Le Quotidien du 4 septembre 2025

Le Quotidien

Avocats

[Hommage] Maître Maxime Tessier 1991-2025

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N2786B3L

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par Madame le Bâtonnier Catherine Glon et Maître Jean Danet, avocat honoraire, universitaire

Le 04 Septembre 2025

La disparition tragique de Maxime Tessier afflige tous ceux qui le connaissaient. Elle nous frappe avec une violence terrible parce qu'il était jeune, talentueux et chaleureux. Un être bienveillant, solaire.

À Rennes, Nantes, Brest, Vannes ou Saint-Nazaire, des avocats, magistrats, gens de justice ont éprouvé le besoin de se rassembler pour saluer sa mémoire et partager la peine de sa famille et de ses amis. L'émotion était à la mesure du choc ressenti par tous.

Les hommages qui lui sont rendus n’empruntent rien à la convention. Ils incarnent l’expression véritable et authentique de la juste admiration que nous éprouvions tous. Et de notre indéfectible affection.

Lui rendre hommage dans cette revue, c'est bien sûr évoquer le parcours exceptionnel d'un jeune avocat qui en dix ans d'exercice aura marqué ses confrères tout comme les magistrats devant lesquels il a plaidé.

Mais avant même de prêter serment, Maxime Tessier fut un étudiant immédiatement remarqué par l'équipe pénaliste de la faculté de droit de Nantes. Dès la première année de droit, l'alacrité de son esprit nous avait frappé. Sa générosité aussi.

Pour lui, il ne servait à rien d'avoir tout compris avant les autres s'il n'aidait pas ses camarades. Ils sont tout un groupe, aujourd'hui avocats, qui garde un souvenir lumineux de ces années d'études et de ce qu'elles doivent à Maxime.

L'un d'eux, Quentin Pelletier se souvient avec émotion de l'aide si précieuse que Maxime lui apporta durant les deux années de son mandat de Vice-président étudiant de l'Université de Nantes qui lui faisait manquer des cours. Il ne suffisait pas à Maxime de lui fournir ses notes, il veillait à ce que son camarade ne décroche pas, prenant le temps d'être pour lui comme un véritable répétiteur, toujours disponible.

Tout était bon pour l'insatiable curiosité intellectuelle de Maxime. Son emploi, l'été aux Sables d’Olonne, d'Agent de Surveillance de la Voie Publique dans la police municipale, qui lui permettait de financer ses études, nous valut des analyses fines (et drôles !) de la relation complexe du touriste à l'autorité. Mais cela n'empêchait pas qu'il engage l'année universitaire suivante en ayant dévoré une liste conséquente d'ouvrages de toute nature, et bien au-delà du seul droit positif.

Son mémoire de Master 2 titré Les procédures de la criminalité organisée devant la Cour de cassation publié dans la collection « Bibliothèques de droit » dirigée par Jean-Paul Céré chez « L'Harmattan », témoignait des qualités de rigueur du juriste qu'il était devenu comme de son intérêt pour des questions nouvelles devenues depuis lors toujours plus sensibles. Ses analyses retinrent l'attention de Didier Boccon-Gibod premier avocat général, qui y fit référence dans l'un de ses avis à la Chambre criminelle. Une carrière universitaire était possible. Le professeur François Rousseau se proposait de diriger sa thèse. Maxime hésita. Et puis l'attrait du métier d'avocat, et de pénaliste pour être précis, l'emporta. Il est vrai que sa participation au concours Lombois à Poitiers avait révélé qu'en plus de penser juste, son éloquence était remarquable et elle fut remarquée.

Le temps passé à l'Ecole des Avocats du Grand Ouest ne fit que corroborer l'opinion commune sur ces qualités. Personne ne fut surpris qu'un stage au cabinet « Avocats liberté » fut suivi d'un contrat de collaboration et d'une association.
Intégré en qualité d’élève avocat en 2014 au sein du cabinet, collaborateur exceptionnel durant cinq ans, il fut associé dès 2020. C’était une évidence, et la perspective d’une réussite commune à laquelle il a magistralement contribué.

Maxime fut parmi les plus jeunes confrères à obtenir la spécialité en droit pénal, impressionnant par ses connaissances et son engagement. Dès sa première année d’exercice, il a assumé, à nos côtés ou seul, la défense pénale dans d’importants dossiers criminels, s’attachant déjà à tous les aspects de la défense, doté de capacités pédagogiques exceptionnelles à l’attention des jurés, en ce compris le sens de la peine et les mécanismes de l’application des peines, souvent négligés à l’audience elle-même.

Le parcours de Maxime Tessier aura suffi en dix ans d'exercice à graver dans nos esprits le profil d'un pénaliste d'exception.

Très vite il démontra une « créativité » selon le mot de François Saint-Pierre, une imagination dirait un autre qui ouvrait la voie à des décisions marquantes. Lecteur assidu de Mireille Delmas-Marty, Maxime Tessier entendait bien en effet dans son exercice d'avocat mobiliser toutes « les forces imaginantes du droit ».

Ainsi en fût-il par exemple devant le Conseil Constitutionnel (Cons. const., décision n° 2021-911/919 QPC, du 4 juin 2021 N° Lexbase : A95174TN) contre la tentative de généraliser la visioconférence « devant toutes les juridictions pénales » via l'ordonnance du 18 novembre 2020.

Dans l'affaire Vecchi, encore devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Lyon, statuant après deux renvois sur cassation, où la défense obtint sur le fondement de l'article 8 de la CESDH que soit refusée la remise du mis en cause à l'autorité italienne en exécution d'un mandat d'arrêt européen (CHINS Lyon, 24 mars 2023).

Devant la chambre de l'instruction de Rennes dans l'affaire « Le Scouarnec » (CHINS Rennes, 9 déc. 2022) où l'examen des questions de prescription de l'action publique exigea un travail énorme et méticuleux débouchant sur une infirmation partielle de l'ordonnance du juge d'instruction.

Mais, tressée serrée avec cette intelligence du droit, la réflexion de Maxime portait aussi sur l'éthique de la défense. Une réflexion qu'il aimait nourrir des échanges avec des confrères expérimentés à l'Institut de défense pénale notamment.
À la barre, des deux côtés de la barre, en défense et en partie civile, Maxime Tessier n'entendait céder ni aux postures agressives ni à la complaisance, ces deux figures d'une même paresse intellectuelle qui peut tous nous guetter. Ce qui nous valut à Vannes, au terme d'un procès épuisant, d'entendre ses contradicteurs du ministère public et des parties civiles rendre hommage à son travail d'audience et à son profond respect de chacune et chacun.

Maxime était aussi véritablement adulé par ses clients tant il instaurait une relation à la fois respectueuse et chaleureuse. Chaque personne qui franchissait sa porte était immédiatement considérée dans toute sa plénitude et sa complexité.

Il agissait de même avec les collaborateurs et les élèves avocats. Car l’éthique du travail en équipe lui tenait à cœur lorsque, très vite, il s'est agi pour lui de former dans son cabinet des collaborateurs ou d'assurer avec notre excellent confrère Thibaud Kurzawa la défense dans ce procès hors normes, à Vannes au printemps dernier.

Il est rare qu’au sein d’un cabinet, en particulier dans le pôle pénal, s’installe une  entente, une complicité telles que le mot ensembles s’impose en permanence.

Ensembles dans les discussions sur les dossiers, ensembles dans les réflexions sur la conduite éthique réinterrogée constamment, ensembles dans les audiences, ensembles aussi dans le rire et la joie.

Entreprenant, audacieux, curieux de tout, il portait l’équipe et l’entraînait allègrement, dans un bouillonnement permanent. Il adorait transmettre son savoir, le partager et répondait enthousiaste aux sollicitations de très nombreuses institutions, la Faculté de droit, l'EDAGO et aussi les médecins légistes.

Maxime donnait au travail bien plus qu'on ne lui doit. C'était peut-être à la fois une force et une fragilité. Sa disparition nous oblige en tout cas à nous interroger sur les exigences et les risques conséquents du métier de pénaliste. Ce n'est pas la moindre des questions qu'il nous oblige à affronter.

Maxime nous manque à tous. Et nous n'avons pas fini de nous demander, nous, ses amis, « Qu'en aurait pensé Maxime ? ». Et bien sûr, l’absence de Maxime au sein du cabinet Avocats liberté est infiniment douloureuse. Mais sa présence subsiste, non comme une conjuration, mais comme la certitude qu’il n’est pas de totale disparition, tant son empreinte demeure.

Il nous laisse à tous bien plus que les images muettes d'un jeune talent qui nous quitte aux prémices de son apogée. Sa créativité, sa bienveillance, nous disent qu'il faut continuer sur les chemins où il s'était engagé avec tant d'ardeur.

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Avocats/Champ de compétence

[Commentaire] Monopole des professionnels du droit en matière d’indemnisation d’un accident de la circulation

Réf. : Cass. civ. 2, 7 mai 2025, n° 23-21.455, F-B N° Lexbase : A22450RL

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N2745B33

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par Vincent Roulet, Maître de conférences à l’Université de Tours, Avocat.

Le 08 Septembre 2025

Mots-clés : courtier • avocat • accident de la circulation • victime • consultation juridique • loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 • conseil

À l’unisson de la première chambre civile, la seconde chambre civile de la Cour de cassation juge qu’une activité d’assistance des victimes d’accidents de la circulation, ne se limitant pas à une simple gestion administrative mais incluant l’appréciation des offres d’indemnisation présentées en fonction de la situation personnelle de chacun de ses clients et de facteur multiple, comporte des prestations de conseil juridique au sens de l’article 54 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971.


 

 

Dès lors que la responsabilité n’est pas contestée et que le dommage a été entièrement quantifié, l’assureur qui garantit le véhicule terrestre à moteur à l’origine d’un accident de la circulation est tenu de présenter à la victime une offre d’indemnité motivée dans un délai de trois mois à compter de la demande d’indemnisation qui lui est présentée [1]. De façon que le consentement de la victime soit parfaitement éclairé, la loi encadre les échanges avec l’assureur. À l’occasion de sa première correspondance avec la victime, celui-là est tenu, à peine de nullité de la transaction à intervenir, d’informer celle-ci qu’elle « peut à son libre choix se faire assister d’un avocat » [2]. La partie règlementaire du Code des assurances va plus loin. La correspondance adressée par l’assureur en vue de la construction de la proposition d’indemnisation doit être accompagnée d’une « notice relative à l’indemnisation des victimes d’accidents de la circulation » [3] dont le modèle est fixé en annexe de l’article A. 211-11 du Code des assurances N° Lexbase : L3634H84. L’annexe présente de manière accessible les différentes étapes de la procédure d’indemnisation, indique, pour chacune d’elles, les options dont dispose la victime, et propose des « conseils pratiques ». Parmi ces derniers, il est rappelé à plusieurs reprises que la victime peut « se faire assister d’un avocat de son choix » ; mais, peut-être par pragmatisme, la notice mentionne également, sur un pied d’égalité avec l’invitation à saisir un avocat, que la victime peut prendre d’avis de « spécialistes, agents ou courtiers d’assurances ou de « conseillers juridiques » et, plus largement, « confier la défense de [ses] intérêts à toute personne de [son] choix ». Certains spécialistes – le plus souvent des courtiers ou des sociétés spécialisées – trouvent dans ces dispositions règlementaires, un fondement à leurs interventions, en qualité de conseils de la victime, dans le règlement amiable de l’indemnisation. L’offre de service adressée à la victime prend la forme d’un mandat aux termes duquel le spécialiste se charge du suivi administratif de la procédure de règlement (échanges de correspondances avec l’organisme assureur) mais aussi de la négociation elle-même et, lorsqu’un accord est trouvé, de l’exécution, c’est-à-dire de la perception des fonds versés par l’assureur. Cette activité particulière des intermédiaires d’assurance et autres sociétés dédiées est parfaitement connue des avocats et est parfois tolérée localement notamment, car les premiers orientent les victimes vers les seconds lorsque, faute de proposition d’indemnisation satisfaisante, les affaires sont portées devant les tribunaux. Si, individuellement, certains avocats trouvent peut-être leur intérêt dans cette organisation, la profession dans son ensemble manifeste invariablement son hostilité, considérant que le travail accompli par les spécialistes s’analyse, au moins en partie, comme des consultations juridiques dont la production habituelle et rémunérée est réservée par l’article 54 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 N° Lexbase : L6343AGZ à certaines personnes spécialement qualifiées. Les juges furent déjà plusieurs fois saisis à l’initiative de plusieurs ordres, et la Cour de cassation s’est prononcée en faveur des représentants de la profession d’avocat [4], y compris dans le cadre d’actions pénales engagées du chef d’exercice illégal de la profession d’avocat [5].

En dépit des espoirs de la doctrine [6], il en fallait plus pour que la pratique des courtiers ou des sociétés spécialisées s’alignât sur le droit ; des faits similaires se reproduisirent jusqu’à donner lieu à la présente décision de la Cour de cassation. Un courtier en assurance accompagnait les victimes d’accidents de la circulaire en exécution d’un mandat qu’il se faisait consentir. Aux termes du mandat, il se chargeait du volet administratif de la procédure d’indemnisation et, à l’occasion des négociations qu’il menait lui-même avec l’assureur, il délivrait aux victimes un conseil spécifique, propre à leurs situations. L’Ordre des avocats au barreau de Marseille et le Conseil National des Barreaux intervinrent. Ils suscitèrent une action pénale à l’issue de laquelle le courtier fut relaxé et engagèrent une action en référé sur le fondement du trouble manifestement illicite [7]. Le Tribunal judiciaire rejeta la demande d’injonction de cesser l’activité, avant d’être désavoué par la cour d’appel de Nîmes [8]. Le courtier se pourvut devant la Cour de cassation. Il invoquait en premier lieu la violation de l’autorité de la chose jugée par le tribunal correctionnel de Marseille : la Cour de cassation rejeta le moyen par une décision non spécialement motivée, la cour d’appel ayant expressément relevé dans sa décision que des faits nouveaux étaient survenus après que la relaxe a été prononcée [9]. Il défendait en second lieu la thèse selon laquelle l’activité qu’il exerçait, à savoir le fait d’apprécier en fonction de la situation personnelle de chacun de ses clients et de facteurs multiples (taux d’incapacité, âge, situation professionnelle et personnelle, recours des tiers payeurs…) l’indemnisation des divers postes de préjudices, ne pouvait être qualifiée de consultation juridique. En vain. La Cour de cassation confirme la décision d’appel : « une telle activité d'assistance exercée, fût-ce durant la phase non contentieuse de la procédure d'offre, à titre principal, habituel et rémunéré, comportait des prestations de conseil en matière juridique, au sens de l'article 54 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 ». Saisie en référé, elle confirme l’interdiction d’exercer adressée au courtier ; eut-elle été saisie au fond, elle aurait conclu à la nullité du contrat passé entre celui-ci et la victime. La solution eut un certain écho, et le Conseil National des Barreaux « salua » cette « décision de principe » dans un communiqué du 22 mai 2025. La satisfaction peut se comprendre ; plus discutable est l’analyse technique, car la décision n’a rien d’une décision de principe. La règle qu’elle pose n’est pas nouvelle (v. supra) ; surtout, la Cour de cassation n’y définit pas généralement la notion de consultation juridique dont l’exercice est règlementé (I), ni n’y fixe expressément les limites générales dans lesquelles doit se tenir l’activité du courtier à l’occasion de l’indemnisation des victimes d’accidents (II).

I. L’objet de l’interdiction

Il n’est plus débattu que la loi peut réserver l’activité de consultation juridique aux seuls titulaires d’une qualification juridique donnée. Il avait été soutenu que les dispositions de l’article 54 de la loi n° 71-1130 telles qu’interprétées par la Cour de cassation portaient atteinte à la liberté d’entreprendre garantie par l’article 4 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen N° Lexbase : L1368A9K et au droit d’obtenir un emploi protégé par le cinquième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ; mais, expéditive, la Cour de cassation refusa de transmettre la question au Conseil constitutionnel, faute d’être sérieuse : d’une part, la  « limitation de la liberté d’entreprendre est justifiée par la nécessité d’assurer le respect des droits de la défense [de la victime] garantis par l’article 16 de la Constitution, et n’est manifestement pas disproportionnée au regard de l’objectif poursuivi » ; d’autre part, l’exigence d’une qualification professionnelle spécifique « ne porte, en elle-même, aucune atteinte au droit d’obtenir un emploi » [10].

Notion de consultation - Si l’interdiction de prodiguer des consultations juridiques (sauf à satisfaire aux conditions fixées par l’article 54 de la loi n° 71-1130) est acquise, est en revanche nettement moins clair l’objet exact de cette interdiction. Ni la loi, ni le règlement ne définissent la « consultation juridique », et la jurisprudence elle-même s’est gardée d’en poser une définition rigoureuse pour ne la dépeindre qu’à grands traits. Le Conseil National des Barreaux avait remarqué cette faiblesse et proposait en 2020 (après l’avoir déjà fait en 2011) que la consultation juridique fût définie légalement comme « une prestation intellectuelle personnalisée tendant, sur une question posée, à la fourniture d’un avis ou d’un conseil fondé sur l’application d’une règle de droit en vue, notamment, d’une éventuelle prise de décision ». En vain. Quoique l’effort de conceptualisation n’a pas abouti, la casuistique permet d’en approcher plus ou moins précisément la substance [11], et le rapporteur dans l’affaire donnant lieu à l’arrêt commenté reprenait à son compte la définition proposée par le commentateur de la décision du 9 décembre 2015 – « une consultation juridique a pour objet de donner un avis motivé à une personne, afin de l’aider à résoudre une difficulté juridique » [12].

