La lettre juridique n°920 du 13 octobre 2022 : Avocats/Accès à la profession

[Brèves] Passerelle « juriste d’entreprise », juriste en galerie d’art et étude d’huissier : illustration de l’application stricte du régime dérogatoire

Réf. : CA Versailles, 27 septembre 2022, n° 21/04953 N° Lexbase : A14768MM

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N2945BZ4

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par Adélaïde Léon

le 02 Novembre 2022

► Le régime dérogatoire aux règles générales relatives à l’inscription des avocats à un barreau dont peuvent bénéficier les juristes d’entreprise est d’application stricte et son bénéfice est conditionné à la preuve, par le demandeur, de la réalisation effective des conditions fixées. Il appartient aux juristes d’entreprise désireux de bénéficier de cette passerelle de démontrer l’existence d’une expérience pratique réelle et effective pour la durée requise, exercée exclusivement au sein d’un service spécialisé, identifié comme tel au sein de l’entreprise.

La multitude de tâches liées à l’activité normale d’une galerie d’art exclut le caractère exclusif des fonctions de juriste. De même, ne peut bénéficier de cette passerelle le demandeur qui a réalisé les tâches liées à l’activité juridique classique d’une étude d’huissier mais n’a pas été affecté à un service dédié aux problématiques juridiques posées par l’activité de l’étude.

Rappels des faits et de la procédure. Après avoir exercé six ans et demi (juin 2003 à décembre 2009) dans une galerie puis quatre ans (mai 2011 à juin 2015) chez une huissier de justice et dispensé des cours de droit à des élèves de BTS et des étudiants en gestion de patrimoine et métiers du notariat, le titulaire d’une maîtrise de droit (obtenue en 2011) a sollicité son inscription au barreau du Val-d’Oise au titre de la passerelle prévue par l’article 98, alinéa 3, du décret n° 91-1197, du 27 novembre 1991, organisant la profession d’avocat N° Lexbase : Z26469MD.

Cette passerelle prévoit la dispense de la formation théorique et pratique et du CAPA au profit des « juristes d’entreprise justifiant de huis ans au moins de pratique professionnelle au sein du service juridique d’une ou de plusieurs entreprises ».

Le Conseil de l’Ordre des avocats du barreau du Val-d’Oise a admis l’intéressé au barreau du Val-d’Oise sur le fondement de l’article précité et dit qu’il pourrait, conformément aux dispositions de l’arrêté du 30 avril 2012, prêter serment après obtention de l'examen de contrôle des connaissances en matière de déontologie et de réglementation professionnelle organisé par le centre régional de formation.

Le procureur général près la cour d’appel de Versailles a interjeté appel contre la décision du Conseil de l’Ordre.

Motifs de l’appel. Le procureur général sollicitait l’infirmation de la décision du Conseil de l’Ordre et le rejet de la demande d’inscription au barreau du Val-d’Oise.

Le procureur général soutenait que l’intéressé ne justifiait par avoir exercé, pendant huit années, une activité de juriste d’entreprise au sein du service juridique d’une ou plusieurs entreprises au sens de l’article 98, alinéa 3, précité.

Or, le ministère public souligne que la Cour de cassation envisage de façon stricte l’activité de juriste d’entreprise mentionnée dans ce texte en précisant que celle-ci « doit avoir été exercée de façon exclusive et révéler une certaine autonomie de la part de celui qui s’en prévaut dans la pratique du droit au sein d’un service spécialisé ». Au soutien de son argumentation, le procureur cite plusieurs arrêts en ce sens de la Cour de cassation.

Décision. La cour d’appel de Versailles infirme la décision du Conseil de l’Ordre des avocats du barreau du Val-d’Oise ayant admis l’impétrant au barreau du Val-d’Oise.

La cour confirme que ce régime dérogatoire aux règles générales relatives à l’inscription des avocats à un barreau est d’application stricte et que son bénéfice est conditionné à la preuve, par le demandeur, de la réalisation effective des conditions fixées.

