La lettre juridique n°730 du 8 février 2018

La lettre juridique - Édition n°730

Affaires

[Manifestations à venir] La 19ème mensuelle africaine - Le private Equity en Afrique

Lecture: 1 min

N2648BXD

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Le 12 Février 2018

Est organisée à la Maison du Barreau, par la Commission Afrique/Ohada du barreau de Paris, le jeudi 8 février 2018 de 18h30 à 20h30 (Salle Pont au Change), une conférence ayant pour titre "Le private equity en Afrique". Modérateurs :

Ludovic Bernet et Alexis Moisand, Avocats à la Cour

Thèmes :

- Le marché et les opportunités d'investissement d'ici à 2030

- La recherche des cibles d'investissement ?

- La levée des fonds (limited partners LPs/ general partners GPs)

- L'environnement juridique du Private Equity

Avec la participation de :

Nayel Vidal, Directeur d'investissement chez ECP

Sébastien Boyé, Directeur général adjoint d'I&P

Rafik Mzah, Directeur juridique d'AfricInvest

Jawad Fassi-Fehri, Directeur juridique de la BMICE et auteur du Guide Juridique du Capital Investissement, Droit marocain- Droit français éd. Lexis Nexis 2014 et du Guide Juridique du Capital Investissement, Droit OHADA- Droit français, éd Lexis Nexis à paraître en mars 2018

                                                                   ***

Inscriptions : Ordre des avocats du barreau de Paris

Tél. : 01 80 27 15 24

E-mail : international@avocatparis.org

newsid:462648

Autorité parentale

[Brèves] Impossibilité pour une mère d'exercer son droit de garde sur son fils qui vit en Grèce et qui refuse de retourner en France avec elle : absence de condamnation de la Grèce

Réf. : CEDH, 1er février 2018, Req. 51312/16 (N° Lexbase : A1390XCH)

Lecture: 2 min

N2573BXL

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par Anne-Lise Lonné-Clément

Le 12 Février 2018

L'impossibilité pour une mère, résidant en France, d'exercer son droit de garde sur son fils, qui vit en Grèce avec son père et son frère, ne donne pas lieu à la condamnation de la Grèce, compte tenu du refus opposé par l'enfant de retourner en France avec elle. C'est en ce sens que s'est prononcée la Cour européenne des droits de l'Homme dans un arrêt rendu le 1er février 2018 (CEDH, 1er février 2018, Req. 51312/16 N° Lexbase : A1390XCH).

L'affaire concernait l'impossibilité pour M. K., mère de deux enfants, d'exercer son droit de garde sur l'un de ses fils alors que les juridictions grecques lui avaient attribué sa garde de manière définitive. Son ex-époux vivait en Grèce avec leurs deux fils et elle vivait en France. Invoquant l'article 8 (droit au respect de la vie privée et familiale) (N° Lexbase : L4798AQR), M. K. se plaignait que les autorités grecques n'avaient pas respectés les jugements grecs et français rendus en sa faveur concernant la garde de son fils ; qu'elles avaient refusé de faciliter le retour de l'enfant en France ; et qu'elles n'avaient donné aucune suite à ses plaintes contre son ex-mari pour enlèvement d'enfant. Elle n'obtiendra pas gain de cause devant la Cour européenne.

La Cour juge en particulier que les autorités grecques ont pris les mesures que l'on pouvait raisonnablement exiger d'elles pour se conformer à leurs obligations positives découlant de l'article 8 de la Convention. Elles ont notamment pris en compte l'ensemble de la situation familiale, l'évolution de celle-ci dans le temps et l'intérêt supérieur des deux frères, et notamment de A. Ce dernier, âgé de 13 ans à l'époque, avait clairement exprimé, devant les autorités grecques, sa volonté de rester avec son frère et son père en Grèce. Pour la Cour, la volonté exprimée par un enfant ayant un discernement suffisant est un élément clé à prendre en considération dans toute procédure judiciaire ou administrative le concernant. Le droit d'un enfant d'être entendu et de participer à la prise de décision dans une procédure familiale qui l'affecte en premier lieu est d'ailleurs garanti par plusieurs instruments juridiques internationaux. Notamment, l'article 13 de la Convention de la Haye prévoit que les autorités peuvent refuser d'ordonner le retour de l'enfant si elles constatent que celui-ci s'y oppose et que, eu égard à son âge et à sa maturité, il est approprié de tenir compte de cette opinion.

newsid:462573

Avocats/Accès à la profession

[Brèves] Validation de l'arrêté du 17 octobre 2016, fixant le programme et les modalités de l'examen d'accès au centre régional de formation professionnelle d'avocats

Réf. : CE 4° et 1° ch.-r., 26 janvier 2018, n° 406005, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A7195XB4)

Lecture: 2 min

N2488BXG

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par Anne-Laure Blouet Patin

Le 12 Février 2018



Est rejetée la demande d'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du 17 octobre 2016, fixant le programme et les modalités de l'examen d'accès au centre régional de formation professionnelle d'avocats (N° Lexbase : L5947LAI) ; la circonstance que les candidats ne se voient plus offrir la possibilité de choisir, à titre d'option, le droit fiscal des affaires, ne fait pas obstacle à ce que le jury s'assure des connaissances et des aptitudes des candidats à l'exercice de la profession d'avocat et n'entache pas non plus l'arrêté attaqué d'une erreur manifeste d'appréciation. Telle est la portée d'un arrêt du Conseil d'Etat, rendu le 26 janvier 2018 (CE 4° et 1° ch.-r., 26 janvier 2018, n° 406005, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A7195XB4).

Un Maître de conférences et un Professeur d'Université demandaient conjointement l'annulation de l'arrêté, estimant qu'il attentait à leurs intérêts. Le Haut conseil estime, certes, qu'en sa qualité de Maître de conférences ayant notamment en charge, au sein de l'institut d'études judiciaires, la préparation des étudiants à l'épreuve de spécialité en droit fiscal de l'examen d'entrée au centre régional de formation professionnelle d'avocats, ce dernier est recevable à demander l'annulation de l'arrêté ; en revanche, le Professeur en droit fiscal ne peut se prévaloir, en sa seule qualité, de ce que l'acte affecterait de manière suffisamment directe ses prérogatives d'enseignant, et la circonstance qu'il est co-auteur d'un manuel de droit fiscal général destiné à un public d'étudiants en licence, master ou doctorat et de professionnels, n'est pas non plus de nature à caractériser un intérêt suffisamment direct et certain lui donnant qualité pour demander l'annulation de cet arrêté.

Le Conseil d'Etat rappelle que l'arrêté litigieux a entendu orienter les programmes de l'examen d'accès aux centres régionaux de formation professionnelle des avocats vers une mise en oeuvre pratique des connaissances générales acquises dans les cursus universitaires qui sont indispensables à l'accès à la profession d'avocat. Et, si l'absence, dans le nouveau programme d'examen, d'épreuve portant spécifiquement sur le droit fiscal n'est pas favorable aux étudiants ayant fait le choix d'une spécialisation en droit fiscal, cette circonstance n'est pas, par elle-même, susceptible de constituer une atteinte au principe d'égalité entre les candidats. Enfin le délai de mise en oeuvre permettait bien de disposer d'un délai raisonnable pour s'adapter à la nouvelle réglementation ; les conditions d'entrée en vigueur de l'arrêté attaqué ne portaient pas atteinte au principe de sécurité juridique (cf. l’Ouvrage "La profession d'avocat" N° Lexbase : E7731ETI).

newsid:462488

Avocats/Gestion de cabinet

[Brèves] Pas d'ouverture de bureaux secondaires en entreprise !

Réf. : CE 6° et 5° ch.-r., 29 janvier 2018, n° 403101, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A7420XBG)

Lecture: 2 min

N2496BXQ

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par Anne-Laure Blouet Patin

Le 12 Février 2018



L'avocat doit justifier d'une domiciliation effective et suffisamment stable permettant un exercice professionnel conforme aux principes essentiels et usages de son état et de nature à garantir le respect des exigences déontologiques de dignité, d'indépendance et de secret professionnel et la sécurité des notifications opérées par les juridictions. Dès lors, les dispositions du RIN qui autorisent un avocat à domicilier de façon permanente et effective une partie de son activité dans les locaux d'une entreprise, qui peut être sa cliente, ne permettent pas l'exercice de la profession dans des conditions qui correspondent aux règles et usages des barreaux et doivent ainsi être regardées comme instituant des règles nouvelles. Enfin, ces conditions d'exercice sont susceptibles de placer les avocats concernés dans une situation de dépendance matérielle et fonctionnelle vis-à-vis de l'entreprise qui les héberge et mettent ainsi en cause les règles essentielles régissant la profession d'avocat d'indépendance et de respect du secret professionnel. Telles sont les solutions dégagées par le Conseil d'Etat dans un arrêt rendu le 29 janvier 2018 (CE 6° et 5° ch.-r., 29 janvier 2018, n° 403101, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A7420XBG).

Par une décision des 1er et 2 juillet 2016, le Conseil national des barreaux a modifié l'article 15.2.2 du règlement intérieur national de la profession d'avocat (N° Lexbase : L4063IP8), qui permet l'ouverture d'un bureau secondaire, dans les locaux d'une entreprise, sous réserve de répondre aux conditions générales du domicile professionnel et aux règles de la profession notamment en ce qui concerne le secret professionnel ; étant précisé que l'entreprise au sein de laquelle le cabinet est situé ne doit pas exercer une activité s'inscrivant dans le cadre d'une interprofessionnalité avec un avocat. Saisi d'un recours en excès de pouvoir contre cette décision, le Conseil d'Etat, énonçant les solutions susvisées, retient que cette décision n'était pas au nombre de celles que le Conseil national des barreaux était compétent pour édicter : si le Conseil national des barreaux est investi par la loi d'un pouvoir réglementaire, qui s'exerce en vue d'unifier les règles et usages des barreaux et dans le cadre des lois et règlements qui régissent la profession, ce pouvoir trouve cependant sa limite dans les droits et libertés qui appartiennent aux avocats et dans les règles essentielles de l'exercice de la profession. Ainsi, il ne peut légalement fixer des prescriptions nouvelles qui mettraient en cause la liberté d'exercice de la profession d'avocat ou les règles essentielles qui la régissent et qui n'auraient aucun fondement dans les règles législatives ou dans celles fixées par les décrets en Conseil d'Etat (cf. l’Ouvrage "La profession d'avocat" N° Lexbase : E7330E9D).

newsid:462496

Avocats/Institutions représentatives

[Jurisprudence] "Je m'en lave les mains" : le Conseil d'Etat en Ponce Pilate du Conseil national des barreaux

Réf. : CE 1° et 6° ch.-r., 28 décembre 2017, n° 401665 (N° Lexbase : A7905W9N)

Lecture: 7 min

N2453BX7

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Je m'en lave les mains" : le Conseil d'Etat en Ponce Pilate du Conseil national des barreaux - par Pierre-Louis Boyer, Maître de conférences HDR, CREDO-UCO- IODE Rennes 1">

par Pierre-Louis Boyer, Maître de conférences HDR, CREDO-UCO- IODE Rennes 1

Le 12 Février 2018

Le Conseil d'Etat, en ses 6ème et 1ère chambres réunies, a rendu, le 28 décembre 2017, une décision touchant à sa compétence quant aux décisions et avis découlant du fonctionnement interne du Conseil national des barreaux. Le CNB, réuni en assemblée générale les 20 et 21 mai 2017, s'est prononcé par une délibération en date du 20 mai 2017 sur les modalités d'élection de ses membres. Ladite délibération mettait en exergue l'avis du CNB sur les modalités d'élection des membres le constituant. Le CNB se prononçait en faveur d'une option qui organisait l'élection de ses membres de la manière suivante : les membres du collège ordinal seraient élus au suffrage indirect uninominal, avec des sièges réservés pour que la parité exacte entre les sexes soit respectée, et les membres du collège ordinal seraient élus au moyen d'un scrutin de liste proportionnel au suffrage universel direct, les listes étant composées alternativement d'un candidat de chaque sexe, avec répartition des restes à la plus forte moyenne ainsi qu'un seuil de représentativité fixé à 6 % des suffrages. Les deux circonscriptions Paris et Province seraient maintenues, comme cela est prévu depuis le décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, organisant la profession d'avocat (N° Lexbase : L8168AID).

Cette proposition, émise par l'assemblée générale du CNB, va, de fait, à l'encontre des dispositions de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques (N° Lexbase : L6343AGZ). En effet, l'article 21-2 de cette loi, qui organise les modalités d'élection des membres du CNB, dispose parfaitement que l'ensemble des membres, qu'il s'agisse des membres du collège ordinal -Bâtonniers et membres du conseil de l'Ordre- ou du collège général -avocats et avocats honoraires- sont élus au suffrage direct par ces deux collèges. Le même article rappelle, contrairement à la parité stricte votée en assemblée générale du CNB, que la proportion des avocats élus d'un même sexe est comprise entre 40 % et 60 %, et qu'un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités visant à respecter cette proportion.

Le syndicat des avocats de France a alors déposé une requête en excès de pouvoir auprès du Conseil d'Etat aux fins d'annulation de la délibération de l'assemblée générale du CNB. Et c'est là que la complexité liée à la compétence d'attribution du Conseil d'Etat est apparue...

Il est à noter que la question de la compétence du Conseil d'Etat quant au CNB ne date pas d'hier. La question fut posée, en effet, dès la création, le 31 décembre 1990, de cet établissement d'utilité publique doté de la personnalité morale qu'est le Conseil national des barreaux. Ce dernier est, depuis cette date, "chargé de représenter la profession d'avocat notamment auprès des pouvoirs publics", mais aussi "d'unifier par voie de dispositions générales les règles et usages de la profession" (1).

Cette fonction de représentation auprès des pouvoirs publics, couplée à la création "par la loi" du CNB, dont une des missions est de veiller à l'harmonisation des règles d'une profession réglementée, a entraîné le Tribunal des conflits à confier à l'ordre administratif le soin de trancher les litiges relatifs aux décisions générales du Conseil national des barreaux, celui-ci participant, par sa mission, au fonctionnement du service public de la justice (2). En effet, dans un arrêt du 18 juin 2001, le Tribunal des conflits a reconnu la compétence de la juridiction administrative en ce domaine, précisant dans un arrêt célèbre : "Considérant que le conseil national des barreaux, établissement d'utilité publique doté de la personnalité morale institué par la loi du 31 décembre 1990 modifiant la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, a pris, le 13 septembre 1997, trois décisions qui définissent les principes essentiels de la profession d'avocat, les règles applicables au secret professionnel de l'avocat, et les règles applicables à la confidentialité et aux correspondances entre avocats ; qu'il a notifié ces décisions au Bâtonnier de l'Ordre des avocats de chaque barreau, lui demandant, en se fondant sur les dispositions de l'article 17, alinéa 1, 10°, de la loi du 31 décembre 1971 qui charge le conseil de l'Ordre d'assurer dans son ressort l'exécution des décisions du CNB, de prendre les dispositions nécessaires pour qu'elles soient insérées dans le règlement intérieur de son barreau, que le conseil de l'Ordre des avocats au barreau de Tours, qui a refusé d'insérer les décisions dans son règlement intérieur, en poursuit l'annulation pour excès de pouvoir ; que le Conseil d'Etat a par décision du 27 octobre 2000, renvoyé au Tribunal des conflits le soin de dire quel est l'ordre de juridiction compétent pour se prononcer sur cette question ; considérant que le litige ainsi soulevé par la requête de l'ordre des avocats au barreau de Tours est relatif, non à l'exercice de la fonction juridictionnelle mais à l'organisation même d'une profession réglementée ; qu'il tend, en effet, à déterminer si la loi a entendu attribuer au CNB, qu'elle a chargé de représenter la profession d'avocat auprès des pouvoirs publics et de veiller à l'harmonisation des règles et usages de la profession d'avocat, le pouvoir de prendre des décisions de portée générale dont chaque barreau doit assurer l'exécution dans son ressort en les transposant dans son règlement intérieur ; que, dès lors, la juridiction administrative est seule compétente pour en connaître" (3).

