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N7326BTI
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par Philippe Thiria, ancien directeur fiscal d'Unilever France, arbitre et Caroline Puiseux, Master II Fiscalité de l'entreprise, Université Paris-Dauphine
le 06 Juin 2013
I - L'arbitrage international : une procédure utile et nécessaire
En dépit des mesures adoptées par les Etats pour éviter les doubles impositions internationales (A), des difficultés pratiques subsistent qui ont entraîné le développement progressif de l'arbitrage (B).
A - La lutte contre la double imposition internationale
La double imposition internationale résulte en général de la rencontre de législations fiscales nationales dont le territoire d'application est largement défini, de sorte qu'un même revenu peut être visé par l'imposition de plusieurs pays. Pour y remédier, les Etats signent entre eux des conventions fiscales bilatérales destinées à éviter cette double imposition et qui édictent des règles permettant le partage du droit d'imposer tel ou tel revenu, selon sa nature. Les conventions s'imposent aux Etats et sont placées, dans la plupart des pays, au-dessus du droit interne dans la hiérarchie des normes (1). La France a signé plus de cent vingt conventions fiscales. La plupart s'inspirent du modèle de l'OCDE et certaines du modèle de l'ONU. Une divergence peut cependant apparaître entre les analyses des deux Etats, soit sur le rattachement territorial d'un revenu, soit sur la qualification même de ce revenu, qualification entraînant l'application d'une règle de territorialité. Il existe un autre domaine de double imposition destiné à croître en importance, celui des prix de transfert. Il ne s'agit plus là de règles de territorialité mais de conformité des prix pratiqués lors de livraisons de biens, de services, d'utilisations d'incorporels ou de moyens de financement à l'intérieur d'un groupe. Le prix pratiqué par l'entreprise peut être contesté par un Etat dans le cadre des dispositions de l'article 9 de la Convention modèle OCDE (N° Lexbase : L6769ITU ; cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E8454ETB) s'il lui apparaît que ce prix n'est pas un prix de pleine concurrence. Or, il s'agit là d'une décision unilatérale. Le redressement d'un prix par un Etat entraîne automatiquement une double imposition d'une partie du bénéfice, à moins que l'autre Etat ne consente à opérer un ajustement en sens contraire pour le même montant. On comprend aisément que l'autre Etat soit réticent à opérer cet ajustement dit "corrélatif", ce qui mène fréquemment à un différend. Le différend entre le contribuable et l'administration conduit à des discussions entre Etats sur le partage de l'imposition dont le contribuable se trouve finalement l'otage.
La double imposition est une question très importante pour les entreprises, car elle constitue un coût supplémentaire qui leur paraît illégitime et vient freiner le développement des échanges internationaux. La première mesure, intégrée dans les conventions inspirées du modèle OCDE pour résoudre les différends liés aux problèmes d'application des conventions, est le recours à une procédure amiable entre administrations (2). En ce qui concerne la France, cette procédure s'ouvre à tous les litiges concernant des pays avec lesquels la France a conclu une convention fiscale dans la mesure où la convention le prévoit, ainsi qu'aux problèmes de prix de transfert avec des pays de l'Union européenne (UE), dans le cadre de la Convention européenne d'arbitrage (CEA). La procédure amiable apporte une possibilité d'élimination de la double imposition aux contribuables si les administrations trouvent une solution commune. Or, elles ne sont tenues qu'à engager cette procédure, il s'agit d'une simple obligation de moyen. En l'absence d'arbitrage, les administrations n'ont pas d'incitation spécifique à la résolution rapide des conflits. Quant aux entreprises, elles hésitent à y avoir recours et craignent de se lancer dans une procédure lourde, contraignante et parfois coûteuse, sans aucune assurance de résultat. La procédure d'arbitrage apparaît comme le seul recours possible pour les entreprises face à des administrations qui ne parviennent pas à s'entendre, car elle apporte au contribuable une garantie de résultat. Elle ne vient pas supplanter la procédure amiable, mais vient la compléter à l'issue de son processus, dans le cas où aucun accord n'est trouvé. Lorsque les autorités sont parvenues à un accord à l'issue de la procédure amiable, le contribuable ne peut avoir recours à l'arbitrage, même s'il n'est pas d'accord avec la solution proposée par les administrations. Notons que l'existence même d'une clause d'arbitrage incite fortement les administrations à une meilleure résolution des conflits dès la procédure amiable, ce qui explique le nombre très réduit d'arbitrages comparé à celui des procédures amiables.
