La lettre juridique n°920 du 13 octobre 2022 : Avocats/Formation

[Le point sur...] Un élève avocat peut-il bénéficier des avantages stagiaires lors de son PPI ?

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par Sarah Zerouali-Ducrocq, responsable juridique et formatrice

le 13 Octobre 2022

Mots clés : avocat • élève-avocat • statut • indemnités • stage • stagiaire • PPI • avantages

Dès son entrée à l’école des avocats, l’élève-avocat a un statut particulier, de plus en plus décrié par la profession et par les principaux intéressés.

Face à cela, l’assemblée générale du Conseil National des Barreaux (CNB) avait adopté en novembre 2018, sur rapport de la commission de formation professionnelle, un ensemble de propositions de réforme concernant la formation initiale des avocats au regard de la durée de la formation mais également du statut des élèves-avocats.

En avril 2021, le Conseil constitutionnel a refusé une partie des propositions formulées par le CNB N° Lexbase : A36894PC. Par la suite, un avant-projet de décret [1] a vu le jour prévoyant notamment la généralisation de l’alternance pour les élèves avocats et donc la reconnaissance d’un statut plus stable pour ces derniers. Cette réforme n’est actuellement pas encore mise en place au niveau national.

Sur la formation initiale telle qu’elle existe encore, trois périodes se suivent, dont le projet pédagogique individuel (PPI) qui a pour objet d’encourager l’élève avocat à découvrir divers milieux sociaux et professionnels, hors du cabinet d’avocat. L’élève avocat n’a pas réellement le même statut lors de ces trois phases. Dès lors, il n’a pas non plus les mêmes avantages, lesquels sont règlementés différemment (par exemple la rémunération).


 

Qu’est-ce que le PPI ?

La formation professionnelle exigée pour devenir avocat débute par l’obtention de l’examen d’accès au Centre Régional de Formation Professionnelle, elle se poursuit par trois phases distinctes, pour un total de dix-huit mois, et elle s’achève par le certificat d’aptitude à la profession d’avocat [2].

Le projet professionnel individuel (PPI) est une des trois phases du programme de l’école des avocats [3] et a pour objectif de familiariser l’élève-avocat avec différents milieux sociaux et professionnels.

Il s’agit d’une période de stage professionnel de six mois, pouvant être portée à huit mois, permettant à l’élève avocat de suivre :

  • soit un stage au sein d’une structure nationale telle qu’une entreprise, une collectivité territoriale, une association, un syndicat, une étude de notaires ou d’huissiers, chez un mandataire judiciaire, etc. ;
  • soit un stage dans un cabinet d’avocat à l’étranger, ou d’un avocat près la Cour de cassation ou près le Conseil d’État ;
  • soit de suivre une formation (M2 – D.U. – Mastère… d’une durée de 250 heures).

Les modalités et le contenu du PPI sont déterminés par l’élève avocat, en collaboration avec son école et le maître de stage afin d’assurer une certaine pertinence pédagogique du projet.

Ainsi, le PPI est encadré par une convention de stage qui précise les droits et devoirs de l’élève avocat et de la structure d’accueil.

Il est permis aux élèves avocats de varier les expériences pendant cette période, tout en limitant la durée minimale de chaque stage à un mois.

Le PPI ne peut pas être effectué dans un cabinet d’avocat français. Aucune dérogation n’est possible.

Lors du PPI, l’élève avocat est soumis au secret professionnel [4] : c’est le fameux « petit serment » de début de parcours.

En 2015, alors qu’elle était saisie à ce propos, la Chancellerie a indiqué que la formation initiale des élèves avocats ne relevait pas du service public de l’enseignement mais correspondait à une formation professionnelle, organisée par les avocats.

Plus généralement, la formation des élèves avocats est assurée par les centres régionaux de formations professionnelles. Il en existe actuellement seize en France métropolitaine et territoires d’Outre-Mer.

Quel statut et avantages pour l’élève avocat pendant ce PPI ?