Sur la notion de juriste d’entreprise. Cette notion n’était définie ni par la loi ni par décret, les juges d’appel s’en remettent à la définition jurisprudentielle selon laquelle est juriste d’entreprise celui qui « exerce ses fonctions dans un département chargé au sein d'une entreprise publique ou privée, considérée comme étant la réunion de moyens matériels et humains coordonnés et organisés en vue de réaliser un objectif économique déterminé, de connaître les problèmes juridiques ou fiscaux se posant à celle-ci, d'y assurer les fonctions de responsabilité dans l'organisation et le fonctionnement de la vie de l'entreprise qui ne peut être confondue avec le simple exercice professionnel du droit assimilable à une activité d'administration pure et simple couramment pratiquée dans cette entreprise ».

Au-delà de la notion même de juriste d’entreprise, la cour d’appel ajoute que la dispense accordée est subordonnée à la preuve d’une expérience pratique réelle et effective pour la durée requise, exercée exclusivement au sein d’un service spécialisé, identifié comme tel.

S’agissant de l’activité au sein de la galerie d’art. La cour d’appel note qu’avant 2011, l’intéressé, qui exerçait comme responsable juridique non cadre, n’était pas titulaire d’une maîtrise de droit et ne remplissait donc pas les conditions de diplôme pour occuper un poste de juriste d’entreprise lequel est, selon la jurisprudence, généralement confié à des cadres.

Observant dans un deuxième temps les différentes tâches dont l’intéressé atteste (notamment : gestion des problématiques juridiques liées à l’activité de l’entreprise et à ses fonctions d’expert, rédaction et vérification de contrats d’achat, de vente ou de dépôt, vérification et respect du registre de police obligatoire, gestion juridique du transport et de l’acheminement de biens, maîtrise juridique du processus d’identification d’un bien, gestion du bail et de l’assurance du lieu, gestion du contentieux de l’entreprise, défense de l’entreprise lors de contestations relatives au processus d’identification ou de restauration, au contenu d’un certificat, gestion juridique de certains sinistres de l’entreprise, représentation de l’entreprise sur le plan du droit lors de déplacements, conseil juridique en matière de partage de succession, de fiscalité, de statut, de responsabilité) les juges d’appel estiment que seule la mission de gestion du contentieux de l’entreprise était susceptible de correspondre à la définition jurisprudentielle de juriste d’entreprise dégagée par la Cour de cassation.

En considération de la multitude de tâches liées par à l’activité normale de la galerie exercée par l’intéressé, celui-ci n’exerçait pas à titre exclusif les fonctions de juriste d’entreprise.

S’agissant de l’activité chez l’huissier de justice. Appréciant à nouveau les missions confiées à l’employé (rédaction d’actes, mise en place de procédures judiciaires, recherches juridiques dans les dossiers contentieux, contrôle de conformité, argumentation juridique pour la défense des intérêts des créanciers) les juges d’appel constatent qu’il s’agit de tâches liées à l’activité juridique classique d’une étude d’huissier mais que l’intéressé n’a pas été affecté à un service dédié aux problématiques juridiques posées par l’activité de l’étude.

S’agissant de l’activité d’enseignement. La cour d’appel constate sans peine que le demandeur à l’inscription avait fondé sa demande sur l’article 98 précité et non sur l’article 97, 4° du même décret N° Lexbase : Z30430LQ lequel prévoit une passerelle similaire au profit de certains universitaires.

Au terme de leurs constatations, les juges d’appel constatent que les conditions prévues par les dispositions du troisième alinéa de l’article 98 du décret n° 91-1197, du 27 novembre 1991 ne sont pas remplie, raison pour laquelle la décision du Conseil de l’Ordre des avocats du barreau du Val-d’Oise admettant l’intéressé au barreau du Val-d’Oise est infirmée.

Pour aller plus loin : voir ÉTUDE : Les passerelles d'accès à la profession d'avocat, Le principe général de la « passerelle » juriste d'entreprise-avocat, in La profession d’Avocat, (dir. H Bornstein), Lexbase N° Lexbase : E33343RW.

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