Substance de la consultation - La Cour de cassation se garde néanmoins de pallier le manque de définition. Négligeant (comme souvent lorsque l’opportunité commande de juger sans qualifier) la rigueur du syllogisme juridique, elle reprend à son compte l’exposé des activités du courtier fait par la cour d’appel puis décide que ces activités relèvent en partie de la consultation juridique. D’abord, elle retient avec la cour d’appel que l’intéressé « ne se limitait pas à une simple gestion administrative ou à une discussion purement technique aboutissant à un calcul automatique d’indemnités, mais qu’il appréciait en fonction de la situation personnelle de chacun de ses clients et de facteurs multiples tels que le taux d’incapacité, l’âge, la situation professionnelle et personnelle ou le recours des tiers payeurs, l’indemnisation des divers postes qui lui apparaissait la plus juste en fonction des indemnisations habituellement accordée » ; ensuite, elle conclut qu’ « une telle activité d’assistance (…) comportait des prestations de conseil en matière juridique, au sens de l’article 54 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 ». La solution ne surprend pas. Se retrouvent dans ce constat puis cette qualification les éléments communément admis comme constitutifs de la consultation ou du conseil juridique. Il s’agit en premier lieu d’une substance ou d’une coloration juridique de l’analyse livrée au client : la définition du quantum du préjudice n’étant pas fonction uniquement d’une appréciation strictement médicale de l’état de la victime, le critère était satisfait. À cet égard, l’arrêt du 25 janvier 2017 (préc.) était plus parlant encore dans sa tournure, lui qui censurait la pratique incluant « de procéder à la qualification juridique de leur [les victimes] situation au regard du régime indemnitaire applicable et à la définition de chaque poste de préjudice susceptible d’indemnisation ». Il s’agit en second lieu du caractère individualisé de l’opinion proposée, la Cour de cassation prenant soin en l’espèce de le souligner en évoquant « le taux d’incapacité, l’âge, la situation professionnelle et personnelle ou le recours des tiers payeurs ».

II. La portée de l’interdiction

Si ferme soit-elle, l’interdiction faite de procéder à des consultations juridiques dispose d’un champ d’application relativement restreint commandé par les termes mêmes de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971. Elle laisse matière à intervention de professionnels non-juristes dans le cadre du processus d’indemnisation et ne doit pas entraver les prérogatives spécifiques reconnues par la loi à certaines professions.

Ratione materiae - Comme le relève expressément la Cour de cassation à la suite de la cour d’appel, l’activité du courtier en l’espèce ne se limitait pas à la seule activité de conseil ou de consultation. Le terme du contrat passé avec la victime le laisse d’ailleurs entendre : « mandat de gestion et procuration ». Or parmi ces activités, certaines relevaient indubitablement du conseil ; elles sont interdites. D’autres ne sont pas par essence des activités de conseil mais les contiennent nécessairement et, de ce fait, doivent également être prohibées. Le « mandat » autorisait le courtier à représenter juridiquement la victime auprès de l’assureur ; le courtier devait prendre des décisions susceptibles d’orienter la procédure d’indemnisation (« prendre les décisions relatives à l’organisation des expertises matérielles et corporelles », « négocier » les offres d’indemnisation ce qui incluait le pouvoir de les accepter ou les refuser ») : or si la représentation n’est pas, par essence, la prestation de service qu’est le conseil juridique, il ne peut être compris que celle-là se réalise sans celui-ci dès lors que le mandataire est plus compétent que le mandant. D’autres activités, en revanche, ne paraissent tomber sous le coup d’aucune interdiction, soit qu’elles sont déconnectées de tout rapport avec le droit – la « simple gestion administrative » (« assurer toute la gestion administrative du dossier ») - soit que le droit demeure désincarné : la Cour de cassation laisse entendre qu’est licite une présentation « purement technique aboutissant à un calcul automatique d’indemnité » faite à la victime. Enfin, la Cour de cassation ne se prononce pas expressément sur le maniement des fonds. En l’espèce, le courtier avait mandat « percevoir tous les règlements » revenant aux victimes. La Cour de cassation ne se prononce pas sur ce volet (elle n’y était pas invitée) alors même que l’argument est régulièrement soulevé dans le débat public par les avocats au soutien de son « monopole ». Le communiqué du CNB du 22 mai 2025 fait ainsi état d’un premier argument « concurrentiel » :  les avocats offrent un meilleur service, car ils sont les seuls professionnels intéressés qui disposent de comptes clients pour recevoir les fonds revenant aux victimes (sous-entendus qui garantissent le parfait transfert des fonds de l’assureur à la victime) ; le communiqué fait état d’un second argument, cette fois-ci de droit : l’article 1er de la loi du 3 avril 1942 qui dispose que « sont nulles de plein droit et de nul effet les obligations contractées, pour rémunération de leurs services ou de leurs avances, envers les intermédiaires qui, moyennant émoluments convenus au préalable, se chargent d'assurer aux victimes d'accidents de droit commun ou à leurs ayants droit, le bénéfice d'accords amiables ou de décisions judiciaires ».

In fine, les frontières exactes d’une intervention licite des courtiers ou des sociétés dédiées sont encore floues. Selon que ces professionnels renonceront complètement à cette activité ou qu’ils essayeront de cantonner leur intervention aux domaines autorisés, le juge sera ou non conduit à affiner la distinction entre le permis et l’interdit.

Ratione personne - Il faut en premier lieu observer que la prohibition instituée par l’article 54 de la loi n° 71-1130 ne vise pas toutes les consultations juridiques mais seulement celles réalisées « à titre habituel et rémunéré ». La précision joue évidemment un rôle lorsqu’il est question, comme y invitait le courtier, d’éprouver la compatibilité logique de ces dispositions avec les termes de l’annexe à l’article A. 211-11 du Code des assurances : ce n’est pas parce que cette dernière permet à chaque victime, individuellement comprise, d’être assistée par un tiers quelle que soit la compétence de celui-ci, qu’il autorise quiconque à prodiguer habituellement et à titre rémunéré ses conseils juridiques. L’interprétation proposée par les courtiers et les sociétés spécialisés de l’annexe jusque dans la présente affaire était erronée logiquement.

Il faut en second lieu noter que certains professionnels de l’assurance peuvent théoriquement se voir reconnaître un rôle dans la phase de négociation même si, de facto, les conditions de la licéité de leurs interventions (habituelles et rémunérées) en tant que conseils juridiques ne seront qu’exceptionnellement satisfaites. L’article 59 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 autorise les « personnes exerçant une activité professionnelle réglementée » - ce que sont les courtiers et les agents généraux – à « donner des consultations juridiques relevant de leur activité principale et rédiger des actes sous seing privé qui constituent l’accessoire direct de la prestation fournie ». Entrouverte, la porte se referme toutefois immédiatement : par hypothèse à propos du jeu d’une assurance de responsabilité civile, le courtier ou l’agent général prétendant accompagner la victime n’intervient pas dans le cadre des contrats qu’il a lui-même distribué : une telle prestation de conseil n’est pas l’accessoire de leur activité principale, l’intermédiation. En revanche, il n’y aurait rien de choquant à considérer que le caractère accessoire de la consultation juridique est bien caractérisé dès lors que le conseil est délivré par l’assureur de protection juridique ou l’intermédiaire d’assureur (courtier ou agent général), qui a distribué à la victime un contrat trouvant à s’exécuter à l’occasion de l’accident donnant lieu à la procédure d’indemnisation.

 

[1] C. ass., art. L. 211-9 N° Lexbase : L6229DIK.

[2] C. ass., art. L. 211-10 N° Lexbase : L6228DII.

[3] C. ass., art. R. 211-39 N° Lexbase : L0633AAP.

[4] Civ., 1ère, 5 janv. 2020, n° 19-13.413 ; Cass. civ. 1, 25 janvier 2017, n° 15-26.353, F-P+B N° Lexbase : A5445TAW, note Y. Avril ; Cass. civ. 1, 9 décembre 2015, n° 14-24.268, FS-P+B+I N° Lexbase : A8210NYQ.

[5] Cass. crim., 18 janvier 2000, n° 98-88.210 N° Lexbase : A2311CWI.

[6] . J. Landel, note ss. Cass. civ. 1, 25 janvier 2017, préc., RGDA n° 2017, n° 3, p. 189, pour lequel la décision du 25 janvier 2017 devait « sonner le glas de l’assistance contre rémunération exercée par des sociétés spécialisées ».

[7] C. pr. civ., art. 835 N° Lexbase : L8607LYG.

[8] CA Nîmes, 7 juillet 2023, n° 23/00910 N° Lexbase : A85391AI.

[9] C. civ., art. 1355 N° Lexbase : L5762LTL ; v. p. ex. Cass. civ. 1, 21 novembre 2024, n° 22-17.351 N° Lexbase : A95956HT.

[10] Cass. civ. 1, 25 septembre 2019, n° 19-13.413, FS-P+B+I N° Lexbase : A0374ZQW, Lexbase Avocats, octobre 2019, note R. Bigot N° Lexbase : N0796BY7.

[11] V., l’énumération proposée par J. Landel, note préc..

[12] B. Cerveau, obs. ss. Cass. civ. 1, 9 déc. 2015, préc., Gaz. Pal., 2016, n° 12, p. 76, oubliant toutefois le caractère individualisé de l’exposé juridique.

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Fonction publique

[Dépêches] Prise en compte de l’état de santé antérieur du fonctionnaire dans la qualification d’accident de service

Réf. : CE, 3°-8° ch. réunies, 18 juillet 2025, n° 476311, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : B3359AY3

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N2835B3E

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par Yann Le Foll

Le 03 Septembre 2025

L’état de santé antérieur du fonctionnaire n’est de nature à constituer une circonstance particulière détachant l'accident du service que s’il est la cause exclusive de l’accident.

La cour administrative d’appel (CAA Versailles, 31 mai 2023, n° 21VE03126 N° Lexbase : A70649YB) a jugé qu'un infarctus du myocarde survenu pendant l'exercice des fonctions ne pouvait être reconnu imputable au service que s'il présentait un lien direct, certain et déterminant avec l'exécution du service.

En l'espèce, selon la cour, un tel lien n'était pas établi dès lors que l'état de santé antérieur de l’agente présentait des facteurs de risque et qu'elle n'avait produit aucun effort physique violent et inhabituel au moment de l'évènement.

Tel n’est pas l’avis des juges du Palais Royal. Ils estiment qu’en statuant ainsi, alors que l'accident s'est produit dans le temps et le lieu du service et qu'il lui appartenait par conséquent de rechercher si l'état de santé antérieur de l'intéressée était la cause exclusive de cet accident, la cour a méconnu :

  • la définition de l’accident de service (tout évènement, quelle qu’en soit la nature, survenu à une date certaine, dont il est résulté une lésion quelle que soit la date d’apparition de celle-ci) ;
  • et la présomption d’imputabilité (survenance dans le temps et le lieu du service, dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice, par le fonctionnaire, de ses fonctions ou d’une activité qui en constitue le prolongement normal, en l’absence de toute faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant l’accident du service).
Pour aller plus loin : v. ÉTUDE, Les conditions de travail dans la fonction publique territoriale, Les congés pour raisons de santé des fonctionnaires territoriaux, in Droit de la fonction publique (dir. P. Tifine), Lexbase N° Lexbase : E13213MU.

 

newsid:492835

Marchés publics

[Jurisprudence] La production de fausses factures à l'appui d’une offre entache celle-ci d’irrégularité

Réf. : TA Paris, 13 août 2025, n° 2521335 N° Lexbase : B8141BCI

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N2828B37

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par Marie Lhéritier, Avocate au Barreau de Paris

Le 04 Septembre 2025

Mots clés : marchés publics • fausses factures • référé précontractuel • irrégularité • rejet de l'offre


 

Le tribunal administratif de Paris vient de rejeter une requête en référé précontractuel introduite contre la procédure de passation d’un marché portant sur des prestations d’enlèvement des véhicules illicitement stationnés à Paris et leur transfert de préfourrières ou fourrières, au motif que l’offre du requérant méconnaissait la législation en matière pénale, ce qui entachait son offre d’irrégularité [1] rendant ainsi inopérants les moyens soulevés à l’appui de sa requête, à l’exception de celui tiré de l’irrégularité de l’offre de l’attributaire, lequel n’était en l’espèce pas fondé.

La requérante avait en effet produit à l’appui de son mémoire technique, remis en réponse à la consultation litigieuse, de fausses factures qu’elle produisait à nouveau dans le cadre de l’instance, ce qui a permis à l’attributaire d’en prendre connaissance et de les analyser.

Or, le fournisseur, auteur identifié de ces factures, attestait ne les avoir jamais établies, n’avoir aucune commande en cours pour cette entreprise et déclarait que ces factures avaient été falsifiées sur la base d’un devis établi pour le compte d’une autre entité.

Le juge des référés a justement retenu que la production de ces factures, de façon intentionnelle, à l’appui de son mémoire technique en réponse à la consultation attaquée, caractérisait un faux au sens de l’article 441-4 du Code pénal N° Lexbase : L1812AM3 [2]. Son offre était donc irrégulière et les moyens soulevés par la requérante étaient donc inopérants et rejetés comme tels, à l’exception du moyen tiré de l’irrégularité de l’offre de l’attributaire en l’occurrence tirée du prétendu caractère anormalement bas de son offre, lequel était en l’espèce infondé [3].

Au vu des très courts délais impartis aux parties pour conclure en référé précontractuel, il est bien rare de réussir à démontrer l’existence d’une fraude commise par la partie adverse. Heureux concours de circonstances, l’attributaire du marché dont la procédure était attaquée rendait justement visite à son fournisseur – qui est le même que celui de la requérante - dans les jours qui ont précédé l’audience et l’a interrogé sur lesdites factures produites par la requérante. Le fournisseur indiquait qu’il n’avait jamais établi les factures produites par la requérante et n’avait même, pour ce client, aucune commande en attente.

Il établissait une attestation en ce sens qui a donc pu être versée au débat et emporter la conviction du juge.

La ville pour sa part, n’avait aucun moyen de détecter, lors de l’analyse des offres, que les factures d’achats de véhicules étaient des fausses. Seul le fournisseur, émetteur des factures était en mesure d’établir leur caractère frauduleux.

Le juge des référés avait toute latitude pour apprécier le caractère probant de cette attestation et déterminer si les factures produites à l’appui de son offre constituaient ou non un faux au sens de l’article au sens de l’article 441-4 du Code pénal. En effet, en vertu du principe de la séparation des pouvoirs, il appartient au juge administratif de se prononcer sur l'exactitude des mentions portées sur un marché public, sans être tenu de surseoir à statuer dans l'attente de l'issue de poursuites pénales éventuelles [4]

Il lui était d’autant plus loisible de rejeter la quasi-intégralité des moyens soulevés par la requérante, en raison de leur caractère inopérant que la ville avait démontré leur caractère infondé d’une part, et que la requérante avait déjà sciemment communiqué des informations erronées à l’appui de son offre dans le cadre d’un précédent marché qu’elle avait cette fois remporté, d’autre part.

Elle n’en était donc pas à son coup d’essai.

Dans le cadre du recours en contestation de la validité de ce précédent marché, la cour administrative d’appel de Paris avait ainsi jugé que l'attributaire qui a transmis des renseignements erronés de manière intentionnelle commet une fraude constitutive d'un vice d'une particulière gravité qui entache la validité du contrat [5].

Le Rapporteur public, Monsieur Olivier Rousset, concluant sur cette affaire relevait clairement que la fraude « qu'elle soit révélée en cours de procédure de passation ou après la signature du marché, doit, en effet, permettre à la personne publique, sans qu'elle ait à s'interroger sur les conséquences in concreto d'une pratique qui est condamnable in abstracto, de rejeter l'offre » 

En référé précontractuel cette fois, le même sort est réservé au requérant qui a produit des faux à l’appui de son offre, sur le fondement de la lettre de l’article L. 2152-2 du Code de la commande publique N° Lexbase : L2620LRH qui impose au pouvoir adjudicateur de rejeter une offre qui méconnaît la législation pénale. L’irrégularité de son offre pour ce motif le prive alors de toute possibilité d’invoquer des manquements aux obligations de publicité et de mise en concurrence en référé précontractuel à l’exception de du moyen tiré de l’irrégularité de l’offre de l’attributaire.


[1] Aux termes des articles L. 2152-1 N° Lexbase : L4444LRZ et L. 2152-2 du Code de la commande publique  : « L'acheteur écarte les offres irrégulières, inacceptables ou inappropriées. Une offre irrégulière est une offre qui ne respecte pas les exigences formulées dans les documents de la consultation, en particulier parce qu'elle est incomplète, ou qui méconnaît la législation applicable notamment en matière sociale et environnementale ».

