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N0339BU4
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Le 23 Janvier 2014
II - Fiscalité des entreprises
III - Fiscalité des particuliers
- CE 8° et 3° s-s-r., 20 décembre 2013, n° 371157, 372625, 372675, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A7987KSM) : le Conseil d'Etat annule les paragraphes 180 et 200 du BoFip - Impôts, BOI-PAT-ISF-40-60-20130614 "ISF - Calcul de l'impôt - Plafonnement" (N° Lexbase : X3130AMU). En effet, cette doctrine prenait en compte, pour le plafonnement de l'impôt de solidarité sur la fortune défini par l'article 885 V bis du CGI (N° Lexbase : L0140IW4), les revenus des bons ou contrats de capitalisation et des placements de même nature, notamment des contrats d'assurance-vie. En incluant ces revenus, l'instruction litigieuse ne se borne pas à interpréter l'article 885 V bis du CGI, mais comporte des dispositions qu'il n'appartenait qu'au législateur de prévoir. A noter que l'administration fiscale a immédiatement réagi, en modifiant le paragraphe 180 et en supprimant le paragraphe 200, le 8 janvier 2014 (lire N° Lexbase : N0219BUN) .
IV - Fiscalité financière
V - Fiscalité immobilière
VI - Fiscalité internationale
VII - Impôts locaux
VIII - Procédures fiscales
- CE 10° s-s., 26 décembre 2013, n° 342458, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A8077KTC) : à l'issue de la vérification de la comptabilité d'une EARL, l'administration fiscale a rectifié les bénéfices agricoles taxables de cette exploitation pour y intégrer les bénéfices provenant de ventes non déclarées de vin en bouteilles. Pour procéder à la reconstitution des recettes de l'EARL, elle a réparti les bouteilles non comptabilisées entre les appellations récoltées selon leur pourcentage dans la récolte totale et a retenu, pour chaque appellation, les prix pratiqués par une société de négoce de vin. Toutefois, le juge considère que les prix émanant d'une société dont la seule activité est la commercialisation de vins ne sont pas comparables à ceux pratiqués par une exploitation agricole sur sa propre production de vin. De plus, en l'espèce, ces prix ne sont pas corroborés par des constatations propres à cette exploitation. La méthode de reconstitution des recettes de l'exploitation retenue par l'administration est donc viciée, peu importe que l'EARL n'ait pas répondu à la demande de l'administration de lui communiquer ses prix de vente de bouteilles de vin .
X - TVA
XI - Taxes diverses et taxes parafiscales
- Cass. QPC, 14 janvier 2014, n° 13-40.062, FS-D (N° Lexbase : A8052KTE) : les requérants demandent à la Cour de cassation de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité relative à l'article 1er de la loi du 3 mai 1921, autorisant la perception des surtaxes temporaires sur les canaux d'irrigation et de submersion, repris en intégralité à l'article L. 151-31 du Code rural et de la pêche (N° Lexbase : L3416AEA). Selon eux, cette disposition porte atteinte aux droits et libertés garantis par les articles 6 (N° Lexbase : L1370A9M) et 13 (N° Lexbase : L1360A9A) de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 et au principe de légalité de l'impôt. La Haute juridiction refuse une telle transmission, jugeant que les questions posées ne présentent pas un caractère sérieux en ce qu'elles visent une redevance pour service rendu qui n'est due que par les usagers qui utilisent effectivement le service ou l'ouvrage mis à leur disposition.
- CE 8° et 3° s-s-r., 17 janvier 2014, n° 373415 (N° Lexbase : A8111KTL) et n° 373416 (N° Lexbase : A8112KTM), inédits au recueil Lebon : la requérante demande au Conseil d'Etat de transmettre au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l'article 1600-0 O du CGI (N° Lexbase : L4346IRE), relatif aux prélèvements sociaux perçus au profit de la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés. En l'espèce, une société qui importe des dispositifs médicaux, soutient que l'article 1600-0 O du CGI méconnaît les principes d'égalité devant la loi et d'égalité devant les charges publiques, garantis par les articles 6 (N° Lexbase : L1370A9M) et 13 (N° Lexbase : L1360A9A) de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen et introduit une discrimination selon l'origine des produits, en méconnaissance de l'article 1er de la Constitution (N° Lexbase : L0827AH4), en traitant différemment les entreprises selon qu'elles fabriquent ces produits en France ou qu'elles les importent. Toutefois, le juge relève que le dispositif attaqué prévoit, pour cette taxe perçue en France, un fait générateur identique pour toutes les entreprises qui y sont assujetties, qui est leur première vente en France. La question n'est donc pas sérieuse. De plus, la Haute juridiction juge que la circonstance que le fait générateur de la taxe soit postérieur à la date d'entrée en vigueur mais que l'assiette porte sur des opérations antérieures ne justifie pas non plus un renvoi aux Sages de la rue de Montpensier.
XII - Droits de douane
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N0338BU3
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Le 21 Octobre 2014
II - Fiscalité des entreprises
- Actualité du 17 janvier 2014 : l'administration fiscale rappelle la proorogation, jusqu'au 31 décembre 2016, du crédit d'impôt pour dépenses de production de films et oeuvres audiovisuelles étrangers ("crédit d'impôt cinéma international"). Le dispositif a fait l'objet de modifications, reprises dans la doctrine administrative. En effet, les dépenses d'hébergement occasionnées par la production de l'oeuvre sur le territoire français sont désormais éligibles au crédit d'impôt, à hauteur de 270 euros maximum par nuitée à Paris, dans les Hauts-de-Seine, la Seine-Saint-Denis et le Val-de-Marne, et de 200 euros dans les autres départements. Le plafond de crédit d'impôt a, par ailleurs, été augmenté, passant de 4 à 10 millions d'euros. Ces modifications s'appliquent aux dépenses effectuées au titre des exercices clos à compter du 12 décembre 2013. Conformément à la décision du 28 octobre 2013 de la Commission européenne, le dispositif modifié est autorisé jusqu'au 31 décembre 2014 (voir le BoFip - Impôts, BOI-IS-RICI-10-40 N° Lexbase : X9076ALQ) .
III - Fiscalité des particuliers
- Actualité du 17 janvier 2014 : l'administration fiscale indique que, pour l'application de l'exonération d'ISF relative aux objets d'art ou de collection (CGI, art. 885 I N° Lexbase : L8802HLL), la définition des véhicules de collection est modifiée par la publication d'une circulaire douanière n° BUDD1300884C du 16 janvier 2013, publiée au bulletin officiel des douanes n° 6967. Par ailleurs, par souci de cohérence avec la définition des véhicules de collection retenue pour l'application de la taxe forfaitaire sur les métaux précieux, les bijoux, les objets d'art, de collection et d'antiquité prévue aux articles 150 VI à 150 VM du CGI, sont également considérés comme des véhicules de collection les véhicules pour lesquels ont été délivrés des certificats d'immatriculation portant la mention "véhicule de collection" en application du IV de l'article R. 322-2 du Code de la route (cartes grises dites "de collection"). Ces dispositions s'appliquent à l'ISF dû à compter de l'année 2014 (voir le BoFip - Impôts, BOI-PAT-ISF-30-40-20 N° Lexbase : X3999ALP) .
IV - Fiscalité financière
V - Fiscalité immobilière
VI - Fiscalité internationale
VII - Impôts locaux
VIII - Procédures fiscales
Le 16 janvier 2014, l'administration fiscale rappelle aux administrateurs de trusts qu'ils doivent obligatoirement utiliser depuis le 1er janvier 2014 les imprimés établis par elle pour s'acquitter de leurs obligations déclaratives relatives à la constitution, la modification ou l'extinction d'un trust et à la valeur vénale au 1er janvier de chaque année des biens, droits et produits placés dans un trust. Ainsi, ils doivent déclarer la constitution, la modification ou l'extinction d'un trust ; si l'un au moins des constituants, bénéficiaires réputés constituants ou bénéficiaires du trust a, au 1er janvier de l'année, son domicile fiscal en France ou si le trust comprend un bien ou un droit qui y est situé. Ils doivent aussi déclarer, chaque année, la valeur vénale au 1er janvier des biens, droits et produits placés dans un trust, ainsi que les produits capitalisés composant le trust. Les déclarations sont déposées en français.
Lire le communiqué de presse de l'administration fiscale du 16 janvier 2014
IX - Recouvrement de l'impôt
X - TVA
XI - Taxes diverses et taxes parafiscales
- Actualité du 15 janvier 2014 : l'administration fiscale reprend la partie du BoFip - Impôts relative à la taxe sur les acquisitions de titres de capital ou assimilés (CGI, art. 235 ter ZD N° Lexbase : L5714IXW), qui fait donc l'objet d'une refonte (voir le BoFip - Impôts, BOI-TCA-FIN-10 N° Lexbase : X7548AL7) . Par ailleurs, elle rappelle que la refacturation éventuelle de la taxe par le prestataire de services d'investissement ou le teneur du compte conservateur au client final qui a acquis les titres n'est pas soumise à la TVA.
XII - Droits de douane
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N0367BU7
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Le 23 Janvier 2014
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Réf. : Loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013, de finances pour 2014, art. 96 et 100 (N° Lexbase : L7405IYW)
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N0319BUD
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par Thibaut Massart, Professeur, Directeur du Master 2 fiscalité de l'entreprise de l'Université Paris-Dauphine
Le 30 Janvier 2014
1ère partie - La réforme avortée
2 - La réforme proposée par les parlementaires reposait sur la combinaison inquiétante de deux dispositions du projet de loi de finances pour 2014. Cet assemblage était d'autant plus alarmant pour les professionnels du droit fiscal qu'il s'ajoutait à différentes mesures récemment adoptées par le législateur pour lutter contre la fraude fiscale. Cette dérive législative a été stoppée par l'activisme des avocats.