La solution était donc parfaitement claire. Le CNB, institution créée par la norme et en vue d'une représentation publique d'une profession réglementée, voit ses décisions touchant à l'organisation de la profession d'avocat, c'est-à-dire les dispositions générales dont il est dépositaire depuis la loi du 11 février 2004 (4), soumises à l'ordre administratif. La loi de 2004 précitée est venue conférer au CNB un authentique pouvoir réglementaire (5), permettant à celui-ci, "dans le respect des dispositions législatives et réglementaires en vigueur", d'unifier "par voie de dispositions générales les règles et usages de la profession d'avocat". S'en sont suivis le règlement intérieur unifié (6) de 2004, première décision à caractère normatif du CNB (7), et le règlement international national (8) de 2005 et ses multiples réformes. Si la profession était hiérarchisée, voire centralisée, elle conservait cependant une liberté d'établissement de ces règles de fonctionnement. Mais la contestation de l'établissement de ces règles restait dans le giron du Conseil d'Etat, l'ordre administratif étant compétent en ce domaine.

Si, donc, l'ordre administratif est compétent dans la plupart des affaires touchant au CNB, l'ordre judiciaire conserve cependant une compétence importante en ce que les contestations des élections des membres du CNB doivent être portées devant la cour d'appel de Paris, dans cette même idée, mais cette fois-ci jacobine, qui préside à la contestation des élections des membres des conseils de l'Ordre.

Dans le cas d'espèce, le recours ne portait nullement sur des élections ayant eu lieu, mais sur une délibération de l'assemblée générale du CNB dont l'objet portait sur les modalités d'élection. On aurait pu, dès lors, s'attendre à l'affirmation par le Conseil d'Etat de sa compétence en cette matière, conformément aux dispositions de la loi du 11 février 2004, puisque cette délibération portait sur l'organisation d'un établissement d'utilité publique, chargé d'une mission de service public et de la représentation d'une profession réglementée, et soumis au législateur et au pouvoir réglementaire (9). Il n'en fut rien, le Conseil d'Etat ayant rejeté la requête en excès de pouvoir du syndicat des avocats de France aux motifs que les modalités d'élection au sein du CNB sont fixées par le législateur, et que la délibération du CNB n'était nullement liée au pouvoir réglementaire.

La décision du Conseil d'Etat du 28 décembre 2017 rappelle, en effet, que la loi n° 71-1130 du 31 décembre 2017 dispose que les litiges relatifs aux actes pris par le CNB relèvent normalement de la compétence du juge judiciaire, si ce n'est pour les actes pris au titre du pouvoir réglementaire dont le CNB est investi, comme nous le rappelions ci-avant, "en vue d'unifier les règles et usages des barreaux, dans le cadre des lois et règlements qui régissent la profession, dont la juridiction administrative est seule compétente pour connaître", c'est-à-dire dans sa mission de participation à l'organisation du service public de la justice.

Or, le Conseil d'Etat souligne parfaitement, dans sa décision, que la délibération d'une assemblée générale du CNB sur son fonctionnement institutionnel n'a finalement aucune valeur. En effet, la délibération visée par la requête en excès de pouvoir est balayée d'un revers de main par la juridiction administrative qui considère qu'en matière d'élections, une délibération du CNB n'a aucune conséquence ni aucune valeur normative. Il fait de cette délibération un avis, sachant que les avis ne sont susceptibles d'aucun recours (10) : "considérant que les modalités d'élection des membres du Conseil national des barreaux sont fixées par les disposition de l'article 21-2 de la loi du 31 décembre 1971 [...] ; qu'il ne résulte de ces dispositions ni qu'un avis du Conseil national des barreaux serait requis préalablement à la définition de règles relatives aux élections ni, a fortiori, que le pouvoir réglementaire serait lié par un tel avis ; que la délibération attaquée de l'assemblée générale des membres du Conseil national des barreaux, qui se borne à émettre un simple avis sur le mode d'élection de ses membres, est dépourvue de tout caractère normatif et ne constitue pas un acte pris au titre du pouvoir réglementaire dont est investi le Conseil national des barreaux en vue d'unifier les règles et usages des barreaux".

La loi n'exigeant pas cet avis, comme cela est rappelé par le Conseil d'Etat depuis 2007 (11), et l'avis n'ayant aucune valeur réglementaire, il n'existe aucune raison pour que le Conseil d'Etat s'en préoccupe. La délibération du CNB, considérée par le Conseil d'Etat comme un simple avis, une recommandation, une proposition, ne peut être perçue comme acte "normateur" (12). A ce titre, elle est insusceptible de recours, du moins si elle n'est pas mise en oeuvre. Ainsi, le Conseil d'Etat ne s'en préoccupera que si le CNB décide de faire fi des dispositions légales et d'organiser ses élections selon les modalités décidées lors de son assemblée générale.

Les actes pris par le CNB en vertu de son pouvoir réglementaire, tout comme les dispositions relatives à la structure de ce dernier, restent donc sous le contrôle des juridictions administratives. Cela sous-entend que le Conseil d'Etat reste bien le véritable régulateur du pouvoir réglementaire du CNB, mais qu'il entend cependant ne pas se mêler des simples discussions internes de celui-ci quand ses actes ne sont pas directement en lien avec son pouvoir réglementaire. Seul l'acte pris au regard de la mission de service public, finalement, est susceptible de recours en excès de pouvoir devant le juge administratif ; le reste revêt un caractère privé, et le Conseil d'Etat s'en détache.


(1) Loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 modifiée par la loi n° 90-1259 du 31 décembre 1990, et plus récemment par l'ordonnance n° 2016-1809 du 22 décembre 2016, relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles de professions réglementées (N° Lexbase : L9154LBN), art. 21-1.
(2) T. confl., 27 novembre 1952, n° 1420 (N° Lexbase : A8491BDT), Recueil Lebon 1952, p. 642.
(3) T. confl., 18 juin 2001, n° 3240 (N° Lexbase : A5605BQN), Recueil Lebon 2001, p., 735 ; D., 2001, IR, 2358 ; JCP éd. A, 2001, II, 10586, note D. Martin.
(4) Loi n° 2004-130 du 11 février 2004 (N° Lexbase : L7957DNZ), notamment l'article 35 modifiant la rédaction de l'article 21-1 de la loi du 31 décembre 1971.
(5) En contradiction avec la jurisprudence antérieure du Conseil d'Etat, notamment celle du 27 juillet 2001. CE, 4ème et 6ème s-s-r, 27 juillet 2001, n° 191706 (N° Lexbase : A2967AUG ; cf. l’Ouvrage "La profession d'avocat" N° Lexbase : E9307ETU) "il en déduit que le CNB ne tient pas de la loi le pouvoir d'imposer aux barreaux les règles déontologiques applicables à la profession".
(6) Déjà précédé du règlement intérieur harmonisé de 1997 et 1999.
(7) CNB, décision n° 2004-001.
(8) CNB, décision n° 2005-003.
(9) CA Paris, Pôle 2, 1ère ch., 10 mars 2016, deux arrêts, n° 14/25102 (N° Lexbase : A5296Q7B) et n° 14/24867 (N° Lexbase : A5470Q7Q ; cf. l’Ouvrage "La profession d'avocat" N° Lexbase : E9299ETL).
(10) Sur la question des avis insusceptibles de recours, notamment en ce qui concerne la profession d'avocat, on pourra consulter, entre autres, l'arrêt de la 1ère chambre civile de la Cour de cassation du 8 mars 2012 (Cass. civ. 1, 8 mars 2012, n° 10-26.892, F-D N° Lexbase : A3787IEY ; cf. l’Ouvrage "La profession d'avocat" N° Lexbase : E0370EUA).
(11) CE, 7ème et 2ème s-s-r, 9 juillet 2007, n° 297711 (N° Lexbase : A2249DXL ; cf. l’Ouvrage "La profession d'avocat" N° Lexbase : E4301E7G) "ni ces dispositions [celles de la loi du 31 décembre 1971], ni aucune autre n'imposent sa consultation [celle du CNB] sur tous les textes susceptibles d'avoir une influence sur l'activité des avocats".
(12) P.-L. Frier et J. Petit, Droit administratif, 11ème éd., Paris, LGDJ, 2017, p. 349.

newsid:462453

Collectivités territoriales

[Brèves] Nullité de la délibération d'un conseil municipal autorisant la conclusion d'une transaction en l'absence de transmission au contrôle de légalité antérieurement à la signature du contrat

Réf. : Cass. civ. 1, 31 janvier 2018, n° 16-21.697, FS-P+B+I (N° Lexbase : A2645XCX)

Lecture: 1 min

N2566BXC

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par Yann Le Foll

Le 07 Février 2018

En l'absence de justification de la transmission au préfet de la délibération du conseil municipal autorisant la conclusion d'une transaction, le juge judiciaire doit prononcer l'annulation de ce contrat, lorsqu'il est saisi d'écritures en ce sens, sauf à constater que le contrat a reçu un commencement d'exécution et que la nullité a été soulevée, par voie d'exception, après l'expiration du délai de prescription de l'action. Ainsi statue la première chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 31 janvier 2018 (Cass. civ. 1, 31 janvier 2018, n° 16-21.697, FS-P+B+I N° Lexbase : A2645XCX).

Le défaut de transmission au préfet de la délibération du conseil municipal autorisant la conclusion d'un contrat de droit privé est sans incidence sur la légalité de cette délibération. Celle-ci étant dépourvue de force exécutoire, il appartient au juge judiciaire de constater, au vu d'une jurisprudence établie du juge administratif, l'illégalité de la décision du maire de signer le contrat, en raison de son incompétence. Un contrat de droit privé qui ne remplit pas les conditions requises pour sa validité est nul.

La méconnaissance des dispositions d'ordre public relatives à la compétence de l'autorité signataire d'un contrat conclu au nom d'une commune est sanctionnée par la nullité absolue. Il en résulte la solution précitée.

newsid:462566

Concurrence

[Brèves] Entente dans le secteur des services de transit international aérien : confirmation des amendes infligées par la Commission

Réf. : CJUE, 1er février 2018, quatre arrêts, aff. C-261/16 P (N° Lexbase : A1393XCL), aff. C-263/16 P (N° Lexbase : A1394XCM), aff. C-264/16 P (N° Lexbase : A1395XCN) et aff. C-271/16 P (N° Lexbase : A1396XCP)

Lecture: 2 min

N2568BXE

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par Vincent Téchené

Le 12 Février 2018

Le montant des amendes infligées par la Commission à plusieurs sociétés dans le cadre de l'entente dans le secteur des services de transit international aérien est confirmé. Le Tribunal a, notamment, jugé à bon droit qu'il est approprié de fonder le calcul du montant des amendes sur la valeur des ventes liées aux services de transit en tant que lot de services sur les routes de commerce concernées. Tel est le sens de quatre arrêts rendus par la CJUE le 1er février 2018 (CJUE, 1er février 2018, quatre arrêts, aff. C-261/16 P N° Lexbase : A1393XCL, aff. C-263/16 P N° Lexbase : A1394XCM, aff. C-264/16 P N° Lexbase : A1395XCN et aff. C-271/16 P N° Lexbase : A1396XCP).

En 2012, la Commission a infligé des amendes d'un montant total de 169 millions d'euros à plusieurs sociétés en raison de leur participation, au cours de périodes comprises entre 2002 et 2007, à divers accords et pratiques concertées sur le marché des services de transit international aérien. Ces services de transit consistaient dans l'organisation du transport de biens et pouvaient aussi inclure des activités réalisées au nom des clients en fonction de leurs besoins, telles que le dédouanement, le stockage ou des services d'assistance au sol. La Commission a considéré que les comportements anticoncurrentiels des sociétés qui se sont entendues sur la fixation de divers mécanismes de tarification et surtaxes donnaient lieu à quatre ententes distinctes :
- une entente relative au nouveau système d'exportation qui concernait un système de prédédouanement pour les exportations du Royaume-Uni vers les pays extérieurs à l'Espace économique européen, lancé par les autorités de ce pays en 2002 ;
- une entente sur l'introduction d'une surtaxe applicable au service AMS (disposition règlementaire des autorités douanières américaines qui impose aux sociétés de fournir des données préalables sur les marchandises qu'elles entendent expédier vers les Etats-Unis), de manière à assurer la communication électronique des données concernées aux autorités américaines ;
- une entente relative au facteur d'ajustement monétaire ("currency adjustment factor" ou CAF) qui visait à trouver un accord sur une stratégie tarifaire commune permettant de faire face au risque d'une diminution des bénéfices à la suite de la décision de la Banque Populaire de Chine en 2005 de ne plus rattacher la monnaie chinoise (le yuan renminbi ou RMB) au dollar américain (USD) ;
- une entente relative à la surtaxe de haute saison ("peak season surcharge" ou PSS) qui concernait un accord entre plusieurs transitaires internationaux sur l'application d'un coefficient d'ajustement temporaire des prix.