[2] « Constitue un faux toute altération frauduleuse de la vérité, de nature à causer un préjudice et accomplie par quelque moyen que ce soit, dans un écrit ou tout autre support d'expression de la pensée qui a pour objet ou qui peut avoir pour effet d'établir la preuve d'un droit ou d'un fait ayant des conséquences juridiques. Le faux et l'usage de faux sont punis de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende ». 

[3] CE, 1er juin 2023, n° 468930 N° Lexbase : A78509XZ, AJDA, 2023, p. 1034 ; en référé contractuel, voir CE, 27 mai 2020, n° 435982 N° Lexbase : A56523MB.

[4] CE, 2 février 1990, n° 75541 N° Lexbase : A5858AQZ, Lebon, p. 875 ; CE, 29 décembre 2006, n° 264720 N° Lexbase : A3631DTN.

[5] CAA Paris, 29 juillet 2016, n° 15PA02427 N° Lexbase : A7621SBU, AJDA, 2016. 2281.

newsid:492828

Social général

[Veille] Actualités du droit du travail et de la protection sociale (juillet-août 2025)

Lecture: 36 min

N2823B3X

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par Béatrice Renard Marsili, Juriste en droit du travail et Conseil en ressources humaines - DRH externalisé et Charlotte Moronval, Rédactrice en chef

Le 10 Septembre 2025

La revue Lexbase Social vous propose de retrouver dans un plan thématique, une sélection des décisions (I.) qui ont fait l’actualité des dernières semaines, en droit du travail et droit de la protection sociale, ainsi que toute l’actualité normative (II.), classée sous différents thèmes/mots-clés.


I. Actualités jurisprudentielles

1) Droit du travail

♦ Rupture de la période d’essai - Indemnité - Licenciement nul

Cass. soc., 25 juin 2025, n° 23-17.999, FS-B N° Lexbase : B6274AMC : le salarié dont la rupture de la période d'essai est nulle pour motif discriminatoire ne peut pas prétendre à l'indemnité prévue en cas de licenciement nul mais à la réparation du préjudice résultant de la nullité de cette rupture.

Pour aller plus loin : F. Clouzeau, Nullité de la rupture de la période d’essai discriminatoire à raison de l’état de santé : l’indemnisation n’est pas soumise à un plancher de six mois de salaire, Lexbase Social, septembre 2025, n° 1015 N° Lexbase : N2771B3Z.

♦ Arrêt maladie - Travail - Licenciement

Cass. soc., 25 juin 2025, n° 24-16.172, F-D N° Lexbase : B8446API : ayant constaté que le salarié avait effectué des prestations de travail rémunérées auprès d'un autre employeur pendant son arrêt de travail, la cour d'appel a pu en déduire qu'il avait violé les dispositions du statut national du personnel des industries électriques et gazières, sans qu'il soit nécessaire de démontrer la réalité du dommage résultant de ce manquement pour l'entreprise, et que ce manquement, au regard de la récurrence des prestations, au nombre de 8 pendant le même arrêt de travail, caractérisait un manquement d'une gravité telle qu'elle empêchait la poursuite du contrat de travail.

♦ Elections du CSE - Echec de la négociation du PAP - Refus de statuer - Déni de justice

Cass. soc., 25 juin 2025, n° 23-24.013, F-B N° Lexbase : B6298AM9 : en cas d'échec de la négociation préélectorale sur la répartition du personnel et des sièges pour les élections du CSE et d'absence de décision du DREETS, le tribunal judiciaire doit statuer sur cette répartition en fonction des circonstances de fait à la date où il se prononce.

En refusant de statuer car l'employeur a refusé de communiquer les informations nécessaires aux syndicats, le juge commet un déni de justice.

♦ Prise d’acte - Arrêt maladie - Indemnité

Cass. soc., 25 juin 2025, n° 21-16.745, F-D N° Lexbase : B8469APD : lorsque la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par un salarié produit les effets d'une démission, le salarié est en principe redevable d'une indemnité compensatrice de préavis à son employeur.

Mais si le salarié était dans l'incapacité d'effectuer son préavis au moment de la prise d'acte, en raison d'un arrêt maladie, aucune indemnité compensatrice ne peut alors lui être demandée.

♦ Rupture conventionnelle - Licenciement pour faute grave

Cass. soc., 25 juin 2025, n° 24-12.096, FS-B N° Lexbase : B6306AMI : en l'absence de rétractation de la convention de rupture, l'employeur peut licencier le salarié pour faute grave, entre la date d'expiration du délai de rétractation et la date d'effet prévue de la rupture conventionnelle, pour des manquements survenus ou dont il a eu connaissance au cours de cette période.

Toutefois, la créance d'indemnité de rupture conventionnelle, si elle n'est exigible qu'à la date fixée par la rupture, naît dès l'homologation de la convention, le licenciement n'affectant pas la validité de la rupture conventionnelle, mais ayant seulement pour effet, s'il est justifié, de mettre un terme au contrat de travail avant la date d'effet prévue par les parties dans la convention.

Viole ces textes la cour d'appel qui juge que la convention de rupture est non avenue et déboute le salarié, en retenant que le licenciement pour faute grave est bien fondé et a rompu le contrat de travail avant la date d'effet de la convention de rupture.

Pour aller plus loin : A. Leleu-Eté, Rupture conventionnelle et licenciement : est-ce véritablement incompatible ?, Lexbase Social, septembre 2025, n° 1015 N° Lexbase : N2802B38.

♦ Indemnité pour la contrepartie obligatoire en repos non prise - Action en paiement - Prescription

Cass. soc., 25 juin 2025, n° 23-19.887, FS-B N° Lexbase : B6294AM3 : la durée de la prescription étant déterminée par la nature de la créance invoquée, l'action en paiement d'une indemnité pour la contrepartie obligatoire en repos non prise en raison d'un manquement de l'employeur à son obligation d'information du salarié sur le nombre d'heures de repos compensateur portées à son crédit, qui a la nature de dommages-intérêts et porte sur l'exécution du contrat de travail, relève de la prescription biennale prévue à l'article L. 1471-1 du Code du travail N° Lexbase : L1453LKZ.

Elle a pour point de départ le jour où le salarié a eu connaissance de ses droits et, au plus tard, celui de la rupture du contrat de travail.

♦ Homologation d’un PSE - Annulation - Procédure

CE, 27 juin 2025, n° 463870 N° Lexbase : B7851AN4 : en cas d'annulation par le juge d'une décision d'homologation d'un plan de sauvegarde de l'emploi, l'employeur peut soumettre à nouveau aux élus du personnel le PSE amendé en fonction du motif d'annulation de la décision d'homologation et doit alors leur communiquer tous les éléments d'information utiles dans un délai suffisant afin de leur permettre de formuler leur avis en toute connaissance de cause sur la nouvelle version du PSE.

Mais l'employeur n'est pas tenu de reprendre point par point la procédure légale de consultation du CSE. Notamment, il n'a pas nécessairement à organiser deux réunions séparées par un délai d'au moins 15 jours.

Ce n'est que dans le cas où les modifications apportées au PSE revêtent un caractère substantiel que l'employeur doit reprendre la procédure d'information et de consultation du CSE dans son intégralité.

♦ Responsabilité - Perte de chance - Non-respect d’une clause de non-concurrence

Ass. plén., 27 juin 2025, n° 22-21.812 N° Lexbase : B0879ANU : le moyen qui fait grief à l'arrêt de ne pas avoir indemnisé un préjudice de perte de chance dont il constate l'existence n'est pas contraire à la thèse excluant la perte de chance, soutenue devant les juges du fond, dès lors que les conclusions devant la cour d'appel ne tendaient qu'à obtenir réparation de l'entier préjudice. Il est donc recevable.

La reconnaissance d'une perte de chance permet de réparer une part de l'entier dommage, déterminée à hauteur de la chance perdue, lorsque ce dommage n'est pas juridiquement réparable.

Le préjudice ainsi réparé, bien que distinct de l'entier dommage, en demeure dépendant.

Il s'en déduit que :

  • le juge peut, sans méconnaître l'objet du litige, rechercher l'existence d'une perte de chance d'éviter le dommage alors que lui était demandée la réparation de l'entier préjudice ; il lui incombe alors d'inviter les parties à présenter leurs observations quant à l'existence d'une perte de chance ;
  • le juge ne peut refuser d'indemniser une perte de chance de ne pas subir un dommage, dont il constate l'existence, en se fondant sur le fait que seule une réparation intégrale de ce dommage lui a été demandée.

En l'espèce, une entreprise condamnée à verser près de 58 000 € à un salarié pour non-respect de la clause de non-concurrence s’était retournée contre son avocat. Celui-ci ne l’avait pas informée qu’elle pouvait renoncer à la clause lors du licenciement et ainsi éviter de payer cette somme.

♦ Licenciement - Circonstances vexatoires - Préjudice indemnisable

Cass. soc., 1er juillet 2025, n° 24-14.206, F-D N° Lexbase : B4755ARK : même lorsqu'il est justifié par une faute grave du salarié, le licenciement peut causer à celui-ci, en raison des circonstances vexatoires qui l'ont accompagné, un préjudice dont il est fondé à demander réparation.

♦ Transfert conventionnel - Indemnité pour travail dissimulé

Cass. soc., 2 juillet 2025, n°23-20.428, F-B N° Lexbase : B6748APM : en cas de travail dissimulé, le salarié auquel l'employeur a eu recours a droit à une indemnité forfaitaire égale à 6 mois de salaire.

En cas de transfert conventionnel du contrat de travail, l'entreprise entrante établit un avenant au contrat de travail dans lequel elle mentionne le changement d'employeur et reprend l'ensemble des clauses contractuelles qui lui sont applicables.

Les dispositions de l'avenant du 28 janvier 2011 à l'accord du 5 mars 2002, relatif à la reprise du personnel relevant de la convention collective des entreprises de prévention et de sécurité du 15 février 1985 ne prévoient pas que le nouvel employeur est tenu des obligations qui incombaient à l'ancien employeur au moment de la reprise des salariés.

Il résulte de la combinaison de ces textes que si un avenant au contrat de travail conclu avec le nouvel employeur reprend l'ensemble des clauses contractuelles du contrat de travail du salarié, la relation de travail avec l'ancien employeur est rompue de sorte que ce dernier, qui a eu recours au salarié en commettant l'infraction de travail dissimulé, est redevable de l'indemnité pour travail dissimulé.

♦ Travaux dangereux - Intérimaires

Cass. soc., 9 juillet 2025, n° 24-16.142, F-D N° Lexbase : B8828AWU : le Code du travail prévoit qu'il est interdit de recourir au travail temporaire, à un salarié titulaire d'un contrat de travail à durée déterminée ou à un salarié temporaire pour effectuer certains travaux particulièrement dangereux figurant sur une liste établie par voie réglementaire.

Il est notamment interdit d'employer des salariés titulaires d'un contrat de travail à durée déterminée et des salariés temporaires pour l'exécution des travaux les exposant aux poussières de métaux durs.

En cas de litige portant sur le recours à un salarié temporaire en violation de ces dispositions, il incombe à l'employeur de rapporter la preuve que les travaux ne font pas partie des travaux proscrits.

A défaut pour l'employeur de rapporter cette preuve, le salarié concerné peut demander une requalification de son contrat de mission en CDI. La rupture du contrat de travail s'analyse alors en un licenciement nul.

♦ Contrat de travail à temps partiel - Absence de contrat - Requalification

Cass. soc., 9 juillet 2025, n° 24-14.205, F-D N° Lexbase : B8823AWP : le contrat écrit du salarié à temps partiel doit mentionner la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois.

L'absence d'écrit mentionnant la durée du travail et sa répartition fait présumer que l'emploi est à temps complet. Il incombe à l'employeur qui conteste cette présomption de rapporter la preuve, d'une part, de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue, d'autre part, que le salarié n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'avait pas à se tenir constamment à la disposition de l'employeur.

♦ Licenciement pour insuffisance professionnelle - Absence de formation du salarié

Cass. soc., 9 juillet 2025, n° 24-16.405, F-D N° Lexbase : B8789AWG : l'employeur qui licencie un salarié pour insuffisance professionnelle doit pouvoir prouver qu'il a bien rempli son obligation de formation continue.

C'est ce que la Cour de cassation a rappelé récemment, à l'égard d'un chef de secteur licencié pour insuffisance professionnelle.

La cour d'appel avait validé le licenciement en retenant que les pièces versées par l'employeur prouvaient une insuffisance professionnelle du salarié qui malgré des mises en garde n'avait pas atteint ses objectifs quantitatifs, n'avait pas fourni, dans le cadre de son travail la prestation attendue et n'était pas parvenu à remplir ses fonctions de manière satisfaisante.

Position censurée par la Cour de cassation qui relève que l'employeur ne prouvait pas avoir procédé à des formations ou autres tutorats pour aider le salarié dans la bonne continuation de la marche des affaires et qu'il n'apparaissait aucun plan de retour à la performance ni d'accompagnement.

♦ Procédure prud'homale - Appel - Recevabilité des demandes nouvelles

Cass. soc., 25 juin 2025, n° 23-20.007, FS-B N° Lexbase : B6284AMP : une demande de prime variable peut être jugée recevable en appel si elle poursuite le même objectif que les demandes initiales sur les heures supplémentaires.

Pour aller plus loin : 

  • v. aussi Cass. soc., 25 juin 2025, n° 23-18.889, FS-B N° Lexbase : B6309AMM
  • sur le moyen relatif à la preuve des heures supplémentaires, lire Ch. Moronval, Décompte de la durée du travail et preuve des heures supplémentaires, Lexbase Social, septembre 2025, n° 1015 N° Lexbase : N2775B38.

♦ Refus d'un CDI après un CDD - Privation des allocations chômage

CE, 18 juillet 2025, n° 492244 N° Lexbase : B4394AZR : la loi « Marché du travail » du 21 décembre 2022 N° Lexbase : L1959MGN a prévu la suppression des allocations chômage si France Travail constate qu’un demandeur d’emploi a reçu, au cours des 12 derniers mois, 2 propositions de CDI à l’issue d’un CDD ou d’une mission d’intérim qu’il a refusé.

Le Conseil d'Etat a rejeté le recours formé par 4 syndicats contre le décret du 28 décembre 2023 ayant prévu les modalités d'application de ce dispositif.

Contrairement à ce qu'avançaient les syndicats, le Conseil d'Etat considère que le dispositif ne créé pas une situation de travail forcé ou obligatoire ni une discrimination dans l'accès aux droits à l'assurance chômage.

Les syndicats faisaient également valoir une méconnaissance du droit à un recours effectif, en ne fixant pas de délai minimum ouvert au salarié pour se prononcer sur la proposition de CDI et en ne prévoyant pas d’information du salarié par l’employeur des conséquences de son refus ni de sa possibilité de faire valoir un motif légitime de refus.

Mais là encore, le Conseil d'Etat rejette l'argumentaire en rappelant que l’employeur ou l’entreprise utilisatrice doit accorder au salarié un délai raisonnable pour se prononcer sur la proposition de CDI et lui indiquer qu’à l’issue de ce délai, l’absence de réponse de sa part vaudra rejet de la proposition. Et que le salarié est informé par France Travail des conséquences de son refus sur l’ouverture de ses droits à l’allocation d’assurance chômage.

♦ Congé paternité - Personne vivant avec le père de l’enfant

Cons. const., décision n° 2025-1155 QPC du 8 août 2025 N° Lexbase : B8722BBN : le Conseil constitutionnel a été saisi d'une question de constitutionnalité sur l'absence de droit à congé pour la personne vivant avec le père de l’enfant.

Le congé de paternité et d’accueil de l’enfant peut en effet bénéficier au père, à la personne qui vit avec la mère de l’enfant, et dans le cas d’un couple de femmes ayant eu recours à une assistance médicale à la procréation, à la femme à l’égard de laquelle la filiation de l’enfant a été établie par reconnaissance conjointe.

En revanche, la personne vivant avec le père de l’enfant n’a aucun droit à ce congé. Pour le Conseil constitutionnel, cela ne constitue pas une différence de traitement injustifiée.

2) Droit de la protection sociale

♦ Maladie professionnelle - Condition tenant à la durée d’exposition

Cass. civ. 2, 26 juin 2025, n° 23-15.112, F-B N° Lexbase : B6308AML : c'est à la date de la déclaration de la maladie professionnelle accompagnée du certificat médical initial, et non à la date de première constatation, que doivent s'apprécier les conditions d'un tableau de maladies professionnelles.

Pour aller plus loin : Y. Bougenaux, La date de première constatation médicale ne doit pas être prise en compte quant à la condition tenant à la durée d’exposition, Lexbase Social, septembre 2025, n° 1015 N° Lexbase : N2803B39.

II. Actualités normatives

1) Journal officiel de la République française (JORF)

a. Lois et propositions de lois

Droits des salariés engagés dans un projet parental par PMA ou adoption

Loi n° 2025-595 du 30 juin 2025, visant à protéger les personnes engagées dans un projet parental des discriminations au travail N° Lexbase : L2326NAE :  publiée au Journal officiel du 1er juillet 2025, la loi du 30 juin 2025, visant à protéger les personnes engagées dans un projet parental des discriminations au travail, créé de nouveaux droits pour les salariés engagés dans un projet parental par PMA ou adoption.