A - Une combinaison inquiétante de textes
3 - Selon le projet de loi de finances, l'article 96 devait contraindre "toute personne commercialisant un schéma d'optimisation fiscale [...] de déclarer ce schéma à l'administration préalablement à sa commercialisation", sous peine de l'application d'une amende égale à 5 % du montant des revenus perçus au titre de la commercialisation du schéma d'optimisation fiscale. Si les avocats fiscalistes étaient particulièrement visés, les directeurs fiscaux n'échappaient pas à l'obligation de déclaration préalable puisque le texte précisait que toutes les personnes élaborant et mettant en oeuvre un schéma d'optimisation étaient également tenues de déclarer ce schéma à l'administration préalablement à sa mise en oeuvre, sous peine de l'application d'une amende de 5 % du montant de l'avantage fiscal procuré par la mise en oeuvre du schéma d'optimisation fiscale.
Or, le nouveau texte définissait le schéma d'optimisation fiscale comme "toute combinaison de procédés et instruments juridiques, fiscaux, comptables ou financiers dont l'objet principal est de minorer la charge fiscale d'un contribuable, d'en reporter l'exigibilité ou le paiement ou d'obtenir le remboursement d'impôts, taxes ou contributions".
Une telle définition devait être rapprochée de l'article 100 de la loi de finances pour 2014 qui modifiait l'article L. 64 du LPF (N° Lexbase : L4668ICU). La réforme envisagée prévoyait de modifier la définition de l'abus de droit, en substituant à la notion de but "exclusivement" fiscal, celle de but "principalement" fiscal. Cette modification textuelle permettait d'élargir sensiblement le champ d'application de la procédure répressive en y incluant les opérations non fictives qui, bien que motivées par diverses considérations, présentaient un avantage fiscal jugé déterminant pour le contribuable. Le risque était donc grand de voir déclarer abusives de nombreuses opérations parfaitement licites avec à la clé une pénalité de 80 %, car plus qu'un simple changement sémantique, c'était un renversement du mode d'analyse qui était proposé par le législateur, focalisant celle-ci sur l'existence ou non d'un avantage fiscal matériel. Ainsi, "à un principe selon lequel un contribuable est libre de choisir, entre deux solutions, la plus efficiente d'un point de vue fiscal sous réserve de ne pas mettre en place un montage purement artificiel', se substituerait une quasi-obligation de choisir la solution la plus coûteuse fiscalement afin de couper court à tout débat sur le caractère principal dudit avantage fiscal" (T. Audouard et P. Gour, Projet de réforme de l'abus de droit : le mieux est l'ennemi du bien, Option Finance, 2 décembre 2013, p. 37).
4 - Le législateur s'apprêtait à ouvrir la chasse à l'habileté fiscale, puisque pratiquement tous les schémas d'optimisation fiscale étaient susceptibles de constituer des procédés illégaux. La répression aurait été d'autant plus sévère que les fiscalistes trop ingénieux se seraient exposés à des peines pénales très sévères. L'article 1741 du CGI (N° Lexbase : L9491IY8), modifié par la loi n° 2013-1117 du 6 décembre 2013, relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière (N° Lexbase : L6136IYW), précise désormais que la fraude fiscale peut être punie d'une peine de 2 000 000 euros et sept ans d'emprisonnement lorsque les faits ont été commis en bande organisée. Et le chef d'orchestre d'une optimisation fiscale devenue délictueuse risquait fort d'être considéré comme le chef de la bande. En effet, si le législateur a introduit à l'article 1741 du CGI comme circonstance aggravante de fraude fiscale le fait de la commettre en bande organisée, il n'a pas modifié la définition même du délit général de fraude fiscale. Rappelons que le CGI se borne à donner une série d'exemples de comportements frauduleux : omission volontaire, dissimulation volontaire, organisation de l'insolvabilité, etc.. Il vise également "toute autre manière frauduleuse" de se soustraire à l'impôt. La définition demeure très floue alors même que le renforcement de la pénalisation des comportements devrait se faire sur la base d'une infraction clairement définie, ce qui supposerait de préciser les éléments constitutifs du délit de fraude fiscale (en ce sens, D. Gutmann, cité par A. Pando, Lutte contre la fraude fiscale : les bonnes armes ?, LPA, 26 août 2013, n° 170, p. 3). D'autant que les nouvelles circonstances aggravantes proposées par le législateur risquent de ramener dans le champ de l'infraction des opérations qui ne sont pas frauduleuses. Le texte incrimine la "domiciliation fiscale fictive ou artificielle à l'étranger" ainsi que "l'interposition d'une entité fictive ou artificielle". La question se posera de savoir, par exemple, si la simple existence d'une holding à l'étranger signifiera nécessairement qu'il y a artifice, donc fraude.
5 - Pour faire bonne figure, la loi organique n° 2013-1117 du 6 décembre 2013 est venue créer le procureur de la République financier. Selon le communiqué de presse du Conseil des ministres du 7 mai 2013, ce nouveau personnage s'assurera, entre autres, de la lutte contre la fraude fiscale, lorsque l'infraction aura un certain degré de complexité, au regard de l'importance du préjudice causé, de sa dimension internationale ou de la spécificité des techniques de fraude utilisées. Nommé par décret du Président de la République, sur proposition du Garde des Sceaux, après avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature, il disposera ainsi de toute la légitimité requise pour conduire l'action publique en matière de lutte contre la fraude fiscale et la corruption de grande complexité en appliquant les instructions générales de la Garde des Sceaux. Pour assurer le fonctionnement de ce parquet et de l'ensemble de la chaîne pénale, les moyens seront considérablement renforcés, avec la création à terme d'une cinquantaine de postes de magistrats et d'assistants spécialisés. Il disposera également d'enquêteurs spécialisés dans la lutte contre la corruption et la répression de la délinquance fiscale et formés à la technicité des investigations à conduire dans le cadre de ces procédures.
L'ensemble du dispositif est donc impressionnant et vise à lutter efficacement contre la fraude fiscale et, plus généralement, contre l'optimisation fiscale.
6 - En vingt mois, près d'une soixantaine de mesures ont été prises pour combattre l'optimisation et la fraude fiscales. Ces mesures concernent directement les entreprises, qu'il s'agisse de l'encadrement des conditions d'utilisation des déficits reportables réalisés par les entreprises absorbées, de la mise en place de règles anti-"coquillard", de l'interdiction de la déductibilité des abandons de créances à caractère financier, de l'interdiction totale de la déduction de pertes résultant de la recapitalisation d'une filiale, du renversement de la charge de la preuve en matière de taxation des résultats obtenus dans les pays à fiscalité privilégiée, ou de la mesure générale de réduction de la déduction des charges financières. Certains dispositifs ont été centrés sur la lutte contre la fraude des ménages en matière patrimoniale, avec par exemple une taxe à 60 % sur les avoirs déposés sur des comptes à l'étranger dont la traçabilité ne parvient pas à être établie. Depuis l'été 2012, un renforcement sans précédent de l'arsenal législatif de lutte contre la fraude et l'optimisation fiscales a été réalisé, permettant aux caisses de l'Etat de bénéficier de 14 milliards de recettes supplémentaires, auxquels se sont ajoutées 4 milliards d'amendes et de pénalités. Mais un degré supplémentaire fut franchi dans la lutte contre la fraude et l'optimisation fiscales, car la réforme visait clairement à faire pression, non pas sur les entreprises ou les ménages, mais directement sur les conseils fiscaux. Un duel s'ouvrit d'ailleurs entre les avocats fiscalistes et les parlementaires.
B - Une réforme contre les avocats fiscalistes
7 - Lors du débat parlementaire, la députée Karine Berger, qui était à l'origine de ces amendements, n'a pas hésité à affirmer : "Il y a peut-être encore pire que de ne pas vouloir payer son impôt, que l'on soit un particulier ou une entreprise : c'est le fait de conseiller l'un ou l'autre pour qu'il ne paie pas l'impôt". Et la députée de poursuivre : "C'est exactement ce contre quoi cet amendement lutte. Il vise en effet à supprimer toute possibilité dans notre pays d'être rémunéré pour conseiller sur les moyens d'échapper à l'impôt, de ne pas se soumettre à l'impôt quand on est un grand groupe ou quand on est un particulier riche". Le député Pascal Cherki, toujours lors du débat parlementaire, confirma cette orientation : "Cet amendement a évidemment pour objet de responsabiliser les auteurs du conseil juridique. En effet, une stratégie fiscale peut aussi correspondre à une stratégie économique tout à fait légale, mais l'optimisation consiste justement à détourner cela. Elle s'appuie sur le fait que des acteurs souhaitent être aidés, qu'ils disposent de pays d'accueil -c'est l'objet de la lutte contre l'évasion fiscale- et qu'il y ait des véhicules juridiques adaptés à leurs besoins. En l'occurrence, nous nous attaquons ici aux véhicules juridiques, en responsabilisant les personnes ; mais il n'y a pas de responsabilité dans cet univers-là sans un minimum de contraintes".
L'ONG militante Avaaz, dont la campagne de soutien sur internet à cet amendement avait recueilli plus de 100 000 signatures, avait estimé, après le vote sur la modification de la notion d'abus de droit fiscal, que "ce changement d'un seul mot permettrait de forcer les grandes entreprises à s'acquitter de leurs impôts et à contribuer à plus de justice sociale en France" (APFECOFI, Optimisation fiscale: les députés élargissent la notion d'abus de droit, 15 novembre 2013). Poursuivant, Avaaz a souligné que "dans un climat de défiance vis-à-vis de l'injustice fiscale, cette campagne vise à réparer notre système fiscal qui fait la part belle aux grandes entreprises et aux particuliers qui peuvent s'offrir les conseils d'avocats fiscalistes".