B - La mise en place des procédures d'arbitrage
La mise en place des procédures d'arbitrage s'est faite progressivement et leur introduction reste relativement récente. On peut distinguer deux étapes : la première, initiée par l'UE, suivie, quelques années plus tard, par l'OCDE. L'UE a développé, en 1990, une procédure d'arbitrage destinée à remédier aux problèmes de double imposition résultant des prix de transfert qui nuisaient aux échanges transfrontaliers à l'intérieur de l'Europe et pouvaient créer des distorsions de concurrence (Convention 90/436/CEE du 23 juillet 1990, relative à l'élimination des doubles impositions en cas de correction des bénéfices d'entreprises associées). L'apport fondamental de la CEA est sa portée obligatoire pour les Etats, ainsi que l'encadrement de la procédure dans un certain délai. En revanche, la CEA se limite aux doubles impositions liées aux prix de transfert.
Au début des années 2000, l'OCDE s'est penchée sur les difficultés pratiques rencontrées dans l'application de la procédure amiable. Les travaux du comité des affaires fiscales de l'OCDE ont finalement conduit en 2008 à l'introduction par l'OCDE d'un nouveau paragraphe dans le Modèle de convention fiscale (3), qui prévoit désormais une procédure d'arbitrage pour les cas qui n'ont pas pu être résolus dans un délai de deux ans. Cette procédure non automatique s'ouvre aux contribuables dans la mesure où il reste au moins un point de désaccord entre administrations sur un élément non conforme à la convention. Le périmètre de l'arbitrage est plus large que dans la CEA et ne se limite pas aux seuls prix de transfert. Les questions non résolues sont alors réglées par une décision indépendante. Les administrations fiscales sont liées par le résultat de l'arbitrage, sauf dans le cas où la personne concernée n'accepte pas l'accord amiable en vertu duquel la décision d'arbitrage est appliquée.
L'apparition de procédures arbitrales pour régler les différends fiscaux internationaux peut apparaître étonnante dans un contexte de judiciarisation croissante des conflits ; elle s'est faite en premier lieu sous la pression constante des entreprises. Le développement des procédures d'arbitrage répond clairement à la demande des entreprises qui se heurtent à un nombre croissant de différends transfrontaliers sur des affaires d'une complexité accrue, impliquant par exemple des problématiques d'incorporels ou de sous-capitalisation, et qui souhaitent une solution effective, et si possible rapide, aux problèmes de double imposition. Les délais de la procédure amiable peuvent être très longs et certains contribuables craignent que les affaires ne soient réglées non en fonction de leur cas propre, mais selon une appréhension de l'ensemble des procédures en cours. L'espoir des entreprises est donc que la double imposition soit évitée mais aussi que la décision des arbitres soit de qualité, c'est-à-dire qu'elle apporte un éclairage sur la question posée et non un simple "jugement de Salomon".
Les administrations sont, quant à elles, plus réservées sur l'arbitrage, par culture d'abord : le règlement du litige échappe à leur contrôle dans un domaine régalien, mais aussi par une certaine méfiance à l'égard d'une décision qui serait prise par des tiers dont elles ne connaissent pas l'approche. Ceci ressort clairement de la CEA, puisque les administrations se réservent un délai supplémentaire de six mois après l'avis de la commission d'arbitrage pour chercher à nouveau une autre solution. La procédure est consommatrice de temps et implique pour l'administration de présenter à nouveau le dossier et de gérer des tâches purement administratives, par exemple la répartition des coûts. Le regard de l'administration est en même temps positif sur cette procédure qui met à leur disposition un outil pour régler des affaires avec des Etats qui ne veulent pas coopérer dans un contexte de forte hausse de dossiers en suspens, l'existence même de l'arbitrage ayant un impact très fort quant à l'incitation des administrations à s'entendre.
Deux cadres existent actuellement pour résoudre les différends transfrontaliers par le moyen de l'arbitrage : la CEA et certaines conventions fiscales bilatérales. Le champ d'application dépend des conventions internationales qui prévoient généralement d'ouvrir la procédure notamment aux personnes morales résidentes d'un des Etats partie à la convention pour l'impôt sur les sociétés. La CEA est, en revanche, fermée aux entreprises en cas de pénalités graves, notamment pour abus de droit, manquement délibéré, manoeuvres frauduleuses ou défaut de déclaration après mise en demeure.
A la suite des recommandations de l'OCDE, la France a renégocié récemment des conventions bilatérales avec certains pays en introduisant des clauses d'arbitrage. C'est le cas des conventions signées avec les Etats-Unis, la Suisse et le Royaume-Uni. D'autres conventions prévoyaient déjà une telle clause, mais ces clauses plus anciennes soumettent l'arbitrage à l'accord des administrations, comme les Conventions franco-allemande (4), franco-canadienne (5) et franco-kazakh (6). En revanche, la décision arbitrale s'impose généralement aux Etats.