Elle élargit l'autorisation d'absence pour les actes médicaux aux salariés hommes en parcours de PMA.

Elle étend à la salariée, liée à une autre femme en parcours PMA par un pacte civil de solidarité ou vivant maritalement avec elle ou conjointement, l'autorisation d'absence pour l'accompagner à 3 examens ou actes pour chaque protocole du parcours de PMA.

Elle créé une autorisation d'absence pour se présenter aux entretiens obligatoires nécessaires à l'obtention de l’agrément au bénéfice des salariés hommes et femmes engagés dans une procédure d'adoption.

Elle élargit enfin aux salariés hommes engagés dans un parcours de PMA et aux salariés hommes ou femmes engagés dans une adoption le bénéfice de mesures protectrices de la relation de travail qui n'étaient prévues jusqu'à présent que pour les femmes bénéficiant d’un parcours de PMA.

Proposition de loi sur le travail du 1er mai

Proposition de loi, visant à permettre aux salariés de certains établissements et services de travailler le 1er mai, texte adopté par le Sénat en première lecture le 3 juillet 2025 :  le Sénat a adopté, en première lecture, la proposition de loi qui vise à permettre aux salariés de certains établissements et services de travailler le 1er mai.

Actuellement, le 1er mai peut être travaillé dans les établissements et services qui, en raison de la nature de leur activité, ne peuvent interrompre le travail.

La proposition de loi prévoit d'autoriser également le travail du 1er mai dans :

  • les établissements assurant, à titre principal, la fabrication ou la préparation de produits alimentaires destinés à la consommation immédiate ;
  • les autres établissements dont l’activité exclusive est la vente de produits alimentaires au détail ;
  • les établissements exerçant, à titre principal, une activité de vente de fleurs naturelles qui permet de répondre à un besoin du public lié à un usage traditionnel propre au 1er mai ;
  • les établissements exerçant, à titre principal, une activité culturelle.

Les salariés concernés seraient payés double, et seuls les salariés volontaires ayant donné leur accord écrit pourraient travailler le 1er mai.

Proposition de loi visant à pérenniser le contrat de professionnalisation expérimental

Proposition de loi, visant à pérenniser le contrat de professionnalisation expérimental, adoptée par le Sénat le 3 juillet 2025 :  le contrat de professionnalisation vise, en principe, à suivre une formation permettant d’acquérir une qualification enregistrée dans le répertoire national des certifications professionnelles, ou reconnue dans les classifications d'une convention collective nationale de branche, ou ouvrant droit à un certificat de qualification professionnelle.

A titre expérimental, jusqu'au 28 décembre 2023, il pouvait permettre de valider seulement un ou plusieurs blocs de compétences identifiées.

Une proposition de loi, adoptée par le Sénat le 3 juillet, permettrait au contrat de professionnalisation de manière pérenne d'avoir pour objet l’obtention d’une qualification ou d’un certificat professionnel, ou la validation d'un ou de plusieurs blocs de compétences de certification professionnelle.

La proposition de loi doit maintenant passer devant l'Assemblée nationale.

Projet de loi sur l'emploi des seniors et le dialogue social

Projet de loi, portant transposition des accords nationaux interprofessionnels en faveur de l’emploi des salariés expérimentés et relatif à l’évolution du dialogue social, voté par le Sénat le 10 juillet 2025 :  un accord sur un texte de compromis a été trouvé le 8 juillet en commission mixte paritaire. Le projet de loi a été adopté par le Sénat le 10 juillet et sera voté à la rentrée de septembre s'il y a une nouvelle session extraordinaire ou en octobre par l'Assemblée nationale afin que la loi soit définitivement adoptée. Il ne sera toutefois applicable qu’après sa publication au Journal officiel et sous réserve d’une décision du Conseil constitutionnel.

Principales mesures :

  • la suppression de la limitation à 3 mandats successifs des élus du CSE quel que soit l'effectif de l'entreprise ;
  • la transformation de l'entretien professionnel en entretien de parcours professionnel qui devra avoir lieu dès la 1ère année de l'arrivée du salarié dans l'entreprise puis tous les 4 ans ;
  • la possibilité pour les salariés des entreprises de moins de 300 salariés de préparer l'entretien de parcours professionnel avec l’appui du conseil en évolution professionnelle ;
  • la possibilité pour les employeurs des entreprises de moins de 300 salariés de préparer l'entretien de parcours professionnel avec l’appui de son opérateur de compétences et d'être accompagné par un organisme externe si un accord de branche ou d’entreprise le prévoit ;
  • un état des lieux récapitulatif du parcours professionnel du salarié tous les 8 ans ;
  • un nouvel entretien de parcours professionnel dans les 2 mois de la visite médicale de mi-carrière ;
  • un contenu renforcé pour l'entretien de parcours professionnel dans les 2 années précédant le 60ème anniversaire du salarié ;
  • l'intégration d'un bilan de la mise en œuvre des actions de formation entreprises à l’issue des entretiens de parcours professionnels dans la BDESE ;
  • la création d'un contrat de valorisation de l'expérience, CDI visant à favoriser l'embauche des seniors d'au moins 60 ans, à titre expérimental pendant 5 ans après la promulgation de la loi, avec la possibilité de mettre le salarié à la retraite plus facilement.
  • l'abaissement à 60 ans de l'âge d'accès à la retraite progressive ;
  • la création d'un temps partiel de fin de carrière, avec le financement de la perte de rémunération liée au passage à temps partiel par le versement anticipé de l'indemnité de départ à la retraite ;
  • l'obligation pour les entreprises et groupes d'au moins 300 salariés de négocier périodiquement sur les salariés expérimentés, en considération de leur âge ;
  • la création d'un nouveau dispositif de reconversion professionnelle qui remplacera la période de Pro-A et Transitions collectives ;
  • l'obligation pour l'employeur de notifier au salarié en congé de transition professionnelle, 3 mois avant la fin de la formation, son droit à réintégrer, à l’issue de la formation, son poste ou, à défaut, un poste équivalent assorti d’une rémunération au moins équivalente ;
  • bonus-malus sur les cotisations chômage : L'exclusion des paramètres de calcul du taux de contribution modulé de l’entreprise le licenciement pour inaptitude d’origine non professionnelle et le licenciement pour faute grave ou faute lourde.

b. Décrets et projets de décrets

Action de groupe - Liste des tribunaux judiciaires compétents

Décret n° 2025-653 du 16 juillet 2025, désignant les tribunaux judiciaires compétents en matière d'action de groupe N° Lexbase : L4160NAC :  un décret du 16 juillet 2025 fixe le siège et le ressort des 8 tribunaux judiciaires désignés pour connaître des actions de groupe. Il est entré en vigueur le 19 juillet 2025.

Activité partielle à Mayotte - Prolongation des taux dérogatoires

Décret n° 2025-631 du 10 juillet 2025, portant prolongation de l'allocation d'aide au retour à l'emploi (ARE), de l'allocation de solidarité spécifique (ASS) et l'allocation des travailleurs indépendants (ATI) et de la majoration des taux horaires de l'allocation et de l'indemnité d'activité partielle à Mayotte N° Lexbase : L3956NAR :  à la suite du cyclone Chido, les taux horaires de prise en charge de l'allocation et de l'indemnité d'activité partielle avaient été majorés temporairement par la loi d'urgence pour Mayotte.

Déjà prolongée jusqu'au 30 juin 2025, cette mesure a été de nouveau reconduite jusqu'au 30 septembre 2025.

Apprentissage - Reste à charge obligatoire pour les formations Bac+3 et plus

Décret n° 2025-585 du 27 juin 2025, relatif à la prise en charge des actions de formation par apprentissage N° Lexbase : L1831NA3 :  un décret du 27 juin 2025 a officialisé le reste à charge obligatoire pour les contrats d’apprentissage visant un diplôme ou un titre à finalité professionnelle au moins égal au niveau 6 du cadre national des certifications professionnelles (à partir du Bac + 3).

Cette mesure est applicable aux contrats d'apprentissage conclus depuis le 1er juillet 2025.

En cas de rupture du contrat au cours des 45 premiers jours en entreprise, le reste à charge de l'employeur est fixé, dans la limite de 750 €, à 50 % du montant payé par l’OPCO au CFA, retenu au prorata du nombre de jours effectués dans le cadre du contrat d'apprentissage.

En cas de rupture anticipée du contrat d’apprentissage, lorsqu’un nouveau contrat d’apprentissage est conclu avec un autre employeur susceptible de permettre à l’apprenti d’achever son cycle de formation, le montant de la participation forfaitaire laissée à la charge de ce nouvel employeur est de 200 €.

Apprentissage - Prise en charge de l'OPCO

Décret n° 2025-586 du 27 juin 2025, relatif à la minoration de la prise en charge des actions de formation par apprentissage dispensées en partie à distance N° Lexbase : L1828NAX :  les enseignements dispensés pendant le temps de travail par un CFA ou une section d’apprentissage peuvent être réalisés en tout ou partie à distance.

Un décret du 27 juin 2025 officialise la minoration de 20 % de la prise en charge par l'OPCO lorsque les actions de formation théoriques sont effectuées à distance pour au moins à 80 % de leur durée.

Le niveau de prise en charge versé par l’OPCO après application de la minoration ne peut pas être inférieur à 4 000 €.

Cette mesure est applicable aux contrats d'apprentissage conclus depuis le 1er juillet 2025.

Par exception, la minoration n'est pas appliquée lorsque tous les CFA préparant à la certification dispensent les enseignements à distance pour au moins 80 % de leur durée totale. Cette dérogation entrera en vigueur par arrêté à paraître et au plus tard le 30 novembre 2025.

Arrêts de travail version papier

Décret n° 2025-587 du 28 juin 2025, relatif à la transmission des avis d'arrêt de travail N° Lexbase : L1834NA8 :  un décret du 28 juin 2025 a confirmé ce qu'avait déjà annoncé l'Assurance maladie : lorsque l'arrêt de travail est établi par le professionnel de santé à l'assuré sous format papier, il doit être prescrit au moyen d'un formulaire homologué sur papier sécurisé, fourni par la caisse primaire d'assurance maladie.

Ce texte est applicable aux prescriptions des arrêts de travail débutant ou prolongés depuis le 1er juillet 2025.

L'Assurance maladie a toutefois indiqué, sur son site internet, qu'elle acceptait encore les anciens formulaires durant la période estivale.

Mais à compter du 1er septembre 2025, tout formulaire d’avis d’arrêt de travail papier non sécurisé sera rejeté par l’Assurance Maladie et retourné au prescripteur pour qu’il réalise un avis d’arrêt de travail au bon format. Elle informera aussi l’assuré, qui devra renvoyer dans les plus brefs délais le nouveau formulaire fourni par son professionnel de santé.

En revanche, depuis le 1er juillet, les scans et les photocopies ne sont plus acceptés et sont considérés comme des faux.

Age d'ouverture du droit à la retraite progressive abaissé à 60 ans

Décret n° 2025-681 du 15 juillet 2025, fixant l'âge d'ouverture du droit à la retraite progressive à soixante ans N° Lexbase : L5159NAC :  un décret du 15 juillet 2025, publié au Journal officiel du 23 juillet 2025, abaisse à 60 ans, au lieu de 62, l'âge d'ouverture du droit à la retraite progressive.

Cette mesure s'appliquera aux pensions prenant effet à compter du 1er septembre 2025.

Financement des actions de VAE par le CPF

Décret n° 2025-663 du 18 juillet 2025, définissant les conditions d'éligibilité au compte personnel de formation des actions permettant de faire valider les acquis de l'expérience mentionnées au 3° de l'article L. 6313-1 du Code du travail N° Lexbase : L4881NAZ :  un décret du 18 juillet 2025 fixe les conditions et les modalités d'éligibilité au compte personnel de formation des actions permettant de faire valider les acquis de l'expérience.

Depuis le 1er août 2025, les actions de VAE sont éligibles au CPF à condition d'être mises en œuvre par un organisme de formation certifié et référencé, et que le salarié titulaire du CPF soit préalablement inscrit sur le portail France VAE lorsque la certification professionnelle visée y est proposée.

Le texte précise, en outre, les modalités de prise en charge par le CPF des frais afférents à la VAE.

Nouveau seuil de non-recouvrement et de remboursement des cotisations URSSAF

Décret n° 2025-578 du 25 juin 2025n relatif aux règles d'admission en non-valeur et au relèvement des seuils de mise en recouvrement N° Lexbase : L1795NAQ :  un décret du 25 juin 2025 relève à 2,5 % du plafond mensuel de la Sécurité sociale le seuil en deçà duquel l’URSSAF peut abandonner la mise en recouvrement ou le paiement de créances, soit 99 €.

Par ailleurs, depuis le 28 juin 2025, les entreprises disposent d’un délai d’un an pour demander le remboursement de cotisations indues inférieures à 99 €.

Prévention des risques professionnels dans les mines et carrières

Décret n° 2025-727 du 29 juillet 2025, relatif à l'organisation de la prévention des risques professionnels dans les mines et les carrières N° Lexbase : L6678NAL :  un décret du 29 juillet 2025 complète et adapte les prescriptions du code du travail relatives à la santé et à la sécurité au travail pour leur application aux travailleurs et employeurs des entreprises et établissements relevant des mines, des carrières et de leurs dépendances.

Ses dispositions se substituent aux modalités d'organisation de la prévention des risques professionnels dans ce secteur figurant à l'article 16 du titre « Règles générales » (RG) du règlement général des industries extractives (RGIE), qui est en conséquence abrogé.

Ces nouvelles dispositions sont entrées en vigueur le 1er août 2025.

Assouplissement des déclarations d'activité des organismes de formation

Décret n° 2025-728 du 29 juillet 2025, relatif à l'enregistrement des déclarations d'activité des organismes de formation N° Lexbase : L6679NAM :  un décret du 29 juillet 2025 ajoute une copie d'une pièce d'identité ou la production d'un justificatif numérique d'identité dont la certification est garantie par l'Etat au nombre des pièces à joindre à la déclaration d'activité des organismes de formation et réduit le nombre de celles-ci pour les organismes qui relèvent du régime micro-social et dont le chiffre d'affaires hors taxes n'excède pas 77 700 € par an.

En outre, il rallonge le délai d'instruction de cette déclaration de 30 jours à 2 mois.

Il dématérialise également la procédure de dépôt de cette déclaration.

Enfin, il supprime l'existence d'un recours administratif préalable obligatoire contre la décision prise à la suite du contrôle.

Ces dispositions sont entrées en vigueur le 1er août 2025.

Prévention des risques professionnels dans les carrières

Décret n° 2025-729 du 29 juillet 2025 relatif à l'enregistrement des intervenants en prévention des risques professionnels exerçant en carrières N° Lexbase : L6680NAN :  un décret du 29 juillet 2025 définit les modalités d'enregistrement des intervenants en prévention des risques professionnels exerçant en carrières auprès de l'autorité administrative compétente.

Ces nouvelles dispositions seront applicables à compter du 1er janvier 2026.

Passeport de prévention - Formations

Décret n° 2025-748 du 1er août 2025, précisant les modalités de déclaration des formations en santé et sécurité au travail par les organismes de formation et les employeurs dans le passeport de prévention N° Lexbase : L7195NAQ :  un décret du 1er août 2025 est venu préciser :

  • les modalités de déclaration des formations en santé et sécurité au travail par les organismes de formation et les employeurs dans le passeport de prévention,
  • les conditions d'éligibilité des formations à la déclaration,
  • les délais dans lesquels s'effectuent les déclarations,
  • les modalités de vérification et de correction des données.

Avec la publication de ce décret, les choses s'accélèrent enfin.

L’obligation de déclarer des formations qu'ils dispensent en matière de santé et sécurité au travail par le biais de ce service débute ainsi pour les organismes de formation à partir du 1er septembre 2025 pour les formations obligatoires puis à partir du 1er juillet 2026 pour les autres formations.

À partir du 31 mars 2026 au plus tard, les employeurs devront également déclarer les formations obligatoires suivies en interne par leurs salariés et pourront vérifier les déclarations effectuées par les organismes de formation.

Une période transitoire est mise en place.

Contestations des désignations de représentants de proximité - Procédure applicable

Décret n° 2025-619 du 8 juillet 2025, portant diverses mesures de simplification de la procédure civile N° Lexbase : L3039NAS :  un décret du 8 juillet 2025 précise la procédure applicable aux contestations des désignations de représentants de proximité ainsi qu'aux contestations portant sur la consultation des salariés sur les accords d'entreprise.

Il entre en vigueur au 1er septembre 2025.

A noter que ce décret fait écho à une suggestion de la Cour de cassation, formulée à plusieurs reprises dans son rapport annuel.

c. Arrêtés

Liste des organisations syndicales reconnues représentatives au niveau national et interprofessionnel

Arrêté du 8 juillet 2025, fixant la liste des organisations syndicales reconnues représentatives au niveau national et interprofessionnel N° Lexbase : L3114NAL :  un arrêté du 8 juillet 2025 fixe la liste des organisations syndicales reconnues représentatives au niveau national et interprofessionnel.

