Jurisprudence : CE 9/10 SSR, 26-12-2013, n° 343347, mentionné aux tables du recueil Lebon

CE 9/10 SSR, 26-12-2013, n° 343347, mentionné aux tables du recueil Lebon

A9153KSS

Référence

CE 9/10 SSR, 26-12-2013, n° 343347, mentionné aux tables du recueil Lebon. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/12489879-ce-910-ssr-26122013-n-343347-mentionne-aux-tables-du-recueil-lebon
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Abstract

Aux termes d'une décision rendue le 26 décembre 2013, le Conseil d'Etat retient que la différence de situation entre deux sociétés sous le régime des sociétés mères/filiales, qui bénéficient d'une élimination de la double imposition, et deux sociétés qui ne sont pas soumises à ce régime, ne viole ni le droit de l'Union européenne, ni le droit conventionnel (CE 9° et 10° s-s-r., 26 décembre 2013, n° 343347, mentionné aux tables du recueil Lebon).





CONSEIL D'ETAT


Statuant au contentieux


343347


SOCIETE ITALCEMENTI SPA


M. Olivier Gariazzo, Rapporteur

M. Frédéric Aladjidi, Rapporteur public


Séance du 16 décembre 2013


Lecture du 26 décembre 2013


REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


Le Conseil d'Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 9ème et 10ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 9ème sous-section de la Section du contentieux


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 17 septembre et 17 décembre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société Italcementi SpA ; la société demande au Conseil d'Etat :


1°) d'annuler l'arrêt n° 08PA03981 du 3 juin 2010 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement nos 0210895, 0310444, 0508473/2 du 10 juin 2008 du tribunal administratif de Paris rejetant sa demande de restitution des retenues à la source ayant grevé les dividendes qui lui ont été distribués par la société internationale Italcementi France au titre des années 1996 à 2001 pour la somme globale de 5 117 878 euros, 2001 et 2002 pour la somme globale de 1 634 195 euros, et 2003 pour la somme globale de 1 872 884 euros ;


2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;


3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;


Vu les autres pièces du dossier ;


Vu le Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;


Vu la directive 90/435/CEE du Conseil du 23 juillet 1990;


Vu la convention fiscale franco-italienne du 5 octobre 1989 ;


Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;


Vu le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :


- le rapport de M. Olivier Gariazzo, Maître des Requêtes en service extraordinaire,


- les conclusions de M. Frédéric Aladjidi, rapporteur public ;


La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP de Chaisemartin, Courjon, avocat de la société Italcementi SpA ;


1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Italcementi SpA, qui a son siège en Italie, a demandé à l'administration la restitution de la retenue à la source de 5 % pratiquée, par application combinée des dispositions du 2 de l'article 119 bis du code général des impôts et des stipulations du a du 2 de l'article 10 de la convention fiscale franco-italienne visée ci-dessus, sur les dividendes perçus de sa filiale française, dont elle détient plus de 25 % du capital, au titre des années 1996 à 2003, pour un montant total de 8 624 957 euros ; qu'elle a porté le refus de l'administration de procéder à ces restitutions devant le tribunal administratif de Paris, qui, par un jugement du 10 juin 2008, a rejeté sa demande ; que la société requérante se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 3 juin 2010 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa requête tendant à l'annulation de ce jugement ;