L'avenant à la Convention franco-américaine, signé en 2009 (7), confère une portée obligatoire à l'arbitrage, mais sous réserve que les deux autorités compétentes ne considèrent pas d'un commun accord, et avant le démarrage de l'arbitrage, qu'il s'agit d'un cas particulier ne se prêtant pas à l'arbitrage. La Convention franco-britannique, entrée en vigueur en 2009 (8), ne soumet pas l'arbitrage à l'accord des administrations et prévoit une obligation de résultat. Enfin, la Convention franco-suisse (9), modifiée par l'avenant du 27 août 2009, prévoit la possibilité pour le contribuable d'avoir recours à l'arbitrage à l'issue de trois ans de procédure amiable infructueuse et pour résoudre les problèmes de prix de transfert ou d'établissement stable, sous réserve que le contribuable ne soit pas en droit d'obtenir une décision judiciaire. Les modalités d'application ne sont pas précisées.
II - Le fonctionnement de l'arbitrage
Le fonctionnement de la procédure n'est pas toujours formalisé dans les conventions (A). Il est pourtant critique pour permettre son impartialité et son fondement sur des bases autres que la bonne volonté des administrations. Des divergences se manifestent dans le processus de prise de décision (B).
A - La procédure arbitrale
Cette procédure est, dans toutes ses variantes, très différente de l'arbitrage en droit commun, en matière commerciale notamment. Trois cadres en définissent les modalités : le code de conduite pour la mise en oeuvre effective de la CEA, établi par le Forum conjoint sur les prix de transfert et précisé dans l'instruction du 23 février 2006 (10), le modèle d'accord entre autorités proposé par l'OCDE et la Convention franco-américaine dans un protocole d'accord annexé à la convention.
L'initiative revient au contribuable. En France, c'est le bureau E1 de la Direction de la législation fiscale qui était, jusqu'à présent, en charge des procédures amiables et arbitrales. Ce rôle est désormais dévolu à la mission d'expertise juridique et économique internationale créée au sein du service juridique de la fiscalité (11). Le recours n'est possible que dans la mesure où les autorités ne sont pas parvenues à un accord au bout de deux ans de procédure amiable et si une décision judiciaire n'a pas déjà été rendue. La Convention franco-américaine conditionne également l'arbitrage à la production dans un au moins des deux Etats des déclarations fiscales pour les années concernées, ainsi qu'à un engagement de confidentialité des parties. Dans le cas de l'UE, le contribuable peut avoir recours simultanément à la CEA et aux procédures d'arbitrage prévues dans les conventions fiscales bilatérales. La Convention entre la France et le Royaume-Uni exclut cependant cette possibilité.
Qu'en est-il de l'articulation avec la procédure contentieuse en cours ? En France, l'article L. 189 A du LPF (N° Lexbase : L0501IPA) prévoit la suspension des mises en recouvrement pendant la durée de la procédure amiable. Dans le cas de la CEA, l'effet suspensif est maintenu dans les trois mois suivant la notification au contribuable de l'accord intervenu entre les Etats, c'est-à-dire à l'issue de la décision issue de la commission consultative (12). L'entreprise française doit choisir entre la procédure judiciaire ou la CEA dans le cas où le délai de recours juridictionnel n'a pas encore expiré.
Les modalités de constitution de la commission arbitrale sont importantes, gages de l'impartialité de la décision. La CEA prévoit l'établissement d'une liste permanente de cinq personnalités indépendantes et compétentes désignées par les Etats et déposée au Secrétariat du Conseil de l'UE. Les arbitres ayant les qualités requises pour être président sont précisés. A chaque arbitrage, deux représentants de chaque autorité désignent, à partir de cette liste, d'un commun accord ou par tirage au sort, quatre personnalités indépendantes. Le nombre de représentants de chaque Etat peut être réduit à un. Dans ce cas, deux personnalités indépendantes sont désignées (13). Les membres de la commission consultative désignent ensuite un président à partir de la liste. La commission comprend donc au minimum cinq membres. Le nombre d'arbitres prévu par l'OCDE n'est, en revanche, que de trois. Chaque autorité nomme un arbitre, puis ces deux arbitres nomment un troisième membre qui agira en qualité de président. Au cas où les arbitres n'ont pas été choisis dans le délai prévu, ils sont nommés par le directeur du Centre de politique de l'administration fiscale de l'OCDE sous dix jours. Le Protocole d'accord franco-américain est conforme au modèle de l'OCDE avec le recours à trois arbitres. Il prévoit que le président n'est ni un résident de France, ni un résident des Etats-Unis et que les membres désignés ne soient pas des agents de l'administration fiscale. Une liste de présidents potentiels est établie par pays.