Liste des organisations professionnelles d'employeurs reconnues représentatives au niveau national et interprofessionnel

Arrêté du 8 juillet 2025, fixant la liste des organisations professionnelles d'employeurs reconnues représentatives au niveau national et interprofessionnel N° Lexbase : L3120NAS :  un arrêté du 8 juillet 2025 fixe la liste des organisations professionnelles d'employeurs reconnues représentatives au niveau national et interprofessionnel.

Interdiction de fumer et emplacement fumeurs - Nouvelles signalétiques

Arrêté du 21 juillet 2025, fixant les périmètres et les modèles de signalisation prévus respectivement aux articles R. 3512-2 et R. 3512-7 du Code de la santé publique N° Lexbase : L5046NA7 :  à la suite du décret du 27 juin 2025 ayant étendu l'interdiction de fumer à de nouveaux espaces publics, un arrêté du 21 juillet est venu modifier les signalétiques obligatoires « interdiction de fumer » et « emplacement fumeurs ».

Les entreprises doivent donc modifier sans attendre leurs panneaux de signalisation.

L'arrêté précise cependant que les signalisations « interdiction de fumer » conçues, éditées ou imprimées avant le 22 juillet 2025, conformément à l'annexe 1 de l'arrêté du 1er décembre 2010 ou mises en œuvre en application d'un arrêté municipal, sont réputées valides à condition qu'elles mentionnent le principe de l'interdiction de fumer, le numéro national d'aide à l'arrêt Tabac-info-service, la référence à l'article R. 3512-2 du Code de la santé publique N° Lexbase : L1956NAP et aux sanctions prévues en cas d'infraction.

En revanche, les signalisations « emplacement fumeurs » éditées ou imprimées avant le 22 juillet 2025 et conformes à l'annexe 2 de l'arrêté du 1er décembre 2010 ne sont réputées valides que pendant 6 mois suivant la publication de l'arrêté, soit jusqu'au 22 janvier 2026.

Nouvelle prolongation du modèle de bulletin de paye adapté

Arrêté du 11 août 2025, modifiant l'arrêté du 31 janvier 2023, modifiant l'arrêté du 25 février 2016, fixant les libellés, l'ordre et le regroupement des informations figurant sur le bulletin de paie mentionnées à l'article R. 3243-2 du Code du travail N° Lexbase : L8799NA7 :  un arrêté du 31 janvier 2023 a rendu obligatoire, à partir de juillet 2023, l’affichage du montant net social sur une ligne dédiée du bulletin de paye. Cet arrêté a proposé un modèle rénové de bulletin de paye, utilisable dès juillet 2023 et dont l’utilisation devait devenir obligatoire à partir de 2026. Ce bulletin de paye rénové comporte un réaménagement des rubriques consacrées à la protection sociale complémentaire et la création d'une rubrique dédiée aux remboursements et déductions diverses.

Un arrêté du 25 février 2016 a prévu que, jusqu’à la fin 2026, à titre transitoire, les employeurs pouvaient utiliser un modèle adapté, qui est un simple dérivé de celui qui existait déjà, en ajoutant « Montant net social » après les rubriques indiquant les cotisations sociales.

Un arrêté du 11 août 2025 vient de prolonger l'utilisation de ce modèle adapté jusqu'au 1er janvier 2027.

d. Mises à jour du BOSS

Fait générateur

BOSS, Assiette générale - Mise à jour sur le fait générateur, 27 juin 2025 : le 27 juin 2025, le BOSS a fait une mise à jour importante sur le fait générateur des cotisations et contributions sociales.

L’ensemble des contenus du chapitre 5 relatif au fait générateur des cotisations et contributions sociales fait l’objet d’une phase d'adaptation à compter du 1er juillet 2025. Ils ne seront pas opposables avant le 1er janvier 2027.

Réforme des exonérations apprentis

BOSS, Modification du paragraphe 110 de la rubrique Exonération contrat d'apprentissage, communiqué, 3 juillet 2025 : depuis le 1er mars 2025, en application de la LFSS pour 2025, les rémunérations des apprentis ont basculé dans un régime d'exonération moins favorable que précédemment. Jusqu'à présent, l'administration avait pris l'option de prendre pour référence la date de début d'exécution du contrat, malgré la lettre de la loi.

Dans une mise à jour du 3 juillet 2025, le BOSS a modifié sa doctrine et se réfère à la date de conclusion du contrat.

Précisions sur le nouveau versement mobilité régional

BOSS, Versement mobilité régional et rural, communiqué, 9 juillet 2025 : deux régions, Provence-Alpes-Côte d'Azur (PACA) et Occitanie, ont décidé d'instaurer un versement mobilité régional, comme cela est permis depuis la loi de finances pour 2025.

Dans un communiqué du 9 juillet 2025, le BOSS revient sur ce nouveau versement mobilité régional et rural et apporte quelques informations pratiques sur l’assujettissement au VMRR ainsi que sur ses modalités déclaratives, en attendant que ces règles soient précisées par décret prochainement.

e. Circulaires

APLD Rebond - Points de retraite AGIRC-ARRCO

Circulaire Agirc Arrco n° 2025-10 SG-DRJ, 30 juin 2025 : dans une circulaire du 30 juin 2025, l'AGIRC-ARRCO a annoncé que les salariés indemnisés au titre de l'activité partielle de longue durée Rebond peuvent désormais bénéficier de points de retraite complémentaire AGIRC-ARRCO dans les mêmes conditions que pour l'activité partielle de droit commun.

f. Communiqués

Cotisation AGS

AGS, Chiffres clés : l'association pour la gestion du régime de garantie des créances des salariés (AGS) a annoncé maintenir le taux de sa cotisation à 0,25 % au 1er juillet 2025.

Réforme des titres-restaurant

Min. Finances, communiqué, 26 juin 2025 : la ministre déléguée chargée du Commerce de l'Artisanat, des Petites et Moyennes entreprises et de l'Economie sociale et solidaire a annoncé une modernisation du titre-restaurant et des changements dans la manière dont il pourra être utilisé.

Afin de simplifier son usage et d’encourager la consommation, le titre sera entièrement dématérialisé en 2027.

Par ailleurs, les salariés pourront durablement l’utiliser pour acheter tous produits alimentaires. Ils pourront également l'utiliser tous les jours de la semaine, y compris le dimanche.

Le Gouvernement prévoit de revenir à une limite d'utilisation d'un an non renouvelable et de faciliter le don de titres-restaurant.

Cour de cassation - Rapport annuel - Livret d'activité 2024

Cour de cassation, actualités, 15 juillet 2025 : le Rapport annuel de la Cour de cassation pour 2024 est en ligne.

Sa publication est accompagnée par celle du Livret d'activité, un fascicule qui propose une approche simple et interactive de ce qu'a été l'activité juridictionnelle et institutionnelle de la Cour de cassation en 2024. 

Plan qualité et lutte contre la fraude dans la formation professionnelle

Min. Travail, communiqué, 30 juillet 2025 : le Gouvernement a lancé un plan d’amélioration de la qualité et de lutte contre la fraude dans la formation.

Les objectifs sont de garantir aux futurs bénéficiaires des formations de qualité, sûres et encadrées par des règles claires et partagées, et de garantir à chacun une utilisation efficace des deniers publics.

Ce plan se décline en 4 axes d’action :

  • renforcer la qualité des formations ;
  • mieux informer et protéger les jeunes et les actifs ;
  • garantir la qualité des processus des organismes de formation ;
  • déployer une politique de tolérance zéro contre la fraude.

g. Autres

[…]

2) Journal officiel de l’Union européenne (JOUE)

[…]

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Sûretés

[Chronique] Chronique de droit des sûretés et du financement (septembre 2024 – août 2025)

Lecture: 52 min

N2834B3D

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par Augustin Aynès - Agrégé des facultés de droit - Professeur à l’Université Paris XII et Nicolas Borga - Agrégé des facultés de droit - Professeur à l’Université Jean Moulin-Lyon 3

Le 02 Octobre 2025

L’actualité jurisprudentielle du droit des sûretés et du financement des douzze derniers mois est constituée, pour l’essentiel, de décisions relatives au cautionnement. Parmi celles-ci, pas moins de quatre arrêts intéressent une forme particulière de cette sûreté, le sous-cautionnement. En matière de sûretés réelles, deux décisions méritent l’attention, qui ont en commun de concerner des garanties très recherchées, car conférant au créancier une situation d’exclusivité : la fiducie et le droit de rétention.


 

SOMMAIRE

I. Droit des sûretés personnelles

Proportionnalité du cautionnement : comment évaluer le patrimoine de la caution ?

Formalisme protecteur de la caution, réforme et constitutionnalité

Précisions sur le régime juridique du sous-cautionnement en droit commun

Précisions sur le régime juridique du sous-cautionnement en droit des entreprises en difficulté

Caducité d’un engagement de caution consécutif à l’ouverture d’une procédure collective

Mesures conservatoires à l’égard de la caution dans le contexte d’une procédure de redressement judiciaire

II. Droit des sûretés réelles

Transfert de titres de capital en fiducie et désignation d’un administrateur provisoire

Efficacité du droit de rétention d’un nantissement de compte-titre en période d’observation


I. Droit des sûretés personnelles

1. Parmi les conditions de validité du cautionnement propres à ceux donnés par des personnes physiques, l’exigence de proportionnalité est désormais celle qui suscite le plus abondant contentieux. Sans doute est-ce parce que, lorsqu’elles sont appelées en paiement, les cautions trouvent volontiers que leur engagement est disproportionné et qu’elles espèrent trouver dans cette règle protectrice une échappatoire ! Deux arrêts récents de la Chambre commerciale de la Cour de cassation démontrent que cela n’est pas toujours couronné de succès.   

2. L’exigence de proportionnalité ne concerne que les cautionnements donnés par des personnes physiques au profit de créanciers professionnels. Jusqu’à l’ordonnance du 15 septembre 2021 (ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 portant réforme du droit des sûretés N° Lexbase : L7073MSR), elle était régie par des dispositions du Code de la consommation (art. L. 332-1 N° Lexbase : L1162K78 et L. 343-4 N° Lexbase : L1103K7Y) et l’est désormais par l’article 2300 du Code civil N° Lexbase : L0174L8X. La proportionnalité d’un cautionnement s’apprécie en comparant le montant total de la dette garantie aux « biens et revenus » (C. consom., anc. art. L. 332-1 et L. 343-4 ) ou « aux revenus et au patrimoine » de la caution (C. civ., art. 2300). Bien que la formulation ait légèrement changé en 2021, les éléments de comparaison restent en substance les mêmes. En conséquence, ce qui peut être jugé sur ce point sous l’empire du droit antérieur à 2021 a vocation à l’être identiquement en application du droit nouveau. Et, précisément, aux termes de deux arrêts des 21 mai et 9 juillet 2025, la Cour de cassation a eu l’occasion de rappeler certaines règles relatives à la détermination des biens devant être pris en compte dans l’appréciation de la proportionnalité du cautionnement et à leur évaluation.

3. (i) Dans la première espèce (Cass. com., 21 mai 2025, n° 24-11.783), deux associés d’un GAEC s’étaient portés cautions de six des dix-neuf prêts qu’une banque avait consentis au groupement. Excipant du caractère disproportionné de leurs engagements, les cautions avaient obtenu d’une cour d’appel d’en être déchargées. Pour ce faire, les juges du fond avaient évalué la valeur des parts que les cautions détenaient dans le GAEC, débiteur principal, à leur valeur nominale, au motif que le capital social était demeuré inchangé. Pourtant, comme le juge la Cour de cassation, c’est la valeur réelle des parts qu’il convient de retenir, laquelle correspond à leur valeur vénale et non nominale. Cela implique de tenir compte de la valeur des actifs de la personne morale émettrice des parts et non du montant initial de son capital social. Dans cette espèce, les actifs du GEAC étaient de plus de 400 000 euros, quand le capital social était de seulement 60 800 euros, ce qui était susceptible de rendre proportionnés les deux cautionnements donnés en garantie d’une dette de 132 000 euros.

4. La solution est justifiée. L’exigence de proportionnalité tend à éviter le surendettement de la caution, c’est-à-dire une situation où elle ne dispose pas de l’actif suffisant pour acquitter l’ensemble de ses dettes, en ce compris celle résultant du cautionnement. Ses biens doivent donc être évalués à leur valeur vénale, puisqu’ils sont ici considérés dans leur aptitude à servir au paiement des dettes. Et il est évident que la valeur nominale d’une part sociale ou d’une action ne correspond pas nécessairement (si ce n’est jamais) à la valeur à laquelle elle peut être vendue. En pratique, sa valeur vénale dépend de la composition du patrimoine de la société émettrice. Elle peut donc être plus importante que la valeur nominale, lorsque la société a généré des profits depuis sa création, ou moindre si elle a subi des pertes et a consommé tout ou partie de son capital social.

L’arrêt est aussi l’occasion de rappeler que, dans la détermination du patrimoine de l’associé se portant caution, il y a lieu de tenir compte de la valeur des droits sociaux qu’il détient à l’égard de la personne morale débitrice principale[1]. Mais, en pareil cas, pour l’évaluation des parts ou actions elles-mêmes, il conviendra de tenir compte de l’endettement de la société débitrice principale résultant, notamment, de la dette garantie.

5. (ii) Dans le second arrêt (Cass. com., 9 juillet 2025, n° 23-24.019), un cautionnement avait été donné au profit d’une banque par une personne mariée sous le régime de la séparation de biens. Comme il est d’usage, la caution avait rempli une fiche de renseignement patrimonial dans laquelle elle avait fait figurer, au titre de ses revenus annuels, des indemnités kilométriques pour un montant de 24 000 euros et les revenus de son épouse.

La banque ayant entrepris des mesures d’exécution à son encontre, la caution avait excipé, sans succès, du caractère disproportionné de son engagement. Dans son pourvoi, elle faisait grief à la cour d’appel d’avoir prétendument tenu compte de ses indemnités kilométriques et des revenus de son épouse, séparée de biens, pour conclure au caractère proportionné de son engagement.

Comme le pourvoi le rappelait, le principe est que, lorsqu’il prend soin de faire déclarer à la caution la consistance de son patrimoine, le créancier professionnel est fondé à s’en tenir aux informations fournies par elle. Il n’a pas à se livrer à des vérifications particulières [2]et c’est au regard des seuls éléments communiqués que la proportionnalité du cautionnement doit être appréciée. Mais ce principe reçoit exception lorsque le créancier dispose par lui-même d’informations sur la situation patrimoniale de la caution ou que la fiche de renseignement comporte des « anomalies apparentes ». Selon la caution, tel était le cas de la déclaration comme revenus de ses indemnités kilométriques et des revenus de son épouse.

La Cour de cassation ne le conteste pas, mais rejette néanmoins le pourvoi, car, d’une part, il n’était pas établi qu’en l’espèce la banque ait tenu compte des revenus de l’épouse de la caution et, d’autre part, abstraction faite des indemnités kilométriques, le cautionnement demeurait proportionné.

6. Si on laisse de côté ces spécificités du cas d’espèce, deux enseignements peuvent être tirés de cette décision.

D’abord, seuls doivent être pris en compte les véritables revenus de la caution et non toutes les sommes qu’elle a vocation à recevoir. On entend par là des sommes qui sont susceptibles de l’enrichir et d’accroître l’actif de son patrimoine. Il peut s’agir des fruits et produits de son travail ou de ses biens, mais pas de sommes qui viennent compenser une « perte » antérieure. Tel est le cas d’indemnités kilométriques versées à un salarié, mais aussi, potentiellement, de dommages et intérêts. 

Ensuite, lorsque la caution est mariée sous un régime séparatiste, il ne doit pas être tenu compte des biens et revenus de son conjoint. Ils ne font pas partie de son patrimoine. En revanche, s’il existe des biens indivis entre les époux, il faut prendre en considération la quote-part de l’époux caution, bien qu’elle ne soit pas saisissable [3]. Ce qui compte, en effet, ce n’est pas l’aptitude des biens à être saisis par le créancier, mais la consistance du patrimoine de la caution. L’exigence de proportionnalité ne tend pas à garantir au créancier qu’il aura suffisamment de biens à saisir dans le patrimoine de la caution, mais que la dette ne l’excédera pas. Ainsi s’explique qu’en présence d’une caution mariée sous un régime de communauté, les biens communs sont pris en compte pour la détermination du caractère proportionné du cautionnement, même s’ils sont insaisissables par le créancier en l’absence d’une autorisation du conjoint dans les termes de l’article 1415 du Code civil N° Lexbase : L1546ABU[4].

7. Toutes ces précisions quant aux « revenus et patrimoines » à prendre en compte pour l’appréciation du caractère proportionné du cautionnement sont d’autant plus importantes aujourd’hui qu’en cette matière il n’existe plus de mécanisme de retour à meilleure fortune.