8 - Les avocats n'avaient nullement tardé à réagir, puisqu'une motion du Conseil national des barreaux sur le projet de loi relatif à la lutte contre la fraude fiscale avait été votée en assemblée générale dès le 15 juin 2013. Les avocats commencèrent par indiquer que l'article 1741 du CGI serait modifié afin que soit considérée comme circonstance aggravante le fait que la fraude ait été commise en bande organisée, incluant dans le champ de la prévention les conseils et intermédiaires, et qu'un amendement obligerait les avocats à déclarer à l'administration fiscale l'ensemble des schémas fiscaux qu'ils élaborent pour leurs clients, de tels schémas d'optimisation étant présumés, sauf accord de l'administration, comme des tentatives de fraude. Dans ces conditions, les avocats estimèrent qu'il s'agissait d'une atteinte inacceptable au secret professionnel et à l'exercice de la profession d'avocat. Le Conseil national des barreaux rappela que "les auxiliaires de justice, soumis notamment au principe essentiel de probité, les avocats participent quotidiennement au respect de la loi par leurs clients en leur présentant des schémas, qui sont des options entre les différentes dispositions, proposées par la règlementation fiscale" et que "la présomption de responsabilité pénale d'un contribuable et de ses conseils, sous le prétexte que des avoirs ou intérêts seraient détenus à l'étranger, est intolérable". L'avocat Jérôme Turot avait également pris position dans ce sens dans un article au titre provocateur (J . Turot, Demain, serons-nous tous des Al Capone ? - A propos d'une éventuelle prohibition des actes à but principalement fiscal, Droit fiscal, n° 36, 5 septembre 2013, p. 394). L'inquiétude chez les avocats fiscalistes était particulièrement palpable. Laurence Clot, avocate associée responsable du département fiscal du cabinet Bird & Bird, indiquait dans les colonnes de Lexbase : "Nous connaissons en France un réel climat d'insécurité fiscale qui n'est pas lié à la suspicion de fraude fiscale mais aux incessants changements législatifs souvent rétroactifs de notre loi fiscale, à l'alourdissement des obligations déclaratives pesant sur les acteurs de l'économie, accompagnées maintenant de très lourdes sanctions fiscales et pénales en cas d'omissions ou d'inexactitudes" (lire Manifeste des avocats fiscalistes contre la méfiance dont les pouvoirs publics font preuve à leur égard, Lexbase Hebdo n° 550 du 5 décembre 2013 - édition fiscale N° Lexbase : N9886BTC).
9 - C'est dans ce contexte que le Conseil national des barreaux est à nouveau intervenu dans le débat. Réuni le 14 décembre en assemblée générale, le CNB avait demandé par un vote pris à l'unanimité le retrait de l'article 96 relatif à l'obligation de déclaration préalable des schémas d'optimisation fiscale. Une note très argumentée a même été transmise au Conseil constitutionnel afin d'expliquer que "cette disposition constitue une intrusion très grave dans la vie privée des citoyens et des entreprises sur lesquels elle fait peser un soupçon insupportable, alors que les opérations fiscales visées sont légitimes et autorisées par la loi" (Annonces de la Seine, 6 janvier 2014, p. 32).
Le combat contre la loi fiscale n'était pas gagné, car il avait déjà été décidé par le Conseil constitutionnel que la lutte contre la fraude fiscale était un objectif de valeur constitutionnelle légitime afin de réprimer une atteinte condamnable au pacte social (Cons. const., décision n° 2009-597 DC du 21 janvier 2010 N° Lexbase : A4545EQE, Rec. p. 47 ; Cons. const., décision n° 2010-70 QPC du 26 novembre 2010 N° Lexbase : A3870GLW, Rec. p. 340). D'ailleurs, le Conseil constitutionnel avait, par sa décision n° 2013-680 DC du 4 décembre 2013 (N° Lexbase : A5484KQ8), jugé l'ensemble de ces dispositions conformes à la Constitution. La loi relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière avait également fait l'objet d'un examen par le Conseil constitutionnel et quelques dispositions seulement, celles relatives en particulier à l'aggravation des peines ou au renforcement des pouvoirs d'enquête, avaient été jugées contraires au principe de proportionnalité des peines ou au respect de la vie privée (décision n° 2013-679 DC du 4 décembre 2013 N° Lexbase : A5483KQ7).
La décision du Conseil constitutionnel du 29 décembre 2013, en jugeant inconstitutionnelles les dispositions de la loi de finances pour 2014 relatives à l'obligation de déclaration préalable des schémas d'optimisation fiscale et à la modification de l'abus de droit, semble ainsi marquer une belle victoire pour les avocats fiscalistes. Néanmoins, le Gouvernement et les parlementaires ont fait preuve d'une belle détermination et la question se pose de savoir si un nouveau texte modifié pourrait être adopté par le législateur. Ce qui nous invite à mettre en lumière la ratio decidendi de la décision du Conseil constitutionnel.
2ème partie - Une réforme en suspens ?
10 - Le Conseil constitutionnel a censuré les deux dispositions controversées sur des fondements différents, ce qui nous invite à analyser chacune d'elles.
A - L'obligation de déclaration préalable des schémas d'optimisation fiscale
11 - Les requérants, plus de 60 députés et plus de 60 sénateurs, invoquaient plusieurs arguments contre l'obligation de déclaration préalable des schémas d'optimisation fiscale.
12 - Le premier concernait l'imprécision de la notion du schéma d'optimisation fiscale. Il est vrai que le législateur renvoyait pour partie la notion de schéma d'optimisation fiscale à un décret en Conseil d'Etat. Or, le législateur aurait méconnu sa compétence puisque l'article 34 de la Constitution (N° Lexbase : L0860AHC) précise qu'il appartient au législateur de déterminer les règles relatives à l'assiette, aux taux et aux modalités de recouvrement des impositions de toute nature. D'autant que l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi, qui découle des articles 4 (N° Lexbase : L1368A9K), 5 (N° Lexbase : L1369A9L), 6 (N° Lexbase : L1370A9M) et 16 (N° Lexbase : L1363A9D) de la Déclaration de 1789 lui imposerait d'adopter des dispositions suffisamment précises et des formules non équivoques afin de prémunir les sujets de droit contre une interprétation contraire à la Constitution ou contre le risque d'arbitraire, sans reporter sur des autorités administratives ou juridictionnelles le soin de fixer des règles dont la détermination n'a été confiée par la Constitution qu'à la loi.
13 - En second lieu, en tant que sanction ayant le caractère d'une punition, l'amende prévue par les articles 1378 nonies et 1378 decies du CGI ne semblait pas respecter les principes constitutionnels applicables à ce type de sanctions. Selon le Conseil national des barreaux, dans sa note transmise au Conseil constitutionnel, l'article 96 de la loi de finances pour 2014 portait une atteinte excessive et manifeste aux droits des personnes assujetties, notamment une violation de l'article 8 de la DDHC de 1789 (N° Lexbase : L1372A9P). L'amende prévue paraissait disproportionnée s'agissant d'une simple formalité déclarative. Dans le silence du texte, on pouvait même s'interroger sur le point de savoir s'il y avait cumul de sanctions à partir d'un même fait générateur, celle au titre de l'absence de déclaration du schéma d'optimisation fiscale et celle au titre de l'abus de droit.
14 - En troisième lieu, l'article 96 semblait méconnaître la garantie des droits des contribuables. Selon le Conseil national des barreaux dans sa note, l'article litigieux portait atteinte au droit au respect de la vie privée découlant de l'article 2 de la Déclaration de 1789 (N° Lexbase : L1366A9H). L'obligation de déclaration préalable d'un schéma d'optimisation fiscale constituait, selon les avocats, une intrusion injustifiée et disproportionnée dans la vie privée des contribuables et des entreprises, dès lors que de tels schémas n'étaient pas répréhensibles, car mettant en application des dispositifs autorisés par la loi et dans le respect de celle-ci et qu'aucune condition n'était fixée quant à la finalité de cette communication, ni quant aux droits qui en découlent pour l'administration fiscale. Ainsi, c'était bien la liberté personnelle des contribuables qui était atteinte. D'autant que le droit au respect de la vie privée a pour composante le respect du secret professionnel, qui est un droit pour chaque citoyen et un devoir pour les professionnels qui y sont assujettis. Or, selon les avocats, "l'atteinte portée au secret professionnel par les dispositions de l'article 96 de la loi de finances pour 2014 est non seulement disproportionnée par rapport au but qu'elle veut atteindre, mais réduit à néant un des fondements nécessaires du fonctionnement harmonieux, pacifié et régulé de la société démocratique et de l'ordre public que l'on cherche à y faire régner" (note p. 14). L'atteinte au secret professionnel était d'autant plus grande que la disposition litigieuse n'excluait en aucune manière les avocats de l'obligation de déclaration préalable, les contraignant à violer le secret professionnel, ce qui leur est pourtant interdit par l'article 226-13 du Code pénal (N° Lexbase : L5524AIG). Même si le droit au secret professionnel n'a pas valeur constitutionnelle en droit français, les avocats militaient pour la reconnaissance d'une valeur supra-législative de ce droit. Si cette requête n'a pas été reçue par le Conseil constitutionnel, les avocats obtinrent une belle victoire, car la censure de l'article 96 de la loi de finances pour 2014 s'effectua sur un autre argument, particulièrement corporatiste.
