La lettre juridique n°427 du 10 février 2011

La lettre juridique - Édition n°427

Éditorial

Inavouables motifs du renvoi de la QPC sur la motivation des arrêts d'assises : l'arroseur arrosé

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N3503BR8

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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication

Le 27 Mars 2014


Si, dans la mythologie cinématographique, la question prioritaire de constitutionalité relative à la garde à vue peut être comparée à l'arrivée d'un train en gare de La Ciotat, en qualité de premier vrai succès judiciaire de l'ère post-QPC et eu égard à la peur suscitée sur les bancs gouvernementaux par l'effondrement du régime policier, la question de la motivation des arrêts d'assises risque bien d'avoir comme sous-titre tout aussi célèbre : l'arroseur arrosé.

En 52 secondes, l'arrivée d'un train en gare de La Ciotat contient toute la grammaire du cinéma : on y trouve un plan d'ensemble, une superbe profondeur de champ, mais aussi un plan américain, un plan rapproché, un gros plan et même un très gros plan. En quelques lignes, la décision du 30 juillet 2010 contient toute l'essence de la réforme constitutionnelle de 2008, la confrontation d'une mesure séculaire aux droits et libertés garantis par le bloc de constitutionnalité, une condamnation du régime de la garde à vue de droit commun, des prescriptions utiles au Gouvernement pour revoir, enfin, sa copie ; le tout orchestrant une bombe médiatique, une révolution juridique et, en l'espèce, pénale, comme le court-métrage de 1895 avait pu le faire au sujet de l'avènement de l'ère cinématographique.

Pour autant, la question de la conformité de l'absence de motivation des arrêts d'assises à la Constitution, enfin renvoyée devant le Conseil constitutionnel, par deux arrêts de la Chambre criminelle de la Cour de cassation, le 19 janvier 2011, ne devrait pas être en reste de notoriété et emprunte beaucoup à ce jardinier de La Ciotat -lieu de villégiature des frères Lumière- dont un jeune chenapan se joue.

Accusée, par le Gouvernement, d'obstruction en juillet 2010, pour ne pas renvoyer suffisamment de questions prioritaires et jouant de son rôle de filtre avec un peu trop de zèle aux yeux du Conseil constitutionnel, lui-même ; pire, adressant une question préjudicielle sur la conformité du dispositif de la QPC avec les règles communautaires et le contrôle de conventionnalité européen ; les pendules du Quai de l'Horloge une fois mises à l'heure, la Haute juridiction aura bien retenu la leçon et sacrifié au bon déroulement de la procédure, jusqu'à ce revirement des plus spectaculaires sur la question de la motivation.

En effet, le 9 juillet 2010, la Cour de cassation n'avait pas souhaité renvoyer cette question devant les Sages du Palais Royal, estimant que, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, elle n'était pas nouvelle. Six mois plus tard, la question fréquemment invoquée devant la Cour de cassation et portant sur la constitutionnalité des dispositions des 349, 350, 353 et 357 du Code de procédure pénale dont il se déduit l'absence de motivation des arrêts de cour d'assises statuant, avec ou sans jury, sur l'action publique, présente un caractère nouveau au sens que le Conseil constitutionnel donne à ce critère alternatif de saisine...

Mais, quels sont donc, dès lors, les véritables motifs de ce revirement sur la question de la motivation, outre les voix strasbougeoises de plus en plus opressantes, à la faveur de cet arrêt du 16 novembre 2010, intimant peu ou prou une motivation des arrêts en matière pénale ? Disons que la Cour de cassation a beau être insulaire, elle n'en est pas moins informée des dernières lubies présidentielles. Et, lorsque le Président de la République annonce, à l'automne 2010, qu'il souhaite introduire des jurés populaires en correctionnelle en sus des assises, le sang de nombre de professionnels du droit, magistrats et avocats en tête, n'a fait qu'un tour. Et, le calendrier de la réforme semble s'accélérer, puisque le 3 février 2011, le Président de la République prévoyait la mise en place de ces jurys pour la fin de l'année, haranguant la foule, lors d'un déplacement à Orléans, avec le réalisme qu'on lui connaît : "Imaginez qu'avant la fin de l'année, certains parmi vous seront tirés au sort pour siéger une semaine durant au sein du tribunal correctionnel de votre département". "C'est vous qui donnerez votre avis sur le quantum des peines à appliquer à tel ou tel délinquant".

Et, c'est là que le bât blesse ! Au secours des magistrats et des avocats opposés à une telle réforme, les articles 7, 8, 9 et 16 de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen, et la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme, relatifs au droit à une procédure juste et équitable, à l'égalité devant la loi et à l'égalité devant la justice pourraient sonner le glas des jurés populaires. Car, avec la motivation obligatoire des arrêts d'assises, et par extension des arrêts rendus en correctionnelle si la réforme aboutissait, c'est toute l'économie du dispositif qui tombe à l'eau, rayant de la carte judiciaire l'intime conviction de ces jurés populaires chargés de se prononcer sur la culpabilité d'un prévenu et sur l'adéquation de la peine aux actes condamnés, mais en aucun cas d'expliciter les raisons ayant conduit à leur décision. Et, l'on ne peut pas dire que le serment de l'article 304 du Code de procédure pénale rassure les coeurs et, surtout, assure le respect des droits de la défense.

Le devoir d'attention, le devoir d'impartialité et l'interdiction de manifester son opinion, l'interdiction de communiquer, le secret des délibérations, le droit à l'information, le droit de poser des questions et le droit de prendre des notes : tout cela sert incontestablement à juger selon une intime conviction, mais en aucun cas à juger en droit, comme le ferait un magistrat professionnel.

Remarquons que la manoeuvre est coutumière : introduit sous la Révolution française, en l'an II, les jurys populaires adjoints aux magistrats professionnels permettaient de placer la justice sous le contrôle direct du Peuple, le pouvoir se montrant méfiant face à ces cadres de la justice issus, pour bon nombre, de l'Ancien régime, aux offices parlementaires pas toujours conformes aux aspirations révolutionnaires de l'époque. Et, chacun de pouvoir jouer les Fouquier-Tinville, avec la démagogie que l'on pouvait prêter à l'accusateur public... Remarquons, encore, que l'annonce de cette réforme, alors que l'on évoquait, au contraire, courant 2009, la disparition des jurés populaires au sein des assises, intervient dans un climat tendu entre le Gouvernement et la magistrature, à la suite d'une réforme de la carte judiciaire décriée et de multiples provocations, dont la réaction présidentielle à l'affaire "Laetitia" constitue le dernier mouvement en date. Les mêmes causes provoquant souvent les mêmes effets... l'introduction des jurés populaires en matière correctionnelle semble marquer le pas d'une méfiance persistante entre les politiques et la magistrature.

"Mettre en place des jurés populaires, c'est faire en sorte que nos concitoyens s'approprient la justice, la comprennent. [...] Il y a une complémentarité entre le magistrat et le citoyen" disait Michel Mercier (le nouveau Garde des Sceaux), lors de l'audience solennelle de rentrée de la promotion 2011 de l'ENM, le 1er février 2011. Mais, cette appropriation est-elle synonyme d'une meilleure justice ? Assure-t-elle plus de droit ? Où a-t-on vu que l'intime conviction, puisqu'une vulgarisation juridique dans un monde complexe et global est hors de question, est synonyme de contradictoire, de respect des droits de la défense ? Où a-t-on vu que le droit n'était pas l'affaire de professionnels aguerris malgré l'adage "nemo censitur ignorare legem" ?

Alors, les magistrats, au coeur du jeu de la société, s'adonnant, parfois, aux échecs avec le Gouvernement, n'auront pas brillé par la complexité de leur attaque ; mais un "coup du berger" peut être plus fatal qu'un "gambit de dame néo-orthodoxe" ! Autrement dit, quel plus sûr moyen de confondre cette réforme des jurés populaires en correctionnel aux oubliettes, que de provoquer l'inconstitutionnalité même du système. Le déplacement des pièces sur l'échiquier est à prévoir : si le Conseil constitutionnel déclare l'absence de motivation contraire aux droits et libertés, celle-ci deviendra obligatoire en assises, comme pour toute autre décision de justice. Or, demander aux jurés de motiver leurs décisions, c'est vouloir faire d'eux en trois semaines, ce qu'une carrière entière, après l'ENM, peut accomplir : de bons magistrats jugeant en droit, dans le respect des droits de la défense et du contradictoire, pour l'administration d'une justice indépendante et impartiale... Gageure que tout cela.

Cela ne suffisait pas que les magistrats jugent au nom du Peuple français ; encore fallait-il que ce Peuple fasse acte de présence au sein des tribunaux en matière pénale, après avoir envahi les prétoires de proximité, avec le succès qualitatif que l'on sait. Si le sauvetage des jurés populaires passe par une liste de questions posées si précises, et donc si techniques, qu'elles conviennent à satisfaire la motivation tant attendue, quel intérêt de conserver un dispositif révolutionnaire aux aspirations plus dogmatiques qu'efficaces ? Mais l'on n'en serait pas à un premier dogme qui perdure malgré son inefficacité ; l'heure du "bouclier populaire" comme pour se dédouaner d'une justice sous-alimentée aura peut-être sonné...

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Avocats/Institutions représentatives

[Questions à...] Quelle gouvernance pour la profession de demain ? Entretien avec... Madame le Professeur Marie-Anne Frison-Roche

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par Elizabeth Menesguen, Ancien Bâtonnier du Barreau du Val de Marne, Membre du Bureau de la Conférence

Le 15 Février 2011

On ne présente pas Marie-Anne Frison-Roche, son cursus universitaire et sa carrière professionnelle parlent pour elle : licenciée en philosophie, titulaire d'un DEA de droit privé, d'un DEA de droit processuel, d'un doctorat d'Etat en droit privé et sciences criminelles, elle achèvera ses études en étant agrégée "major" du Concours d'agrégation de droit privé et des sciences criminelles. Professeur à l'Université d'Angers puis à celle de Paris-Dauphine, elle enseigne aujourd'hui à Sciences Po (Paris). Elle a fondé en 2009 The Journal of Regulation. Son propos est d'établir une doctrine cohérente, à la fois juridique, économique et politique, aboutissant à la construction d'un droit autonome de la régulation, commun à tous les secteurs régulés. Cette vision transversale l'amène à être fréquemment sollicitée par des Gouvernements, des entreprises et des "régulateurs". La Conférence des Bâtonniers de France et d'Outre-Mer est de ceux-là ; le débat récurrent qui anime la profession d'avocat s'agissant de la gouvernance l'a tout naturellement conduite à se tourner vers elle : quelle gouvernance pour la profession de demain ? A cette question, et à quelques autres, Madame Frison-Roche a bien voulu répondre. Elle l'a fait avec la pertinence et la simplicité qui sont l'apanage des grands esprits. Qu'elle en soit ici chaleureusement remerciée. Elizabeth Menesguen : Madame le Professeur, en septembre 2010, lors du séminaire de la Conférence des Bâtonniers qui s'est tenu à Carcassonne, séminaire que vous aviez bien voulu honorer de votre présence, le Bâtonnier Jean-Luc Forget avait récusé le terme de "gouvernance" ; ce mot, disait-il, n'était pas heureux : il traduirait une certaine "arrogance" du pouvoir à l'égard de ceux qu'il prétend servir.  Comment définiriez-vous la "gouvernance" ?

Marie-Anne Frison-Roche : La gouvernance est au contraire un terme utile qui désigne une nouvelle façon de faire tenir des équilibres qui ne s'établissent et ne se maintiennent pas spontanément. Ce que Michel Foucault a désigné comme la "gouvernementalité" est l'art nouveau d'obtenir des personnes qu'elles adoptent des comportements conformes. Jadis, cela procédait de l'obéissance du "gouvernement". La "gouvernance" est plus douce et exprime une adhésion de celui à qui s'applique la règle, ce qui conduit à voir en lui la source de la contrainte et non l'objet. En cela, l'adhésion à des valeurs communes, exprimées par celui en qui le professionnel se reconnaît, est une forme moderne de gouvernance : l'organisation par les Ordres en est un exemple.

Elizabeth Menesguen : La norme hiérarchique serait donc étrangère à la gouvernance de la profession d'avocat. Elle se caractériserait par une adhésion à un ensemble de valeurs éthiques dont les Ordres seraient les gardiens. Mais cette construction vous paraît-elle encore viable dans un système marchand ?

Marie-Anne Frison-Roche : Le système marchand est tout d'abord un espace concurrentiel dans lequel les agents économiques prennent des risques pour obtenir des profits, selon la définition classique du contrat de société de l'article 1832 du Code civil (N° Lexbase : L2001ABQ). Mais lorsque l'argent cesse d'être le moyen d'échange pour devenir l'objet d'échange, par la financiarisation de l'économie, le risque devient un danger pour le système économique lui-même. Des historiens comme Fernand Braudel l'ont démontré. Les agents économiques "achètent" alors la confiance dont ils ont besoin. Une profession qui peut apporter, par son seul titre, une telle confiance a une considérable valeur de marché. Les Ordres sont les garants de cette valeur. La déontologie est l'avenir de marchés fragilisés par l'aléa moral.

Elizabeth Menesguen : A votre sens donc, les Ordres ne constitueraient pas des survivances archaïques, ils seraient au contraire des "régulateurs"...

Marie-Anne Frison-Roche : Peu importe de savoir si les Ordres sont ou non ancrés dans le passé dans la mesure où les marchés, par nature ouverts et se renouvelant sans cesse, sont aptes à faire table rase : cela ne suffit plus à les légitimer mais cela ne les "plombent" pas non plus, dès l'instant qu'ils sont adéquats.

Or, ils le sont s'ils émettent des normes de comportements dans lesquels les professionnels se reconnaissent, auxquelles les avocats adhèrent, ce qui pose le problème de l'unité de cette profession, et qui permet la confiance accordée par les tiers.

La discipline achève de construire la crédibilité de la profession, théorie de la crédibilité dont les économistes ont montré toute l'importance, sans la restreindre à la seule expertise technique.

Elizabeth Menesguen : Vous n'ignorez cependant pas que les dimensions des Ordres sont diverses et que certains, faute de moyens économiques, font difficilement face à leurs missions de formation, de communication et de prévoyance... Sur ce point, les conclusions de la Commission présidée par Maître Jean-Michel Darrois sont terribles...

Marie-Anne Frison-Roche : Le constat est une chose, la reconstruction des causalités en est une autre. En effet, si les missions de formation, pour ne prendre que celles-ci parce qu'elles sont premières et que la profession doit être en première ligne en la matière, ne sont pas pleinement assurées, quelles en sont les causes ? La dimension des Ordres ?

Dans un tel cas, si la cause est celle-là, le remède est alors une mutualisation des procédés, leur modernisation par la technologie.

Si la cause est autre, par exemple un décalage entre ce qui doit être appris -un état d'esprit, une sensibilisation aux valeurs propres de la profession- alors la question de la dimension n'a guère de pertinence.

En revanche, celle de déterminer qui doit enseigner devient première : quelqu'un intérieur ou extérieur à la profession ? Quelqu'un du même âge ou d'une génération précédente ? etc..

Dans l'échauffement des discussions autour d'une profession qui semble effrayée par ses chiffres, cette reconstitution à froid des causalités semble manquer.

Elizabeth Menesguen : Maintien des Ordres locaux donc (même si certains mériteraient d'être redimensionnés) et renforcement de la représentation nationale, n'est-ce pas antinomique ?

Marie-Anne Frison-Roche : Un esprit cartésien dirait en effet que l'on ne peut pas vouloir une telle chose et son contraire, c'est-à-dire ici des Ordres locaux dont on renforce l'implantation historique et une structure nationale où les mêmes professionnels se retrouveraient. Il y aurait pléonasme.

Face à cette "faute" de construction, il faudrait choisir, sans doute entre la proximité et la légitimité historique d'une part, l'unité nationale face à l'étendue du marché du droit et la légitimité expertale d'autre part.

Mais voyons plutôt le paysage comme un jardin anglais. En effet et au contraire, l'un n'empêche pas l'autre. D'un côté, il convient que les avocats trouvent localement des structures ordinales, celles-là mêmes qui peuvent transmettre les "signaux faibles" par lesquels une culture professionnelle peut être conservée dans un contexte contraire de marché et que dans le même temps, ils disposent d'une structure d'une nature différente, d'une ampleur plus grande ne prenant pas la forme précédente du réseau, dans laquelle s'élabore une doctrine plus abstraite sur la profession.

Il me semble donc que les deux doivent être renforcés. Le renforcement de l'un ne se paie pas par l'affaiblissement de l'autre, de la même façon que la puissance des marchés ne se paie pas par l'affaiblissement de la déontologie et de la spécificité du métier d'avocat, bien au contraire en raison du rôle de la confiance dans les marchés.

Elizabeth Menesguen : D'aucuns songent à la nécessité d'un échelon intermédiaire -barreau de cour, ordre régional ou autre...-. Cette idée vous paraît-elle pertinente ?

Marie-Anne Frison-Roche : Il est difficile pour un regard par trop extérieur comme le mien d'avoir un avis éclairé sur une telle question. En effet, il s'agit de prendre position sur le "juste maillage" de la régulation de la profession, notamment de l'adéquation du plus ou moins petit ou grand "quadrillage" ordinal par rapport au territoire.

Mais ce sur quoi il convient de réfléchir, comme vous le faites dans la façon dont vous formulez l'interrogation, ce sont les éléments qui constituent les deux termes de la mesure : ainsi, si l'on fait prédominer le critère géographique, l'on se rapprochera plutôt de la région, si l'on met en premier le critère substantiel, l'on choisit le critère de la juridiction, c'est-à-dire la cour d'appel. En outre, suivant que la concentration prend le calque du découpage administratif (département, région, etc.), plus l'avocature est conçue comme un service de l'Etat. Le poids de l'aide juridictionnelle y incite. Enfin, la régulation économique ne cessant d'osciller entre les deux schémas, on peut concevoir une centralisation des Ordres, comme vous l'évoquez par exemple à l'hypothèse d'Ordres régionaux, ou bien une mise en réseau des Ordres, déjà effective à travers la Conférence. Ce modèle-ci est utilisé systématiquement en régulation économique.

Elizabeth Menesguen : Diriez-vous que les Ordres ne rempliront leur rôle "régulateur" qu'autant qu'ils sauront mutualiser leurs moyens ?

Marie-Anne Frison-Roche : Là encore, les Ordres sont les mieux placés pour répondre à ces questions d'expertise, mais il me semble qu'on ne régule bien, tâche complexe, qui jouxte la gouvernance et exige de connaître et d'instruire, que si l'on dispose des moyens matériels et de l'organisation efficace requis.

En outre, les Ordres doivent conforter la crédibilité de l'avocat, en tant qu'il appartient à cette profession-là. Pour inspirer confiance, donner les informations, agir d'une façon transparente, avoir la vigilance disciplinaire que l'on attend d'eux, les Ordres doivent avoir des moyens suffisants. Si cela doit passer par la mutualisation, pourquoi pas. Simplement, il convient que cette mutualisation, dont on trouve aussi de nombreux exemples en régulation économique, n'entame pas le coeur de la fonction de chaque Ordre pris en tant que tel, c'est-à-dire gardien de l'identité de l'avocat, en tant que celui-ci adhère à un ensemble de valeurs déontologiques, reconnues par le marché et au titre desquelles celui-ci lui accorde sa confiance.

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Avocats/Responsabilité

[Chronique] La Chronique de responsabilité des avocats de David Bakouche, Agrégé des Facultés de droit, Professeur à l'Université Paris-Sud (Paris XI) - Février 2011

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N3568BRL

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Le 15 Février 2011

Lexbase Hebdo - édition professions vous propose, cette semaine, la Chronique de responsabilité des avocats de David Bakouche, Agrégé des Facultés de droit, Professeur à l'Université Paris-Sud (Paris XI). Au sommaire de cette nouvelle chronique seront présentés, d'une part, un arrêt rendu le 6 janvier 2011 par la première chambre civile de la Cour de cassation qui énonce que l'avocat séquestre commet une faute de nature à engager sa responsabilité en libérant prématurément les fonds (Cass. civ. 1, 6 janvier 2011, n° 09-72.509, F-D) ; d'autre part, l'auteur a porté son choix sur un jugement du TGI de Paris du 20 octobre 2010 qui, pour exonérer un avocat de sa responsabilité dans le cadre de propos diffamatoires, retient la bonne foi (TGI Paris, 17ème ch., 20 octobre 2010, n° 10/10543).
  • L'avocat séquestre commet une faute de nature à engager sa responsabilité en libérant prématurément les fonds (Cass. civ. 1, 6 janvier 2011, n° 09-72.509, F-D N° Lexbase : A7509GNG)

Il est parfaitement acquis que l'avocat ne peut recevoir de fonds que pour le compte de ses clients et procéder à des règlements pécuniaires qu'accessoirement aux actes juridiques ou judiciaires qu'il accomplit dans le cadre de son exercice professionnel. Telle est, en effet, la conséquence que la jurisprudence tire des dispositions de la loi du 31 décembre 1971 et du décret du 27 novembre 1991 , en l'occurrence, de l'article 53, 9° de la loi et de l'article 229 du décret (1). Mais il n'est pas rare que, les conditions prescrites par ces textes se trouvant satisfaites, des fonds soient remis à l'avocat constitué séquestre. La mission du séquestre étant multiple, les risques de voir sa responsabilité engagée s'en trouvent naturellement accrus, a fortiori lorsque le séquestre est un professionnel du droit. Ainsi a-t-il été jugé que commet une faute dont il doit réparation l'avocat rédacteur de l'acte de vente d'un fonds de commerce et séquestre du prix qui, un an plus tard, n'a toujours pas remis les fonds perçus ni présenté les billets à ordre échus en paiement, ni enregistré, ni publié l'acte de vente, négligences qui ont retardé d'autant le paiement des créanciers et l'homologation du concordat de son client en règlement judiciaire, privant celui-ci d'une partie de son crédit moral et financier (2). Ou bien encore, en tant que mandataire professionnel salarié, un conseil juridique ayant rédigé l'acte de revente d'un fonds de commerce par des acquéreurs qui restaient redevables aux vendeurs d'une partie du prix peut-il voir sa responsabilité engagée au motif qu'étant détenteur d'une partie des fonds provenant de la vente dont il avait été constitué séquestre, il avait l'obligation, ayant constaté que le total des oppositions était supérieur à la somme séquestrée, de pratiquer sans délai la notification de purge des privilèges et nantissements inscrits sur le fonds, purge qui aurait libéré celui-ci de toutes les inscriptions le grevant et qu'il aurait pu réaliser pendant les cinq mois ayant séparé la vente du fonds du jugement prononçant la liquidation des biens des premiers acquéreurs, et que, en tout état de cause, il ne pouvait se dessaisir des fonds sans l'accord de ses mandants qu'il devait auparavant éclairer sur le risque qu'ils couraient et que son mandat prévoyait d'ailleurs qu'en cas de difficultés, il devait déposer les fonds à la Caisse des dépôts et consignations (3). Un arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation en date du 6 janvier dernier, retenant la responsabilité civile d'un avocat séquestre de fonds dans le cadre d'une opération de cession d'actions, mérite, bien qu'inédit, d'être ici rapidement signalé.