Sous l’empire du droit antérieur à l’ordonnance du 15 septembre 2021, même lorsque son engagement était initialement disproportionné, la caution demeurait tenue, si, au moment où elle était appelée à payer, elle avait acquis les moyens d’y faire face. Désormais, même en pareille hypothèse, l’engagement de la caution sera réduit à hauteur de ce qu’elle pouvait supporter lors de la conclusion du cautionnement. Autrement dit, seule compte la consistance de son patrimoine à cette date. Pour le créancier professionnel, il est donc d’autant plus important de savoir quels éléments seront pris en compte pour l’appréciation de la proportionnalité du cautionnement.

A. Aynès

8. Aux termes d’un arrêt en date du 12 février 2025, la Cour de cassation a eu à se prononcer sur la recevabilité de deux questions prioritaires de constitutionnalité intéressant les cautionnements donnés par des personnes physiques et, plus spécifiquement, certaines exigences relatives à la mention manuscrite.

9. Dans la première était en cause la constitutionnalité des anciens articles L. 331-1 N° Lexbase : L1165K7B et L. 343-1 N° Lexbase : L1106K74 du Code de la consommation, en ce qu’ils prescrivaient que la signature de la caution soit apposée après la mention manuscrite. Ces textes énoncent effectivement que la mention doit « précéder » la signature, et la Cour de cassation en déduit qu’est invalide l’acte de cautionnement dans lequel la signature de la caution est apposée avant la mention[5]. Selon le créancier auteur de la question prioritaire de constitutionnalité, cela méconnaîtrait « le droit constitutionnel de propriété des créanciers garantis par les articles 6 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ».

10. Cette règle relative à la place de la signature par rapport à la mention manuscrite n’a pas été reprise à la faveur de la réforme de 2021. À cette occasion, les articles L. 331-1 et L. 343-1 du Code de la consommation ont été abrogés. L’exigence de mention spéciale est désormais consacrée à l’article 2297 du Code civil N° Lexbase : L0171L8T, lequel est muet quant à la place respective de la mention et de la signature.

Or, il résulte de l’article 37, II de l’ordonnance du 15 septembre 2021 que les cautionnements souscrits avant son entrée en vigueur (le 1er janvier 2022) demeurent régis par la loi ancienne. Il en résulte donc une différence de régime sur cette question de la place de la signature et de la mention manuscrite entre les cautionnements, selon la date à laquelle ils ont été conclus.

C’est ce que contestait la seconde question prioritaire de constitutionnalité, qui soutenait que ce texte méconnaîtrait « le principe d'égalité devant la loi ainsi que le droit de propriété des créanciers respectivement garantis par les articles 2, 6 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ».

11. Aucune de ces deux questions prioritaires de constitutionnalité ne trouve grâce aux yeux de la Cour de cassation qui, les jugeant non sérieuses, refuse de les transmettre au Conseil constitutionnel.

12. S’agissant de la première, la Cour admet que l’exigence que la mention précède la signature porte atteinte au droit du créancier au respect de ses biens. Cela ne va pas de soi, car, précisément, la méconnaissance d’une condition de validité empêche la naissance même du droit de créance contre la caution. Le droit du créancier contre la caution étant censé n’être jamais né, on peine à discerner quel est le « bien » du créancier auquel il est porté atteinte.

Quoi qu’il en soit, la Cour de cassation estime que cette atteinte n’est pas disproportionnée, car, d’une part, elle satisfait un motif d’intérêt général de protection de l’intégrité du consentement de la caution. En d’autres termes, en imposant que la caution décrive d’abord de sa main la nature et l’étendue de son engagement dans la mention, avant de signer l’acte, on s’assure qu’elle a pleinement conscience de ce à quoi elle s’engage par sa signature. 

D’autre part, la Cour de cassation estime que l’atteinte portée aux droits du créancier est proportionnée, car la règle des anciens articles L. 331-1 et L. 343-1du Code de la consommation n’est pas appliquée sans nuance. Elle rappelle que la nullité n’est pas prononcée lorsque « ni le sens, ni la portée, ni, en conséquence, la validité de cette mention ne se trouve affectée par l'emplacement choisi pour apposer la signature de la caution »[6].

12. S’agissant de la seconde question, relative aux conditions d’application dans le temps de la réforme de 2021, la Cour de cassation rappelle que le principe d’égalité n’interdit pas de traiter différemment des personnes placées dans des situations différentes. En d’autres termes, pour reprendre la distinction aristotélicienne, il s’agit d’une égalité géométrique et non arithmétique. Elle procède d’un impératif de justice distributive en donnant à chacun selon ses mérites et sa situation (« Suum cuique tribuere »). Or, les créanciers bénéficiaires de cautionnements conclus avant et après la réforme sont objectivement dans des situations différentes au regard des règles nouvelles.  Cela justifie qu’ils soient traités différemment.Ce à quoi la Cour ajoute que la critique adressée aux dispositions de l’article 37 de l’ordonnance du 15 septembre 2021 revient à contester, plus largement, le principe de non-rétroactivité de la loi nouvelle. Or, celui-ci tend à assurer la sécurité juridique et la prévisibilité des règles contractuelles.

13. Il est exact que l’article 37, II de l’ordonnance du 15 septembre 2021 ne fait qu’appliquer les règles ordinaires de conflit de lois dans le temps en matière contractuelle. En vertu de celles-ci, la loi nouvelle ne s’applique pas aux contrats conclus avant son entrée en vigueur, aussi bien s’agissant de leurs conditions de conclusion que de leurs effets, passés ou à venir. L’inapplicabilité des règles nouvelles de validité du cautionnement à ceux qui ont été conclus avant l’entrée en vigueur de l’ordonnance relève du principe de non-rétroactivité, consacré par l’article 2 du Code civil N° Lexbase : L2227AB4. Il procède d’un évident impératif de sécurité juridique, car l’application des dispositions nouvelles aux contrats en cours pourrait conduire à rendre invalide un contrat qui l’était au regard des règles existant à l’époque de sa conclusion ou, au contraire, à valider un contrat qui ne l’était pas initialement. Sauf s’il existe un « impérieux motif d’intérêt général »[7], cela n’est pas concevable. La règle selon laquelle les effets des cautionnements en cours demeurent ceux prévus par la loi en vigueur lorsqu’ils ont été conclus (même si ces effets se produisent après l’entrée en vigueur de l’ordonnance) relève d’un autre principe : celui de la survie de la loi ancienne en matière contractuelle. Bien qu’il n’ait pas la même force que le principe de non-rétroactivité et qu’il puisse connaître quelques exceptions, il procède aussi d’un impératif de sécurité juridique. Il s’agit de ne pas déjouer les prévisions des parties en faisant produire à leur contrat des effets qu’elles n’avaient pas envisagé ou en privant celui-ci de ceux qu’elles avaient légitimement anticipés.

14. Il faisait peu de doute que la Cour de cassation jugerait vain un grief d’inconstitutionnalité formulé à l’encontre d’un texte qui ne fait qu’appliquer les principes ordinaires de conflit de lois dans le temps. 

A. Aynès

15. Le sous-cautionnement est un cautionnement dont la particularité est qu’il garantit les recours de la caution contre le débiteur principal. La caution « principale » s’engage vis-à-vis du créancier et se fait elle-même contre garantir par la sous-caution, afin de renforcer ses chances d’obtenir remboursement de ce qu’elle pourrait être amenée à payer. Cette figure particulière de cautionnement était ignorée du Code civil jusqu’en 2021 (contrairement au mécanisme du certificateur de caution). Elle est désormais consacrée à l’article 2291-1 N° Lexbase : L0133L8G, qui dispose que « [l]e sous-cautionnement est le contrat par lequel une personne s'oblige envers la caution à lui payer ce que peut lui devoir le débiteur à raison du cautionnement ». Le sous-cautionnement est d’usage fréquent en présence de cautionnements donnés par des professionnels (banque ou société de caution mutuelle). Dans ce cas de figure, la sous-caution est souvent une personne physique liée au débiteur principal (associé, dirigeant, parent, etc.) ou intéressée à l’opération. Le créancier préférant obtenir l’engagement d’une caution professionnelle, à la solvabilité meilleure, cette personne se « contente » de se porter sous-caution au bénéfice de la caution principale.

Deux décisions récentes de la Cour de cassation ont contribué à préciser le régime juridique du sous-cautionnement.

16. (i) À l’occasion d’un arrêt en date du 27 mars 2025, la deuxième chambre civile a eu à connaître d’une espèce où un prêt consenti à une société (vraisemblablement de restauration) avait été cautionné par la société Kronenbourg (qui était, certainement, l’un de ses fournisseurs). Cette dernière était elle-même garantie par un sous-cautionnement donné par une personne physique. Le prêt et les deux engagements de cautionnement avaient été constatés aux termes d’un acte notarié auquel l’ensemble des parties avait participé (emprunteur, prêteur, caution et sous-caution). La caution ayant payé le créancier, et sans doute vainement demandé paiement à la sous-caution, elle avait engagé une procédure de saisie attribution sur ses comptes bancaires, sur le fondement de l’acte authentique.

Ces mesures d’exécution avaient ensuite été annulées par une cour d’appel au motif que la société caution ne justifiait pas d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible à l’égard de la sous-caution. La question posée à la Cour de cassation était donc celle de savoir si l’acte notarié de prêt, constatant également l’engagement de la sous-caution, constituait un titre exécutoire pour la caution principale (CPCE, art. L. 111-3 N° Lexbase : L3909LKY), lui permettant d’entreprendre des mesures de saisie. Et c’est bien ce qu’elle juge au motif que « la formule exécutoire apposée sur un acte de prêt notarié confère force exécutoire à l'engagement de sous-cautionnement au bénéfice de la caution, dès lors qu'il figure à l'acte notarié et que la caution, qui a payé le prêteur en raison de la défaillance de l'emprunteur, peut, sur le fondement de ce titre exécutoire, recouvrer sa créance envers la sous-caution, au titre de son action personnelle ».

17. La Cour de cassation fait ainsi application, dans le cas particulier d’un sous-cautionnement, d’un principe qu’elle avait déjà consacré aux termes d’un arrêt en date du 13 octobre 2016, selon lequel « la formule exécutoire apposée sur un acte de prêt notarié donne force exécutoire à tous les engagements qu'il comporte » [8]. C’est une manifestation du fait qu’un instrumentum unique peut comporter plusieurs negotium : un même « acte », au sens matériel du terme, peut comporter une pluralité de contrats ou d’engagements. Dans l’espèce de l’arrêt du 27 mars 2025, un seul acte notarié rendait compte de l’existence de trois contrats : un prêt, un cautionnement et un sous-cautionnement.

Et, dès l’instant qu’il est revêtu de la formule exécutoire, cet acte notarié unique constitue un titre exécutoire, au sens de l’article L. 111-3 du Code des procédures civiles d’exécution, à l’égard de tous les engagements qu’il relate. Il n’y a pas lieu de distinguer entre ceux-ci. L’authenticité, qui s’attache à tout ce que le notaire déclare avoir personnellement constaté (C. civ., art. 1371 N° Lexbase : L1029KZ7), s’applique autant à l’engagement de la sous-caution qu’à celui de l’emprunteur et de la caution principale. La formule exécutoire vaut donc pour tous ces engagements.

En pratique, il en résulte que, dès l’instant que la créance de la caution contre la sous-caution est devenue exigible du fait du paiement du créancier, elle est fondée à engager des poursuites contre la sous-caution sur le fondement de l’acte notarié.

18. Contrairement à ce que laisse à penser le libellé de l’arrêt, la solution vaut non seulement pour la créance de recours personnel de la caution (seul visé), mais aussi pour sa créance de recours subrogatoire. Cette dernière n’est autre que la créance de remboursement du prêt, dans le bénéfice de laquelle la caution est subrogée à l’occasion de son paiement du créancier. Sauf stipulation particulière du contrat de sous-cautionnement, la sous-caution garantit les deux recours de la caution. À cet égard, le nouvel article 2291-1 du Code civil dispose que la sous-caution s’engage à payer à la caution « ce que peut lui devoir le débiteur à raison du cautionnement » sans distinction.

Ainsi, lorsque l’acte notarié, revêtu de la formule exécutoire, constate l’engagement de la sous-caution de « rembourser la caution » ou de lui « payer ce que lui devra le débiteur principal », il constitue un titre exécutoire autant au titre du recours personnel de la caution que de son recours subrogatoire.

19. (ii) Dans le deuxième arrêt, la situation factuelle était exactement identique à celle de l’arrêt précédent : un prêt bancaire consenti à un distributeur, garanti par un cautionnement de la société Kronenbourg, laquelle était sous-cautionnée par une personne physique. Mais cette fois, la sous-caution prétendait échapper aux poursuites de la caution en invoquant un défaut de mise en garde de sa part. 

La jurisprudence a progressivement consacré l’existence d’une obligation pour le créancier professionnel de mettre en garde la caution profane sur le caractère inadapté du crédit garanti aux capacités financières du débiteur principal. En 2021, cette création jurisprudentielle a été consacrée à l’article 2299 du Code civil N° Lexbase : L0173L8W et son domaine a été étendu à toutes les personnes physiques, en abandonnant la distinction entre cautions averties et cautions non averties. Mais ici la question était celle de savoir si une semblable obligation pèse sur la caution à l’égard de la sous-caution.

20. Certains auteurs le soutiennent, au motif que, dans l’opération de sous-cautionnement, la caution joue le rôle du créancier à l’égard de la sous-caution, à l’égal du banquier prêteur à l’égard du cautionnement principal [9]. Pourtant, ce n’est pas ce que juge la Chambre commerciale. Elle estime que, quand bien même elle agirait à titre professionnel (comme cela était le cas dans l’espèce et comme cela est fréquent), la caution n’étant pas le dispensateur du crédit qui génère le risque de surendettement du débiteur principal, elle n’est tenue d’aucune obligation de mise en garde de la sous-caution à ce titre. La Cour de cassation établit ainsi une corrélation entre la création du risque et l’obligation de mise en garde.

21. L’obligation de mise en garde est cantonnée aux créanciers professionnels, dans la jurisprudence antérieure[10], comme dans le droit issu de la réforme (v. C. civ., art. 2299). La Cour de cassation ajoute une condition supplémentaire. Il faut que ce créancier professionnel soit le « dispensateur du crédit » à l’origine du risque. Or, quand bien même la caution serait, vis-à-vis de la sous-caution, un « créancier professionnel », elle n’est jamais la dispensatrice du crédit garanti. 

Cette condition nouvelle est consacrée à la faveur d’un arrêt rendu sous l’empire du droit antérieur à l’ordonnance du 15 septembre 2021, dans lequel l’obligation de mise en garde de la caution était une pure création jurisprudentielle. Mais, désormais, cette obligation est consacrée à l’article 2299 du Code civil. Or, ce texte n’en limite pas le domaine aux créanciers « dispensateurs de crédit », mais seulement aux créanciers professionnels. Dans ces conditions, la solution adoptée par la Cour de cassation aux termes de l’arrêt du 2 avril 2025 a-t-elle vocation à perdurer sous l’empire du droit nouveau ? On peut le penser et le souhaiter.

22. Le lien que cette solution jurisprudentielle établit entre la création du risque et la dette de mise en garde est raisonnable aussi bien conceptuellement que pratiquement. Faire peser sur la caution une obligation de mise en garde de la sous-caution impliquerait qu’elle soit en mesure de procéder à une analyse de la situation patrimoniale du débiteur principal et dispose donc d’informations qu’elle n’a pas spécialement de raison d’avoir. Lorsque la caution principale est une personne morale, elle n’est pas elle-même destinataire d’une mise en garde de la part du créancier. En pareille hypothèse, il faudrait donc lui imposer de se livrer à des investigations comparables à celles auxquelles sont tenus les préteurs professionnels. N’est-ce pas excessif ?

D’ailleurs, s’agissant des obligations d’informations (annuelles et sur la défaillance du débiteur), il est à noter que l’article 2304 du Code civil N° Lexbase : L0155L8A se contente d’imposer à la caution de communiquer à la sous-caution personne physique « les informations qu’elle a reçues ». Sur ce point, la caution n’est tenue d’informer la sous-caution qu’autant qu’elle l’est elle-même. Elle n’a pas d’initiative à prendre. Il serait paradoxal d’en décider autrement s’agissant de l’obligation de mise en garde.

A. Aynès

23. Le sous-cautionnement est une figure répandue, il n’est donc pas surprenant que la Cour de cassation soit invitée à en préciser le régime lorsqu’une procédure collective frappe le débiteur principal.

24. Publié au Bulletin, l’arrêt rendu le 9 octobre 2024 reprend une solution classique en l’étendant à la figure du sous-cautionnement. Chacun sait que la déclaration de créance interrompt la prescription vis-à-vis du débiteur principal, l’article L. 622-25-1 du Code de commerce N° Lexbase : L7238IZ4 le prévoit, mais cet effet interruptif se produit également à l’égard des coobligés et garants et il se prolonge jusqu’à la clôture de la procédure collective. Lorsqu’un plan de redressement judiciaire a été obtenu, comme en l’espèce, l’effet interruptif dure jusqu’au constat de l'achèvement du plan, ou, en cas de résolution de celui-ci et d'ouverture de la liquidation judiciaire du débiteur principal, jusqu'à la clôture de cette procédure [11].