15 - En effet, les requérants prétendaient que l'article litigieux portait atteinte à la liberté d'entreprendre découlant de l'article 4 de la Déclaration de 1789. En particulier, l'obligation de déclaration préalable porterait atteinte à l'exercice normal de la profession d'avocat et plus généralement aux libertés fondamentales : celle d'entreprendre et celle de respecter la loi sans avoir à en avertir l'administration.
Le Conseil constitutionnel reconnaît la légitimité de cet argument dans son considérant n° 91 : "eu égard aux restrictions apportées par les dispositions contestées à la liberté d'entreprendre et, en particulier, aux conditions d'exercice de l'activité de conseil juridique et fiscal, et compte tenu de la gravité des sanctions encourues en cas de méconnaissance de ces dispositions, le législateur ne pouvait, sans méconnaître les exigences constitutionnelles précitées, retenir une définition aussi générale et imprécise de la notion de schéma d'optimisation fiscale'".
16 - Le Conseil constitutionnel s'est ainsi focalisé sur l'atteinte à la liberté d'entreprendre une activité de conseil juridique et fiscal. C'est assurément l'activisme du Conseil national des barreaux qui a porté ses fruits. D'ailleurs, ce dernier a immédiatement revendiqué cette victoire dans un communiqué du même jour que la décision de la Haute juridiction. Le Bâtonnier Jean-Marie Burguburu, Président du CNB, a souligné que l'activité de conseil juridique et fiscal visée par le Conseil constitutionnel ne peut être exercée que par des avocats régulièrement inscrits à un barreau. L'affirmation est certainement excessive, car la loi permet en réalité à d'autres professionnels du droit de développer une activité de conseil juridique et fiscal, à commencer par les notaires. D'ailleurs, les notaires étaient beaucoup plus visés par l'obligation de déclaration préalable des schémas d'optimisation fiscale que les avocats. Les opérations soumises aux notaires par les particuliers et les entreprises ont très généralement des enjeux fiscaux, alors que les affaires soumises aux avocats plaidants non spécialisés en fiscalité n'ont que rarement des tels enjeux. Rappelons qu'une simple vente immobilière suppose pour le notaire le calcul de la plus-value pour le vendeur et des droits d'enregistrement pour l'acquéreur. En incluant ou non des biens mobiliers dans la vente, il est ainsi possible de modifier la plus-value et les droits d'enregistrement et la question se serait posée de savoir si un simple conseil sur cette conséquence pouvait être considéré comme un "schéma d'optimisation fiscale".
17 - Cette focalisation sur l'activité de conseil juridique et fiscal est d'autant plus surprenante que d'autres professionnels dont l'activité principale n'est pas le conseil juridique ou fiscal peuvent développer des schémas d'optimisation fiscale. Nous pensons ici aux banques, qui proposent parfois des montages clé en main, offrant à leurs clients la possibilité d'ouvrir des comptes bancaires dans leurs filiales situées dans des pays à fiscalité privilégiée, et en leur proposant des véhicules juridiques prêts à être activés. Force est d'ailleurs d'admettre que la formulation de l'article 96 de la loi de finances pour 2014 semblait précisément viser les banques puisque l'obligation de déclaration préalable concernait "toute personne commercialisant un schéma d'optimisation fiscale". Or les avocats, comme les notaires, ne commercialisent nullement à proprement parler des schémas d'optimisation fiscale, puisqu'il s'agit de membres de professions libérales qui "vendent" des services sur mesure et pratiquent la haute couture. Seules les banques, en tant que personnes morales commerçantes, peuvent commercialiser, au sens propre, des schémas d'optimisation fiscale, ces schémas apparaissant comme des montages prêts à monter. La définition du schéma d'optimisation fiscale figurant dans la loi accréditait cette approche dans la mesure où l'obligation concernait "toute combinaison de procédés et instruments juridiques, fiscaux, comptables ou financiers". Il en ressort ainsi que tous les professionnels du droit ou du chiffre habilités, par la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, portant réforme de certaines professions juridiques et judiciaires (N° Lexbase : L6343AGZ), à pratiquer des consultations juridiques et fiscales à titre principal ou à titre accessoire étaient concernés par l'obligation de déclaration préalable.
18 - Mais cette obligation nouvelle s'imposait également aux contribuables eux-mêmes. En effet, le texte précisait clairement que "toute personne élaborant et mettant en oeuvre un schéma d'optimisation était également tenue de déclarer un schéma d'optimisation fiscale, au sens de l'article 1378 nonies, déclare ce schéma à l'administration préalablement à sa mise en oeuvre" sous peine de l'application d'une amende de 5 % du montant de l'avantage fiscal procuré par la mise en oeuvre du schéma, l'avantage correspondant à la différence entre le montant de l'impôt effectivement dû par la personne et le montant de l'impôt que cette personne aurait supporté si elle n'avait pas mis en oeuvre ledit schéma. Les entreprises et les particuliers auraient ainsi dû se conformer à cette nouvelle contrainte.
Pourtant, la censure de l'article controversé par le Conseil constitutionnel s'appuie uniquement sur la violation de la liberté d'entreprendre.
19 - Ce fondement est d'autant plus curieux que la liberté d'entreprendre a une valeur constitutionnelle fluctuante.
Ces tâtonnements ne portent pas sur le fondement de cette liberté (article 4 de la Déclaration de 1789, alors que le décret d'Allard des 2 et 17 mars 1791, selon lequel "il sera libre à toute personne d'exercer telle profession, art, ou métier qu'il trouvera bon" est considéré comme le fondement de liberté du commerce et de l'industrie), mais sur son degré de protection, ainsi que sur l'intensité du contrôle de sa limitation par le Conseil constitutionnel. Pour résumer cette évolution, on peut dire qu'à partir d'une formulation initiale protectrice (Cons. const., décision n° 81-132 DC du 16 janvier 1982 N° Lexbase : A8037ACN), le Conseil a eu tendance à minorer progressivement la protection de la liberté d'entreprendre pour ensuite opérer une évolution inverse à partir de la décision de janvier 2001 relative à l'archéologie préventive (Cons. const., décision n° 2000-439 DC du 16 janvier 2001 N° Lexbase : A6745C9P). Désormais, la liberté d'entreprendre n'occupe plus de rang subalterne au sein des libertés et le Conseil vérifie que la conciliation opérée par le législateur entre cette liberté et d'autres exigences constitutionnelles ou des motifs d'intérêt général antagonistes n'est pas excessivement ou inutilement déséquilibrée. Le Conseil constitutionnel a ainsi pu estimer qu'il "est loisible au législateur d'apporter à la liberté d'entreprendre, qui découle de l'article 4 de la Déclaration de 1789, des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l'intérêt général, à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi" (Cons. const., décision n° 2010-73 QPC du 3 décembre 2010 N° Lexbase : A4387GMG).
20 - Il en ressort que, pour lutter efficacement et préventivement contre l'habilité fiscale qui diminue les recettes de l'Etat, le législateur pourrait parfaitement imposer une obligation de déclaration préalable des montages défiscalisants.
D'ailleurs, les législations britannique et américaine connaissent une telle obligation. Mais ces mécanismes de déclaration de certains schémas fiscaux s'inscrivent dans ces pays dans une logique sans comparaison avec la France.
Dans ces deux pays étrangers, l'obligation déclarative a pour finalité l'information de l'administration et non la répression du contribuable. Il s'agit ainsi d'informer le législateur pour qu'il soit en mesure, le cas échéant, de modifier la loi, ce que le Royaume-Uni a fait à plusieurs reprises. En outre, la législation anglaise prévoit que, si les avocats anglais sont dans le champ d'application du dispositif, ils ne sont pas tenus de faire une déclaration de montage lorsque le secret professionnel leur interdit de faire une déclaration complète.
Or, l'article 96 de la loi de finances pour 2014 poursuivait un but essentiellement répressif et non documentaire.
Le Conseil constitutionnel insiste d'ailleurs sur la gravité des sanctions encourues pour déclarer le texte non conforme à la Constitution.
Il en ressort qu'il n'est pas exclu que le législateur reprenne son ouvrage et ne tente d'instaurer à nouveau une obligation de déclaration préalable des schémas d'optimisation fiscale. Mais le législateur devra définir lui-même précisément ce qu'il entend par schéma d'optimisation fiscale et il ne pourra prévoir de lourdes sanctions en cas de méconnaissance de l'obligation de déclaration. Il nous semble aussi que le législateur devrait désigner plus clairement le débiteur de cette obligation, pour déterminer si elle concerne les professionnels du droit fiscal et/ou les contribuables.
Compte tenu de ces contraintes, il n'est nullement certain que le législateur se lance dans de nouveaux travaux parlementaires, car l'administration fiscale française dispose d'ores et déjà de moyens considérables pour s'informer sur les pratiques des contribuables (droit de communication, droit de perquisition, déclarations très complètes avec de nombreuses annexes explicatives, enregistrement des actes, vérification permanente des grandes institutions financières...) et des services spécialisés assurent cette mission au sein de la Direction générale des impôts.
B - La réforme de l'abus de droit fiscal
21 - Jusqu'à la loi de finances pour 2014, les notions d'optimisation, de fraude ou d'abus de droit étaient à peu près claires.
L'optimisation fiscale relevait de la mise en oeuvre légitime d'une option ou d'un choix parmi plusieurs autorisés par la loi. Elle était donc effectuée dans le respect de la loi et du règlement qui le permettent. Il s'agissait donc d'une optimisation légale, dès lors que les contribuables respectent la loi fiscale en en tirant le meilleur parti possible. En effet, aucun contribuable n'était tenu de choisir la voie fiscale la plus onéreuse.