Sans revenir sur le détail des faits à l'origine du litige, ceux-ci ayant déjà été signalés (4), il suffit ici de redire que, pour la réalisation d'une cession d'actions, le cessionnaire avait remis à un avocat constitué séquestre des fonds dans l'attente, d'une part, de la conclusion de l'acte de cession au prix définitivement arrêté par les parties en fonction de l'évolution comptable de la société et, d'autre part, de la levée d'un nantissement consenti par l'un des cédants. Or l'avocat, ayant estimé la cession parfaite, avait remis les fonds déposés aux différents cédants, finalement placés redressement puis en liquidation judiciaires. C'est dans ce contexte que le cessionnaire a engagé une action en responsabilité contre l'avocat, lui reprochant de s'être prématurément dessaisi des fonds. Et la Cour de cassation d'approuver les seconds juges d'avoir fait droit à cette demande en décidant que "la cour d'appel, par motifs propres et expressément adoptés, a d'elle-même constaté qu'en l'absence d'accord définitif sur le prix de cession des actions, le séquestre s'était dessaisi des fonds sans y être autorisé et sans s'être préalablement assuré de la levée du nantissement consenti par la SOT, vérification qui lui incombait contractuellement ; qu'ayant ainsi relevé que les fonds avaient été prématurément libérés, le juge du fond a pu en déduire que le préjudice subi par le déposant correspondait à la somme non représentée, justifiant ainsi sa décision sur la caractérisation du dommage et du lien de causalité, dès lors que la victime n'était nullement tenue de prendre des garanties en complément du séquestre convenu".

Sans doute la faute du séquestre peut-elle avoir été commise au stade de l'encaissement des fonds. La jurisprudence en donne quelques exemples. Sous cet aspect, il appartient au notaire qui a reçu la promesse de vente le constituant dépositaire du montant de l'indemnité d'immobilisation conformément à l'article 1956 du Code civil (N° Lexbase : L2179ABC) de respecter les règles comptables de sa profession en procédant à son encaissement et, même s'il ne veut pas donner à cette affaire les suites pénales qu'elle comporte, d'aviser les parties intéressées de l'insuffisance de provision du chèque, ce qui aurait alors délié les promettants de toute obligation sans attendre la date contractuellement prévue pour la levée de l'option (5). Ou bien encore commet lui aussi une faute engageant sa responsabilité l'agent immobilier qui n'a pas vérifié les ressources du bénéficiaire mentionnées dans l'acte d'une promesse de vente et qui s'est abstenu de séquestrer la somme prévue à la promesse (6).

Différemment, comme l'illustre d'ailleurs l'arrêt du 6 janvier dernier, la faute peut avoir été commise au stade de la restitution des fonds. Le séquestre ne doit ainsi pas libérer les fonds sans avoir vérifié que toutes les conditions permettant une telle libération sont réunies. Commet, dès lors, une faute le rédacteur d'acte qui avait pour mission de rédiger un contrat de prêt et d'achat de bail et qui s'est dessaisi des fonds sans acquérir la certitude d'une garantie de premier rang au profit du prêteur et de la signature concomitante des actes (7). Dans le même ordre d'idées, en l'état d'une promesse de cession de parts sociales assortie d'un dédit dont le montant avait été remis par un des contractants entre les mains d'une personne constituée séquestre, à charge par elle d'en verser une partie à un créancier de la société, une cour d'appel a caractérisé les fautes commises dans l'exécution du contrat de séquestre lorsqu'elle relève que le séquestre a disposé du dédit reçu, alors qu'aucune des conditions préalables à la cession n'avait été remplie par l'autre contractant, en le versant à ce dernier et non, comme il était convenu, au créancier de la société et seulement à concurrence de la somme prévue (8). Ou bien encore, toujours à titre d'exemple, a-t-il été jugé qu'en restituant au vendeur le prix de vente d'un fonds de commerce qui avait été séquestré, le banquier avait commis une faute et avait violé les dispositions du contrat de dépôt par lequel il était convenu que les sommes n'étaient débloquées que dans certaines conditions (9).

Le constat est avéré : le séquestre doit se montrer prudent et diligent dans la répartition des fonds. Le fait qu'il s'agisse d'un professionnel du droit incite sans doute les magistrats à se montrer exigeants à son égard, ce qui, somme toute, peut se justifier. Ainsi, à propos d'un notaire, la cour d'appel de Paris, dans un arrêt rendu le 11 mars 2010, a décidé que, s'agissant de la non-réalisation par acte authentique de la vente d'un bien immobilier sous condition suspensive d'obtention d'un prêt, le notaire en cause, désigné séquestre, a commis une faute qui a fait obstacle au droit des vendeurs de percevoir le montant du séquestre dans la mesure où il a libéré la somme séquestrée entre les mains des acquéreurs en dépit de l'interdiction formelle des vendeurs alors que la condition suspensive a défailli par la faute des acquéreurs engagés sous cette condition (10). Et, pour un avocat, la même cour d'appel a jugé que celui qui s'était engagé comme séquestre à ne délivrer les fonds qu'une fois tranchée définitivement la question de savoir qui était le tuteur des enfants auxquels les fonds étaient destinés, a commis une faute en les donnant à une personne qui était sans qualité pour les recevoir, sans recueillir auparavant l'accord de la compagnie d'assurance auprès de laquelle il était institué séquestre (11). Dans ces conditions, rien d'étonnant, donc, à ce que la première chambre civile de la Cour de cassation, dans l'arrêt du 6 janvier dernier, qui participe au fond de la même logique, ait décidé que la responsabilité de l'avocat qui avait prématurément libéré les fonds devait être engagée.

  • Les propos diffamatoires d'un avocat passionné... donc de bonne foi ! (TGI Paris, 17ème ch., 20 octobre 2010, n° 10/10543 N° Lexbase : A0458GMW)

En marge de l'affaire "Bettencourt", dont les médias se sont, pendant des mois, largement fait l'écho, au point d'ailleurs que, fût un temps, il ne s'écoulait plus une journée sans que l'on soit tenu informé des derniers développements, sinon des derniers rebondissements du conflit opposant la célèbre milliardaire à sa fille, un litige a fini par opposer les avocats des deux parties, en l'occurrence, Maître Y et Maître X, dont la 17ème chambre du tribunal de grande instance de Paris, "chambre de la presse" selon l'expression, a eu à connaître.

Les faits sont, désormais, bien connus : l'ancien Garde des Sceaux de François Mitterrand avait, dans une interview parue dans Le Journal du Dimanche le 20 juin 2010, dénoncé un "complot organisé de longe date" dont "le cerveau [...] s'appelle [X]" et, dans le même entretien, accusé la cliente de Maître X de "faire mourir sa mère à petit feu". Il avait encore soutenu que celle-ci était à l'origine des écoutes clandestines réalisées par l'ancien majordome de Madame B., dans lesquelles précisément Maître Y apparaît. C'est dans ce contexte que Maître X avait assigné son confrère pour diffamation devant le tribunal de grande instance de Paris. Lors de l'audience, le premier avait ainsi fait valoir que "la liberté d'expression a certaines limites. [Me Y] m'a souvent critiqué, c'est son droit", "même lorsqu'il m'a menacé de me baffer devant le tribunal correctionnel de Nanterre, je n'ai rien dit. Mais je ne peux accepter qu'on puisse laisser penser que je serais capable de faire espionner, de trahir la vie privée".

Le tribunal, pour commencer, a rappelé que l'article 29 de la loi du 29 juillet 1881 (N° Lexbase : L7589AIW) définit la diffamation comme "toute allégation ou imputation d'un fait qui porte atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne", le fait imputé étant entendu "comme devant être suffisamment précis, détachable du débat d'opinion et distinct du jugement de valeur pour pouvoir, le cas échéant, faire aisément l'objet d'une preuve et d'un débat contradictoire". Et d'ajouter que "le caractère diffamatoire d'une imputation doit s'apprécier en se référant à des considérations objectives, indifférentes à la sensibilité particulière de la personne visée ou aux intentions de l'auteur du propos". Or, au cas d'espèce, le tribunal a considéré que les propos litigieux étaient effectivement diffamatoires puisque portant atteinte "à l'honneur et à la considération", mais a jugé que les imputations diffamatoires, "de droit réputées faites avec intention de nuire", peuvent tout de même "être justifiées lorsque leur auteur établit sa bonne foi en prouvant qu'il a poursuivi un but légitime, étranger à toute animosité personnelle, et qu'il s'est conformé à un certain nombre d'exigences, en particulier de sérieux de l'enquête ainsi que de prudence dans l'expression, ces critères devant être appréciés en fonction du genre de l'écrit en cause". Et, précisément ici, les magistrats parisiens ont estimé que "si les propos de [Me Y] manquent incontestablement de mesure, alors qu'ils ne reposent, pour l'essentiel, que sur des déductions soutenues par sa propre conviction, ils émanent d'un avocat passionné qui consacre toute son énergie à la défense de sa cliente et qui ne saurait restreindre sa liberté d'expression au seul motif qu'il évoque sa cause devant des journalistes au lieu de s'adresser à des magistrats". Aussi bien le tribunal en déduit-il, finalement, que, compte tenu de l'ensemble de ces éléments, "il convient [...] d'accorder le bénéfice de la bonne foi à [Me Y] et de débouter [Me X] et [Mme Z] de l'ensemble de leurs demandes".

La solution, en droit, est tout de même assez originale : la diffamation, au sens de l'article 29 de la loi du 29 juillet 1881, est bien caractérisée, mais elle est en quelque sorte neutralisée par la bonne foi supposée de l'auteur des propos diffamatoires, elle-même déduite des circonstances et de la qualité des intervenants. On avouera avoir un peu de mal à comprendre que "le caractère diffamatoire d'une imputation [doive] s'apprécier en se référant à des considérations objectives, indifférentes à la sensibilité particulière de la personne visée ou aux intentions de l'auteur du propos", mais qu'il faille tout de même tenir compte, subjectivement cette fois, de la passion qui a pu animer l'auteur des propos en raison de son implication, dont personne ne doute d'ailleurs, dans l'affaire pour laquelle il était, en tant qu'avocat, sollicité. Les deux propositions paraissent difficilement conciliables. Il n'est, du reste, pas certain que la solution soit parfaitement cohérente, sauf à pouvoir démontrer, ce qui ne saute pas immédiatement aux yeux, que la passion soit effectivement un critère de la bonne foi.

C'est peut-être, en réalité, que l'explication est ailleurs : comme l'ont observé les magistrats, "les rivalités entre ces deux avocats célèbres, ainsi que leurs violentes oppositions et déclarations tranchées, relèvent surtout d'une stratégie largement médiatisée". Et l'on peut difficilement s'empêcher de penser qu'il y a, dans ce constat, une part de vérité. Au demeurant, le jugement ne manque pas de rappeler que "la liberté de ton et la vivacité dans l'expression avec laquelle le défendeur a réagi dans ses réponses au journaliste doivent être analysées au regard des citations faites par celui-ci des propos [de Me X] lui reprochant de ne pas défendre sa cliente mais 'les prédateurs' et les 'aigrefins' gravitant autour d'elle". En somme, "l'agressivité des accusations de son adversaire, présenté comme 'un guerrier professionnel', [pouvait] justifier l'exagération des propos en réponse". Par où l'on peut légitimement se demander si, plus que la prétendue bonne foi du défendeur, ce n'est pas en définitive la volonté des deux protagonistes de donner dans la surenchère médiatique pour mieux servir leur cause qui explique la solution. On aura, en tout cas, ne serait-ce qu'en s'abritant derrière certaines constatations faites par les magistrats eux-mêmes, du mal à ne pas le concevoir. Beaucoup de bruit pour rien du coup, d'autant que l'on apprenait, dans l'édition d'un quotidien du soir datée du 28 janvier dernier, que Maître X s'était finalement désisté de l'appel qu'il avait formé contre le jugement du tribunal de grande instance de Paris, ce désistement intervenant dans le cadre de l'accord passé entre Madame B. et sa fille d'arrêter toutes les poursuites judiciaires (12).

David Bakouche, Agrégé des Facultés de droit, Professeur à l'Université Paris-Sud (Paris XI)


(1) Cass. civ. 1, 15 mars 2005, n° 03-11.823, F-P+B (N° Lexbase : A2983DHX), Bull. civ. I, n° 129 ; Cass. civ. 1, 29 novembre 2005, n° 02-20.904, FS-P+B (N° Lexbase : A8325DLW), Bull. civ. I, n° 448.
(2) CA Paris, 1ère ch., sect. A, 1er février 1989, D., 1989, IR, p. 62.
(3) Cass. com., 19 décembre 1977, n° 76-10.176 (N° Lexbase : A2021CIP), Bull. civ. IV, n° 299, RGAT, 1978, p. 545.
(4) Lire (N° Lexbase : N1629BRR).
(5) CA Paris, 1ère ch., sect. A, 27 octobre 1992 ; comp. CA Aix-en-Provence, 1ère ch. civ., sect. B, 24 juin 1999, n° 95/17399 : réception d'un chèque sans provision, non versement du chèque au compte séquestre, non délivrance de reçu, restitution du chèque à l'acquéreur sans l'accord des vendeurs. CA Paris, 1ère ch., sect. A, 18 février 2002, n° 1999/24226 : non vérification de la provision du chèque et non encaissement de celui-ci. CA Paris, 16ème ch., sect. A, 8 janvier 2003, n° 2000/15011 (N° Lexbase : A9532A4S) : non encaissement du chèque. CA Douai, 1ère ch., sect. 1, 15 mars 2004, n° 02/01857 : non encaissement du chèque dans un délai raisonnable.
(6) CA Paris, 2ème ch., sect. B, 9 octobre 2003, n° 2003/03156.
(7) CA Paris, 15ème ch., sect. B, 22 octobre 1999, n° 1996/13321.
(8) Cass. com., 12 février 1979, n° 77-15.054 (N° Lexbase : A1311CHZ), Bull. civ. IV, n° 59.
(9) CA Montpellier, 2ème ch., sect. A, 26 juillet 2000, n° 99/0004385.
(10) CA Paris, Pôle 4, 1ère ch., 11 mars 2010, n° 08/23161 (N° Lexbase : A0218EUM).
(11) CA Paris, 1ère ch., sect. A, 7 février 2006, n° 04/10218 (N° Lexbase : A1910DH9).
(12) Le Monde, 28 janvier 2011.

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Droit financier

[Questions à...] 2011 : année du renforcement des obligations mises à la charge des sociétés cotées ? - Questions à Maître Julia Noir, avocat au barreau de Paris, associée fondatrice du cabinet Noir & Associés

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N3559BRA

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par Vincent Téchené, Rédacteur en chef de Lexbase Hebdo - édition affaires

Le 15 Février 2011

L'année 2010 et le début de l'année 2011 auront été, à n'en pas douter, une période riche pour le droit des sociétés cotées. Les interventions législatives et réglementaires en la matière dont le leitmotiv est assurément "toujours plus de transparence", tout comme les nombreuses recommandations et instructions de l'Autorité des marchés financiers confortent le sentiment selon lequel le droit des sociétés cotées tend toujours plus à devenir un droit de l'information financière. Le domaine d'intervention est complexe, les textes épars, et l'accumulation des normes, même si elle a pour objectif d'assurer la sécurité des marchés et des acteurs, ne rend certainement pas la matière plus accessible ni plus intelligible. Les principaux derniers textes publiés et qui seront applicables au cours de l'année 2011 imposent-ils aux sociétés cotées un véritable renforcement des obligations qui sont mises à leur charge ? Pour tenter de répondre à cette question, Lexbase Hebdo - édition affaires a rencontré une praticienne spécialiste de la matière, Maître Julia Noir, avocat au barreau de Paris, associée fondatrice du cabinet Noir & Associés (1), qui a accepté de répondre à nos questions.




Lexbase : Quelles sont les nouvelles obligations qui s'appliqueront en 2011 aux sociétés cotées et que ces dernières doivent impérativement prendre en compte ?

Julia Noir : L'essentiel des nouvelles obligations résident dans les mesures en faveur des droits des actionnaires (décret n° 2010-684 du 23 juin 2010, relatif aux droits des actionnaires de sociétés cotées N° Lexbase : L6202IMN ; ordonnance n° 2010-1511 du 9 décembre 2010, portant transposition de la Directive 2007/36/CE du 11 juillet 2007 concernant l'exercice de certains droits des actionnaires de sociétés cotées N° Lexbase : L8793INY et décret n° 2010-1619 du 23 décembre 2010, relatif aux droits des actionnaires de sociétés cotées N° Lexbase : L9907INA), qui sont applicables dès les assemblées générales de 2011. Les principales nouveautés sont les suivantes.

D'abord, le texte crée la possibilité, pour tout actionnaire, de faire inscrire des points à l'ordre du jour de l'assemblée, même s'ils n'impliquent pas le vote de résolutions mais simplement des explications (C. com., art. L. 225-105 N° Lexbase : L8827INA). Ce changement est radical et primordial pour les actionnaires de sociétés cotées. L'actionnaire peut donc désormais imposer à l'assemblée d'aborder certains sujets, même sans liens avec l'ordre du jour initial fixé par le conseil d'administration. Afin d'éviter tout abus, le texte soumet cette possibilité à des conditions de détention d'un nombre minimum d'actions et impose que les demandes soient motivées ; il frappe cependant de nullité les décisions prises en violation de ces dispositions. Enfin, les points mis à l'ordre du jour par les actionnaires doivent être publiés sur le site internet de l'émetteur, accompagnés de l'avis (ou de la réponse) du conseil d'administration (C. com., art. R. 225-73-1 N° Lexbase : L9873INY).

Ensuite, le contenu de l'avis de réunion et de l'avis de convocation pour les sociétés cotées sur Euronext et Alternext ont été modifiés (C. com., art. R. 225-73 N° Lexbase : L9872INX). Le texte prévoit de nouveaux contenus pour ces avis, il est donc important pour les sociétés de ne pas réutiliser l'avis de l'année précédente, mais de reprendre mot à mot le nouveau texte pour compléter et modifier ces avis de réunion et de convocation pour l'AGOA 2011. Cette réforme est, par ailleurs, intéressante car elle tend à imposer de nouveau la distinction entre "avis de réunion" et "avis de convocation". Jusque-là, la pratique voulait que l'on utilise un "avis de réunion valant convocation". Le nouveau texte énonce clairement que l'avis de convocation doit être précédé de l'avis de convocation. Il semble donc que la pratique de l'"avis de réunion valant convocation" ne puisse être perdurée pour les AGOA 2011, dans l'attente d'une précision sur l'interprétation de ce texte pour les assemblées ultérieures.

En outre, l'article L. 225-109 du Code de commerce (N° Lexbase : L5980AIC) impose la mise au nominatif des actions détenues par les mandataires sociaux et les cadres disposant d'un accès à l'information privilégiée. Le texte vise également les conjoints non séparés de corps et enfants mineurs de ces personnes et couvre non seulement les titres de l'émetteur, mais également de toutes ses filiales. La mise au nominatif doit intervenir dans le mois suivant la prise de fonction ou, en cas d'acquisition de nouvelles actions, dans les 20 jours de l'entrée en possession des titres. L'obligation est sanctionnée par une amende de 9 000 euros.

Le texte réaffirme, par ailleurs, l'obligation, pour chaque émetteur, d'avoir un site internet et de l'actualiser régulièrement (C. com., art. R. 210-20 N° Lexbase : L6264IMX).

Enfin, il est a noté que de nouvelles conditions pour l'exercice des mandats sont prévues. En effet, désormais, un actionnaire peut donner mandat à toute personne de son choix, les textes précisant les obligations qui pèsent sur les personnes faisant "appel public à mandat" (C. com., art. L. 225-106 N° Lexbase : L8828INB et s. et C. com., art. R. 225-82-1 N° Lexbase : L9857INE et s.).

Il convient également de ne pas oublier les recommandations AMF, publiées en 2010, qu'il est fortement conseillé de suivre, même si elles n'ont pas un caractère contraignant. Je pense notamment à la recommandation du 3 novembre 2010, relative aux manquements d'initiés imputables aux dirigeants de sociétés cotées.

Cette recommandation s'adresse aux sociétés cotées sur les marchés Euronext et Alternext. Elle détermine précisément les personnes concernées par la notion d'initié et dresse un catalogue de mesures à mettre en place afin de prévenir les manquements d'initiés :
- obligation de déclaration des dirigeants pour toute opération sur les titres de l'émetteur au-delà de 5 000 euros par année civile ;
- mise en place de procédures destinées à limiter l'accès à l'information privilégiée ("need to know policy") ;
- définition, au sein de chaque émetteur, des règles de confidentialité applicables aux informations privilégiées et information des salariés concernés ;
- et, enfin, nomination d'un déontologue dans chaque société cotée.

Par ailleurs, le texte demande aux émetteurs, en complément des obligations légales d'abstention, de définir des fenêtres négatives, périodes pendant lesquelles les cadres et dirigeants de l'entreprise doivent s'abstenir de toute transaction sur les titres de la société ou encore de mettre en place des mandats de gestion encadrés pour les titres des dirigeants. Ces mandats permettent une gestion indépendante des titres et assurent que le dirigeant ne pourra utiliser l'information qu'il détient pour acheter ou vendre des actions de la société tout au long de son mandat. La mise en place de ces mandats doit être rendue publique.

Lexbase : Vous avez réalisé et publié un calendrier des principales obligations planifiables pour les sociétés cotées sur Euronext ou Alternext. Ce calendrier permet une étude comparative des obligations découlant de la cotation sur l'un ou l'autre de ces marchés. Quelles sont les principales différences ?

Julia Noir : Les principales différences relatives aux obligations planifiables, mais cette liste n'est pas exhaustive, sont les suivantes. Pour les sociétés cotées sur le marché régulé (Alternext) et contrairement à celles cotées sur le marché réglementé (Euronext) :
- pas de publication relative à l'information financière trimestrielle ;
- pas de publication mensuelle des droits de vote ;
- pas de rapport financier ;
- pas de rapport sur le contrôle interne et la préparation et l'organisation des travaux du conseil d'administration ;
- pas de communiqué financier sur les comptes annuels et diffusion du rapport financier annuel ;
- pas de communiqué sur les honoraires des commissaires aux comptes ;
- aucune obligation relative au document de référence;
- pas de document d'information annuelle (liste des informations publiées dans les 12 derniers mois) ;
- pas d'obligation relative aux comptes semestriels (arrêté, dépôt, diffusion), les entreprises répondant à certains critères de taille (plus de 300 salariés, filiales comprises, ou chiffre d'affaires supérieur à 18 millions d'euros) devant cependant se réunir pour effectuer une évaluation de l'actif réalisable et disponible (valeurs d'exploitation exclues), une évaluation du passif exigible et une réévaluation du compte de résultat provisionnel ;
- et, enfin, sauf contrat de liquidité, pas de programme de rachat d'actions.