25. La jurisprudence a eu l’occasion d’appliquer cette solution à la caution [12] ; au garant hypothécaire[13] ; au codébiteur solidaire [14]  ; ou encore à l’avaliste [15]. Prolongeant cette construction, la Chambre commerciale de la Cour de cassation précise ici, après avoir rappelé les caractéristiques du sous-cautionnement, que « la déclaration de créance à la procédure collective du débiteur principal, effectuée par la caution qui a payé aux lieu et place de ce dernier, interrompt la prescription de son action contre celui-ci et contre la sous-caution, jusqu'à la clôture de la procédure collective ». Si l’arrêt ne traite que de l’hypothèse d’une caution ayant déclaré sa créance de recours après s’être exécutée auprès du créancier, on peut penser qu’il en irait différemment en présence d’une caution qui s’exécuterait après jugement d’ouverture et sur la base d’une créance uniquemenet déclarée par le créancier, mais la question reste ouverte [16].

26. La question envisagée par l’arrêt rendu par la Chambre commerciale le 9 juillet 2025 était très différente. Une société développant une activité de géomètre-expert avait contracté un prêt bancaire afin de financer l’acquisition d’un fonds libéral et, à titre de garantie, le prêteur bénéficiait d’un cautionnement de la société Interfimo, laquelle a fait intervenir deux personnes physiques en qualité de caution pour garantir l’efficacité de ses recours à l’encontre du débiteur principal. La société emprunteuse ayant bénéficié de d’une procédure de sauvegarde ouverte le 24 janvier 2017, la caution personne morale s’est acquittée de son engagement et a assigné les deux personnes physiques sous-cautions.

27. Un plan de sauvegarde ayant été arrêté le 25 septembre 2018, l’une des sous-cautions a tenté d’en tirer parti pour échapper à ses engagements, et ses arguments mêlaient le droit commun du cautionnement et le droit des entreprises en difficulté. En l’occurrence, les juges d’appel avaient considéré à l’égard d’une des sous-cautions que son engagement était manifestement disproportionné à ses biens et revenus au moment de la conclusion du cautionnement, mais qu’étant en capacité de faire face à son obligation lorsqu'elle a été appelée, la société Interfimo pouvait se prévaloir de son engagement. La seconde sous-caution, seule auteur du pourvoi, entendait toutefois se prévaloir d’une erreur sur son propre engagement et découlant de la disproportion de l’engagement de son cofidéjusseur.

28. Pour aller à l’essentiel, l’auteur du pourvoi considérait que, dans la mesure où le débiteur principal bénéficiait d’un plan de sauvegarde en cours d’exécution, la cour d’appel ne pouvait apprécier si le patrimoine de son cofidéjusseur lui permettait de faire face à son obligation tant que le plan de sauvegarde était convenablement exécuté. Selon le pourvoi, l’obligation de la caution n’étant exigible qu’en cas de défaillance du débiteur principal, il conviendrait de différer l’appréciation d’une éventuelle disproportion au jour d’une éventuelle inexécution du plan.

29. Le rejet du pourvoi par la Chambre commerciale se veut méthodique. Après avoir rappelé ce qu’est le sous-cautionnement et le contenu de l’ancien article L. 341-4 du Code de la consommation relatif à la proportionnalité du cautionnement – applicable en l’espèce compte tenu de la date de conclusion des actes – la Cour prend soin de revenir sur la règle contenue à l’article L. 626-11 du Code de commerce N° Lexbase : L3459IC4. Ce texte offre en effet, à l’exclusion des personnes morales, aux coobligés et aux personnes ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie la possibilité de se prévaloir des dispositions du plan de sauvegarde. Mais, outre le fait que la règle ne bénéficie qu’aux garants personnes physiques, il convient de l’articuler avec les principes gouvernant l’opposabilité des exceptions. Or, comme le précise la Cour, l’engagement de la caution et celui de la sous-caution n’interviennent pas en garantie des mêmes créances : « la sous-caution, qui garantit la créance de la caution à l'égard du débiteur principal, et non la créance du créancier initial à l'égard de ce débiteur, ne peut se prévaloir des exceptions inhérentes à la dette du débiteur principal à l'égard de ce créancier », la cour ajoutant que la sous-caution ne peut donc opposer à la caution le contenu du plan de sauvegarde arrêté au profit du débiteur principal. La formule nous parait excessive. Si la sous-caution garantit la créance de la caution à l’égard du débiteur principal et non la créance du créancier initial à l’égard de ce débiteur, elle n’en reste pas moins un garant du débiteur. Or, les garants personnes physiques peuvent se prévaloir des dispositions du plan. Toutefois, si le plan ne traite que de la créance du créancier initial à l’égard du débiteur, on comprend que la sous-caution ne puisse s’en prévaloir dès lors qu’elle n’en garantit pas le remboursement.

30. La Chambre commerciale de la Cour de cassation a profité de cet arrêt pour rappeler [17] à quel moment doit s’effectuer l’appréciation d’une éventuelle disproportion de l’engagement de la caution lorsqu’est adopté un plan de sauvegarde. Si la caution est appelée alors que le débiteur principal bénéficie d’un plan de sauvegarde, alors « l'appréciation de la capacité de la caution à faire face à son obligation doit être différée au jour où le plan n'est plus respecté, l'obligation de la caution n'étant exigible qu'en cas de défaillance du débiteur principal ». Mais si l’assignation de la caution est intervenue avant le jugement arrêtant le plan de sauvegarde, comme c’était le cas en l’espèce, il convient de se placer au jour de l’assignation.

N. Borga

31. Cet arrêt est l’occasion de revenir sur les effets attachés à la caducité d’un accord de conciliation, à l’égard du cautionnement donné en garantie d’une dette de l’entreprise.

32. Selon l’article L. 611-12 du Code de commerce N° Lexbase : L4116HB3, « [l]’ouverture d’une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire met fin de plein droit à l’accord constaté ou homologué », ce qui conduit alors à ce que les créanciers « recouvrent l’intégralité de leurs créances et sûretés, déduction faite des sommes perçues, sans préjudice des dispositions prévues à l’article L. 611-11 ». Cela signifie que les remises de dettes et délais de paiement qui avaient pu être consentis dans le cadre de l’accord de conciliation disparaissent. Aussi, à l’ouverture de la procédure collective, le créancier pourra déclarer sa créance et les sûretés dont elle est assortie telles qu’elles se présentaient initialement, déduction faite simplement des sommes perçues en exécution de l’accord. Le législateur a évidemment réservé le cas du privilège de new money, lequel ne saurait être remis en cause par l’ouverture de la procédure collective puisque c’est là qu’il est supposé produire ses effets.

33. À partir de la règle exprimée à l’article L. 611-12 du Code de commerce N° Lexbase : L4116HB3, la Chambre commerciale de la Cour de cassation a considéré que l’échec de l’accord de conciliation entraîne « la caducité de celui-ci dans son intégralité » sans que les stipulations contraires puissent être invoquées [18] . Dans un tel cas, à l’exception naturellement du privilège de new money, les nouvelles sûretés consenties aux créanciers suivent le sort de l’accord de conciliation et se trouvent donc également frappées de caducité. Seules les nouvelles sûretés consenties en contrepartie de nouveaux apports de trésorerie peuvent échapper à la caducité[19].

34. Pour atténuer les effets de cette solution jurisprudentielle, l’ordonnance n° 2021-1193 du 15 septembre 2021 N° Lexbase : L7463MS9 a prévu à l’article L. 611-10-4 du Code de commerce N° Lexbase : L9112L7M que la « caducité ou la résolution de l’accord amiable ne prive pas d’effets les clauses dont l’objet est d’en organiser les conséquences », ce qui permettra de donner effet aux clauses aménageant les conséquences d’une caducité de l’accord [20]. Il n’est toutefois pas certain qu’une simple clause de l’accord de conciliation soit de nature à préserver de nouvelles sûretés obtenues sans aucune autre contrepartie que des délais de paiement [21]. Quoi qu’il en soit de l’efficacité de ces clauses, l’arrêt rendu par la Chambre commerciale le 12 juin 2025 illustre le fait que les solutions jurisprudentielles dégagées ne doivent pas être trop vite oubliées, ne serait-ce qu’à l’égard des affaires soumises au droit antérieur à la réforme du 15 septembre 2021.

35. En l’espèce, une entreprise avait bénéficié d’une procédure de conciliation donnant lieu à la signature d’un accord homologué en 2016. Dans ce contexte, une banque avait accepté un différé d’amortissement de sa créance qui, à l’origine, était garantie par un cautionnement souscrit par une personne physique à hauteur de 85 000 euros. Après homologation de l’accord, cette même personne physique a accepté de se porter caution de la dette réaménagée, dans la limite de 71 095,75 euros pour une durée de 9 ans. Si l’acte de cautionnement a été conclu après la signature de l’accord de conciliation il semble bien que sa fourniture était prévue dans l’accord de conciliation lui-même. L’entreprise a toutefois été placée en sauvegarde en 2018 et en liquidation judiciaire en 2019, ce qui a conduit la banque à déclarer sa créance à la procédure collective et à assigner la caution. Pour échapper aux conséquences de la solution jurisprudentielle inaugurée en 2019, la banque a tenté de faire valoir que si la caducité de l’accord peut conduire à l’anéantissement des nouvelles sûretés consenties, « c'est uniquement lorsque, dans le cadre de l'accord, la caution a augmenté son risque, tandis que le nouveau cautionnement subsiste lorsque le nouvel accord a augmenté le risque du créancier ». Les juges du fond, comme la Cour de cassation à l’occasion du rejet du pourvoi de la banque, se sont montrés insensibles à l’argument. Pour la Chambre commerciale, « [l]'arrêt constate que la banque n'a pas consenti, pour les besoins de l'accord de conciliation, une avance donnant naissance à une nouvelle créance, mais a accordé des remises et des délais en modifiant les modalités de l'amortissement du prêt, le cautionnement consenti en mars 2017 par M. [T] en étant la contrepartie. Il en déduit que, l'ouverture de la procédure de sauvegarde ayant mis fin de plein droit audit accord dans son intégralité, en ce inclus l'engagement de caution, la banque ne peut se prévaloir du cautionnement caduc ». Seules échappent à la caducité les garanties consenties dans le cadre de la conciliation lorsqu’elles sont la contrepartie de nouveaux apports de trésorerie [22].

N. Borga

36. Si la caution personne physique bénéficie de la suspension des poursuites à compter du jugement d’ouverture jusqu’au jugement arrêtant le plan ou prononçant la liquidation (C. com., art. L. 622-28, al. 2 N° Lexbase : L1072KZQ), il est prévu que le créancier bénéficiaire peut néanmoins prendre des mesures conservatoires afin de sécuriser le recouvrement de sa créance (C. com., art. L622-28, al. 3 et R. 622-26, al. 2 N° Lexbase : L1633IUZ). Une difficulté, identifiée en jurisprudence depuis 2005, tient toutefois à ce que l’article R. 511-7 du Code des procédures civiles d’exécution N° Lexbase : L4396MA3 dispose que le créancier dépourvu de titre exécutoire qui prend une mesure conservatoire doit, à peine de caducité de celle-ci, introduire une procédure ou accomplir les formalités nécessaires à l’obtention d’un titre exécutoire dans le délai d’un mois suivant l’exécution de la mesure [23]. L’arrêt rendu le 5 mars 2025 est l’occasion pour la Chambre commerciale d’apporter quelques précisions non négligeables.

37. Dès 2005, la Cour de cassation avait jugé, dans le cas du redressement judiciaire, que si le créancier est autorisé à agir pour obtenir un titre exécutoire malgré la suspension des poursuites, l’instance engagée est suspendue jusqu'au jugement arrêtant le plan de redressement ou prononçant la liquidation judiciaire du débiteur principal (v. Cass. com., 24 mai 2005, n° 03-21.043, FS-P+B N° Lexbase : A4213DIU). Jusqu’à l’intervention de l’ordonnance n° 2021-1193 du 15 septembre 2021 N° Lexbase : L7463MS9, il convenait de tenir compte d’une spécificité de la procédure de sauvegarde : la possibilité pour les garants personnes physiques de se prévaloir des dispositions du plan (C. com., art. L. 626-11, al. 2 N° Lexbase : L3459IC4). Cette règle étant désormais applicable en redressement judiciaire, les solutions sont identiques dans les deux procédures.

38. Si le créancier est autorisé à solliciter la délivrance d’un titre exécutoire, il ne peut le mettre en œuvre tant que le plan est respecté par le débiteur[24]. Mais que doit contenir exactement le titre exécutoire ? C’est sur ce sujet que revient cet arrêt du 5 mars 2025. En l’espèce, les juges du fond avaient rejeté la demande de la banque tendant à l’obtention d’un titre exécutoire portant sur l’intégralité des sommes dues, au motif que « l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire empêche de prononcer la déchéance du terme du prêt et que la caution ne peut être poursuivie qu'à hauteur des sommes exigibles en application de l'échéancier contractuel ». Alors que le créancier réclamait 173 074 euros, outre les intérêts de retard, la cour d’appel retint une condamnation limitée à la somme de 19 008 euros.

39. L’arrêt est censuré sans surprise. La Chambre commerciale de la Cour de cassation vient ici rappeler que si le créancier est fondé à obtenir un titre exécutoire pour éviter de voir les mesures conservatoires frappées de caducité, l’obtention de ce titre « ne peut être subordonnée à l’exigibilité de la créance contre la caution ». La succession d’arrêts de la Cour de cassation sur ce sujet témoigne probablement d’un certain trouble chez les juges du fond. Dans un arrêt de 2021, la Chambre commerciale avait déjà indiqué que le créancier est tenu, pour éviter la caducité de la mesure conservatoire, d’assigner la caution « en vue d'obtenir contre elle un titre exécutoire couvrant la totalité des sommes dues » et que « [l]'obtention de ce titre n'est pas subordonnée à l'exigibilité de la créance contre la caution, dès lors qu'il ne pourra être exécuté tant que le plan de sauvegarde sera respecté »[25]. En 2023, elle s’était faite plus précise encore, soulignant que le titre devait couvrir la « totalité des sommes dues » et que si l’obtention « d’un tel titre ne peut être subordonnée à l'exigibilité de la créance contre la caution, le créancier muni de ce titre ne peut toutefois en poursuivre l'exécution forcée contre les biens de la caution qu'à la condition que la créance constatée par le titre soit exigible à l'égard de cette caution et dans la mesure de cette exigibilité » [26].

N. Borga

II. Droit des sûretés réelles

40. Issue d’une la loi n° 2007-211, du 19 février 2007 N° Lexbase : L5591MSU, qui a nécessité de multiples interventions ultérieures tant ses lacunes étaient nombreuses, la fiducie se développe progressivement en droit français. Aussi l’arrêt rendu par la Chambre commerciale de la Cour de cassation le 22 janvier 2025 doit-il retenir l’intérêt. D’une part, car les juges du Quai de l’Horloge n’ont que rarement l’occasion d’être confrontés à l’institution ; d’autre part, parce qu’il invite à s’interroger sur les possibilités offertes aux constituants de contrarier la mise en œuvre de la fiducie. Au cas présent, c’est l’administration provisoire du droit des sociétés qui était convoquée, puisque la fiducie portait sur des titres de capital.

41. En l’espèce, une société Trimax développement a émis des obligations à bons de souscription d’actions (OBSA) souscrits par la société OCM. En garantie du remboursement des OBSA, la société Trimax, qui contrôle Trimax Developpement, a transféré chez un fiduciaire l’intégralité des titres qu’elle détenait au capital de Trimax Developpement. Il importe ici de préciser que, lors de la conclusion du contrat de fiducie, les sociétés Trimax et Trimax Developpement étaient dirigées par la même personne physique. Le contentieux s’est développé lorsque le fiduciaire a procédé à la révocation du dirigeant de la société Trimax Developpement pour installer un nouveau président. C’est dans ce contexte que le dirigeant évincé et la société Trimax ont sollicité qu’un administrateur provisoire soit nommé à la tête de la société Trimax Developpement, demande jugée irrecevable par la cour d’appel de Paris dans un arrêt du 29 juin 2022.

42. En substance, le pourvoi de l’ancien dirigeant s’attachait à démontrer que, lorsqu’une opération de fiducie porte les titres de capital d’une société, le constituant et son dirigeant conservent un lien de droit avec la société en question et ont nécessairement intérêt à agir afin de demander la désignation d'un administrateur provisoire de ladite société. Cela car la propriété transférée en fiducie serait « dégradée », le fiduciaire devant rendre compte de sa gestion, et parce que la communauté d’intérêt devant exister entre le demandeur à la désignation et la société à administrer ne serait pas remise en cause par la fiducie, compte tenu de l’absence de caractère irrévocable du transfert en fiducie. Le demandeur tentait encore de justifier de son intérêt à agir en le reliant au droit de propriété, soulignant que « l'espérance légitime de voir l'opération se dénouer sans appréhension définitive des parts sociales au bénéfice du créancier constitue en effet un bien au sens des droits fondamentaux » et méritait protection à ce titre.

