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par Sophie Cazaillet, Rédactrice en chef de Lexbase Hebdo - édition fiscale
le 06 Juin 2013
Lexbase : Pouvez-vous nous présenter la fiscalité des entreprises et des investissements en Algérie ? Le système fiscal est-il très différent du système français ?
Yahia Amnache : La législation fiscale algérienne applicable aux sociétés s'inspire largement du droit fiscal français. Elle consacre les principes de la territorialité de l'impôt et de la source pour l'imposition des bénéfices des sociétés.
Les personnes morales réalisant des bénéfices en Algérie sont soumises à l'impôt sur les bénéfices des sociétés (IBS).
Les critères de rattachement des bénéfices des sociétés retenus par le droit fiscal algérien sont les suivants :
- installation matérielle présentant une certaine permanence et autonomie ou à défaut exercice d'une activité par l'intermédiaire de représentants ;
- cycle commercial complet.
Sont soumis à l'impôt sur les bénéfices des sociétés, les revenus des sociétés issus des :
- produits d'exploitation ;
- produits financiers (intérêts des créances, revenus des valeurs mobilières) ;
- subventions (subventions d'exploitation, d'équipement, d'équilibre) ;
- prix de transfert (sociétés de groupes).
Les taux applicables sont les suivants :
- 19 % pour les activités de production de biens, le bâtiment et les travaux publics, ainsi que les activités touristiques ;
- 25 % pour les activités de commerce et de services.
Le deuxième volet de votre question concerne la fiscalité des investissements.
Force est de constater que la fiscalité algérienne est très incitative à l'investissement national et étranger, comme il sera démontré ci-après.
Deux régimes sont applicables aux investissements.
Pour bénéficier des avantages fiscaux consentis par les textes législatifs et réglementaires, l'investisseur formule une déclaration d'investissement et une demande d'avantages auprès de l'Agence nationale de développement de l'investissement (ANDI).
Les projets d'investissement sont soumis au Conseil national de l'investissement, quel que soit le montant de l'investissement en question.
Les avantages consentis au titre de la réalisation de l'investissement sont les suivants :
- exonération des droits de douane pour les biens importés et entrant directement dans la réalisation de l'investissement ;
- franchise de TVA pour les biens et services importés ou acquis localement et entrant directement dans le cadre de l'investissement ;
- exemption de droit de mutation à titre onéreux pour les acquisitions immobilières.
Les avantages consentis au titre de l'exploitation pour une durée d'une année à trois ans se présentent comme suit :
- exonération permanente de l'impôt sur les bénéfices des sociétés (IBS) ;
- exonération de la taxe sur l'activité professionnelle (TAP).
En phase de réalisation de ces investissements, sont accordés, pour une durée maximale de cinq années, les avantages suivants :
- exonération et ou/franchise des droits et taxes pour les biens et services nécessaires à l'investissement ;
- exonération des droits de mutation pour les acquisitions immobilières ;
- exonération des droits d'enregistrement sur les actes constitutifs de société et augmentation de capital ;
- exonération de la taxe foncière sur les propriétés immobilières affectées à la production.
En phase d'exploitation, les avantages consentis pour une durée maximale de dix ans sont une :
- exonération de l'impôt sur les bénéfices des sociétés (IBS) ;
- exonération de la taxe sur l'activité professionnelle.
Lexbase : Quel est le modèle retenu pour l'imposition des particuliers ?
Yahia Amnache : La législation fiscale algérienne, applicable aux revenus des personnes physiques, s'inspire également du droit fiscal français.
Vous comprendrez donc qu'il s'agit d'un système déclaratif qui repose sur une participation active du contribuable et une présomption d'exactitude. L'administration se réserve, bien entendu, le droit de vérifier les déclarations des contribuables.
Au sens de la législation fiscale algérienne, sont considérées comme personnes physiques imposables celles qui sont fiscalement domiciliées en Algérie et qui y exercent une activité commerciale ou professionnelle, les sociétés civiles, les membres de sociétés de participation et les associés de sociétés de personnes.
Pour définir la notion de domicile fiscal, le droit algérien retient les critères suivants qui s'appliquent de manière alternative :
- la possession d'une habitation à titre de propriétaire ou locataire ;
- le séjour principal ;
- le centre des intérêts économiques ;
- l'exercice d'une activité professionnelle.
Plusieurs catégories de revenus nets concourent à la détermination du revenu soumis à l'impôt sur le revenu global (IRG), suivant un barème à taux progressif :
- les salaires ;
- les revenus des capitaux mobiliers (produits des actions et parts sociales, produits des créances, dépôts et cautionnements ;
- les plus values (immobilières, cessions d'actifs immobilisés) ;
- les bénéfices industriels et commerciaux ;
- les bénéfices non commerciaux ;
- les revenus fonciers.