Lexbase : La "LRBF" (loi n° 2010-1249 du 22 octobre 2010, de régulation bancaire et financière N° Lexbase : L2090INQ (2)) puis l'arrêté du 31 janvier 2011, portant modification du règlement général de l'AMF (N° Lexbase : L3435IPW) ont aménagé le régime des offres publiques. Quel regard portez-vous sur ces modifications et notamment sur le remplacement de l'ancien mécanisme de garantie de cours par l'offre publique obligatoire sur les marchés non-réglementés ?

Julia Noir : Ces modifications font partie de l'alignement de la réglementation française sur la norme européenne. La garantie de cours restait une particularité française permettant à des actionnaires minoritaires de se faire racheter leurs titres par un actionnaire venant d'acquérir la majorité, en titres ou en droits de vote, en garantissant un prix aligné sur le celui du bloc majoritaire cédé.
Aujourd'hui, l'offre publique d'achat devient obligatoire dès lors qu'un changement de contrôle affecte la société. Le seuil est donc fixé à 50 % en titres ou en droits de vote, versus 30 % sur le marché règlementé. Quelques cas de dérogation sont prévus et très encadrés.
Le texte permet également de tenir compte des prises de contrôle indirectes ou de concert, ce qui n'était pas le cas avant avec la garantie de cours. En ce sens, l'introduction du système OPO, OPR, OR permet de mieux garantir les droits des minoritaires.
Cependant, ces modifications tendent à aligner le marché Alternext sur la réglementation applicable à Euronext. Or il ne faut pas perdre de vue que l'attractivité du marché Alternext réside essentiellement dans l'existence de règles plus souples par rapport à celles imposées sur le marché réglementé. Un alignement trop strict des réglementations ferait perdre tout attrait à ce marché qui est aujourd'hui une source importante et très intéressante de financement pour les belles PME.

Lexbase : La mise en conformité du droit français avec la Directive 2007/36/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 juillet 2007, concernant l'exercice de certains droits des actionnaires de sociétés cotées (N° Lexbase : L9363HX3) a été opérée par plusieurs textes (décret du 23 juin 2010, ordonnance du 9 décembre 2010 et décret du 31 décembre 2010). Sur quelles obligations issues de ces textes l'attention des sociétés cotées doit-elle être particulièrement attirée ? Leur mise en oeuvre pratique recèle-t-elle des difficultés que vous auriez identifiées ?

Julia Noir : L'année 2010 a été particulièrement riche et un article ne suffira pas pour reprendre l'intégralité des réformes intervenues ! Nous avons évoqué ci-dessus les principaux aspects.

Nous pourrions ajouter que désormais, l'exercice des mandats de vote, y compris par le président, peut être sanctionné par une interdiction de prendre des mandats pour une durée de trois ans ; ou encore que les mandats, s'ils sont reçus via internet (pour les sociétés cotées sur Euronext), doivent impérativement être signés et distinguer s'ils sont donnés au président (dans ce cas le vote doit être conforme à la position du conseil d'administration) ou au nom du président (mention de son patronyme). Dans ce dernier cas, le président est alors libre d'exprimer un vote différent de la position du conseil.

Les textes de 2010 ont également mis en oeuvre le "Grenelle de l'environnement" qui impose, désormais, la rédaction d'un rapport dédié aux informations sociales, environnementales et sociétales (loi n° 2010-788, 12 juillet 2010, portant engagement national pour l'environnement [LXB= L7066IMN] ; C. com., art. L. 225-102-1 N° Lexbase : L3637IPE)

Par ailleurs, nous suggérons de saisir l'occasion de l'AGOA 2011 pour lisser les statuts afin de les mettre en conformité avec toutes ces nouvelles règles et répondre aux nouvelles exigences en matière de composition du conseil d'administration, notamment relatives à la présence des femmes et d'administrateurs indépendants.

Lexbase : Justement, quel est votre avis de praticien, mais aussi de femme, sur la loi relative à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d'administration et de surveillance et à l'égalité professionnelle (loi n° 2011-103 du 27 janvier 2011 N° Lexbase : L2793IP7) (3) ?

Julia Noir : Il était temps ! Ce qui est malheureux c'est que l'on soit obligé d'imposer cela par la loi. Aujourd'hui encore les hommes se cooptent entre eux sur le simple fondement de la relation sociale, et ne conçoivent pas de faire de même pour une femme ou, pis en encore, qu'une femme puisse être compétente ! On voit ça et là des "listes de femmes" être constituées par certaines associations qui apposent une sorte de pedigree. Ceci me choque profondément. Les conseils d'administration étaient jusqu'ici des petits clubs à l'anglaise, réservés aux hommes. Ces messieurs sont perdus à l'idée de devoir admettre des femmes et lorsqu'ils en nomment une, ils l'exhibent comme un trophée et attendent d'elle surtout, qu'elle ne fasse que (nous soulignons) remplir le quota ! Que va-t-il se passer lorsqu'ils découvriront qu'elles ont aussi la parole ?

Plus sérieusement, nous assistons à une réforme en profondeur du concept de gouvernance de l'entreprise. Sous l'influence de l'Europe, elle-même très empreinte du système anglo-saxon, le rôle du conseil d'administration ou de surveillance se renforce et l'on attend aujourd'hui des administrateurs qu'ils exercent un véritable contre-pouvoir, critique et indépendant. Ceci s'impose dans les textes, mais aussi dans la jurisprudence où l'on a vu en fin d'année quelques arrêts de la Cour de cassation relatifs à la responsabilité des administrateurs qui imposent une prise de position claire de chacun sur les décisions du conseil et rappellent que la responsabilité personnelle des administrateurs est engagée par les décisions du conseil.

Lexbase : En quelques mots quelle conclusion tirez-vous de ces nouvelles obligations à la charge des sociétés cotées ?

Julia Noir : Les modifications apportées sont dans l'ensemble très positives et vont vers un renforcement de la transparence. Cependant la réalité des sociétés cotées est diverses et très souvent, ce qui est un critère applicable ou nécessaire pour une très grosse société (compartiment A ou B), devient un véritable casse-tête pour une VaMPs. Il faut donc être prudent et que les autorités soient vigilantes à ne pas faire de la réglementation boursière une sorte de jungle hostile faisant fuir les petites et moyennes valeurs. Plus que jamais l'outil boursier est la solution de financement pérenne des entreprises de taille moyenne et il faut soutenir les demandes de Small Business Act à la française mises en oeuvre par certaines associations telles que Middle Next.


(1) Cf. le site internet du cabinet Noir & Associés.
(2) Lire, not., J.-B. Lenhof, Brèves réflexions sur les nouveaux mécanismes boursiers issus de la loi de régulation bancaire et financière, Lexbase Hebdo n° 228 du 18 novembre 2011 - édition affaires (N° Lexbase : N5750BQZ).
(3) Cf., D. Gibirila, La loi relative à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d'administration et de surveillance et à l'égalité professionnelle, Lexbase Hebdo n° 238 du 10 février 2011 - édition affaires (N° Lexbase : N3511BRH).

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Communautaire

[Doctrine] Chronique de droit communautaire - février 2011

Lecture: 15 min

N3512BRI

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par Olivier Dubos, Professeur de droit public, Chaire Jean Monnet, CRDEI, Université Montesquieu-Bordeaux IV

Le 03 Novembre 2011

Ces dernières semaines, la Cour de justice de l'Union européenne est venue apporter d'intéressantes précisions sur les relations entre les collectivités publiques et leurs partenaires privés. Elle a, d'abord, estimé que ces collectivités n'ont pas toujours l'obligation de poursuivre le contrat de travail des personnels de leurs anciens concessionnaires (CJUE, 20 janvier 2011, aff. C-463/09 N° Lexbase : A1070GQP). Elle a, ensuite, précisé les conditions auxquelles peut être institué un régime d'autorisation pour les opérateurs de transport publics (CJUE, 22 décembre 2010, aff. C-338/09 N° Lexbase : A7103GNE). Enfin, elle rappelle que les sociétés d'économie mixte ne peuvent être un moyen d'échapper aux règles de l'Union relatives aux marchés publics (CJUE, 22 décembre 2010, aff. C-215/09 N° Lexbase : A7093GNZ). I - Les collectivités publiques n'ont pas toujours l'obligation de poursuivre le contrat de travail des personnels de leurs anciens concessionnaires (CJUE, 20 janvier 2011, aff. C-463/09 N° Lexbase : A1070GQP)

La Directive (CE) 2001/23 du 12 mars 2001, concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatives au maintien des droits des travailleurs en cas de transfert d'entreprises, d'établissements ou de parties d'entreprises ou d'établissements (N° Lexbase : L8084AUX) (1), impose, en cas de changement dans la situation juridique de l'employeur, la continuité de la relation de travail l'unissant à ses salariés. Ce principe résultait, déjà, de la Directive (CE) 77/187 du 14 février 1977, concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatives au maintien des droits des travailleurs en cas de transferts d'entreprises, d'établissements ou de parties d'établissements (N° Lexbase : L4352GUQ) (2). Sans aucune ambiguïté, la Cour de justice avait jugé que les dispositions de la Directive (CE) "ne permettent [...] pas d'exclure du champ d'application de celle-ci le transfert d'une activité économique d'une personne morale de droit privé à une personne morale de droit public, en raison du seul fait que le cessionnaire de l'activité est un organisme de droit public" (3). Mais qu'en est-il en cas de transfert d'une entreprise de droit privé vers une collectivité publique ?

La présente affaire est particulièrement intéressante car la Cour de justice a donné une interprétation moins stricte du droit de l'Union européenne (A) que celle retenue auparavant par le Conseil d'Etat (B).

A - Les faits à l'origine de l'affaire étaient simples. La société Y est une entreprise privée à laquelle une commune espagnole avait, en 2003, confié par contrat le nettoyage des écoles et des locaux municipaux. La commune a, en 2007, résilié ce contrat. La société a informé son employé, Mme X, qu'elle était, à compter du 1er janvier 2008, intégrée au personnel de la commune, puisque ce dernier assurait désormais le nettoyage des locaux concernés. Celle-ci n'a, toutefois, pas considéré cette personne comme faisant désormais partie de son personnel et avait déjà procédé à des recrutements. L'employée a, alors, assigné la société Y et la commune pour licenciement abusif. La juridiction nationale a alors interrogé la Cour de justice pour savoir si une telle situation relevait de la Directive (CE) 2001/23.

Pour répondre à cette question, la Cour de justice souligne, tout d'abord, que les entités publiques ne se trouvent pas exclues du champ d'application de la Directive. En effet, selon l'article 1er de cette dernière, "la présente Directive est applicable à tout transfert d'entreprise, d'établissement ou de partie d'entreprise ou d'établissement à un autre employeur résultant d'une cession conventionnelle ou d'une fusion [...] est considéré comme transfert, au sens de la présente Directive, celui d'une entité économique maintenant son identité, entendue comme un ensemble organisé de moyens, en vue de la poursuite d'une activité économique, que celle-ci soit essentielle ou accessoire". Toutefois, la Cour note qu'"il ressort d'une jurisprudence bien établie que la portée de ladite disposition ne peut être appréciée sur la seule base d'une interprétation textuelle. En raison des différences entre les versions linguistiques de cette Directive, ainsi que des divergences entre les législations nationales sur la notion de cession conventionnelle, la Cour a donné à cette notion une interprétation suffisamment souple pour répondre à l'objectif de ladite Directive qui est, ainsi qu'il découle de son troisième considérant, de protéger les salariés en cas de changement de chef d'entreprise" (4).

La Cour souligne qu'elle avait déjà eu à juger une affaire analogue dans laquelle une entreprise avait mis fin à un contrat de nettoyage avec une autre entreprise. Elle avait estimé que le fait que "l'activité de nettoyage ne constitue, pour l'entreprise qui a décidé de l'assurer désormais elle-même, qu'une activité accessoire sans rapport nécessaire avec son objet social ne saurait avoir pour effet d'exclure l'opération du champ d'application de la Directive (CE) 77/187" (5). Dans de telles hypothèses de résiliation d'un contrat de sous-traitance, le critère déterminant est donc celui du maintien de l'identité de l'entité économique au sens de l'article 1er, paragraphe 1, b) de la Directive (CE) 2001/23.

La Cour avait déjà jugé que "la notion d'entité renvoie, ainsi, à un ensemble organisé de personnes et d'éléments permettant l'exercice d'une activité économique qui poursuit un objectif propre [...] une telle entité, si elle doit être suffisamment structurée et autonome, ne comporte pas nécessairement d'éléments d'actifs, matériels ou immatériels, significatifs. En effet, dans certains secteurs économiques, comme le nettoyage, ces éléments sont souvent réduits à leur plus simple expression et l'activité repose essentiellement sur la main-d'oeuvre. Ainsi, un ensemble organisé de salariés qui sont spécialement et durablement affectés à une tâche commune peut, en l'absence d'autres facteurs de production, correspondre à une entité économique" (6). Elle reprend ici ce raisonnement et l'applique à l'espèce.

Ainsi, selon la Cour, "il ressort de la décision de renvoi que [la commune] a, aux fins d'exercer [elle-même] les activités de nettoyage de ses écoles et locaux, auparavant confiées à [la société], embauché un nouveau personnel, sans reprendre les travailleurs précédemment affectés à ces activités par [la société], non plus d'ailleurs qu'aucun des éléments d'actifs matériels ou immatériels de cette entreprise. Dans ces conditions, le seul élément établissant un lien entre les activités exercées par [la société] et celles reprises par [la commune] est constitué par l'objet de l'activité concernée, à savoir le nettoyage de locaux. Or, la seule circonstance que l'activité exercée par [la société] et celle exercée par [la commune] soient similaires, voire identiques, ne permet pas de conclure au maintien de l'identité d'une entité économique. En effet, une entité ne saurait être réduite à l'activité dont elle est chargée. Son identité ressort d'une pluralité indissociable d'éléments tels que le personnel qui la compose, son encadrement, l'organisation de son travail, ses méthodes d'exploitation ou encore, le cas échéant, les moyens d'exploitation à sa disposition [...] En particulier, l'identité d'une entité économique, telle que celle en cause dans l'affaire au principal, qui repose essentiellement sur la main-d'oeuvre, ne peut être maintenue si l'essentiel de ses effectifs n'est pas repris par le présumé cessionnaire" (7).

On peut, toutefois, être surpris par le caractère circulaire de ce raisonnement puisque, dans une telle situation, le principal critère permettant de savoir s'il y a lieu d'appliquer la Directive (CE) 2001/23 est la reprise, par le nouvel employeur, de l'essentiel des effectifs. L'Avocat général s'était montré, dans ses conclusions sur le présent arrêt, fort perplexe sur ce critère (8), mais la Cour n'a manifestement pas souhaité l'abandonner. Dans la mesure où l'objet de la Directive est justement d'assurer le maintien du personnel, pour de telles entreprises de services, le meilleur moyen de se soustraire à la Directive est donc de s'abstenir de reprendre un quelconque membre du personnel ! Autrement dit, l'application de la Directive est dépendante de la volonté du nouvel employeur. Il y a là une étrange conception de l'ordre public social qui ne semble pas être celle du Conseil d'Etat.

B - Dans un arrêt du 22 octobre 2004 (9), le Conseil d'Etat avait appliqué les dispositions de l'article L. 122-12 du Code du travail (N° Lexbase : L5562ACY), devenu L. 1224-1 (N° Lexbase : L0840H9Y), dans l'hypothèse où "l'activité d'une entité économique employant des salariés de droit privé est reprise par une personne publique gérant un service public administratif ". On rappellera que, selon cet article, "[...] s'il survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise". Cet article constitue la transposition de la Directive (CE) 2001/23 du 12 mars 2001.

Mais la principale difficulté qu'avait dû résoudre le Conseil d'Etat concernait la situation juridique du salarié postérieurement au transfert. Tout d'abord, il est bien évident que l'article L. 122-12 ne peut ouvrir un droit à titularisation dans la fonction publique. Le principe du recrutement par concours demeure. Très prudemment, la juridiction administrative avait donc estimé que la personne publique avait le choix entre proposer un contrat de droit privé ou un contrat de droit public (10). Cette alternative laissée aux personnes publiques n'était certes guère satisfaisante (11), mais "on peut penser, et c'est en filigrane dans l'arrêt, que la Haute juridiction administrative n'a pas voulu combler le vide juridique créé par l'extension de la notion de transfert d'entreprise opérée par le juge communautaire, laissant cela au législateur" (12). Le choix du contrat de droit privé, c'est-à-dire du contrat de travail à durée indéterminée, portait atteinte à la jurisprudence "Berkani" (13) et, de manière plus générale, à l'article 3 du statut général de la fonction publique (loi n° 83-634, du 13 juillet 1983, portant droits et obligations des fonctionnaires N° Lexbase : L5225AHY), selon lequel les emplois permanents de la fonction publique ne peuvent être occupés que par des titulaires. On aurait, ainsi, vu se développer des salariés soumis au Code du travail dans les services publics administratifs.

Le choix du contrat de droit public n'était guère plus satisfaisant. Car ce contrat de droit public devait reprendre alors les clauses substantielles de l'ancien contrat de droit privé mais dans la limite, conformément à la jurisprudence communautaire, "où des dispositions législatives ou réglementaires, n'y font pas obstacle". Dès lors, les salariés concernés pouvaient voir en pratique leur situation juridique très sensiblement modifiée. En raison du principe posé par l'article 3 du statut, les contrats des agents de droit public ne peuvent, en général, être que des contrats à durée déterminée. Aussi, leur refus d'accepter de telles modifications "implique leur licenciement par la personne publique, aux conditions prévues par le droit du travail". La Cour de justice a, en effet, estimé que la Directive (CE) 77/187 n'est qu'une Directive d'harmonisation partielle qui, en cas de transfert à une entité de droit public, n'empêche pas l'application du droit national. La seule garantie offerte aux salariés était donc le licenciement, ce changement de la qualification du contrat de travail devant être considéré comme une modification substantielle au détriment du travailleur au sens de la Directive (14).

Le législateur avait donc entendu l'appel de la juridiction administrative ("en l'absence de dispositions législatives spécifiques"). L'article 20 de la loi n° 2005-843 du 26 juillet 2005, portant diverses mesures de transposition du droit communautaire à la fonction publique (N° Lexbase : L7061HEA), dispose donc que, "lorsque l'activité d'une entité économique employant des salariés de droit privé est, par transfert de cette entité, reprise par une personne publique dans le cadre d'un service public administratif, il appartient à cette personne publique de proposer à ces salariés un contrat de droit public, à durée déterminée ou indéterminée selon la nature du contrat dont ils sont titulaires" (15). Le droit français est, ainsi, non seulement plus protecteur des droits des salariés que l'interprétation de la Cour de justice, mais également, par son caractère systématique, n'implique aucune incertitude pour les différents acteurs.

II - Les monopoles de transports urbains à l'épreuve du marché intérieur (CJUE, 22 décembre 2010, aff. C-338/09 N° Lexbase : A7103GNE)

En l'espèce, la société X a demandé auprès du président du Land de Vienne l'octroi d'une autorisation pour l'exploitation d'une ligne de transport de personnes par autobus dans la circonscription de la ville de Vienne. Sur la quasi-totalité de l'itinéraire, une ligne de transport de personnes par autobus est exploitée par une autre société, sur le fondement d'une concession. La demande a été rejetée par l'autorité administrative compétente, pour deux motifs. D'une part, cette société serait établie dans un autre Etat membre et n'aurait pas de siège, ni d'établissement permanent d'exploitation sur le territoire autrichien, contrairement aux dispositions de la législation autrichienne. D'autre part, l'entreprise, qui exploite actuellement une ligne de transport de personnes par autobus sur le même itinéraire, a été, conformément à la réglementation, consultée, et a souligné que cette ligne ne pourrait plus être exploitée dans des conditions soutenables d'un point de vue économique en cas d'octroi de la concession sollicitée. La Cour de justice s'est donc prononcée sur ces deux points.

A - Pour apprécier la compatibilité avec le droit de l'Union de la condition du droit autrichien selon laquelle la société X devrait disposer d'un siège ou d'un établissement permanent en Autriche, la Cour devait d'abord préciser le cadre du juridique applicable à l'espèce. En effet, la libre circulation des services dans le domaine des transports est régie non pas par la disposition de l'article 56 TFUE (N° Lexbase : L2705IPU), qui concerne, en général, la libre prestation des services, mais par les dispositions spécifiques du Traité relatives aux transports. Or la situation ne relève en aucune manière de la législation adoptée sur le fondement de l'article 71, paragraphe 1, CE (devenu l'article 91 TFUE N° Lexbase : L2744IPC), aux fins de libéraliser les services de transport. C'est donc au regard des règles relatives à la liberté d'établissement que doit être examinée la question.

Pour la Cour de justice, l'obligation de disposer d'un siège ou d'un établissement sur le territoire n'est pas, en tant que telle, une entrave puisqu'il n'existe, à cet égard, aucune difficulté pour les opérateurs des autres Etats membres de créer des agences sur le territoire autrichien. Dès lors, la principale difficulté était la date de l'exigence de cette condition, c'est-à-dire avant même l'octroi de l'autorisation. L'approche de la Cour est parfaitement réaliste. Elle estime, en effet, qu'"exiger d'un opérateur économique, établi dans un autre Etat membre et désireux d'obtenir une autorisation d'exploitation d'une ligne régulière de transport de personnes par autobus dans l'Etat membre d'accueil, de disposer d'un siège ou d'un autre établissement sur le territoire de ce dernier Etat avant même que l'exploitation de cette ligne ne lui soit concédée, comporte un effet dissuasif. En effet, un opérateur économique normalement prudent ne serait pas disposé à procéder à des investissements, éventuellement importants, dans l'incertitude complète quant à l'obtention d'une telle autorisation" (16). En outre, cette exigence ne peut être justifiée par la nécessité d'assurer l'égalité des conditions de concurrence ou par la garantie du droit social. A cette fin, la Cour de justice prend soin de préciser qu'"une exigence d'établissement sur le territoire autrichien n'est pas contraire aux règles du droit de l'Union lorsqu'elle est appliquée après l'octroi de l'autorisation d'exploitation et avant que l'entrepreneur n'entame l'exploitation de la ligne" (17).

B - Pour répondre à la deuxième question, la Cour précise d'emblée que les lignes d'autobus en cause ont une vocation principalement touristique ; dès lors, les obligations qui leur sont imposées ne constituent pas des obligations de service public au sens de la réglementation de l'Union (18). Son raisonnement n'est donc pas transposable aux transports qui constituent des services publics au sens du droit de l'Union.