La fraude fiscale était une infraction à la loi commise dans le but d'échapper à l'imposition ou d'en réduire le montant. La fraude fiscale, telle que définie à l'article 1741 du CGI, concernait l'omission volontaire de déclaration dans les délais prescrits, la dissimulation volontaire des sommes sujettes à l'impôt, l'organisation d'insolvabilité, l'obstruction au recouvrement de l'impôt par toute autre manoeuvre, ou toute autre manoeuvre frauduleuse.
Quant à l'abus de droit, il revenait à utiliser le droit sous une apparence de légalité pour se soustraire à l'impôt normalement dû, soit par le caractère fictif de l'opération, soit par la recherche du bénéfice de l'application littérale des textes ou par des décisions à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs et la poursuite du but exclusif d'éluder l'impôt.
22 - Mais le législateur entendait remettre en cause ce bel ordonnancement en faisant rentrer l'optimisation fiscale "agressive" dans le champ de l'abus de droit. Les actes ayant pour motif principal, et non plus exclusif, d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé aurait dû normalement supporter pouvaient ainsi constituer des abus de droit sanctionnés par le rétablissement de l'impôt normalement dû et des intérêts de retard, mais également par une majoration de 80 %, ramenée à 40 % "lorsqu'il n'est pas établi que le contribuable a eu l'initiative principale du ou des actes constitutifs de l'abus de droit ou en a été le principal bénéficiaire".
23 - Incontestablement, cette nouvelle formulation créait une grande insécurité juridique, car il devenait très difficile pour un contribuable de déterminer ex ante si l'opération était ou non constitutive d'un abus de droit.
Le Gouvernement, en particulier Bernard Cazeneuve, ministre délégué au Budget, avait parfaitement anticipé les difficultés posées par une telle rédaction. Il avait déjà repoussé un amendement parlementaire dans ce sens dans la loi relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière. Mais, devant l'insistance de sa majorité, le Gouvernement ne s'est pas opposé à l'amendement déposé dans la loi de finances pour 2014. Les parlementaires eux-mêmes étaient parfaitement conscients de l'insécurité juridique qu'ils créaient, mais ils avaient décidé que cette réforme s'appliquerait au 1er janvier 2016, afin de laisser le temps à l'administration fiscale de rédiger une instruction précisant la nouvelle notion d'abus de droit !
Un tel procédé était naturellement contraire à la Constitution, car, comme le rappelle le Conseil constitutionnel, il incombe au législateur d'exercer pleinement la compétence que lui confie la Constitution et, en particulier, son article 34, sans reporter sur des autorités administratives ou juridictionnelles le soin de fixer des règles dont la détermination n'a été confiée par la Constitution qu'à la loi.
La censure par le Conseil constitutionnel est par conséquent sans surprise.
24 - On ajoutera tout de même que le Conseil constitutionnel semble reprendre à son compte l'ensemble des arguments développés par les requérants.
En particulier, ces derniers reprochaient au législateur une violation de l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi. Soulignons que ce n'est que récemment que le Conseil constitutionnel a dégagé un objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi, à l'occasion d'une loi autorisant le Gouvernement à procéder par ordonnance des travaux de codification (Cons. const., décision n° 99-421 DC du 16 décembre 1999 N° Lexbase : A8784ACC). Le Conseil constitutionnel a extrait cet objectif de valeur constitutionnelle des articles 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration de 1789. Il a en effet estimé que l'égalité devant la loi, énoncée par l'article 6 de la Déclaration, et la garantie des droits, requise par son article 16, pourraient ne pas être effectives si les citoyens ne disposaient d'une connaissance suffisante des normes qui leur sont applicables. Il a estimé qu'une telle connaissance était en outre nécessaire à l'exercice des droits et libertés garantis tant par l'article 4 de la Déclaration, en vertu duquel cet exercice n'a de bornes que celles déterminées par la loi, que par son article 5, aux termes duquel "tout ce qui n'est pas défendu par la loi ne peut être empêché et nul ne peut être contraint à faire ce qu'elle n'ordonne pas". En l'espèce, le législateur devait adopter des dispositions suffisamment précises et des formules non équivoques afin de prémunir les sujets de droit contre une interprétation contraire à la Constitution ou contre le risque d'arbitraire, sans reporter sur des autorités administratives ou juridictionnelles le soin de fixer des règles dont la détermination n'a été confiée par la Constitution qu'à la loi. Or, la modification de la rédaction de l'article L. 64 du LPF avait "pour effet de conférer une importante marge d'appréciation à l'administration fiscale".
Par ailleurs, le principe de légalité des délits et des peines, qui résulte de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen de 1789, oblige le législateur à fixer lui-même le champ d'application de la loi pénale et de définir les crimes et délits en termes suffisamment clairs et précis. Or, la procédure de l'abus de droit fiscal, par ses conséquences financières lourdes, est une procédure de répression même si elle est sans incidence sur les poursuites exercées pour fraude fiscale devant la juridiction répressive (Cass. crim., 4 novembre 2009, n° 08-88.446, F-D N° Lexbase : A1724EPK ; Cass. crim., 25 avril 2007 n° 06-85.540, inédit ; Cass. crim., 8 février 2006 n° 05-83.493, F-P-F N° Lexbase : A4338DNY). En conséquence, les termes utilisés devaient être clairs et précis, sans laisser une importante marge d'appréciation à l'administration.
25 - Compte tenu de cette décision, il sera particulièrement difficile pour le législateur de revenir sur son oeuvre, car on ne voit pas quelle rédaction pourrait permettre d'échapper à la censure du Conseil constitutionnel.
Il serait éventuellement possible de maintenir la rédaction souhaitée par le législateur mais en aménageant les sanctions. Tous les actes dont le but consisterait principalement à éluder ou à diminuer l'impôt seraient "sanctionnés" par le rétablissement de l'impôt normalement dû et les intérêts de retard. Mais seuls ceux dont le but serait exclusivement fiscal feraient l'objet des majorations de 80 % ou 40 %. La suppression des majorations pour les actes principalement fiscaux aurait des conséquences importantes, puisque la "sanction" correspondrait uniquement à la réparation du préjudice subi par le Trésor et ne serait plus assimilée à une sanction pénale imposant au législateur de respecter le principe de légalité des délits et des peines (CE, Avis, 12 avril 2002, n° 239693, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A6303AY4). Cependant, un tel mécanisme ne permettrait pas de surmonter le grief de violation de l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi, puisque la notion d'acte principalement fiscal aurait toujours pour effet de conférer une importante marge d'appréciation à l'administration fiscale. Pire, la distinction entre l'acte principalement fiscal et l'acte exclusivement fiscal sera délicate et renforcera le pouvoir d'interprétation de l'administration.
Dans ces conditions, le Gouvernement pourrait avoir tout intérêt à maintenir le texte en l'état et à compter sur un infléchissement de la jurisprudence du Conseil d'Etat. Un tel infléchissement s'est produit récemment et il n'est nullement exclu qu'il se poursuive (CE 9° et 10° s-s-r., 17 juillet 2013, n° 352989, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A9569KIA). Mieux vaut laisser au Conseil d'Etat le soin de faire évoluer, par touches successives, la notion d'abus de droit sans créer de rupture brutale. D'autant que le Comité de l'abus de droit fiscal aborde déjà concrètement les différentes opérations litigieuses et peut esquisser les évolutions souhaitables.
Cette voie nous semble d'autant plus envisageable que le Gouvernement prône une certaine stabilité fiscale afin de renforcer l'attractivité de la France et la compétitivité des entreprises. Or, aujourd'hui, les entreprises et les particuliers veulent s'assurer à la fois qu'ils remplissent l'intégralité de leurs obligations fiscales et que leur charge d'impôt est correctement calculée. Les avocats fiscalistes ont, par conséquent, pour rôle à la fois de renseigner leurs clients sur l'évolution des règles fiscales mais aussi de sécuriser leurs transactions et leurs opérations afin d'éviter toute mauvaise surprise en cas de contrôle fiscal. Au-delà de la nécessité d'instaurer une stabilité fiscale, il faut également maintenir une prévisibilité de l'application des règles fiscales. Force est d'admettre que la nouvelle définition de l'abus de droit ne pouvait qu'engendrer un flou artistique certain, dans un domaine où les sanctions sont si lourdes qu'elles ne devraient être prononcées que sur la base d'une règle claire.
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Réf. : Lire le discours de François Hollande du 14 janvier 2014
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Le 23 Janvier 2014
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Réf. : CE 9° et 10° s-s-r., 26 décembre 2013, n° 343347, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A9153KSS)
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Le 28 Janvier 2014
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Réf. : Lire le communiqué de presse de la Commission européenne du 20 janvier 2014
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Le 30 Janvier 2014
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Réf. : Décret n° 2014-27 du 13 janvier 2014, portant publication de l'avenant à la Convention franco-canadienne (N° Lexbase : L2206IZQ)
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Le 23 Janvier 2014
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Réf. : Lire le communiqué de presse de l'OCDE du 20 janvier 2014
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Le 23 Janvier 2014
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Réf. : Lire le communiqué de presse de l'OCDE du 13 janvier 2014
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Le 23 Janvier 2014
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Réf. : Loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013, de finances pour 2014, art. 98 (N° Lexbase : L7405IYW)
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par Sophie Cazaillet, Rédactrice en chef de Lexbase Hebdo - édition fiscale
Le 23 Janvier 2014
La part de mystère fait le sel de toute relation, dit-on. L'administration fiscale met ses relations avec les contribuables au régime hyposodé.
A - Genèse de l'article 98
Il était une fois, un article 60 septies du projet de loi de finances pour 2014, dont la naissance n'était pas désirée par le Gouvernement mais a été provoquée et confirmée par les députés (et les sénateurs, malgré leur rejet du projet de loi dans sa totalité, comme c'est le cas depuis deux ans).