Le Tribunal ayant confirmé le montant des amendes infligées, les sociétés sanctionnées ont saisi la CJUE. Mais la Cour rejette l'ensemble des arguments avancés par ces dernières et maintient le montant des amendes infligées.

newsid:462568

Droit comparé

[Manifestations à venir] Pour une justice contractuelle efficace - Regards de droit comparé sur la médiation OHADA et France

Lecture: 2 min

N2663BXW

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Le 12 Février 2018

Est organisée, par l'Institut de droit privé de l'université Toulouse Capitole le lundi 12 février 2018 de 9h à 17h, une Journée ayant pour thème : "Pour une justice contractuelle efficace : Regards de droit comparé", avec la collaboration de l'Association des Centres Africains d'arbitrage et de Médiation (ACAM), la Chambre de Médiation, de Conciliation et d'Arbitrage d'Occitanie, l'Ecole des Avocats Toulouse Sud Ouest Pyrénées Promotion Mandela des Médiateurs formés au CMAP et les éditions juridiques Lexbase. PROGRAMME

9h00 : Ouverture de la Journée

  • Monsieur Marc Nicod, Professeur, Directeur de l'Institut de Droit Privé, UTC
  • Madame Bintou Boli, Présidente de l'ACAM, Secrétaire permanent du Centre d'Arbitrage, de Médiation et de Conciliation de Ouagadougou (CAMC-O)
  • Monsieur Fabien Waechter, Médiateur, Président des éditions juridiques Lexbase
  • Monsieur Hugues Kenfack, Professeur, IDP, UTC, Doyen honoraire Faculté de droit de Toulouse, Médiateur, Arbitre inscrit notamment à la CCJA, Expert consultant auprès des Nations-Unies

9h30 - 10h : Rapport introductif - L'Etat de la médiation dans le monde (Zone OHADA, France)

  • Monsieur Hugues Kenfack, Professeur, IDP, UTC, Arbitre, Médiateur

Séquence I - A la Recherche de la caractérisation de la médiation Présidence : Monsieur Jean Deveze, Professeur, IDP, UTC

10h - 10h20 : Notion de médiation

Rapport français et OHADA

  • Pierre-Etienne Kenfack, Professeur, Université Yaoundé II, Professeur invité à l'Université Paris I et l'UTC

Séquence II - A la recherche d'une médiation intégrée dans les MARD

Présidence : Monsieur Pierre-Etienne Kenfack, Professeur université Yaoundé II

10h30 - 10h50 : Médiation et Notions voisines

Rapport OHADA et français

  • Madame Catherine Ginestet, Professeur, IDP, UTC, Directrice du Master 2 Contentieux et Arbitrage

Discussion et Pause

Séquence III - A la recherche du statut du médiateur et des contours de sa mission Présidence, Bâtonnier Bertrand Desarnauts, Avocat, président de l'Ecole des avocats Sud Ouest Pyrénées, Médiateur

11h30 - 11h50 : Statut du Médiateur et conduite de la médiation

Rapport OHADA

  • Madame Myriam Bacqué, Médiatrice, Formatrice, Consultante juridique internationale auprès de l'ITC, associée gérante Maison de la Communication

Séquence IV - A la recherche d'une médiation optimale

Présidence : Jacques Raibaut, Président de la Chambre de médiation, de conciliation et d'arbitrage d'Occitanie

14h -14h40 : les obstacles à la médiation

Rapport OHADA

  • Madame Bintou Boli, Arbitre, Médiatrice, présidence de l'ACAM

Rapport français

  • Maître Juan Pablo Correa, Avocat, Maître de conférences associé IDP, UTC, Arbitre, Médiateur, inscrit notamment à la CCJA

Séquence V - A la recherche d'une médiation maîtrisée

Présidence : Madame Myriam Bacqué, Médiatrice, Formatrice, Consultante juridique internationale auprès de l'ITC, associée gérante Maison de la Communication

14h 50 - 15h10 : L'efficacité de la clause de médiation

Rapport français et OHADA

  • Madame Cécile Le Gallou, Maître de conférences, IDP, l'UTC, Co-directrice du Master Juriste International

Séquence V - A la recherche d'une médiation exécutoire

Présidence : Lise Casaux-Labrunée, Professeur, IDP, UTC

15h20 - 16h00 : L'exécution de l'accord de médiation

Rapport français

  • Maître Christne Vales, Huissier de justice, Médiatrice, Présidente de l'association de Médiation Medicys

Rapport OHADA

  • Monsieur Laurent Posocco, Maître de conférences, IDP, UTC

Discussion et Pause

16h30 - 17h00 : Propos conclusifs Monsieur Daniel Tricot, Professeur émérite des universités, Président honoraire de la chambre commerciale de la Cour de cassation, Arbitre, Médiateur

Renseignements :

Institut de Droit Privé - Université Toulouse Capitole

Cécile Petit - Bureau AR 230

Email : cecile.pett@ut-capitole.fr

Lieu : 2, Rue du Doyen Gabriel Marty 31042 Toulouse cedex 9

Tél. : 05 61 63 35 78

idprive.ut-capitole.fr

newsid:462663

Droit social européen

[Brèves] Fraude au détachement : les juridictions nationales peuvent écarter l'application des règles relatives au certificat E 101 ou A1

Réf. : CJUE, 6 février 2018, aff. C-359/16 (N° Lexbase : A6101XCX)

Lecture: 2 min

N2642BX7

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par Laïla Bedja

Le 12 Février 2018

Les juridictions nationales peuvent, en cas de fraude, écarter l'application du certificat de Sécurité sociale des travailleurs détachés dans l'Union européenne. Tel est le cas si l'institution émettrice s'abstient dans un délai raisonnable de procéder à un réexamen du certificat à la lumière des éléments de fraude portés à sa connaissance. Telle est la solution retenue par la Cour de justice de l'Union européenne dans un arrêt rendu le 6 février 2018 (CJUE, 6 février 2018, aff. C-359/16 N° Lexbase : A6101XCX).

Dans le cadre d'une enquête, les services de l'inspection sociale belge ont établi qu'une entreprise belge active dans le secteur de la construction, n'employait pratiquement pas de personnel et confiait la totalité de ses chantiers en sous-traitance à des entreprises bulgares qui détachaient des travailleurs en Belgique. L'emploi des travailleurs concernés n'était pas déclaré auprès de l'institution belge chargée de la perception des cotisations de Sécurité sociale, dès lors qu'ils disposaient des certificats E 101 ou A 1 délivrés par l'institution bulgare compétente attestant de leur affiliation au système de Sécurité sociale bulgare. Une enquête, ordonnée en Bulgarie, a permis d'établir que les entreprises bulgares n'exerçaient aucune activité significative en Bulgarie. Les autorités belges ont alors introduit auprès de l'institution bulgare compétente une demande motivée de réexamen ou de retrait des certificats en question. Des poursuites judiciaires ont été menées en Belgique. La Cour de cassation belge pose alors la question préjudicielle suivante à la cour : "les juridictions de l'Etat membre d'accueil peuvent-elles annuler ou écarter un certificat E 101 lorsque les faits soumis à leur appréciation leur permettent de constater que ce certificat a été obtenu ou invoqué de manière frauduleuse ?"

Enonçant la réponse précitée, la Cour rappelle que, si l'institution émettrice du certificat s'abstient de procéder à un réexamen dans un délai raisonnable, les éléments de fraude doivent pouvoir être invoqués dans le cadre d'une procédure judiciaire aux fins d'obtenir du juge de l'Etat membre d'accueil qu'il écarte les certificats. Elle souligne cependant que les personnes soupçonnées, dans le cadre d'une telle procédure, d'avoir eu recours à des travailleurs détachés sous le couvert de certificats prétendument obtenus de manière frauduleuse doivent disposer de la possibilité de réfuter ces accusations, dans le respect des garanties liées au droit à un procès équitable.

newsid:462642

Environnement

[Brèves] Appréciation par le juge de la compatibilité d'une ICPE avec les dispositions d'un PLU à la date de l'autorisation, de l'enregistrement ou de la déclaration

Réf. : CE 6° et 5° ch.-r., 29 janvier 2018, n° 405706, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A7421XBH)

Lecture: 1 min

N2564BXA

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par Yann Le Foll

Le 12 Février 2018

Le juge apprécie la compatibilité de la décision de refus d'autorisation d'exploiter une installation classée pour la protection de l'environnement (ICPE) avec le plan local d'urbanisme (PLU) applicable à la zone où se situe l'installation en litige au regard des règles de ce plan en vigueur à la date où il statue. Telle est la solution dégagée par le Conseil d'Etat dans un arrêt rendu le 29 janvier 2018 (CE 6° et 5° ch.-r., 29 janvier 2018, n° 405706, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A7421XBH).

Les dispositions du I de l'article L. 514-6 du Code de l'environnement (N° Lexbase : L6374LC3), qui ont pour finalité d'empêcher que l'exploitation d'une installation classée légalement autorisée, enregistrée ou déclarée soit rendue irrégulière par une modification ultérieure des règles d'urbanisme, ne sont pas applicables aux refus d'autorisation, d'enregistrement ou de délivrance d'un récépissé de déclaration.

Dès lors, en appréciant, ainsi qu'elle l'a fait, la compatibilité de la décision de refus contestée du 25 mars 2013 avec le plan local d'urbanisme applicable à la zone où se situe l'installation en litige, au regard des règles de ce plan en vigueur à la date où elle statuait, la cour administrative d'appel (CAA Marseille, 6 octobre 2016, n° 14MA04795 N° Lexbase : A5210R74) n'a pas commis d'erreur de droit.

newsid:462564

Finances publiques

[Chronique] Chronique de finances locales - Février 2018

Lecture: 19 min

N2570BXH

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par Jérôme Germain, Maître de conférences HDR en droit public, Faculté de droit de Metz, IRENEE/Université de Lorraine

Le 12 Février 2018

La France est, avec l'Espagne, le dernier Etat membre de l'Union européenne sous le coup d'une procédure pour déficit excessif. On comprend le souci de la nouvelle majorité de réduire les déficits budgétaires et de maîtriser l'endettement endémique de nos administrations publiques. Il ne s'agit pas seulement de conjurer le risque de défaut souverain et de rassurer les marchés financiers auprès desquels le Trésor se finance. Au-delà de l'Etat et de ses satellites (dits administrations publiques centrales ou APUC), les critères de Maastricht s'appliquent en effet à l'ensemble qu'ils forment avec la Sécurité sociale (dite administrations de Sécurité sociale ou ASSOC) et les collectivités locales ainsi que les organismes qui en dépendent (dits administrations publiques locales ou APUL). Autant que la stabilité de la monnaie unique et la soutenabilité de notre dette publique, cette austérité budgétaire cherche aussi à restaurer l'attractivité économique du pays. Au-delà, notre pays vise de surcroît la revalorisation de son poids politique dans la construction européenne, notamment lors de la prochaine réforme de la gouvernance de l'Union économique et monétaire (UEM). Le Président français est, comme on le sait, porteur en ce domaine d'un ambitieux projet visant à doter la zone euro d'un budget propre géré par un ministre européen des Finances responsable devant un Parlement de la zone euro. Ce budget de la zone euro permettrait non seulement de mieux affronter les crises économiques futures, mais aussi de soutenir la croissance des Etats membres réduisant leurs déficits. Cette proposition est globalement appuyée par la Commission européenne et certains partis politiques allemands (principalement les sociaux-démocrates et les écologistes). Sans redressement budgétaire, la voix de la France perdrait en crédibilité (1). C'est dans ce contexte que l'Etat va à nouveau mettre durement à contribution les collectivités locales. Les budgets des APUL représentent près de 20 % de la dépense publique totale (près de 245 milliards d'euros sur environ 1260 milliards d'euros), soit près de 10 % du PIB. Les collectivités locales représentent 85 % des dépenses des APUL et les APUL pèsent environ 10 % de la dette publique cumulée. L'Etat, quant à lui, représente 80 % de la dette publique en France pour un budget seulement deux fois plus important que l'ensemble des budgets locaux. Cette pression financière supplémentaire pesant sur les APUL est d'autant plus discutable que, contrairement à l'Etat, elles ont globalement dégagé un excédent budgétaire depuis 2015. Cet excédent s'élève même à 3,1 milliards d'euros en 2016 (contre 0,7 milliards d'euros en 2015).

Pour justifier les sacrifices demandés aux collectivités locales, l'Etat peut s'appuyer sur plusieurs rapports. On compte notamment le rapport "Laurent" sur le temps de travail dans la fonction publique, remis à la ministre de la Fonction publique le 26 mai 2016 et le rapport de la Cour des comptes sur les finances locales, publié le 11 octobre 2016. Ces rapports ont pointé l'accélération des dépenses de personnel des APUL par rapport aux APUC et aux ASSOC. Les dépenses de personnel des APUL ont progressé de 3 % par an en moyenne entre 2009 et 2014 tandis que celles des APUC ont connu une progression de 1,1 % et celles des ASSOC de 2,2 % (2). D'après la Cour des comptes, les transferts de compétences de l'Etat aux collectivités n'expliquent pas entièrement ces différences de rythme. Une prochaine étape de restrictions infligées aux collectivités locales pourrait ainsi constituer en la suppression de 70 000 postes dans la fonction publique territoriale comme le prévoit le programme électoral du nouveau président de la République.

La nouvelle politique gouvernementale en matière de finances locales s'est notamment exprimée à travers la seconde loi de finances rectificatives pour 2017 (I), la loi de programmation pour 2018-2022 (II) et la loi de finances initiales pour 2018 (III).

I - La loi de finances rectificative pour 2017

La loi de finances rectificative (LFR) du 28 décembre 2017 (loi n° 2017-1775 N° Lexbase : L7653LHW) intervient après la LFR n° 2017-1640 du 1er décembre 2017 (N° Lexbase : L4993LHE). Cette première LFR s'est bornée à compenser la perte fiscale entraînée par l'annulation par le Conseil constitutionnel le 6 octobre 2017 de la taxe sur les dividendes introduit sous François Hollande. Les collectivités locales ne sont pas directement concernées par cette perte de 10 milliards d'euros de recettes fiscales pour l'Etat.

Du point de vue des finances locales, la seconde LFR contient deux dispositions importantes.

D'une part, un fonds d'urgence est à nouveau adopté, comme depuis plusieurs années, afin d'aider les départements à financer certaines dépenses sociales comme le RSA (revenu de solidarité active). D'un montant de 200 millions d'euros en 2017, ce fonds d'urgence est toutefois diminué de moitié pour 2018 puisqu'il passe à 100 millions d'euros, ce qui pourrait s'avérer insuffisant. En attendant le transfert d'une recette suffisamment dynamique aux conseils départementaux, cette technique du fonds d'urgence annuelle ne saurait être que provisoire. Si certains évoquent toujours la possible re-étatisation du RSA (3), il semble que le Gouvernement et les départements aient abandonné cette piste.

D'autre part, une nouvelle fraction de TICPE (taxe intérieure sur la consommation de produits énergétiques) est attribuée aux départements et aux régions afin de financer de nouvelles compétences décentralisées par l'Etat. Bien que la fiscalité affectée soit considérée comme une ressource propre des collectivités locales, les élus locaux ne peuvent agir ni sur le taux, ni sur l'assiette. Elle se distingue sur ce point de la fiscalité transférée qui elle contribue plus effectivement à l'autonomie financière des collectivités locales. En matière de fiscalité transférée, les élus locaux peuvent en effet moduler dans certaines limites le taux et parfois des éléments de l'assiette des impôts concernés.

La décision n° 2017-759 DC du Conseil constitutionnel du 28 décembre 2017 (N° Lexbase : A4630W9D) n'a pas remis en cause ces dispositions.