La Cour rappelle, ensuite, logiquement qu'une autorisation est, en soi, une restriction à la liberté d'établissement, puisqu'elle tend à limiter le nombre des prestataires de services. Reste donc à déterminer si elle peut être justifiée. La Cour admet que l'exploitation de lignes d'autobus touristiques peut répondre à "un objectif d'intérêt général, tel que la promotion du tourisme, la politique de sécurité routière à travers la canalisation du trafic à des fins touristiques par des itinéraires déterminés, ou encore la protection de l'environnement à travers l'offre d'un mode de transport collectif en tant qu'alternative à des moyens de transport individuel" (19). Mais elle considère, en revanche, que "l'objectif de garantir la rentabilité d'une ligne d'autobus concurrente, en tant que motif de nature purement économique, ne peut, conformément à la jurisprudence constante, constituer une raison impérieuse d'intérêt général de nature à justifier une restriction à une liberté fondamentale garantie par le Traité" (20). Bien que l'arrêt ne soit guère limpide sur ce point, il est possible d'en déduire qu'un régime d'autorisation est susceptible d'être justifié par le premier motif.

Il convenait donc ensuite d'examiner s'il était proportionné. La Cour rappelle "qu'un régime d'autorisation administrative préalable ne saurait légitimer un comportement discrétionnaire de la part des autorités nationales, de nature à priver les dispositions de l'Union, notamment celles relatives à une liberté fondamentale telle que celle en cause au principal, de leur effet utile. Aussi, pour qu'un régime d'autorisation préalable soit justifié alors même qu'il déroge à une telle liberté fondamentale, il doit être fondé sur des critères objectifs, non discriminatoires et connus à l'avance, qui assurent qu'il soit propre à encadrer suffisamment l'exercice du pouvoir d'appréciation des autorités nationales" (21). Dès lors, la réglementation autrichienne ne pouvait pas passer le test de proportionnalité avec succès car l'administration nationale se fonde sur les seules allégations de l'entreprise concurrente déjà titulaire d'une autorisation. Une nouvelle fois, la Cour de justice démontre sa capacité à éradiquer des réglementations nationales dont la rationalité apparaît douteuse.

III - Sociétés d'économie mixte et droit des marchés publics (CJUE, 22 décembre 2010, aff. C-215/09 N° Lexbase : A7093GNZ)

Comme le démontre cette affaire, les montages contractuels des collectivités publiques ne sont pas toujours faciles à appréhender par le droit de l'Union. Le conseil municipal d'une ville finlandaise avait décidé, avec un partenaire privé, de créer une entreprise commune dont le capital serait réparti à parts égales entre les deux partenaires et la gestion conjointe. L'activité de l'entreprise commune devait consister à fournir des prestations de services de santé et de bien être au travail. Pour une période transitoire de quatre ans, ils ont pris l'engagement d'acquérir, auprès de l'entreprise commune, les services de santé dont ils doivent, en tant qu'employeurs, faire bénéficier leurs employés, conformément à la réglementation nationale. Etait-il possible pour la commune d'échapper à l'application de la Directive (CE) 2004/18 du 31 mars 2004, relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services (N° Lexbase : L1896DYU) ? (22).

La Cour de justice note, dans un premier temps, que la commune est bien un pouvoir adjudicateur au sens de la Directive (CE) 2004/18, et que les services que lui fournit l'entreprise commune sont d'une valeur supérieure au seuil d'application de cette même Directive. Elle rappelle ensuite les conditions d'application de sa jurisprudence "in house", qui ne sont manifestement pas ici réunies. Toutefois, la constitution, par un pouvoir adjudicateur et un opérateur économique privé, d'une entreprise commune ne relève pas du champ d'application de la directive du 31 mars 2004. Mais, pour la Cour, il est indispensable de s'assurer qu'une opération en capital ne dissimule pas, en réalité, l'attribution à un partenaire privé de contrats pouvant être qualifiés de marchés publics ou de concessions. En outre, le fait qu'une entité privée et une entité adjudicatrice coopèrent dans le cadre d'une entité à capital mixte ne peut justifier le non-respect des dispositions relatives aux marchés publics lors de l'attribution d'un tel marché à cette entité privée ou à l'entité à capital mixte.

Pour un tel contrat "mixte", il faut alors s'assurer que ses différents volets forment un tout indivisible afin d'être qualifié au regard des règles applicables au volet qui en constitue l'objet principal (23). Dès lors, en l'espèce, il convenait d'examiner si le volet "services de santé" était détachable du contrat. Au soutien de l'indivisibilité du contrat, la commune estimait, d'abord, que l'entreprise commune avait embauché des employés municipaux et, qu'ainsi, leur situation serait garantie par l'engagement pris d'acquérir des services auprès de l'entreprise commune. Pour la Cour, cette garantie des employés transférés pouvait être stipulée dans le cahier des charges d'un marché. Le second argument selon lequel, grâce à ce montage, "l'entreprise commune débutera ses activités dans des conditions favorables" était particulièrement maladroit. La Cour ne manque pas de rappeller que "l'attribution d'un marché public à une entreprise d'économie mixte sans mise en concurrence porterait atteinte à l'objectif de concurrence libre et non faussée et au principe d'égalité de traitement, dans la mesure où une telle procédure offrirait à une entreprise privée présente dans le capital de cette entreprise un avantage par rapport à ses concurrents" (24). La commune ne démontre pas, non plus, que l'achat des services à l'entreprise commune pendant la période transitoire faisait partie d'un apport en nature de la municipalité à cette entreprise commune. Le caractère temporaire même de la fourniture de services vient, enfin, corroborer la détachabilité de ce volet du reste du contrat. Il y avait donc lieu de respecter les prescriptions de la Directive (CE) 2004/18. Cette affaire témoigne, une nouvelle fois, que les pouvoirs publics, comme leurs partenaires, ne doivent pas avoir l'illusion que leur inventivité en matière de montage contractuel ne leur permet pas nécessairement d'échapper aux règles de l'Union en matière de marchés publics.

Olivier Dubos, Professeur de droit public, Chaire Jean Monnet, CRDEI, Université Montesquieu-Bordeaux IV


(1) JOCE, n° L 082 du 22 mars 2001, p. 16.
(2) JOCE, n° L 61 du 5 mars 1977, p. 26.
(3) CJCE, 26 septembre 2000, aff. C-175/99 (N° Lexbase : A7227AH7), Rec,. p. I-7755, spéc. n° 33.
(4) Point n° 29.
(5) CJCE, 10 décembre 1998, aff. jointes C-127/96, C-229/96 et C-74/97 (N° Lexbase : A7231AHB), point n° 33.
(6) CJCE, 10 décembre 1998, aff. jointes C-127/96, C-229/96 et C-74/97, précitées, points n° 26 et n° 27.
(7) CJCE, 10 décembre 1998, aff. jointes C-127/96, C-229/96 et C-74/97, précitées, point n° 40 et n° 41.
(8) Voir les conclusions présentées le 26 octobre 2010.
(9) CE Contentieux, 22 octobre 2004, n° 245154 (N° Lexbase : A6266DDG).
(10) Le Tribunal des conflits a, pour sa part, jugé que les dispositions de l'article L. 122-12, interprétées à la lumière du droit communautaire "n'ont pas pour effet de transformer la nature juridique des contrats de travail en cause, qui demeurent des contrats de droit privé tant que le nouvel employeur public n'a pas placé les salariés dans un régime de droit public" (T. confl., 19 janvier 2004, n° 3393 N° Lexbase : A3824DDY).
(11) Cf. M.-C. de Montecler, Questions sur un arrêt surprenant, AJDA, 2004, p. 2241.
(12) J.-L. Rey, note sous CE Contentieux, 22 octobre 2004, n° 245154, précité, Droit ouvrier, 2005, p. 78, spéc. p. 81.
(13) T. confl., 25 mars 1996, n° 03000 (N° Lexbase : A2712ATM).
(14) CJCE, 26 septembre 2000, aff. C-175/99, précitée.
(15) Voir, désormais, à l'article L. 1224-3 du Code du travail (N° Lexbase : L6255IEE).
(16) Point n° 37.
(17) Point n° 40.
(18) Règlement (CE) n° 1191/69 du 26 juin 1969, relatif à l'action des Etats membres en matière d'obligations inhérentes à la notion de service public dans le domaine des transports par chemin de fer, par route et par voie navigable (N° Lexbase : L1729DYP), JOCE, n° L 156 du 28 juin 1969, p. 1.
(19) Point n° 50.
(20) Point n° 51.
(21) Point n° 53.
(22) JOCE, n° L 134 du 30 avril 2004, p. 114.
(23) CJUE, 6 mai 2010, aff. jointes C-145/08 et C-149/08 (N° Lexbase : A9807EW7).
(24) Point n° 21.

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Conflit collectif

[Jurisprudence] De la licéité des arrêts de travail courts et répétés des grévistes

Réf. : Cass. soc., 25 janvier 2011, n° 09-69.030, FS-P+B (N° Lexbase : A8531GQZ)

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par Christophe Radé, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition sociale

Le 24 Février 2011


Il y avait très longtemps que la Chambre sociale de la Cour de cassation n'avait pas été amenée à se prononcer sur la licéité de mouvements de grève se traduisant par des débrayages courts et répétés du travail. Dans cet arrêt en date du 25 janvier 2011, la Haute juridiction confirme sa jurisprudence classique sur la licéité de principe de ces mouvements (I), et statue, également, sur la portée toute relative d'un accord de fin de conflit (II).
Résumé

Des arrêts de travail courts et répétés, quelque dommageables qu'ils soient pour la production, ne peuvent, en principe, être considérés comme un exercice illicite du droit de grève.

Un syndicat ne saurait voir sa responsabilité civile engagée par le seul fait qu'il a signé un précédent protocole d'accord de fin de conflit dans lequel était indiqué le caractère illicite de certains comportements qui se sont ultérieurement reproduits.

I - De la licéité des arrêts de travail courts et répétés

Problème. Au-delà de la définition juridique de la grève, définie comme "un arrêt collectif et concerté du travail en vue d'appuyer des revendications professionnelles" (1), se profile une définition plus économique ; la grève peut alors apparaître comme le droit de tenter d'infliger à l'employeur les pertes économiques les plus lourdes possibles afin de le contraindre à satisfaire les revendications des grévistes.

Depuis toujours, certains employeurs ont tenté de faire juger que les conséquences économiques de la grève devaient nécessairement demeurer dans des proportions raisonnables, et que l'excès pourrait rendre celle-ci illicite.

La position de la Cour de cassation sur le sujet n'a pas varié depuis cinquante ans.

La licéité des grèves nuisibles économiquement. En principe, la gravité des conséquences économiques de la grève est indifférente à sa licéité, celle-ci devant se vérifier uniquement au regard des critères juridiques tenant à l'existence d'un véritable arrêt de travail, collectif, et à l'existence de revendications professionnelles. Dès lors, l'importance de l'impact économique de la grève n'est susceptible ni d'entraîner la disqualification du mouvement, ce qui placerait les salariés en dehors du régime protecteur issu de la loi du 11 février 1950, ni de caractériser une faute lourde susceptible d'entraîner une sanction disciplinaire, pouvant aller jusqu'au licenciement, et ce conformément aux dispositions de l'article L. 2511-1 du Code du travail (N° Lexbase : L0237H9N) (2).

La sanction de la désorganisation intentionnelle de l'entreprise. Ce principe connaît toutefois une exception, lorsque les salariés provoquent intentionnellement la désorganisation de l'entreprise (3) ; dans cette hypothèse, la faute lourde pourra être caractérisée. Selon une formule de style, la grève doit entraîner une désorganisation de l'entreprise, et pas seulement de l'activité (4).

La Cour de cassation exige des juges du fond qu'ils caractérisent "en quoi la forme qu'avaient revêtue les arrêts de travail révélait une intention de nuire" ou établissent l'existence de fait "caractérisant la désorganisation de l'entreprise et une entrave à la liberté du travail", à défaut de quoi ils verront leur arrêt cassé, le fait de constater que le conflit "s'était d'abord déroulé normalement, avait par la suite dégénéré et pris la forme de débrayages répétés de courte durée, d'arrêts de travail brefs et inopinés, sans avertissement préalable, le but manifeste étant de désorganiser l'entreprise et de créer un dommage supérieur à celui que crée normalement et nécessairement toute cessation concertée de travail, et, d'autre part, que le mouvement s'était accompagné, au début du mois d'avril, d'une occupation des lieux de travail, notamment des locaux administratifs, au point que les non-grévistes en avaient été gênés se plaignant des difficultés qu'ils avaient à poursuivre leurs tâches", n'étant pas suffisant (5). La jurisprudence a pu ainsi sanctionner des micro-arrêts de travail (6), des grèves tournantes (7) mais aussi des grèves inopinées de courte durée et répétitives (8), à condition que la preuve d'une intention nuisible soit caractérisée (9).

Confirmation en l'espèce. C'est cette jurisprudence qui se trouve ici confirmée par l'arrêt en date du 25 janvier 2011.

Dans cette affaire, un conflit collectif du travail avait eu lieu au sein de la société compagnie de fabrication et de préfabrication du 3 au 5 janvier 2007 à l'appel du syndicat des travailleurs et ouvriers du Pacifique et de son président qui revendiquaient une modification et une amélioration de la classification des emplois et de la grille salariale. Estimant que ce conflit constituait une grève illicite, l'employeur avait saisi le tribunal pour obtenir la condamnation du syndicat et de son dirigeant à des dommages-intérêts en réparation de son préjudice.

La cour d'appel de Nouméa lui avait donné raison et avait justifié la solution par le fait que les arrêts de travail courts et répétés des machines les 3, 4 et 5 janvier 2007, sur instruction du syndicat des travailleurs et ouvriers du Pacifique et de son président, avaient entraîné une perte importante et anormale de production et que c'est à bon droit que les premiers juges avaient décidé que ce mouvement était une grève perlée illicite.

Cet arrêt est cassé pour violation de l'alinéa 7 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 (N° Lexbase : L6815BHU), ensemble l'article 78 de l'ordonnance n° 85-1181 du 13 novembre 1985, relative aux principes directeurs du droit du travail et à l'organisation et au fonctionnement de l'inspection du travail et du tribunal du travail en Nouvelle-Calédonie (N° Lexbase : L6862BUP), devenu l'article Lp. 371-1 du Code du travail de Nouvelle-Calédonie, la Cour de cassation affirmant pour l'occasion que "des arrêts de travail courts et répétés, quelque dommageables qu'ils soient pour la production, ne peuvent, en principe, être considérés comme un exercice illicite du droit de grève".

Une solution justifiée. La solution est parfaitement justifiée et, d'ailleurs, conforme à la jurisprudence constante de la Chambre, même si c'est, à notre connaissance, la première fois que la solution est affirmée de manière aussi claire dans un "chapeau".

C'est, en effet, au législateur qu'il appartient, conformément aux termes mêmes de l'alinéa 7 du Préambule de la Constitution de 1946, de réglementer l'exercice du droit de grève, et de limiter, le cas échéant et sous le contrôle du Conseil constitutionnel, les "pratiques" des acteurs, comme il a pu le faire dans les services publics en imposant un préavis ou en prohibant les grèves tournantes. Mais dans le secteur privé, aucune restriction de cette nature n'existe, et il n'appartient pas au juge d'en prendre l'initiative. Même courts et répétitifs, les arrêts de travail, en vue d'appuyer des revendications professionnelles, caractérisent bien l'exercice du droit de grève, et ne peuvent être qualifiés de "grève perlée", expression qu'il convient de réserver aux hypothèses où les salariés ne cessent pas le travail mais se contentent de le ralentir et donc de l'exécuter de manière défectueuse (10).

En revanche, certains comportements peuvent être qualifiés de faute lourde et justifier des sanctions, mais il convient alors de relever l'existence de circonstances particulières qui n'étaient nullement caractérisées en l'espèce.

II - De la portée des accords de fin de conflit

Utilité des accords de fin de conflit. Les accords de fin de conflit ont une double utilité puisqu'ils permettent aux acteurs de mettre noir sur blanc le point d'accord trouvé sur les revendications des grévistes et des syndicats, mais aussi de régler les éventuels différends qui seraient nés pendant le conflit et qui concerneraient le paiement des jours de grève, ou l'abandon d'éventuelles poursuites (11).

La Cour de cassation ne fait toutefois produire aux accords de fin de conflit qu'un effet très relatif, notamment lorsqu'il s'agit de faire rayonner les effets obligatoires de l'accord au-delà des parties signataires de l'accord ; c'est pourquoi la clause de l'accord qui stipule que les salariés abandonneront toutes les actions engagées antérieurement et relatives aux questions sur lesquelles les parties se sont entendues ne leur est logiquement pas opposable, seule une renonciation individuelle, constatée par exemple dans une transaction, pouvant produire cet effet (12).

L'espèce. Dans cette affaire, un accord de fin de conflit avait été conclu entre les mêmes protagonistes lors d'un précédent mouvement, accord qui "reconnaissait" le caractère illicite des ralentissements de cadence ou des arrêts impromptus de machines ayant pour effet de réduire la production. C'est sur la base de ce texte que la cour d'appel avait condamné le syndicat qui aurait ainsi violé son "engagement" ne pas procéder à de telles actions pour l'avenir.

L'arrêt est cassé, également, sur ce moyen, la Cour de cassation considérant que "l'article 4 du protocole d'accord du 16 octobre 2006 réglant les suites d'une grève survenue du 3 au 10 octobre 2006 ne faisait que reprendre l'analyse par l'employeur de tels agissements" et que la cour d'appel avait de ce fait dénaturé le document.

Une solution justifiée. Ici encore, la solution se justifie pleinement dans la mesure où cet accord ne comporterait pas ce que l'on pourrait qualifier de "clause de paix sociale" ou de renonciation à agir pour l'avenir, mais se contentait, comme l'avait relevé la Cour de cassation, de reprendre un simple point de vue de l'employeur. Ce faisant, la Cour ne nie pas qu'un tel accord puisse intervenir valablement, mais souligne simplement que tel n'était pas le cas ici.


(1) Cass. soc., 28 juin 1951, n° 51-01.661 (N° Lexbase : A7808BQA), Dr. soc., 1951, p. 523, note P. Durand, Cass. soc., 18 juin 1996, n° 92-44.497 (N° Lexbase : A2013AAS), Bull. info. C. cass. n° 439 du 1er novembre 1996, n° 1049 ; Cass. soc., 12 décembre 2000, n° 99-40.265 (N° Lexbase : A1778AIP), TPS, 2001, comm. 55.
(2) Cass. soc., 16 février 1989, n° 87-42.572 (N° Lexbase : A9091AAX), Bull. civ. V, n° 133 ; Cass. soc., 10 juillet 1991, n° 89-43.147 (N° Lexbase : A1693AAX), Dr. soc., 1991, p. 743 ; Cass. soc., 7 avril 1993, n° 91-16.834 (N° Lexbase : A6462ABX), Bull. civ. V, n° 111 ; Cass. soc., 5 juillet 1995, n° 93-20.402 (N° Lexbase : A2034AAL), Bull. civ. V, n° 232.
(3) Cass. soc., 10 juillet 1991, préc..
(4) Cass. soc., 7 avril 1993, préc..
(5) Cass. soc., 16 février 1989, préc..
(6) Cass. soc., 13 décembre 1962, n° 61-40.531 (N° Lexbase : A1487DQ7), Dr. soc., 1963, p. 226, obs. J. Savatier.
(7) Cass. soc., 4 octobre 1979, n° 78-40.271 (N° Lexbase : A3469AB4), Bull. civ. V, n° 679, p. 499 ; Cass. soc., 26 février 1974, Dr. soc., 1975, p. 450, obs. J. Savatier, 101 arrêts pendant 2 mois, jusqu'à 12 par jour ; Cass. soc., 7 avril 1976, n° 74-40.801 (N° Lexbase : A3458ABP), Jurisp. soc., 1976, n° 365, p. 297 : chaque équipe cessait le travail les deux premières heures de son tour, et ce pendant deux semaines.
(8) Cass. soc. 7 janvier 1988, n° 84-42.448 (N° Lexbase : A6251AAR); Bull. civ. V, n° 10, p. 6.
(9) Cass. soc. 25 février 1988, n° 85-43.293 (N° Lexbase : A1400AA4), Bull. civ. V, n° 133, p. 88.
(10) Cass. soc. 5 mars 1953, n° 53-01.392 (N° Lexbase : A1519CGD), D., 1954, p. 109, JCP 1953, II, 7553, note Delpech.
(11) C'est à Gérard Lyon-Caen que l'on doit la systématisation de cette fonction duale de l'accord de fin conflit, mi acte-transaction, mi acte-normatif ; G. Lyon-Caen, Le conflit du Parisien Libéré et le système français de règlement des conflits du travail, Dr. soc., 1977, p. 438 s.
(12) Cass. soc., 12 septembre 2007, n° 06-42.496, FS-P+B (N° Lexbase : A2199DY4), v. nos obs., Les limites du pouvoir normatif de la convention collective, Lexbase Hebdo n° 273 du 20 septembre 2007 - édition sociale (N° Lexbase : N4690BCP).

Décision

Cass. soc., 25 janvier 2011, n° 09-69.030, FS-P+B (N° Lexbase : A8531GQZ)

Cassation, CA Nouméa, ch. civ., 30 avril 2009

Textes visés : alinéa 7 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 (N° Lexbase : L6815BHU) ; article 78 de l'ordonnance n° 85-1181 du 13 novembre 1985, relative aux principes directeurs du droit du travail et à l'organisation et au fonctionnement de l'inspection du travail et du tribunal du travail en Nouvelle-Calédonie (N° Lexbase : L6862BUP) devenu l'article Lp. 371-1 du Code du travail de Nouvelle-Calédonie

Mots-clés : grève, arrêts de travail, accord de fin de conflit

Liens base : (N° Lexbase : E2573ETH)

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Filiation

[Jurisprudence] Grands-parents envers et contre tout

Réf. : CA Angers, 1ère ch., sect. B, 26 janvier 2011, n° 10/01339 (N° Lexbase : A1682GRQ)

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N3549BRU

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par Adeline Gouttenoire, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directrice de l'Institut des Mineurs de Bordeaux

Le 15 Février 2011

Dans un arrêt fortement médiatisé du 26 janvier 2011, la cour d'appel d'Angers a annulé l'arrêté admettant un enfant né sous X en qualité de pupille de l'Etat à la demande de ses grands-parents biologiques, auxquels il a été confié, à charge pour eux de requérir l'organisation d'une tutelle. Cette décision est la troisième étape d'un processus entamé par les parents de la mère de la petite Héléna, aujourd'hui âgée de 18 mois, quasiment dès sa naissance. Après avoir obtenu en référé que soit ordonnée une expertise biologique pour établir leur lien avec l'enfant (TGI Angers, 8 octobre 2009, n° 09/00568 N° Lexbase : A5217EM8 (1)), ils avaient été déboutés, au fond, de leur action en contestation de l'arrêté d'admission de l'enfant en qualité de pupille de l'Etat, en première instance, en raison principalement de l'insuffisance de ce même lien (TGI Angers, 26 avril 2010 N° Lexbase : A1255EXR (2)). Contre toute attente, la cour d'appel d'Angers accède à l'inverse à leur demande en considérant que non seulement ils sont recevables à agir (I) mais, en outre, qu'ils sont fondés à réclamer que leur petite-fille biologique leur soit confiée (II) (3). I. La qualité pour agir des grands-parents biologiques

La recevabilité de l'action en contestation de l'arrêté d'admission de l'enfant en qualité de pupille de l'Etat, prévue par l'article L. 224-8 du Code de l'action sociale et des familles (CASF) (N° Lexbase : L5365DKW), était subordonnée depuis le début de la procédure à la résolution de deux questions délicates : la computation du délai de trente jours prévus par le texte, d'une part, et l'existence d'un lien entre les demandeurs et l'enfant, d'autre part.