Les délais fixés représentent également un enjeu essentiel pour les entreprises. En effet, les redressements en matière de prix de transfert entraînent la constitution de provision dans les comptes. La CEA prévoit un délai de prise de décision d'un an : six mois pour permettre à la commission arbitrale de rendre un avis, puis six mois pour une prise de décision définitive par les administrations fiscales. La constitution préalable de la commission consultative ne devrait, en principe, pas dépasser six mois (14). L'OCDE recommande un délai inférieur à deux ans : trois mois pour établir un mandat définissant les questions devant être résolues, trois mois pour désigner des arbitres, deux mois pour désigner un président, six mois pour rendre une décision et précise également un délai de six mois pour application. Quant aux délais prévus par le Protocole d'accord franco-américain, ils se situent à près d'un an. Les délais de désignation des membres sont similaires à ceux prévus par l'OCDE : les Etats disposent ensuite d'un délai de soixante jours pour émettre leur proposition de résolution. La commission arbitrale rend sa décision dans un délai de six mois à compter de la nomination de son président. Le contribuable a ensuite trente jours pour donner son accord.
Différentes modalités de répartition des coûts de la procédure d'arbitrage sont possibles. La CEA et la Convention franco-américaine prévoient principalement que les coûts sont répartis de façon égale entre Etats. L'OCDE préconise en revanche principalement la prise en charge par chaque autorité des coûts afférents à sa propre participation dans la procédure, ainsi que la rémunération de l'arbitre qu'elle a nommé.
B - Le processus de prise de décision
Peu d'éléments sont indiqués avec précision sur les documents dont dispose la commission arbitrale pour prendre une décision. La CEA indique que les Etats doivent fournir à la commission, avant sa première réunion, tous les documents et informations pertinents et notamment tous les documents, rapports, correspondances et conclusions utilisés lors de la procédure amiable. Les contribuables et les administrations peuvent également transmettre des éléments qui leur semblent utiles à la prise de décision. L'OCDE prévoit que les arbitres ont accès à tous les renseignements nécessaires pour se prononcer sur les questions soumises à arbitrage, à l'exception des documents dont n'ont pas disposé les administrations avant l'arbitrage, sauf si les administrations en décident autrement.
L'arbitrage prévu dans la Convention franco-américaine stipule que les Etats adressent une proposition de résolution à la commission avec une note de position. Chaque Etat peut également adresser à la commission une réponse à la proposition transmise par l'autre Etat dans les cent vingt jours à compter de la désignation de son président afin de traiter toute question soulevée par cette proposition. D'autres renseignements peuvent être transmis à la commission mais uniquement à sa demande. Les échanges entre Etats et commission se font sous la forme de communications écrites et transitent par le président de la commission.
Les contribuables ne sont pas tenus informés des discussions mais uniquement de l'avancée des travaux. Si les discussions soulèvent de nouvelles questions qui induisent des compléments d'information auprès du contribuable, ils peuvent, dans le cadre de la CEA, se faire entendre ou représenter devant la commission consultative. La commission peut également, à son initiative, demander à entendre le contribuable ou un représentant. L'OCDE indique que le contribuable peut présenter sa position par écrit aux arbitres, soit directement, soit par l'intermédiaire de ses représentants. Avec l'autorisation des arbitres, il peut également présenter oralement sa position au cours de la procédure d'arbitrage. D'après le Protocole d'accord franco-américain, le contribuable peut transmettre une note de position pour examen par la commission d'arbitrage.