L’élève avocat bénéficie d’un statut hybride, aux contours parfois flous.

Étant en période d’apprentissage, celui-ci n’a pas pour autant la qualification et les avantages de l’apprenti.

Il n’est pas non plus en contrat de professionnalisation.

De plus, l’élève avocat n’étant pas rattaché à l’Université, il n’est pas non plus stagiaire étudiant au sens initial de la législation commune des stages réglementés par le Code de l’Éducation [5].

Également, puisqu’il n’a pas encore prêté serment (en dehors du petit serment), il ne peut pas être considéré comme avocat, salarié ou collaborateur.

Il s’agit donc d’un régime autonome encadré par le décret n° 91-1197, du 27 novembre 1991, organisant la profession d’Avocat N° Lexbase : L8168AID, empruntant parfois certaines dispositions de certains Codes.

Par exemple, dans des cas spécifiques, la formation de l’élève-avocat peut s’inscrire dans le cadre d’un contrat d’apprentissage, dont les contours sont prévus par le titre Ier du livre Ier du Code du travail [6].

Également, si l’élève-avocat a la qualité de stagiaire de la formation professionnelle, il bénéficie de l'aide de l'État en ce qui concerne sa rémunération dans les conditions fixées dans le Code du travail [7].

Il semble également que les dispositions du Code de l’éducation peuvent s’appliquer.

En effet, le stage PPI est répertorié comme un stage en milieu professionnel intégré dans un cursus pédagogique [8].

D’autres règles sont précisées par des sources spécifiques telles que :

  • Loi n° 71-1130, du 31 décembre 1971, portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques N° Lexbase : L6343AGZ ;
  • Décret n° 91-1197, du 27 novembre 1991, organisant la profession d’avocat N° Lexbase : L8168AID ;
  • Arrêté du 6 décembre 2004, fixant le siège et le ressort des centres régionaux de formation professionnelle d'avocats N° Lexbase : L5245IGD ;
  • Arrêté du 7 décembre 2005, fixant le programme et les modalités de l’examen d’aptitude à la profession d’avocat N° Lexbase : L5238HDD ;
  • Arrêté du 19 juillet 2017, fixant le plafond du montant des droits d'inscription pouvant être exigés des bénéficiaires de la formation initiale dispensée par les centres régionaux de formation professionnelle d'avocats N° Lexbase : L3133LG7 ;
  • Décision du 11 septembre 2020, définissant les principes d'organisation et harmonisant les programmes de la formation des élèves avocats (art. 21-1 de la loi du 31 décembre 1971 modifiée) [LXB= Z9502493].

Dès lors, malgré la variété de sources qui encadre son statut et les différences qui peuvent subsister, l’élève-avocat bénéficie, dans le cadre de son PPI, de nombreux avantages communs aux stagiaires de l’Université.

En effet, lorsque la durée de stage au sein de la structure d’accueil est supérieure à deux mois consécutifs, les stages font l’objet d’une gratification dont le montant peut être fixé par convention de branche ou par accord professionnel étendu.

À défaut, le montant horaire de cette gratification est fixé à 15 % du plafond horaire de la sécurité́ sociale.

Par ailleurs, si l’élève-avocat réalise son PPI dans une structure de la fonction publique ou en juridiction, le stage est régi par le Code de l’Éducation [9], via les dispositions relatives aux modalités d’accueil des étudiants de l’enseignement supérieur en stage dans les administrations et établissements publics de l’État ne présentant pas un caractère industriel et commercial.

De surcroît, dès lors que la durée du stage est supérieure à deux mois consécutifs, le stagiaire reçoit une gratification minimale [10].

Ce seuil n’empêche pas la structure de gratifier un stage de durée inférieure.

Cette gratification doit être versée mensuellement [11] et correspond à un montant fixé par convention de branche ou accord professionnel étendu ou, à défaut, par décret.

Il y a un véritable débat sur la précarité des élèves-avocats. Les syndicats tentent depuis quelques années de réformer le statut de l’élève avocat, qui est l’une des seules formations (aux métiers réglementés du droit) payante et non rémunérée.