A. Le respect du délai pour agir

Point de départ. Sur la question discutée depuis le début de la procédure, du point de départ du délai pour agir de l'article L. 224-8 du CASF, la cour d'appel approuve le raisonnement du tribunal de grande instance d'Angers statuant au fond qui avait considéré que le délai court à partir de l'admission définitive de l'enfant en qualité de pupille de l'Etat et non, comme l'avait admis le juge des référés, à partir de la notification de l'arrêté aux grands-parents. Cette solution est fort justement fondée sur la nécessité de fixer dans les plus brefs délais et de manière définitive le statut de l'enfant et particulièrement sa qualité d'enfant adoptable. La nécessité de fixer le point de départ du délai au jour de la décision est renforcée par l'impossibilité de déterminer par avance les personnes susceptibles d'intenter une action en contestation de l'arrêté admettant l'enfant en qualité de pupille de l'Etat. L'application de cette solution à l'espèce aurait conduit à considérer que, faute d'interruption, l'action était prescrite le 14 septembre 2009 ; or, l'action en contestation de l'arrêté d'admission en qualité de pupille de l'Etat avait été intentée devant le tribunal de grande instance en janvier 2010.

Interruption du délai. Toutefois, la cour d'appel approuve également le tribunal d'avoir considéré que la procédure en référé, dont l'objet était de faire établir, par une expertise biologique, le lien des demandeurs avec l'enfant concerné par l'arrêté d'admission en qualité de pupille de l'Etat, interrompait le délai (préfix) de prescription. La procédure en référé ayant été introduite avant même que l'arrêté d'admission soit définitif, le délai était donc clairement interrompu.

Durée de l'interruption. La cour d'appel précise qu'en vertu de l'article 2239 du Code civil (N° Lexbase : L7224IAS), relatif à la suspension d'une prescription par la décision du juge de faire droit à une demande de mesure d'instruction présentée avant tout procès, "le délai de prescription recommence à courir, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois, à compter du jour où la mesure a été exécutée". En l'espèce, le délai de prescription de l'action recommençait à courir au jour de la remise du rapport d'expertise, soit le 24 décembre 2009, et l'action intentée par les grands-parents le 6 janvier 2010 était incontestablement recevable au regard du délai pour agir. L'analyse menée par la cour d'appel mérite d'être approuvée en ce qu'elle permet de respecter à la fois la sécurité juridique nécessaire à l'intérêt de l'enfant et l'ouverture de la procédure à des tiers concernés par le sort de celui-ci.

Délai raisonnable. Il n'en reste pas moins que l'on peut déplorer que le sort de la petite fille concernée ne soit réglé que plus de dix-huit mois après sa naissance, ce qui ne constitue pas à l'évidence un délai raisonnable ! Encore faudrait-il que l'arrêt ne fasse pas l'objet d'un pourvoi en cassation, qui allongerait encore la procédure. On est loin des exigences particulières de célérité posées par la Cour européenne des droits de l'Homme en matière de relations de l'enfant avec sa famille (4) et de son affirmation selon laquelle l'intérêt de l'enfant abandonné implique de trouver le plus rapidement possible une famille de substitution (5).

B. L'existence d'un lien entre les demandeurs et l'enfant

Qualité pour agir. Pour admettre la qualité des grands-parents pour agir en contestation de l'arrêté d'admission en qualité de pupille de l'Etat, étape indispensable pour bloquer le processus d'adoption de la petite Héléna, la cour d'appel devait démontrer, en vertu de l'article L. 224-8 du Code de l'action sociale et des familles, que les grands-parents avaient un lien avec l'enfant.

Tribunal de grande instance. Le tribunal de grande instance avait considéré, quant à lui, que l'expertise génétique ne pouvant, en vertu de l'article 16-11, alinéa 2, du Code civil (N° Lexbase : L8778G8M) être admise dans une action qui n'avait pas pour objet l'établissement ou la contestation d'un lien de filiation, ou encore l'obtention ou la suppression de subsides, la preuve du lien biologique entre les demandeurs et l'enfant était irrecevable. Il avait, en outre, précisé qu'en tout état de cause ce lien aurait été insuffisant pour satisfaire la condition posée par l'article L. 224-8 du CASF.

Vie familiale projetée. Si la cour d'appel approuve le raisonnement des juges de première instance quant à l'irrecevabilité de la preuve du lien biologique, elle va établir l'existence d'un lien d'une autre nature entre l'enfant et les demandeurs. Elle affirme, en effet, que l'article L. 224-8 du CASF "ne définit pas la nature du lien, et si l'on peut estimer qu'il doit s'agir d'un lien affectif, le texte ne le précise pas [...]. Il appartient donc aux juges du fond d'apprécier l'existence et la qualité d'un tel lien, en tenant compte de la situation, mais aussi de l'âge de l'enfant et ce même s'il n'a pas fait l'objet d'une garde de droit ou de fait". A partir du déroulement chronologique des faits, la cour, sans le formuler expressément, dégage ce que la Cour européenne des droits de l'Homme qualifie de "vie familiale projetée", c'est-à-dire la potentialité de développer des relations personnelles si les circonstances le permettent (6). Les juges angevins mettent, en effet, en évidence la volonté acharnée des grands-parents et particulièrement de la grand-mère, d'établir des contacts avec leur petite-fille, dès sa naissance, volonté qui s'est heurtée au refus constant des services du Conseil général. L'arrêt précise ainsi que "le Conseil général a tout mis en oeuvre pour éloigner Héléna de Mme X, alors qu'elle était à l'hôpital en la changeant de chambre, mais aussi lors de sa sortie pour aller dans un autre lieu, inconnu des tiers, mettant un terme à la possibilité pour eux de s'approcher de l'enfant". Cette volonté contrecarrée d'établir un lien avec un enfant, conjuguée à la parenté biologique que personne finalement ne conteste, constitue, à n'en pas douter, les éléments constitutifs d'une vie familiale au sens de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme (7). Ce raisonnement permet à la cour d'appel de conclure que "au-delà des difficultés rencontrées pour le construire, [la grand-mère] justifie de l'existence d'un lien affectif de fait avec l'enfant, répondant aux conditions posées par l'article L. 224-8 du Code de l'action sociale et des familles". L'action des grands-parents étant donc recevable, ils franchissaient ainsi une nouvelle étape qui leur avait été interdite par le tribunal de grande instance.

II. Le bien-fondé de la demande des grands-parents biologiques

Intérêt de l'enfant. Selon l'article L. 224-8, alinéa 2, CASF (N° Lexbase : L5365DKW) "s'il juge cette demande conforme à l'intérêt de l'enfant, le tribunal confie sa garde au demandeur, à charge pour ce dernier de requérir l'organisation de la tutelle, ou lui délègue les droits de l'autorité parentale et prononce l'annulation de l'arrêté d'admission". La cour d'appel devait donc examiner si l'intérêt de l'enfant concerné en l'espèce était d'être confié à ses grands-parents biologiques alors même que sa mère avait, en l'abandonnant à l'issue d'un accouchement sous X, clairement manifesté son intention de couper les liens entre l'enfant et sa famille d'origine.

Pour déterminer si l'intérêt de l'enfant commande en l'espèce de la confier à ses grands-parents biologiques, la cour d'appel appréhende l'intérêt supérieur de l'enfant selon deux acceptions différentes : in abstracto puis in concreto.

A. L'appréciation in abstracto de l'intérêt de l'enfant

Conflit familial. La cour d'appel d'Angers considère que "la question à trancher n'est pas de savoir si la volonté des grands-parents doit supplanter celle des parents, mais de rechercher l'intérêt supérieur de l'enfant". En réalité, et même si la cour d'appel s'en défend, il s'agit bien de savoir si la volonté de la mère, davantage manifestée par sa remise de l'enfant à l'Aide sociale à l'enfance que par son accouchement dans le secret, de voir son enfant adopté par une autre famille que la sienne, peut être écartée par la volonté des grands-parents biologiques d'élever eux-mêmes l'enfant. Certes, il ne s'agit pas directement de résoudre un conflit entre la mère et les grands-parents, puisque le critère est celui de l'intérêt de l'enfant, mais tout de même de savoir si on peut envisager, au nom de l'intérêt supérieur de l'enfant, de passer outre la volonté de la mère et de satisfaire la demande des grands parents.

Convention internationale des droits de l'enfant. Pour répondre à cette question par l'affirmative, la cour d'appel démontre que l'intérêt supérieur de l'enfant apprécié de manière abstraite, est de maintenir des liens avec sa famille d'origine. La cour rappelle, tout d'abord, le principe de la primauté de l'intérêt supérieur de l'enfant de l'article 3-1 de la Convention internationale des droits de l'enfant (N° Lexbase : L6807BHL) et note qu'il est consacré par l'article L. 112-4 du CASF (N° Lexbase : L9000HWA). De manière plus étonnante, elle se fonde sur le droit de l'enfant de connaître ses parents et d'être élevé par eux de l'article 7-1 du même Traité, semblant ainsi entendre le terme de "parents" au sens large d'ascendants. Cette analyse est pour le moins surprenante, ce texte ayant jusqu'alors été plutôt interprété comme le droit de l'enfant de connaître et d'être élevé par ses père et mère !

Droit de connaître ses origines. La cour d'appel met également en avant le droit fondamental de l'enfant de connaître ses origines, qui, selon elle, permet de faire primer l'intérêt de l'enfant sur le droit de la mère de conserver l'anonymat comme le démontre la suppression de la fin de non-recevoir à l'action en établissement de la maternité liée à l'accouchement sous X par la loi n° 2009-61 du 16 janvier 2009 (N° Lexbase : L5763ICG). Cette analyse est contestable dans la mesure où la cour confond la connaissance des origines, empêchée par le secret, maintenu en droit positif, sur l'identité de la mère dans le cadre de l'accouchement anonyme, et l'établissement de la filiation, qui a été, certes, admis par la loi de 2009 en cas d'accouchement anonyme, mais qui n'est possible que lorsque le secret a été levé notamment par la mère elle-même (8).

Maintien des liens familiaux. Pour parfaire sa démonstration, la cour d'appel évoque, enfin, certaines dispositions du droit français qui vont dans le sens d'un maintien des liens de l'enfant avec sa famille en cas de défaillance parentale, et notamment l'article 375-5 du Code civil (N° Lexbase : L8343HWW), selon lequel, lorsqu'un enfant est retiré à ses parents, on doit privilégier son placement auprès d'un autre membre de la famille. On peut toutefois se demander si la Cour de cassation, qui risque d'être saisie, ne pourrait pas contester l'affirmation générale selon laquelle le maintien des liens de l'enfant avec sa famille biologique est conforme avec son intérêt supérieur alors même que ses propres parents ont souhaité la rupture de ces liens en abandonnant l'enfant sans établir sa filiation.

B. L'appréciation in concreto de l'intérêt de l'enfant

Qualités parentales. Dans un second temps, la cour d'appel s'applique à démontrer que l'intérêt de l'enfant, apprécié cette fois de manière concrète, ne s'oppose pas, en l'espèce, à ce que la petite-fille soit confiée à ses grands-parents biologiques. Elle affirme, en effet, que "en l'espèce l'intérêt d'Héléna doit s'apprécier en considération des éléments de fait, sans pouvoir occulter la réalité biologique qui a établi que les époux X étaient les grands-parents de l'enfant". Elle note l'absence d'éléments permettant de remettre en cause les qualités parentales des demandeurs. Par ailleurs, si elle reconnaît que la prise en charge d'Héléna sera délicate, compte tenu des circonstances de sa naissance et de son abandon, elle constate que "rien ne permet de craindre que les époux X ne soient pas en mesure d'y répondre de manière la plus adaptée". L'argument du conflit entre les demandeurs et leur fille et de la profonde division de la famille, est même renversé, la cour d'appel considérant que la position ferme et sans ambiguïté des demandeurs vis-à-vis d'Héléna est un "gage de fiabilité et de confiance pour l'avenir". La cour d'appel va même plus loin en affirmant, non sans une certaine ironie, que les demandeurs seront "qualifiés pour affronter les questions légitimes que se pose tout enfant adopté sur ses origines et son rejet par sa mère ayant, dans les faits, une connaissance approfondie de la réalité" !

Volonté de la mère. A travers le raisonnement de la cour d'appel, apparaît l'idée, qui n'est sans doute pas totalement fausse, que l'opposition de la mère ne justifie pas à elle seule que l'enfant soit adopté par des étrangers plutôt que confié à ses grands-parents biologiques. La cour se montre d'ailleurs particulièrement sévère avec la mère biologique à qui elle dénie tout droit de donner son avis sur l'opportunité de confier l'enfant à ses grands-parents. Les magistrats du second degré se distinguent sur ce point nettement des juges de première instance qui avaient plutôt considéré que la volonté très claire de la mère de rompre les liens entre l'enfant et sa famille d'origine devait être respectée.

Tutelle. La situation familiale qui va résulter de la décision de la cour d'appel paraît pour le moins problématique pour l'enfant. L'enfant va faire l'objet d'une tutelle qui sera vraisemblablement exercée par ses grands-parents. Il n'aura, en revanche, pas de filiation à moins que les grands-parents biologiques l'adoptent ce qui est techniquement possible. Par ailleurs, en qualité de tuteurs d'Héléna, les grands-parents biologiques pourront intenter une action en établissement de la filiation maternelle de celle-ci, puisque, désormais, l'accouchement sous X n'est plus une fin de non-recevoir à cette action. Ils pourront ainsi devenir juridiquement les grands-parents de leur petite-fille de leur propre initiative alors qu'ils n'avaient pas, au départ, qualité pour agir dans le cadre des actions relatives à la filiation.

Aspects psychologiques. Sur le plan affectif et psychologique surtout, la situation de l'enfant risque d'être très inconfortable. Il va, en effet, être élevé par des personnes qui refusent de comprendre l'acte d'abandon de sa mère et dont l'attitude vise à tout prix à en gommer les conséquences. Les grands-parents ont déclaré espérer que leur comportement incitera leur fille à revenir vers son enfant ; ne risquent-ils pas d'entretenir chez ce dernier un espoir plus douloureux qu'utile ? Comment l'enfant pourra-t-il se construire alors que son quotidien lui rappellera en permanence l'abandon dont il a fait l'objet ? La décision de la cour d'appel d'Angers paraît être surtout fondée sur la douleur des grands-parents et sur l'attitude pour le moins contestable des services sociaux à leur égard. Compte tenu de la gravité des oppositions existant entre les membres de la famille biologique de l'enfant on peut légitimement se demander si l'intérêt d'Héléna ne résidait pas plutôt dans une adoption extra-familiale qui lui aurait permis de grandir protégée du conflit familial dont sa naissance et son abandon sont à l'origine. Le refus de confier l'enfant à ses grands-parents biologiques n'aurait pas été exclusif d'un maintien des liens, notamment sous forme d'un droit de visite comme le prévoit l'article L. 228-4 du CASF.

Enquête sociale. On regrettera que, dans cette affaire, la cour d'appel d'Angers ait refusé d'ordonner une enquête sociale ou une expertise psychologique comme le souhaitait les services du Conseil général. D'abord, les magistrats se privent ainsi de l'apport incontestable de l'examen de la situation par des professionnels de l'enfance, qu'il s'agisse de travailleurs sociaux ou de pédo-psychiatres pour la détermination de l'intérêt de l'enfant. Surtout, ce refus semble confirmer le fait que la cour d'appel s'est davantage fondée sur des considérations générales que sur l'appréciation précise et réelle de l'intérêt de l'enfant concerné par cette affaire.

Pourvoi en cassation. Il n'est toutefois pas certain que cette analyse trop générale et abstraite de l'intérêt de l'enfant constitue, le cas échéant (9), un motif de cassation. La Cour de cassation pourrait peut être se fonder sur une interprétation restrictive du lien avec l'enfant des demandeurs à l'annulation de l'arrêté d'admission en qualité de pupille de l'Etat. La Haute cour a en effet pu, par le passé, se montrer relativement sévère avec les membres de la famille d'origine d'un enfant abandonné. Elle a, par exemple, considéré que la mère et la soeur du concubin de la mère -la mère et son concubin étant décédés- n'étaient pas titulaires du recours contre l'arrêté d'admission d'un enfant en qualité de pupille de l'Etat, dès lors qu'il n'existait pas de possession d'état de l'enfant à l'égard de leur fils et frère (10). Elle reconnaît cependant le pouvoir souverain des juges du fond pour déterminer l'intérêt de l'enfant d'être admis ou non en qualité de pupille de l'Etat, notamment dans une hypothèse où cette admission est contestée par ses grands-parents. En l'espèce, les juges avaient refusé d'annuler l'arrêté d'admission et rejeté le droit de visite que ceux-ci réclamaient subsidiairement au motif qu'il serait de nature à gêner le processus d'adoption de l'enfant (11).


(1) Lire nos obs., Grands-parents malgré tout : première étape réussie !, Lexbase Hebdo n° 371 du 12 novembre 2009 - édition privée générale (N° Lexbase : N3728BMZ).
(2) Lire nos obs., Les grands-parents et l'accouchement sous X (suite) : les liens du sang ne suffisent pas, Lexbase Hebdo n° 394 du 13 mai 2010 - édition privée (N° Lexbase : N0733BPT).
(3) Lire, également, l'interview de Lauren Berrué, Avocat au barreau d'Angers, qui défendait les grands-parents dans cette affaire, Accouchement sous X : de l'anonymat aux feux de l'actualité médiatique, Lexbase Hebdo n° 427 du 10 février 2011 - édition privée (N° Lexbase : N3553BRZ).
(4) F. Sudre, dir. Les grands arrêts de la Cour européenne des droits de l'Homme, PUF, 2008, 5ème éd. p. 360.
(5) CEDH, 10 janvier 2008, Req. 35991/04 (N° Lexbase : A2492D3P).
(6) F. Sudre, op. cit., p. 529.
(7) Ibidem, p. 530.
(8) Sur cette distinction, P. Bonfils et A. Gouttenoire, Droit des mineurs, Précis Dalloz ; 2008, n° 124.
(9) Un pourvoi pourrait être formé par le procureur de la République ou le Conseil général.
(10) Cass. civ. 1, 25 juin 2002, n° 00-21.712, F-D (N° Lexbase : A0102AZS).
(11) Cass. civ. 1, 3 juillet 1996, n° 94-16.864 (N° Lexbase : A9257CLG).

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[Questions à...] Accouchement sous X : de l'anonymat aux feux de l'actualité médiatique - Questions à Lauren Berrué, Avocat au barreau d'Angers

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par Anne-Lise Lonné, Rédactrice en chef de Lexbase Hebdo - édition privée

Le 15 Février 2011

Par un arrêt très médiatisé du 26 janvier 2011, la cour d'appel d'Angers a annulé l'arrêté qui faisait d'une petite fille née sous X une pupille de l'Etat et a confié l'enfant à ses grands-parents biologiques (CA Angers, 1ère ch., sect. B, 26 janvier 2011, n° 10/01339 N° Lexbase : A1682GRQ). Hasard du calendrier, cette décision, qui marque une première en France, a été rendue le lendemain de la remise, au Premier ministre, d'un rapport parlementaire, le rapport "Barèges", qui propose de modifier la procédure et d'instaurer "un accouchement dans la discrétion" à l'issue duquel les mères biologiques laisseraient des éléments d'identité pour que l'enfant adopté puisse les retrouver à sa majorité. Pour essayer de comprendre la solution rendue par les juges angevins (1), Lexbase Hebdo - édition privée a rencontré Maître Lauren Berrué, qui défendait les grands-parents dans cette affaire, et qui a accepté de répondre à nos questions. Lexbase : Tout d'abord, s'agissant de la recevabilité de la demande et, plus particulièrement, de la qualité à agir des grands-parents, les juges se sont fondés sur l'existence d'un lien de fait, et non d'un lien de droit, alors que la parenté était établie par analyse génétique. Le raisonnement suivi est subtil ; vous semble-t-il justifié ?

Lauren Berrué : La cour d'appel d'Angers a écarté l'expertise réalisée au motif qu'il s'agissait en réalité d'une expertise génétique (et non un examen comparé des sangs) qui n'était pas autorisée hors les cas énoncés par l'article 16-11 du Code civil (N° Lexbase : L8778G8M). Ce qui est conforme à la lettre du texte même si aujourd'hui, il ne se réalise plus, en pratique, d'examen comparé des sangs.

L'article L. 224-8 du Code de l'action sociale et des familles (N° Lexbase : L5365DKW) dispose que le recours contre l'arrêté d'admission en qualité de pupille de l'Etat peut être exercé par toute personne justifiant d'un lien de droit ou de fait avec l'enfant et qui demande à en assumer la charge.

Seul un lien de fait pouvait être établi (le lien de droit étant exclu par la rupture de la filiation découlant de l'accouchement sous X). La cour a considéré qu'il l'était par les nombreuses visites de la grand-mère ainsi que par ses démarches et celles de leur avocat. Compte tenu des circonstances (présence en néonatalogie, opposition de l'assistante sociale) les grands-parents justifient d'un lien "affectif de fait avec l'enfant".

Ce raisonnement me semble justifié dans la mesure où le rapport d'expertise est rejeté en vertu de la lettre de l'article 16-11 du Code civil.

Lexbase : Sur le fond, la demande de prise en charge de l'enfant par ses grands-parents biologiques a été accueillie à l'aune du principe de l'intérêt supérieur de l'enfant, lequel, selon les juges, "prime sur la faculté pour la mère de conserver l'anonymat et par voie de conséquence sur son choix de couper l'enfant de sa famille". La formulation retenue par les juges annonce-t-elle, selon vous, le début de la fin de l'accouchement sous X ?

Lauren Berrué : L'arrêt du 26 janvier 2011 n'annonce pas, selon moi, la fin de l'accouchement sous X, mais il ouvre une brèche. En vertu des éléments d'un dossier, le seul accouchement dans le secret ne permet plus à lui seul de rejeter les recours exercés par des personnes ayant un lien de fait avec l'enfant. Il sera désormais possible de rapporter la preuve de ce lien et que soit examiné le bien-fondé de la demande.

Les éléments de l'affaire permettaient de s'interroger sur l'opportunité de faire prévaloir le secret de l'accouchement face à l'intérêt d'une petite fille de connaître ses origines et d'être élevée par sa famille.

Mais si la mère n'avait pas fait connaître sa situation, son accouchement et sa fille à sa famille, le recours des grands-parents aurait sans doute été plus incertain.

Il faut aussi indiquer que le recours a été exercé très rapidement et en tout cas, avant que l'enfant ne soit placée en vue de son adoption.

Lexbase : Quelles sont les règles encadrant le secret des origines ? Quelles circonstances peuvent expliquer que les juges aient admis de lever ce secret ?