C'est par leur mode de décision que se singularisent particulièrement les arbitrages, avec la confrontation de deux modes de prises de décisions. D'une part, la CEA prévoit que les arbitres peuvent élaborer et proposer leur propre solution en la motivant. L'OCDE préconise également cette méthode de "l'opinion indépendante". D'autre part, le modèle de "baseball arbitration", utilisé par les Etats-Unis, impose aux arbitres de choisir l'une ou l'autre des propositions présentées par les administrations. Cette procédure, inspirée de la négociation salariale des joueurs de baseball professionnels américains, est destinée à encourager les administrations à transmettre des propositions raisonnables pour optimiser leurs chances de l'emporter. Les arbitres ne peuvent alors s'écarter de l'une ou l'autre des propositions des administrations. C'est ce mode de décision que prévoit l'Accord entre la France et les Etats-Unis. L'OCDE indique que cette approche de la "dernière meilleure offre" est également possible et la prévoit en cas de procédure alternative simplifiée. Un panachage de méthodes est également évoqué. La CEA, comme l'OCDE, précisent que les décisions doivent être prises à la majorité simple. La décision doit-elle être motivée ? Non, indique l'Accord franco-américain. Oui, précisent la CEA (l'avis doit contenir un certain nombre d'éléments dont les arguments et méthodes sur lesquels est fondée la décision) et l'OCDE (les principes juridiques, ainsi que le raisonnement qui sous-tend la décision doivent être inclus). Les décisions ne sont, en principe, pas publiées, mais cette possibilité est prévue si toutes les parties sont d'accord. L'arbitrage reste néanmoins une procédure confidentielle. L'administration fiscale française ne publie pas de chiffres sur le nombre de dossiers concernés, ni même les pays impliqués.
Les effets de la décision traduisent également une vraie divergence. En effet, dans le cadre de la CEA, les autorités ne sont pas liées par l'avis de la commission, contrairement aux règles communes de l'arbitrage. Elles disposent d'un délai supplémentaire de six mois pour trouver un accord dont le résultat doit aboutir à la suppression de la double imposition. L'OCDE et la Convention franco-américaine, dans la mesure où le contribuable accepte la décision, prévoient que la décision arbitrale s'impose aux Etats. L'accord peut se traduire par un ajustement corrélatif permettant d'éliminer la double imposition. La base imposable de l'entreprise associée se trouve dans ce cas réduite du montant rehaussé dans l'autre Etat. Des ajustements secondaires sont également possibles et les bénéfices réputés distribués peuvent donner lieu à des retenues à la source ou à la contribution sur les dividendes de 3 % pour la France.
Bien que l'arbitrage soit largement positif, dans la mesure où il contribue directement ou indirectement à résoudre les problèmes de double imposition, il existe des limites à cette procédure. D'une part, parce que peu de conventions contiennent une procédure d'arbitrage ayant une portée obligatoire. L'arbitrage mériterait ainsi d'être étendu par exemple aux pays émergents. D'autre part, la CEA reste limitée aux résolutions de problèmes de prix de transfert et n'est pas applicable en cas de pénalités graves, ce qui peut inciter les administrations à les utiliser comme moyen de pression pour empêcher les entreprises d'y avoir recours. La limitation des pénalités considérées comme graves à des cas de fraudes, comme recommandée par le Forum conjoint sur les prix de transfert, pourrait marquer une avancée pour l'UE dans les résolutions des différends fiscaux. Les cas de situations triangulaires peuvent également entraver la résolution de la double imposition. Enfin, des freins existent encore, y compris dans le cas de procédures obligatoires, qui peuvent résulter du manque de bonne volonté de certaines administrations à progresser dans la procédure. Le problème de la responsabilité des Etats se pose, ainsi que l'insuffisance de moyens juridiques pour le résoudre.
(1) En France : Constitution du 4 octobre 1958, art. 55 (N° Lexbase : L1320A9R).
(2) Modèle de convention fiscale OCDE, art. 25 (cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E8492ETP).
(3) Modèle de convention fiscale OCDE, art. 25, § 5.
(4) Convention fiscale franco-allemande, art. 25 A, modifié par avenant du 28 septembre 1989 (N° Lexbase : L6660BH7).
(5) Convention franco-canadienne, art. 25, § 5 modifié par avenant du 30 novembre 1995 (N° Lexbase : L6675BHP).
(6) Convention France-Kazakhstan du 3 février 1998, art. 25 (N° Lexbase : L6711BHZ).
(7) Convention fiscale franco-américaine, art. 26, § 5, modifié par avenant du 13 janvier 2009 (N° Lexbase : L5151IEI).
(8) Convention franco-britannique du 19 juin 2008, art. 26, § 5 (N° Lexbase : L7771ITY).
(9) Convention franco-suisse, art. 27, § 5 modifié par avenant du 27 août 2009 (N° Lexbase : L6752BHK).
(10) Reprise dans le BoFip - Impôts, BOI-INT-DG-20-30-20 (N° Lexbase : X9120ALD).
(11) Arrêté du 13 mars 2013, NOR: BUDE1307212A (N° Lexbase : L6067IWM).
(12) Bruno Gouthière - Les impôts dans les affaires internationales, Editions Francis Lefebvre, 5ème édition.
(13) Code de conduite révisé 2009/C 322/01, article 7.2, c).
(14) Code de conduite révisé 2009/C 322/01, art. 7.2, b).
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