II - La loi de programmation des finances publiques pour 2018-2022

Pour programmer la trajectoire d'ajustement de nos finances publiques durant la nouvelle législature, le gouvernement table sur une croissance de 1,7 % du PIB en 2017 et 2018 ainsi que sur une inflation de 1% sur la même période. Ces estimations ont été jugées prudentes et raisonnables par le Haut-Conseil des finances publiques et la Commission européenne. En 2022, les prélèvements obligatoires devront avoir baissés de un point de PIB, les dépenses publiques totales, de trois points et la dette publique de l'ensemble des administrations de cinq points. Le gouvernement prévoit dès 2018 une réduction des déficits budgétaires de l'ensemble des administrations publiques de l'ordre de quinze milliards d'euros. Sept milliards seraient à la charge de l'Etat, cinq milliards seraient supportés par la Sécurité sociale et trois milliards devraient être économisés par les collectivités locales.

Dans ce but, l'exécutif a inscrit les collectivités locales dans un nouveau pacte financier quinquennal avec l'Etat, dit pacte girondin de confiance, que le président de la République a lancé le 17 juillet dernier lors de la première Conférence nationale des territoires (CNT). Cette CNT est censée se réunir tous les six mois (4). Les collectivités devront réaliser treize milliards d'économies sur cinq ans. Ces treize milliards sont à soustraire de la hausse tendancielle de leurs dépenses et non du niveau actuel de leur budget, ce qui allège en partie la contrainte. L'Etat s'engage à ne pas aggraver cet effort pendant le quinquennat afin de garantir aux élus locaux une certaine prévisibilité et une certaine stabilité de leur politique budgétaire...

La loi de programmation des finances publiques 2018-2022 (LPFP) montre que le Président de la République a choisi de rompre avec la méthode de son prédécesseur pour redresser nos finances publiques. Les collectivités locales ne vont plus contribuer à la réduction des déficits publics par le biais d'une baisse des dotations que l'État leur verse. Conformément à la loi n° 2014-1653 du 29 décembre 2014, de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 (N° Lexbase : L2842I7E), la dotation générale de fonctionnement (DGF) de l'Etat aux collectivités locales a en effet diminué de dix milliards d'euros entre 2015 et 2017 (3,7 milliards d'euros en 2015 et 2016 et 2,6 en 2017) auxquels s'ajoutent les 1,5 milliards de baisse de la DGF décidés en loi de finances initiale pour 2014.

La perspective est désormais inversée par rapport au mécanisme de la contribution au redressement des finances publiques (CRFP) mis en oeuvre sous François Hollande entre 2014 et 2017. La nouvelle stratégie adoptée semble s'inspirer du rapport "Lambert-Malvy" au Président de la République d'avril 2014. Ce rapport prônait en effet une limitation des dépenses plutôt qu'une baisse des dotations. Le consentement des collectivités locales devait être obtenu par la concertation et la confiance grâce à un dialogue institutionnalisé et pérenne (5). Cette approche se retrouve par exemple en Autriche où, depuis 2001, un véritable Pacte de stabilité interne décline la discipline budgétaire européenne entre les différents niveaux d'administrations nationales. Calqué sur le Pacte de stabilité et de croissance censé discipliner les politiques budgétaires des Etats de la zone euro, ce pacte de stabilité interne prévoit entre autres un frein aux dépenses, notamment locales (6). Des sanctions et des incitations permettent aussi de corriger ou de récompenser les trajectoires budgétaires suivies. L'acceptation des sanctions est confortée par le caractère collégial de l'organe qui les prononce. Il est en effet composé par des représentants des différents niveaux de collectivités nationales (Etat fédéral, Etats fédérés et collectivités locales). Ce dernier élément fait pour l'instant défaut dans notre pays.

Dans le but de plafonner la hausse de la dépense locale, des contrats seront conclus au premier semestre 2018 entre les collectivités concernées et les préfets dans le cadre des Conférences des territoires lancées par la CNT du 15 décembre 2017 à Cahors.

Les départements et les régions ainsi que les collectivités assimilables (Corse, Guyane, Martinique et Lyon) sont de droit soumis à ce mécanisme. En ce qui concerne les communes et les intercommunalités à fiscalité propre, seules celles gérant un budget supérieur à soixante millions d'euros en 2016 devront négocier un contrat avec le préfet. Les autres communes et intercommunalités à fiscalité propre pourront toutefois se soumettre volontairement à une telle obligation.

Les élus locaux devront s'engager à ne pas augmenter leurs dépenses de fonctionnement de plus de 1,2 % par an (budgets annexes inclus). Comme il s'agit d'une augmentation en valeur, l'inflation est inclue, ce qui réduit d'autant la marge de manoeuvre des élus. Ce plafond de hausse représente un effort important pour les collectivités locales au vu de l'augmentation tendancielle spontanée de leurs dépenses. Ce niveau de 1,2 % a d'ailleurs été calculé pour réaliser l'économie de treize milliards d'euros (par rapport à la hausse tendancielle de leurs dépenses) annoncée dans le pacte de confiance (7). Le sacrifice demandé aux collectivités locales effraie les élus locaux (8).

Des modulations de l'effort pourront toutefois tenir compte de l'évolution du nombre d'habitants, de la richesse de la collectivité et de sa situation budgétaire. Le plafond d'augmentation des dépenses réelles de fonctionnement pourra être baissé jusqu'à 0,15 point pour chacun de ces critères en cas de ralentissement de la croissance démographique locale, de bonne santé du revenu par habitant ou de progression accélérée des dépenses de fonctionnement depuis 2014. Le plafond d'augmentation des dépenses réelles de fonctionnement pourra en revanche être réhaussé jusqu'à 0,15 point pour chacun des critères en cas d'accélération de la croissance démographique locale, de dégradation du revenu par habitant ou de maîtrise des dépenses de fonctionnement depuis 2014. Conclu pour trois ans, le contrat de la collectivité avec le préfet pourra être modifié par un avenant en cours d'exécution.

Cette contractualisation des augmentations de la dépense locale sera en outre sanctionnée. Les collectivités pourraient ainsi subir une ponction sur leurs dotations étatiques ou une amputation des reversements fiscaux provenant de l'Etat en cas de non-respect des engagements conclus (article 29 LPFP). Si une collectivité dépasse le plafond d'augmentation des dépenses de fonctionnement, l'État exercera une reprise financière égale à 75% de l'écart constaté. Les collectivités ayant refusé de signer le contrat avec le préfet subiront une reprise financière de 100 % de l'écart constaté en cas de dépassement du plafond des dépenses de fonctionnement. Dans aucun cas, néanmoins, cette reprise ne pourra dépasser 2 % des recettes réelles de fonctionnement de la collectivité concernée. Les collectivités vertueuses bénéficieront quant à elle d'une bonification du taux de subvention au titre de la dotation de soutien à l'investissement.

Les collectivités supra-communales ainsi que les collectivités du bloc communal gérant un budget supérieur à soixante millions d'euros seront les plus concernées. Elles représentent en effet la majeure partie de la dépense locale en France (9). Afin de mieux partager les efforts demandés, le rapport "Richard-Bur" propose d'élargir à toutes les collectivités gérant un budget supérieur à trente millions d'euros le nouveau plafond de hausse des dépenses de fonctionnement. La "zone de contrôle" couvrirait ainsi 600 collectivités locales (sur 33 000) représentant 75 % de la dépense locale (10). Cette limitation de la contrainte aux collectivités les plus importantes est certes justifiée par un souci d'efficacité. Le présupposé selon lequel ces collectivités disposent de marges de manoeuvre financières plus larges que les plus petites restent néanmoins à vérifier.

Ce dispositif ne peut plus être attaqué devant le juge constitutionnel. Dans sa décision n° 2017-760 DC du 18 janvier 2018 (N° Lexbase : A8638XA8), le Conseil constitutionnel a rejeté les arguments des députés et des sénateurs contre cette réduction de la libre-administration des collectivités locales.

Au-delà de ce plafonnement contractualisé des dépenses de fonctionnement, le projet de LPFP avait initialement prévu d'inscrire aussi dans le Code général des collectivités territoriales, à son article L 1612-14-1 (N° Lexbase : L8445AAZ), un nouveau ratio contraignant de désendettement à partir de 2019. Ce ratio serait venu renforcer la règle d'or qui s'applique déjà aux budgets locaux. La règle d'or oblige les collectivités locales à présenter des budgets de fonctionnement équilibré sans emprunt et à n'emprunter que pour financer des investissements. Ce nouveau ratio de désendettement aurait consisté en un rapport entre la capacité d'auto-financement des collectivités et l'encours de la dette locale. La capacité d'auto-financement représente en effet l'excédent des recettes de fonctionnement. Non utilisées pour des dépenses de fonctionnement, elles peuvent alors abonder des dépenses d'investissement. Les élus locaux auraient ainsi été soumis à un plafond supplémentaire leur assignant un objectif de désendettement. Le respect de cet objectif de désendettement aurait été contrôlé par les préfets et les chambres régionales et territoriales des comptes. En cas de dérapage par rapport à ces plafonds nationalement définis, un mécanisme de correction était initialement prévu dans le projet gouvernemental. Il devait obliger les exécutifs locaux à proposer des économies pour revenir au respect du ratio de désendettement. Sous réserve d'une autorisation de la Chambre régionale des comptes, le préfet aurait pu régler d'office le budget local violant le ratio de désendettement selon une procédure proche de celle déjà en vigueur à l'encontre les budgets en déséquilibre.

Le caractère obligatoire de ce ratio aurait représenté un évident durcissement de la règle d'or. Il se serait avéré encore plus contraignant pour les élus locaux que le plafond de 1,2 % d'augmentation des dépenses de fonctionnement. Par exemple, Bercy estime qu'aujourd'hui 138 collectivités locales dépassent déjà la barre du ratio d'endettement.

Ce nouveau ratio aurait constitué un véritable frein à l'endettement. Il n'aurait pas été sans rappeler le dispositif constitutionnalisé par l'Allemagne en 2009. Rappelons qu'en Allemagne, le frein constitutionnel à l'endettement ne s'applique cependant qu'à l'Etat (fédéral comme fédéré) et non aux collectivités locales (11)...

Lors de la CNT du 15 décembre 2017, le Premier ministre a annoncé renoncer au caractère contraignant de ce ratio de désendettement. Peut-être s'est-il agi d'un ballon d'essai afin de tester les réactions face à un futur frein à l'endettement enserrant les APUL ? Peut-être que ce projet n'était qu'un tir de diversion, voué à être retiré, afin de faire accepter les autres mesures de ralentissement de la dépense locale ?

Ce ratio de désendettement est désormais non contraignant et se contente de mesurer la capacité de désendettement des collectivités locales en nombre d'années (article 29 de la LPFP). Il ne peut dépasser douze ans pour les communes (et Paris), dix ans pour les départements (et Lyon) et neuf ans pour les régions (ainsi que pour la Corse, la Martinique et la Guyane). Il n'est pas sanctionné en cas de violation. En cas de dépassement, les collectivités doivent cependant indiquer au préfet la trajectoire d'ajustement de leur budget qu'elles comptent suivre afin de le respecter à nouveau. A défaut d'être juridiquement contraignant, le plafond de désendettement exercera tout de même une pression psychologique sur les élus locaux.

La loi de programmation des finances publiques pour 2014-2019 a créé un objectif de dépense locale (ODEDEL). Il prévoit un taux annuel d'évolution des dépenses totales et un taux annuel d'évolution des dépenses de fonctionnement afin de contenir l'augmentation de la dépense locale. Depuis 2016, il est décliné chaque année par catégorie de collectivité locale dans deux annexes de la loi de finances initiales : le rapport économique, social et financier et le jaune budgétaire relatif aux transferts financiers de l'Etat aux collectivités territoriales. L'ODEDEL est désormais précisé par deux barres supérieures chiffrables. A présent, l'ODEDEL est enserré par le plafonnement contractualisé de dépenses et par le ratio indicatif de désendettement. En effet, le ratio de désendettement s'articule bien avec la décélération des dépenses de fonctionnement visée par les plafonds d'augmentation contractualisés avec les préfets. Ces deux plafonds fonctionnent même en couple. Le plafonnement des dépenses de fonctionnement devrait permettre de dégager de la capacité d'auto-financement. La capacité de désendettement garantit que le freinage des dépenses de fonctionnement soutienne l'investissement local plus que la modération fiscale... Il est heureux que l'investissement public ne soit pas davantage sacrifié sur l'autel de la discipline budgétaire. L'actuelle atonie de l'investissement public (12) ralentit la reprise économique, prive de rentrées fiscales et prolonge des dépenses sociales, ce qui in fine retarde le redressement des finances publiques. L'Etat espère que la conjugaison du ratio de désendettement et le plafonnement de la hausse des dépenses de fonctionnement ramènera le poids de la dette locale au sein de la dette publique de 10 à 6 %.

III - La loi de finances initiale pour 2018

Comme chaque année, la loi de finances initiale concerne à plusieurs titres les finances locales. Le prélèvement sur recettes (PSR) destiné aux collectivités territoriales ainsi que la mission relation avec les collectivités territoriales (RCT) déterminent les dotations de fonctionnement et d'investissement versées par l'Etat aux collectivités. Le compte d'avance des impôts locaux autorise le gouvernement à mettre chaque mois à disposition des collectivités une partie des recettes attendues des impôts locaux. Différents ministères prévoient des subventions afin de soutenir des projets locaux.

La réforme de la taxe d'habitation est sûrement la nouveauté relative aux communes (et aux contribuables locaux) la plus médiatisée du budget 2018. La taxe d'habitation sur la résidence principale va progressivement disparaître pour les 80 % les moins aisés de ses assujettis. Cette suppression représentera 30 % de son produit en 2018 puis 65 % en 2019 et, enfin, 100 % en 2020 pour les contribuables bénéficiaires. Les foyers fiscaux concernés sont, pour l'instant, ceux disposant au plus de 27 000 euros de revenu fiscal de référence (RFR) pour une part. Le RFR maximal a été fixé à 43 000 euros pour un couple (soit 8 000 euros pour les deux demi-parts suivantes). Le RFR augmente, ensuite, de 6 000 euros par demi-part supplémentaire. Un mécanisme assure la dégressivité du dispositif entre 27 000 et 28 000 euros de RFR afin d'éviter les effets de seuil. Jusqu'en 2020, les communes conservent le droit de moduler les taux de la taxe d'habitation pour les assujettis dorénavant exonérés. Ces éventuelles hausses ultérieures de taux pèseront sur les contribuables en voie de sortie de la taxe d'habitation pendant cette période de transition. Le dégrèvement de l'Etat aux communes est en effet calculé sur la base de 2017. Ce dégrèvement devrait couter dix milliards d'euros sur trois ans (dont trois milliards en 2018) que l'Etat devra donc dégager dans ses dépenses et ses recettes.