Lauren Berrué : L'article 326 du Code civil (N° Lexbase : L8828G9T) dispose que "lors de l'accouchement, la mère peut demander que le secret de son admission et de son identité soit préservée".

En l'espèce, les règles ont été respectées. L'acte de naissance de la petite fille ne porte pas l'identité de la mère de naissance. La filiation maternelle n'est pas établie.

Les juges angevins n'ont levé aucun secret, ils ont annulé l'arrêté d'admission de l'enfant en qualité de pupille de l'Etat et ont confié la garde de l'enfant à ses grands-parents.

Le secret est lié à l'identité de la mère que les institutions s'engagent à ne pas divulguer. La loi ne peut empêcher que, par d'autres moyens, l'enfant n'ait connaissance de l'identité de sa mère. D'ailleurs, l'action en recherche de maternité est désormais permise à l'enfant né sous X.

Ce ne sont pas les magistrats qui ont levé le secret mais la mère elle-même.

Lexbase : Etes-vous favorable au dispositif de l'accouchement protégé, tel que préconisé dans le rapport "Barèges" sur l'accouchement sous X, remis tout récemment au premier ministre ?

Lauren Berrué : Dans son rapport, Madame Barèges préconise notamment de remplacer l'anonymat par "l'accouchement dans la discrétion", qui implique que la mère donne systématiquement son identité dont la confidentialité sera garantie. Ainsi, l'enfant, à sa majorité, pourrait apprendre l'identité de sa mère biologique, à condition d'en faire la demande auprès du Conseil national d'accès aux origines personnelles (CNAOP).

Les conditions actuelles de saisine du CNAOP prévoient que la demande d'accès à l'identité de sa mère peut être présentée par le majeur lui-même ou par le mineur en âge de discernement avec l'accord de ses représentants légaux (C. act. soc. fam., art. L. 147-2 N° Lexbase : L9011HWN).

Le rapport "Barèges" ne change donc pas la situation des enfants nés sous X. La mère demeure maître de la communication des informations transmises. L'âge de la consultation par l'enfant est quant à lui reculé à 18 ans.

Je ne vois pas d'avancée significative dans les propositions faites par Madame Barèges.


(1) Lire également, Adeline Gouttenoire, Grands-parents envers et contre tout, Lexbase Hebdo n° 427 du 10 février 2011 - édition privée (N° Lexbase : N3549BRU).

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Impôts locaux

[Jurisprudence] Vers une clarification des coûts à prendre en compte pour fixer la participation financière des constructeurs dans une zone d'aménagement concerté à usage principal d'habitation (ZAC)

Réf. : CE 3° et 8° s-s-r., 23 décembre 2010, n° 307124, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A6970GNH)

Lecture: 7 min

N3505BRA

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par Guy Quillévéré, Rapporteur public près le tribunal administratif de Nantes

Le 15 Février 2011

Le Conseil d'Etat, par un arrêt du 23 décembre 2010, juge que, en application des dispositions combinées des articles 1585 C du CGI (N° Lexbase : L0227IKM) et L. 311-4-1 ancien du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L7405ACA), les coûts qui ne se rattachent pas à la réalisation des équipements publics destinés à satisfaire les besoins des futurs habitants ou des usagers des constructions à édifier dans la zone ne peuvent être mis à la charge des constructeurs.
Les faits dans cette affaire sont les suivants : la commune de Vias (Hérault) a, par une délibération de son conseil municipal du 27 juillet 1987, confié à la société d'équipement du Biterrois et de son littoral (SEBLI), selon des modalités fixées par une convention de concession du même jour, la réalisation d'une zone d'aménagement concerté à usage principal d'habitation dite "ZAC de Vias plage". Par une délibération de son conseil municipal du 29 octobre 1993, la commune a mis à la charge de certains constructeurs une participation financière à la réalisation des équipements publics de la ZAC. La SCI MAM s'est engagée en vertu des stipulations de l'article 5 de la convention de mise en oeuvre du 30 mars 1995 à verser à la commune, à ce titre, une participation d'un montant de 750 francs (114 euros) hors taxes par mètre carré de surface plancher développée hors oeuvre nette majorée de la TVA au taux en vigueur à la date de cette dernière convention. L'article 11 de la même convention stipule qu'une surface commerciale déplacée ne serait exonérée de la participation que si son accès n'était possible que par l'intérieur du terrain de camping où elle se situait. Par un jugement du 20 novembre 2003, le tribunal administratif de Montpellier a fait droit à la demande de la SEBLI et condamné la SCI MAM à verser à celle-ci une somme correspondant au montant de la participation financière au titre de cette surface commerciale dont la SCI MAM avait été initialement exonérée au motif que la condition posée par l'article 11 de la convention de mise en oeuvre n'était pas satisfaite. La cour administrative d'appel de Marseille, par un arrêt du 3 mai 2007 (CAA Marseille, 1ère ch., 3 mai 2007, n° 04MA00326 N° Lexbase : A5339DWN), contre lequel la SCI MAM s'était pourvu en cassation, avait annulé le jugement du tribunal de Montpellier et rejeté la demande présentée par la SEBLI de remettre cette participation à la charge de la SCI MAM.

L'arrêt du Conseil d'Etat, en date du 23 décembre 2010, qui confirme la solution de la cour administrative de Marseille, clarifie les conditions du versement de la participation des constructeurs dans une zone d'aménagement concerté à usage d'habitation. Seuls les coûts, dont il ressort des pièces du dossier qu'ils se rattachent à la réalisation des équipements publics destinés à satisfaire les besoins des futurs habitants ou des usagers des constructions, peuvent être mis à la charge des constructeurs ; il doit donc y avoir un lien direct entre les coûts supportés et les équipements à financer. L'arrêt du Conseil d'Etat précise donc l'articulation des dispositions de l'article L. 311-4-1 du Code de l'urbanisme devenu L. 311-4 du même code (N° Lexbase : L9110IDR) et celles de l'article 1585 C du CGI : lorsque le lien direct prévu par les dispositions de l'article L. 311-4-1 fait défaut entre les équipements publics et les dépenses que doit couvrir la participation, une participation au titre de ces dépenses ne peut être mise à la charge des constructeurs et il n'est, en conséquence, pas nécessaire d'apprécier la proportionnalité des équipements à financer.

I - La participation en zone d'aménagement concerté suppose une articulation des dispositions de l'article 1585 C du CGI et L. 311-4-1 (devenu L. 311-4) du Code de l'urbanisme

La participation financière des constructeurs aux équipements de la zone d'aménagement concerté est définie dans un cadre contractuel et suppose que l'aménageur assure un financement minimal des équipements publics afférents.

A - Lorsqu'un minimum d'équipements publics d'une ZAC est mis à la charge des constructeurs ces derniers supportent une participation financière

Aux termes de l'article L. 311-1 du Code de l'urbanisme, une zone d'aménagement concerté constitue un périmètre d'aménagement à l'intérieur duquel une collectivité publique décide que les terrains seront aménagés et équipés. Les dispositions de l'article 1585 C du CGI prévoient de leur côté que, dans la mesure où les terrains compris dans cette zone ont vocation à être "aménagés" et "équipés" et, lorsque l'aménageur assure un financement minimal des équipements nécessaires, les constructions ne sont pas assujetties au paiement de la taxe locale d'équipement (TLE). En application de ces dispositions combinées, trois catégories de constructions sont exonérées de la TLE : les constructions destinées à être affectées à un service public ou d'utilité publique, les constructions édifiées dans les zones d'aménagement concerté lorsque le coût des équipements a été mis à la charge des constructeurs et les constructions réalisées dans certains lotissements.

Se sont les dispositions de l'article 317 bis de l'annexe II du CGI (N° Lexbase : L2718IEE) que fixent la liste des équipements visés par l'article 1585 C du même code, la disposition règlementaire précisant que ces équipements doivent correspondre aux seuls besoins des habitants ou usagers de la zone. Le plus souvent le constructeur contribuera à l'aménagement de la zone par le biais de travaux. Le contrôle du juge sur la fixation des dépenses mises à la charge des constructeurs est un contrôle restreint (CE Contentieux, 4 novembre 1994, n° 129531 N° Lexbase : A3600AS7) et porte sur la fixation des besoins futurs et actuels du secteur (CAA Lyon, 2ème ch., 24 février 1994, n° 93LY00313 N° Lexbase : A2828BGT).

B - Le régime juridique des participations en zone d'aménagement concerté est défini dans un cadre contractuel

La loi "SRU" du 13 décembre 2000 (loi n° 2000-1208, 13 décembre 2000 N° Lexbase : L9087ARY) a clairement posé le caractère impératif de la participation des constructeurs au financement des équipements publics réalisés dans la ZAC, les modalités de cette participation étant définies dans un cadre contractuel ainsi que le prévoient, d'ailleurs, les dispositions de l'article L. 332-9 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L7540ACA). Les dispositionsde cet article ont pour objet de prévoir la réalisation d'un programme d'équipements et de permettre que soit mis à la charge des constructeurs tout ou partie du coût de ceux-ci pour répondre aux besoins des habitants futurs ou des usagers des constructions à édifier dans le périmètre (CE Contentieux, 17 janvier 1997, n° 183072 N° Lexbase : A8251ADX). Une ZAC peut, alors, être incluse dans un programme d'aménagement d'ensemble (PAE) (TA Nice, 7 avril 1994, n° 921606).

En l'espèce, la commune de Vias (Hérault) avait, par une première délibération de son conseil municipal du 27 juillet 1987 confié à la société d'équipement du Birrerois et de son littoral (SEBLI), selon les modalités d'une convention de concession la réalisation de la ZAC, puis par une seconde délibération mis à la charge des constructeurs une participation financière à la réalisation des équipements publics de la zone. Le conseil municipal n'a pas l'obligation de moduler les participations entre les diverses catégories de constructions (CE Contentieux, 11 décembre 1996, n° 150175 N° Lexbase : A2210APK), une fixation forfaitaire est donc régulière. En présence d'un programme d'aménagement d'ensemble la délibération approuvant la mise en oeuvre du PAE détermine le périmètre, la nature, de délai de réalisation du programme des équipements publics et fixe la part de dépenses mises à la charge des constructeurs (TA Rennes, 2 juin 1994).

II - Les coûts supportés par les constructeurs d'une ZAC ne peuvent être mis à leur charge que s'ils sont en lien direct avec la réalisation d'équipements publics destinés aux usagers ou futurs habitants

La participation mise à la charge de l'aménageur doit être en lien direct avec les équipements à réaliser et, dans ce cas, proportionnée aux coûts des équipements à réaliser.

A - L'existence d'un lien direct est une condition nécessaire à l'assujettissement des constructeurs à la participation financière

L'exclusion du champ d'application de la taxe locale d'équipement implique qu'un équipement public minimum soit mis à la charge notamment des constructeurs de la ZAC, mais l'article L. 311-4-1, devenu L. 311-4, du Code de l'urbanisme impose parallèlement de respecter les principes de lien direct et de proportionnalité des équipements publics à financier. Le Conseil d'Etat vient préciser, sous son arrêt du 23 décembre 2010, que les coûts qui ne se rattachent pas à la réalisation des équipements publics destinés à satisfaire les besoins des futurs habitants ou des usagers des constructions à édifier dans la zone ne peuvent être mis à la charge des constructeurs. Cette jurisprudence rejoint la doctrine administrative qui rappelle la nécessité de fixer le montant de la participation sans excéder le coût réel du financement donc, par exemple, en déduisant les subventions reçues par le maître d'ouvrage.

L'arrêt du 23 décembre 2010 décline, alors, un ensemble de dépenses exposées par la société d'équipement du biterrois et de son littoral (SEBLI) dont il n'est pas établi qu'elles auraient été supportées seulement pour la construction des équipements publics destinés aux usagers de la zone et qui recouvraient des frais d'études générales pré-opérationnelles, des frais financiers, des frais de commercialisation et des frais généraux. La cour administrative d'appel de Paris avait jugé, le 8 juillet 2004, que les dépenses à retenir pour fixer le taux pouvaient également comprendre, les honoraires de géomètre, les frais d'actes pour l'acquisition des terrains nécessaires aux équipements publics et les dépenses supportées par la commune au titre de la TVA (CAA Paris, 1ère ch., 8 juillet 2004, n° 03PA03996 N° Lexbase : A2348DDC).

B - Le critère tiré de la proportionnalité est inopérant si les dépenses que couvre la participation ne se rattachent pas à un équipement public

Les dispositions de l'article L. 311-4 du Code de l'urbanisme posent un principe de proportionnalité des équipements publics à financer. Cette proportionnalité a été, dans un premier temps, appréciée par le juge (CE Contentieux, 28 juillet 1989, n° 73779 N° Lexbase : A0657AQE et CE Contentieux, 4 mai 1990, n° 71707 N° Lexbase : A5574AQI) qui a souligné que les seules participation légalement exigibles correspondent à des équipements publics localisés à l'intérieur du périmètre de la zone d'aménagement concerté ou s'ils sont situés à l'extérieur de la zone utilisés de façon prépondérante par les usagers de la zone d'aménagement. Cette règle a été élevée à la dignité législative par la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 (N° Lexbase : L8653AGL), dite loi "Sapin". Toutefois, la loi "Bosson" du 9 février 1994 (loi n° 94-112, du 9 février 1994 N° Lexbase : L8040HHA) est venue assouplir les exigences de la loi "Sapin", en précisant le caractère proportionnel des équipements publics à l'intérêt des usagers de la zone.

Reste qu'il n'est pas nécessaire de rechercher si la proportionnalité est respectée lorsque les dépenses que doit couvrir la participation ne correspondent pas à des équipements publics répondant aux besoins des habitants ou usagers de ladite zone, ce qui est le cas pour les dépenses mentionnées par l'arrêt du 23 décembre 2010.

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Institutions

[Questions à...] Pour un renforcement de la confiance des citoyens dans les acteurs de la vie publique - Questions à Jean-Marc Sauvé, vice-président du Conseil d'Etat

Lecture: 11 min

N3506BRB

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par Yann Le Foll, Rédacteur en chef de Lexbase Hebdo - édition publique

Le 15 Février 2011

Créée par le décret n° 2010-1072 du 10 septembre 2010 (N° Lexbase : L0290IN3), la Commission de réflexion pour la prévention des conflits d'intérêts dans la vie publique a été chargée par le Président de la République de faire des propositions afin de prévenir ou régler les situations de conflits d'intérêts dans lesquelles peuvent se trouver les membres du Gouvernement, les responsables des établissements publics et entreprises publiques, ainsi que, le cas échéant, certains agents publics. Composée de Jean-Marc Sauvé, vice-président du Conseil d'Etat, Didier Migaud, premier président de la Cour des comptes et de Jean-Claude Magendie, premier président honoraire de la cour d'appel de Paris, la Commission a remis son rapport au Président de la République le 26 janvier 2011. Elle a décidé de concentrer ses réflexions sur la prévention des conflits entre intérêts privés et intérêts publics, et non entre intérêts publics, à l'exception des cumuls de mandats pour les membres du Gouvernement, le risque de confusion avec les intérêts privés lui étant apparu comme le plus problématique pour les personnes participant à l'action publique. Après avoir procédé à une soixantaine d'auditions de personnes issues d'horizons divers (dirigeants des partis politiques représentés au Parlement, hauts fonctionnaires, universitaires, représentants syndicaux, personnes issues du monde de l'entreprise...), ainsi qu'à une importante enquête internationale destinée à lui permettre de collecter tous les éléments de droit comparé nécessaires, la Commission est parvenue à une définition des conflits d'intérêts, ainsi qu'à de nombreuses propositions destinées, notamment, à ce que les citoyens reprennent confiance dans leurs dirigeants et, plus généralement, dans toutes les personnes participant à la vie publique. Pour parvenir à une meilleure effectivité, ces propositions devraient aboutir à une modification de la Constitution et à l'élaboration d'une loi relative à la déontologie des acteurs publics. Pour une présentation des principales propositions de cette Commission, Lexbase Hebdo - édition publique a rencontré Jean-Marc Sauvé, vice-président du Conseil d'Etat, qui en a assumé la présidence. Lexbase : Quels éléments la Commission a-t-elle pris en compte pour parvenir à sa proposition de définition des conflits d'intérêts ?

Jean-Marc Sauvé : La définition des conflits d'intérêts finalement retenue par notre Commission a pour ambition d'être à la fois juridique, c'est-à-dire opposable et contraignante, et en même temps opérationnelle. Elle s'énonce ainsi : "Un conflit d'intérêts est une situation d'interférence entre une mission de service public et l'intérêt privé d'une personne qui concourt à l'exercice de cette mission, lorsque cet intérêt, par sa nature et son intensité, peut raisonnablement être regardé comme étant de nature à influencer ou paraître influencer l'exercice indépendant, impartial et objectif de ses fonctions. Au sens et pour l'application du précédent alinéa, l'intérêt privé d'une personne concourant à l'exercice d'une mission de service public s'entend d'un avantage pour elle-même, sa famille, ses proches ou des personnes ou organisations avec lesquelles elle entretient ou a entretenu des relations d'affaires ou professionnelles significatives, ou avec lesquelles elle est directement liée par des participations ou des obligations financières ou civiles. Ne peuvent être regardés comme de nature à susciter des conflits d'intérêts, les intérêts en cause dans les décisions de portée générale, les intérêts qui se rattachent à une vaste catégorie de personnes, ainsi que ceux qui touchent à la rémunération ou aux avantages sociaux d'une personne concourant à l'exercice d'une mission de service public".

Pour l'élaborer, nous nous sommes inspirés des travaux existants, et, notamment, des définitions élaborées par l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et le Conseil de l'Europe, ainsi que par d'autres pays, comme le Canada. Mais nous n'avons pas repris mot pour mot les définitions de l'OCDE et du Conseil de l'Europe pour plusieurs raisons : tout d'abord, et j'y insiste, nous avons voulu élaborer une définition juridique, et non pas seulement théorique, ce qui nous a obligés à préciser, dans la définition, certains points que les rapports de ces organisations internationales ont longuement analysés ; ensuite, une telle innovation s'inscrit dans un contexte juridique précis, qui suppose donc qu'elle y soit adaptée ; enfin, les réflexions antérieures sur les conflits d'intérêts révèlent le caractère évolutif des définitions retenues. Avec la proposition que nous formulons, non seulement nous nous élevons au niveau des meilleurs standards internationaux, mais notre définition a, en outre, le mérite d'être juridiquement opérationnelle et adaptée à notre environnement juridique.

Au-delà de ces "sources", je voudrais insister sur l'équilibre auquel nous nous sommes efforcés d'aboutir : pour qu'il y ait conflit d'intérêts, il faut un risque d'interférence, c'est-à-dire qu'il faut d'abord que l'intérêt privé soit en relation avec l'intérêt public en cause. Il faut, ensuite, que cet intérêt privé puisse, compte tenu à la fois de sa nature -financière, professionnelle...- et de son intensité -participations importantes au capital d'une société, collaboration durable avec une société privée...- donner à penser, de manière suffisamment sérieuse, que l'acteur public pourrait ne pas s'acquitter de ses fonctions avec indépendance, impartialité et objectivité.

Il n'y a donc pas conflit d'intérêts, si l'intérêt privé d'un acteur public n'a aucun lien avec ses fonctions ou s'il est tellement mineur qu'il ne peut être considéré comme influençant sa manière de servir l'intérêt général. Tout intérêt personnel ou privé n'entre pas nécessairement en conflit avec l'intérêt public, heureusement ! Tout est affaire de mesure et d'équilibre. En un mot : ni inquisition, ni suspicion généralisée, ni inaction, mais prévention et protection.

Lexbase : Quel est le dispositif actuel de prévention des conflits d'intérêts ? En quoi est-il lacunaire ?

Jean-Marc Sauvé : La France ne découvre certainement pas les conflits d'intérêts aujourd'hui et elle n'a pas attendu 2011 pour commencer à les traiter. Les ordonnances sur la réformation du royaume de Saint Louis ou Philippe le Bel au XIIIème ou au début du XIVème siècle sont, à cet égard, éloquentes. Mais, à ce jour, elle n'a pas élaboré de véritable stratégie préventive, ce que lui reproche régulièrement l'OCDE. Il n'y a, ainsi, pas de dispositif unique et dédié à la prévention des conflits d'intérêts, mais une multiplicité de règles et de mécanismes qui y contribuent, directement ou indirectement. A cet égard, la France se caractérise, au sein des pays de l'OCDE, par la prééminence de la réponse pénale, à travers les délits de prise illégale d'intérêts prévus aux articles 432-12 (N° Lexbase : L7146ALA) et 432-13 (N° Lexbase : L6227HWK) du Code pénal. Mais cette prééminence est largement théorique, car les condamnations sur ce fondement sont rares.

En contrepoint, les règles de prévention proprement dites sont éparses, souvent implicites, peu connues et mal articulées avec les infractions pénales. Le titre premier du statut général des fonctionnaires prévoit, en son article 25 (loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, portant droits et obligations des fonctionnaires, art. 25 N° Lexbase : L5220AHS), que les agents publics ne peuvent prendre, dans une entreprise dont ils assurent la surveillance ou le contrôle, des intérêts de nature à compromettre leur indépendance, alors que l'article 432-12 du Code pénal réprime lui, sans aucune atténuation, la prise d'un "intérêt quelconque". Le principe d'impartialité, qui s'impose aux personnes participant à l'édiction des décisions administratives, est une règle de prévention d'origine seulement jurisprudentielle, qui n'a pas été consacrée par les textes. Enfin, rares sont les administrations qui ont pris l'initiative d'élaborer des codes de conduite ou des chartes de déontologie, explicitant les obligations pesant sur les acteurs publics. De manière générale, les autorités dont relèvent les acteurs publics ne se sentent guère investies d'une responsabilité en matière déontologique. Cette carence est aggravée par l'absence d'institution dédiée à la déontologie en France. Au total, l'acteur public est, pour l'essentiel, renvoyé à sa conscience et au respect de règles d'origines diverses qu'il connaît souvent mal, faute de formation adaptée. Cette situation n'est pas acceptable dans un pays comme le nôtre.

Lexbase : La Commission recommande la mise en place d'une déclaration d'intérêts pour les acteurs publics les plus exposés. Que recouvrirait-elle exactement ?

Jean-Marc Sauvé : Nous proposons effectivement que les acteurs publics les plus exposés soient soumis à une obligation de déclaration d'intérêts. Les personnes concernées, au nombre d'environ 4 000, seraient les membres du Gouvernement, les directeurs des cabinets ministériels et leurs adjoints, le titulaires de certains emplois de cabinet, les titulaires des emplois supérieurs de la fonction publique de l'Etat, des collectivités territoriales et des hôpitaux publics, et enfin les titulaires des emplois de direction des établissements publics, entreprises publiques, groupements d'intérêt public et sociétés publiques locales ou d'économie mixte d'une certaine importance. Cette liste n'est pas, dans notre esprit, limitative. Les ministres pourraient, ainsi, notamment dans les domaines de la sécurité sanitaire et des risques industriels, étendre cette obligation de déclaration aux agents ou collaborateurs occasionnels du service public, lorsque la nature de leurs fonctions le justifierait.