43. La façon dont le pourvoi a été rejeté par la Cour de cassation est porteuse tant d’enseignements que d’interrogations, se situant sur le seul terrain de l’intérêt à agir. Si la Chambre commerciale commence par affirmer en principe que, conformément à l’article 31 du Code de procédure civile N° Lexbase : L1169H43, « toute personne justifiant d'un intérêt légitime à agir est recevable à demander la désignation d'un administrateur provisoire », elle s’appuie ensuite sur les motifs de la cour d’appel, laquelle avait relevé que « la demande n'avait pas pour finalité la protection de l'intérêt de la société Trimax Developpement », mais la protection des intérêts personnels du demandeur, pour rejeter le pourvoi. En principe, la demande en désignation d’un administrateur provisoire n’est pas une action attitrée, il est donc logique que la cour se satisfasse de la démonstration d’un intérêt à agir. On indiquera toutefois au lecteur que, dans un arrêt plus récent[27], la Chambre commerciale est quelque peu revenue sur cette approche en jugeant qu’un créancier social n’a pas qualité à agir à cet égard.

44. Si l’on revient à l’arrêt du 22 janvier 2025, l’évocation, tant par la cour d’appel que par le pourvoi, de l’existence d’un lien de droit ne surprenait pas puisque la Cour de cassation avait, par le passé, pu en faire une condition de recevabilité de la demande, allant ainsi au-delà de l’article 31 du Code de procédure civile [28]. À cet égard, l’arrêt du 22 janvier 2025 paraît s’inscrire dans une perspective libérale, de nature à permettre aux constituants d’une fiducie sur des titres sociaux d’envisager l’administration provisoire comme un outil de défense face à la mise en œuvre de la garantie. L’exigence d’un lien de droit aurait en effet été de nature à singulièrement leur compliquer la tâche, dès lors que le transfert des titres en fiducie leur fait, par nature, perdre la qualité d’associé au profit du fiduciaire. Cette libéralisation est toutefois largement tempérée par la nécessité de démontrer que la demande de désignation d’un administrateur provisoire doit poursuivre la défense de l’intérêt de la société à administrer et non d’intérêts purement personnels au demandeur. Dans le contexte d’une fiducie-sûreté portant sur des titres de capital, le demandeur pourra avoir des difficultés à justifier de ce que sa demande n’est pas uniquement liée au risque de voir les titres de capital transférés aux créanciers bénéficiaires – la dette garantie se trouvant alors éteinte à concurrence de la valeur des titres – ou cédés à des tiers à l’initiative du fiduciaire, afin que le produit de la vente permette le remboursement de la dette.

45. La doctrine a déjà eu l’occasion de s’interroger sur le rôle de l’intérêt social dans le cadre de la demande en désignation d’un administrateur provisoire. Sur le fond, la Chambre commerciale de la Cour de cassation a pu souligner à plusieurs reprises que « la désignation d'un administrateur provisoire est une mesure exceptionnelle, qui suppose rapportée la preuve de circonstances rendant impossible le fonctionnement normal de la société, et menaçant celle-ci d'un dommage imminent » [29]. En creux, ces conditions supposent nécessairement une situation compromettant l’intérêt social [30]. Cet arrêt du 22 janvier 2025 permet d’observer, même si c’est indirect, que l’intérêt social vient aussi jouer un rôle sur le terrain de la recevabilité de la demande. La difficulté, pour le demandeur, sera alors de justifier de son intérêt personnel à agir [31] tout en faisant la démonstration que sa demande n’est pas sous-tendue par la protection d’intérêts strictement personnels. Ce n’est pas inconcevable. On peut en effet imaginer que le constituant s’inquiète d’une gestion qui compromettrait tant l’intérêt social que son intérêt personnel, dès lors que, si les titres de capital devaient faire retour dans son patrimoine – notamment s’il a pu rembourser sa dette –, leur valeur s’en trouverait dégradée. Mais la seule perspective de voir la fiducie mise à exécution ne peut en elle-même être envisagée comme une atteinte à l’intérêt social. Reste qu’on peut se demander si l’approche de la Cour de cassation ne conduit pas à brouiller la frontière entre les conditions de recevabilité et les conditions de fond [32].

46. In fine, on observera que le débiteur constituant d’une fiducie-sûreté portant sur des titres de capital ne doit donc pas placer trop d’espoir dans l’administration provisoire s’il s’agit uniquement de résister à la mise en œuvre de la garantie consécutivement à sa défaillance. En présence d’un contrat de fiducie ne fixant que peu de limites aux pouvoirs du fiduciaire, ce dernier doit être considéré comme disposant de toutes les prérogatives induites par son droit de propriété. Dans le contexte d’une fiducie portant sur des titres de capital social, le fiduciaire dispose alors de la latitude qui est celle de tout associé. Le dirigeant historique s’expose donc naturellement à une éventuelle révocation. Il convient alors de faire la part des choses. L’administration provisoire ne saurait être exclue s’il s’agit de remédier à un désordre sociétaire. Lorsque ce n’est pas le cas, et notamment lorsque le constituant entend uniquement reprocher au fiduciaire la façon dont celui-ci accomplit sa mission contractuelle, il convient plutôt d’user des différents moyens mis à sa disposition par le Code civil : demande de désignation d’un tiers protecteur (C. civ., art. 2017 N° Lexbase : L0659LWC) ; demande de remplacement du fiduciaire (C. civ., art. 2027 N° Lexbase : L2369IBD) ; mise en œuvre de la responsabilité du fiduciaire (C. civ., art. 2026 N° Lexbase : L6522HWH).

N. Borga

47. Il n’est pas inutile de signaler cet arrêt de la Cour d’appel de Grenoble rendu le 27 mars 2025, tant il nous semble retenir une solution critiquable [33].

48. La difficulté est apparue à l’occasion d’une procédure de redressement judiciaire frappant une société détenant une participation capitalistique au sein d’une autre entité et qui avait consenti à un établissement bancaire un nantissement grevant le compte-titres au sein duquel étaient inscrits les titres de capital en question. Une cession des titres étant envisagée pendant la période d’observation, l’hésitation est venue de ce que la dette garantie par le nantissement n’était pas en totalité exigible. On sait que, par principe, la vente d’un bien grevé d’un droit de rétention suppose le paiement du rétenteur dans les conditions de l’article L. 622-7 du Code de commerce N° Lexbase : L9121L7X. Toutefois, compte tenu de ce que la dette garantie n’était pas intégralement exigible, le Tribunal de commerce de Grenoble puis la cour d’appel ont considéré dans cet arrêt qu’il convenait ici d’appliquer la règle prévue à l’article L. 622-8, al. 1, du Code de commerce N° Lexbase : L9124L73 : « En cas de vente d'un bien grevé d'une sûreté réelle spéciale ou d'une hypothèque légale, la quote-part du prix correspondant aux créances garanties par ces sûretés est versée en compte de dépôt à la Caisse des dépôts et consignations. Après l'adoption du plan, les créanciers bénéficiaires de ces sûretés ou titulaires d'un privilège général sont payés sur le prix suivant l'ordre de préférence existant entre eux et conformément à l'article L. 626-22 lorsqu'ils sont soumis aux délais du plan ».

49. Le résultat est sans commune mesure pour le créancier concerné. Dans un cas, avec l’application de l’article L. 622-7 du Code de commerce, la vente du bien ne peut intervenir que sous condition d’un paiement intégral et immédiat. Dans l’autre, si l’on applique le mécanisme de l’article L. 622-8 du même code, le paiement est renvoyé à plus tard et le créancier est soumis au concours.

50. Pour fonder sa solution, la cour d’appel s’est essentiellement appuyée sur le fait que le droit de rétention « ne peut être levé que si le créancier dispose d’une créance certaine, liquide et exigible ». Il y a là, nous semble-t-il, une incompréhension majeure. Personne ne niera qu’il est très fréquemment souligné qu’au titre des conditions du droit de rétention, certaines sont relatives à la créance, laquelle doit notamment être certaine, liquide et exigible[34]. Même si la jurisprudence a atténué la portée de cette condition [35], le droit de rétention étant un moyen de contraindre le débiteur au paiement, il n’est pas illogique de subordonner son exercice à l’exigibilité de la créance.

51. Mais lorsque le droit de rétention accompagne une sûreté réelle, tel un gage avec dépossession ou un nantissement de comptes titres, les choses ne peuvent évidemment pas se présenter de la même manière sur le terrain de l’exigibilité. Cet aspect a été particulièrement bien en évidence par le cotitulaire de cette chronique dans sa thèse de doctorat [36]. Comme il le souligne, dans le cas des droits de rétention légaux, tel celui du vendeur de meubles par exemple, la créance du rétenteur doit en principe être exigible. À l’opposé, il en va différemment des droits de rétention qu’il qualifie de « conventionnels », ce qui est notamment le cas des droits de rétention dont le gage avec dépossession ou le nantissement de comptes titres sont assortis. S’ils sont consacrés par la loi, ces droits de rétention n’en sont pas moins « conventionnels » dans la mesure où ils accompagnent une sûreté conventionnelle. Ainsi, Augustin Aynès souligne : « Quant au fait que la créance n’a pas à être exigible, cela se justifie aisément, car dans l’hypothèse d’un droit de rétention conventionnel, le bien retenu est remis par le débiteur au créancier dès la naissance de la dette et vise à lui conférer une garantie de paiement pour le temps où celle-ci sera exigible. Le mécanisme même du droit de rétention conventionnel est par nature incompatible avec la nécessité d’une créance exigible » [37].

52. C’est parce qu’il méconnaît cette distinction entre les droits de rétention que l’arrêt rendu par la cour d’appel de Grenoble est fortement critiquable. Et en jugeant applicables les dispositions de l’article L. 622-8 du Code de commerce à une telle situation, il prend par ailleurs à rebours une solution, certes ancienne mais non remise en cause, de la Cour de cassation [38].

N. Borga

 

[1] V. déjà : Cass. com., 19 janvier 2022, n° 20-18.670, F-D N° Lexbase : A19637KW.

[2] V. not. Cass. com., 14 décembre 2010, n° 09-69.807, F-P+B N° Lexbase : A2628GNN

[3]  V. en ce sens : Cass. civ. 1, 19 janvier 2022, n° 20-20.467, FS-B N° Lexbase : A77107IE, Gaz. Pal., 19 avril 2022, n° 13, p. 5, note Ch. Albiges.

[4] Cass. com., 15 novembre 2017, n° 16-10.504, F-P+B+I N° Lexbase : A0221WZ9, D., 2018, pan. 1891, obs. P. Crocq ; RTD civ., 2018, 199, obs. M. Nicod ; D., 2018, 392, note M.-P. Dumont.

[5] Cass. com., 22 janvier 2013, n° 11-22.831, F-D N° Lexbase : A8764I3Y – Cass. com., 15 mars 2023, n° 21-21.840, F-D N° Lexbase : A69399IT.

[6] V. ainsi, jugeant valide l’acte dans lequel la signature de la caution précède la mention, mais que celle-ci est suivie d’un paraphe : Cass. civ. 1, 22 septembre 2016, n° 15-19.543, F-P+B N° Lexbase : A0176R4B : « la mention manuscrite, dont le texte était conforme aux dispositions du texte précité et qui figure sous la signature de la caution, est immédiatement suivie du paraphe de celle-ci, de sorte que ni le sens, ni la portée, ni, en conséquence, la validité de cette mention ne s'en est trouvée affectée ».

[7] V. not. Cass. com., 14 décembre 2004, n° 01-10.780, FS-P+B N° Lexbase : A4597DEY.

[8] Cass. civ. 2, 13 octobre 2016, n° 15-25.049, F-D N° Lexbase : A9581R7Y.

[9] Ph. Simler et Ph. Delebecque, Droit des sûretés et de la publicité foncière, Dalloz, 8e éd., 132, p. 148.

[10] V. not., Cass. com., 13 novembre 2007, n° 06-12.284, FS-P+B N° Lexbase : A5858DZY.

[11] V. Cass. com., 23 novembre 2022, n° 21-13.386, F-B N° Lexbase : A10638UW, LEDEN, janvier 2023, p. 3, obs. C. Favre-Rochex.

[12] V. not. Cass. com., 23 octobre 2019, n° 17-25.656, FS-P+B N° Lexbase : A6400ZST.

[13] V. Cass. com., 1er juillet 2020, n° 18-24.979, F-P+B N° Lexbase : A56313QM.

[14] V. Cass. com., 8 septembre 2021, n° 19-17.185, F-D N° Lexbase : A258544I – Cass. com., 23 octobre 2024, n° 22-24.485, F-D N° Lexbase : A29936CT.

[15] V. Cass. com., 25 janvier 2023, n° 21-16.275, F-B N° Lexbase : A06459A7.

[16] V. les obs. d’A. Aynès sous cet arrêt, Rev. proc. coll. n° 6, novembre-décembre 2024, comm. 163.

[17] V. déjà Cass. com., 1er mars 2016, n° 14-16.402, FS-P+B N° Lexbase : A0727QYL.

[18] V. Cass. com., 25 septembre 2019, n° 18-15.655, FS-P+B N° Lexbase : A0346ZQU, D., 2019, p. 2100, obs. R. Dammann et A. Alle ; D., 2020, p. 19857, obs. F.-X. Lucas ; dans un contexte très différent, v. Cass. com., 21 octobre 2020, n° 17-31.663, F-D N° Lexbase : A87513YR.

[19] V. Cass. com., 26 octobre 2022, n° 21-12.085, FS-B N° Lexbase : A01128RL, Gaz. Pal., 19 septembre 2023, n° 29, p. 48, obs. M. Tota ; Act. proc. coll., 9 décembre 2022, n° 20, repère 256, obs. L. Andreu – Cass. com., 8 mars 2023, n° 21-19.202, F-D N° Lexbase : A29599H3)

[20] Comp. Cass. com., 25 septembre 2019, préc.

[21] V. N. Borga, A. Jacquemont, Th. Mastrullo, Droit des entreprises en difficulté, LexisNexis, 13e éd., 2025, n° 142.

[22] V. Cass. com., 26 octobre 2022, n° 21-12.085, FS-B N° Lexbase : A01128RL – Cass. com., 8 mars 2023, n° 21-19.202, F-D N° Lexbase : A29599H3)

[23] Sur le sujet, v. not. N. Borga, A. Jacquemont et Th. Mastrullo, Droit des entreprises en difficulté, LexisNexis, 13e éd., 2025, n° 464.

[24] Cass. com., 2 juin 2015, n° 14-10.673, FS-P+B N° Lexbase : A2109NKC.

[25] Cass. com., 8 avril 2021, n° 19-25.332, F-D N° Lexbase : A13834PW.

[26] Cass. com., 13 décembre 2023, n° 22-18.460, F-B N° Lexbase : A5498187, LEDEN, mars 2024, p. 3, obs. P. Rubellin.

[27] Cass. com., 7 mai 2025, n° 23-20.471, FS-B N° Lexbase : A22300RZ, BJS, juillet 2025, p. 3, note B. Dondero.

[28] V. ainsi Cass. com., 16 février 1988, n° 86-16.241, inédit N° Lexbase : A1775AGT, BJS, mars 1988, p. 270, note P. Le Cannu ; v. égal. CA Paris, 1er juin 2007, n° 07/5278 N° Lexbase : A5228DXW, BJS, 2007, p. 1069, note F. Martin Laprade.

[29] Cass. com., 29 septembre 2015, n° 14-11.491, F-D N° Lexbase : A5613NSP – Cass. com., 10 novembre 2009, n° 08-19.356, F-D N° Lexbase : A1793ENQ – Cass. com., 6 février 2007, n° 05-19.008, F-P+B N° Lexbase : A9513DTI – Cass. com., 25 janvier 2005, n° 00-22.457 N° Lexbase : A6158DG8.

[30] Sur ce point, v. not. M. Cozian, A. Viandier, F. Deboissy, Droit des sociétés, LexisNexis, 31e éd., 2018, n° 595, p. 266.

[31] V. not. L. Cadiet et E. Jeuland, Droit judiciaire privé, LexisNexis, 11e éd., 2020, n° 346-347.

[32] V. dans le même sens les obs. sous cet arrêt de J.-J. Ansault, BJS, avril 2025, p. 16, spéc. n° 6 ?

[33] V. égal. les obs. de C. Favre-Rochex, LEDEN, mai 2025, p. 2.

[34] V. par ex. M. Cabrillac, C. Mouly, S. Cabrillac et P. Pétel, Droit des sûretés, LexisNexis, 11e éd., 2022, n° 644 ; L. Aynès, Crocq et A. Aynès, Droit des sûretés, LGDJ, 17e éd., 2024, n° 286 ; P. Théry, C. Gijsbers, Droit des sûretés, 2024, LGDJ, n° 541 ; P. Simler et P. Delebecque, Droit des sûretés et de la publicité foncière, Précis Dalloz, 8e éd., 2023, n° 606 ; G. Piette, Rép. Dr. civ., V° Rétention, n° 40.

[35] V. not. L. Aynès, P. Crocq et A. Aynès, op. et loc. cit.

[36] A. Aynès, Le droit de rétention, unité ou pluralité ?, thèse, C. Larroumet (dir.), Economica, 2005, préf. C. Larroumet, n° 330 et s.

[37] A. Aynès, thèse préc., n° 335.

[38] Cass. com., 4 juillet 2000, n° 98-11.803 N° Lexbase : A8743AHB.

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