Cette suppression de la taxe d'habitation pour les 80 % de ses assujettis les moins aisés représente toutefois un risque d'inconstitutionnalité. Dans sa décision n° 2017-758 DC du 28 décembre 2017 (N° Lexbase : A4629W9C), le Conseil constitutionnel a certes validé cette réforme. Il a toutefois émis une réserve. Il se garde la possibilité de vérifier ultérieurement que le cercle des contribuables restants ne soit pas surimposé, ce qui constituerait une rupture de l'égalité devant l'impôt. C'est peut-être une des raisons pour lesquelles le Président de la République a annoncé le 23 novembre 2017, lors du Congrès des maires, la totale suppression à terme de la taxe d'habitation. Ce n'est pas une surprise pour les spécialistes. Les reports répétés de l'actualisation des valeurs locatives et le manque d'empressement à finaliser leur actuelle révision rend l'assiette servant de base à cet impôt local de plus en plus contestable (13). Dans l'optique d'un raffermissement de l'autonomie financière des communes, on aurait aussi pu envisager une simplification et une modernisation de la matière imposable constituant l'assiette de la taxe d'habitation. Les revenus du foyer auraient alors utilement remplacé la valeur locative du logement. De la même façon que la contribution économique territoriale est censée inciter les élus locaux à attirer des entreprises sur leur territoire, le maintien de la taxe d'habitation après redéfinition de son assiette encouragerait aussi les communes à améliorer leur offre de logements d'habitation. Sa suppression pure et simple pourrait priver les élus de cette stimulation pourtant fort positive...

En réalité, cette suppression totale de la taxe d'habitation à terme s'inscrit dans une refonte plus globale de la fiscalité locale. La fin du cumul des mandats et le faible ancrage local de la nouvelle majorité législative semblent ouvrir une fenêtre favorable à une telle évolution tant attendue. Le cumul des mandats avait parfois dans le passé été rendu responsable de la difficulté à réformer une fiscalité locale de plus en plus complexe. Le rapport Richard-Bur propose dans cette optique de renforcer l'autonomie financière des collectivités locales en les dotant d'une partie de grands impôts nationaux dont elles pourraient décider d'une fraction du taux (voire de certains éléments de l'assiette) sur leur territoire. A cet égard, la loi de finances pour 2018 confirme le transfert aux régions d'une part de TVA (4,1 milliards d'euros) à partir de 2018, comme annoncé dans la loi de finances initiale pour 2017, en remplacement de leur dotation générale de fonctionnement (DFG) (14). Si les régions se sont ainsi vues confier une partie de la TVA, les départements pourraient à terme recevoir une partie de la CSG (contribution sociale généralisée) ou de la CRDS (contribution au remboursement de la dette sociale). Cette nouvelle ressource serait de nature à stabiliser le financement des allocations individuelles de solidarité incombant aux départements. Le Comité des finances locales avait même proposé le 16 juillet 2014 qu'une nouvelle imposition frappant le numérique alimente en plus le budget social des départements. De leur côté, les communes deviendraient destinataires d'une partie de l'impôt sur le revenu (15). Ces impôts dynamiques sont indispensables à une véritable autonomie financière des collectivités locales sans laquelle le principe constitutionnel de libre-administration des collectivités territoriales (article 72 de la Constitution N° Lexbase : L1342A9L) paraît illusoire. Peut-être que ces transferts au niveau décentralisé de fractions d'impôts rentables pourraient permettre la consécration d'une authentique autonomie fiscale aux collectivités locales ? Le Conseil constitutionnel a en effet refusé jusqu'à présent de reconnaître aux collectivités locales une telle autonomie fiscale au sein de leur autonomie financière (16).

Le PSR à destination des collectivités territoriales reste stable à 40,327 milliards d'euros après 4 ans de baisse en raison de la CRFP. La DGF, qui est le principal concours de l'Etat aux collectivités locales, passe de 30,86 à 27,05 milliards d'euros en raison de la création d'une TVA régionale. La péréquation verticale au sein de la DGF est en hausse de 190 millions d'euros en 2018. Cette augmentation représente cependant un ralentissement puisqu'elle avait gagné 317 millions en 2016 et 380 millions d'euros en 2017. Cette hausse en 2018 se répartit entre quatre-vingt-dix millions pour la dotation de solidarité urbaine, quatre-vingt-dix millions pour la dotation de solidarité rurale et dix millions pour la dotation de péréquation des départements.

Un bonus de DGF est par ailleurs accordé aux communes nouvelles afin d'encourager leur formation. Les communes nouvelles comprenant entre 1 000 et 10 000 habitants, à condition qu'elles soient créées avant le 1er janvier 2019, bénéficieront à nouveau de 5 % de DGF en plus pendant trois ans. Le mécanisme de DGF négative est néanmoins reconduit. Il correspond à une ponction de l'Etat sur les recettes fiscales des collectivités locales dont la DGF était insuffisante pour financer leur CRFP. Malgré la fin de la CRFP, il aurait été injuste que cette recette soit restaurée à ces collectivités. Les baisses subies par les autres collectivités au titre de la CRFP ne leur seront en effet pas rendues.

Le fonds de compensation de la TVA (FCTVA) rembourse aux collectivités locales une partie de la TVA payée lors de leurs dépenses d'investissement dès lors qu'elles n'ont pas pu la répercuter. Le remboursement s'effectue à hauteur de 16,404 % depuis 2015. La différence conservée par l'Etat sert notamment à verser la part due au budget de l'Union européenne. Le FCTVA s'étend, depuis la loi de finances pour 2016, dans les mêmes conditions, aux frais d'entretien des bâtiments publics et de la voirie. Prévu à 5,6 milliards d'euros pour 2018, le fonds va sortir de l'enveloppe normée. Par ailleurs, le traitement des données permettant son calcul pour chaque collectivité sera dorénavant automatisé. D'un montant de quatre milliards d'euros environ, la mission RCT est dix fois moins élévée que le PSR destiné aux collectivités territoriales. Elle autorise par exemple la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) et la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR).

Le fonds de soutien à l'investissement local (FSIL) décidé à titre exceptionnel en 2016 et 2017 est pérennisé sous la forme d'une DSIL annuelle de 655 millions d'euros (17). Cette dotation est à nouveau structurée en deux volets. Le premier volet (615 millions d'euros) financera des projets locaux liés, notamment, à la transition énergétique, la digitalisation ou les contrats de ruralité. Le second volet subventionnera des investissements de communes ou d'EPCI en échange de leur engagement pour respecter le plafond de hausse des dépenses de fonctionnement. Grâce à un amendement du rapporteur général du budget, Joel Giraud (LREM, Hautes-Alpes), ce second volet pourra aussi abonder la DETR. En conséquence de la fin de la réserve parlementaire, supprimée par la loi n° 2017-1339 du 15 septembre 2017, pour la confiance dans la vie politique (N° Lexbase : L7246LGH), les cinquante millions d'euros de la défunte réserve parlementaire sont versés dans la DETR. La majorité sénatoriale a tenté de rendre aux parlementaires la possibilité de choisir les projets bénéficiant de cet argent public, à l'instar de la situation prévalente sous l'ancienne réserve parlementaire. La majorité a revoté le texte initial lors du dernier passage du projet de budget à l'Assemblée nationale.

Le rétablissement du jour de carence dans les trois fonctions publiques (article 48 de la loi de finances initiale) est aussi de nature à libérer des crédits pour les collectivités locales. Toujours dans la mission RCT, un amendement du ministre de l'Intérieur, Gérard Collomb, ancien président de la métropole de Lyon, attribuait à la métropole de Lyon les 25 % de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises qui aurait dû revenir à la région Auvergne Rhône Alpes. Cet amendement a été justifié par le fait que la métropole de Lyon conserve sur son territoire les compétences des départements en matière de transport non-urbain que la loi NOTRe transfère des départements aux régions. Cet amendement ne fera pas jurisprudence lors de la création de nouvelles métropoles dotées du statut de collectivité territoriale. D'une part, la région Auvergne Rhône-Alpes a vivement contesté cette perte de quarante-cinq millions d'euros sur la période 2017-2028. D'autre part, le Conseil constitutionnel a censuré cette disposition lors de son contrôle de constitutionnalité de la loi de finances pour 2018.


(1) Notre prochaine chronique de finances locales fera le point sur les apports récents de la jurisprudence relative à la comptabilité publique locale.
(2) Cour des comptes, Rapport sur les finances locales, octobre 2016, p. 160. En 2015, la progression a été de 2,1 % pour les APUL et seulement de 0,4 % pour les APUC et de 1,2 % pour les ASSOC.
(3) Cour des comptes, Rapport sur les finances locales, octobre 2017, p. 289 sq..
(4) Nos obs., Chronique de finances locales - Juillet 2017, Lexbase éd. pub. n° 469, 2017 (N° Lexbase : N9586BWX).
(5) A. Lambert et M. Malvy, Pour un redressement des finances publiques fondé sur la confiance mutuelle et l'engagement de chacun, La documentation française, 2014, p. 10.
(6) C. Guené et C. Raynal, L'association des collectivités territoriales à la maîtrise des finances publiques, Sénat, 2014, p. 25.
(7) Ministère des finances, Jaune budgétaire relatif aux transferts financiers aux collectivités territoriales, 2017, p. 21.
(8) Lors de l'examen du projet de LPFP, le Sénat a ainsi proposé de relever le plafond à 1,9 % par an afin de donner un peu plus d'air aux collectivités locales dans la maîtrise de leurs dépenses de fonctionnement.
(9) Ce plafond de hausse des dépenses de fonctionnement est déjà critiqué par la meilleure doctrine. Certains auteurs y voient un retour masqué à la tutelle de l'Etat sur les collectivités locales qui avait précédé la décentralisation de 1982. M. Bouvier, Pour une autonomie financière locale au-delà des corporatismes, Revue française de finances publiques, n° 140, novembre 2017.
(10) Les membres les plus connus de cette mission sont Alain Richard, Dominique Bur, Alain Lambert, Olivier Dussopt et Jean-Luc Warsmann.
(11) Nos obs., Le frein à l'endettement en Allemagne, Revue Gestion et Finances Publiques, 2011, p. 23.
(12) Observatoire des finances et de la gestion publique locales, Les finances des collectivités locales en 2017, septembre 2017, p. 27.
(13) B. Dreyfus, Pourquoi la disparition à terme de la taxe d'habitation n'est pas une surprise, La Gazette des Communes, 24 novembre 2017.
(14) Les régions estiment que la part de TVA leur revenant aurait dû prendre en compte le fonds exceptionnel aux régions de 400 millions d'euros accordé par la loi de finances initiale pour 2017. Devant le refus de l'exécutif, les régions ont un certain temps refusé de siéger à la CNT.
(15) Le rapport Richard-Bur propose aussi de faire des communes les destinataires exclusifs des taxes sur la propriété foncière (et donc d'en exclure les départements).
(16) Conseil constitutionnel, décision n° 2009-599 DC du 29 décembre 2009 (N° Lexbase : A9026EPY), considérant n° 94.
(17) Nos obs., Chronique de finances locales - Février 2016, Lexbase éd. pub. n° 403, 2016 (N° Lexbase : N1126BWM) et Chronique de finances locales - Février 2017, Lexbase éd. pub. n° 448, 2017 (N° Lexbase : N6570BWA).

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Fiscalité des entreprises

[Brèves] Intégration fiscale : l'amendement "Charasse" renvoyée devant le Conseil constitutionnel

Réf. : CE 3° et 8° ch.-r., 1 février 2018, n° 412155, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A2730XC4)

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N2580BXT

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par Marie-Claire Sgarra

Le 12 Février 2018

La question de la conformité du septième alinéa de l'article 223 B du Code général des impôts (N° Lexbase : L3878KWK) est renvoyée au Conseil constitutionnel.

Telle est la solution du Conseil d'Etat dans un arrêt du 1er février (CE 3° et 8° ch.-r., 1er février 2018, n° 412155, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A2730XC4).

Les dispositions du septième alinéa de l'article 223 B du Code général des impôts prévoient la réintégration d'une partie des charges financières dans le cadre de l'intégration fiscale, lorsque ces charges sont afférentes à l'acquisition par une société du groupe des titres d'une autre société qui est ou devient membre du groupe, dès lors que les titres ont été acquis auprès d'une société la contrôlant.

Le requérant soutient, en l'espèce, que ces dispositions, qui ont pour objet de lutter contre les montages abusifs dont le but est de réduire les résultats imposables d'un groupe faisant l'objet d'une intégration fiscale en utilisant cette intégration pour procéder à la "vente d'une société à soi-même", en la finançant par l'emprunt méconnaît le principe d'égalité devant la loi et les charges publiques en ne permettant pas au contribuable d'apporter la preuve que l'opération de restructuration effectuée dans ce cadre ne revêt pas un caractère artificiel.

Le Conseil d'Etat juge que ce moyen présente un caractère sérieux et renvoie la question au Conseil constitutionnel (cf. le BoFip - Impôts annoté N° Lexbase : X8595ALW).

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Justice

[Projet, proposition, rapport législatif] Chantiers de la justice - Rapport sur l'amélioration et la simplification de la procédure civile

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N2502BXX

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par Gabrielle Guizard, Avocate au barreau de Paris, membre de l'Association Droit et Procédure (GGV Avocats à la Cour Rechtsanwälte Paris)

Le 12 Février 2018

Madame Nicole Belloubet, ministre de la Justice, a reçu le 15 janvier 2018 les cinq chantiers de la Justice, dont l'objectif est de réformer en profondeur la justice française. Les propositions qu'ils contiennent serviront à l'élaboration du projet de loi de programmation pour la justice 2018-2022. L'objet de cet article est d'analyser le rapport consacré à l'amélioration et à la simplification de la procédure civile. Confié à Madame Frédérique Agostini, Présidente du tribunal de grande instance de Melun et à M. Nicolas Molfessis, Professeur de droit privé à l'Université Panthéon Assas, ce rapport contient des pistes de réflexion pour améliorer et simplifier la procédure civile en première instance. Il formule 30 propositions ambitieuses visant à réformer ce qui représente le point d'entrée dans la Justice. Ces propositions sont réparties en trois grands axes de réflexion, à savoir refonder l'architecture de première instance, repenser les droits et devoirs des acteurs du procès et assurer la qualité et l'efficacité de la décision de justice.

Les auteurs du rapport partent du constat que la justice française est en crise du fait de ses lenteurs, de dysfonctionnements, de moyens insuffisants, de l'inaccessibilité des tribunaux, voire de l'inintelligibilité des décisions rendues et du mal-être des personnels. Si les délais de résolution des litiges restent raisonnables et comparables à la plupart des pays voisins en Europe, la procédure civile doit néanmoins être modernisée et simplifiée. L'enjeu est notamment de recentrer le juge sur son office, de simplifier l'organisation judiciaire et réduire la distance entre le justiciable et son juge, de maîtriser l'aléa judiciaire et l'insécurité liée à des décisions parfois hétérogènes et de moderniser les outils à disposition du personnel de la justice et des auxiliaires de justice. Le rapport souligne également l'importance de donner plus d'efficacité à la décision de première instance qui est trop souvent considérée comme une simple étape vers la phase d'appel.