2. Considérant qu'aux termes de l'article 43 du traité instituant la Communauté européenne, alors en vigueur, devenue l'article 49 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " les restrictions à la liberté d'établissement des ressortissants d'un Etat membre dans le territoire d'un autre Etat membre sont interdites. Cette interdiction s'étend également aux restrictions à la création d'agences, de succursales ou de filiales, par les ressortissants d'un Etat membre établis sur le territoire d'un Etat membre. / La liberté d'établissement comporte l'accès aux activités non salariées et leur exercice, ainsi que la constitution et la gestion d'entreprises, et notamment de sociétés au sens de l'article 54, deuxième alinéa, dans les conditions définies par la législation du pays d'établissement pour ses propres ressortissants, sous réserve des dispositions du chapitre relatif aux capitaux " ; qu'aux termes de l'article 56 du même traité, alors en vigueur, devenu l'article 63 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " 1. Dans le cadre des dispositions du présent chapitre, toutes les restrictions aux mouvements de capitaux entre les Etats membres et entre les Etats membres et les pays tiers sont interdites. / 2. Dans le cadre des dispositions du présent chapitre, toutes les restrictions aux paiements entre les Etats membres et entre les Etats membres et les pays tiers sont interdites " ; et qu'aux termes de son article 58, alors en vigueur, devenu l'article 65 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " 1. L'article 56 ne porte pas atteinte au droit qu'ont les Etats membres : / a) d'appliquer les dispositions pertinentes de leur législation fiscale qui établissent une distinction entre les contribuables qui ne se trouvent pas dans la même situation en ce qui concerne leur résidence ou le lieu où leurs capitaux sont investis ; / b) de prendre toutes les mesures indispensables pour faire échec aux infractions à leurs lois et règlements, notamment en matière fiscale ou en matière de contrôle prudentiel des établissements financiers, de prévoir des procédures de déclaration des mouvements de capitaux à des fins d'information administrative ou statistique ou de prendre des mesures justifiées par des motifs liés à l'ordre public ou à la sécurité publique. / (.) 3. Les mesures et procédures visées aux paragraphes 1 et 2 ne doivent constituer ni un moyen de discrimination arbitraire ni une restriction déguisée à la libre circulation des capitaux et des paiements telle que définie à l'article 56 " ;


3. Considérant qu'il appartenait à la cour, pour vérifier que l'application de la loi fiscale ne créait pas, dans les circonstances de l'espèce qui lui était soumise, de discrimination contraire à ces stipulations, de comparer le traitement respectif, par l'administration fiscale française, d'une société résidente d'Italie et d'une société résidente de France, relevant toutes deux du régime des sociétés mères, à raison de l'imposition des dividendes perçus par elles d'une filiale établie en France, sans prendre en compte le traitement ultérieurement réservé, à raison des mêmes sommes, à la société mère italienne par l'administration fiscale de son Etat de résidence ;


4. Considérant que, pour écarter le moyen tiré de ce que la retenue à la source de 5 % grevant les dividendes qui avaient été versés à la société requérante par sa filiale française méconnaîtrait les stipulations citées au point 2 ci-dessus, la cour a relevé que les dividendes perçus par la société requérante étaient, en contrepartie, abondés du versement par le Trésor français d'une fraction de l'avoir fiscal dont bénéficiait sa filiale et que la retenue à la source litigieuse pouvait être imputée au moins pour partie sur le montant des impositions dues par la société en Italie et a en outre jugé que cette société, en tant que société mère italienne d'une filiale française, n'était pas dans la même situation qu'une société mère française d'une filiale française, dès lors que, contrairement à cette dernière, elle n'était pas imposable en France ; qu'en statuant ainsi, sans effectuer la comparaison mentionnée au point 3 ci-dessus, les éléments qu'elle a relevés dans son arrêt ne suffisant pas à en tenir lieu, la cour a entaché son arrêt d'une erreur de droit et d'une insuffisance de motivation ; qu'il suit de là que la société requérante est fondée, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de son pourvoi, à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;


5. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;


Sur le moyen tiré de la méconnaissance de la directive 90/435/CEE du 23 juillet 1990 :


6. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 119 ter du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux impositions en litige : " 1. La retenue à la source prévue au 2 de l'article 119 bis n'est pas applicable aux dividendes distribués à une personne morale qui remplit les conditions énumérées au 2 du présent article (.) / 2. Pour bénéficier de l'exonération prévue au 1, la personne morale doit justifier auprès du débiteur ou de la personne qui assure le paiement de ces revenus (.) qu'elle remplit les conditions suivantes : / (.) e. N'avoir pas droit, au titre de ces dividendes, en application d'une convention fiscale, à un paiement du Trésor français dont le montant, égal à l'avoir fiscal ou à une fraction de celui-ci, est supérieur à la retenue à la source prévue par cette convention " ;


7. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 10 de la convention franco-italienne visée ci-dessus : " 1. Les dividendes payés par une société qui est résident d'un Etat à un résident de l'autre Etat sont imposables dans cet autre Etat. / 2. Toutefois, ces dividendes sont aussi imposables dans l'Etat dont la société qui paie les dividendes est un résident, et selon la législation de cet Etat, mais (.) l'impôt ainsi établi ne peut excéder : / a) 5 % du montant brut des dividendes (.) / 3. (.) b) Une société résidente d'Italie (.) qui reçoit d'une société résidente de France des dividendes qui donneraient droit à un " avoir fiscal " s'ils étaient reçus par un résident de France, a droit à un paiement du Trésor français d'un montant égal à la moitié de cet " avoir fiscal " diminuée de la retenue à la source prévue au paragraphe 2 " ;


8. Considérant, enfin, qu'aux termes du 1 de l'article 5 de la directive 90/435/CEE du 23 juillet 1990 visée ci-dessus, dans sa rédaction applicable aux impositions en litige : " Les bénéfices distribués par une société filiale à sa société mère sont, au moins lorsque celle-ci détient une participation minimale de 25 % dans le capital de la filiale, exemptés de retenue à la source " ; qu'aux termes du 2 de l'article 7 de la même directive : " La présente directive n'affecte pas l'application de dispositions nationales ou conventionnelles visant à supprimer ou à atténuer la double imposition économique des dividendes, en particulier les dispositions relatives au paiement de crédits d'impôt aux bénéficiaires de dividendes " ;


9. Considérant qu'il résulte de la combinaison de l'article 119 ter du code général des impôts et de l'article 10 de la convention fiscale franco-italienne précités que, sous réserve des autres conditions prévues par ces textes, une retenue à la source ne peut être pratiquée sur les bénéfices distribués par une filiale française à sa société mère italienne que si son montant est inférieur à celui de l'avantage que constitue, pour cette dernière, l'attribution d'une fraction de l'avoir fiscal attaché à ces distributions et remboursable à la société, en application de la législation fiscale nationale ; que, dès lors, cette retenue à la source relève d'un ensemble de dispositions relatives au paiement de crédits d'impôt aux bénéficiaires de dividendes, visant à atténuer la double imposition de ces derniers, au sens du paragraphe 2 de l'article 7 de la directive précitée, tel qu'interprété par la Cour de justice des Communautés européennes dans son arrêt rendu le 25 septembre 2003 dans l'affaire C-58/01 ; qu'en effet, selon cet arrêt, l'atténuation de la double imposition visée par ce paragraphe peut résulter tant de la combinaison d'un crédit d'impôt avec une retenue à la source que de la déductibilité d'une telle retenue à la source dans le pays du bénéficiaire ;


10. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, comme l'a relevé le tribunal, la combinaison de l'avoir fiscal de 25 % et d'une retenue à la source de 5 % a eu pour effet, conformément au 2 de l'article 7 de la directive, d'atténuer la double imposition des dividendes perçus de sa filiale française par la société requérante, qui aurait résulté de l'imposition de ces dividendes selon le régime de droit commun ; que, ce régime étant plus favorable que la simple exonération de retenue à la source prévue par le 1 de l'article 5 de la directive, est indifférente au regard de leur compatibilité avec la directive la circonstance que les dispositions nationales et les stipulations conventionnelles en cause ne permettent pas à une société mère résidente d'Italie de déduire de l'impôt qu'elle y acquitte à raison des dividendes reçus de sa filiale française l'intégralité des retenues à la source prélevées par la France sur ces dividendes et n'assurent donc pas la suppression totale de leur double imposition ; qu'ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance de la directive 90/435/CEE du 23 juillet 1990 doit être écarté ;

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