Quant au contenu de ces déclarations, il porterait sur l'ensemble des intérêts en relation avec la fonction : intérêts financiers détenus et gérés directement "actuels", c'est-à-dire détenus au moment de la déclaration ; intérêts professionnels (contrats de travail...) détenus au cours des trois années précédentes, ce délai étant porté à cinq ans pour les membres du Gouvernement, compte tenu des responsabilités particulières qui pèsent sur eux. Seraient, également, déclarés les autres intérêts que le déclarant souhaiterait mentionner, ainsi que les intérêts financiers et professionnels détenus par les proches au moment de la déclaration et dont l'acteur public a connaissance. Cette déclaration serait évidemment régulièrement actualisée -une fois par an, et à chaque changement important- et rendue publique pour les membres du Gouvernement.

Je précise cependant immédiatement un point : les déclarations d'intérêts ne sont pas une fin, mais un moyen. Elles doivent permettre de détecter en amont les risques de conflits d'intérêts de manière à les résoudre préventivement. Tout intérêt déclaré n'est pas synonyme de conflit : il faut tenir compte de l'intensité de l'intérêt, du lien avec la mission publique exercée... En d'autres termes, ce n'est pas parce qu'on a déclaré ses intérêts qu'on peut tout faire ; ce n'est pas non plus parce qu'on détient des intérêts que l'on est en situation d'incompatibilité. La déclaration d'intérêts doit ouvrir une phase de discernement.

L'important est de savoir, en amont, pour prévenir et agir efficacement : l'acteur public peut ensuite, en cas de risque de conflit, soit abandonner l'intérêt privé litigieux ; soit s'abstenir de participer à toute délibération ou prise de décision dans le domaine dans lequel il a un intérêt ; soit, enfin, renoncer à ses fonctions, lorsque le conflit d'intérêt est "structurel" et insurmontable, ce qui ne devrait pas être fréquent.

Lexbase : Comment adapter les règles de passage du secteur public vers le secteur privé pour éviter les interférences pouvant prêter à soupçon ?

Jean-Marc Sauvé : Le dispositif actuel repose sur le délit de prise illégale d'intérêts prévu à l'article 432-13 du Code pénal, qui interdit pendant trois ans aux agents publics d'occuper un emploi dans une entreprise dont ils ont assuré la surveillance ou le contrôle, et sur la consultation préalable de la Commission de déontologie. Ce système est critiqué tant par ceux qui regrettent son laxisme que par ceux qui déplorent son rigorisme. Il souffre, en effet, d'une double faiblesse : d'une part, les avis de compatibilité ne prémunissent pas les agents contre les poursuites pénales ; d'autre part, et surtout, l'appréciation portée par la Commission de déontologie est essentiellement institutionnelle : elle porte moins sur les fonctions réellement exercées et la nature des affaires traitées par les agents que sur l'autorité ou le service dans lequel ils ont exercé leurs fonctions. Peuvent ainsi être "disqualifiés" pour occuper un emploi dans un secteur déterminé l'ensemble des collaborateurs de cabinet d'un ministre s'occupant de ce secteur, y compris les membres du cabinet qui n'ont, à aucun moment, assuré la surveillance ou le contrôle d'entreprises du secteur. On comprend qu'un tel dispositif suscite des critiques, voire des frustrations.

C'est pourquoi la Commission a proposé d'y substituer un mécanisme d'autorisation préalable, délivrée par l'Autorité de déontologie de la vie publique dont nous préconisons la création, sur la base d'informations précises produites par l'agent ou l'autorité dont il relevait quant aux affaires traitées par celui-ci, comme des organigrammes ou des déclarations de déport ou d'abstention. Ce serait à l'agent concerné de convaincre l'Autorité qu'il ne s'est pas occupé de l'entreprise dans laquelle il souhaite partir. En cas de désaccord, il aurait la possibilité de contester le refus d'autorisation devant le juge administratif. Seule la méconnaissance de l'autorisation serait pénalement sanctionnée, y compris par l'interdiction d'exercer temporairement des fonctions publiques. Ce mécanisme serait tout à la fois plus réaliste, plus responsabilisant, et plus sûr juridiquement. La Commission propose par ailleurs que les membres du Gouvernement y soient aussi soumis. Il est, en effet, anormal que les contraintes pesant sur eux soient moins fortes que celles qui s'imposent aux autres agents publics.

En revanche, elle n'a pas jugé utile, à ce stade, de réduire le délai de viduité de trois ans. L'effet contraignant du dispositif concerne essentiellement la sortie de la fonction publique et les premiers mois qui y font suite. Réduire le délai à deux ans pourrait se justifier, mais ce n'est pas une priorité.

Lexbase : Vous proposez de fusionner la Commission de déontologie et la Commission pour la transparence financière de la vie politique au sein d'une Autorité de déontologie de la vie publique. Quelles seraient ses attributions ?

Jean-Marc Sauvé : Nous proposons effectivement de fusionner ces deux autorités au sein d'une nouvelle Autorité de déontologie de la vie publique qui reprendrait leurs attributions et se verrait, en outre, attribuer une mission générale de conseil déontologique pour les acteurs publics dans le cadre de leurs missions. Cette Autorité, qui serait composée de hauts magistrats sur le modèle de la Commission pour la transparence financière de la vie politique, aurait un pouvoir d'avis, de recommandation, de mise en demeure et d'injonction. La méconnaissance de ses injonctions serait sanctionnée par le juge pénal. Cette Autorité pourrait être saisie, en cas de problème déontologique sérieux, par les membres du Gouvernement, les agents publics pour ce qui les concerne personnellement, les déontologues, le Défenseur des droits et, lorsqu'un membre du Gouvernement est en cause, par 30 députés ou 30 sénateurs. Elle pourrait, également, s'autosaisir de situations dont les éléments auraient été publiquement révélés. Ses avis, recommandations ou injonctions seraient rendus publics dans deux cas : lorsqu'elle a été saisie par des membres du Parlement ou, à son initiative, lorsque les éléments du problème ont été rendus publics. Enfin, elle donnerait un avis conforme sur la nomination des déontologues des différents ministères et du Gouvernement, et elle animerait leur réseau.

L'objectif est de garantir la cohérence du traitement des questions déontologiques publiques en France. On ne peut pas admettre que dans ce pays, en 2011, aucune autorité ne soit spécifiquement en charge de cette question. Avec une telle autorité, nous aurions une action globale de résolution des questions déontologiques aussi bien avant et pendant qu'après l'exercice des fonctions publiques. Ce ne serait pas la moindre des avancées...

Lexbase : Quelles sont les principales mesures susceptibles de renforcer la déontologie des responsables publics ?

Jean-Marc Sauvé : On ne peut pas isoler la question des conflits d'intérêts. La déontologie forme un tout. Comme l'y invitait la lettre de mission, la Commission a donc réfléchi à un renforcement des obligations déontologiques s'imposant aux acteurs publics. Nombre de ses propositions sont transversales : les codes de conduite et chartes de déontologie dont elles préconisent l'adoption devront traiter de l'ensemble de la matière déontologique, de même que les formations dans les écoles du service public. L'Autorité de déontologie et le réseau de déontologues, comme les services dont les autorités administratives doivent se doter en la matière, ne s'occuperont pas seulement des conflits d'intérêts, mais de l'ensemble des sujets déontologiques.

Sur le fond, la Commission propose de consacrer dans la loi trois grands principes déontologiques : l'impartialité, l'objectivité et la probité. Ce dernier principe irrigue tout particulièrement les propositions de la Commission en matière déontologique. Il doit, par exemple, se traduire, à nos yeux, par une règle générale interdisant aux acteurs publics de recevoir des cadeaux à raison de leurs fonctions, sauf cadeaux d'usage ou de faible montant. Les moyens publics n'ont pas vocation à être utilisés à des fins privées. Lorsqu'ils le sont, parce que la frontière entre vie publique et vie privée est poreuse, il faut que les règles du jeu soient claires et transparentes. A défaut, les responsables publics continueront de s'exposer -inutilement- aux polémiques. Les acteurs publics doivent, également, veiller à ne pas placer la structure dont ils relèvent en situation de dépendance à l'égard d'acteurs privés. C'est le sens des recommandations que nous faisons en matière de lobbying et de parrainage.

Il n'y a pas de recette miracle en matière de déontologie. Il faut une prise de conscience à la fois collective et individuelle de l'importance de ce sujet, et la volonté de traiter concrètement ces problèmes, sur le terrain, de manière adaptée à chaque situation. Les moyens que nous proposons d'y consacrer sont, somme toute, modestes. Ils sont de toute façon sans commune mesure avec l'enjeu, qui est de répondre à la crise de confiance que notre vie publique traverse aujourd'hui.

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Procédures fiscales

[Chronique] Chronique de procédures fiscales - Février 2011

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N3504BR9

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par Thierry Lambert, Professeur à l'Université Paul Cézanne Aix Marseille III

Le 23 Mai 2011

Lexbase Hebdo - édition fiscale vous propose de retrouver la chronique d'actualités en procédures fiscales réalisée par Thierry Lambert, Professeur à l'Université Paul Cézanne Aix Marseille III. Au sommaire de cette chronique : un arrêt rendu le 23 décembre 2010, par lequel le Conseil d'Etat revient sur le délai pour déposer une requête devant la cour administrative d'appel et sur le fait que le président de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires puisse ou non siéger, dans la formation de jugement du litige (CE 9° et 10° s-s-r., 23 décembre 2010, n° 306228, mentionné aux tables du recueil Lebon). Puis, l'auteur revient sur la durée de la vérification de comptabilité et les investigations sur le fonctionnement des systèmes informatisés (CE 9° et 10° s-s-r., 23 décembre 2010, n° 307780, mentionné au recueil Lebon). Enfin, cette chronique analyse un montage visant à l'utilisation d'un nom commercial au regard de l'"abus de droit rampant" (CE 3° et 8° s-s-r., 17 décembre 2010, n° 318048, publié au recueil Lebon).
  • Retour sur le délai pour déposer une requête devant la cour administrative d'appel (CE 9° et 10° s-s-r., 23 décembre 2010, n° 306228, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A6968GNE)

Dans la présente affaire deux points méritent d'être retenus : le délai dont dispose l'administration pour déposer une requête devant la cour administrative d'appel et le fait que le président de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires puisse ou non siéger, dans la formation de jugement du litige.

Concernant le premier point relatif au délai ouvert à l'administration pour faire appel, rappelons que l'article R. 200-18 du LPF (N° Lexbase : L4995AEQ) ouvre un délai de recours devant les cours administratives d'appel de quatre mois pour l'administration et de deux mois pour le contribuable.

Le Conseil d'Etat a jugé, en l'espèce, que le délai spécial, au profit du ministre, n'est pas contraire au principe d'égalité, dès lors qu'il tient compte des nécessités particulières de l'administration qui la place dans une situation différente de celle des autres justiciables. Cette solution est conforme à sa jurisprudence (CE Contentieux, 2 juillet 1990, n° 48892 N° Lexbase : A4649AQA, Droit fiscal, 1990, comm. 1783, concl. Chahid-Nourai).

Nous pouvons esquisser un parallèle avec la Cour de cassation qui, le 17 septembre 2008 (Cass. crim., 17 septembre 2008, n° 08-80.598, F-P+F N° Lexbase : A5071EA3), a jugé que le fait qu'un procureur général dispose, dans un procès pénal, d'un délai plus long que celui accordé aux autres parties est incompatible avec le principe de l'égalité des armes prévu par l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme (N° Lexbase : L7558AIR).

Le moyen tiré de ce que les dispositions de l'article R. 200-18 seraient contraires aux dispositions précitées de la Convention européenne qui n'a pas été soulevé devant les juges du fond, et qui n'est pas d'ordre public, n'est pas recevable au soutien d'un pourvoi en cassation (CE Contentieux, 16 janvier 1995, n° 112746 N° Lexbase : A1923ANK, RJF, 1995, 3, comm. 302). En outre, pour la Haute juridiction administrative, ce moyen est inopérant car ces stipulations ne peuvent être invoquées utilement dans un litige relatif à la contestation de la détermination de l'assiette d'un impôt direct, dès lors qu'elles ne visent que les procès portant sur les droits ou obligations de caractère civil ou sur des accusations en matière pénale (CE Contentieux, 29 septembre 2000, n° 198325 N° Lexbase : A0380AZ4, RJF, 2000, 12, comm. 1457).

Le point de départ du délai est constitué par la date de notification du jugement constatée par l'avis de réception postal de la lettre recommandée, ou de la notification par la voie administrative (CE Contentieux, 1er février 1995 N° Lexbase : A2632ANS, RJF, 1995, 3, comm. 393). Lorsqu'un jugement est notifié par lettre recommandée et que celle-ci n'a pu être remise à son destinataire, le délai d'appel ne commence à courir qu'à la date de retrait du pli, et non à la date de présentation (CE 9° s-s., 26 mars 2007, n° 286566 N° Lexbase : A8134DUS, Procédures, 2007, 6, comm. 155, note Pierre). En effet, l'arrêt précité prévoit que, dès lors que le retrait au bureau de poste de la lettre contenant la notification du jugement attaqué a été effectué avant l'expiration d'un délai de quinze jours suivant la présentation du pli, le délai d'appel ne commence à courir qu'à compter de la date de retrait. En outre, l'avis de mise en instance de ce pli, et les autres pièces produites par les requérants faisant apparaître qu'il a été retiré avant l'expiration du délai de quinze jours, peuvent être présentés utilement pour la première fois en cassation.

Concernant le second point, l'article R. 200-1 du LPF (N° Lexbase : L5879AEH) énonce pour principe qu'"un membre du tribunal ou de la cour ne peut siéger dans le jugement d'un litige portant sur une imposition dont il a eu à apprécier la base comme président de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires". La méconnaissance éventuelle de cette disposition a pour effet d'entraîner l'annulation du jugement (CE Contentieux, 4 mai 1973 N° Lexbase : A7234AYL, Droit fiscal, 1974, comm. 699, concl. Delmas-Marsalet).

Il a été jugé que, lorsque la commission départementale a été consultée à la demande d'une société sur le montant de son bénéfice imposable et que celle-ci s'est déclarée incompétente, au motif que le litige portait sur une question de droit, le magistrat qui présidait aux travaux de la commission pouvait, ultérieurement, donner son avis en tant que commissaire du Gouvernement (rapporteur public), lors d'une audience au cours de laquelle a été examiné le bien fondé du rappel d'impôt assigné à l'associé de la dite société, quand bien même ce rappel est directement issu de la procédure suivie à l'égard de la société (CAA Paris, 5ème ch., 13 janvier 2005, n° 01PA01999 N° Lexbase : A0147DHW, RJF, 2006, 7, 919 a). En revanche, un membre d'une juridiction administrative qui a publiquement exprimé son opinion sur un litige ne peut plus participer à la formation de jugement statuant sur le recours formé contre une décision juridictionnelle statuant sur le même litige (CE 3° et 8° s-s-r., 14 janvier 2008, n° 29431 N° Lexbase : A1111D4W, RJF, 2008, 4, comm. 499).

Enfin, le moyen tiré de l'irrégularité de la composition d'une juridiction étant d'ordre public, il peut être relevé d'office et peut être soulevé pour la première fois en cassation (CE 5° et 7° s-s-r., 30 juillet 2003, n° 248954 N° Lexbase : A2576C9B, Actualité juridique de droit administratif, 2003, note Markus).

Dans l'affaire qui nous occupe, le requérant soutient que la commission s'est bornée à décliner sa compétence, sans apprécier la base d'imposition, et, en conséquence, le président de la commission départementale pouvait fort bien siéger dans la formation de jugement du litige. Le Conseil d'Etat a considéré que le principe d'impartialité, applicable à toutes les juridictions, fait obstacle à ce que le président de la commission siège dans la formation de jugement. En outre, le Conseil rappelle qu'il appartient au juge de veiller à la régularité de la composition de la formation de jugement.

L'administration ne peut se prévaloir de cette irrégularité dès lors qu'elle en serait responsable.

  • Durée de la vérification de comptabilité et investigations sur le fonctionnement des systèmes informatisés (CE 9° et 10° s-s-r., 23 décembre 2010, 307780, mentionné au recueil Lebon N° Lexbase : A6973GNL)

La vérification d'une comptabilité informatisée repose sur la combinaison des articles L. 13 (N° Lexbase : L6794HWK) et L. 47 A (N° Lexbase : L5479H9S) du LPF.

L'article L. 13 du LPF fixe pour principe que, lorsque la comptabilité est tenue au moyen de systèmes informatisés, le contrôle porte sur l'ensemble des informations, données et traitements informatiques qui concourent directement, ou indirectement, à la formation des résultats comptables ou fiscaux. Les investigations concernent, aussi, tout ce qui permet l'élaboration des déclarations tout comme la documentation relative aux analyses, à la programmation et à l'exécution des traitements.

L'article L. 47 A du même livre, quant à lui, prévoit la possibilité pour l'administration de demander les fichiers informatiques à deux fins différentes. La première permet la consultation de la comptabilité à partir d'une copie des fichiers des écritures comptables tandis que la seconde est destinée à réaliser des traitements mettant en oeuvre des fichiers de nature différente. Le contribuable peut demander à effectuer lui-même tout ou partie des traitements informatiques nécessaires à la vérification. Il peut, également, souhaiter que le contrôle ne soit pas effectué sur le matériel de l'entreprise.

Lorsqu'elle envisage de réaliser des traitements informatiques, l'administration doit indiquer par écrit la nature des investigations envisagées et le contribuable doit, de la même manière, formaliser son choix pour l'une des options de traitement.

Ces dispositions autorisent le contribuable qui le souhaite à répondre à son obligation de présentation des documents comptables (CGI, art. 54 N° Lexbase : L1575HLW) en remettant, sous forme dématérialisée, une copie du fichier des écritures comptables.

Le caractère probant d'une comptabilité informatisée s'apprécie à la fois au vu de certains critères propres à sa nature informatisée, telle la disponibilité des données élémentaires ou des traitements, mais aussi au regard des critères de droit commun applicables à toute comptabilité. Lorsque la gravité des manquements le justifie, l'administration peut mettre en oeuvre la procédure d'évaluation d'office (LPF, art. L. 74-2 N° Lexbase : L0640IH8). En pratique l'administration a la possibilité d'adjoindre au vérificateur un agent pouvant l'assister pour le contrôle du matériel informatisé utilisé par le contribuable (CE 3° et 8° s-s-r., 25 avril 2003, n° 236066 N° Lexbase : A7691BSN, RJF, 2003, 7, comm. 878).

L'administration se doit de respecter le débat oral et contradictoire. La communication des résultats informatiques implique que l'administration précise la nature des traitements informatiques dans la proposition de rectification (LPF, art. L. 57 N° Lexbase : L0638IH4) et communique, si le contribuable en fait la demande, les résultats des traitements sous forme dématérialisée. En pratique, aucun rehaussement ne pourra être proposé directement à partir de l'exploitation des informations issues des fichiers, sans que les incohérences ou omissions relevées n'aient été soumises au contribuable.

Dans le cadre du débat oral et contradictoire, l'administration se doit de rappeler au contribuable que le choix pour l'une des options offertes au II de l'article L. 47 A du LPF est conditionné par la réalisation dans un délai déterminé d'un commun accord entre l'administration et le contribuable. Un document est signé à cet effet par les parties et sert de point de départ à la prorogation éventuelle du délai de trois mois du contrôle sur place, dans le cas où la réalisation des traitements aboutirait à dépasser la durée normale du contrôle sur place.

En l'espèce, le Conseil d'Etat a jugé que, si l'administration souhaite faire des investigations sur le fonctionnement des systèmes informatisés utilisés par l'entreprise, elle peut aussi dans le cadre d'une vérification de comptabilité prendre copie des données issues de tels systèmes, y compris sur support informatique. L'objectif est de lui permettre de les consulter et de les analyser, à partir de ses propres outils, pour en examiner la cohérence avec les déclarations fiscales régulièrement souscrites par l'entreprise.

Dans cette affaire, la société avait remis un CD ROM au vérificateur qui lui en avait demandé communication (LPF, art. L. 13). Celui-ci ne comportait que des données constituées par les fichiers enregistrant les lignes d'information des appels téléphoniques passés sur le compte du principal client de la société et servant à établir les factures adressées à celui-ci. Ceci ne saurait constituer un traitement informatique d'informations concourant directement ou indirectement à la formation des résultats comptables ou fiscaux de la société vérifiée, au sens de l'article L. 47 A du LPF. L'examen de ces informations ne relève pas des règles de procédure des vérifications de comptabilités informatisées (LPF, art. L. 47 A). Cette solution confirme la position, qui était inédite, du tribunal administratif de Strasbourg qui a eu à connaître de ce litige (TA Strasbourg, 2 juin 2005, n° 02-264, RJF, 2005, 12, comm. 1425).

Dans ces conditions le pourvoi de la société devant le Conseil d'Etat a été rejeté.

Ajoutons que depuis le 1er janvier 2008, l'article L. 47 A-I du LPF autorise l'administration, si le contribuable le souhaite, à consulter la comptabilité à partir d'une copie dématérialisée du fichier des écritures comptables. Cette option offerte à l'entreprise la dispense de présenter la comptabilité sous la forme papier.

  • Montage visant à l'utilisation d'un nom commercial et "abus de droit rampant" (CE 3° et 8° s-s-r., 17 décembre 2010, n° 318048, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A6664GN7)

Dans cette affaire, une SARL versait des redevances dues en contrepartie de l'exercice d'une activité concédée ce qui l'avait conduite à les comptabiliser en charge, alors qu'en réalité il s'agissait des éléments du prix d'achat de la clientèle et de la dénomination commerciale.

Par un contrat du 5 octobre 1993, une SARL S, exerçant une activité de grossiste et de détaillant en articles de sport sous une dénomination commerciale, a concédé, pour une durée indéterminée, à une SARL C créée le 1er octobre 1993, le droit d'utiliser le nom commercial de la première pour commercialiser en gros des vêtements et matériels nécessaires à la pratique du sport, moyennant le versement d'une redevance. A partir de 1998, la société C a cessé de verser cette redevance, et n'a plus comptabilisé de dette vis-à-vis de la société S qui, de son côté, n'a plus réclamé le paiement de cette redevance, alors même que le concessionnaire continuait d'exercer l'activité concédée.

L'administration avait requalifié le contrat, en tenant compte de la commune intention des parties, mise en lumière lors de son exécution. Pour ce faire elle ne s'était pas placée sur le terrain de l'abus de droit. Le Conseil d'Etat est fondé à contrôler la qualification juridique des faits donnée par l'administration, qui lui permet de mettre en oeuvre, implicitement, une procédure de répression des abus de droit (CE Contentieux, 13 octobre 1999, n° 188114 N° Lexbase : A5215AYS, RJF, 1999, 12, comm. 1503).

La Haute juridiction, dans cette affaire, ne retient pas "l'abus de droit rampant", en jugeant que la rectification était fondée sur la dissimulation qu'aurait effectuée la société de la portée véritable du contrat pour en déduire que l'administration invoquait implicitement, mais nécessairement, les dispositions de l'article L. 64 du LPF (N° Lexbase : L4668ICU).