Cet article est issu d'un amendement II-CF225, introduit par le rapporteur général du projet de loi, et adopté par la commission des finances avant tout examen par les députés (rapport n° 1619, déposé le 11 décembre 2013, p. 109). L'idée de la transmission des rulings étrangers à l'administration fiscale française provient d'un rapport sur l'optimisation fiscale des entreprises dans un contexte international, présenté par Pierre-Alain Muet. Comme toute reprise d'idée, la proposition originelle a été quelque peu modifiée. La proposition n° 18 du rapport d'information précité s'inscrit dans la dynamique qui est celle de l'OCDE depuis plusieurs années, celle de la systématisation des échanges d'information entre Etats. Si les conventions internationales prévoyant un échange de renseignements sont de plus en plus nombreuses, elles se heurtent à deux écueils : l'échange doit se faire sur demande, et remplir des conditions strictes ; les Etats requis ne font pas toujours preuve de bonne volonté. L'idée est donc de modifier les intervenants dans cet échange d'information. Mieux, de supprimer tout échange, et d'instaurer une transmission unilatérale obligatoire d'informations. Cela exclut les relations entre Etats, qui partagent, pour la plupart, la règle de la réciprocité des obligations (si l'un n'exécute pas un Traité, l'autre n'est pas tenu de le faire), et qui n'acceptent pas de recevoir d'ordres entre eux. Mais les contribuables, eux, sont soumis à la loi ! Il est donc beaucoup plus facile d'exiger d'eux qu'ils fournissent à l'administration les informations qu'ils détiennent, notamment celles relatives à une situation à l'étranger. C'est sur ce point que l'article 60 septies, futur article 98, va plus loin que le rapport, qui ne proposait qu'une "favorisation" de la transmission à l'administration des rulings étrangers bénéficiant à des entités françaises.
Qu'est-ce qu'un ruling ? Et pourquoi l'administration fiscale française veut en connaître la teneur ?
A l'Etat, les fiscalistes répondent que le ruling est l'équivalent du rescrit fiscal français. Ce dernier vise à sécuriser une situation juridique ou fiscale lorsqu'un doute naît sur sa légalité. Deux techniques de rescrits notamment sont mises en avant : celle portant sur l'existence ou non d'un établissement stable en France, et celle relative aux prix de transfert (dite "accord préalable de prix de transfert" ; LPF, art. L. 80 A N° Lexbase : L4634ICM et L. 80 B, 7° N° Lexbase : L0201IWD). Par exemple, pour cette dernière, il s'agit pour l'administration de prendre position sur la qualification ou non des prix intragroupe de prix de transfert, c'est-à-dire de prix qui, par voie de majoration ou de minoration, constituent en réalité des transferts indirects de bénéfices (CGI, art. 57 N° Lexbase : L3365IGQ). Ces procédures sont peu utilisées en France, alors que leurs "alter egos" étrangers connaissent un succès foudroyant. Pourquoi ?
Parce que le ruling ne se contente pas de rappeler la norme existante et de l'appliquer. La technique du rescrit est abandonnée au profit d'une certaine souplesse. Il ne s'agit pas de jeter des ponts d'or entre administration fiscale locale et entreprise étrangère, mais tout de même, d'instaurer un dialogue constructif, teinté d'une part de négociation, de façon à ce que personnes publiques et privées partagent des intérêts communs. Deux sortes de rulings existent : les rulings généraux, qui s'appliquent à une catégorie de personnes, comme par exemple le ruling dit "des 30 %" applicable aux expatriés aux Pays-Bas, et des rulings plus personnalisés, individuels. Pourquoi une administration fiscale accorderait-elle des avantages fiscaux à des sociétés ? L'Etat français se pose naïvement la question. La réponse est claire : la compétitivité ! Ce terme, répété à l'envi, est réalisé à l'étranger, et depuis très longtemps (2001 aux Pays-Bas pour la nouvelle version du ruling). Les entreprises sont attirées par deux choses : par le côté "négociation" du ruling, c'est une évidence. Mais aussi pour la sécurité juridique qu'il leur apporte ! Le rescrit fiscal français ne connaît qu'un seul de ces deux volets, celui de la sécurité juridique. Si les entreprises en sont friandes, elles ne partagent pas leurs secrets et leurs schémas sans contreparties (la technique du "donnant-donnant" fonctionne dans les deux sens).
Qui pratique le ruling ? Les sempiternels vilains petits canards de l'Union européenne, c'est-a-dire les Pays-Bas, l'Irlande et le Luxembourg. Mais ce ne sont pas les seuls. En effet, la Commission européenne a, révèle le Financial Times en novembre 2013, déclenché des enquêtes sur les rulings, qu'elle soupçonne de constituer des aides d'Etat (non déclarées à la Commission et donc illégales de facto), à l'encontre de sept Etats membres : les trois précités, mais aussi la Hongrie, la Belgique, Chypre et le Royaume-Uni. La Commission européenne, par la voix d'Antoine Colombani, porte-parole du commissaire à la Concurrence, a confirmé cette information le 12 septembre 2013.
Christian Eckert, député, avait, lors de la présentation du rapport de Pierre-Alain Muet, demandé à ce qu'une telle transmission des rulings (dans le rapport, la transmission s'effectuait d'Etat à Etat, pas de contribuable français à Etat français) devienne une règle du droit de l'UE. Il semblerait qu'en tout cas, la Commission ne soit pas indifférente à la question.
L'article 60 septies est devenu tranquillement article 98 de la loi de finances pour 2014, sans autre forme de procès. Tout au plus le Conseil constitutionnel s'y est intéressé, saisi en ce sens par les 60 députés et sénateurs, mais il a considéré que le dispositif passait le filtre constitutionnel (Cons. const., décision n° 2013-685 DC du 29 décembre 2013 N° Lexbase : A9152KSR). Selon les requérants, le nouvel article L. 13 AA du LPF (N° Lexbase : L1053IZZ), tel que modifié par l'article 98, institue une obligation impossible à tenir pour l'entreprise française, qui n'a pas accès à la transmission des solutions retenues par les administrations étrangères pour une entreprise étrangère, même associée. Les Sages de la rue de Montpensier déclarent que "les dispositions de l'article 98 n'ont ni pour objet ni pour effet d'imposer aux entreprises intéressées de tenir à la disposition de l'administration des documents émanant d'administrations étrangères que ces entreprises n'auraient pas en leur possession". Sans appeler cette déclaration une "réserve constitutionnelle", le Conseil constitutionnel semble indiquer aux entreprises qu'à l'impossible, nul n'est tenu. Si une entreprise ne parvient pas à se procurer le ruling dont une entité liée a bénéficié à l'étranger, elle n'est pas tenue de le livrer à l'administration fiscale française. Toutefois, il va falloir parvenir à prouver qu'elle a opéré toutes diligences pour se procurer ce ruling. Il faudra veiller à ne pas se contenter d'appeler son homologue deux ou trois fois pour lui réclamer le document, mais ménager des preuves écrites et solides (par exemple, un courrier envoyé avec accusé de réception).
B - Contenu de l'article 98
L'article 98 de la loi de finances pour 2014 dispose que, à compter de l'entrée en vigueur de la loi, le lendemain de sa publication au Journal officiel, c'est-à-dire le 31 décembre 2013, les entreprises qui sont soumises à une obligation documentaire relative aux prix de transfert devront compléter les documents qu'elles sont tenues de produire de la liste des rulings dont ont bénéficié les entités à l'étranger auxquelles elles sont liées.
Voici ce qu'énonce l'article L. 13 AA du LPF, dans sa nouvelle rédaction :
"I - Les personnes morales établies en France :
a) Dont le chiffre d'affaires annuel hors taxes ou l'actif brut figurant au bilan est supérieur ou égal à 400 millions d'euros, ou
b) Détenant à la clôture de l'exercice, directement ou indirectement, plus de la moitié du capital ou des droits de vote d'une entité juridique -personne morale, organisme, fiducie ou institution comparable établie ou constituée en France ou hors de France- satisfaisant à l'une des conditions mentionnées au a, ou
c) Dont plus de la moitié du capital ou des droits de vote est détenue, à la clôture de l'exercice, directement ou indirectement, par une entité juridique satisfaisant à l'une des conditions mentionnées au a, ou
([...])
e) Appartenant à un groupe relevant du régime fiscal prévu à l'article 223 A du même code (N° Lexbase : L5018IPK) lorsque ce groupe comprend au moins une personne morale satisfaisant l'une des conditions mentionnées aux a, b, c ou d, doivent tenir à disposition de l'administration une documentation permettant de justifier la politique de prix de transfert pratiquée dans le cadre de transactions de toute nature réalisées avec des entités juridiques liées au sens du 12 de l'article 39 du même code établies ou constituées hors de France, ci-après désignées par les termes : "entreprises associées .
II. - La documentation mentionnée au I comprend les éléments suivants :
[...]
3° Les décisions de même nature que les interprétations, instructions et circulaires mentionnées à l'article L. 80 A, prises par les administrations fiscales étrangères à l'égard des entreprises associées".
Qui est concerné ?
L'obligation documentaire relative aux prix de transfert, énoncée à l'article L. 13 AA du LPF, s'applique aux entreprises dont le chiffre d'affaires excède 400 millions d'euros ou qui détiennent ou sont détenues par des entreprises ayant un tel chiffre d'affaires, ou encore faisant partie d'un groupe fiscal intégré dont au moins un membre réalise un tel chiffre d'affaires. Eu égard à l'objet de la loi, qui est la transmission des rulings dont ont bénéficié les entités liées à une société française, il faut aussi que ces entreprises disposent d'entités liées à l'étranger.