Lexbase : La Convention fiscale franco-algérienne fait partie des conventions les plus larges en termes de champ d'application, puisqu'elle traite des impôts sur le revenu, sur la fortune et sur les successions. Comment les relations entre les contribuables des deux pays sont-elles favorisées ?
Yahia Amnache : Effectivement, la Convention fiscale franco-algérienne est large en terme de champ d'application.
A l'instar des conventions fiscales, elle vise à éliminer la double imposition et lutter contre la fraude et l'évasion fiscales internationales.
En permettant l'élimination de la double imposition, elle contribue à l'instauration d'un climat favorable aux investissements et donc aux contribuables des deux pays.
La double imposition peut être juridique ou économique. Il y a double imposition juridique dès lors que deux Etats assujettissent à l'impôt une même personne pour son revenu total.
La double imposition économique se manifeste lorsque deux personnes différentes sont imposables au titre d'un même revenu.
A l'instar de toutes les conventions fiscales internationales, celle signée par l'Algérie et la France reprend les méthodes de l'exonération et de l'imputation.
La méthode d'exonération est appliquée aux revenus d'exploitation des entreprises, tandis que la méthode d'imputation s'applique aux revenus des personnes physiques (intérêts, dividendes, redevances...).
En vertu de la méthode d'exonération ou d'exemption, l'Etat de la source se voit accorder le droit exclusif d'imposer des revenus déterminés.
Si l'exonération est totale, le pays de résidence s'abstient d'imposer certains éléments du revenu. Si l'exonération est progressive, le pays de résidence se réserve le droit d'imposer certains éléments du revenu en tenant compte de l'exemption accordée par le pays de la source.
En vertu de la méthode du crédit d'impôt, le pays de résidence, tout en imposant les revenus réalisés dans le pays de la source, accorde un crédit d'impôt d'un montant égal à celui initialement payé dans ce dernier Etat.
L'instauration d'un climat favorable aux investisseurs des deux pays est également confortée par la consécration du principe de la non-discrimination.
Ce principe de non-discrimination permet d'éviter les traitements plus favorables susceptibles d'être accordés par les autorités fiscales d'un Etat aux contribuables nationaux au détriment de ceux ayant la nationalité étrangère.
Une telle clause reflète un souci de protection des ressortissants d'un Etat à l'encontre d'éventuelles discriminations instituées dans le système de l'autre Etat.
Par ailleurs, la Convention fiscale franco-algérienne consacre la procédure amiable comme moyen de règlement des difficultés d'application des clauses qu'elle contient. Il s'agit d'une garantie pour le contribuable dans la mesure où elle lui permet de faire valoir ses droits.
Il s'agit en fait d'une voie de recours, permettant à un contribuable de saisir l'Etat de sa résidence en cas d'imposition non conforme à la convention. Celui-ci avisera à son tour l'autre Etat pour solutionner le problème dans le cadre de cette procédure à caractère bilatéral.
La demande d'ouverture de la procédure est formulée indépendamment des voies de recours prévues par le droit interne.
Lexbase : Concernant l'échange de renseignements, la Convention ne prévoit pas la levée du secret bancaire. Cela crée-t-il une zone d'opacité sur les flux financiers entre les deux Etats ?
Yahia Amnache : L'assistance administrative ou l'échange de renseignements prévu par la Convention fiscale franco-algérienne s'inspire de l'article 26 des modèles de convention de l'OCDE et onusien.
Les limites de cette assistance sont prévues par les conventions fiscales elles-mêmes. En effet, l'Etat requis peut toujours invoquer, non seulement, le sacro-saint secret bancaire, le secret commercial, mais aussi l'ordre public, qui est une notion générale et large.
De plus, l'Etat requis n'est pas tenu de déroger à sa législation fiscale interne ou à sa pratique administrative pour fournir à l'Etat requérant des renseignements qui révéleraient un quelconque secret.
Il est donc évident que les secrets précités entravent la procédure d'échange de renseignements et, partant, la détermination de la matière imposable.
Lexbase : Pour finir, pensez-vous que les relations fiscales franco-algériennes sont satisfaisantes ? Certaines améliorations pourraient-elles être apportées ?
Yahia Amnache : Les relations fiscales entre Etats sont toujours perfectibles. On peut dire que le premier objectif, qui est l'élimination de la double imposition, peut être facilement atteint. En effet, les méthodes afférentes sont très précises et partant, d'application simple.
Cependant, la réalisation de l'autre objectif, qui est la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales, reste tributaire de la levée des secrets précités, et surtout le sacro-saint secret bancaire. Mais ce dernier a encore de beaux jours devant lui quand on sait les intérêts en jeu que cette levée pourrait induire et la réticence des paradis fiscaux, aujourd'hui nombreux.
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