Cette décision s'inscrit à la suite de la jurisprudence du Conseil d'Etat par laquelle il a jugé que l'administration ne peut être regardée comme ayant mis en oeuvre, même implicitement, la procédure de répression de l'abus de droit lorsqu'elle requalifie une activité civile en activité de marchands de biens sur le terrain des articles 34 (N° Lexbase : L1118HLY) et 35 (N° Lexbase : L1129HLE) du CGI (CE 3° et 8° s-s-r., 19 novembre 2008, n° 291039 N° Lexbase : A3124EBC, RJF, 2009, 2, comm. 197). L'administration ne se place pas, même implicitement, sur le terrain de l'abus de droit, dès lors que le vérificateur n'a ni explicitement, ni implicitement, remis en cause un contrat ou une convention légale (CAA Paris, 2ème ch., 27 janvier 1995, n° 93PA01184 N° Lexbase : A2220BI3, RJF, 1995, 5, comm. 633).

De la même manière, pour la Cour de cassation, le fait de contester la qualité de marchand de biens d'un contribuable, pour justifier de rehaussements, ne conduit pas nécessairement et implicitement à invoquer un abus de droit (Cass. com., 3 novembre 2004, n° 02-15.528, F-D N° Lexbase : A7570DDQ, RJF, 2005, 2, comm. 199).

Enfin, les juges du fonds ne peuvent pas déduire de la seule réponse du vérificateur aux observations du contribuable que l'administration invoque implicitement l'abus de droit (CE Contentieux,23 novembre 2001, n° 205132 N° Lexbase : A5996AXD, RJF, 2002, 2, comm. 196).

L'invocation implicite d'un abus de droit, sans en aviser le contribuable, rend la procédure de l'article L. 64 du LPF entachée d'irrégularités (CAA Marseille, 3ème ch., 5 juin 2006, n° 01MA00589 N° Lexbase : A6061DMG).

En conséquence, c'est à juste titre, à suivre le Conseil d'Etat, que l'administration fiscale a réintégré, dans le résultat des exercices non prescrits clos les 28 février 1998 et 1999 le montant des redevances déduites, au motif que celles-ci avaient pour contrepartie l'entrée d'un nouvel élément dans l'actif immobilisé et ne constituaient pas des charges déductibles. En effet, dans le cadre de ce montage visant l'utilisation d'un nom commercial, l'administration qui requalifie le contrat ne se place pas sur le terrain de l'abus de droit.

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Sociétés

[Textes] La loi relative à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d'administration et de surveillance et à l'égalité professionnelle

Réf. : Loi n° 2011-103 du 27 janvier 2011, relative à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d'administration et de surveillance et à l'égalité professionnelle (N° Lexbase : L2793IP7)

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N3511BRH

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par Deen Gibirila, Professeur à la Faculté de droit et science politique, Université Toulouse 1 Capitole

Le 15 Février 2011

Fruit d'une longue gestation et âprement discutée par la doctrine (2), à propos non point de son contenu, mais de sa conformité aux principes constitutionnels de l'obligation de parité (3) et de la pertinence d'une intervention législative, l'obligation d'une représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d'administration et de surveillance est née avec la loi n° 2011-103 du 27 janvier 2011. Sa promulgation suffira-t-elle à apaiser la polémique qui a accompagné son élaboration ? Rien n'est moins sûr.
Dans le texte initialement présenté à l'Assemblée nationale à la fin de l'année 2009, il était inscrit que la proportion des administrateurs de chaque sexe ne pourrait excéder 50 %. La seule exception résidait dans le fait qu'en présence d'un conseil à composition impaire, l'écart entre les représentants de chaque sexe pouvait être d'un membre. Cependant, le seuil de 50 % a été abaissé à 40 % en première lecture devant l'Assemblée nationale le 20 janvier 2010 (4), puis devant le Sénat où il a été adopté le 27 octobre 2010. En seconde lecture, l'Assemblée nationale a adopté la proposition de loi le 13 janvier 2011, près d'un an après l'avoir été en première lecture. Hormis, l'abaissement de la proportion de membres des conseils d'administration et de surveillance de chaque sexe, les députés ont validé sans modification le texte proposé à l'origine par Jean-François Copé, alors Président du groupe UMP à l'Assemblée nationale et Marie-Jo Zimmermann, présidente UMP de la délégation aux droits des femmes (5). Le principal objet de la nouvelle loi est d'obliger les sociétés dont les actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé et à celles qui emploient plus de 500 salariés et présentent un chiffre d'affaires ou un total de bilan excédant 50 millions d'euros, de parvenir au nombre minimal de 40 % de membres des conseils d'administration et de surveillance de chaque sexe (6).
Ces règles valent non seulement pour les conseils des dites sociétés, mais encore pour les conseils d'administration des entreprises du secteur public et des établissements publics à caractère industriel et commercial régis par l'article 1er de la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 (N° Lexbase : L6981AGN). 
Il est prévu qu'avant le 31 décembre 2015 le Gouvernement déposera un rapport établissant la place des femmes dans les conseils d'administration ou organes équivalents des établissements publics administratifs de l'Etat et des établissements publics et industriels et commerciaux de l'Etat non visés par ladite loi de 1983 (7). Ce rapport présentera les efforts accomplis ou envisagés par l'Etat, afin de se rapprocher dans ces organes d'une proportion de chaque sexe au moins égale à 40 %.

Le texte renferme également des moyens destinés à contrôler des nominations, parmi lesquels figure la nullité de celles contraires aux principes énoncés et la suspension temporaire des jetons de présence.

L'essentiel du dispositif du texte qui concerne 2 000 sociétés anonymes (SA) et en commandite par actions (SCA), ne sera pas applicable avant 2017 pour les sociétés cotées et 2020 pour les autres. En vertu du principe de l'application immédiate de la loi, quelques dispositions mineures sont entrées en vigueur au lendemain de la publication de celle-ci (8).

Signalons que dans la foulée de la proposition de loi "Copé-Zimmermann" dont ils se sont grandement inspirés, l'AFEP et le MEDEF ont modifié leur code de gouvernement d'entreprise des sociétés cotées (cf. l'intégration, dans le code de gouvernement d'entreprise des sociétés cotées, de la recommandation relative à la représentation des femmes au sein des conseils) pour fixer les règles d'équilibre entre les femmes et les hommes dans les conseils d'administration et de surveillance (9). Ils recommandent que chaque conseil parvienne à un pourcentage d'au moins 20 % de femmes dans le délai de trois ans et de 40 % dans le délai de six ans, et le maintienne par la suite. Ces délais courent à dater du 19 avril 2010 ou à compter de l'admission des titres de la société aux négociations sur un marché réglementé, si elle intervient après cette date.

Toujours est-il que la loi du 27 janvier 2011 pose le principe d'une parité entre les femmes et les hommes au sein des conseils d'administration et de surveillance (I), dont l'inobservation est sanctionnée par la nullité (II).
Dans l'attente d'une mise en oeuvre effective de cette disposition, ces conseils doivent délibérer chaque année sur la politique de la société en matière d'égalité professionnelle et salariale (10). Cette obligation vaut pour toute SA et SCA, cotée ou non, peu importe leur taille.

I - L'obligation de respect d'une parité entre femmes et hommes

La situation actuelle. Les statistiques révèlent une présence ou une participation peu importante des femmes aux postes de direction ou dans les instances dirigeantes des sociétés. Ainsi en France, il n'y aurait que 17,2 % de femmes dirigeantes et 10 % dans les conseils d'administration des sociétés du CAC 40 (11). Ce pourcentage, déjà faible, diminue encore quand il s'agit des conseils d'administration des cinq cents premières entreprises françaises ; il ne s'élève qu'à 8 %. Cette situation tiendrait à la fois à un manque d'attrait pour les femmes pour les attributions directoriales, à leur recherche d'un équilibre entre la vie professionnelle et la vie familiale et à leur propre choix d'orientation (12).

La situation tranche notablement avec celle rencontrée en Norvège où la loi impose depuis 2006 la présence d'au moins 40 % de femmes au sein des instances de gouvernance des entreprises. S'inspirant de cette situation, l'exposé des motifs de la proposition de loi déposée le 3 décembre 2009 par Jean-François Copé et Marie-Jo Zimmermann a mis en exergue le dynamisme et le facteur de richesse que la mixité a apporté à ces instances. Ce constat sert également d'exemple à la Belgique qui envisage, à son tour, de légiférer sur cette question avec l'objectif que les conseils d'administration comportent au moins 30 % de femmes.

Le principe de mixité. Le nouveau texte issu de la loi du 27 janvier 2011 assigne que la composition des conseils d'administration et de surveillance de toute société anonyme ou société en commandite par actions soit une représentation équilibrée des femmes et des hommes (13). En outre, il dispose que dans les sociétés dont les titres financiers sont admis aux négociations sur un marché réglementé, le rapport du président sur le contrôle interne fasse état de l'application du principe de représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein de ces conseils (14).

Les modalités de la mixité. La proposition de loi prévoyait déjà que les sociétés dont les actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé, parviennent à un chiffre minimal de 40 % des membres des conseils d'administration et de surveillance de chaque sexe dans le délai de six ans. Elle a révisé ses ambitions à la baisse car le texte de départ envisageait une exacte parité dans le délai de cinq ans.
Ainsi, un conseil d'administration ou de surveillance comportant huit membres pourra être composé de cinq femmes ou hommes et de trois hommes ou femmes. S'il comporte neuf membres, il y aura cinq femmes ou hommes et quatre hommes ou femmes. En présence de dix membres, il s'agira de six femmes ou hommes et de quatre hommes ou femmes.

En application de l'article 5, I, alinéa 1er, de la nouvelle loi, à l'issue de la première assemblée générale ordinaire tenue après 1er janvier 2017, la proportion des membres de chaque sexe des conseils ne pourra se situer au-dessous de 40 % dans les SA et SCA dont les actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé. Cette obligation de proportion s'appliquera également au terme de la plus prochaine assemblée ayant à statuer sur des nominations, dans les sociétés qui, pour le troisième exercice consécutif, d'une part, emploient un nombre moyen d'au moins 500 salariés permanents, d'autre part, réalisent un chiffre d'affaire d'au moins 50 millions d'euros net ou présentent un total de bilan supérieur ou égal à cette somme (15). La disposition entrera en vigueur à dater du 1er janvier de la sixième année suivant l'année de publication de la loi, à savoir le 1er janvier 2017.

Désormais, dans ces différentes sociétés, les conseils comportant huit personnes au plus, l'écart entre le nombre de leurs membres de chaque sexe ne peut dépasser le chiffre de deux (16).

Ces différentes règles n'entrant en vigueur que six ans après la promulgation de la loi, celle-ci instaure des étapes intermédiaires, notamment celle de trois ans après la promulgation durant laquelle la proportion des membres des conseils d'administration et de surveillance ne peut être inférieure à 20 %. En outre, quand dans le délai de six mois à partir de la promulgation, l'un des sexes n'est pas représenté à ces conseils, au moins un représentant de ce sexe doit être nommé dès le premier renouvellement de l'un des mandats de membre intervenant à compter de la promulgation. Cela concerne environ 180 femmes nommées avant janvier 2014, afin de parvenir à 40 % en 2017.

Ces différentes mesures concernant le pourcentage de 40 % et l'écart maximal de deux entre le nombre des membres des conseils de chaque sexe s'appliquent également aux sociétés relevant du secteur public, à partir du deuxième renouvellement dudit conseil suivant la publication (17).

Dans l'appréciation de ladite proportion de 40 %, il conviendra de prendre en considération les représentants permanents des personnes morales membres du conseil d'administration ou de surveillance (18), mais non les membres de ces conseils élus par les salariés (19). Quand plusieurs membres des conseils des SA ou SCA sont élus par les salariés, la liste des candidats devra être alternativement composée d'un candidat de chaque sexe. Sur chaque liste, l'écart entre le nombre des candidats de chaque sexe ne pourra être supérieur à un (20).

La période transitoire. En vue de parvenir à une composition paritaire des conseils, le législateur a instauré une période transitoire au cours de laquelle les administrateurs eux-mêmes vont appliquer la mesure exigeant une représentation minimale de chaque sexe en leur sein. Ainsi, lorsqu'à la date de publication de la loi, l'un des deux sexes n'est point du tout représenté au sein d'un des conseils d'une société dont les actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé, au moins un représentant de ce sexe doit être nommé lors de la plus prochaine assemblée générale ordinaire ayant à statuer sur la nomination de membres de ces conseils (21). Au sein de ces sociétés, la proportion de ces membres ne pourra chuter sous la barre de 20 %, à l'issue de la première assemblée générale ordinaire qui suivra le 1er janvier 2014 (22).

Pour apprécier si cette proportion de 20 % est respectée, il faudra tenir compte du représentant permanent d'une personne morale membre du conseil d'administration ou de surveillance.

Pareilles mesures transitoires s'appliqueront également aux sociétés relevant du secteur public, plus précisément les établissements publics et les entreprises visés aux articles 5 et 6 de la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 (23).

II - La sanction du non-respect de la parité entre femmes et hommes

La nullité de plein droit. La nouvelle loi ne prescrit pas de sanction financière en cas d'inobservation de la parité entre les femmes et les hommes (24). Néanmoins, assez curieusement, elle édicte la nullité comme sanction. En effet, cette option va à contre-courant de la tendance actuelle et générale à bannir la nullité au profit d'une annulabilité.

Ainsi, à l'origine, l'article L. 235-2-1 (N° Lexbase : L1393HIG), introduit dans le Code de commerce par la loi de sécurité financière n° 2003-706 du 1er août 2003 (N° Lexbase : L3556BLB), prévoyait la nullité des délibérations ne répondant pas aux dispositions régissant les droits de vote relatifs aux actions. Les critiques dont ce texte a fait l'objet ont amené le législateur à le réviser par l'article 23 de la loi n° 2006-387 du 31 mars 2006 (N° Lexbase : L9533HHK), dont la nouvelle rédaction énonce simplement que les délibérations litigieuses "peuvent être annulées", écartant ainsi la nullité de plein droit.

De la même manière, au départ, l'article L. 225-149-1 du Code de commerce (N° Lexbase : L9343GUL), provenant de ladite loi de sécurité financière, rendait nulle de plein droit les décisions portant atteinte aux dispositions relatives à l'émission de valeurs mobilières. L'ordonnance n° 2004-604 du 24 juin 2004 (N° Lexbase : L5052DZ7, art. 21) a institué dans ce code l'article L. 225-149-3 (N° Lexbase : L1418HID) qui, au gré de la nature et de l'importance de la règle méconnue, mêle désormais nullité, annulabilité et injonction de faire.

La nullité en période transitoire. S'agissant de la parité entre femmes et hommes, objet de notre propos, en période transitoire, le législateur prévoit que toute nomination intervenue en violation du texte en vigueur est frappée de nullité. Cette sanction n'entraîne pas la nullité des délibérations des conseils, sauf celles auxquelles ont participé le ou les membres du conseil dont la nomination est irrégulière (25).

Sans vouloir faire renaître le débat antérieur, il est permis de se demander si la sanction de la nullité est bien appropriée. Surgit alors la difficulté de faire la distinction entre les nominations et délibérations valables et celles qui méritent d'être touchées par la nullité. Elle soulève le risque évident d'erreur dans cette recherche, ce qui pourrait entraîner une série de nullités, sans exclure celle inévitable de replacer les choses dans la situation initiale et d'ordonner aux intéressés de restituer les rémunérations et les avantages perçus.

Si le conseil ne prend pas soin de procéder aux nominations requises ou de convoquer l'assemblée générale des actionnaires afin de remédier à l'irrégularité de sa composition, tout intéressé peut solliciter en justice la désignation d'un mandataire chargé de convoquer l'assemblée à cette fin. Si la proportion du nombre des membres de chaque sexe tombe en dessous de 40 %, le conseil doit procéder à des nominations à titre provisoire dans le délai de six mois à compter du jour où cette proportion n'est plus respectée, à l'instar de la vacance par décès ou démission d'un poste de membre de conseil d'administration ou de surveillance (26).

La nullité après la période transitoire. En période post transitoire de pleine application de la loi, la sanction prescrite est également la nullité. C'est particulièrement le cas si le conseil d'administration néglige de procéder aux nominations requises ou de convoquer l'assemblée afin de remédier à l'irrégularité. Ainsi, sont nulles les nominations qui ne respectent pas la proportion minimale de 40 % de membres des conseils de chaque sexe, sans que soient exposées à la nullité les délibérations de ces organes auxquelles a pris part le membre du conseil ou, le cas échéant, le représentant permanent irrégulièrement désigné (27).

De surcroît, le versement des jetons de présence sera suspendu. Il ne pourra être rétabli, avec paiement d'arriéré non versé, qu'après la régularisation de la composition du conseil (28). Le rapport de gestion devra faire état de la suspension et du rétablissement des jetons de présence (29).

Toute difficulté ne disparaît pas pour autant. Si, à la suite de la nullité des nominations, le nombre des membres tombait au-dessous du minimum statutaire, ou pire, au-dessous du minimum légal, le conseil ne serait plus régulièrement composé. Il ne pourrait alors valablement délibérer, au point que l'on se trouverait à nouveau confronté au risque de nullités en série malgré l'affirmation d'une absence de contamination des délibérations par la nullité (30).

Eu égard aux dangers que présente la nullité de plein droit, n'aurait-il pas mieux valu instaurer une simple possibilité d'annulation ou une injonction de faire abandonnée à la libre appréciation du juge, malgré quelques réserves émises par la doctrine au sujet de l'injonction (31) ? Nous sommes enclins à le penser.


(1) Journal officiel du 28 janvier 2011.
(2) F.-X. Lucas, La "modernitude" s'invite dans les conseils d'administration, Bull. Joly Sociétés, 2009, p. 945 ; Ph. Reigné, Les femmes et les conseils d'administration, JCP éd. E, 2010, n° 3, 1048, et la réponse de F.-X. Lucas, Femmes... Je vous aime..., JCP éd. E, 2010, n° 7, 1170 ; F. Rome, Lignes de fiel, D., 2010, p. 249 ; V. Martineau-Bourgninaud, L'obligation de mixité dans les conseils d'administration et de surveillance, D., 2010, p. 599, qui qualifie la proposition de loi d'inopportune et d'opportuniste.
(3) F.-X. Lucas, Femmes... Je vous aime..., JCP éd. E, 2010, n° 7, 1170, spéc. n° 5 et note 6.
(4) A. Astaix, D., Actualité, 18 janvier 2011 ; BRDA, 2/2010, n° 3.
(5) A. Astaix : D., Actualité, 25 janvier et 3 novembre 2010.
(6) B. Dondero, Le sexe des administrateurs, blog Dalloz, 10 décembre 2010.
(7) Loi n° 2011-103, art. 7.
(8) C. civ., art. 1er, al. 1er (N° Lexbase : L3088DYZ).
(9) Communiqué de presse AFEP-MEDEF du 20 avril 2010 ; BRDA, 8/2010, n° 5.
(10) C. com., art. L. 225-37-1 (N° Lexbase : L2853IPD), L. 225-82-1 (N° Lexbase : L2854IPE) et L. 226-9-1 (N° Lexbase : L2855IPG), dans leur rédaction issue de la loi n° 2011-103 (art. 8, I).
(11) A. Astaix, D. Actualité, 25 janvier 2010.
(12) V. Martineau-Bourgninaud, art. préc., n° 11, note 2.
(13) C. com., art. L. 225-17, al. 2 (N° Lexbase : L3630IP7), L. 225-69, al. 2 (N° Lexbase : L3635IPC) et L. 226-4, al. 2 (N° Lexbase : L2857IPI), dans leur rédaction issue de la loi n° 2011-103 (art. 1er , I, art. 2, II et art. 4, I).
(14) C. com., art. L. 225-37, al. 6 (N° Lexbase : L3625IPX) et L. 225-68, al. 7 (N° Lexbase : L3636IPD), modifiés pour les SA et, sur renvoi de l'article L. 226-10-1, al. 1er (N° Lexbase : L1873IE4), pour les SCA.
(15) Loi n° 2011-103, art. 5, I, al. 2.
(16) C. com., art. L. 225-18-1 (N° Lexbase : L3594IPS), L. 225-69-1 (N° Lexbase : L3595IPT) et L. 226-4-1 (N° Lexbase : L2852IPC), dans leur rédaction issue de la loi n° 2011-103 (art. 1er, II, art. 2, III et art. 4, II).
(17) Loi n° 2011-103, art. 6, I et II.
(18) C. com., art. L. 225-20, al. 2 (N° Lexbase : L3629IP4) et L. 225-76, al. 2 (N° Lexbase : L3634IPB), dans leur rédaction issue de la loi n° 2011-103 (art. 1er, III et art. 2, IV).
(19) C. com., art. L. 225-27, al. 2 (N° Lexbase : L3627IPZ) et L. 225-79, al. 3 (N° Lexbase : L3632IP9).
(20) C. com., art. L. 225-28, al. 6 (N° Lexbase : L3626IPY administrateurs) dans sa rédaction issue de la loi n° 2011-103 (art. 1er, VI) et L. 225-80 (N° Lexbase : L5951AIA renvoyant à C. com., art. L. 225-28 pour les membres du conseil de surveillance).
(21) Loi n° 2011-103, art. 5, II, al. 2.
(22) Loi n° 2011-103, art. 5, II, al. 1er.
(23) Loi n° 2011-103, art. 6, III, al. 1er.
(24) J.-F. Barbiéri, Parité sexuelle obligatoire dans la composition des conseils : le problème des sanctions, Bull. Joly Sociétés, 2010, p. 508.
(25) Loi n° 2011-103, art. 5, II, al. 4.
(26) C. com., art. L. 225-24, al. 4 (N° Lexbase : L3628IP3) et L. 225-78, al. 4 (N° Lexbase : L3633IPA), dans leur rédaction issue de la loi n° 2011-103 (1er, IV et art. 2, V).
(27) C. com., art. L. 225-18-1, L. 225-69-1 et L. 226-4-1, al. 2, dans leur rédaction issue de la loi n° 2011-103 (art. 1er, II, art. 2, III et art. 4, II).
(28) C. com., art. L. 225-45, al. 2 (N° Lexbase : L3624IPW) et L. 225-83, al. 2 (N° Lexbase : L3631IP8), dans leur rédaction issue de la loi n° 2011-103 (art. 1er, VIII et art. 2, VII).
(29) C. com., art. L. 225-102-1, al. 3 (N° Lexbase : L3637IPE), dans sa rédaction issue de la loi n° 2011-103 (art. 3).
(30) C. com., art. L. 225-18-1, L. 225-69-1 et L. 226-4-1, al. 2, dans leur rédaction issue de la loi n° 2011-103 (art. 1er, II, art. 2, III et art. 4, II).
(31) E. Jeuland et F. Manin, Les incertitudes du référé injonction de faire en droit des sociétés, Rev. sociétés, 2004, p. 1.

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