Qu'est-ce qu'une entité liée ? Au sens du 12 de l'article 39 du CGI (N° Lexbase : L3894IAH), comme de l'article L. 13 AA du LPF, deux entreprises sont considérées comme liées lorsque :
- l'une détient directement ou par personne interposée la majorité du capital social de l'autre ou y exerce en fait le pouvoir de décision ;
- ou elles sont placées l'une et l'autre, directement ou indirectement, sous le contrôle d'une même entreprise.
Il s'agit donc des filiales et succursales (et donc des établissements stables) liées à l'entreprise française, par lien capitalistique ou de contrôle.
Quelles sont les informations à transmettre ? Il s'agit des rulings, décisions rendues par l'administration fiscale étrangère, sur demande, dont la force obligatoire est équivalente à celles des rescrits, instructions et circulaires, mentionnés à l'article L. 80 A du LPF. Ces décisions sont clairement identifiables, mais ne sont que rarement publiées. Leurs auteurs sont même bien connus des contribuables. Par exemple, au Luxembourg, il s'agit des décisions rendues par le bureau 6 de l'administration. A sa tête, l'ancien "Monsieur ruling", Marius Kohl, a été remplacé par Jean-Claude Limpach, qui dirige aujourd'hui le plus gros bureau des impôts du pays avec ses 48 agents. En Belgique, le service des rulings est dénommé "Service des Décisions Anticipées en matière fiscale" (qu'il est possible de contacter via son site internet).
II - Pourquoi tout savoir ne sert à rien ?
Lorsqu'il n'y a plus de mystère, les gens se voilent de pudeur, et se rebellent. Le respect de la vie privée, on le sait aujourd'hui plus que jamais, est sacrée.
A - Les conséquences de l'article 98
Quelles sont les conséquences de l'entrée en vigueur d'un tel dispositif ? Elles sont de deux ordres.
Tout d'abord, la conséquence a priori relève de l'administration de l'entreprise. Un travail de fourmi s'annonce pour les fiscalistes des entreprises françaises entrant dans le champ de l'obligation documentaire : recenser toutes les entités étrangères éligibles au nouveau dispositif, dans un premier temps, les contacter, dans un deuxième temps, obtenir d'elles les rulings qu'elles ont obtenu, dans un troisième temps (si elles acceptent ne serait-ce que de répondre à ce type de demande), et introduire le contenu de ces règles, dans un dernier temps. Chacun de ces stades peut prendre un temps plus ou moins long. Soit la société française est tête de groupe, auquel cas il sera plus aisé pour elle de se faire obéir de ses filiales, et de connaître le nombre des entités à l'étranger, soit ce n'est pas le cas, la filiale française étant l'une des 250 filiales d'un groupe, détenue, dans le cas le plus simple qui soit, par une holding qui détient aussi toutes les autres entités, dont une ou plusieurs atteignent le seuil fatidique des 400 millions d'euros de chiffre d'affaires (à cet égard, ce seuil risque de devenir un véritable enjeu en matière de prix de transfert), et alors la tâche risque d'être nettement plus ardue, sans compter les problèmes de traduction des rulings, qui ne sont pas tous rédigés dans la langue de Molière. La difficulté documentaire ne s'arrête pas là. En effet, en admettant que l'entreprise française ait obtenu le ruling que l'entreprise étrangère lui a envoyé, ce dernier est relatif à une législation fiscale étrangère, dont les contours sont mal connus en France. En France, les fiscalistes chargés de l'obligation documentaire vont donc devoir, non seulement donner le contenu du ruling, mais encore l'expliquer, s'il apparaît opaque tel quel. Cela fait peser sur l'entreprise une obligation de renseignement de l'administration fiscale française sur la législation étrangère, ce qui, d'une part, n'est pas son rôle, et, d'autre part, immobilise du personnel alors que de tels renseignements ne lui sont d'aucune utilité. A la limite, cette obligation aurait du sens si le "cerveau" du groupe, celui qui insuffle sa politique économique et fiscale, est en France. Car, en effet, la filiale française qui n'a aucun poids dans les décisions d'optimisation fiscale du groupe se retrouve à devoir justifier une politique qu'elle n'a pas elle-même menée, et dont elle n'a parfois pas connaissance !
Ensuite, l'autre conséquence, plus dramatique encore, intervient a posteriori. Si l'administration fiscale se rend compte que l'entreprise étrangère profite d'un ruling particulièrement avantageux aux Pays-Bas, que va-t-elle faire ? Si elle considère que l'implantation aux Pays-Bas de l'entité en cause n'a de but que de profiter du ruling ? Ne va-t-elle pas considérer qu'il y a abus de droit (LPF, art. L. 64 N° Lexbase : L4668ICU) ? Il n'existe pas d'étanchéité des procédures fiscales, et si l'administration a vent d'une optimisation fiscale qu'elle juge illégale, mettant en scène une entité étrangère, elle risque de sévir sur un terrain différent de celui des prix de transfert. De plus, dans certains rulings, les Etats proposent aux entreprises étrangères désireuses de s'installer sur leurs terres de s'y implanter en deux fois : une fois en "métropole", une autre fois dans un territoire lui appartenant, en général insulaire, très favorable fiscalement (par exemple, les Bermudes pour les Pays-Bas). La complexité d'un tel schéma pourrait être taxée de fraude fiscale. Nous pensons ici particulièrement aux entreprises du numérique (comme Google, Facebook ou Amazon). Ces entreprises, qui n'ont pas besoin d'une réalité territoriale, ont le choix de s'implanter où elles le souhaitent. Qu'elles aient le malheur de s'implanter en France, et l'obligation documentaire s'abattra sur elles, avec ses fâcheuses conséquences.
Les Assises de la fiscalité promises par le Président de la République François Hollande (lire N° Lexbase : N0281BUX) seront peut-être le moment opportun d'expliquer aux pouvoirs publiques que les obligations déclaratives pesant sur les grandes entreprises n'ont qu'un seul effet : les faire fuir.
B - Les limites de l'article 98
En théorie du droit, il existe un concept, celui de la "preuve diabolique". Il s'agit, pour la personne sur qui pèse cette charge, de prouver qu'elle n'a pas exécuté tel acte, ou qu'elle n'a pas reçu telle ou telle chose. Qui peut, aujourd'hui, justifier tous ses faits et gestes ? Aucun être humain. Seule une machine, un ordinateur notamment, enregistre dans un endroit atteignable par un cercle plus ou moins restreint de personnes des informations sur ces faits et gestes. La NSA pourra le confirmer. Mais des hommes ? Non. Des entreprises ? Cela dépend de la définition de l'entreprise. S'il s'agit d'une PME française, implantée uniquement en France alors oui, il est possible de tout savoir. Ne serait-ce que parce qu'il existe des règles comptables. Mais quid d'un grand groupe mondial ? Il est impossible que chacune des entités du groupe puisse prouver chacun des faits et gestes du groupe.
Toutefois, à l'impossible l'administration ne croit pas. Alors que le Conseil d'Etat s'acharne à renier au groupe tout intérêt propre, et donc toute existence en tant qu'une seule et même entité, l'administration est plus progressiste, pour le malheur des fiscalistes chargés de veiller au respect des obligations déclaratives de l'entité française. Cette course à l'information, devenue le leitmotiv du monde, est fatigante. Elle coûte extrêmement cher, et ne récompense pas toujours les efforts mis en oeuvre. L'administration fiscale veut tout savoir de ce qu'il se passe à l'étranger ? Tout d'abord, elle dispose déjà des moyens le lui permettant. Les progrès en matière d'échange de renseignements dont se targuent les Etats membres de l'OCDE existent, et ils continuent leur ascension vers l'automatisation des échanges. Pourquoi vouloir aller plus vite que la musique ? Pourquoi faire cavalier seul ?
En outre, l'administration ne se donne pas les moyens de ses ambitions. Le chef de l'Etat a annoncé une baisse sans précédent de la dépense publique. Est-ce vraiment le moment de créer tout un arsenal d'obligations documentaires supplémentaires, dont la complexité laissera à l'arrière toute une partie des agents des impôts ? Ces derniers ne sont pas assez nombreux pour assurer des contrôles rapides et efficaces. En témoigne la fameuse cellule de régularisation "Cazeneuve", en place depuis juin 2013, et qui n'a pas encore traité un seul dossier de demande de régularisation ! Les agents affectés à cette cellule sont en nombre trop restreint pour traiter les milliers de demandes qui affluent. Il en sera de même avec cette novelle obligation documentaire, qui risque de mettre à jour des schémas d'une complexité tentaculaire.
Une autre limite à cet article, plus immatérielle, a été posée par le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 29 décembre 2013, précitée. Ce dernier a censuré deux dispositions phares de la loi de finances pour 2014, qui allaient de pair avec l'article 98 : l'obligation de déclarer les schémas d'optimisation fiscale (dont le ruling fait partie) et l'élargissement de la définition de l'abus de droit de façon à y inclure les opérations dont le but est principalement fiscal (à propos de ces deux articles censurés, lire Thibaut Massart, Chronique de fiscalité des entreprises (Spéciale loi de finances pour 2014 et loi de finances rectificative pour 2013) : la chasse à l'habileté fiscale n'est pas encore ouverte -à propos des articles 96 et 100 de la loi de finances pour 2014, Lexbase Hebdo n° 555 du 22 janvier 2014 - édition fiscale N° Lexbase : N0319BUD). En effet, par la censure de ces deux articles, l'administration deux alliés de choix, l'un ante contrôle et l'autre post contrôle. Les rulings vont être listés, pour ceux que l'entreprise française a réussi à obtenir, dans sa déclaration des prix de transfert. Mais l'absence d'obligation de déclaration des schémas d'optimisation va priver l'administration fiscale d'information de première importance lui permettant de retracer l'impact de ces rulings dans l'organisation fiscale d'un groupe. Le contrôle risque d'être beaucoup plus long. Au niveau des poursuites, la conservation de la définition de l'abus de droit, attachée aux seules opérations fictives et dont le but est exclusivement fiscal, limite l'action répressive du service. Au moins au niveau théorique, les entreprises échappent à de potentiels redressements en cascade et à la chaîne.