L'ambition du rapport est de réformer la procédure civile en première instance tout en évitant de tomber dans l'écueil de l'inflation normative et des réformes par strates successives qui ont rendu le système dans sa globalité trop complexe et difficilement praticable pour les justiciables et les professionnels du droit.

Après la réforme de la procédure d'appel et en parallèle des réflexions menées par la Cour de cassation sur sa propre réforme, s'impose donc selon le groupe de travail une refonte globale et en profondeur de la procédure en première instance.

Seront analysées ci-après les principales propositions du rapport sous l'angle des objectifs poursuivis que sont la modernisation et la simplification de la procédure en première instance (I) et l'accroissement de l'efficacité de la justice et des décisions de justice (II).

I - Modernisation et simplification de la procédure en première instance

Le rapport prône une généralisation du recours au numérique (A) et l'adoption de mesures visant à simplifier la procédure de première instance, tant au niveau de l'introduction que de la mise en état du procès (B).

A - Généralisation du numérique

Les sept premières propositions concernent la nécessaire conversion de la justice civile au numérique.

Il est tout d'abord préconisé d'abandonner la démarche d'équivalence consistant à transposer les règles de la transmission papier à la transmission électronique, pour s'orienter vers un dispositif d'orientation "plateforme" permettant un accès permanent dématérialisé aux services de la justice.

L'instruction des affaires civiles pourrait être dématérialisée par des modes sécurisés de communication électroniques permettant des échanges entre la juridiction, les parties à l'instance et les délégataires/mandataires de la juridiction (experts, médiateurs etc.). La communication électronique serait étendue à l'ensemble des juridictions civiles. Le rapport préconise de rendre obligatoire la saisine de la juridiction et les échanges avec elle par voie dématérialisée, au moins dans un premier temps dans les affaires avec représentation obligatoire.

Une plateforme dédiée devrait permettre de partager, échanger et stocker les actes de la procédure ou les pièces des parties tout en garantissant leur intégrité.

Les parties pourraient suivre l'avancement de leur affaire en ligne et consulter les actes de la procédure.

Des outils d'aide à la décision seraient mis à disposition des juges, avec des blocs de motivation, des trames, barèmes et un accès aux bases de données existantes. Egalement, des outils d'intelligence artificielle devraient permettre aux juridictions d'analyser leur activité et leur jurisprudence par la constitution d'une mémoire actualisée des décisions rendues (facilité par l'open data).

Afin de coordonner la mise en place de ces mesures, le groupe de travail préconise la désignation d'un délégué à la digitalisation de la justice, tandis que les services d'accueil unique du justiciable (SAUJ) et les conseils départementaux d'accès au droit (CDAD) deviendraient des lieux d'accès à la justice et d'accompagnement du justiciable.

La réalisation de mesures d'instruction ou le suivi de la mise en état par visio-conférence ou téléconférence pourrait à terme être envisagée sans pour autant priver le justiciable de l'accès au juge.

Par ailleurs, le rapport propose l'instauration d'une juridiction nationale de traitement dématérialisé des injonctions de payer. Avec un taux d'opposition très faible (23 000 oppositions pour 500 000 injonctions chaque année), le groupe de travail considère que ce type de traitement des litiges pourrait être rendu encore plus efficace par le recours au numérique. Le système dit "IPweb" de saisine du tribunal d'instance, accessible aujourd'hui uniquement aux huissiers de justice, pourrait à cet effet être exploité plus largement et étendu aux particuliers et aux avocats.

A l'instar de ce qui existe pour les injonctions de payer européennes, un portail pourrait proposer de remplir un formulaire en ligne avec l'ensemble des informations utiles et de joindre les pièces justificatives. L'injonction de payer serait signée électroniquement par le juge et le greffier. L'opposition pourrait également être faite en ligne et, si les parties en sont d'accord, le juge statuerait sans audience.

B - Simplification de la procédure

Pas moins de 13 propositions visent à simplifier la procédure de première instance, devenue trop complexe selon le groupe de travail.

L'une des propositions phares est de créer une juridiction unique de première instance, le tribunal judiciaire. Le rapport souligne les inconvénients liés à l'éclatement du contentieux en de nombreuses juridictions, avec pour chacune des taux de ressort propres.

L'idée n'est pas nouvelle et a été formulée à intervalles réguliers depuis près de 40 ans.

Le regroupement de juridictions leur permettrait d'atteindre une taille critique et ainsi de répondre au besoin croissant de spécialisation, mais également d'améliorer leurs ressources matérielles et humaines. L'organisation de la collégialité serait facilitée, tout comme la création d'équipes de greffiers et juristes assistants autour du juge.

La dénomination de "tribunal judiciaire" est préconisée, plutôt que celle de "tribunal de première instance", afin de mettre en valeur la compétence élargie de la juridiction et permettre la symétrie avec la juridiction administrative, mais également d'éviter d'exprimer l'idée d'une étape vers la voie de recours.

Le tribunal judiciaire regrouperait le tribunal de grande instance et le tribunal d'instance et, à terme, après la disparition des tribunaux des affaires de Sécurité sociale et la création de pôle sociaux, des chambres spécialisées traitant du contentieux dévolu aux conseils de prud'hommes, voire aux tribunaux de commerce.

Il est également envisagé d'augmenter le taux de dernier ressort à 5 000 euros, taux à partir duquel le recours à un avocat serait obligatoire. A plus long terme, il pourrait être envisagé de passer à un taux de 10 000 euros, comme en matière administrative.

Le rapport formule par ailleurs une série de propositions en annexe 1 visant à recentrer le rôle du juge sur les questions appelant l'intervention de l'autorité judiciaire. Certaines attributions aujourd'hui dévolues aux greffes, juges et procureurs pourraient être simplifiées ou déjudiciarisées.

Une autre proposition importante consiste à simplifier la saisine de la juridiction par l'instauration d'un acte de saisine judiciaire unifié. Des cinq modes de saisine existants que sont l'assignation, la requête, la requête conjointe, la déclaration au greffe et la présentation volontaire, ne subsisteraient que les deux premiers.

En pratique, une application dédiée accessible via le portail justice.fr permettrait à l'aide d'un formulaire structuré d'établir l'acte de saisine par voie électronique. Selon les hypothèses, l'acte de saisine serait conjoint ou unilatéral, et, dans ce second cas, en procédure contradictoire ou non contradictoire, au fond ou en référé.

Une première date d'audience serait générée automatiquement, le demandeur serait ensuite tenu d'informer le défendeur par acte d'huissier de justice, dont il devrait être justifié à peine de caducité dans un certain délai.

Le recours à l'acte de saisine judiciaire serait prescrit à peine d'irrecevabilité. Le rapport donne une liste des informations qui devraient y figurer, semblables au contenu aujourd'hui exigé pour une assignation ou une requête, avec en sus le consentement du requérant à échanger par voie électronique, ou l'indication des conditions dans lesquelles les pièces seraient rendues disponibles au défendeur.

Le rapport propose ensuite de décharger le greffe de la tâche de convocation des parties à l'audience, comme c'est le cas aujourd'hui en matière sociale. Il préconise de généraliser l'information du défendeur par acte d'huissier, jugé plus fiable que la convocation par courrier postal.

Ce principe souffrirait quelques exceptions, notamment en matière gracieuse ou devant le juge des libertés et de la détention, où la convocation par le greffe resterait de règle.

Il est également préconisé d'harmoniser les procédures d'ordonnance sur requête, tout en renforçant l'exigence de proportionnalité, afin de contenir les abus constatés dans le recours à une telle procédure qui, on le sait, peut porter atteinte aux secrets protégés par la loi.

Diverses propositions tendent en outre à la rationalisation de l'instruction des dossiers par la limitation des incidents d'instance.

Le rapport propose de mettre fin à terme aux exceptions d'incompétence. Dans l'attente de l'instauration du tribunal judiciaire, les exceptions d'incompétence territoriale et matérielle seraient tranchées sans recours immédiat possible, la décision de renvoi ne pouvant être contestée qu'à l'occasion de l'appel de la décision rendue au fond.

Une fois le tribunal judiciaire mis en place, ne se poseraient plus que des questions de compétence territoriale, sur lesquelles il serait statué par simple mesure d'administration judiciaire insusceptible de recours.

De telles propositions ne concernent à notre avis que les questions de compétence au niveau national, dans la mesure où, en matière internationale, le juge s'estimant incompétent ne renvoie pas les parties devant le tribunal étranger qu'il estime compétent mais à mieux se pourvoir.

Il est également proposé de supprimer les critères alternatifs de compétence territoriale pour ne maintenir que le critère du domicile du défendeur.

Le groupe de travail propose également de simplifier la gestion des fins de non-recevoir et des exceptions de nullité. Il est suggéré de regrouper toutes les irrégularités liées au droit d'action, à l'introduction de l'instance et aux modalités d'exercice de l'action, y compris les nullités de fond prévues par l'article 117 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1403H4Q), au sein d'une catégorie élargie de moyens qualifiés de fins de non-recevoir. La sanction serait non plus la nullité mais l'irrecevabilité.

Il pourrait être envisagé de permettre au juge de la mise en état de statuer sur les fins de non-recevoir qui ne touchent pas au fond du droit et de les relever d'office, lesquelles pourraient être définies par une disposition spécifique. Le rapport propose ainsi d'y inclure le cas d'omission d'un acte de la procédure, l'irrégularité affectant l'acte lui-même quant à ses mentions, l'irrégularité affectant les annexes de l'acte ou celle affectant le support de l'acte lui-même (forme électronique dans les matières avec représentation obligatoire).

S'agissant de l'instruction des dossiers, le rapport propose de favoriser la mise en état conventionnelle, déjà existante sous le nom de procédure participative. Le juge organiserait le déroulement des échanges, à défaut pour les parties de s'engager dans une procédure conventionnelle de mise en état.

II - Efficacité de la justice et des décisions de justice

Le groupe de travail s'est ensuite attaché à dégager des pistes de réflexion pour rendre la justice et les décisions de justice plus efficaces.

L'amélioration de l'efficacité de la justice peut passer, lorsque le cas s'y prête, par le recours aux modes alternatifs de règlement des différends que le rapport souhaite développer (A). Sont également préconisées une redéfinition des droits et devoirs des acteurs du procès (B) et des mesures visant à améliorer la qualité et l'efficacité de la décision de justice.

A - Inciter au règlement amiable des différends

La proposition 21 est spécifiquement consacrée aux modes alternatifs de règlement des différends (MARD).

Les auteurs du rapport sont conscients qu'imposer un préalable de recours à un mode amiable de résolution du conflit peut avoir un effet pervers, amenant les parties à ne le voir que comme une simple formalité qu'on chercherait à contourner. Le recours aux MARD ne peut être efficace qu'avec une participation volontaire des parties.

Le rapport cherche donc à instaurer des mesures incitatives plutôt qu'à imposer le recours aux MARD. Pourraient ainsi être explorées la possibilité de mettre en place une expertise conventionnelle, celle pour le juge à toutes les étapes de la procédure d'enjoindre les parties à rencontrer un médiateur ou conciliateur en vue d'une information sur les MARD, voire de tenter une médiation, la possibilité de prévoir une césure du procès dans l'attente de l'issue de la mesure de rapprochement, la décision de porter à 5 000 euros le seuil en-deçà duquel un préalable de conciliation serait obligatoire, ou enfin d'imposer la procédure participative dans les matières avec représentation obligatoire.

Des incitations financières sont également prévues. Ainsi l'aide juridictionnelle pourrait être revalorisée pour les cas de recours aux MARD.

Enfin le rapport suggère d'élargir l'offre des MARD en ligne, dans la lignée de ce que proposent déjà certaines legal techs, tout en régulant les dispositifs existants, avec l'instauration d'un agrément des plateformes et l'élaboration de cahiers des charges, comme pour la médiation en matière de consommation.

B - Droits et devoirs des acteurs du procès

Le groupe de travail estime que pour rendre la première instance plus efficace, aussi bien dans l'instruction du dossier que dans la décision elle-même, il y a lieu d'étendre progressivement l'assistance et la représentation du justiciable par un professionnel du droit, à même de mesurer les enjeux techniques et d'assurer la défense du justiciable. L'extension de la représentation obligatoire par avocat permettrait de rationaliser le procès et d'améliorer la qualité de la décision.

Cette mesure rejoindrait d'ailleurs, selon le rapport, la tendance des droits européens.

S'il n'est pour certains pas évident que le recours obligatoire à un avocat facilite l'accès au juge, dans la mesure où l'avocat a un coût, le groupe de travail considère qu'il est devenu nécessaire dans un environnement juridique et judiciaire de plus en plus complexe. Une telle mesure doit toutefois être adoptée progressivement, afin de faire face à la problématique de son financement.

Il est proposé de mettre en place la représentation obligatoire par avocat pour les litiges dont l'enjeu est supérieur à 5 000 euros. Les petits litiges, la matière gracieuse ou les procédures d'injonction de payer resteraient en dehors du champ de la représentation obligatoire.

Il est également envisagé de permettre au défendeur, qui se borne à se défendre sans formuler de demandes reconventionnelles, d'avoir un accès limité au juge pour demander la mise en oeuvre de délais de paiement ou d'exécution ou la possibilité d'accepter ou de proposer une procédure de règlement amiable.

Plusieurs sources de financement de cette généralisation du recours à l'avocat sont proposées, telles que le recours à un timbre ou forfait judiciaire lors de l'introduction de l'instance, ou le prélèvement d'un pourcentage des sommes allouées au titre de l'article 700 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1253IZG). Le développement de la prise en charge par l'assurance de protection juridique devrait également être privilégié.

En parallèle une réflexion pourrait être menée sur l'opportunité du maintien des règles de postulation imposant souvent au justiciable d'avoir deux avocats, un plaidant et un postulant.

Le rapport propose ensuite de renforcer l'office du juge quant à la détermination de la règle de droit applicable. Dans les textes, le rôle du juge est selon le groupe de travail peu lisible, le juge pouvant d'un côté relever d'office un moyen de droit ou inviter les parties à fournir des explications de fait et de droit qu'il estime nécessaires à la solution du litige, tout en ayant l'obligation ou au contraire l'interdiction, dans certains cas, de soulever certains moyens de droit.

Sous réserve du respect de la contradiction, le groupe de travail préconise de consacrer la possibilité pour le juge de relever d'office les moyens de droit applicables au litige. Dans l'esprit initial de l'article 12 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1127H4I), il pourrait même être envisagé de lui faire obligation, sauf disposition contraire, de relever le moyen de droit, d'ordre public ou non, applicable au litige. Le juge n'aurait pas pour autant l'obligation de relever les moyens mélangés de fait et de droit ni de changer le fondement des prétentions, si les parties n'ont pas spécialement attiré son attention sur un fait.

Le rapport formule ensuite une proposition tendant à instaurer un financement de la justice civile par les parties elles-mêmes, rappelant que, contrairement à une idée reçue, la justice n'est pas gratuite et le procès civil a un coût.