Enfin, lorsque l’élève avocat fait son stage au sein d’une entreprise, ce dernier doit bénéficier des mêmes avantages que les autres stagiaires concernant la rémunération, la restauration, les remboursements de frais, etc.

Également, il bénéficie des dispositions de la convention collective applicable et des éventuels accords d’entreprise.

Par ailleurs, le statut de stagiaire n’efface pas la protection des libertés individuelles et droits fondamentaux notamment le respect de la vie privée, la protection contre toute discrimination et contre le harcèlement moral et sexuel prévue par le Code du travail [12].

De plus, le stagiaire reste protégé par les dispositions du Code du travail et les dispositions conventionnelles concernant les durées maximales quotidiennes et hebdomadaires de travail, les heures de nuit, le repos quotidien et hebdomadaire, ainsi que les jours fériés [13].

De la même façon, comme les salariés, les stagiaires bénéficient des dispositions protectrices en cas de grossesse, de paternité, d’adoption, d’autorisation d’absence mais également en matière d’accident du travail et de maladie professionnelle [14].

À retenir

Le statut de l’élève-avocat, et de facto, ses droits et devoirs, varie en fonction de la période de sa formation initiale.

Dans le cadre du projet personnel individuel (PPI), ce dernier effectue un stage hors cabinet d’avocat français, correspondant à un ensemble pédagogique déterminé.

Ainsi, son statut hybride emprunte des traits au Code de l’éducation, au Code du travail, mais aussi à des sources spécifiques, dont le décret n° 91-1197, du 27 novembre 1991, organisant la profession d'avocat.

Dans sa position de stagiaire en entreprise ou au sein d’un service public, l’élève avocat bénéficie des mêmes droits que les autres stagiaires, et des mêmes avantages que l’ensemble des salariés concernant, notamment, les avantages liés à la restauration, au remboursement des frais de transports publics, ou encore à l’accès aux activités sociales et culturelles du conseil économique et social dans les mêmes conditions que les salariés [15].

In fine, l’ensemble des règles et avantages de l’élève-avocat, par son statut de stagiaire, est encadré par la convention de stage tripartite entre lui, son école et sa structure d’accueil.

 

[1] Avant projet de décret modifiant les dispositions du décret du 27 novembre 1991 relatives à la formation professionnelle [en ligne].

[2] Loi n° 71-1130, du 31 décembre 1971, portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, art. 12 N° Lexbase : L6343AGZ.

[3] Décret n° 91-1197, du 27 novembre 1991, organisant la profession d’Avocat, art. 58 N° Lexbase : L8168AID.

[4] Loi n° 71-1130, du 31 décembre, 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, art. 12-2.

[5] C. éduc., art. L. 124-1 s. N° Lexbase : L7729I3N.

[6] Loi n° 71-1130, du 31 décembre 1971, portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, art. 12.

[7] Décret n°91-1197, du 27 novembre 1991, organisant la profession d'avocat, art. 62.

[8] Lettre Circulaire ACOSS, n° 2015-0000042, 2 juillet 2015 [en ligne].

[9] C. éduc., art. D.612-56 N° Lexbase : L7592IXH à D.612-59 N° Lexbase : L7595IXL.

[10] Loi n° 2006-396, du 31 mars 2006, pour l’égalité des chances, art. 9 N° Lexbase : L9534HHL, modifié par l’article 30 de la loi n° 2009-1437 du 24 novembre 2009 pour l’égalité des chances N° Lexbase : L9345IET.

[11] C. éduc., art. D. 124-8 N° Lexbase : L9449I4Q.

[13] C. éduc., art. L124-14 N° Lexbase : L7744I39.

[14] C. éduc., art. L124-12 N° Lexbase : L7742I37 et L124-13 N° Lexbase : L7743I38.

[15] C. éduc., art. L. 124-16 N° Lexbase : L7746I3B.

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