Les hommes naissent libres et égaux en droits, scande l'article 1er de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 ({"IOhtml_internalLink": {"_href": {"nodeid": 1210349, "corpus": "sources"}, "_target": "_blank", "_class": "color-textedeloi", "_title": "DDHC 26-08-1789, art. 1er", "_name": null, "_innerText": "N\u00b0\u00a0Lexbase\u00a0: L1365A9G"}}). Les rédacteurs de la Déclaration étaient donc conscients de cette nécessité il y a déjà 225 ans. La liberté s'amenuise au contact du contrôle. La France n'avait-elle pas pourtant choisi de faire confiance à ses contribuables, en optant pour l'imposition par voie de rôle ? D'aucuns diront que cette confiance a été trahie par les abus, toujours plus nombreux, commis par les contribuables. Certes, l'abus existe. Mais il existe aussi dans les systèmes de retenue à la source. Ce que revient à faire le nouvel article L. 13 AA du LPF, c'est de faire peser sur une entreprise, en France, la responsabilité d'un schéma mettant en scène un Etat étranger et une entité étrangère, qui a fait le choix malheureux de s'accoupler à une entité française. L'on fait payer en France l'opportunité saisie à l'étranger. N'est-ce pas contraire à la liberté d'établissement ? Il est trop tôt pour en juger, tant que le juge ne connaîtra pas de cet article et des difficultés qu'il soulèvera par son application. Mais les critiques sont déjà nombreuses et véhémentes.
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Réf. : CE 3° et 8° s-s-r., 17 janvier 2014, n° 372282, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A8109KTI)
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N0314BU8
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Le 23 Janvier 2014
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Réf. : Cass. crim., 15 janvier 2014, n° 13-84.778, FS-P+B+I (N° Lexbase : A7855KT4)
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N0372BUC
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Le 24 Janvier 2014
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N0320BUE
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par Sophie Cazaillet, Rédactrice en chef de Lexbase Hebdo - édition fiscale
Le 23 Janvier 2014
Lexbase : Pourquoi les supports d'information papier et numérique ne bénéficient-ils pas du même taux de TVA ?
Odile Courjon : Cette dichotomie n'est pas récente : elle résulte d'une longue tradition de notre droit fiscal. Le taux super réduit de 2,1 % date de la refonte de l'article 278 du CGI (N° Lexbase : L5415HL7) en 1986. A cette période, l'objectif du législateur consistait à soutenir une économie "papier". Ce n'est qu'au cours des années 2000 que le numérique s'est développé pour devenir l'un des supports les plus utilisés à l'heure actuelle. Si la France n'a pas encore légiféré sur sa position s'agissant de la presse numérique, elle a tout de même réformé son droit en ce qui concerne le livre, allant même jusqu'à aller au-delà de la Directive 2006/112 (Directive CE du 28 novembre 2006, relative au système commun de TVA N° Lexbase : L7664HTZ), qui exclut l'application de ce taux au numérique.
Lexbase : Que prévoit la "Directive-TVA" ?
Odile Courjon : L'annexe III de la Directive CE 2006/112 liste expressément et restrictivement les prestations pouvant faire l'objet de l'application d'un taux réduit. Parmi les prestations citées, on retrouve la fourniture de livres, les journaux et périodiques, le droit d'admission aux spectacles, les services fournis par les écrivains ou encore le droit d'admission aux manifestations sportives (pour lesquelles il y a un débat avec les activités équestres). L'article 98 de ladite Directive a été modifié par la Directive 2008/08/CE du 12 février 2008 (N° Lexbase : L8139H3T). Il est depuis prévu que "les taux réduits ne sont pas applicables aux services fournis par voie électronique". C'est ainsi que la Commission européenne a lancé une procédure en manquement contre la France et le Luxembourg, qui avaient tous deux décidé de maintenir un taux réduit de TVA aux livres numériques.
Lexbase : Croyez-vous en la promesse du Gouvernement de soutenir les éditeurs dans leurs revendications, alors que ces derniers subissent une série de redressements fiscaux dans le même temps ?
Odile Courjon : La déclaration de François Hollande du 17 décembre 2013 concernant l'alignement du taux de TVA applicable à la presse papier et à la presse électronique n'est pas concrétisée dans les textes fiscaux de fin d'année et, notamment, rien ne figure dans la loi de finances pour 2014 (loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 N° Lexbase : L7405IYW), ni dans la loi de finances rectificative pour 2013 (loi n° 2013-1279 du 29 décembre 2013 N° Lexbase : L7404IYU).
Il ressort cependant des débats parlementaires que la question du format numérique a été évoquée, notamment s'agissant des livres, dont la problématique se rapproche de celle de la presse. Depuis le 1er janvier 2012 (loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010, de finances pour 2011 N° Lexbase : L9901INZ), les livres numériques se voient appliquer un taux réduit de TVA à 5,5 % identique à celui du format papier. Au cours du processus législatif de la loi de finances pour 2014, la question s'est posée de savoir s'il ne fallait pas limiter l'accès au taux réduit à un certain type de format numérique.
Dans un premier amendement du 11 octobre 2013 (n° II-22), une restriction à l'application du taux réduit de TVA aux livres numériques de tout format a été présentée. L'objectif de cet amendement était de ne permettre l'application du taux réduit qu'aux livres considérés comme "ouverts" c'est-à-dire ceux qui ne font l'objet d'aucune licence de lecture. Bernard Cazeneuve a, par ailleurs, au cours des débats, affirmé la volonté de la France de modifier le régime du numérique applicable au niveau européen sur le fondement de l'exception culturelle et de l'accès pour tous à la culture. L'amendement a été adopté mais ensuite supprimé le 15 novembre 2013 par un second amendement (n° II-8), aux motifs qu'il venait restreindre le champ d'application du taux réduit aux livres numériques et affaiblir la position de la France ainsi que son argumentation face à la Commission européenne.
NDLR : Le 17 janvier 2014, le Gouvernement a annoncé qu'il alignerait en février le taux de TVA super réduit (2,1 %) de la presse papier à la presse en ligne. Un projet de loi devrait prochainement être déposé, et une instruction fiscale est attendue.
Lexbase : La Commission européenne ne semble pas prompte à modifier sa législation. Pourquoi ?
Odile Courjon : Nous pouvons dire que les choses semblent évoluer au niveau européen. A la suite de la Journée de Berlin du 9 septembre 2013 "Avenir du Livre, avenir de l'Europe", l'Allemagne semble s'être ralliée à la position de la France concernant l'application d'un alignement des taux de TVA sur le papier et sur le numérique.
Cependant, plusieurs pays ne semblent pas en accord avec cette idée. Le Danemark, l'Estonie, la Bulgarie ainsi que le Royaume-Uni restent opposés à cette idée. Ce dernier ne souhaite pas que soit remis en cause son dispositif de taux zéro, applicable pour le livre papier, par une refonte des dispositions de la Directive.
La principale difficulté concerne l'obligation de modification de la Directive et a fortiori de son annexe III. Elle nécessite l'unanimité des 28 Etats membres, ce qui semble compromis par le veto de certaines grandes nations.
Une consultation a été lancée par la Commission européenne concernant les taux réduits de TVA applicables dans les différents Etats membres, afin de permettre une éventuelle modification de la Directive.
L'échéance du 1er janvier 2015, venant modifier les règles de territorialité des prestations de services en matière de TVA, notamment pour les prestations de service électronique, à l'échelle européenne, est incontournable. A cette date, pour les services électroniques rendus aux consommateurs (B to C), la TVA sera due au taux de l'Etat de résidence du consommateur, que le prestataire soit établi dans l'Union européenne ou hors Union européenne. Ce dernier volet du "Paquet TVA" va accélérer les discussions sur le numérique. En parallèle, la procédure en manquement contre la France et le Luxembourg poursuivront leur cours en 2014.
A défaut d'accord politique des 28 Etats membres pour changer la Directive TVA et son annexe III, la Commission européenne restera tenue par le texte actuel.
Lexbase : Sachant que la TVA est la première ressource budgétaire de l'Etat français, la hausse générale des taux vous paraît-elle opportune ?
Odile Courjon : Aujourd'hui, on constate que les considérations budgétaires à court terme vont dans le sens d'une augmentation des taux de TVA. Sur le long terme, la tendance est à une application des taux réduits à leur strict minimum. La Commission européenne cherche à limiter les taux réduits et travaille sur un futur régime de TVA pour l'horizon 2018-2020 qui serait plus simple, plus robuste, plus efficace et étanche à la fraude. Un futur régime de TVA idéal serait un régime où les exonérations seraient quasi inexistantes (élargissement de la base d'assujettissement) et les taux réduits très exceptionnels, ce qui permettrait d'abaisser les taux standards des Etats membres. Dans un tel régime, il y aurait du sens à aligner l'économie du numérique sur celle du papier.
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Réf. : CJUE, 16 janvier 2014, aff. C-300/12 (N° Lexbase : A8067KTX)
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N0373BUD
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Le 23 Janvier 2014
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Réf. : CJUE, 16 janvier 2014, aff. C-481/12 (N° Lexbase : A8074KT9)
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N0374BUE
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Le 23 Janvier 2014
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