pas prévus par la loi, de sorte que sa légalité même pouvait être remise en cause, la cour a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 141-1 du code rural et de la pêche maritime ;
3o ALORS, EN TOUTE HYPOTHÈSE, que lorsque la SAFER a attribué un bien acquis à l'amiable, elle est tenue de faire procéder, au plus tard dans le mois suivant la signature de l'acte authentique, à l'affichage, pendant un délai de quinze jours, à la mairie de la commune de la situation de ce bien, d'un avis comportant la désignation sommaire du bien avec notamment la superficie totale, le nom de la commune, celui du lieudit ou la référence cadastrale, le nom et la qualité du cessionnaire ainsi que les conditions financières de l'opération ; qu'elle doit informer les candidats non retenus des motifs qui ont déterminé son choix ; que pour écarter la demande de nullité de la décision de la SAFER présentée par le GFA, la cour a retenu que cette information suffisante lui avait été délivrée, indiquant " l'attributaire, le prix et les parcelles (...) ces mentions figurant incontestablement sur la décision de rétrocession du 14 juin 2010 " ; qu'en se déterminant ainsi, quand cette notification du 14 juin 2010 ne portait aucune indication de prix, la cour l'a dénaturée, en violation de l'article 1134 du code civil ;
SECOND MOYEN DE CASSATION
II est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR confirmé en toutes ses dispositions le jugement rendu le 10 septembre 2012 par le tribunal de grande instance de Poitiers qui avait débouté le GFA de l'ensemble de ses demandes,
AUX MOTIFS QUE le GFA n'articule pas ces points [faute, préjudice, lien de causalité constitutifs de la responsabilité quasi-délictuelle] en explicitant la faute de M. Z ; qu'il indique seulement que le comportement de ce dernier est dolosif et malhonnête en ce qu'il aurait fait des déclarations mensongères ; que si, dans sa lettre de candidature adressée à la SAFER le 26 avril 2010, M. Z a indiqué avoir des relations suivies avec la COFOROUEST, il n'a jamais prétendu, comme le soutient le GFA qui en déforme les termes, que COFOROUEST intervenait dans son projet puisqu'il précisait que, " depuis que cette coopérative lui avait confié la branche biomasse énergie, il avait besoin de massifs forestiers pour les exploiter de manière durable et servir de garantie de ressources pour son activité de combustible renouvelable " ; que le caractère mensonger des déclarations de M. Z n'est pas établi ; que le caractère fictif du projet n'est pas démontré, l'acte notarié du 6 août 2010 rappelant que dans le cahier des charges la destination du bien affectée par la SAFER qui " restera conforme à la gestion et l'exploitation du massif forestier de manière durable et de garantir en ressources l'activité de combustible renouvelable de l'entreprise SAS Arsonneau " ; que le GFA sera débouté en l'absence de preuve de faute ;
1o ALORS QUE la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motif; que pour écarter la demande du GFA qui mettait en cause la responsabilité quasi-délictuelle de M. Z, la cour a retenu qu'il n'articulait aucune faute à la charge de ce dernier, et qu'il indiquait " seulement (...) que (son) comportement (...) est dolosif et malhonnête en ce qu'il aurait fait des déclarations malhonnêtes " ; qu'en se déterminant ainsi, par des motifs contradictoires, la cour a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
2o ALORS QUE, dans ses écritures d'appel, le GFA avait explicitement soutenu, pour demander la condamnation de M. Z sur le fondement de l'article 1382 du code civil, que ce dernier avait commis un dol consistant à présenter un projet fictif de gestion et d'exploitation forestière, que le GFA en avait subi un préjudice matériel et moral résultant de la mise à l'écart de sa propre candidature, et que seul le comportement fautif de M. Z avait permis à ce dernier que sa candidature en définitive supplante la sienne (concl. p. 8) ; que pour écarter cette demande, la cour a retenu que tandis que la mise en cause de la responsabilité quasi-délictuelle de M. Z requérait la preuve d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité, le GFA " n 'articul(ait) pas ces points " ; qu'en se déterminant ainsi, la cour a dénaturé les conclusions du GFA, en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;
3o ALORS QUE le GFA avait fortement insisté dans ses écritures sur le fait que si M. Z avait été attributaire du bois litigieux, le projet qui avait été présenté dans la lettre du 26 avril 2010 était en réalité un projet de la société Z, laquelle n'avait au demeurant aucun agrément pour exercer une activité d'exploitant forestier puisque son objet, et son activité, était le stockage et le fret; qu'il avait également souligné que "l'activité de combustible renouvelable " n'était pas davantage une activité de M. Z mais celle, en principe, de la même société ; qu'en se déterminant dès lors comme elle l'a fait, sans rechercher, comme elle y était invitée, si cette confusion ne traduisait pas, de la part de M. Z, une volonté de tromper la SAFER sur une opération fictive, M. Z n'ayant lui-même, en réalité, aucun projet personnel d'exploitation forestière, la cour a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;
4o ALORS QUE, pour établir le caractère fictif de l'opération invoquée par M. Z, et le caractère mensonger de ses déclarations à la SAFER, le GFA avait soutenu que, contrairement à ses affirmations, il n'avait aucun projet commun avec la coopérative COFOROUEST pour la gestion ou l'exploitation du bois litigieux, n'ayant même aucun rapport avec elle ; qu'ainsi, le GFA avait produit une lettre de la coopérative elle-même, du 17 août 2010, dans laquelle elle indiquait n'avoir "pas de projet de gestion et d'exploitation forestière d'un bois avec Monsieur Z ", et une "Note d'information pour la région Poitou-Charentes" qui établissait que la société Z, qui était son seul partenaire, n'était elle-même en relation avec elle que dans le cadre d'un contrat commercial de sous-traitance ; qu'il s'évinçait avec certitude de ces éléments que les affirmations de M. Z selon lesquelles la coopérative était en relation avec lui, de sorte qu'il avait besoin pour ce faire d'exploiter le bois litigieux, étaient mensongères ; que, de surcroît, la notification faite par la SAFER au GFA de son exclusion, le 14 juin 2010, motivée par le fait que le " lot de bois est attribué à M. Z Z U dans le cadre de son projet de gestion et d'exploitation forestière, en lien avec la coopérative COFOROUEST " reposait à l'évidence sur une information fausse et manifestait que la SAFER avait elle-même été abusée ; qu'en se déterminant dès lors comme elle l'a fait, pour exclure toute faute de la part de M. Z, sans rechercher, comme elle y était invitée, si les documents ainsi versés aux débats n'établissaient pas, avec certitude, que M.
Z, contrairement à ses dires, n'avait aucun lien avec la coopérative COFOROUEST en vue de la gestion ou de l'exploitation du bois litigieux, et n'attestaient pas que la SAFER avait été trompée par lui, la cour a derechef privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;

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