Il est suggéré de modifier les articles 699 (N° Lexbase : L0421ITR) et 700 du Code de procédure civile pour affirmer le principe selon lequel sauf circonstance particulière spécialement motivée par le juge, la partie perdante supporterait l'intégralité des frais d'avocat de son adversaire. La production de la convention d'honoraires de l'avocat deviendrait dans ce cadre obligatoire.

A l'instar du dispositif existant en Allemagne, les frais de procédure et la rémunération minimum de l'avocat pourraient être fixés à l'avance, en fonction du montant du litige, hors intérêts et demandes annexes, et du type d'instance.

Une telle mesure est préconisée de longue date mais n'a jamais vraiment vu le jour en France, au nom du principe de l'équité et du droit à l'accès au juge. Toutefois le rapport souligne qu'une telle mesure permettrait de responsabiliser les parties, lesquelles devraient désormais mesurer le coût prévisible du procès et les chances de succès de leurs prétentions avant d'engager une procédure. Le financement de la justice par les parties permettrait ainsi indirectement de faire gagner la justice en qualité et en efficacité.

B - Qualité et efficacité de la décision de justice

Il est notamment préconisé de mettre en place un dispositif permettant un traitement des dossiers sériels, inspiré du fonctionnement de l'action de groupe. Une fois identifiés, les dossiers sériels communs à toutes les juridictions civiles pourraient faire l'objet d'un traitement cohérent avec la détermination de dossiers-pilotes qui suivraient un circuit ad hoc de résolution rapide, une information des parties concernées et la mise en attente des autres dossiers, la communication aux parties de la décision définitive rendue dans les dossiers-pilotes, afin de permettre l'adaptation des prétentions et moyens des parties, et le renvoi à une médiation ou conciliation pour déterminer le montant de la réparation.

Le groupe de travail préconise également de renforcer le lien de la première instance avec la Cour de cassation par une utilisation plus large de la saisine pour avis. Une telle mesure permettrait d'atteindre une plus grande homogénéité et prévisibilité des décisions de justice. Les avis rendus par la Cour de cassation devraient dans cette optique bénéficier d'une large diffusion.

Enfin pour améliorer l'efficacité des décisions, et même si elle ne fait pas l'unanimité, une réflexion doit être menée sur la généralisation de l'exécution provisoire de droit des décisions de première instance.

Le rapport propose à cet égard d'inverser le dispositif actuellement en vigueur aux articles 514 (N° Lexbase : L6647H7C) et suivants du Code de procédure civile. Ainsi, sauf pour les affaires dont la nature serait incompatible avec une exécution provisoire, les décisions de première instance pourraient être assorties de plein droit de l'exécution provisoire, sauf au juge à l'écarter expressément pour tout ou partie de la décision.

On le voit, le rapport sur l'amélioration et la simplification de la procédure civile est particulièrement dense, il contient des propositions ambitieuses et pour certaines séduisantes, tendant incontestablement à faire progresser la justice civile. Néanmoins, ces propositions demanderont, pour être mises en oeuvre, des moyens conséquents et une évolution des pratiques et mentalités. Et il n'est pas certain que le calendrier à ce jour retenu -le texte du projet de loi serait attendu devant le Conseil d'Etat pour le 15 mars prochain- permette une véritable concertation.

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Justice

[Projet, proposition, rapport législatif] Chantiers de la justice - Rapport sur l'amélioration et la simplification de la procédure civile

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N2502BXX

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par Gabrielle Guizard, Avocate au barreau de Paris, membre de l'Association Droit et Procédure (GGV Avocats à la Cour Rechtsanwälte Paris)

Le 12 Février 2018

Madame Nicole Belloubet, ministre de la Justice, a reçu le 15 janvier 2018 les cinq chantiers de la Justice, dont l'objectif est de réformer en profondeur la justice française. Les propositions qu'ils contiennent serviront à l'élaboration du projet de loi de programmation pour la justice 2018-2022. L'objet de cet article est d'analyser le rapport consacré à l'amélioration et à la simplification de la procédure civile. Confié à Madame Frédérique Agostini, Présidente du tribunal de grande instance de Melun et à M. Nicolas Molfessis, Professeur de droit privé à l'Université Panthéon Assas, ce rapport contient des pistes de réflexion pour améliorer et simplifier la procédure civile en première instance. Il formule 30 propositions ambitieuses visant à réformer ce qui représente le point d'entrée dans la Justice. Ces propositions sont réparties en trois grands axes de réflexion, à savoir refonder l'architecture de première instance, repenser les droits et devoirs des acteurs du procès et assurer la qualité et l'efficacité de la décision de justice.

Les auteurs du rapport partent du constat que la justice française est en crise du fait de ses lenteurs, de dysfonctionnements, de moyens insuffisants, de l'inaccessibilité des tribunaux, voire de l'inintelligibilité des décisions rendues et du mal-être des personnels. Si les délais de résolution des litiges restent raisonnables et comparables à la plupart des pays voisins en Europe, la procédure civile doit néanmoins être modernisée et simplifiée. L'enjeu est notamment de recentrer le juge sur son office, de simplifier l'organisation judiciaire et réduire la distance entre le justiciable et son juge, de maîtriser l'aléa judiciaire et l'insécurité liée à des décisions parfois hétérogènes et de moderniser les outils à disposition du personnel de la justice et des auxiliaires de justice. Le rapport souligne également l'importance de donner plus d'efficacité à la décision de première instance qui est trop souvent considérée comme une simple étape vers la phase d'appel.

L'ambition du rapport est de réformer la procédure civile en première instance tout en évitant de tomber dans l'écueil de l'inflation normative et des réformes par strates successives qui ont rendu le système dans sa globalité trop complexe et difficilement praticable pour les justiciables et les professionnels du droit.

Après la réforme de la procédure d'appel et en parallèle des réflexions menées par la Cour de cassation sur sa propre réforme, s'impose donc selon le groupe de travail une refonte globale et en profondeur de la procédure en première instance.

Seront analysées ci-après les principales propositions du rapport sous l'angle des objectifs poursuivis que sont la modernisation et la simplification de la procédure en première instance (I) et l'accroissement de l'efficacité de la justice et des décisions de justice (II).

I - Modernisation et simplification de la procédure en première instance

Le rapport prône une généralisation du recours au numérique (A) et l'adoption de mesures visant à simplifier la procédure de première instance, tant au niveau de l'introduction que de la mise en état du procès (B).

A - Généralisation du numérique

Les sept premières propositions concernent la nécessaire conversion de la justice civile au numérique.

Il est tout d'abord préconisé d'abandonner la démarche d'équivalence consistant à transposer les règles de la transmission papier à la transmission électronique, pour s'orienter vers un dispositif d'orientation "plateforme" permettant un accès permanent dématérialisé aux services de la justice.

L'instruction des affaires civiles pourrait être dématérialisée par des modes sécurisés de communication électroniques permettant des échanges entre la juridiction, les parties à l'instance et les délégataires/mandataires de la juridiction (experts, médiateurs etc.). La communication électronique serait étendue à l'ensemble des juridictions civiles. Le rapport préconise de rendre obligatoire la saisine de la juridiction et les échanges avec elle par voie dématérialisée, au moins dans un premier temps dans les affaires avec représentation obligatoire.

Une plateforme dédiée devrait permettre de partager, échanger et stocker les actes de la procédure ou les pièces des parties tout en garantissant leur intégrité.

Les parties pourraient suivre l'avancement de leur affaire en ligne et consulter les actes de la procédure.

Des outils d'aide à la décision seraient mis à disposition des juges, avec des blocs de motivation, des trames, barèmes et un accès aux bases de données existantes. Egalement, des outils d'intelligence artificielle devraient permettre aux juridictions d'analyser leur activité et leur jurisprudence par la constitution d'une mémoire actualisée des décisions rendues (facilité par l'open data).

Afin de coordonner la mise en place de ces mesures, le groupe de travail préconise la désignation d'un délégué à la digitalisation de la justice, tandis que les services d'accueil unique du justiciable (SAUJ) et les conseils départementaux d'accès au droit (CDAD) deviendraient des lieux d'accès à la justice et d'accompagnement du justiciable.

La réalisation de mesures d'instruction ou le suivi de la mise en état par visio-conférence ou téléconférence pourrait à terme être envisagée sans pour autant priver le justiciable de l'accès au juge.

Par ailleurs, le rapport propose l'instauration d'une juridiction nationale de traitement dématérialisé des injonctions de payer. Avec un taux d'opposition très faible (23 000 oppositions pour 500 000 injonctions chaque année), le groupe de travail considère que ce type de traitement des litiges pourrait être rendu encore plus efficace par le recours au numérique. Le système dit "IPweb" de saisine du tribunal d'instance, accessible aujourd'hui uniquement aux huissiers de justice, pourrait à cet effet être exploité plus largement et étendu aux particuliers et aux avocats.

A l'instar de ce qui existe pour les injonctions de payer européennes, un portail pourrait proposer de remplir un formulaire en ligne avec l'ensemble des informations utiles et de joindre les pièces justificatives. L'injonction de payer serait signée électroniquement par le juge et le greffier. L'opposition pourrait également être faite en ligne et, si les parties en sont d'accord, le juge statuerait sans audience.

B - Simplification de la procédure

Pas moins de 13 propositions visent à simplifier la procédure de première instance, devenue trop complexe selon le groupe de travail.

L'une des propositions phares est de créer une juridiction unique de première instance, le tribunal judiciaire. Le rapport souligne les inconvénients liés à l'éclatement du contentieux en de nombreuses juridictions, avec pour chacune des taux de ressort propres.

L'idée n'est pas nouvelle et a été formulée à intervalles réguliers depuis près de 40 ans.

Le regroupement de juridictions leur permettrait d'atteindre une taille critique et ainsi de répondre au besoin croissant de spécialisation, mais également d'améliorer leurs ressources matérielles et humaines. L'organisation de la collégialité serait facilitée, tout comme la création d'équipes de greffiers et juristes assistants autour du juge.

La dénomination de "tribunal judiciaire" est préconisée, plutôt que celle de "tribunal de première instance", afin de mettre en valeur la compétence élargie de la juridiction et permettre la symétrie avec la juridiction administrative, mais également d'éviter d'exprimer l'idée d'une étape vers la voie de recours.

Le tribunal judiciaire regrouperait le tribunal de grande instance et le tribunal d'instance et, à terme, après la disparition des tribunaux des affaires de Sécurité sociale et la création de pôle sociaux, des chambres spécialisées traitant du contentieux dévolu aux conseils de prud'hommes, voire aux tribunaux de commerce.

Il est également envisagé d'augmenter le taux de dernier ressort à 5 000 euros, taux à partir duquel le recours à un avocat serait obligatoire. A plus long terme, il pourrait être envisagé de passer à un taux de 10 000 euros, comme en matière administrative.

Le rapport formule par ailleurs une série de propositions en annexe 1 visant à recentrer le rôle du juge sur les questions appelant l'intervention de l'autorité judiciaire. Certaines attributions aujourd'hui dévolues aux greffes, juges et procureurs pourraient être simplifiées ou déjudiciarisées.

Une autre proposition importante consiste à simplifier la saisine de la juridiction par l'instauration d'un acte de saisine judiciaire unifié. Des cinq modes de saisine existants que sont l'assignation, la requête, la requête conjointe, la déclaration au greffe et la présentation volontaire, ne subsisteraient que les deux premiers.

En pratique, une application dédiée accessible via le portail justice.fr permettrait à l'aide d'un formulaire structuré d'établir l'acte de saisine par voie électronique. Selon les hypothèses, l'acte de saisine serait conjoint ou unilatéral, et, dans ce second cas, en procédure contradictoire ou non contradictoire, au fond ou en référé.

Une première date d'audience serait générée automatiquement, le demandeur serait ensuite tenu d'informer le défendeur par acte d'huissier de justice, dont il devrait être justifié à peine de caducité dans un certain délai.

Le recours à l'acte de saisine judiciaire serait prescrit à peine d'irrecevabilité. Le rapport donne une liste des informations qui devraient y figurer, semblables au contenu aujourd'hui exigé pour une assignation ou une requête, avec en sus le consentement du requérant à échanger par voie électronique, ou l'indication des conditions dans lesquelles les pièces seraient rendues disponibles au défendeur.

Le rapport propose ensuite de décharger le greffe de la tâche de convocation des parties à l'audience, comme c'est le cas aujourd'hui en matière sociale. Il préconise de généraliser l'information du défendeur par acte d'huissier, jugé plus fiable que la convocation par courrier postal.

Ce principe souffrirait quelques exceptions, notamment en matière gracieuse ou devant le juge des libertés et de la détention, où la convocation par le greffe resterait de règle.

Il est également préconisé d'harmoniser les procédures d'ordonnance sur requête, tout en renforçant l'exigence de proportionnalité, afin de contenir les abus constatés dans le recours à une telle procédure qui, on le sait, peut porter atteinte aux secrets protégés par la loi.

Diverses propositions tendent en outre à la rationalisation de l'instruction des dossiers par la limitation des incidents d'instance.

Le rapport propose de mettre fin à terme aux exceptions d'incompétence. Dans l'attente de l'instauration du tribunal judiciaire, les exceptions d'incompétence territoriale et matérielle seraient tranchées sans recours immédiat possible, la décision de renvoi ne pouvant être contestée qu'à l'occasion de l'appel de la décision rendue au fond.

Une fois le tribunal judiciaire mis en place, ne se poseraient plus que des questions de compétence territoriale, sur lesquelles il serait statué par simple mesure d'administration judiciaire insusceptible de recours.

De telles propositions ne concernent à notre avis que les questions de compétence au niveau national, dans la mesure où, en matière internationale, le juge s'estimant incompétent ne renvoie pas les parties devant le tribunal étranger qu'il estime compétent mais à mieux se pourvoir.

Il est également proposé de supprimer les critères alternatifs de compétence territoriale pour ne maintenir que le critère du domicile du défendeur.

Le groupe de travail propose également de simplifier la gestion des fins de non-recevoir et des exceptions de nullité. Il est suggéré de regrouper toutes les irrégularités liées au droit d'action, à l'introduction de l'instance et aux modalités d'exercice de l'action, y compris les nullités de fond prévues par l'article 117 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1403H4Q), au sein d'une catégorie élargie de moyens qualifiés de fins de non-recevoir. La sanction serait non plus la nullité mais l'irrecevabilité.

Il pourrait être envisagé de permettre au juge de la mise en état de statuer sur les fins de non-recevoir qui ne touchent pas au fond du droit et de les relever d'office, lesquelles pourraient être définies par une disposition spécifique. Le rapport propose ainsi d'y inclure le cas d'omission d'un acte de la procédure, l'irrégularité affectant l'acte lui-même quant à ses mentions, l'irrégularité affectant les annexes de l'acte ou celle affectant le support de l'acte lui-même (forme électronique dans les matières avec représentation obligatoire).

S'agissant de l'instruction des dossiers, le rapport propose de favoriser la mise en état conventionnelle, déjà existante sous le nom de procédure participative. Le juge organiserait le déroulement des échanges, à défaut pour les parties de s'engager dans une procédure conventionnelle de mise en état.

II - Efficacité de la justice et des décisions de justice

Le groupe de travail s'est ensuite attaché à dégager des pistes de réflexion pour rendre la justice et les décisions de justice plus efficaces.

L'amélioration de l'efficacité de la justice peut passer, lorsque le cas s'y prête, par le recours aux modes alternatifs de règlement des différends que le rapport souhaite développer (A). Sont également préconisées une redéfinition des droits et devoirs des acteurs du procès (B) et des mesures visant à améliorer la qualité et l'efficacité de la décision de justice.

A - Inciter au règlement amiable des différends

La proposition 21 est spécifiquement consacrée aux modes alternatifs de règlement des différends (MARD).

Les auteurs du rapport sont conscients qu'imposer un préalable de recours à un mode amiable de résolution du conflit peut avoir un effet pervers, amenant les parties à ne le voir que comme une simple formalité qu'on chercherait à contourner. Le recours aux MARD ne peut être efficace qu'avec une participation volontaire des parties.

Le rapport cherche donc à instaurer des mesures incitatives plutôt qu'à imposer le recours aux MARD. Pourraient ainsi être explorées la possibilité de mettre en place une expertise conventionnelle, celle pour le juge à toutes les étapes de la procédure d'enjoindre les parties à rencontrer un médiateur ou conciliateur en vue d'une information sur les MARD, voire de tenter une médiation, la possibilité de prévoir une césure du procès dans l'attente de l'issue de la mesure de rapprochement, la décision de porter à 5 000 euros le seuil en-deçà duquel un préalable de conciliation serait obligatoire, ou enfin d'imposer la procédure participative dans les matières avec représentation obligatoire.

Des incitations financières sont également prévues. Ainsi l'aide juridictionnelle pourrait être revalorisée pour les cas de recours aux MARD.

Enfin le rapport suggère d'élargir l'offre des MARD en ligne, dans la lignée de ce que proposent déjà certaines legal techs, tout en régulant les dispositifs existants, avec l'instauration d'un agrément des plateformes et l'élaboration de cahiers des charges, comme pour la médiation en matière de consommation.

B - Droits et devoirs des acteurs du procès

Le groupe de travail estime que pour rendre la première instance plus efficace, aussi bien dans l'instruction du dossier que dans la décision elle-même, il y a lieu d'étendre progressivement l'assistance et la représentation du justiciable par un professionnel du droit, à même de mesurer les enjeux techniques et d'assurer la défense du justiciable. L'extension de la représentation obligatoire par avocat permettrait de rationaliser le procès et d'améliorer la qualité de la décision.

Cette mesure rejoindrait d'ailleurs, selon le rapport, la tendance des droits européens.

S'il n'est pour certains pas évident que le recours obligatoire à un avocat facilite l'accès au juge, dans la mesure où l'avocat a un coût, le groupe de travail considère qu'il est devenu nécessaire dans un environnement juridique et judiciaire de plus en plus complexe. Une telle mesure doit toutefois être adoptée progressivement, afin de faire face à la problématique de son financement.

Il est proposé de mettre en place la représentation obligatoire par avocat pour les litiges dont l'enjeu est supérieur à 5 000 euros. Les petits litiges, la matière gracieuse ou les procédures d'injonction de payer resteraient en dehors du champ de la représentation obligatoire.

Il est également envisagé de permettre au défendeur, qui se borne à se défendre sans formuler de demandes reconventionnelles, d'avoir un accès limité au juge pour demander la mise en oeuvre de délais de paiement ou d'exécution ou la possibilité d'accepter ou de proposer une procédure de règlement amiable.

Plusieurs sources de financement de cette généralisation du recours à l'avocat sont proposées, telles que le recours à un timbre ou forfait judiciaire lors de l'introduction de l'instance, ou le prélèvement d'un pourcentage des sommes allouées au titre de l'article 700 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1253IZG). Le développement de la prise en charge par l'assurance de protection juridique devrait également être privilégié.

En parallèle une réflexion pourrait être menée sur l'opportunité du maintien des règles de postulation imposant souvent au justiciable d'avoir deux avocats, un plaidant et un postulant.

Le rapport propose ensuite de renforcer l'office du juge quant à la détermination de la règle de droit applicable. Dans les textes, le rôle du juge est selon le groupe de travail peu lisible, le juge pouvant d'un côté relever d'office un moyen de droit ou inviter les parties à fournir des explications de fait et de droit qu'il estime nécessaires à la solution du litige, tout en ayant l'obligation ou au contraire l'interdiction, dans certains cas, de soulever certains moyens de droit.

Sous réserve du respect de la contradiction, le groupe de travail préconise de consacrer la possibilité pour le juge de relever d'office les moyens de droit applicables au litige. Dans l'esprit initial de l'article 12 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1127H4I), il pourrait même être envisagé de lui faire obligation, sauf disposition contraire, de relever le moyen de droit, d'ordre public ou non, applicable au litige. Le juge n'aurait pas pour autant l'obligation de relever les moyens mélangés de fait et de droit ni de changer le fondement des prétentions, si les parties n'ont pas spécialement attiré son attention sur un fait.

Le rapport formule ensuite une proposition tendant à instaurer un financement de la justice civile par les parties elles-mêmes, rappelant que, contrairement à une idée reçue, la justice n'est pas gratuite et le procès civil a un coût.

Il est suggéré de modifier les articles 699 (N° Lexbase : L0421ITR) et 700 du Code de procédure civile pour affirmer le principe selon lequel sauf circonstance particulière spécialement motivée par le juge, la partie perdante supporterait l'intégralité des frais d'avocat de son adversaire. La production de la convention d'honoraires de l'avocat deviendrait dans ce cadre obligatoire.

A l'instar du dispositif existant en Allemagne, les frais de procédure et la rémunération minimum de l'avocat pourraient être fixés à l'avance, en fonction du montant du litige, hors intérêts et demandes annexes, et du type d'instance.

Une telle mesure est préconisée de longue date mais n'a jamais vraiment vu le jour en France, au nom du principe de l'équité et du droit à l'accès au juge. Toutefois le rapport souligne qu'une telle mesure permettrait de responsabiliser les parties, lesquelles devraient désormais mesurer le coût prévisible du procès et les chances de succès de leurs prétentions avant d'engager une procédure. Le financement de la justice par les parties permettrait ainsi indirectement de faire gagner la justice en qualité et en efficacité.

B - Qualité et efficacité de la décision de justice

Il est notamment préconisé de mettre en place un dispositif permettant un traitement des dossiers sériels, inspiré du fonctionnement de l'action de groupe. Une fois identifiés, les dossiers sériels communs à toutes les juridictions civiles pourraient faire l'objet d'un traitement cohérent avec la détermination de dossiers-pilotes qui suivraient un circuit ad hoc de résolution rapide, une information des parties concernées et la mise en attente des autres dossiers, la communication aux parties de la décision définitive rendue dans les dossiers-pilotes, afin de permettre l'adaptation des prétentions et moyens des parties, et le renvoi à une médiation ou conciliation pour déterminer le montant de la réparation.

Le groupe de travail préconise également de renforcer le lien de la première instance avec la Cour de cassation par une utilisation plus large de la saisine pour avis. Une telle mesure permettrait d'atteindre une plus grande homogénéité et prévisibilité des décisions de justice. Les avis rendus par la Cour de cassation devraient dans cette optique bénéficier d'une large diffusion.

Enfin pour améliorer l'efficacité des décisions, et même si elle ne fait pas l'unanimité, une réflexion doit être menée sur la généralisation de l'exécution provisoire de droit des décisions de première instance.

Le rapport propose à cet égard d'inverser le dispositif actuellement en vigueur aux articles 514 (N° Lexbase : L6647H7C) et suivants du Code de procédure civile. Ainsi, sauf pour les affaires dont la nature serait incompatible avec une exécution provisoire, les décisions de première instance pourraient être assorties de plein droit de l'exécution provisoire, sauf au juge à l'écarter expressément pour tout ou partie de la décision.

On le voit, le rapport sur l'amélioration et la simplification de la procédure civile est particulièrement dense, il contient des propositions ambitieuses et pour certaines séduisantes, tendant incontestablement à faire progresser la justice civile. Néanmoins, ces propositions demanderont, pour être mises en oeuvre, des moyens conséquents et une évolution des pratiques et mentalités. Et il n'est pas certain que le calendrier à ce jour retenu -le texte du projet de loi serait attendu devant le Conseil d'Etat pour le 15 mars prochain- permette une véritable concertation.

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Procédure pénale

[Brèves] Affaire "Bygmalion" : l'association "Anticor" ne sera pas partie civile

Réf. : Cass. crim., 31 janvier 2018, n° 17-80.659, F-P+B (N° Lexbase : A4847XCI)

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par Marie Le Guerroué

Le 12 Février 2018

L'information judiciaire suivie dans l'affaire dite "Bygmalion" ne concernant aucune des infractions mentionnées à l'article 2-23 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L2552LB7) et, l'association "Anticor" ne justifiant pas d'un préjudice personnel directement causé par les délits poursuivis au sens de l'article 2 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L6998A4X), cette dernière n'est pas recevable à se constituer partie civile. Telle est la décision rendue par la Chambre criminelle de la Cour de cassation, dans un arrêt du 31 janvier 2018 (Cass. crim., 31 janvier 2018, n° 17-80.659, F-P+B N° Lexbase : A4847XCI).

Dans cette espèce, une information était suivie contre M. L. des chefs de faux et usage de faux, abus de confiance, tentative d'escroquerie, complicité et recel de ces délits et, les juges d'instruction avaient déclaré recevable la constitution de partie civile de l'association "Anticor", agréée déclarée depuis au moins cinq ans et se proposant par ses statuts de lutter contre la corruption, dans le cadre de l'information ouverte contre M. L.. La chambre de l'instruction avait confirmé l'ordonnance des juges. Elle avait, en effet, considéré qu'il résultait de la jurisprudence de la Chambre criminelle (v., not., Cass. crim., 9 novembre 2010, n° 09-88.272, F-D N° Lexbase : A4182GGY) que par application de l'article 2 du Code de procédure pénale, une association, pouvait, même hors habilitation législative, agir en justice au nom d'intérêts collectifs dès lors que ceux-ci entraient dans son objet social et que, en l'espèce, les faits, à les supposer établis, avaient causé à l'association "Anticor" un préjudice personnel directement causé par les infractions dénoncées, en raison de la spécificité du but et de l'objet de sa mission.

Le prévenu avaient interjeté appel de cette décision.

La Chambre criminelle rappelle, qu'aux termes de l'article 2 du Code de procédure pénale, l'action civile en réparation du dommage causé par un délit appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par cette infraction et que l'article 2-23 du Code de procédure pénale limite l'exercice de l'action civile par les associations agréées de lutte contre la corruption aux seules infractions visées par ce texte.

La Chambre criminelle constate, ensuite, qu'en se déterminant ainsi alors que, d'une part, comme le relève l'arrêt, l'information judiciaire ne concerne aucune des infractions mentionnées à l'article 2-23 du Code de procédure pénale, et que d'autre part, l'association "Anticor" ne justifie pas d'un préjudice personnel directement causé par les délits poursuivis, au sens de l'article 2 du même code, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés. Elle casse et annule, par conséquent, l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris (cf. l’Ouvrage "Procédure pénale" N° Lexbase : E2093EU3).

newsid:462585

Procédures fiscales

[Brèves] Fraude fiscale : irrecevabilité d'un pourvoi en cassation de l'administration fiscale en l'absence d'un recours du ministère public

Réf. : Cass., crim., 31 janvier 2018, n° 17-80.104 F-P+B (N° Lexbase : A4737XCG)

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N2604BXQ

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par Marie-Claire Sgarra

Le 12 Février 2018

Lorsque l'administration fiscale intervient devant la juridiction répressive en qualité de partie civile dans une poursuite pour fraude fiscale exercée sur sa plainte, par le ministère public, elle ne peut obtenir le prononcé de la solidarité avec le redevable légal de l'impôt fraudé que si le prévenu fait l'objet d'une condamnation pénale et se trouve ainsi sans qualité à remettre en cause les dispositions d'une décision prononçant une relaxe.

Telle est la solution dégagée par la Chambre criminelle de la Cour de cassation dans un arrêt du 31 janvier 2018 (Cass. crim., 31 janvier 2018, n° 17-80.104 F-P+B N° Lexbase : A4737XCG).

En l'espèce, l'administration fiscale a procédé à un rappel de TVA déduite par une société sur des factures de sous-traitants étrangers. La cour administrative d'appel, dans son jugement en date du 14 décembre 2016, a relaxé partiellement le dirigeant du chef de fraude fiscale.

La Cour de cassation juge, que si l'administration fiscale était recevable à former un pourvoi contre un arrêt prononçant à la fois une condamnation pour une partie des faits de fraude fiscale reprochés et une relaxe pour le surplus, le moyen unique présenté par l'administration, est irrecevable en l'absence de pourvoi du ministère public.

newsid:462604

Rupture du contrat de travail

[Brèves] Nullité de la rupture du contrat de la salariée ayant adressé à son employeur un certificat médical attestant de sa grossesse dans les 15 jours suivant la rupture

Réf. : Cass. soc., 31 janvier 2018, n° 16-17.886, F-P+B (N° Lexbase : A4693XCS)

Lecture: 1 min

N2619BXB

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par Blanche Chaumet

Le 12 Février 2018



Est nul le retrait de l'enfant dès lors que l'assistante maternelle avait adressé dans les quinze jours suivant la rupture de son contrat de travail un certificat médical attestant de son état de grossesse et que l'employeur, qui ne prouvait pas le refus de l'intéressée d'accepter les nouvelles conditions de garde de l'enfant qui lui avaient été proposées, ne justifiait pas de l'impossibilité de maintenir le contrat de travail pour un motif étranger à la grossesse ou à l'accouchement. Telle est la solution dégagée par la Chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 31 janvier 2018 (Cass. soc., 31 janvier 2018, n° 16-17.886, F-P+B N° Lexbase : A4693XCS).

En l'espèce, une salariée a été engagée le 1er septembre 2010 en qualité d'assistante maternelle par un couple. Le 19 juillet 2012, ce dernier a notifié à la salariée le retrait de la garde de leur enfant. Par lettre du 30 juillet suivant accompagnée d'un certificat médical de grossesse, la salariée a informé ses employeurs qu'elle était enceinte.

La cour d'appel (CA Angers, 29 mars 2016, n° 14/00228 N° Lexbase : A5622RAH) ayant déclaré nulle la rupture du contrat de travail, l'employeur s'est pourvu en cassation.

Cependant, en énonçant la règle susvisée, la Haute juridiction rejette le pourvoi en application de l'article L. 1225-5 du Code du travail (N° Lexbase : L0856H9L) (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E3337ETR et N° Lexbase : E3343ETY).

newsid:462619

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